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COLLECTION RAPPELS

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Requiemsuivi de

Fausse route

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Du merne auteurchez le merne editeur

La derniere fuguesuivi de Duel et de KingEdward, 1999

L'homme efface, 1997Le bateleur, 1995

French Town, 1994(prix litteraire du Gouverneur general;

reedition en 1996 et 2000)

Corbeaux en exil, 1992

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Michel Ouellette

Requiem suivi de

Fausse route

théâtre

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives CanadaOuellette, Michel, 1961-Requiem suivi de Fausse route: théâtre (Rappels)ISBN 2-89531-006-8 I.Ouellette, Michel, 1961-. Fausse route.II. TitreIII. CollectionPS8579.U424R46 2001 C842’.54 C2001-900229-7 PQ3919.2.093R46 2001

Diffusion au Canada : Dimédia

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de parole appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contemporaine.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (programme Développement des communautés de langue officielle et Fonds du livre du Canada) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

Mise en page : Robert YergeauCorrections des épreuves : Jacques CôtéImprimé au Canada.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Cet ouvrage a été publié originalement aux Éditions du Nordir.Copyright © Ottawa, 2001 pour la version papierCopyright © Ottawa, 2012 pour la version électroniqueÉditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2www.prisedeparole.ca

ISBN 2-89531-006-8 (Papier)ISBN 978-2-89423-720-5 (PDF)ISBN 978-2-89423-839-4 (ePub)

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REQUIEM

a fait l'objet d'un travail d'atelier au Centre des auteurs drama­tiques.

Le texte a ete lu adeux occasions: a Quebec, dans le cadre desRendez-vous dramaturgiques, du Theatre Niveau Parking, le 15octobre 1999, dans une mise en lecture de Gill Champagne, avecGuy Daniel Tremblay, [ean-Sebastien Ouellette et CarolineStephenson; et aMontreal dans le cadre de la 14e Semaine de ladramaturgie, du Centre des auteurs dramatiques, le 7 decembre1999, dans une mise en lecture de Gill Champagne, avec MarcLegault, Sebastien Ricard et Isabelle Roy.

Les personnages:

BOBOTTElepire

PIERRE-PAULlefils

CINDYla fille

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REQUIEM

On entend la fin du Requiem de Mozart. Deux hommes,BOBOTTE et PIERRE-PAUL, sont lao lIs portent des combi­naisons de mecanicien blanches. Celle de Bobotte est souillee etcelle de Pierre-Paul, immaculee. II y a des debris d'une vieillecamionnette, une porte percee de trous de balles. Pierre-Paul tientun fusil de chasse. Une femme, CINDY; porte une robe fleurie.Elle est assise a une table, crayon a la main, devant une pageblanche, un cahier d'exercices et un dictionnaire.

CINDY: (Elle lit avec difficulte.) Qui est le personnageprincipal?... QueUe est la faiblesse du personnage principal?...Quand se passe l'action?.. Oo se passe l'action?.. Composeun recit d' aventures...

A la recherche d'un mot, Cindy ouvre le dictionnaire. Pierre-Paulmet le canon du fusil dans sapropre bouche.

BOBOTTE: Feu!

Cindy referme bruyamment le dictionnaire.

BOBOTTE: Pas mort. Pas mort. Pas mort.

CINDY: J'aurais pas duo Je devrais pas. J'aurais durester couchee. Essayer de dormir. J' en ai besoin. Je pensaispas que. C'est en ouvrant le dictionnaire. J' aurais du choisirun autre dictionnaire que Le Petit Larousse illustre. Le PetitRobert, peut-etre. J' ai pas pense que. C::a me ferait ca. Undictionnaire, c'est juste des mots. Je pouvais pas me douterque s:a pouvait reveiller des souvenirs de merne, Des mots...Deja sept ans. Que Pierre-Paul. Dans le garage ... Le souvenirde mon Frere s'agite en moe, ce soir. Parce que j'ai ouvert leLarousse... Va te coucher, Cindy. C'est pas tes exercicesd' alphabetisation qui vont te donner le sommeil. Arrete delire. Pense pas a ecrire. Laisse les mots tranquiUes. Va juste te

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MICHEL OUELLETTE

coucher. Ferme les yeux. Compte des moutons. Tu vas tomberendormie. Dormir... Je serai pas capable. La. Je suis tropreveillee. (Elle met une main sur son ventre.) Pis toe, aussi, r'estrop reveille. Mon p'rit Chose. Aujourd'hui, je t'ai VUe Tebattre en dedans de moe. Des coups de lumiere dans le noirde mon ventre. Un echo de vie. Pis j'etais si heureuse. Mais ...Aujourd'hui, a l'echographie, j'ai vu que t' etais un garc;on.

BOBOTTE: Pas une fille, sacre!

I. INTROITUS: REQUIEMAETERNAM

PIERRE-PAUL: Donnez-moi Ie repos erernel, Seigneur,et faites luire pour moi la lumiere eternelle. [Version Irancaise du

texte latin du Requiem de Mozart.]

BOBOTTE: Pas mort!

CINDY: P'pa.

PIERRE-PAUL: Avous, 0 Dieu, revient la louange enSion; c' est envers vous que des vceux sont accomplis aJerusalem.

CINDY: Pierre-Paul.

BOBOTTE: Pas mort!

PIERRE-PAUL: Exaucez ma priere: toute chair vousreviendra.

BOBOTTE: Quand j'etais ptit, mon pere, Me battait.Y vargeait sur moe. Agrands coups. Pour rien. Pour n'importequoi. Mais quand j'ai ete assez grand. J'y ai sacre la volee. Desa vie. Y a fini la face sur le plancher. Mon pied dans le dose

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REQUIEM

Pis j'y ai verse sa maudite biere. Sur la tete. c;a que j' ai fait. Amon pere. c;a que j' attendais de toe. Pierre-Paul. Mais t'as

jamais voulu lever la tete. Pis m'affronter. Jamais me sacrer. La

volee que je meritais, Tu m'as laisse mourir. De merne. Pas

battu, Pour era que je me bats. Encore dans rna tombe. Merrie

la mort m'a pas battu, T'as pas fait ce qu'y fallait pour moe.

Mon arne repose pas.

PIERRE-PAUL: Donnez-moi le repos eternel.

CINDY: Laissez-moe dormir.

BOBOTTE: Toutes les fois que j'ai voulu. Mourir.

Marche dans Ie bois. En plein hiver. En pleine ternpete. Dans

le bois. Le froid mordant. Au travers de mon linge. Moe,

sacrant. Pour que Dieu me prenne. Mais Dieu. Veut pas de

moe.

PIERRE-PAUL: J'etais lui pis y etait moe. On etait le

merne calice.

BOBOTTE: Dieu dans un hotel. Une chicane dans une

bouteille. De rye. Tous les jurons de rna maudite yeule sale.

Garroches contre les murs trop sombres. Les lumieres trop

fortes. Des danseuses. Qui se dehanchent, Qui se dernanchent

en morceaux. Dans la lumiere. Sur le stage. Moe, acote. Moe,

soul. Moe qui strippe. Pis les chums qui applaudissent. Pis la

fille qui rit de moe. J'y calice une bonne claque. Dans la face.

La police. Sur le stage. Me garroche en cage.

PIERRE-PAUL: Toute la lumiere sur moi.

BOBOTTE: Pas mort. Pas mort. Pas mort. Sorrez-rnoe

done de rna tombe. Si je suis pas mort.

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MICHEL OUELLETTE

PIERRE-PAUL: Le Requiem de Mozart remplit le si­lence.

BOBOTTE: Pas mort. Pas mort. Pas mort.

CINDY: Je le sais que t' es pas mort, p'pa. Toe pisPierre-Paul, vous vous chicanez toujours. En dedans de moe.Cette nuit. Avec mon p'tit Chose. C'est de rna faute. Je vousoublie pas. Comment je pourrais? Gilbert, j'ai ete comme toependant tant d'annees. Mon pere, Mon idole. Pis Pierre-Paul.

Mon grand Frere. Je te dois tout, aujourd'hui. C'est acause de

toe si j'ai pu me refaire une vie. Martin pis moe, on a hcritede tes affaires. J'en voulais pas au debut. J'ai dit a Martin detout garder pour lui. Parce que tu l'aimais, Martin, commeton p'tit frere, comme ton fils presque. Mais, moe, j'avaisbesoin d' argent. Martin m' a convaincue d' accepter. Avec ton

argent, j'ai change de vie. Je me suis achete un camion detransport. Pour etre independante. Pis je suis des coursd' alphabetisation. Pour mieux parler. T'es pas fier de moe? Jesuis mieux que j'etais. Ecoute. T'entends la musique. C'est leRequiem. Le seul disque que t' ecoutais, Martin pis moe,quand on a ramasse tes affaires, on en a trouve des dizaines deversions chez toe. Pas d' autres disques dans ton appartement aToronto. T'ecoutais-tu juste ca? Moe, je l'ecoute parce que.

J' ai pitie de toe. Ta vie rnanquee.

II. KYRIE ELE/SON

PIERRE-PAUL: Seigneur, ayez pitie de nous. Christ,ayez pitie de nous. Seigneur, ayez pitie de nous.

BOBOTTE: Pas de pitie, Pas les yeux des autres. Surmoe. Qui me deshabillent, De rna peau. De mes os. Pour voir.

La face pis le fond. De mon coeur, Pas ca. Pas ca. Pas s:a. Voyezjuste ce que vous regardez. Ma yeule en calice. Mes mains en

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poings ferrnes. Mes epaules carrees, Rondes de misere. Mais lagigue dans mes. Pieds. Lenvie de danser. Qui cherche a mesecouer. Le squelette. Entendez ce que vous ecoutez, Ma yeulepleine. De chansons. A rire. A boire. A sacrer. Entendez-rnoe.Roter. Cracher. Peter. Entendez-moe. Vivre. Sans savoir com­ment. Pas de classe. Pas de grimaces. De singe. Pour monsieur,madame. Sentez ce qui vous monte au nez. La biere, Le rye.Pleine la bouche sale de sacres. Mal dits. Maudits mots sales.Sentez la sueur de mon corps. Lodeur du cul, Animal. Quimonte du fond. De mes culottes. Stie de calice de ciboire. Je

SUIS pas.

PIERRE-PAUL: J'etais autrement moi. Sans definition.

J'etais debout, nu. Tout nu. Au cceur des regards. Je posaispour des etudiants au College d'art, pour payer mes etudes.J' etais leur modele.

BOBOTTE: Pas mort. Pas mort. Pas mort.

PIERRE-PAUL: Nu, tout n u, dans la lurniere del'atelier. Les etudiants me croquent sur le vif Autour de moi,Ie maitre encourage ses disciples. Le fusain marque le papier.Chaque coup marque rna peau, fait surgir toutes les blessures.

BOBOTTE: Merrie si enterre. Six pieds en dessous. Laterre veut pas de moe. Les vers. Me touchent pas. Je decom­pose pas. Fa que. Fa que. Fa que. Pas de pitie, Toute votre pi­tie. A pas reussi am'enterrer.

PIERRE-PAUL: Le Requiem s'eleve et m'ensevelit, Jecroyais que l'art pouvait me sauver.

BOBOTTE: Fa que. Fa que. Je suis pas mort.

PIERRE-PAUL: A la fin d'une seance, nous sommesseuls, le Maitre et moi. Je suis toujours nu. Le Maitre s'ap-

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proche. II pose une main tendre sur ma peau. Je frissonne. Jepleure. Je crie. Je rn'affole. Ces mains sales, tachees de fusain.Ces mains sales me font penser aux mains de.

BOBOTTE: Pas mort. Pas mort. Pas mort.

PIERRE-PAUL: Le Dies irae vibre de plus en plus enmol.

CINDY: J'aurais pas dli le faire jouer, le disque. La.Meme quand y joue pus. Je l'entends. Dans le fond de moe.Avec mon p'tit Chose. Je vas-tu virer folIe? Si, au moins, Reneetait icitte avec moe. Rene. Mon homme. Me prendrait, lui.Dans ses bras. Pis y me chanterait une p'tite chanson douce.Pis j'enrendrais pus Gilbert pis Pierre-Paul. Juste mon p'titChose. Des p'tites mains, des p'tits pieds qui poussent sur lapeau de mon ventre. Mon enfant. Parle, Cindy. Pour fairetaire les autres. Raconte. Tes souvenirs a toe.

III. SEQUENZa) Dies irae

PIERRE-PAUL: Jour de colere!

CINDY: C'etait le premier jour de la chasse a perdrix.

PIERRE-PAUL: Jour de colere!

CINDY: Gilbert.

BOBOTTE: Bobotte.

CINDY: Y avait decide que c'etait le temps de montrera Pierre-Paul comment chasser.

BOBOTTE: Embarque.

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CINDY: Pierre-Paul voulait merne pas y aller.

BOBOTTE: Viens-t'en,

CINDY: Mais moe, je voulais y aller. Moe, j'etais prete.

J' etais deja dans le pick-up. J' avais mis mes grosses bottes derubber, mon p'tit manteau de laine, une veste rouge a p'pa, pis

rna casquette.

PIERRE-PAUL: Jour de colere!

CINDY: P'pa part le pick-up. J'etais to ute contente.Pierre-Paul, lui, y boudait sur le bord de la vitre. Mais la mere

sort de la maison, les baguettes dins airs, tout affolee. Elle

oblige p'pa de me sortir du pick-up.

PIERRE-PAUL: Jour de colerel

CINDY: «Dans ta charnbre!»

BOBOTTE: Prends le fusil.

CINDY: Saute sur le lit, me cogne la tete au plafond du

premier coup. Fonce dans le mur. Donne des coups de pieddins portes du garde-robe. Dechire to utes mes maudites robesfleuries. Prends mes catins. Arrache les bras, les jambes, lesteres, Calice toute contre le mur. Prends la maison de catins

pis saute dessus, l'ecrase avec mes pieds, la defais toute en

morceaux.

PIERRE-PAUL: Jour de colerel Ce jour-la qui reduira le

monde en poussiere... Ce jour-la...

CINDY: Je voulais pas penser a s:a. Je voulais trouverdans rna memoire un beau souvenir. Je suis pus de meme, Pus

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cette colere-la dans moe. Autre chose, lao Toe. Mon p'titChose.

BOBOTTE: Tue 1'enfant.

PIERRE-PAUL: J'ai reduit Ie monde en poussiere. Cejour-lao C'etait la premiere fois que ma vie etait a moi. Jevoulais devenir un homme.

BOBOTTE: Mon p'tit chrisse.

PIERRE-PAUL: J' ai vingt-deux ans. Pour celebrer la finde mes etudes universitaires. Je decide de mettre un ocean.Entre ma famille et moi. Je veux devenir un homme.

BOBOTTE: Arrive icitte.

PIERRE-PAUL: Avant Ie depart. Avant. Le billetd'avion dans la main. Je regarde bruler, Le Petit Larousseillustre. De mon enfance. Dans 1'atre du barbecue. Que nousavions achete. Les colocs et moi. Que nous avions installe. SurIe balcon. Barbecue. «Nom masculin. Mot anglo-arnericain,de l' espagnol barbacoa, d'origine indienne. Appareil decuisson a l'air libre...» Oui, je suis libre. Pas heureux. Maislibre. Libre d'etre. Je suis au debut de ma vie. Ma vie. Lamienne. Pronom possessi£ Ce que je possede de plus cher aumonde. En cette journee. Brule sous mes yeux. Le PetitLarousse illustre. De mon enfance. Monte en fumee. Tous cesmots, pour moi, si chers. Reduits en cendres. Poussiere decendres. Rien. Mes yeux libres de ces mots. Dans ma bouche.Maintenant. Maintenus entre mes dents. Sur ma langue. Desmots a moi. A. quoi bon trainer un vieux dictionnaire apprispar cceur, De l'autre cote de l'ocean. Jour de colere. Jour decolere. La colere. C'est la colere, Qui m'a pousse a acheter. Unbillet d' avion pour 1'Europe. C'est la colere. Qui m'a pousse a

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flamber le livre de mon enfance. La colere. D'etre refuse. IIm' a refuse le retour. Lui.

BOBOTTE: Reste done. La-bas, Qu'y reste la, Qu'y

aille done se perdre a l'autre bout du monde. Maudit lache.

PIERRE-PAUL: Quelle terreur ce sera lorsque le juge

viendra pour tout examiner avec rigueur!

BOBOTTE: Qu'y vienne, le jugee Arrive, le jugee Juge­

moe done. Dans ma tombe. Regarde mon squelette. Mon

corps vide de. Ses tripes. Regarde pis jugee Je suis la encore

vivant. Encore battant.

CINDY: Pauvre p'pa, J'aurais du etre ton fils. Si. Jer'aurais compris, moe. Je te comprenais. Mais j'etais une fille.

Pis. Je t'ai pris dans mes bras, moe. Souvent. Pour te consoler.

Quand la rage en dedans de toe t' avait tout ravage. La colere

etait devenue de la tristesse. Je me souviens de tes larmes. Jeme souviens de tes mots. Amoe, t'as tout dit ce qu'y avait en

dedans de toe de secret parce que trop brise pis trop doulou­

reux. Si r'avais parle de s:a a Pierre-Paul au lieu de le battre.

Tu. Vous auriez pu vous entendre.

b) Tuba mirum

PIERRE-PAUL: La trompette jetant ses sons etonnants

dans les regions des tombeaux.

BOBOTTE: Je I'entends pas. La trompette. j 'entends

pas mon cceur battre. J' entends mes poings. Contre le

couvercle. Mes poings. Toute une vie de poings. Dans les

murs. Des coups. Dans les murs de ma maison. Des coups. La

maison comme. Une maudite tombe. Voulais pas etre la.Dedans. Avec une femme pis des enfants. Une femme. Brulee

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MICHEL OUELLETTE

par en dedans. Toute brulee par en dedans. Ca donne quoi.

Une femme au ventre consume. Des enfants qui sont. Desbatons de cendres. Encore chauds. A tout moment prets, Areprendre. Repandre le feu. Qui veut bruler dans la maison.

Pis moe qui varge. Dessus. Pour l'eteindre. Reste pas dans la

maison. Sors. Reste pas la, Entoure par le feu. Des autres.Sors.

PIERRE-PAUL: Amsterdam.

CINDY: Oh! oui! Pierre-Paul, parle-rnoe de tes voyages.

Je me souviens de tes cartes postales. Ecoute, mon p'tit Chose.

Un jour. Toe itou. Tu voyageras comme s:a. C'est bon le

voyage. c;a change Ie mal de place.

PIERRE-PAUL: Le musee national Van Gogh. Rijks­

museum. Je suis teste la, Longtemps. Acontempler ces chefs­d'ceuvre. Les autoportraits. C'etait comme regarder dans unmiroir. Le tableau me rappelait amoi. Les coups de pinceau.

Les eclats de tous les jaunes possibles. Du jaune blanc au

jaune rouge. Aussi le bleu. Aussi le vert. Des coups deflammes. Un visage allume, Illumine.

BOBOTTE: Sors. Reste pas la,

PIERRE-PAUL: Je quitte le rnusee allume, illumine. Jeveux rn'engloutir dans la foule frileuse. Mais meme le ciel gris

de nuages gris, merne la pluie grise n'arrivent pas aeteindre lefeu rallume en moi. Des flammes jaunes, blanches et rouges,

vertes et bleues.

BOBOTTE: Sortir. Pis virer fou.

CINDY: Non. Non.

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REQUIEM

PIERRE-PAUL: Je suis un tableau de Van Gogh deam­bulant sous la pluie. Grise d'Amsterdam. Je suis.

BOBOTTE: Fou.

PIERRE-PAUL: Moins que moi.

BOBOTTE: Sauvage.

PIERRE-PAUL: Hors de moi.

BOBOTTE: Sale.

PIERRE-PAUL: Plus que moi. Invisible aussi. Aux yeuxdes passants. Ma condition est insoutenable. Alors j' entredans un bistro.

BOBOTTE: Dans un hotel.

PIERRE-PAUL: La Heineken n'a pas reussi a eteindreIe feu.

BOBOTTE: De la biere. De la biere. Dans la gorge. Pisle feu. Grandit. Pis je monte la voix. Je parle fort. Je chantefort. Je ris fort. Je crache dans le pissoir. Avant de. Pisser rnabiere, Je sacre en sortant.

PIERRE-PAUL: Un homme soul tombe sur rna table.

BOBOTTE: On me sort de force. De l'hotel. Parce queje suis pas. Du monde. Pis dehors, dans Ie parking. Je donneun coup de poing sur le pick-up. Pis je grimpe dessus. Parcequ'y a trope D'etoiles. Dans Ie ciel. Pis la lune est tropeBrillante. Pis je saute sur le hood. Je capote. En hurlant. Pisautour. Y a des yeux pleins. De bieres, Qui rient. Pas grave.

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MICHEL OUELLETTE

Pas grave. Pas grave. Je hurle. Pis Ie silence de la nuit. Se brise.

Contre les murs de l'hotel,

PIERRE-PAUL: Lhomme soul gueule.

BOBOTTE: (II rit.) J'entends une trompette. Comme.

Le bruit d'une trompette. Des trompettes. Qui vient du fond

de la nuit. Autour de moe. Le bruit de dizaines de trompettes.

Des centaines. Pis la lumiere apres, Au milieu du bruit. Je suis

debout sur le hood. Du pick-up. Pis autour de moe. Des yeux

brillants. Des lumieres. Les hosties! Ys ont ouvert leurs

lumieres de char. Sur moe pis y font aller. Leur criard. Je me

bouche les oreilles. Pis je glisse sur le hood. Je tombe. Drette.

Dans la bouette. Face premiere. Face dedans. La bouette.

Reste lao Reste. Enfonce-toe la face dans lao Bouette. Enfonce­

toe dans lao Terre.

PIERRE-PAUL: La mort et la nature seront stupefaites

lorsque ressuscitera la creature pour repondre au jugee

BOBOTTE: La, des mains m'arrachent.

PIERRE-PAUL: Des mains sales.

BOBOTTE: M'arrachent. Ala terre. La, des mains.

PIERRE-PAUL: Sauvages.

BOBOTTE: Prenez-rnoe. Sortez-moe de rna tombe. Je

suis pas mort.

PIERRE-PAUL: Fou.

CINDY: Dodo. Dodo. Mon p'tit Chose.

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Table des matieres

Requiem

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Fausse route

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