Étude sur l'origine des vaudois -...

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ÉTUDE SUR L'ORIGINE DES VAUDOIS. .1 THÈSE Publiquement soutenue k la Faeult4 de Théologie protstanti de Montauban, EN 1868, PAR LADREYT-MÉALY, DE SAlIr-DIDIER (ARDÈCHE), IIaeI.tIIet è, tett,esttè.-.clences ASPIRANT AU GRADE DE DACIIEUER EN TIIÊOLOGIS. oo»oo---- TOULOUSE IMPRIMERIE DE A. CHAUVIN RUE ifiREPOIX, 3 1868 Document D I Il h Il M 10H 11111 11H II 0000005622726 C'

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ÉTUDESUR

L'ORIGINE DES VAUDOIS..1

THÈSEPubliquement soutenue k la Faeult4 de Théologie protstanti de Montauban,

EN 1868,

PAR LADREYT-MÉALY, DE SAlIr-DIDIER (ARDÈCHE),

IIaeI.tIIet è, tett,esttè.-.clences

ASPIRANT AU GRADE DE DACIIEUER EN TIIÊOLOGIS.

—oo»oo----

TOULOUSEIMPRIMERIE DE A. CHAUVIN

RUE ifiREPOIX, 3

1868

Document

D I Il h Il M 10H 11111 11H II0000005622726

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L

EMPIRE FRANCAIS.

Université de Franco. - Académie de Toulouse.

FACULTÉ DE THÉOLOGIE PROTESTAÏÇIE DE MŒVFÂIJBAN.

PflOFItSSEIJRS.

MM. DsFÉLICE,doyen

NICOLAS,..SAIIDINOUX, .,PÉDÉZERT.....BOIS........MONOD.......BONIFAS, -.....

Morale et éloquence sacrée.Philosophie.Exégèse et critique du Nouv, Testam.Littérature grecque et latine.Hébreu et critique de PAne. Testam.Dogmatique.Histoire ecclésiastique.

EXAMINATEURS.

MM. MONOD, président de la soutenance.DE FÉLICE, *.BOIS.

SAIIDINOUX,*.

La Faculté ne prétend approuver ni désapprouver les opinionsparticulières du candidat.

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ÉTUDESUR

L'ORIGINE DES VAUDOIS.

INTRODUCTION.

« C'est le faible de toutes les Eglises, » dit Jacques bas-nage , « aussi bien que des Etats, de se donner une grandeantiquité, »

Cette tendance, confirmée par l'observation de tous lessiècles, pourrait peut-être se justifier, bien qu'elle paraisseprovénir d'un désir frauduleux. On ne saurait méconnaître,en effet, qu'elle ne soit déterminée par des causes naturel-'les. La première de ces causes se trouve dans notre propreconstitution. Tout homme, de même que toute société, con-sidérée comme un être collectif, estime être en possessionde la vérité. Or la vérité n'est point limitée dans le temps;elle est éternelle. Qu'y a-t-il donc d'étonnant que ceux quien sont ou qui croient en être les fidèles disciples se regar-dent, en quelque sorte, comme engendrés par ello, etsoient portés à reculer indéfiniment les bornes de leur ori-gine?

En second lieu, ce penchant est favorisé par des circon-stances extérieures il et d'autant plus prononcé chez unparti, que celui-ci rencontre des adversaires plus puissantset plus hostiles. On veut opposer à la force matérielle laforce morale, le droit de préexistence. D'ailleurs c'est ton-

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-6--.jours de la lutte que naissent les extrêmes, dans la lutteque s'affichent les grandes prétentions , que s'affirmenthautement ces opinions émises d'abord avec réserve et ti-midité.

La tendance mentionnée par notre auteur,si elle dérived'une source légitime , n'en a donc pas moins pour résultatdéfinitif de dénaturer les faits, de donner à l'histoire unecouleur légendaire, et de rendre difficiles et incertaines lesvoies de la critique. -

Tel est le caractère avec lequel se présente à nos yeuxla secte des Vaudois dont nous allons nous occuper.

Son origine, problématique à défaut de documents posi-tifs, est, en effet, une question bien débattue , et qui adonné lieu à de nombreuses controverses. C'est un champexploité aussi bien par les catholiques que par les pro-testants.

Depuis la fin du douzième siècle, où nous voyons appa-raître cette secte sur le terrain de l'histoire, il n'est presquepas d'époque antérieure qu'on ne lui ait assignée commeépoque de sa naissance. Nous n'examinerons que les quatreprincipales. Parmi les historiens , les uns 'remontent jus-qu'aux temps apostoliques ; les autres s'arrêtent au qua-trième siècle, sous le pontificat de Sylvestre 1er. D'après unetroisième opinion, les Vaudois se seraient séparés de Romesous Claude de Turin, au neuvième siècle. Enfin, leur dissi-dence se rattacherait au mouvement religieux et scientifiquedu douzième siècle, et ils tireraient leur nom de Pierre Valdo,de Lyon.

De ces quatre opinions, les trois- premières seront trai-tées plus brièvement, nous bornant, la plupart du tempsà des observations générales plutôt qu'à des arguments defait. La raison en est que, .pour nous, les Vaudois ne re-montant pas au delà du douzième siècle, lorsque nous au-rons prouvé cette assertion , les trois autres seront par celamême réfutées,

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CHAPITRÉ L

Si les Vaudois sont d'origine aposto-lique.

Il n'est ni naturel, ni vraisemblable, que les habitants desvallées vaudoises aient toujours conservé la pure doctrine,qu'ils se soient formés en corps particulier à la premièredéviation de l'Eglise. L'altération, soit dans le culte exté-rieur, soit dans l'essence même d'une religion , ne se faitpoint d'une manière brusque ou éclatante; au point de frap-per toit de suite les yeux même les moins exercés. C'est,du reste, ce que l'histoire des destinées du christianismenous atteste. Il ne s'est point altéré tout à coup souventmême un abus, pour arriver à son complet épanouissement,passait par plusieurs évolutions, se déroulant à travers unlaps de temps plus ou moins considérable. Les nuances , ense succédant par une progression lente, préparaient les es-prits ou passaient inaperçues. Ainsi en a-t-il été de la pri-mitive Eglise pendant plusieurs siècles.

D'ailleurs nous ne saurions admettre cette interventionprovidentielle, aussi arbitraire que capricieuse, qui auraitmiraculeusement maintenu dans la vérité les hérétiques duPiémont (I). Certes, nous croyons volontiers à la réalit&del'action divine sir l'humanité, sur une partie de l'humanité,sur un peuple ou sur une fraction de peuple. Nons sommesconvaincu que c'est sous la conduite même de Dieu que ISIsraélites sont sortis d'Egypte, ont traversé le désert et se

(1) Des auteurs admettent que Dieu a conservé ce petit peuple commeil conserva autrefois lsraèl. -

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M

—s—-sont établis en Canaan ; qu'ils sont restés monothéistes mal-gré leur inclination au polythéisme. Mais ici le but de laProvidence est manifeste. Ce n'est pas seulement dans l'in-térêt de cette nation qu'elle exerce sa puissance; c'est en,vue de l'humanité tout entière ; car du sein d'Israël devaitsortir le Sauveur du monde. Les voies de Dieu ne sont pasnos voies ; elles ne sont jamais excluMves comme celles del'homme. Or quel aurait été le but de cette direction spé-ciale des Vaudois, sinon de maintenir chez eux et pour euxseulement la pure doctrine évangélique? Ce n'est pas mêmedu milieu d'eux qu'est sorti le protestantisme du seizièmesiècle (1); car aussitôt que la voix de Luther eut retenti jus-que dans les Vallées, les habitants de celles-ci s'empress'e-rent de se rallier à ce mouvement, et d'adhérer aux idées duréformateur de l'Allemagne. Nous ne pouvons donc compren-dre cette assistance immédiate du ciel.

Cependant l'aposlolicité des Vaudois a des partisans sin-cères et éclairés; nous ne devons donc point passer entiè-rement sous silence leur témoignage. Les uns font évangé-liser les Vallées par saint Paul lui-même. On s'appuie pourcela sur le chapitre XV de l'épître aux Romains, aux ver-sets 24 à 28 « J'irai chez vous quand je ferai le voyaged'Espagne; car j'espère que je vous verrai en passant etque vous m'y conduirez, après que j'aurai contenté en par-lie le désir que j'ai d'être avec vous. Il continue en disantqu'il va à Jérusalem porter le fruit d'une collecte, puis ilajoute « Après donc que j'aurai fait cela.,,, je passerai parvos quartiers en allant en Espagne. » Mais ces paroles s'a-dressent particulièrement aux Romains et pour quePaul, en allant en Fspagne, eût visité les Piémontais, ilaurait dû prendre la voie de terre, ce qui n'était point le

(1) Théodore de Bèze prétend cependant, dans son Portrait deshommes fl(,seres, qnec'est par l'intermédiaire des Vaudois que I'Evan-gile s'est répandu dans presque toute l'Europe. - -.

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9 -chemin le plus court. Cependant nous reconnaissons quecet argument n'est point décisif, mille circonstances pou-vant influer sur la conduite d'un homme. Mais l'Apétre desgentils n'est point allé en Espagne. Au momenïoù il-écritaux Romains il se, trouve à Corinthe. De là il se rend à Jé-rusalem, où il est aussitôt- saisi, et, après une prison pré-ventive de deux ans, à Césarée, il en appelle à César, etarrive à home au printemps de l'an 61. Nous savons , parles Actes, qu'il demeura deux ans dans cette ville ,toujoursgardé à vue par un soldat prétorien. IL n'est donc pas alléen Espagne pendant ce temps-là. On a prétendu qu'il avaitété relâché et pris de nouveau. Mais c'est probablement uneerreur provenant d'une fausse interprétation d'un passage dela seconde épître à Timothée (4). D'ailleurs, si Paul était alléen Espagne, y avait résidé pendant dix-huit mois, il aurait,selon son habitude, fondé des Eglises. Mais, chose inouïe, sile fait était réel , il n'en reste aucune trace, aucun souvenir.

On oppose encore la tradition; mais ses témoignages sontde peu de valeur. En définitive, ce prétendu voyage nousparaît par trop hypothétique poui l'admettre.

D'autres auteurs, tels que Guy de Brez et Léger, soutien-nent aussi l'apostolicité des Vaudois, tout en les rattachantaux apôtres d'une manière moins directe. Voici ce que dit lepremier

« L'histoire rapporte que • l'apôtre Paul ayant été conduitprisonnier à home, y séjourna pendant deux ans avec laliberté d'aller par la ville , de maison en maison. II profitade ce séjour pour étendre lEslise qui avait été fondée danscette superbé cité; et ce sont ses membres qui ont servi àrépandre la religion chrétienne en Italie et par conséquentdans le Piémont, qui e fait pai'tie (). » Que tel ait été le

(t) 2 Tim., IV, 16.(2) Guy de Brez Histoire des Vaudois, ou des habitants des valides

occidentales du Piémont.

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- 40 -mode d'après lequel les diverses contrées de l'Italie ont reçula doctrine chrétienne, nous sommes tout disposé .à lecroire. Mais cela nous importe fort peu car notre butn'est pas de prouver que les vallées ont été privées de labonne nouvelle ce que nous voulons montrer, c'est quelà l'Evangile n eu le même sort que dans le reste de FEu-tope.

Léger semble plus explicite que le précédento Comme mon dessein, ii dit-il, « est de faire voir.,., que

c'est particulièrement dans les vallées du Piémont (dont leshabitants ont de tout temps été connus sous le nom de Val-denses ou Vaudois) que la miséricordieuse et miraculeuseprovidence de Dieu, dès le siècle même des apôtres, s'estvoulu conserver grand nombre de fidèles témoins, et mêmeplusieurs Eglises entières, qui ont toujours gardé le bon dé-pôt, et si bien conservé la bonne part de la pure doctrine del'Evangile, qu'elle o passé de père en fils, et de siècle ensiècle, en ce qui concerne tous les points fondamentauxdu salut, toute telle qu'ils ],a encore aujour-d'hui, etc,..

La citation précédente est renfermée dans la premièrepage (4). A la page i , nous trouvons ce qui suit « Et jene nie point que, supposant, comme ils ont fait (certainsauteurs), que ce fût son vray surnom (de Pierre de Lyon)que celuy de Valdo ou Valdensis, comme d'autres l'appel-lent, et non pas Baldo ou Baldau, comme plusieurs l'assu-rent, ils n'aient eu grand sujet de nommer les protestantsde son temps Vaudois ou Valdenses, de son nom... Et ced'autant plus qu'il faut avouer.,, que de tous les pasteursqu'ont jamais eus les Vaudois, depuis Claude , archevêquede Turin et des Vallées, qui le premier commença à les dé-tacher de la communion de Rome , sur la fin du huitième

(1) Léger Histoire générale des Eglises évangéliques des vallées duPiémont ou vaudoises.

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siècle.., il ne s'eii est point trouvé de si remarquable que ceValdo, etc. »

La contradiction entre ces deux passages serait manifeste,si Léger n'avait eu soin de prévenir ses lecteurs qu'il seraitinjuste de demander aux Vaudois , avant le septième siècle,des preuves de leur fidélité chrétienne, attendu que jus-que-là l'Eglise romaine n'avait point dévié, du moins quantaux points fondamentaux. Mais alors pourquoi dit-il (I)que le Traité de l'invocation des saints a été écrit nécessai-rement au sixième siècle ou même avant (9)? S'il n'y a pasencore eu séparation, l'apparition ou la composition de cetraité ne saurait s'expliquer, et encore moins s'il n'y a pointeu d'altération dans l'Eglise. En outre, du septième siècle àClaude de Turin, il y a 'un espace assez étendu. C'étaitdonc une lacune que Goy de Brez o comblée, au moins enpartie.

« On m'avouera, u dit-il, « que tant que l'Eglisc romainea conservé le christianisme dans sa pureté primitive, il se-rait absurde d'exiger des Vaudois des preuves de la puretéde leur croyance, puisqu'elle était exactement la même quecelle de l'Eglise dominante. Ce ne fut que lorsque cetteEglise commença à introduire dans son sein, et à vouloirfaire adopter des opinions et des usages nouveaux , que lesVaudois refusèrent de s'y soumettre; et c'est ce qui n'estarrivé qu'à la fin du 'huitième siècle ; car, quoiqu'il se fûtdéjà glissé bien des abus avant ce temps, les principauxfondements de la vérité n'en subsistaient pas moins en-tiers. »

Pourquoi donc faire dater l'origine des Vaudois du tempsdes apôtres? Il y a contradiction chez ces auteurs. L'aposto-licité ne peut exister qu'au point de vue spirituel. Du reste,

(t) 11m. gén. des EgUses évang. des valUes du Piémont, etc., 1 , p. 162.- (1) C'est une. erreur ; la langue même s'y oppose, puisque, d'aprèsRaynouard, cite n'a étô en usage qu'au huitième siècle. -

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- 4.2 -jusqu'au quatorzième siècle, ]es Vaudois n'entendaient pâtileur descendance autrement (4).

Est-il vrai que, jusqu'à Claude, l'Eglise n'ait pas introduitces opinions et ces usages nouveaux dont parle Goy de litez?Eu vain voudrions-nous le soutenir l'histoire nous,donne-rail un démenti formel.

Dès le quatrième siècle, les oeuvres surrérogatoiresl'abstinence le jeûne, le célibat sont prônés. La perpétuellevirginité dé Marie est mise en avant. Les quieurent lieu à cette époque sont une preuve irrécusable deschangements qui s'introduisaient. Et quoi qu'en disent Légeret Guy de lirez, ces changements eurent lieu même dansles points fondamentaux. Pour nous en convaincre, il n'estpas nécessaire de descendre jusqu'au neuvième siècle. Nousn'avons qu'à jeter un coup d'oeil sur l'époque comprise entreConstantin et Mahomet. Le pédobaptisme est universelle-rnènt établi. On decrète ta damnation éternelle des enfantsmorts sans baptênie, la prédestination abolue d'Augustin.« L'eucharistie, de plus en plus détournée de sa primitivesignification , revêtit le nom et la forme d'un sacrilice. Jésusy était censé réellement, quoique invisibtenient, immolépour expier, par le continuel renouvellement de sa Passion,des transgressions sans cesse renouvelées. Ce point de vue...obtint le suffrage unanime des docteurs et du peuple chré-tiens. L'Eglise devint alors véritablement un temple, la tablesacrée un autel, le pain de ]a cène une victime, le prêtreun sacrificateur, la consécration un rite continuel d'immola-tion, qui rachetait les péchés de tous ceux à l'intention des-que!s il s'aciomplissait, qu'ils fussent piésents ou absents,vivants ou morts (Q). »

Il y eut aussi un changement notable quant à l'àbjet du

(1)lffcdog Revue théologique. Strâsbourg, décembre 1850, É. J,P . 334.

(2) M. Chastel Le christiniirrne dans les six prSuicrs 8idcics,

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- 13 -culte. Dans les premiers siècles, on priait en faveur desmartyrs, afin, que Dieu leur remît leurs péchés Saint Au-gustin dit que, bien loin de prier pour les saints, il fautprier les saints pour soi-même. Dès lors on fait passer lesprières à Dieu par leur intermédiaire « Ces divins média-teurs, » disent les Pères, « ces assesseurs de Christ, cesprotecteurs puissants gardent l'homme ici-bas contre le pé-ché; l'autre vie, contre l'enfer (4). » Leur corps, leursos, leurs vêtements, la terre qu'ils ont foulée, là pous-sière de leurs pieds guérissent les malades , ressuscitent lesmorts.

- Ces quelques observations suffiront probablement pourmontrer l'inexactitude de l'assertion de Léger et de Guy deBrez, assertion que les Vaudois eux-mêmes se sont chargésde réfuter dans un de leurs écrits, en déclarant que, poureux, ils datent la corruption de I'Eglise de Sylvestre fer.Cest le sens que contiennent les vers suivants

« Ma yo auso dire, car se troba en ver,Que tait li papa que brou de Silvestre entra en aquestE toit li cardinal e tait li vesque e toit Ji abc,Toit aquisti ensernp noir tan de potestaQue 11h poissan perdonar un sol pecca mortalSolament Dio perdona, que autre noir po far (2).

11 existe encore un autre traité, dont voici le titreAeyço es la causa del nostre despartiment de la Gleisa

(E) Chastel Lt christianisme, etc.(2) Nobka Lqc:on, y . 409 et suiv.

Pour moi j'ose dire, car c'est la vérité,Que tous les papes qui furent entre Sylvestre et celui-ciEt tous les cardinaux, et tous les ôv'iqoes et tous les abbés,Tous ceux-1h ensemble n'ont assez de puissancePour pouvoir pardonner un seul péché mortelDieu seulement pardonne, ce que nul autre ne peut faire.

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- 14 -

romana (1). n Et ce titre seul indique qu'ils ont dû, euxaussi',être d'abord induits en erreur; sans quoi ils diraient,comme leurs défenseurs ultérieurs, que c'est I'Eglise romainequi s'est séparée d'eux en faisant fausse route.

(I) Ceci est la cause de notre séparation de t'Eglise de Rome.

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CHAPITRE H:

Si l'origine des Vandois se rattache anpontificat de Sylvestre 1er.

D'après Claude de Seyssel, la secte des Vaudois aurait eupour fondateur un certain Léon, homme très-religieux dutemps de Constantin le Grand, détestant l'extrême avaricede Sylvestre et l'extrême largesse de l'empereur.

Voilà la base 4e la deuxième hypothèse que nous allonsmaintenant étudier, hypothèse qui n'est pas moins gratuiteque la précédente. Le fait même sur lequel elle repose, ladonation de Constantin au pape Sylvestre de l'autorité surtoute l'Italie, n'est nullement prouvé. A la fin du dixièmesiècle, il est contesté par Othon 111; au onzième par les Ro-mains, et au quinzième par Laurent Valla, avec beaucoupde succès.

En second lieu, le passage de la Noble Leçon, sur lequelon s'appuie, ne renferme point ce qu'on veut lui faire dire.Les partisans de l'opinion que nous combattons en ce mo-ment prétendenr, d'après ce passage (1), que les Vaudoisaffirment s'être séparés de Rome depuis le quatrième siècle,tandis qu'ils se bornent à dater de cette époque le commen-cement de la papauté et de la corruption de l'Eglisc.

Ce Léon, sous la conduite duquel l'Eglise des Valléeseûtprotesté d'une manière aussi énergique contre les altérationsdu catholicisme, est complétement inconnu dans rlustoire.C'est probablement une dérivation postérieure des lyonnis-

(t) Noble Leçon, V. 409 et suiv.-Voir ci-dessus.

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- 16 -tes, nom sous lequel on désignait d'abord, en France , lesdisciples do Valdo.

On trouve, dans les écrits des hérétiques du Piémont, despreuves de leur union avec l'Eglise romaine postérieurementau pape Sylvestre ler.'Dans le Catéchisme des'ancien.s Vaudoiset Albigeois, on lit cette réponse « Yo y creo (au Saint-Esprit); car Io Sanct-Esprit procèdent dol Paire e dal F1111,es una personna de la Trinita, e second la divinita, ès aigalal Paire e al Euh (4). s Ensuite il est du que, quoique troispersonnes, dans la Trinité, il n'y a qu'une seule essence.

Or, au concile de Nicée, •en 325, c'est-à . dire onze ansaprès l'élection de Sylvestre, les Pères crurent devoir s'abs-tenir de toute précision à ce sujet. Les uns considéraient leSaint-Esprit comme une vertu, d'autres comme une créa-ture, d'autres comme Dieu; d'autres n'osaient décider (2).Enfin, quelques-uns reconnaissaient une entre lestrois personnes. Dans le concile nicéo-constantinopolitain,en 381 , on tait un pas de plus les trois personnes ont encommun l'essence divine ; mais elles ont chacune un 616-ment individuel `Ayevr1u(a pour le Père; y&wirç pour leFils; irdpsueç pour le Saint-Esprit. Celui-ci ne procède en-core que du Père. Augustin , le premier , déclara quo leSaint-Esprit procède du Père et du Fils, opinion qui futconfirmée,, en 589, au concile de Tolède, par le papeGélase.

Or, la doctrine du concile nicéo-constantiiiopolitain, avecl'addition de celui de Tolède, n'est-elle pas la même quecelle renfermée dansle passage précité? Egalité des troispersonnes ; unité d'essence; le Saint-Esprit procédant duPère et du Fils. Il est donc évident que la secte a fait cause

il). Jydrols dâr le Saint-sjwit, procédant du Pèré et du Fils. Sune personne divine de la Trinité, et, quant à la divinité, il est égalau Père et au Fils. -

(Z) Grégoiredc Nazianze, XXXVtT-discour.

n

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- 17 -commune avec Rome au moins jusqu'à la fin du sixièmesiècle, et qu'elle a pris de l'Eglise catholique ces dogmes,dont elle ne s'est point débarrassée au moment où elle écritle Catéchisme. Si elle s'était séparée plus tôt, elle aurait pro-bablement suivi la doctrine courante, qui était la subordina-tion des trois personnes. Nous allons même plus loin, et,d'après ce fait, nous affirmons, par anticipation , que lascission n'a pu avoir lieu a y ant le dixième siècle, puisquece n'est qu'à partir de cette époque que le symbole interpoléest seul connu en Europe.

Quant à l'argument tiré de la mention de l'épître auxLaodicéens, il nous parait sans valeur. Cette épître, ditM. Muston, ayant disparu du canon au quatrième siècle ets'étant conservée chez les Vaudois jusqu'au treizième, ceux-ciont dâ exister au moins au quatrième siècle, sans quoi ilsl'auraient rejetée. Ce raisonnement n'a qu'un défaut , c'estde pécher par la hase. Ce n'est que depuis le quatrièmesiècle que l'épître en question est connue. Philastérius, dansdes termes assez douteux, et Jérôme, sont les premiers quien parlent. Elle n'a pas été retranchée du canon par la rai-son fort simple qu'elle n'en ajamais fait partie (I).

Enfin , la réflexion de Bossuet est, à notre avis, très-con-cluante -

« Il faudrait être insensé , » dit-il, « pour se mettre dansl'esprit, que du temps de saint Sylvestre, c'est-à-dire envi-ron l'an 320, il y ait eu une secte parmi les chrétiens dontles pères n'aient jamais eu connaissance. Nous avons, dansles conciles tenus dans la communion de l'Eglise romaine,des anathèmes prononcés contre une infinité de sectes di-verses; nous avons des catalogues des hérésies dressés parsaint Epiphane, par saint Augustin, et par plusieurs autresauteurs ecclésiastiques. Les sectes les plus obscures et lesmoins suivies, celles qui ont paru dans un coin du monde,

(t) C'est l'opinion de M. Schmidt.

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- 18 -comme celle de certaines femmes qu'on appelait Coltyri-diennes, qui n'étaient que je ne sais où dans l'Arabie celledes Tertullianistes ou des Abéliens, qui n'étaient que dansCarthage, ou dans quelques villages autour d'Bippone, etplusieurs autres aussi cachées ne leur ont pas été incon-nues, etc. (I). o

(I) Bossuet Histoire des variations.

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CHAPITRE III.

Si Claude de Turin est le fondateur de lasecte des Vaudois.

Basnage soutient que le véritable père de ces hérétiquesest Claude de Turin , qui se sépara de l'Eglise romaine auneuvième siècle, et doM les sectateurs se perpétuèrent dansles vallées du Piémont jusqu'au douzième siècle que c'estprobablement ce qui les lit nommer Vaudois (4). -

Peyran, modérateur de l'Eglise vaudoise, fut député àTurin, auprès de Napoléon. Interrogé sur l'époque où lesVaudois avaient formé un corps indépendant, il aurait ré-pondu Sous Claude, évêque de Turin, vers l'an 820.

Rorenco se plaint de ce que l'hérésie du huitième siècle,par où il entend ta doctrinede Claude, avait continué dansles Vallées, pendant le neuvième et le dixième siècle (e).

Pour nous rendre compte de la position de Claude deTurin au neuvième siècle, et de sa protestation contre cer-tains usages tendant à s'enraciner dans l'Eglise , protesta-tion qui explique comment il est venu à l'idée de certainsauteurs de le reconnaître cotnme le fondateur de la sectevaudôiso, il n'est pas inutile de faire une courte investiga-tion sur son époque et de jeter un coup d'oeil sur le demi-siècle qui le précéda. Les circonstances au milieu desquellesil vécut, dont les unes contribuèrent, sans doute, à formerle censeur rigide, les autres à étouffer en germe ses vues

(t) Basnagc Histoire de tRgtise.(Z) Rorenco Narratiore deU' introductione delta heresle nette vL1i

di Piemortte.

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- 20 -plus ou moins élevées, nous expliquent et le caractère deson minstère et son insuccès. Sous les derniers Mérovin-giens, les ténèbres couvraient le sol français. Mais à l'avè-nement de la seconde race, l'ordre et la sécurité ayant re-paru, les lettres reprirent un assez grand éclat. Charlemagneen fut le protecteur. En religion , l'empereur et les théolo-giens dont il s'était entouré, sans imiter les mesures ico-noclastes de Léon l'lsaurien et de Constantin Coprenyme,pensèrent qu'il fallait s'abstenir de tout culte rendu aux ima-ges, opinion soutenue par le concile de Francfort (1) et,plus tard, par celui de Paris. C'est à ce mouvement éphé-mère que se rattache Claude de Turiri.

Né en Espagne, il se rendit en France, où il vécut quel-ques années. C'est probablement à la cour de Louis le Dé-bonnaire , à l'école du palais, qu'il revêtit ou qu'il affermitce caractère évangélique. Claudc, dans son opposition au.culte des images, des reliques, contre ]es pèlerinages, lepouvoir des clés, n'est donc que le dernier mais le plusferme écho d'une tendance très-prononcée chez la plupartdes théologiens qui vécurent sous les premiers Carlovin-giens. Il est le reflet vivant de l'opinion du clergé françaisau neuvième siècle.

Toutefois, cet éclair, un moment apparu b l'horizon, allabientôt s'éteindre dans une obscurité plus profonde encorequ'auparavant. La restauration opérée par Charlemagne etses successeurs immédiats ne fut que partielle et locale.Elle effleura à peine les masses. Aussi, au dixième siècle, lessciences et les lettres voient s'éteindre les derniers rayonsde cette lumière fugitive. La barbarie a repris son empire.

Voilà ce qui nous explique comment l'évêque de Turin,'tout en admettant qu'il ait suivi la tendance de son époque,échoua complétément dans ses projets de réforme,

(t) Le concile de Franctort-sur-le-Mein, convoqué par Charlema-gne eu 794, condamna l'adoration des imagesC-

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- 21—Claude n'est donc point un fils rebelle, se soulevant spon-

tanément contre l'Eglise établie; ce n'est point un sectairecherchant à miner le catholicisme romain, à arracher deson sein ses enfants soumis. Lui-même proteste de son hor-reur pour les sectes

« Car je n'enseigne point nue nouvelle secte, moy qui metiens à la pure vérité, qui ne prêche et ne publie que lapure vérité ; mais en tant qu'en moy est ,j'ai réprimé, com-battu, attéré et détruit, je réprime, combats et détruits,tant que je puis, les sectes, les schismes, les superstitionset les hérésies, etc. (I). n

Ce passage pourrait, sans doute, être invoqué en faveurd'une autre thèse. Pour nous, il est l'expression de la pleinesoumission de Claude à l'Eglise, mais en même temps lamanifestation du désir d'arrêter, dans cette même Eglise,ce que lui et d'autres appellent des abus.

Chez tes historiens ecclésiastiques, le nom de Claude nese trouve nulle part mêlé à cette secte. Et il ne nous paraî-trait point étrange , comme à M. Monastier, que cet évêquen'eôt point laissé, après lui, de partisans; car il fut dansson diocèse, qu'il trouva rempli de superstitions, l'objet d'unesi constante et si fanatique opposition, que « si Dieu nel'eût secouru, il aurait été dévoré vif, » Il fut accusé d'héré-sie par son ami même et, à sa mort, son corps fut jeté dansI'égoût du palais. Vilà l'accueil qu'il reçut, et l'on s'étonnequ'il n'ait pas laissé de disciples. En supposant même queClaude eût changé les sentiments des habitants des Vallées,il n'est pas vraisemblable que cette réforme eût pu subsis-ter, qu'elle eût pu résister, pendant trois siècles, aux inva-sions des Barbares. -

Après avoir excité contre sa personne une pareille ani-mosité , ne serait-il pas étrange qu'on eût laissé ses partisansen toute tranquillité? Ne sciait-il pas étiange que depuis

(t) C'est ce qu'il écrit à son ami Thdodniir (dans Léger).

WJF

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- -l'an 83 où écrivait l'évêque, jusqu'à la fin du douzième siè-cle , aucun écrivain n'en eût parlé que pendant trois centsoixante ans environ, les successeurs de Claude n'eussentrien fait pour purger le diocèse de cc foyer d'hérésie? AussiHahn finit-il pas renoncer à toute filiation entre Claude etles Vaudois.

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CHAPITRE IV.

Les Vaudois tirent leur nom et leurorigine de Pierre Valdo.

Nous croyons avoir démontré que la secte du Piémont n'apu exister avant la neuvième siècle. Mais cela ne suffit paspour en conclure qu'elle a pris naissance vers la fin dudouzième siècle, et qu'elle a reçu son nom de Pierre Valdo,de Lyon. Vous voulez, nous dira-t-on, que les hérétiquesdes Vallées ne se rattachent ni aux apôtres, ni à Sylvestre,ni à Claude soit, mais ils existent au moins dès le com-mencement du douzième siècle. La tradition , le nom mêmedes Vaudois et leurs écrits, le prouvent

Quant à la tradition , elle ne se rapporte qu'indirectementà l'opinion que nous soutenons en ce moment-ci, et pour cequi est des trois époques sus-mentionnées, nous avons vuquelle est la valeur de ses données. L'inconstance et la con-tradiction de cette tradition suffiraient pour ébranler ],aen son témoignage. D'ailleurs, elle n'est pas entièrementdéfavorable à notre thèse, à savoir que les Vaudois, commesecte ainsi désignée, n'existent que depuis Valdo de Lyon.

Perrin raconte que vers l'on i 460 , la peine de mort futdécrétée contre quiconque refuserait de croire à la présenceréelle de Christ dans la cène, et contre ceux qui ne vou-draient adorer l'hostie cette doctrine offusqua plusieurschrétiens , et o Pierre Valdo , citoyen de Lyon , rut des pluscourageux pour s'opposèr à telle invention. .' Il énumèreensuite les divers points que combattit Valdo, et il ajoute

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- 24 -« Claude Rubis 'dit que Valdo et les siens furent entièrementchassés de Lyon, n et Albert de Capitaneis dit « qu'ils nepurent estre du tout exterminés. s « Autre chose n'avons-nous pu apprendre de cette première persécution , sinonque les réchappés de Lyoo, lesquels, de Valdo, furent ap-pelés Vaudois , le suivirent, puis s'espandirent en diversesbandes et lieux. » -

Albert de Capitaneis dit que Valdo se retira en Dauphinéau partir de Lyon, et Claude de Rubis veut qu'il « ayt con-versé ès montagnes de ladite province, où il aurait rencon-tré des personnes rudes, capables de recevoir les impres-sions de sa croyance. s Il donne ensuite l'opinion de Viretii Viret, dit-il, « o parlé des Vaudois comme s'ensuit,Les papistes ont imposé do grands crimes et à grand tortaux anciens fidèles qu'on a appelés Vaudois, ou pauvresde Lyon, à cause de Valdo, duquel ils ont suivi la doc-trine (4). »

C'est encore l'avis de Mosheim o Les Vaudois sont ainsinommés de leur fondateur, Pierre Valdus (2).

Pour Bossuet, o leur nom est tiré de Valdo, auteur de lasecte. C'est dans Lyon qu'ils prirent naissance. -On lesnomma les pauvres de Lyon, à cause de la pauvreté qu'ilsaffectaient; et comme la ville de Lyon se nommait alorsLeona en latin (3), on les appela aussi tout court les Léonis-tes ou les Lionistes , comme qui eût dit les Lyonnais (4). s

Main de Lille s'exprime ainsi « Il y a certains hérétiquesqui feignent d'être justes tandis qu'ils sont des loups couvertsd'une peau de brebis. Ils sont appelés Valdenses, du nomde leur chef Valdus (5). s -

(I) Perrin Histoire des Vaudois.(2)Mosheim Histoire eccldsiasftqiee. -

(3)C'est probablement cc qui a donné lieu à la supposition d'unldon. -

(4)Bossuet Histoire des mictions,(5)Monestier Histoire des VsUdes.

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- 25 -C'est, du reste, l'opinion de tous les auteurs catholiques

et de tous les contemporains de Plaire de Lyon.M. Monastier prétend qua le nom de Vaudois ne peut

venir de celui du marchand de Lyon, car le nom de Valdone fut jamais le sien. Au temps où il vivait, vers l'an 4480,c'était encore l'usage de n'avoir qu'un nom , celui de bap-•tême. Il croit plutôt que Pierre, citoyen et marchand deLyon, a été appelé Valdo, à cause de la ressemblance deson oeuvre avec celle des Vaudois, ou parce qu'il aurait étéinstruit par eux. C'est aussi ce que pense M. Muston (4).M. Monastier s'appuie sur « un traité d'un auteur inconnu,cité dans Martène, sur l'hérésie des pauvres de Lyon, quine donne jamais aux disciples de Pierre le nom de Vau-dois. Il les désigne sous le nom de Veildenses, ce. qui indi-querait l'origine des opinions 6e celui au nom duquel cettedésignation est ajoutée.

Mais si Pierre a été le disciple d'anciens Vaudois aposto-liques et s'il s'est élevé à leur école en dehors de l'Eglisecatholique ou même contre les principes de cette Eglise,comment en appclle-t-il, avec ses compagnons, à.Alexan-dre 111, et lui.demande-t-il l'autorisation de prêcher? Puis-que cette secte, depuis des siècles, n'h rien de communavec home, pourquoi Valdo en réfère- t-il à une autoritéqu'il méconnaît et qu'il doit rejeter?

En outre, la conversion de Pierre fut tout accidentelle.Valdo, le Valdès, et depuis le quinzième siècle Pierre Val-dus, était un riche bourgeois de Lyon, très-pieux et très-curieux de connaître l'Ecriture sainte (2). En l'an 4160, ilemploya deux prêtres, dont l'un Etienne de Evisa; à ira-

(1) Muston Israël des Alpes. -(2) Il ne faut pas oublier que ce désir n'est pas un fait isolé, à cette

époque. Les esprits commençaient à être las de cette théologie tradi-tionnelle, et étaient portés à des études bibliques. li y avait déjà eudes traductions de certains Pères et même de la Bible.

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- 26 -duire, du latin on français, les quatre Evangiles, avec d'au-tres livres de l'.Ecriture sainte, et les sentences les plusremarquables des anciens docteurs. Il fut frappé du con-traste des moeurs de la primitive Eglise avec celts de sontemps. Il commençait à être ébranlé; puiun chant qu'ilentendit dans ]a rue, la mort subite d'un de ses trduc-teurs, les conseils d'un docteur de Lyon, le firent décidé-ment entrer dans une nouvelle voie. Il se mit dès lors èprêcher. On ne voit donc aucune espèce de filiation avecdes Vaudois préexistants.

Admettons que Valdo ne soit pas nu nom de baptême(il s'appelait Pierre), ni un nom de famille (les noms de fa-mille n'étant pas encore usités); maison désignait presquetoujours les individus par une épithète empruntée à leurprofession, au caractère de leur personne, au genre de leurvie, peut-être le plus souvent au lieu ou au quartier qu'ilshabitaient. Pourquoi donc Pierre n'aurait-il pas tiré sonnom, Valdensis ou Validisius, de Vaux ou Waldum, d'ans lemarquisat de Lyon ou bourg du Lyonnais (4)?

Sans doute, ce n'est qu'une hypothèse, qui n'est pas dé-cisive; mais l'hypothèse contraire est-elle plus plausible?Le.nom do Vaudois peut-il dériver logiquement de valUs;c'est-à-dire des vallées que ces sectaires habitaient? M. Hahn,dans son histoire des sectes du moyen àge, cherche à prou-ver que celte dérivation est la seule admissible. Mais quantà l'étym6logie, ni Valdo, ni l'aMenais, etc., ne peuventvenir de vaille; il manque toujours le d caractéristique. -

« Si vaille était la racine, on aurait vaiicnses au lieu devaldenses; il est vrai que le Flamand Ebrard s'est servi duterme vaflenses, mais il l'a fait arbitrairement, dans l'inté-rêt de son explication allégorique du nom (2). D'où viendrait,

(I) Mosheim Histoire ecclésiastique.(2) Grande bibliothèque des Pires, t. XXIV«Quidam autem, qui Valleuses se appeltant, eè quùd il valle tacry-

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du reste, que les habitants de quelques vallées du Piémonteussent reçu , de préférence à d'autres, le nom d'habitantsdes vallées? Dans l'ancien français, Vaudois ne signifie ja-mais habitant d'une vallée; Vaudês (Noble Leçon, vers 37-2)et Vaidrês (Guillaume de Tolède, vers 3502), dans la langueprovençale n'ont pas non plus ce sens. Si le nom devaitêtre dérivé d'un mot latin ou français usité au moyen âge,je ne comprendrais pas comment, en 1492, l'évêque deToul eût pu parler d'hérétiques, qui vocantur Wadoys, nicomment César d'Heisterbach eût pu signaler à Metz Tes pro-grès d'une hoeresis Watdosiana. Evidemment ces formes-làne sont pas favorables à la dérivation du mot Vaudois dumot latin valUs. Ou bien le nom serait-il d'origine italienne?Mais alors ce serait Vallegiani ait de Valdesi (I). o

On oppose les citations de deux auteurs du douzième siè-cle, Ebrard de Bethune et Bernard, abbé de Foncald.

Quant au premier, qui se sert du mot vallenses et nonvaldenses, nous venons de voir quelle est la valeur de soutémoignage. Bernard dit que les Vaudois sont ainsi appelés:Â valle densa, eô quèd profundis et densis errorum tenebrisinvolvantur (2). Il traite ensuite plusieurs autres pointsen vue des Vaudois, mais d'une manière générale, en sortequ'ils peuvent aussi se rapporter à d'autres sectes du moyenâ.-c. Bernard dédie son livre à Lucius III, et il y fait men-tion d'un autre pape du même nom, en affirmant que, sousson pontificat, ces hérétiques ne cessèrent de semer leurpoison en tous lieux. M. Mouastier en conclut que la sectedes Vallées a dû exister avant 11 44, époque de la mort deLucius II. Mais le livre de. Bernard n'a pas été écrit avant

ynarum maneant, Apostolos habentes in derisum et etiam Xabata-tenses, à Xabatata potitis, quhm Christiani à Christo , se volunt ap-pellari. »

(t) Schmidt 1f istoire des Cathares, note dixième.(2) lL B. Patrum, t. XXIV.

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n

- 28 -4181, puisque Lucius III ne monta sur le trône pontificalque cette année-là. L'auteur pouvait donc connaître les Vau-dois actuels. Ne les aurait-il pas confondus avec quelquesecte précédente, du temps dé Lucius Il, ayant des rap-ports plus ou moins prochains? La généralité même de sestermes porte à cette. induction , et cette opinion est encoreconfirmée par la cdincidence des dates. C'est depuis cetteépoque que Valdo est chasé de Lyon par Jean de Belles-Mains. Tout porte donc à croire que Bernard, ayant eu uneconnaissance vague de la doctrine de cette secte naissanteau moment où il écrit son ouvra ge,, y voit une ressemblanceavec des sectes antérieures et en conclut à leur succession.De là le même nom.

On observe encore que dans les canons des conciles etautres documents officiels relatifs aux disciples de Pierra,ceux-ci ne reçoivent jamais la qualification de Vaudois,mais qu'ils sont toujours désignés par le nom de Pauvres deLyon. Le nom de Valdo n'y est pas mentionné davantage.

Ce fait, loin de nous étonner, nous parait dans l'ordrenaturel des choses. Rarement une secte, soit philosophique,soit religieuse, prend-elle immédiatement le nom de sonfondateur. La raison en est que ce fondateur ne tient pas àse mettre en évidence, soit par humilité, soit par crainted'un pouvoir supérieur et hostile, soit parce que très-sou-vent il n'a pas d'abord une conscience claire de l'oeuvredont il vient de poser les faibles bases. La désignation d'unesecte n'est, la plupart du temps, que le fruit de l'opinionpublique. Pour n'en citer. qu'un exemple, 'ce n'est pasChrist qui donne à ses disciples le nom de chrétiens. Cen'est qu'après la mort du maître qu'il leur est appliqué,comme terme de mépris , par les païens d'Antioche.

Qu'on ne se soit pas primitivement servi du nom de Vau-dois, c'est d'autant moins étonnant que les premiers camps-gnons' de Pierre se nommaient eux-mêmes humiliés oulyonnistes. Ce qui leur valut le nom de pauvfes , c'est leur

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- -renoncement à tous les biens. On les appelait aussi sabbatatou insabattati , parce que les uns portaient des sandales oudes sabots, sur lesquels était imprimé le signe de la croix.

li

Le nom de Vaudois se trouve dans un poime en langueromane , antérieur, dit-on, d'un demi-siècle à Valdo. C'estla Noble Leçon. « La date de l'an 1400, » dit Raynouard,

qu'on lit dans ce podme, mérite toute confiance. Les per-sonnes qui l'examineront avec attention jugeront que lemanuscrit n'a pas été interpolé. Les successeurs des anciensVaudois, ni les dissidents de 'l'Eglise romaine, qui auraientvoulu s'autoriser des opinions contenues dans ce podmen'auraient eu aucun intérêt à faire des changements, et s'ilsavaient osé en faire, ces changements auraient bien moinsporté sur la date du poème que sur 'le fond des matièresqu'il traite, pour les accommoder à leurs propres systèmesdogmatiques. Enfin, le style même de l'ouvrage, la formedes vers', les concordances des deux manuscrits (Genève etCaiffbridge), le genre des variantes, tout se réunit en faveurde l'authenticité de ces poésies (1).

Quant à l'interpolation, l'observation , de Raynouard nenous parait pas très-juste; car, à quelque époque qu'ait étécomposé l'ouvrage, il est évident que la doctrine en étaitconforme aux aspirations des auteurs de ce moment-là. Ladate seule pouvait donc être faussée, soit pour donner àl'écrit une plus grande autorité, soit aussi comme consé-quence d'inductions erronées.

Si le podme a été écrit en 1400, silo nom de Vaudois yest mentionné, la secte existait donc à cette époque. C'estrargument par lequel on croit avoir définitivement dé-montré son antiquité. Nous devons reconnaître que, si les

(1) Raynouard ChoAt 4e po4sies originales des troubadours,

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prémisses sont vraies, le raisonnement est dune logique irré-futable.

Voici ce que dit le poême aux vers 6 et 7

Bon ha mil e cent anez compli eutierajuentQue fo scripta Fora car sen al derier temps (I).

Ces paroles nous laissent l'impression qu'il s'agit d'un àpeu près et non d'un moment précis. Ehsuite le second versdonne un point de départ que n'ont pas l'air de soupçonnerla plupart des partisans de la date 1100. Celte prédictionécrite ne peut être que celle de l'Apocalypse, où le règne demille ans est annoncé, où vingt fois cette proximité de lafia du inonde est affirmée do la manière la plus positive.Or à quelle époque a été écrit le livre de l'Apocalypse? Au-jourd'hui il est àpeu près reconnu que c'est vers rannée 67de notre ère (e) . Mais dans les siècles antérieurs on ne re-montait pas au delà de l'année 90. Comme d'ailleurs la dateindiquée dans le pome n'est certainement qu'approximative,on arrive facilement à la fin du douzième siècle pour l'épo-que de la composition de la Noble Leçon.

La mention de Vaud@s (3) ne prouve donc pas que la secteait existé avant l'année 1100. -

(I) Il y n bien cent ans accomplis entiltremeotQue fut écrite l'heure que nous sommes aux derniers temps

(2) Reuss Histoire de La théologie chrétienne au siècle apostolique(3) Qnc, set se troba aleun bon que voflia amar Dio e temen Jesu Krist,

Que non voilà maudire, ni' jura ni mentir,Ni avoutiar, ni auciro, ni penre de l'autryNi venjarse de le aie ennemiliii disoIî quel es VaSés, e dogue de morir.

Que sil s'en trouve quelque b'on qui veuille aimer Dieu et Jésus-Christ,

- Qui ne veuille ni maudire, ni jurer, ni mentir,Ni dénoncer, ni tuer, ni prendre le bien d'autruiNi se venger de son ennemi,Ils disent qu'il est Vaudois et digne de mort.

(Noble Lqon , t 368 et suiv.)

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Ce sont leurs adversaires qui donnent aux Vaudois ce

nom. Or, au commencement du douzième siècle, les catholi-ques ne connaissaient pas le terme de Vaudois. La premièrefois où on le voit est, en 4192, dans les statuts synodauxd'Odon, évêque de Toul, dans Martène et Durant. Cettemention , dans le polime, loin de prouver l'antériorité desVaudois au douzième siècle, comme le prétendent certainsauteurs, est, au contraire, un indice certain que le pomen été écrit plus tard, et que la date n'est pas authentique (1).De plus, la Nobla Leyczon parle de persécutions violenteset laisse apercevoir les traces d'une haine 'profonde et active

de la part de home contre l'Eglise des Vallées. C'est ce qu'in-diquent les vers précédents. Mais en voici qui sont encoreplus explicites

- Ma encar s'en troba aicim al temps présent,Licai son manifest a mot poc de la gent,La via tic Jeshu Xrist moi fort votrian mostrar,Ma tant son persegu qui a pcna o poyon farTan son li fais xristian cocota per errerE maiorment que li autre aquiih que devon 055cr pastor,Que jih persegon e aucion aquilh que son inelhor,Et laysan en pacz li fais e li cnganador (2).

Pour admettre la date 4100, il faudrait donc prouverque ces persécutions existaient alors; ce qu'on ne peut faireà moins d'admettre l'identité des Cathares et des Vaudois.

(t) Tlerzog Revue iltéotogique.(2) Mais encore s'il s'en trouve quelqu'un ail temps présent,

Lesquels sont manifestes à très-peu de gens,Qui voudraient surtout montrer la voie de Jésus-christMais ils sont tellement persécutés qu'à liciTe peuvent-ils le faire;Tant les faux chrétiens sont aveuglés par erreur,Et beaucoup plus quo les autres ceux qui devraient être pasteurs,Vu qu'ils persécutent et tuent ceux qui sont meilleursEt laissent en paix les faux elles trompeurs.

(XoWa. Leyczon, V. 357 et suiv. Traduction de Raynouard).

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I

— 32 — -La base dogmatique du catharisme étai Ît le dualisme. Le

Dieu mauvais s'étant révélé dans l'Ancien Testament, tesCathares rejetaient ouvertement l'autorité des livres de Mdise.Pour le Nouveau Testament, ils le reconnaissaient comme duDieu bon, et c'dtait• leur code. Les âmes n'avaient été revê-tues d'un corps et placées dans le monde que pour expierleurs fautes. L'auteur - du salut était Jésus-Christ; mais ilsprofessaient à son égard le docétisme le plus absolu. Leurprincipe de morale était l'ascétisme.

Le point de départ des Vaudois était le retour è l'imita-tion de Jésus-Christ. Leur but était pratique avant tout, etleur doctrine s'écartait peu de celle de l'Eglise dominante.- -Ils enseignaient la chute du probiier homme, mais ne niaientjamais le libre arbitre. ils admettaient le culte, le sacer-doce, et respectaient les sacrements. Il n'y avait chez eux nile dualisme, ni le docétisme des Cathares, ni leur dédainpour l'Ancien Testament. Leur ascétisme partait d'une hasetoute différente. En un mot, reconnaître leur identité se-rait faire preuve d'une grande ignorance des deux secteset de leurs principes. Leur commune opposition au catholi-cisme ne doit pas les faire confondre.

Mais, dira-t-on, si l'on n'a pas persécuté plus tôt les héré-tiques des Vallées, c'est qu'ils habitaient les montagnes oùils vivaient ignorés. r C'est donc lb , dans ces contrées, en-core plus sauvages et incultes qu'elles ne le sont de nos jours,c'est donc là que se sont formés les auteurs vaudois qui ci-tent beaucoup de Pères de l'Eglise, et qui se sont nourris deleurs ouvrages. Probablement ils ont eu leurs bibliothèquesdans les châlets des Alpes, dans les forêts ou dons les antresdes rochers C'est delà qu'ils ont entretenu- des relations lit-téraires-avec leurs amis de France. Cest dans ces mêmescontrées qu'il faut chercher l'origine de la poésie vaudoise,qui ne manque ni de grce, ni de beauté (I). »

(t) Herzog.

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Dans ce cas-là, il faudrait au moins renoncer à l'étymolo-gie du mot vaudois, dérivant de rai, vaux.

il y a, dans quelques poémes, des recommandationsqu'on ne saurait comprendre, si elles sont adressées à desmontagnards dont le travail ingrat suffit à peine pour sou-tenir leur existence, habitués à se contenter, du strict né-

cessaire, peut-être à voir la misère frapper familièrement àleur porte. La Dcspreczi del Mont semble les mettre eu gardecontre tous les dangers d'une vie voluptueuse on d'une civi-lisation corrompue

Vos Poe toit e000iser que 'lori ha grant profeitEn possessions de terras ni en li autre grant deleitNi en torre, ni en pnlays. ni en grant maisonement,Ni cil ni en eonvitis , ni cii li grant menjamentNi cil leyt honorival, ni en Ji bel pariaient,Ni en vestimentas claros e fortinent respiandent,Ni en greez de bestias, ni en lavor de moti camp,Ni eu bellas vignas , ni cri ort, ni en jardin grant,Ni en inoti fui, ni en autra grant famiiha

- Ni en autre honor mondan tomant coma favilla.Col es dunes, 10 ravi que lia cura flqnistnrLo que cent laver s'aquista e tant Poe p0 durar (t)?

M. Monastier, au mot Vtujdè,ç, précédemment mentionné,a donné un sens tout nouveau:

(1) Vous pouvez tous connaltre que n'a grand profitEn possessions de terres, ni en les autres grands délicesNi en tours, ni en palais, mi en grands édifices,Ni en tables, ni en repas, ni en les grands mangers,Ni en les lits honorables, ni en les belles parures,Ni en vêtements clairs et fortement resplendissantsNi en troupeaux de bêtes, ui en travail de moult champs

-. Ni en belles vignes, ni en verger, ni en jardins grands,Ni en moults fils, ni eu autre grande famille,Ni en autre honneur mondain tournant comme étincelle.Quel est donc le sage qui a souci d'acquérirCO qui avec travail s'acquiert et tant peu peut durer?

(Traduction de Raynouard).

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- -« pendant longtemps, » dit-H, « on n'a vu dans cette déno-

mination que le nom de Vaudois. Mais on a reconnu au-jourd'hui qu'elle renferme une sanglante injure et qu'elleéquivaut à une accusation de sorcellerie. Le nom de Vau-dès a bien, en effet, dans la langue romane, le sens desorcier. Rubis, cité par Pei'rin, dit en propres termes

Quand on parlait d'un sorcier, on l'appelait Vaudès. » Mé-zeray, Histoire de Franco, au sujet de Jeanne d'Arc : « Cettepartie de l'université , qui était demeurée 'u Paris, làche es-clave de la tyrannie anglaise, fit aussitôt instance qu'on lamit entre les mains des geiis d'Eglise pour lui faire son pro-cès, comme à une Vaudoise, enchanteuse, hérétique, abu-seuse, etc. »

Cet auteur u raison de dire que c'est un terme de méprisou de sorcellerie, cc qui est assez naturel dans la bouched'un adversaire. Ce trait n'est point particulier au Vaudoismais commun à presque toutes les sectes, regardées par1'Eglise mère comme source d'impiété, d'impureté ou de sa--criléges de toutes sortes. Mais ce qui est faux, c'est qu'un nomdonné d'abord è des criminels ait été appliqué ensuite auxhérétiques. C'est, au contraire, le nom de ces hérétiques,devenus pour les catholiques un objet de haine, qui fut cru-ployé pour désigner des crimes détestables.

« M. Monastier ignore sans doute que ce n'est pas avantle quinzième siècle que les termes de Vaudois, Vaudoiic,

Vauldoycrie paraissent avoir été employés comme synony-mes de sorcellerie et 'd'un autre crime abominable (1).

L'auteur des Vallées nous paraît décidément malheureuxdans le choix dés sources où il va puiser des témoignagesen sa faveur. Une fois c'est un écrivain anonyme dont ilinvoque l'appui. Ici c'est d'un historien du dix-septième siè-cle qu'il se réclame. Que Mézeray se soit servi de ce termedans le sens de sorcier; que ce soit avec cette signification

(1) Schmidt Histoire des Cath arcs.

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qu'il ait été appliqué à Jeanne d'Arc lors de sa condamna-tion et de son supplice (I), cela ne prouve absolument rienrelativement à la question débattue, le nom de Vaudoisayant, à cette époque, grâce à la secte d'où il était tiré, lesens qu'on veut lui assigner. Le contexte de la phrase où ilest employé nous est aussi favorable. On fait 'o Jeanne d'Arcson procès comme une Vaudoise, enchanteuse, hérétique.Tous ces mots sont donc à peu près synonymes. En donnantà quelqu'un le nom de Vaudois, on voulait lui imprimer unbltime, on le désignait comme hérétique; c'est do cela quele poiae a cru devoir se plaindre dans la Noble Leçon. Cetteplainte prouve peut-être qu'en ce moment les habitants desVallées croyaient encore pouvoir rester dans le sein du ca-tholicisme.

Du reste, la couleur générale du pome prouve qu'ilsétaient attachés à cette Eglise, cl plusieurs passages l'indi-quent clairement. Les croyances, les doctrines sont à peuprès les mêmes. li y est parlé de la sancta Maria, de la sancta

Trinita, qui, comme un Dieu, doit être honorée.Le vers 387 contient ta recommandation de se confSser et

de ne pas attendre à la fin

San e vie te confessa e non atendre à la fin (2).

Aux vers I4 et suivants, nouveaux préceptes assez con-formes aux usages romains

Ma ayczo devon far aquilh que son posterPredicàr devon Io pobbe e istar en oraison.• paiser li sovent. (le diviita doetrina-• eastiar ti peceant . donnant b bor disciplina,Co es vraya anionestnucza qn'ilh ayan pentiinentSuramènt se confesson sencza Mcliii mencanient,

(t) On sait que Scanne d'Are fut brûlde vive à Rouen, en 1431.(2) Sain et vif te confesse et n'attends à la fin.

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E qu'ilh faczan penitencia en la vita présent,De jeunar, far aimeras e aurar an cor bulheut (1).

On y trouve aussi la distinction des péchés mortels et despéchés véniels.

Valdo, en effet, n'entendait pas se séparer de l'Eglise, etil ne croyait pas d'abord en être mal vu.

« Pierre Valdus et ses disciples,» dit Mosheim, n'avaientnullement dessein d'introduire une nouvelle doctrine ou deproposer de nouveaux articles de foi. Leur unique but était

de ramener le gouvernement de l'Eglise et les moeurs duclergé à la simplicité du siècle des apôtres, que Jésus-Christn recommandée avec tant de soin. »

Mais aussitôt que Jean de Belles-Mains, évêque de Lyon,eut connaissance de cette communauté , il l'interdit. Valdoinsiste, et il est anathématisé par son évêque. Alors lui etses compagnons sont chaEsés, et ils se rendent dans le midide la France. Ils en appellent à Alexandre 1H, lui envoient

leurs commentaires sur les Psautiers, sur les Pères, endemandant l'autorisation do prêcher. Cette démarche prouveclairement qu'ils ne se regardaient pas comme dissidents.D'autre part, Bossuet rapporte qu'après la mort de Lu-cius III, comme, malgré son décret, ces hérétiques se répan-daient beaucoup... on proposa une conférence pourles ra-mener à l'amiable. On choisit de part et d'autre, pourarbitre de la conférence, un saint prestre nommé Raymond

(t) Mais ceci doivent faire ceux qui sont pasteursPrûcher doivent le peuple et être en oraison,Et paître eux souvent de divine doctrineEt châtier les péchants, donnant h eux discipline,C'est vrai avertissement qu'ils aient repentanec;Sûrement se confessent sans aucun manquementEt qu'ils fassent pénitence, en la vie présente,De jeûner, faire aumône et prier avec coeur bouillant.

- (Traduction de Raynouard.)

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— 87 -de Daventrie... - On voit par là, dit-il, que les Vaudoisn'avaient pas encore 'rompu toutes mesures avec l'Egliseromaine, puisqu'ils convinrent d'un arbitre catholique etprestre.

En 4479, au concile de Latran, une commission fut nom-mée pour examiner leur demande. On les déclara inhabilesà instruire le peuple et on refusa l'autorisation, ce qui ne

• les empêcha pas de prêcher ; sur quoi Lucius III, en 1483les exclut de l'Eglise. Ainsi s'opéra la scission.

Ici se présente une nouvelle objection• « Admettons, » dit M. Muston, que la, Nobkz Letjczonait été composéi, non en l'an 4400, mais en l'an 1200, etvoyons si elle n pu l'être par les disciples de Valdo. Cepoème est en langue romane; ce n'était pas celle de Lyon.Les disciples de Valdo sont sortis de cette ville de 4180 à4190. Ne leur eût-il fallu que quelques années pour s'accli-mater dans un nouveau pays, est-il admissible qu'ils aientpu, en aussi peu de temps, apprendre une langue nou-velle , au point de lui donner ses ouvrages les plus parfaits(pour l'époque du moins) ; qu'au milieu des difficutés de lacolonisation, ils aient eu assez de loisir pour se livrer à lacomposition d'un poime aussi étendu (l)?»

Pour ce qui est de la langue, le raisonnement de M. Mus-ton nous semble partir d'une base un peu arbitraire. Nousen reconnaîtrionsl'importance s'il était prouvé que Valdo n'afait des disciples qu'à Lyon ; mais dans le midi de la Franceoù il s'est d'abord dirigé, il a fait de nombreuses conver-sions, ainsi qu'en Piémont. Pourquoi faire absolument écrirele poème par un Lyonnais et non par un prosélyte du midi de1a Franco ou du nord de l'Italie? L'objection tomberait d'elle-même; l'ignorance de la langue romane ne saurait encoreêtre prétextée.

Que les compagnons de Pierre aient eu assez de loisir

(1) Preface de l'Israël des Alpes.

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- 38 -pôdr composer ce podme, ce n'est nullement invraisembla-ble. N'avaient- ils pasT déjà fait plusieurs traductions oucommentaires de diverses parties des Ecritures saintes du desPères? D'ailleurs, nous ne sommes pas éloigné de croire quecet ouvrage a été composé en Franco dl transporté, par lesdisciples de Valdo, dans les vallées du Piémont. Ainsi s'éva-nouiraient les embarras de colonisation qui , dans tous lescas, ne sont point une raison péremptoire.

'IL

Il nous reste encore à jeter un coup d'oeil sur quelquesautres traités vaudois qui, par leurs dates, prouvent indu-'-bitablement, selon certaines personnes, la haute antiquitéde la secte. Nous voulons parler d'un Catéchisme daté del'an 4426 ; d'un traité de l'Antechrist, de 4120; du Purga-toire, de l'an 4400 de l'Invocation des Saints, de 4426; etde la Confession de foi, de 1120.• Quelle est la valeur de ces dates? Des cinq écrits, il en

est trois pour lesquels on peut manifestement, prouver lanon-authenticité: à savoir, le Catéchisme, PAntechrist et lePurgatoire; car ils renferment des passages de l'Ecrituresainte cités tantôt par chapitres, tantôt par chapitres etversets.

4° Catéchisme des anciens Vaudois et Albigeois, portant,dans le manuscrit, la date de l'an 4100. La cinquième ré-

-_ponse y est ainsi copçue : « L'Apostol scriv, 4 Cor., XIII':Aquestas cosas permanon : là, esperança e carità (1). » In-terrogé sur la foi , le catéchumène répond : « Second1'Apostol, Bêh-, XI, es una subsistahcia de las cosas de es-perar, e un argument de la non appareissent (2).

(t) L'Apôtre écrit . I Cor., XIII Ces choses demeurent : la foi -l'espérance et la charité.

(2) Selon I'Apôut, Hdb., XI, c'est une représentation des chosesqu'on doit espérer, et une preuve de celles qu'on ne voit pas.

r-

t

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- .89 -• Vient ensuite un passage encore plus précis et indiquantune époque plus récente• « O. Quai es Io fondament d'aquisti commandament, perliqual un chascun deo intrar a vite , sença loquai fonda-ment non se po degnament far ni complir li comment-dament?

» R. La Seignor Jcsu .Christ, de] quai dit l'Aposte!, I Cor.,111, II Alcun non po pausar autre fondament stier aqualqu'es pausa, loquai ès Jcsu-Christ (1).

Nous ne voulons pas multiplier les citations de ce genre,ce qui serait pourtant bien facile; car elles sont nombreu-ses dans le Catéchisme ; mais il nous suffit d'y prouver leurprésence.

2° L'An f echrist , portant la date de l'an 4420.Les mêmes observations sont confirmées par les mêmes

preuves« Si (o Christian es ontengu per commendament de partir

se de I'antechrist le es dit e es prova del Vieilli e del Novel-Testament Car Io Segnor dit, Esaia cinquante-dous De..parte vos, etc... E Jeremia cinquante : Fuge, etc. (2). »

Puis des citations par chapitre et verset : Lév. , XV31 , etc.

3° Enfin, dans le Purgatoire, auquel on assigne la date1420, sont renfermées des citations telles que Matth. , XXparabole du Père de famille et des Ouvriers, et Rom., XX.

(I) D. Quel est le fondement de cet commandements par lesquels unchacun doit entrer en la vie, sans lequel fondement on ne peut digne-ment suivre ni accomplir les fondements?

R. Le Seigneur Jésus-Christ, duquel l'Apôtre dit (I Cor.. III, II)Nul ne peut poser d'autre fondement excepté celui qui est posé, quiest Jésus-Christ.

(1) Que le chrétien soit tenu par commandement de se séparer del'antechrist, cela est dit et prouvé par l'Ancien et le Nouveau Teste-ment; car te Seigneur dit, Esaïe, LII Eloignez-vous , etc., et Jéré-mie, L: Fuyez. etc. - -

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Or, lala divisioh actuelle en chapitres est du cardinal espa-gnol Hugues de Saint-Clair. C'est lui qui , au treizième siè-cle , divisa ainsi la Vulgate latine. Quant à la division enversets, elle est due à Robert Etienne, en 1551.

Que conclure de ces données, sinon que ces trois traitéssont évidemment de beaucoup postérieurs à l'époque mdi-quée par leurs dates; et, pour les deux autres écrits, nepeut-on pas inférer, de ce que nous venons de prouver, quela même erreur a dû se produire? D'ailleurs, des doutes sesont élevés, depuis longtemps, sur l'exactitude de leur mil-lésime. Ainsi, Léger dit queque l'invocation des Saints, datéede 1126, est au moins du sixième siècle.

La Confession de foi débute par une énumération des li-vres canoniques et apocryphes de l'Ancien et du NouveauTestament , et les distingue formellement. Cependant lesVaudois prient OEcolampade de leur indiquer les vrais livrescanoniques.

Le même traité porte « 430 Nos non haven connegu au-tre sacrarnent que Io baptisme e la Eucharistia (I). » Toute-fois, les députés (George Morel , au nom de son collègueManon) écrivent SOEcolampade e In hoc, ut andin, erra-vimus, credentes plura quam duo sacramenta.

La Confession est donc postérieure à l'épître de 1530 (2),ce qui conflrme le synode d'Augragne, en 1532, où futsanctionnée la doctrine des deux sacrements.

Le contenu général de ces divers traités laisse apercevoirune succession dans le temps de leur composition. A me-sure que nous avançons, la scission est toujours plus évi-dente, plus complète. Dans la Noble Leçon elle n'est qu'ébau-chée, tandis que dans l'Antechrist, par exemple, elle est

i) Manuscrits de dcevc. n0 2Û8 on€roVersÔs vaudoses, 'papiercc Nous n'avons connu d'autte sacrement que le baptéwe et l'Eucha-•ristie.

(2) Herzog. -

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achevée. IlIl est, en quelque sorte un manifeste do sépa-

ration.Nous voilà arrivé à la fin de notre étude et en même temps

à la conviction que c'est de Valdo que date la naissance decette secte des Vallées.

La connexion est visible entre cette fondation et l'ensem-ble des circonstances et des idées religieuses au douzièmesiècle. C'était le premier réveil de l'esprit, la première épo-que des traductions en langue vulgaire.

Cette connexion paraît encore mieux quand on comparela littérature vaudoise avec la littérature du midi de laFrance à cette époque. Le dialecte est le même; dans lapoésie, même mesure , même rhythme. Ce sont les mêmessujets, les mêmes idées réformatrices qui' commençaient àse faire jour depuis la connaissance de la Bible. Ces deuxlittératures appartiennent è la même époque, au même mou-vement intellectuel et religieux. Est-ce des vallées du Hé-mont que, ces idées se sont répandues dans le midi de laFrance? L'hypothèse n'est pas soutenable.

Les disciples du marchand de Lyon, persécutés en France,'se réfugièrent dans ces vallées désolées, presque inhabitées,et purent, par conséquent, s'y établir sans de grandes dif-ficultés. Là leur supériorité intellectuelle assura leur in-fluence. Leur génie les y fit prospérer, et, grâce aux rem-parts naturels, grâce aussi à l'appui de quelques seigneursvoisins, qui profitaient de leur industrie, ils purent conser-ver chez eut le trésor que les invasions firent disparaltrepartout ailleurs.

Du reste, flous ne croyons pas que les dissidents de Lyonaient été les premiers sectaires habitant les vallées desAlpes et que la réforme de ce pays soit l'oeuvre exclusive deValdo. D'autres hérétiques, également poursuivis en France,s'étaient déjà enfuis dans les vallées di Dauphiné et du Pié-mont, Ø .dest peut-être ce qui explique, en parie, la facileintroduction des Vaudois. Ceux-ci se confondirent avec les

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-42-Pétro-Bruvsiens, les Hénribiens et autres, ou plutôt absor-bèrent toutes ces sectes en leur faisant adopter leurs propresprincipes et leurdoctrine Les Vaudois ne furent psiescontinuateurs de leurs devanciers, mais, nouveaux venus,supérieurs par une connaissance plus parfaite de la vérité,ils , utilisèrent ce qu'ils avaient de commun avec ces sépara-tistes pour les enrôler sous leur bannière et former uneseule milice.' e On voit que c'est un résumé de la plupartdes hérésies qui avaient eu cours jusqu'alors (4); » maisrésumé inconscient en ce sens qu'il s'effectua avant de connaî-tre lés éléments divers qu'il réunissait Si la fusion s'opéra,ce ne fut poit au détrinent des Vaudois, qui ne firent au-cune concession, mais des autres sectes; qui, trouvant danscelle-ci une expression plus complète et plus vraie de leurspropres aspirations, abdiquèrent entre ses mains et leurnom et leur autonomie religieuse.

Ainsi s'explique assez naturellement cette institution desEglises vaudoises, datant de la fin du douzième siècle.

Pour celles-ci, on conçoit l'opinion de la tradition. Onleur objectait leur nouveauté, le défaut de mission légitimede Valdo. Elles répondaient que leur droit reposait sur lavérité évangélique, et que Valdo avait été consacré par l'as-sentiment unanime de ses frères.

Depuis le quinzième siècle, il s'agissait de montrer à lmaison de Savoie, qui voulait les anéantir, qu'elles exis-taient avant le dixième siècle, c'est-à-dire avant son avè-nement

Mais les Vaudois, s'ils sont moins anciens, comme secteévangélique, qu'ils ne le prétendent, verront-ils pâlir l'éclatde leur nom et leur oeuvre sera-t-elle moins méritoire? Lebeau rôle qu'ils ont joué, les magnifiques vertus qu'ils ontdéployées dans des •temps de corruption et de barbarie,

(I) Jules Bastide, ancien mi,iitre de fi République t Sectes veU-Dieuses des premiers siècles.

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- —59---.l'bér6iqùe courage avec lequel ils ont bravé, pour leur foi,les persécutionsde Rome ,yiaIche cruauté de la plupartdes ducs de Savoie, les mèttent bien au-dessus de tout leprestige d'une origine légendaire. Que n'ont-ils continué cemouvement qui les portait vers la lumière; et après avoir,au douzièdie siècle" revendiqué , les -droits •de4'Eyangile. mé-connu, ils en seraient aujoord'hui:]'-honneur. et le témoi-gnage éclatant au milieu des ténèbres que semble répandresur l'esprit religieux de notre temps le doute ou le scepti-cisme d'une théologie . , à la mode l Qui, la gloire. la pluspure, la plus vraie, la seule réellement digne de ce nm,est celle qui provient, nonpas d'une dScendance noble oùreculée, mais de la pratique et de la diffusion de la vérité,de la conformité d'une vie tout entière à la volonté du Dieude vérité et damour.

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• La théologie de Jacques n'est point en contradiction avecla théôlogie de Paul; elle en est le complément.

II

Le dualisme oriental a exercé sur le christiaiïisme uneinfluence qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours.

111

Le christianisme est éminemment social.

1V

La vraie liberté de l'homme consiste dans son obéissance àla volonté de Dieu.

V

II n'y a et ne peut y avoir de -morale indépendante deVidée de Dieu.

Vu par le Président de la thèse,

Montauban, le 19 décembre 1867.

JEAN MONOJ).

Par M. le Doyen,Montauban, le 20 décembre 1867.

G. DE FÉLICE.

Vu et permis d'imprimer,Le Recteur,

ROUSTAN.

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