evaluation du comportement du cuivre et du zinc...

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CHAPITRE 2 : SELECTION ET CARACTERISATION DU SYSTEME OBJET DE LETUDE

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CHAPITRE 2 : SELECTION ET CARACTERISATION DU SYSTEME OBJET DE L’ETUDE

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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CHAPITRE 2 : SELECTION ET CARACTERISATION DU SYSTEME OBJET DE L’ETUDE............ 55

1. INTRODUCTION.................................................................................................................................... 55

2. SELECTION ET COMPORTEMENT DES POLLUANTS METALLIQUES.................................... 55

2.1. CUIVRE......................................................................................................................................................................... 55

2.2. ZINC ............................................................................................................................................................................. 57

2.3. DIAGRAMMES DE SOLUBILITE .................................................................................................................................. 57

2.3.1. Equilibres des carbonates ......................................................................................................................................... 58

2.3.2. Cuivre ..................................................................................................................................................................... 58

2.3.3. Zinc ........................................................................................................................................................................ 60

3. CHOIX DU MILIEU ................................................................................................................................ 62

3.1. SOLS EUROPEENS ....................................................................................................................................................... 62

3.2. SOL ARTIFICIEL ISO................................................................................................................................................... 63

3.3. DEFINITION DU MILIEU D’ETUDE ........................................................................................................................... 64

4. CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DU MILIEU............................................................... 64

4.1. DISTRIBUTION DE TAILLES DES PARTICULES ......................................................................................................... 65

4.2. MASSE VOLUMIQUE VRAIE ........................................................................................................................................ 66

4.3. HUMIDITE RESIDUELLE............................................................................................................................................. 67

4.4. PH................................................................................................................................................................................. 68

4.5. CAPACITE D’ECHANGE CATIONIQUE ...................................................................................................................... 69

4.5.1. Méthode au chlorure de cobaltihexamine ................................................................................................................... 70

4.5.2. Titration ................................................................................................................................................................. 70

4.6. CAPACITE TAMPON ACIDE ........................................................................................................................................ 72

4.7. TITRATION ACIDO-BASIQUE DU CARBONATE DE CALCIUM ................................................................................. 72

5. CARACTERISATION DE LA TOURBE ................................................................................................ 73

5.1. TENEUR EN MATIERE ORGANIQUE.......................................................................................................................... 74

5.2. ANALYSE ELEMENTAIRE ........................................................................................................................................... 75

5.3. DOSAGE DES METAUX : CUIVRE ET DU ZINC ......................................................................................................... 75

5.4. SEPARATION DES DIFFERENTES FRACTIONS DE LA TOURBE ............................................................................... 76

5.5. ACIDITE TOTALE DE LA TOURBE ............................................................................................................................. 77

5.6. TITRATION ACIDO-BASIQUE DE LA TOURBE .......................................................................................................... 78

6. CONCLUSION ......................................................................................................................................... 79

Equation Chapter 2 Section 2

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 55 -

CHAPITRE 2 : SELECTION ET CARACTERISATION DU SYSTEME OBJET DE L’ETUDE

1. INTRODUCTION Un objectif général de notre étude a été une analyse des méthodologies

expérimentales les plus habituelles à travers une étude d’évaluation du comportement des cations métalliques dans des structures de type sol. Pour limiter la complexité, nous avons privilégié une approche simplifiée du système. Ainsi, le nombre et le type des polluants métalliques ont été réduits à deux, cuivre et zinc, choisis à partir de leurs spécificités physico-chimiques et leur impact biologique.

Une autre simplification concerne le choix d’un milieu (solide) de type de sol à utiliser. En fait, la complexité des sols naturels représente une difficulté dans les interprétations des résultats, contrairement au milieu modèle où les constituants et leurs teneurs sont connus.

La caractérisation physico-chimique approfondie du milieu, constitué par de composants naturels, est nécessaire non seulement pour pouvoir déterminer les facteurs limitants (taille des particules, pH…) de la mise en place des essais expérimentaux, mais également pour permettre une interprétation correcte des résultats.

Dans ce chapitre, les choix conduisant à la sélection du système et les résultats de la caractérisation physico-chimique de celui-ci sont présentés.

2. SELECTION ET COMPORTEMENT DES POLLUANTS METALLIQUES Comme il a été précisé dans le premier chapitre, les éléments traces métalliques,

présents naturellement ou introduits par l’activité humaine, occupent une place importante parmi les différentes espèces présentes dans les sols. Les métaux choisis pour notre étude sont le cuivre et le zinc, deux métaux fréquemment rencontrés dans les sols pollués. Le but de notre étude étant en grande partie méthodologique, ils ont été sélectionnés parmi les autres pour leur différence de mobilité dans les sols, et pour leur comportement chimique relativement bien connu. Enfin, ces métaux sont étudiés de point de vue écotoxicologique par le « Laboratoire d'Ecologie des Hydrosystèmes d’Albi - FRE CNRS-UPS 2630 » avec lequel des collaborations ont été projetées.

2.1. Cuivre Les formes du cuivre les plus couramment trouvées dans la nature sont les sulfites

(chalcopyrite CuFeS2), les hyroxocarbonates (malachite Cu2(OH)2CO3 et azurite Cu3(OH)2(CO3)2) et les oxydes (ténorite CuO). Les principales sources anthropiques du

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cuivre sont les déchets agricoles (55%) suivies par les déchets urbains (28%) et les retombées atmosphériques (16%) (FEIX, 1998).

Le cuivre est, dans de petites quantités, indispensable pour tous les organismes, mais avec l’augmentation de sa concentration il devient toxique. Le cuivre est cumulé dans la cellule, qui augmente la production de protéines capables de séquestrer le métal contribuant ainsi à la détoxication (MATTHIESSEN et al., 1999, EINICKER-LAMAS et al., 2002). Ces protéines spécifiques sont donc un bon indicateur de l’exposition au métal.

Un seuil de concentration du cuivre recevable par les sols est difficile à déterminer car sa toxicité dépend de sa spéciation en solution. On considère l’ion libre Cu2+ et les hydoxocomplexes comme les formes les plus toxiques. Par contre, les complexes avec les carbonates ou avec la matière organique sont considérés peu toxiques (PITTER, 1999). En général, il est admis qu’il n’y a pas de relation directe entre la teneur totale du cuivre et le cuivre biodisponible (toxique).

Dans les sols, la majorité du cuivre se trouve sous formes insolubles (SAUVE, 2000). Comme il a été indiqué précédemment, l’un des facteurs le plus important affectant le comportement des métaux lourds dans les sols, directement ou indirectement, est le pH. Par exemple, dans les sols calcaires, basiques, le principal responsable de sa rétention est la précipitation sous forme de malachite (MARTINEZ et MOTTO, 2000 ; PLASSARD et al., 2000). Un pH élevé peut également favoriser la dissolution de la matière organique présente, provoquant l’augmentation de cuivre dissous (MCBRIDE 1989, WU et al., 2002, YIN et al., 2002). Dans les sols acides, la rétention du cuivre n’est pas le résultat des mécanismes de la précipitation (MARTINEZ, 2000 ; CAVALLARO, 1980). Différentes études (STEVENSEN, 1994 ; LI and LI, 2000) menées sur le sujet considèrent que les principaux mécanismes de rétention du cuivre sont alors la complexation et l'échange ionique. L’échange d’ions se produit particulièrement sur les argiles possédant une grande surface spécifique avec une capacité de liaison des ions, l’affinité augmentant avec le rayon (non hydraté) des ions. D’autre part, la complexation du cuivre a lieu avant tout sur la matière organique où l’oxygène et l’azote fonctionnent comme donneur d’électrons (STEVENSEN, 1994). Nombres d’études portant sur les réactions entre le cuivre et la matière organique ont été faites. Par exemple, Wu (2002) a montré que les acides humiques (AH) et les acides fulviques (AF) forment les complexes dissous avec le cuivre entre les pH 3 et 11. Mais en présence de kaolinite, les complexes du cuivre avec les AH et AF ne se trouvent pas dans la solution autour des pH 6 et 7, alors que AH et AF y sont. Cela est dû au fait que dans cette gamme de pH, le cuivre qui est partiellement hydrolysé a des liaisons très fortes avec la kaolinite. Au-dessus d’un pH 8, les complexes des AH et AF avec le cuivre sont les seules formes dissoutes.

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2.2. Zinc Les minerais de zinc les plus répandus dans la nature sont le sphalérite (ZnS) et le

smithsonite Zn(CO3). Les principaux apports de zinc anthropiques sont les déchets agricoles qui représentent 61% de la pollution totale suivis par les déchets urbains (20%) et les retombées atmosphériques (18%) (FEIX, 1998).

Comme le cuivre, le zinc fait partie des éléments essentiels pour l’homme, les animaux et les plantes. Il est contenu dans certaines enzymes et il est indispensable pour beaucoup de processus biologiques et biochimiques. La limite de toxicité pour l’homme dans l’eau est assez haute (30 mg.l-1) par contre, il est très toxique pour tous les organismes aquatiques (quelques centièmes de mg.l-1). Sa toxicité, comme dans le cas du cuivre, dépend de la spéciation en solution (PITTER, 1999).

De la même manière que dans le cas du cuivre, un des facteurs influençant le plus le comportement du zinc dans les sols est le pH. Le zinc à pH basique peut précipiter comme hydrozincite (Zn5(OH)6(CO3)2) ou comme Zn(OH)2. Par contre, dans les sols acides ou neutres, le zinc est l’un des éléments traces les plus mobiles (EL ZAHABY, 1998 ; ASHLEY, 1996).

Dans les sols riches en matière organique, l’ordre de stabilité du métal complexé avec la matière organique suit la série d’Irving-Wiliams : Fe3+ > Al3+ > Cu2+ > Ni2+> Co2+ > Ca2+ > Zn2+ > Mn2+ > Mg2+. Par rapport à un type de ligand donné, l’ordre de la série est celui de la diminution du rayon ionique du métal (ASHLEY 1996). Les constantes de stabilité des complexes du zinc avec la matière organique sont donc plus petites que celles du cuivre : le zinc a un plus petit pouvoir complexant que celui du cuivre (STEVENSON, 1994). Par ailleurs, certaines études montrent (HARITA ET AL. 1990 ; CAVALLARO et MCBRIDE, 1984) que le zinc ne se complexe pas avec la matière organique et que le principal mode de rétention du zinc dans le sol est l’échange ionique.

2.3. Diagrammes de solubilité Lors de la mise en contact d’une solution contenant un métal avec un sol, différents

phénomènes physico-chimiques peuvent être mis en évidence. Dans cette section, nous nous intéressons aux phénomènes qui contrôlent la solubilité des éléments métalliques dans les milieux carbonatés aux conditions données.

A l’équilibre, la phase (le précipité) thermodynamiquement la plus stable est en principe formée. C’est-à-dire que la phase de solubilité la plus faible est plus stable et contrôle les concentrations des espèces dissoutes.

Les courbes de solubilité du cuivre et du zinc ont été dressées dans des diagrammes, permettant de visualiser les domaines d’existence des différentes phases solides ainsi que les

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complexes formés en solution. Ces diagrammes reposent sur l’hypothèse d’un équilibre thermodynamique pour l’ensemble des réactions considérées, sans tenir compte de leurs vitesses de réaction.

Les diagrammes de solubilité ont été construits pour une concentration totale des carbonates CT = 1.10-2 M, une concentration totale en métal de 3.10-3 M et des forces ioniques 0 et 0,1 M (correspondant aux conditions de travail rencontrées dans nos études et présentées dans les chapitres 3 et 4). Les constantes thermodynamiques à 25°C utilisées ont été publiées par STUMM et MORGAN (1996). Elles ont été recalculées ici afin de tenir compte de la force ionique (0,1 M) à laquelle les essais ont été réalisés (l’annexe 1).

2.3.1. Equilibres des carbonates L’équation de la dissolution de la calcite est :

2 23 3CaCO Ca CO+ −⇔ + log 8,42SK = (2.1)

Les relations de dissociation de l’acide carboxylique sont :

2 3 3H CO H HCO+ −⇔ + 1log 6,35K = − (2.2)

23 3HCO H CO− + −⇔ + 2log 10,33K = − (2.3)

2.3.2. Cuivre Les complexes solubles considérés sont :

[ ]22Cu H O CuOH H++ ++ ⇔ + 1log 8β = − (2.4)

[ ]022 22 ( ) 2Cu H O Cu OH H+ ++ ⇔ + 2log 16,2β = − (2.5)

[ ]22 3( ) 3Cu H O Cu OH H−+ ++ ⇔ + 3log 26,8β = − (2.6)

[ ]222 44 ( ) 4Cu H O Cu OH H−+ ++ ⇔ + 4log 39,9β = − (2.7)

[ ]02 23 3Cu CO CuCO+ −+ ⇔ 5log 6,77β = (2.8)

[ ]22 23 3 22 ( )Cu CO Cu CO −+ −+ ⇔ 6log 10,01β = (2.9)

Les réactions de dissolution des minerais considérés sont :

2( ) 2(ténorite) 2SCuO H Cu H O+ ++ ⇔ + log 7,65K = (2.10)

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2 22 2 3( ) 3 2( ) (malachite) 2 2 2SCu OH CO H Cu CO H O+ + −+ ⇔ +

log 5,8K = − (2.11)

2 23 2 3 2( ) 3 2( ) ( ) (azurite) 2 3 2 2SCu OH CO H Cu CO H O+ + −+ ⇔ + +

log 18,0K = − (2.12)

Les diagrammes de solubilité du cuivre, calculés par résolution du système formé par les équations d’équilibre et le bilan de matière de l’élément, sont présentés dans la Figure 2.1 et la Figure 2.2.

-12-11-10-9-8-7-6-5-4-3-2-10

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

pH

log

C [M

]

[CuOH]+

[Cu(OH)2]0

[Cu(OH)3]-

ténorite

malachite

azurite

CaCO3Cu2+

Figure 2.1. : Diagramme de solubilité du cuivre en fonction du pH pour CCu = 3.10-3 M, CT = 1.10-2 M pour une force

ionique de 0 M.

-12-11-10

-9-8-7-6-5-4-3-2-10

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

pH

log

C [M

]

[Cu(OH)2]0

Cu2+

[CuOH]+

malachite

azurite

ténorite

[Cu(OH)3]-

CaCO3

Figure 2.2. : Diagramme de solubilité de cuivre en fonction du pH pour CCu = 3.10-3 M, CT = 1.10-2 M pour une force

ionique de 0,1 M.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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D’après la Figure 2.1, il apparaît que les solubilités de la malachite et de l’azurite sont très similaires et que ces deux phases sont stables pour des pH < 8, alors que pour des pH > 8, la ténorite est plus stable. On peut donc conclure que, dans ces conditions, c’est principalement la malachite qui va contrôler la solubilité du cuivre pour les pH acides et neutres. Par contre, dans les conditions où la force ionique est ajustée à 0,1 M, Figure 2.2, les trois courbes deviennent pratiquement similaires. Dans ce cas, la solubilité peut être contrôlée à la fois par la malachite, par la ténorite ou encore par l’azurite pour les pH < 7. Au-delà, la solubilité du cuivre est donnée par la ténorite. Nous pouvons également remarquer que le carbonate de calcium est la phase la moins stable entre les précipités considérés.

2.3.3. Zinc Les complexes solubles considérés, et les constantes associées à 25°C, sont :

[ ]22Zn H O ZnOH H++ ++ ⇔ + 1log 8,96β = − (2.13)

[ ]022 22 ( ) 2Zn H O Zn OH H+ ++ ⇔ + 2log 16,9β = − (2.14)

[ ]22 33 ( ) 3Zn H O Zn OH H−+ ++ ⇔ + 3log 28,4β = − (2.15)

[ ]222 44 ( ) 4Zn H O Zn OH H−+ ++ ⇔ + 4log 41,2β = − (2.16)

[ ]02 23 3Zn CO ZnCO+ −+ ⇔ 5log 3,9β = (2.17)

[ ]22 23 3 22 ( )Zn CO Zn CO −+ −+ ⇔ 6log 9,63β = (2.18)

Les complexes minéraux considérés sont :

2( ) 2(zincite ) 2SZnO H Zn H O+ ++ ⇔ + log 11,14K = (2.19)

2 23 2 ( ) 3 2. (smithsonite)SZnCO H O Zn CO H O+ −⇔ + + log 10,19K = − (2.20)

2 25 3 2 6( ) 3 2( ) ( ) (hydrozincite) 6 5 2 6SZn CO OH H Zn CO H O+ + −+ ⇔ + +

log 9,65K = (2.21)

Les diagrammes de solubilité de zinc dans les conditions données sont présentés sur la Figure 2.3 et la Figure 2.4.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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-12-11-10

-9-8-7-6-5-4-3-2-10

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

pH

log

C [M

]

CaCO3

zincite

hydrozincite

smithsonite

Zn2+

[ZnOH]+

[Zn(OH)2]0

[Zn(OH)3]-

Figure 2.3. : Diagramme de solubilité de zinc en fonction du pH pour CZn = 3.10-3 M, CT = 3.10-3 M pour une force

ionique de 0 M.

-12-11-10

-9-8-7-6-5-4-3-2-10

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

pH

log

C [M

]

[ZnOH]+

[Zn(OH)2]0

[Zn(OH)3]-

CaCO3

smithsoniteZn2+

zincite

hydrozincite

Figure 2.4. : Diagramme de solubilité de zinc en fonction du pH pour CZn = 3.10-3 M, CT = 3.10-3 M pour une force

ionique 0,1 M.

Conformément à la littérature, le zinc apparaît nettement plus soluble que le cuivre. La

Figure 2.3 montre que sa solubilité pour la force ionique 0 M est comme dans le cas du cuivre contrôlée majoritairement par la phase carbonatée. En fait, pour les pH inférieurs à 7,2, c’est le carbonate de zinc hydraté qui détermine la concentration en solution du zinc. Entre les pH 7,2 et pH 10, c’est l’hydrozincite. Au-delà du pH 10, c’est le zincite.

Dans le cas d’une force ionique égale à 0,1 M, le diagramme de solubilité du zinc change très légèrement. Pour des pH plus petits que 6,8, les solubilités du carbonate du zinc hydraté et de l’hydrozincite sont pratiquement identiques et ce sont ces deux phases qui vont

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contrôler l’équilibre dans ce domaine du pH. Entre les pH 6,8 et 9,8, c’est l’hydrozincite l’espèce plus stable et au-delà, c’est la zincite.

Nous pouvons en conclure que le zinc est beaucoup plus mobile que le cuivre. La

solubilité du cuivre, en présence des carbonates, dans le domaine du pH acide et neutre et pour une force ionique égale à 0,1 M, peut être aussi bien donnée par la malachite (hydroxycarbonate) que par la ténorite (oxyde), contrairement au zinc où sa solubilité est contrôlée par les phases hydroxycarbonatées (smithsonite, hydrozincite).

3. CHOIX DU MILIEU Le choix de la composition du milieu modèle a été fait en considérant la classification

des sols européens, sélectionnés par le Bureau des sols européens, et du sol artificiel défini dans la norme ISO 11268-1 pour les tests d’écotoxicité terrestre. Dans un premier temps les principales caractéristiques des sols seront résumées pour permettre ensuite de présenter le milieu choisi pour notre étude.

3.1. Sols européens Les phénomènes d’adsorption des substances chimiques dans les sols constituent un

paramètre important pour l’évaluation de la toxicité et de la mobilité de ces produits dans l’environnement. Il a été prouvé que le résultat de ces tests dépend en grande partie des échantillons de sol utilisés. Dans le cadre d’une harmonisation des tests européens, l’établissement d’un certain nombre des sols de référence s’est montré donc comme nécessaire. Le Bureau des sols européens a alors sélectionné cinq sols caractéristiques pour l’Union Européenne. Ils couvrent une grande partie du territoire de l’UE et représentent différentes zones climatiques. Ils ont été prélevés sous différents types de couverture végétale (KUHNT, 1988). Les sols sélectionnés comme référence sont :

• le sol méditerranéen brun, situé en Sicile, à 45 km au sud-ouest de Palerme (Euro-sol 1) ;

• le sol brun de la forêt représentant les sols carbonatés (plus de 40 %). Le site est situé en Peloponnesos en Grèce au sud de Kiato (Euro-sol 2) ;

• le sol brun acide de la forêt, représenté par le « Radyr Series » en Vale de Glamorgan au Pays de Galle (Euro-sol 3) ;

• le sol gris - brun podzolique localisé à Caen (Normandie) (Euro-sol 4) ; • le sol podzolique se trouvant à Lauenburg en Allemagne (Euro-sol 5). Les cambisols, les luvisols, les podzols et la rendzine sont les sols les plus présents

dans l’Union européenne et ils couvrent plus de 70 % de sa surface (KUHNT, 1990). Pour les cambisols, présents partout dans l’Union, deux représentants différents ont été choisis pour

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pouvoir prendre en compte la variété des conditions climatiques. Les luviosols sont présents principalement en Europe du Nord et en Europe Centrale, les rendzines sont fréquentes au sud et les podzols sont typiques du nord de l’Europe.

Les principaux paramètres pédologiques des sols européens sont regroupés dans le Tableau 2.1.

Tableau 2.1. : Les caractéristiques des euro-sols (KUHNT, 1990).

Les caractéristiques des sols Euro-sol 1 Euro-sol 2 Euro-sol 3 Euro-sol 4 Euro-sol 5

Sable (total) [%]

Limon (total) [%]

Argile [%]

3,1

21,9

75,0

13,4

64,1

22,5

46,4

36,3

17,3

4,1

75,7

20,3

81,5

12,7

6,0

pH valeurs

H2O

CaCl2

KCl

5,9

5,1

5,1

8,0

7,4

7,6

6,8

6,2

6,2

7,0

6,5

6,5

4,6

3,2

3,2

Carbone total [%]

CaCO3 [%]

Carbone organique [%]

Matière organique [%]

N [%]

C/N

Sulfure organique [%]

P total [%]

1,6

0,0

1,30

2,65

0,17

7,65

0,054

0,15

10,9

60,45

3,70

6,4

0,20

18,50

0,028

0,15

3,7

0,0

3,45

6,44

0,26

13,27

0,055

0,38

1,7

0,0

1,55

2,36

0,16

9,59

0,034

0,29

10,9

0,0

9,23

15,92

0,30

30,77

0,078

0,21

CEC [meq / 100g]

Fe totale [ppm]

29,9

37050

28,3

9850,0

18,3

14370,0

17,6

11500,0

32,7

1040,0

SiO2 [%]

Al2O3 [%]

CaO [%]

K2O [%]

Fe2O3 [%]

MgO [%]

TiO2 [%]

56,22

23,92

0,41

1,35

10,76

1,12

0,99

21,60

8,56

30,62

1,27

1,66

1,62

0,25

68,45

11,92

0,20

1,59

4,14

1,19

0,65

68,63

12,07

0,71

1,84

2,71

1,11

0,72

71,67

3,85

<0,02

0,63

<0,05

0,65

0,36

3.2. Sol artificiel ISO Une norme internationale a été développée pour la réalisation des essais de toxicité

aiguë sur les vers de terre, d’inhibition de la germination des semences, d’inhibition de la croissance racinaire et d’inhibition de l’émergence et de la croissance des végétaux ou de toxicité vis-à-vis des cétoines (ISO 11268, 1993).

Dans ce cadre, un sol artificiel est défini comme support. Sa composition, exprimée en matière sèche, est la suivante : 10 % de tourbe blonde de sphaignes, 20 % d’argile kaolinique et 70 % de sable quartz industriel. Une fois le mélange de ces composant réalisé,

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du carbonate de calcium pulvérisé est ajouté en quantité suffisante pour amener le pH du substrat humidifié à 6,0 (± 0,5). Cet ajout représente environ 0,5 % de la masse des ingrédients secs.

Le Tableau 2.2 représente une comparaison des principales caractéristiques des sols européens et du sol artificiel ISO.

Tableau 2.2 : Comparaison des principales caractéristiques des sols européennes et du sol ISO artificiel

Sol E1 E2 E3 E4 E5 ISO Si % mole 26,28 10,09 31,99 32,08 33,50 37,07 Al % mole 12,66 4,53 6,31 6,39 2,04 4,18 Matière organique % masse 2,65 6,40 6,44 2,36 15,92 9 CaCO3 % masse 0,0 60,45 0,0 0,0 0,0 0,5 Fe2O3 % masse 10,76 1,66 4,14 2,71 <0,05 - pH (KCl) 5,1 7,6 6,2 6,5 3,2 5,5-6,5

3.3. Définition du milieu d’étude L’élaboration du milieu modèle (sol artificiel) de notre travail prend comme référence

le sol artificiel ISO. Sa composition a été adaptée de telle façon que les principaux constituants des sols européens soient présents dans des quantités représentatives. La composition du milieu retenu, en pourcentage de matière sèche, était la suivante : 65 % de sable, 15 % d’argile, 10 % de matière organique, 5% de carbonate de calcium et 5 % d’oxyde de fer.

Le sable utilisé est le sable de Fontainebleau (CARLO ERBA réactifs). L’argile utilisée est la kaolinite vendue par VWR international SAS comme kaolin lavé. Il en est de même de l’oxyde de fer (III) anhydre et du carbonate de calcium naturel en poudre. La matière organique est représentée par la tourbe blonde acide de sphaignes distribuée par Florantaise.

4. CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DU MILIEU Une fois le milieu défini, un travail de caractérisation a été effectué en utilisant des

protocoles existants. Il s’agit pour la plupart des protocoles normalisés par l’AFNOR1 (pH, humidité résiduelle…) et des protocoles issus de la littérature (capacité tampon, caractérisation de la matière organique…). Le but de cette caractérisation est d’approfondir la connaissance du milieu ainsi que de ses constituants afin de faciliter une plus correcte interprétation des résultats.

1 Toutes les normes dont il est fait référence dans cette section sont issues de la « Qualité des Sols » - Recueil de Normes Françaises – AFNOR, 1994

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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Tous les composants du milieu ont été achetés en forme pure et sèche, sauf la tourbe qui était dans son état naturel (32 % matière organique du produit brut, 35 % matière sèche du produit brut, 700 % rétention d’eau du produit sec, pH = 3,5). Avant utilisation, la tourbe est séchée dans une enceinte climatique à une température de 40 °C et tamisée afin d’obtenir une fraction de tailles de particules inférieure à 2 mm conformément au protocole prévu dans la norme AFNOR X31-101.

L’opération de constitution du sol est réalisée par pesée et mélange manuel des masse exactes de chaque composant avant chaque expérimentation.

4.1. Distribution de tailles des particules L’analyse granulométrique a pour but de caractériser la distribution de tailles des

particules du sol. En effet, la taille des particules a une influence sur de nombreuses caractéristiques du sol (surface spécifique, perméabilité…) et donc sur le comportement des polluants.

Un grand nombre de techniques permettent de déterminer une propriété de la particule qui est reliée, à travers un modèle, au diamètre de sphère équivalente. La distribution de tailles des particules mesurée est donc associée à une technique propre et elle peut être différente pour un même matériau selon la méthode utilisée. En général, pour des particules supérieures à 100 µm, les techniques de séparation par tamis ou encore le microscope optique peuvent être utilisés. Par contre, pour des particules plus petites, l’analyse par sédimentation, la diffraction laser ou le compteur Coulter s’avèrent nécessaires.

Dans ce travail, le granulomètre à diffraction laser a été choisi car l’analyse est rapide et reproductible. Il permet de déterminer à la fois la taille des particules fines et plus grosses. Le principe de cette méthode est d’éclairer, par un faisceau laser parallèle de 18 mm de diamètre, les particules mises en suspension (en voie sèche ou humide). Ces dernières dévient la lumière laser de son axe principal. La taille des particules est déterminée par la proportion de lumière déviée et l’importance de l’angle de déviation. L’analyse se fait simultanément sur l’ensemble des particules circulant devant le faisceau laser (MALVERN INSTRUMENT, 1997). Cette méthode, comme d’ailleurs la plupart des autres, assimile les particules à des sphères, ce qui peut être plus ou moins éloigné de la réalité. En effet, selon l’orientation adoptée par la particule de forme irrégulière au moment de la mesure, la dimension mesurée ne sera pas la même. Si les particules mesurées adoptent toutes une direction préférentielle au cours de la mesure, il sera difficile d’obtenir un diamètre équivalent au volume de la particule. Il faut noter que les particules composant le mélange étudié ont des formes très différenciées (par exemple des lamelles dans le cas de la kaolinite ou de la tourbe), donc le signal diffusé par ces particules peut être atténué. Cela peut conduire à une faible surestimation des résultats.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 66 -

Les résultats de la distribution de tailles des particules pour chaque composant du milieu, obtenus en voie humide (elle a été préférée devant la voie sèche pour la meilleure dispersion des particules d’échantillon et pour les conditions plus proches aux expériences réalisés par la suite), sont regroupés dans le Tableau 2.3. Les résultats sont présentés comme des diamètres moyens caractéristiques dx de la distribution où d exprime le diamètre en dessous duquel se trouve X % des particules.

Tableau 2.3 : Résultats de la distribution de tailles des particules des composants du milieu obtenus par la voie humide.

d10 [µm] d50 [µm] d90 [µm] Sable 257 371 534 Kaolinite 2 7 23 Tourbe 47 600 1500 Fe2O3 1 8 21 CaCO3 1 4 13

Ces résultats confirment qu’il existe deux grandes familles de tailles de particules

différentes. La première est formée par les grosses particules du sable et de la tourbe. La deuxième représente des particules fines comprenant les autres composants du milieu.

4.2. Masse volumique vraie La masse volumique vraie est définie comme le rapport entre la masse et le volume du

solide réel. Sa détermination peut être réalisée seulement par la pycnométrie (SCOTTO, 1994). Le principe de cette technique repose sur la mesure de la différence entre le volume du solide étudié et celui d’un fluide dans lequel il est immergé et vis-à-vis duquel il est inerte (LOWELL, 1991, DULLIEN 1992). Deux types de pycnomètres existent : le pycnomètre à bouchon capillaire et le pycnomètre à gaz.

La masse volumique vraie de chaque composant de notre milieu, ainsi que de celle du mélange, a été déterminée par pycnométrie à gaz. Cette méthode a été préférée à la méthode de pycnomètre à bouchon capillaire à cause de sa meilleure précision, due au fait que le gaz a une plus grande facilité à pénétrer dans tous les pores. L’hélium est le gaz plus généralement utilisé car il est, dans la plupart des cas, inerte vis-à-vis du solide et sa petite dimension atomique assure sa pénétration dans les fissures et les pores de dimensions proches de l’angström. L’appareil utilisé a été un pycnomètre Microméritics AccuPyc 1330.

Pour chaque mesure, un échantillon de masse sèche connue est placé dans la cellule hermétique d’analyse de volume donné. Dans un premier temps, la cellule avec l’échantillon

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 67 -

est purgée par l’hélium, à pression ambiante, puis elle est mise sous pression. Dans un deuxième temps, une dépression a lieu grâce à l’ouverture de la vanne d’expansion qui est suivie d’une évacuation de gaz dans une chambre d’expansion de volume parfaitement connu. Le pycnomètre calcule alors le volume d’échantillon introduit. Cela se réalise dans une série des cycles, ce qui permet de faire très rapidement plusieurs mesures sur le même échantillon.

Les résultats des mesures de la masse volumique vraie sont présentés dans le Tableau 2.4.

Tableau 2.4. : Masse volumique vraie obtenue par le pycnomètre à hélium

Masse volumique [kg.m-3] Ecart-type [kg.m-3] Sable 2,65.103 2,60 Kaolinite 2,85.103 14,8 Tourbe 1,59.103 3,90 CaCO3 2,78.103 9,50 Fe2O3 5,34.103 21,9 Mélange 2,60.103 0,80

4.3. Humidité résiduelle L’humidité résiduelle est définie comme la masse perdue après séchage à 103 °C d’un

échantillon dont la masse est constante à 40 °C. Sa mesure permet de déterminer la masse sèche d’un échantillon du sol. La méthode de détermination est normalisée par AFNOR (X 31-102). Le principe de la mesure est le séchage à l’étuve, à 103 °C, d’une masse donnée de l’échantillon du sol préparé pour l’analyse jusqu’à masse constante. Si l’échantillon contient des composants volatiles, il faut d’abord les quantifier afin de déterminer correctement l’humidité résiduelle. L’humidité résiduelle H est exprimée en pourcentage massique et elle est calculée par la relation suivante :

0 1

0

100m mHm−= × (2.22)

0m étant la masse initiale d’échantillon séché à 40 °C et 1m sa masse finale, après séchage à

103 °C et refroidissement. Les résultats obtenus pour le milieu et pour les différents composants sont présentés dans le Tableau 2.5.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 68 -

Tableau 2.5 : Résultats des mesures de l’humidité résiduelle

H moyenne [%] Ecart-type [%] Sable 0,016 0,001 Kaolinite 0,192 0,010 Tourbe 2,693 0,170 CaCO3 0,023 0,001 Fe2O3 0,049 0,003 Mélange 0,890 0,100

4.4. pH Le pH fait partie d’une des plus importantes caractéristiques physico-chimiques des

sols, car la spéciation, et donc la mobilité et la biodisponibilité des éléments traces métalliques sont liées à sa valeur.

Le pH est défini par la relation :

logH

pH a += − (2.23)

où H

a + est l’activité des ions d’hydrogène en solution. En solution diluée, l’activité

peut être considérée égale à la concentration. Puisque le pH ne peut être mesuré qu’en solution, le pH du sol est en fait le pH d’une

solution en équilibre avec lui. Ainsi, le principe de mesure du pH des sols est la mise en équilibre ionique entre la phase solide et la phase liquide. On mesure la différence de potentiel existant entre une électrode de mesure et une électrode de référence plongées dans une suspension aqueuse en équilibre. Ces mesures peuvent être réalisées dans des conditions différentes. Selon les méthodes, le rapport masse de sol / volume de la solution peut varier de 1/1 à 1/10 (TAN, 1993). De même, les suspensions peuvent être réalisées avec de l’eau desionisée, détermination d’acidité réelle, ou bien avec des solutions salines telles que le chlorure de potassium ou le chlorure de calcium, détermination de l’acidité potentielle.

L’acidité réelle prend compte uniquement les ions H3O+ libérés dans la solution par le sol, contrairement à l’acidité potentielle qui prend en compte également les ions H3O+ échangeables, retenus notamment par les complexes argilo - humiques (C.A.H.) (MOORE, 1987) ; ces derniers sont susceptibles de fixer des ions H3O+ capables de passer dans la solution du sol par l’échange avec des cations. Dans ce cas, le pH du sol dans une solution de KCl est souvent plus acide que le pH du sol dans l’eau, des ions H3O+ du sol étant libérés par échange avec le potassium de la solution.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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3 3. . . . . .C A H H O K Cl C A H K H O Cl+ + − + + −− + ⇔ − + (2.24)

Les normes AFNOR X 31-103 et AFNOR X 31-104 respectivement préconisent la détermination du pH du sol dans l’eau et dans une solution de KCl 1 M.

Pour la mesure du pH du milieu objet de notre étude, le rapport liquide/solide L/S=2,5 est utilisé pour tous les composants, sauf pour la tourbe où le problème de gonflement a obligé à considérer un rapport L/S égal à 10. Un bon contact entre le sol et la solution est assuré par agitation magnétique pendant 1 heure, puis la suspension est laissée en repos 2 heures avant de mesurer le pH dans les surnageants. Les résultats obtenus sont résumés dans le Tableau 2.6.

Tableau 2.6. : Résultats des mesures du pH de milieu et ces composants dans l’eau et dans une solution KCl 1M.

pH (H2O) moyen Ecart-type pH (KCl) moyen Ecart-type Sable 5,68 0,07 5,60 0,10 Kaolinite 6,49 0,10 6,35 0,05 Tourbe 3,73 0,02 2,64 0,01 CaCO3 8,24 0,03 8,45 0,05 Fe2O3 7,60 0,02 7,70 0,20 Mélange 7,00 0,05 6,98 0,05

La comparaison des résultats obtenus montre que, dans les cas de la tourbe, il existe

une acidité d’échange importante, contrairement aux autres composants et au milieu pour lesquels les pH, mesurés dans l’eau et dans la solution de KCl peuvent être considérés égaux. Par ailleurs, les carbonates jouent probablement un rôle de tampon acido-basique qui neutralise la capacité acide de la tourbe.

4.5. Capacité d’échange cationique La capacité d’échange est une mesure de la quantité d’ions susceptibles d’être retenus

par échange sur un solide, en présence d’un excès des ions échangeurs en solution. Cela correspond en fait à la charge nécessaire pour atteindre l’électroneutralité du solide. Cette capacité peut être soit cationique (C.E.C.) soit anionique (C.E.A.), selon que la surface du milieu est chargée négativement ou positivement.

Déterminer la CEC d’un solide consiste à mesurer un paramètre caractérisant un état d’équilibre entre l’échantillon de sol et un environnement expérimental donné. Les valeurs obtenues sont fonction du milieu (cation saturant, pH, force ionique, présence d’autres ions,…), ainsi que des conditions de réalisation influençant le rendement des réactions

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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d’échange (REMY et ORSINI, 1976). Pour évaluer le nombre total de sites disponibles à l’échange la méthode par titration acido-basique peut être utilisée.

Dans ce travail, pour déterminer la capacité d’échange cationique du milieu, deux protocoles différentes ont été mis en œuvre :

• protocole normalisé par AFNOR X31-130 : méthode au chlorure de cobaltihexamine qui permet de déterminer la CEC aux conditions données.

• dosage acido-basique (NICOLAS-SIMONNOT et al. 1992) : méthode basée sur une titration acido-basique qui permet de déterminer la CEC totale.

4.5.1. Méthode au chlorure de cobaltihexamine Cette méthode consiste à déplacer les cations échangeables de sol par l’ion

cobaltihexamine ( ) 3

3 6Co NH

+⎡ ⎤⎣ ⎦ . Le protocole expérimental est présenté dans la norme

AFNOR X31-130. Une solution en ion cobaltihexamine, de concentration 16,6 10-3 mol.l-1 et de pH 5,8,

est mise en contact, sous agitation, avec une masse connue du milieu étudié (L/S = 5). Après 1 heure d’agitation, la suspension est filtrée et les ions de cobalt restants sont analysés dans le

filtrat. La quantité du ( ) 3

3 6Co NH

+⎡ ⎤⎣ ⎦ échangée est déterminée par différence entre la quantité

du cobalt en solution initiale et après équilibration. La capacité d’échange cationique obtenue dans les conditions décrites ci-dessus a été

égale à 13,31 meq / 100 g du milieu avec un écart-type 0,54 meq / 100 g du milieu.

4.5.2. Titration Le principe de cette méthode est la titration avec l’hydroxyde de potassium du milieu

initialement pré-équilibré de telle façon que tous les sites d’échange se trouvent sous la forme SH . Au cours de la titration, les protons fixés sont échangés par des ions de potassium. La neutralisation de H+ relargués favorise le déplacement de la réaction d’équilibre. Ainsi, le suivi de la concentration de potassium en solution montre que celle-ci reste constante, jusqu’au moment de la saturation des sites d’échange. Une fois le point de saturation dépassé, la concentration en potassium dans la solution augmente parallèlement à l’apport réalisé. La capacité échange cationique est ensuite déterminée comme la différence entre la quantité de potassium ajouté et la quantité de potassium restant dans la solution à la fin de la titration (NICOLAS-SIMONNOT et al. 1992). L’équation d’échange est la suivante :

SH K SK H+ ++ ⇔ + (2.25)

Le protocole appliqué consiste à préparer 10 échantillons de 1 g du milieu et de les mettre en contact avec de l’acide nitrique 0,1 M, pour assurer que tous les sites sont sous la

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 71 -

forme SH . Après une journée de mélange par retournement, les échantillons sont filtrés et lavés sur le filtre avec de l’acide nitrique 10-3 M, jusqu’à atteindre un pH = 3 dans le filtrat. Ils sont mis en suspension avec 100 ml d’acide nitrique 10-3 M et un volume croissant d’hydroxyde de potassium 0,075 M est ajouté dans chaque échantillon. Après 7 jours de contact, le pH de l’échantillon est mesuré, puis les suspensions sont filtrées et la concentration en potassium est déterminée. L’évolution de la quantité de K+ restant en solution en équilibre en fonction de la quantité apportée est présentée sur la Figure 2.5.

0,E+00

1,E-04

2,E-04

3,E-04

4,E-04

5,E-04

6,E-04

7,E-04

8,E-04

0,E+00 1,E-04 2,E-04 3,E-04 4,E-04 5,E-04 6,E-04 7,E-04 8,E-04

K+ aporté [mol]

K+ e

n éq

uilib

re [m

ol]

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

pHpH C.E.C.

masse K+ apportée

masse K+ après 7 jours de contact

Figure 2.5 : Courbe de titration du milieu étudié, pré-équilibré par HNO3, avec KOH.

La capacité d’échange cationique, obtenue par différence entre la quantité de potassium ajoutée et sa quantité restante à l’équilibre à la fin de la titration, est de 37 meq / 100 g du milieu.

Les valeurs de la C.E.C. obtenues par les deux méthodes montrent une importante

différence. La méthode au chlorure cobaltihexamine donne une C.E.C. dans des conditions précises (pH, force ionique, etc.) alors que le protocole par titration acido-basique permet d’évaluer la totalité des sites disponibles à l’échange (y compris les sites éventuellement mis en disponibilité par hydrolyse acide de certaines fractions organiques).

Nous avons retenu comme valeur de la C.E.C. totale 37 meq / 100 g du milieu. Ceci indique que le milieu possède relativement de grands nombres de sites d’échange. Ce résultat est cependant en cohérence avec les valeurs trouvées dans la littérature (résultats donnés sans indication des conditions dans lesquelles ils ont été obtenus) (KUHNT, 1990) pour des sols avec une teneur importante en matière organique, 10 % dans notre cas, et en argiles, 15%.

Ces résultats montrent également que, pour une présentation de la C.E.C., il est indispensable d’indiquer les conditions exactes dans lesquelles elle a été obtenue, afin de pouvoir comparer des études portant sur les sols.

K+ apporté [mol]

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 72 -

4.6. Capacité tampon acide La présence de carbonates dans le milieu implique que celui-ci va avoir, très

probablement, un pouvoir tampon acide important qui conditionnera la valeur du pH qui sera obtenue dans le milieu et donc la distribution des métaux entre la phase solide et la phase liquide. Pour le quantifier, un dosage acide du milieu est réalisé. Pour que les résultats de cette mesure puissent être facilement étendus aux expériences présentées dans la suite de ce mémoire, l’acide nitrique a été retenu pour cette détermination.

Seize échantillons de 1 g de milieu ont été mis en contact sous agitation avec des volumes croissants d’une solution d’acide nitrique 0,01 M. Après 7 jours de contact, le pH de chaque échantillon est mesuré dans le surnageant. L’évolution de la quantité de H+ restant en solution en fonction de la quantité apportée est présentée sur la Figure 2.6.

0,0E+00

2,0E-04

4,0E-04

6,0E-04

8,0E-04

1,0E-03

1,2E-03

1,4E-03

1,6E-03

0,0E+00 2,0E-04 4,0E-04 6,0E-04 8,0E-04 1,0E-03 1,2E-03 1,4E-03 1,6E-03

H+ ajoutés en valeur cumulée [mol]

H+ re

stan

ts e

n so

lutio

n [m

ol]

Capacité tampon

quantité H+ apportée

quantité H+ après 7 jours de contact

Figure 2.6. : Evaluation de la capacité tampon pH.

Le pouvoir tampon acide est déterminé par différence entre la quantité de protons

ajoutés et leur quantité en équilibre avec le milieu à la fin de la titration. Le pouvoir tampon acide obtenu est égal à 1,1.10-3 mol H+ / g du milieu. Cela correspond principalement à la neutralisation des carbonates initialement présents (il faut 1.10-3 mol de proton pour neutraliser 0,05 g de carbonate de calcium).

4.7. Titration acido-basique du carbonate de calcium Un dosage acido-basique du carbonate de calcium tel qu’il a été introduit dans le

milieu a été réalisé. L’objectif des essais a été de caractériser, autant du point de l’équilibre que de la cinétique, les réactions de dissolution de carbonates qui conditionneront fortement le comportement chimique général du système.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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La titration est effectuée en utilisant un titrimètre automatique Metrohm GP Titrino 736 équipé d’une électrode en verre et d’un système d’aquisition du pH. Un échantillon de 0,5 g de carbonate de calcium et 100 ml d’hydroxyde de potassium 0,086 M sont introduits dans un bêcher. La suspension est ensuite titrée sous agitation magnétique avec l’acide nitrique 1 M. La Figure 2.7. représente l’évolution du pH en fonction du volume d’acide ajouté pour deux temps d’équilibration entre des ajouts succesifs, 1 minute et 60 minutes.

0

2

4

6

8

10

12

14

0 5 10 15 20 25

V HNO3 [ml]

pH

t = 1 mint = 60 min

Figure 2.7. : Dosage du carbonate de calcium par HNO3 1 M.

Les courbes d’évolution du pH en fonction du volume d’acide ajouté font ressortir

quelques différences entre les deux essais. Dans le cas de la titration rapide (temps d’ajout 1 min), l’évolution du pH observée jusqu’à un volume d'acide de 8,6 ml correspond à la neutralisation rapide d’hydroxyde de potassium présent en solution. Jusqu'au volume d'acide considéré préalablement et pour le temps d’ajout de 60 min, les réactions font intervenir également la phase solide des carbonates. Pour des volumes supérieurs en acide nitrique, une réaction a lieu avec la calcite. Cette réaction est probablement limitée par le transfert solide / liquide et pour les essais avec le temps de contact entre les ajouts t = 1 min, l’équilibre n’est pas atteint entre les ajouts. Après l’ajout de la quantité d’acide nécessaire pour la dissolution de la calcite, le pH baisse brusquement pour atteindre le même pH que l'acide nitrique.

La cinétique de la dissolution de carbonate est donc relativement lente, ce qui implique que la totalité des carbonates potentiellement solubilisables n’est pas immédiatement accessible en solution.

5. CARACTERISATION DE LA TOURBE La matière organique qui compose les sols joue un rôle majeur dans leur

comportement. Entre autres, elle est un des principaux responsables de la rétention des métaux lourds dans les sols neutres et faiblement acides. Dans notre cas, la matière organique est représentée par la tourbe qui est un milieu naturel très complexe insuffisamment connu,

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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avec une structure contenant des nombreux groupes fonctionnels, c’est pourquoi une simple formule chimique ne peut pas être donnée. Cela se traduit par des paramètres qui ne peuvent pas être attribués à tel ou tel groupe, mais qui décrivent le comportement global de système dans les conditions de travail. La caractérisation plus approfondie de ce composant naturel a été réalisée. Les protocoles utilisés ont été inspirés en grande partie par la littérature et en particulier par STEVENSON (1994).

5.1. Teneur en matière organique La teneur en matière organique est déterminée par analyse thermogravimétrique

(ATG) en mesurant la perte de masse avec la température sous atmosphère d’air. L’échantillon est progressivement chauffé par paliers de 100°C. A chaque palier, la température a été maintenue constante pendant 3 heures, jusqu’à une température finale de 800°C. La perte de la masse en fonction du temps et de la température est présentée sur la Figure 2.8.

Trois sauts ont été observés sur la courbe de la perte de masse. Le premier, à 105 °C, correspond à la perte de l’humidité résiduelle de la tourbe qui est égale à environ 2,7 % de la masse initiale. Le deuxième saut, qui commence à environ 150 °C et qui se poursuit jusqu’à environ 300 °C représente l’oxydation de la matière organique de l’échantillon. Le troisième est très rapide et mène à un taux résiduel (inorganique) de matière d’échantillon de 4,2 %. Ainsi, la teneur en matière organique de la tourbe après soustraction d’humidité peut être estimé à 93,1 % en masse.

0

20

40

60

80

100

120

0 200 400 600 800 1000 1200 1400temps [minutes]

pert

e de

mas

se [%

]

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

température [°C

]

perte de la massetempérature

Figure 2.8. : Détermination de la teneur en matière organique de la tourbe

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

- 75 -

5.2. Analyse élémentaire Pour déterminer le contenu des principaux éléments de la tourbe, un analyseur

élémentaire CHNS a été utilisé. Le protocole du dosage de CHNS mis en œuvre par l’analyseur consiste en la combustion d’un échantillon à une température de 1800°C, suivi d’une oxydation catalytique complémentaire, du piégeage des halogènes, de la réduction des oxydes d’azote en N2 et du piégeage de l’oxygène en excès. La séparation chromatographique permet d’analyser les gaz N2, CO2, H2O, SO2 (CHEVALIER, 1998).

Lorsque le milieu contient initialement des carbonates, il faut les éliminer préalablement par réaction avec l’acide chlorhydrique :

23 2 22CO H CO H O− ++ → + (2.26)

L’analyse de la tourbe a montré une absence de carbonates. Les résultats de l’analyse élémentaire de la tourbe sont présentés dans le Tableau 2.7, comme % massique.

Tableau 2.7. : Composition élémentaire de la matière organique de la tourbe (* obtenu par différence)

élément C H N S O* Moyenne [%] 48,8 6,9 0,7 nd 43,6

Ecart-type 0,4 0,7 0,2 nd 0,5 nd signifie non détectable

Un rapport atomique H/C égal à 1,7 indique une matière organique de structure plutôt aliphatique, c’est-à-dire formée par des chaînes hydrocarbonées relativement saturées.

5.3. Dosage des métaux : cuivre et du zinc Le but de cette analyse est la détermination des concentrations totales de cuivre et de

zinc éventuellement présentes dans la tourbe. La norme AFNOR X31-151 de dosage des métaux dans des matrices de type sol

décrit deux méthodes de mise en solution des éléments traces métalliques. La première utilise une attaque par les acides fluorhydrique et perchlorique et la deuxième, une attaque par les acides chlorhydrique et nitrique. L’acide fluorhydrique permet de dissoudre les composés silicatés qui ne peuvent pas être attaqués par d’autres acides.

La minéralisation par les acides fluorhydrique et perchlorique a été choisie afin de déterminer la quantité totale des deux métaux. Cette méthode nécessite une calcination préalable de l’échantillon à 450 °C pendant 4 heures dont le but est d’éliminer la matière organique présente. Après cette étape, le résidu est mis en contact avec les acides (dans un bêcher en PTFE) et placé sur une plaque chauffante à 160 °C et évaporé jusqu’à sec. Le

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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résidu obtenu est dissout à chaud avec un mélange d’acides nitrique et chlorhydrique. Les solutions obtenues ont été analysées par ICP / AES (spectrométrie d’émission atomique à plasma inductif). Le Tableau 2.8 présente les résultats des analyses du cuivre et du zinc.

Tableau 2.8. : Concentrations en Cu et en Zn présentes dans la tourbe

Cu [mol.g-1] Zn [mol.g-1] Moyenne 3.10-7 3.10-7 Ecart-type 1.10-7 1.10-7

Les concentrations en cuivre et en zinc de la tourbe sont relativement proches et très

faibles. Elles seront négligées dans les expériences décrites par la suite.

5.4. Séparation des différentes fractions de la tourbe Dans le premier chapitre (Chapitre 1 § 2.1.3.5.), il a été souligné que la principale

partie « active » de la matière organique du sol est formée par les substances humiques. Ces substances ont été classifiées selon leurs différentes solubilités acido-basiques ; humine, acides humiques (AH) et les acides fulviques (AF). En fait, les AH et AF sont dissous dans une solution de la soude pendant que l’humine reste insoluble. Les AH précipitent de la solution lorsqu’elle est acidifiée à pH 1.

Le protocole utilisé est schématisé sur la Figure 2.9. (STEVENSON, 1994). 5 g de tourbe lavée avec de l’acide chlorhydrique 0,1 M sont mélangés avec 100 ml

d’hydroxyde de sodium 0,5 M pendant 16 heures. Ensuite, l’échantillon est filtré et le gâteau de filtration est mélangé à nouveau avec 100 ml de la solution de NaOH 0,5 M. Cette extraction alcaline est répétée plusieurs fois jusqu’à ce que le filtrat soit devenu clair, afin de s’assurer de la solubilisation de tous les AH et AF. La fraction solide restant correspond à l’humine.

L’extrait alcalin est alors acidifié jusqu’à un pH = 1, à l’aide de l’acide chlorhydrique. Les acides humiques sont séparés par précipitation des acides fulviques, toujours solubles.

Tous les solides restants sont séchés à 40°C, puis pesés afin de déterminer la fraction massique.

échantillon humine AH AF inorganiquem m m m m= + + + (2.27)

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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Tourbe

Extraction par NaOH 0,1 MFiltration

Insoluble

Humine

Soluble

Substances humiques

Acidification parHCl 0,1 M

Précipité Soluble

Acideshumiques

Acidesfulviques

Figure 2.9. : Protocole de fractionnement de la matière organique.

Les proportions relatives des différentes fractions de la tourbe sont reportées dans le Tableau 2.9.

Tableau 2.9. : Pourcentages massiques des différentes fractions de la tourbe (* obtenue par différence)

humine acides humiques acides fulviques*inorganique1 et

humidité résiduelleTourbe [%] massique 50 31 12 7 1déterminé par ATG

Les résultats obtenus correspondent aux valeurs couramment trouvées dans la

littérature (STEVENSON, 1994, GUIGNARD, 2001).

5.5. Acidité totale de la tourbe L’acidité totale de la tourbe est donnée par les groupes carboxyliques, phénoliques et

énoliques dans la matière organique (noté R). Le protocole de détermination est basé sur la réaction de l’hydroxyde de baryum avec la matière organique du sol et la titration de son excès par l’acide (STEVENSON, 1994). Les réactions suivantes peuvent être écrites :

2 2 22 ( ) 2RH Ba OH R Ba H O+ → + avec pH > 13 (2.28)

2 2 2( ) 2 2Ba OH HCl BaCl H O+ → + (2.29)

Deux échantillons de 50 et 100 mg de tourbe sont placés dans un Erlenmeyer et 20 ml de solution d’hydroxyde de baryum sont ajoutés. L’Erlenmeyer est balayé par l’azote, afin de déplacer l’air, et il est mis en agitation magnétique pendant 24 heures. Après ce temps, la

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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suspension est filtrée et le résidu lavé par de l’eau distillée dégazée. Enfin, la titration potentiométrique de filtrat est effectuée avec l’acide chlorhydrique 0,5 M jusqu’à un pH égal à 8,4. Dans le même temps, un échantillon blanc est préparé. L’acidité totale en mmol.g-1 est calculée selon la formule :

( ) 310b s HCl

échantillon

V V cacidité totale

m− × ×

= (2.30)

bV et sV étant le volume d’acide utilisé pour le blanc et le volume en litre d’acide utilisé pour l’échantillon (en litre), HClc la concentration d’acide (en mol.l-1 ) et m la masse d’échantillon

(en grammes). L’acidité totale obtenue est égale à 4,2 mmol.g-1 de tourbe, avec un écart-type de

0,1 mmol.g-1 de tourbe. Elle représente le nombre total de groupes fonctionnels acides de la tourbe susceptibles de réagir avec les métaux.

5.6. Titration acido-basique de la tourbe La titration acido-basique est réalisée afin d’estimer les grandeurs des constantes de

dissociation acide de la tourbe, qui est nécessaire pour évaluer son comportement physico-chimique dans un contexte chimique donné. En effet, le grand nombre des groupes fonctionnels des SH conduit aux pK différents pour chaque groupe, avec pour résultats la difficulté de déterminer leurs valeurs expérimentalement.

La titration est réalisée en utilisant le même équipement qui est employé lors de la titration de carbonate du calcium. La tourbe est tout d’abord pré-équilibrée avec la solution HNO3 0,1 M pendant 24 h. Le mélange est assuré par un agitateur magnétique. La tourbe est filtrée et lavée avec une solution HNO3 10-3 M jusqu’à ce que le pH du filtrat devienne égal à 3, et le gâteau de filtration est mélangé avec 100 ml d’HNO3 10-3 M. La suspension est ensuite titrée avec de KOH 0,1 M. Le temps entre chaque ajout a été défini après les expériences préliminaires qui ont montré qu’au bout de 10 minutes l’équilibre est établi. La courbe de titration est présentée sur la Figure 2.10.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

0 5 10 15 20 25 30 35 40

V [ml] / g

pH

domaine pK1

domaine pK2

Figure 2.10. : Titration acido-basique de la tourbe

Sur la courbe de titration, dans le domaine de pH étudié, deux zones où les pK

peuvent se trouver sont visibles. La première se situe entre pH 3,4 - 4,0 et la deuxième entre pH 6,0 – 7,0 correspondant probablement aux groupes carboxyliques. Les pK des groupes phénoliques se trouvent au delà de pH 8,0 (STEVENSON., 1994, TWAGIRAMUNGU, 2003).

Une identification plus précise des pK, qui est présentée dans le chapitre 3 (§ 2.2.1.) a été réalisée par ajustement des données expérimentales à un modèle théorique toujours dans le respect de l’ordre de grandeur ici déterminé.

6. CONCLUSION Les éléments traces métalliques sélectionnés pour cette étude ont été le cuivre et le

zinc, deux métaux dont le comportement est différent mais très largement répandus dans les sols.

Pour la réalisation de l’étude, le choix a été fait de travailler avec un milieu modèle. Un

examen de la littérature nous a conduit à fixer une composition : 65 % du sable, 15 % de la kaolinite, 10 % de la tourbe, 5 % du carbonate de calcium et 5 % de l’oxyde de fer, afin de représenter à la fois les sols européens et la norme ISO.

Sur ce milieu, une caractérisation physico-chimique approfondie a été réalisée. Face au caractère hétérogène et complexe des composants, des valeurs globales ont été calculées pour un certain nombre de paramètres chimiques (CEC, pouvoir tampon etc.).

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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La distribution granulométrique du milieu est bimodale : la partie inférieure à 20 µm, est formée par la kaolinite, le CaCO3, le Fe2O3 et d’une fraction de tourbe. La deuxième partie, supérieure à 200 µm est constituée de sable et de tourbe.

Les mesures des pH et le dosage acide ont permis de mettre en évidence le pouvoir

tampon du milieu, qui est le résultat d’une quantité relativement importante de carbonates. Cela implique qu’une quantité importante de protons devra être apportée au milieu afin de changer son pH.

Le milieu possède une capacité d’échange cationique totale de 37 meq par 100 g du

milieu, probablement apportée par la présence de la tourbe et de la kaolinite. Une caractérisation plus approfondie de la tourbe, seul matériau présent dans le milieu

n’ayant pas une composition bien définie, a été réalisée. La matière organique représente environ 93 % de la masse de la tourbe séchée à 40°C, avec une structure plutôt aliphatique. L’acidité totale 4,2 mmol.g-1 indique les nombres de groupes acides présents et pouvant en principe réagir avec les métaux. La titration de la tourbe nous a permis de sélectionner un modèle biacide avec l’ordre de grandeur des pK situé entre 3,4 - 4 et 6,0 - 7,0.

L’ensemble des propriétés physico-chimiques déterminées pour le milieu et pour la tourbe est résumé dans le Tableau 2.10.

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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Tableau 2.10 : Récapitulatif des données physico-chimiques du milieu

Milieu Distribution de tailles

des particules fraction < 20 µm 26 % massique fraction > 200 µm 74 % massique

Masse volumique vraie 2,60.103 ± 0,80 kg.m-3

Humidité résiduelle H 0,89 % ± 0,10 %

pH dans l’eau 7,00 ± 0,05

dans KCl 6,98 ± 0,05

Capacité totale d’échange cationique

37 meq/100 g du milieu

Capacité tampon acide 1,1.10-3 mol H+.g-1 du milieu

Tourbe Teneur en matière

organique 93 % massique

Structure aliphatique

Quantité Cu et Zn négligeable

Acidité totale 4,2 ± 0,1 mmol.g-1 de la tourbe

pK 3,4 – 4,0

6,0 – 7,0

Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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Chapitre 2 : Sélection et caractérisation du système objet de l’étude

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Figure 2.1. : Diagramme de solubilité du cuivre en fonction du pH pour CCu = 3.10-3 M, CT = 1.10-2 M pour une force ionique de 0 M................................................................................. 59

Figure 2.2. : Diagramme de solubilité de cuivre en fonction du pH pour CCu = 3.10-3 M, CT = 1.10-2 M pour une force ionique de 0,1 M.............................................................................. 59

Figure 2.3. : Diagramme de solubilité de zinc en fonction du pH pour CZn = 3.10-3 M, CT = 3.10-3 M pour une force ionique de 0 M................................................................................. 61

Figure 2.4. : Diagramme de solubilité de zinc en fonction du pH pour CZn = 3.10-3 M, CT = 3.10-3 M pour une force ionique 0,1 M. .................................................................................. 61

Figure 2.5 : Courbe de titration du milieu étudié, pré-équilibré par HNO3, avec KOH.......... 71 Figure 2.6. : Evaluation de la capacité tampon pH. ....................................................................... 72 Figure 2.7. : Dosage du carbonate de calcium par HNO3 1 M. ................................................... 73 Figure 2.8. : Détermination de la teneur en matière organique de la tourbe.............................. 74 Figure 2.9. : Protocole de fractionnement de la matière organique............................................. 77 Figure 2.10. : Titration acido-basique de la tourbe ........................................................................ 79

Tableau 2.1. : Les caractéristiques des euro-sols (KUHNT, 1990). ............................................... 63 Tableau 2.2 : Comparaison des principales caractéristiques des sols européennes et du sol ISO

artificiel ........................................................................................................................................ 64 Tableau 2.3 : Résultats de la distribution de tailles des particules des composants du milieu

obtenus par la voie humide. ..................................................................................................... 66 Tableau 2.4. : Masse volumique vraie obtenue par le pycnomètre à hélium .............................. 67 Tableau 2.5 : Résultats des mesures de l’humidité résiduelle........................................................ 68 Tableau 2.6. : Résultats des mesures du pH de milieu et ces composants dans l’eau et dans

une solution KCl 1M. ................................................................................................................ 69 Tableau 2.7. : Composition élémentaire de la matière organique de la tourbe .......................... 75 Tableau 2.8. : Concentrations en Cu et en Zn présentes dans la tourbe. ................................... 76 Tableau 2.9. : Pourcentages massiques des différentes fractions de la tourbe (* obtenue par

différence) ................................................................................................................................... 77 Tableau 2.10 : Récapitulatif des données physico-chimiques du milieu ..................................... 81