forum sur la sante oculaire cnpc / sho ( 18 et 19 mai 2012 )

FORUM SUR LA SANTE OCULAIRECNPC / SHO (18 et 19 mai 2012)

Cécité et réadaptation ou réhabilitation : l’approche de la

SHAA

Intervention du Dr. Michel A. PéanCoordonnateur National / SHAA

19 mai 2012

Cécité et réadaptation ou réhabilitation l’approche de la SHAA

Chers compatriotes , Chers amis étrangers,

C’est un immense plaisir pour moi d’être avec vous. L’organisation de ces deux journées de réflexion citoyenne sur les enjeux et les défis de l’ophtalmologie en Haïti est, à mes yeux, un témoignage éloquent du grand intérêt que vous accordez, que nous accordons, tous, à ce phénomène de société qu’est l’ophtalmologie communautaire et à une problématique qui lui est intimement associée, celle de la réadaptation de la déficience visuelle.


1. Présentation de la SHAA / Quelques aspects (nature, localisation, vision, mission, philosophie).

D’entrée de jeu, je dois vous dire que la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA) est une association de et pour personnes aveugles et mal - voyantes. Elle a été créée le 23 février 1952 et, par voie de conséquence, deux mois de cela, nous avons commémoré les 60 ans de l’Institution. Elle est présente dans 8 des 10 départements du pays et son quartier général est localisé à Delmas 31, Rue V. Ricourt # 12 . Tél: (509)2943-1131 / 2943-1155Website : www.shaa-haiti.orgEmail : [email protected]

mailto:[email protected]


A la SHAA, nous avons une vision très large des choses et des gens de ce monde. C’est la vision d’une société inclusive, une société qui prend en considération les besoins, les aspirations, en un mot, le rêve de tous ses fils et de toutes ses filles.

La mission de la SHAA consiste à prévenir la cécité, à promouvoir les droits et les devoirs des personnes aveugles et malvoyantes, en d’autres termes, à les réhabiliter.

Menm lè nou pa santi anyen nan je nou, ale kay yon doktè je chak 6 mwa.


Tout ceci repose sur une philosophie d’intégration, laquelle n’a rien à voir avec la charité, le ‘’bon cœur’’ des uns et des autres. Cette philosophie d’intégration est axée sur le bon sens, l’autonomie du raisonnement, la dignité humaine, le respect des libertés citoyennes.

2.- Handicap – Déficience – Incapacité / la réhabilitation c’est quoi ?

Il convient de vous rappeler que le handicap est avant tout un phénomène social. Il ne s’identifie ni à la déficience (une insuffisance), ni à l’incapacité (Une limitation fonctionnelle).


Pour reprendre les mots du professeur Charles Gardoux, le handicap est la résultante d’une contradiction entre la déficience et l’environnement, au sens large du terme, dans sa dimension culturelle.

De manière très concrète, le handicap; c’est l’ensemble des barrières (physiques, sociales, culturelles, idéologiques, politiques etc.) qui empêchent à la personne en situation de déficience de participer aux activités de la vie sur un même pied d’égalité avec les autres et cet empêchement constitue une atteinte grave aux droits humains.


A tous ces empêchés, et pour être plus spécifique, à tous ceux et à toutes celles dont la vue ne peut pas être restaurée et qui se trouvent en situation de handicap, nous leur disons, au nom de la SHAA : "perdre la vue, ce n’est pas perdre la vie".

En ce sens, la réadaptation ou réhabilitation, se définit comme étant un long processus, un processus de longue patience, comportant différents aspects (psychologique, moral, médical, social, technique etc.) dont la finalité est de permettre à la personne aveugle ou malvoyante de s’adapter aux réalités sociales, sous l’égide de la loi, laquelle est supposée être la même pour tous.


3.- L’approche de la SHAA en matière de réhabilitation

3.1.- Réhabilitation morale ou psychologique Accepter le handicap visuel, avec toutes les conséquences que cela entraine, ce n’est définitivement pas une chose évidente en Haïti. D’ailleurs, dans la mentalité haïtienne, une personne handicapée, et dépendamment du type du handicap, est vite taxée, étiquetée de ’’kokobe’’. Le ’’kokobe‘’, au sens large du terme, est un invalide, un ’’bon à rien’’, autrement dit, une personne qui n’en est pas une.


Ainsi, la SHAA, dans une perspective de rupture avec les pratiques discriminatoires et pour porter la personne déficiente visuelle à accepter son handicap, a mis à la disposition de sa clientèle un support moral et psychologique. Assuré dans une certaine mesure par les instructeurs en réhabilitation, ce support tend à devenir plus professionnel, avec les services d’une psychologue dévouée à la SHAA et aussi les bons offices du centre psycho-trauma.

3.2.- Réhabilitation Institutionnelle

Comme vous le savez, il y a deux types de réhabilitation :


La réhabilitation en institution ou réhabilitation institutionnelle et la réhabilitation communautaire qui se réalise sur le terrain; dans l’environnement naturel du participant au programme.

Dans le cadre de la réhabilitation institutionnelle, à part la dimension psychologique du travail, dans l’organigramme de la SHAA, sont relatés les services suivants :

Service de renseignement, d’orientation et de recrutement.

L’équipe affectée à ce travail est chargée d’identifier les aveugles, de les recruter, afin qu’ils deviennent membres de l’Institution et aussi de les orienter vers des services qui correspondent à leurs besoins.


Service de bibliothèque spécialisée comprenant des livres sonores, des livres en écriture braille et des livres en caractères réguliers pour les accompagnateurs voyants, les parents des personnes aveugles ainsi que le public avoisinant la SHAA.

Actuellement le fond de la bibliothèque est de 3.478 livres et ceci facilite l’accès des non-voyants à la lecture et au savoir en général.

Service d’alphabétisation et de post alpha -braille. C’est dans le cadre de cette unité que se réalise principalement l’apprentissage du braille. On s’adonne également aux opérations de calcul, aux règles de savoir vivre, à des notions d’histoire et de géographie d’Haïti, à toutes les questions relatives aux Droits et aux Devoirs des personnes en situation de handicap.


3.3.- Réhabilitation communautaire

Comme souligné plus haut, la réhabilitation à base communautaire est un travail de proximité auprès des aveugles, les parents de ces derniers, des gens du voisinage et des localités de base; et ceci, dans une perspective d’intégration sociale.

Les techniques diffusées, dans ce cadre, ont un caractère pluriel. En voici quelque unes :

o Techniques du guide voyant : L’instructeur en réhabilitation apprend aux accompagnateurs des aveugles la manière de circuler avec ses derniers de façon sécurisante.

o Les habiletés de la vie quotidienne :

Comment se brosser les dents ? Comment faire son lit ? Comment manger à table ?

comment prendre soin de ses enfants ? etc. Ce sont autant de questions à traiter dans cette section.


o Techniques d’orientation et de mobilité : Comment se déplacer dans un environnement connu ou étranger sans se cogner ou s’égarer ? Tel est le fond de cette question.

o Techniques de gestion des petites et

moyennes entreprises : techniques devant faciliter l’accès des personnes aveugles et mal voyantes au monde des affaires.

o Techniques d’éducation intégrée :

Dans le cadre de l’éducation intégrée, il est prévu, entre autres, un personnel spécialisé composé de professeurs itinérants ou mobiles, d’auxiliaires de vie sociale, de transcripteurs braille, etc.


Ils sont là pour venir en aide aux élèves déficients visuels, aux parents de ces derniers, aux professeurs titulaires, et, dans une certaine mesure, aux directeurs d’école. Il est prévu également du matériel adapté, du matériel didactique, à l’usage des élèves et étudiants en situation de handicap visuel.

Là, nous faisons allusion aux machines à écrire le braille de type Perkins, aux tablettes et poinçons, aux ordinateurs à synthèse vocale et à imprimante braille, aux machines thermoformes / des photocopieuses brailles, aux cartes de géographie en relief, aux montres brailles ou sonores etc.


SHAA BILAN 2011 / DONNÉES STATISTIQUES I.- IMPLANTATION

_Départements : 9_Communes : 67_Sections communales : 114

II.- RÉHABILITATION _Nombre de personnes ayant accès à ce service : 1043

Hommes : 561Femmes : 482 III.- ÉDUCATION

_ Nombre d’élèves non-voyants encadrés et supportés par l’Institution : 78

Garçons : 45 Filles : 33_ Adultes alphabétisés en braille : 10 Hommes : 4 Femmes : 6

IV.- FRÉQUENTATION DE LA BIBLIOTHEQUE SPECIALISÉE. _ Nombre total d’usagers : 116


V.- MOTIVATION COMMUNAUTAIRE A DES FINS DE PREVENTION DE LA CECITE ET DE PROMOTION DES DROITS DES NON-VOYANTS.

_ Nombre de personnes touchées : 12.220 VI.- RECRUTEMENT

_ Nouveaux membres recrutés : 131Hommes : 61 Femmes : 70

VII.- ASSISTANCE MÉDICALE

_ Personnes envoyées au cabinet des médecins : 221_ Nombre d’opérations de cataracte : 6

VIII.- SERVICE SOCIAL (Support Alimentaire)

_ Nombre de bénéficiaires directs : 743_ Nombre de bénéficiaires indirects : 3.715

IX.- VISITE AU BUREAU DE LA SHAA

_ Nombre de personnes accueillies : 2.447Hommes : 1120 Femmes : 1.327

X.- NOMBRE TOTAL DE PERSONNES TOUCHEES : 20.724


Tout ceci nous conduit à la conclusion que la cécité ne doit pas être envisagée de façon pathétique. La cécité n’est pas un drame et, en ce sens, elle ne saurait être perçue comme un défaut de la personne.

C’est tout simplement, ‘’un style de vie comme un autre’’, pour employer les mots de Jorge Luis Borges.

Pour avoir collaboré, à un moment déterminé, avec le Docteur Reynold Mossanto, de regretter mémoire et qui est considéré à juste titre comme le père de l’ ophtalmologie communautaire en Haïti, je dirais en conclusion que les professionnels de l’ ophtalmologie et les professionnels de la réhabilitation ou réadaptation sont condamnés à vivre ensemble, en harmonie certaine, en correspondance baudelairienne, si l’expression m’est permise, sous peine d’être sanctionnés par le tribunal inexorable de l’ Histoire.

Merci à toutes et à

tous

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