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r î Document O III IlI H 1110111111111111 0000005631476 1 'fl•""W p ç -'-'- T - - C - L'INTAILLE CAROLINGIENNE DE, L'ABBAYEDE QAULSORT. • Cette plaque lenticulaire, de 113 millimètres de diamètre, en cristal de roche, sur laquelle Lothaire, roi des Francs, a fait graver eu creux (en intaille) l'histoire de la chaste Susanne, présente à côté de sa haute valeur archéologique un intérêt tout particulier pour le pays de «amur. Un heureux concours de circonstances a fait découvrir récemment ce bijou au British Mseum, à Londres; nous devons à M. Read, son obligeant conservateur, un excellent moulage qui nous a permis de faire graver la planche placée en tête de cet article. Conservée dans l'abhayede Waiilsort, près de Dinant 1, jusqu'à la fin du siècle dernier 2, dette superbe intaille 3fut payée douze francs par un amateur de Lyon, et achetée I L'abbaye de Waulsott, de l'ordre de saint Henoit, était située sur la Mense à7 kil. de-limant (Namur), 2' D'aprôs Gatliot, l'historien namurois, elle se trouvait encore dans te trésor de t'alihaye en 1789,11 est liés probable que lù tourmente révolu. tioniiaire en dispersant les moines dispersa leur trésor. - L'intaille est la gravure en creux sur pierre fine; le camée, au contraire, est givé du relief.

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O III IlI H 11101111111111110000005631476

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L'INTAILLE CAROLINGIENNE

DE, L'ABBAYEDE QAULSORT.

• Cette plaque lenticulaire, de 113 millimètres de diamètre,en cristal de roche, sur laquelle Lothaire, roi des Francs,a fait graver eu creux (en intaille) l'histoire de la chasteSusanne, présente à côté de sa haute valeur archéologiqueun intérêt tout particulier pour le pays de «amur.

Un heureux concours de circonstances a fait découvrirrécemment ce bijou au British Mseum, à Londres; nousdevons à M. Read, son obligeant conservateur, un excellentmoulage qui nous a permis de faire graver la planche placéeen tête de cet article.

Conservée dans l'abhayede Waiilsort, près de Dinant 1,

jusqu'à la fin du siècle dernier 2, dette superbe intaille 3fut

payée douze francs par un amateur de Lyon, et achetée

I L'abbaye de Waulsott, de l'ordre de saint Henoit, était située sur laMense à7 kil. de-limant (Namur),

2' D'aprôs Gatliot, l'historien namurois, elle se trouvait encore dans tetrésor de t'alihaye en 1789,11 est liés probable que lù tourmente révolu.tioniiaire en dispersant les moines dispersa leur trésor. -

L'intaille est la gravure en creux sur pierre fine; le camée, aucontraire, est givé du relief.

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en 1851, h la vente Bernai, à Londres, par le Muse britan-nique pour la somme de deux cent soixante-sept livres 1,

La pierre a été malheureusement brisée par le milieu, ainsiqu'on peut le voir sur la gravure.

Quarante petites ïigures, formant huit épisodes de l'histoirede Susanne, sont, taillées dans cette lentille de cristal; chaquescène est accompagnée d'une iacriptioa tirée du texte dela Bible, qui en explique le sujet.

li er Et'isonn. SANCTA SUSANA. Susanne est dans son jardin;elle se dispose à se baigner, ainsi que l'indiquent.les deuxflacôns (ampulla) qu'elle tient i la main, et qui renfermaientl'huile et le parfum servant h oindre le corps h la sortie,du' bain.

SunhlExJI SENES Les deux vieillards se iontrent à Susanne;011 voit, aux mouvements des mains, qu'ils lui parlent avec,animation.

OcunnEli slnvI. Les serviteurs ', ayant entendu des cris dansle jardin, se dirigent en hâte vers la porte de derrière pour

voir, ce que c'était.e MITTITE AD SUSANi. Les vieillards disent au peuple, réuni

dans la maison de .Toakim, faites venir Susanne.3e MisÏi NitNUS. Les vieillards, se levain au milieu du

peuple, mettent les mains sur la tête de Susanne pourl'accuser. Le peuple les croit et Susanne est condamnée

h mourir. . .4e Cita DUGERET AU MORTE. Comme oi la conduisait à la mort,

Daniel dit au peuple t Séparez.ces vieillards, je les jugerai.

CI

• 1 AIFRE1) DA5CET,. Gazette des Beaux-Arts, 1885, P. 131. D'après cetécrivain, l'intaille (lu ltritish Museum fui trouvée dans la Meuse.

- M. UIIARTON,dans son llistoire deFnince,ditqu'elle provenait de l'abbayede Waulsorl, près de Namur. Ces Messieurs ne font que citer te bijou.

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50 JNVETEIIAtE DIER MALOR. Daniel appelle l'un d'eux et luidit Pécheur endurci, le temps d'expiation de vos fautes estarrivé.

fifl BECTE MF.NTITITUS ES. .Daniel les ayant convaincus decalomnie ajouta le mal que vous avez commis est maintenantretombé sur vous.

7° FcEi Q EISSICUT MALE ECERANT. (Le peuple) leur fit souffrirle même mal (lapidation) qO'ils avaient voulu faire à leurprochain.

80 ET SALVATUS E SANG(...)INNOXIUS IN n(.... . )A 2 Ainsi, le sanginnocent fut sauvé en ce jour

Enfin la dernière inscription qui se lit au-dessus du médail-Ion central et qui est d'une importance capitale pour déter-miner l'époque de ce travail : LOTHARIUS REX FRANG(...)(.) JERIJUSSJT.Lothaire roi des Francs a ordonné qu'on le ht.

Peu d'oeuvres d'art possèdent une histoire aussi complèteque celle de l'intaille de Waulsort elle doit ce bonheurparticulier au lien étroit qui unissait ses premiers temps àceux de l'abbaye, et aussi à la haute valeur de cet objetqui était considéré comme une oeuvre (le saint Éloi.

La chronique de Waulsort 3 s'étend longuement sur l'originede cette communauté et sur k rôle que joua le joyau duroi Lothaire dans l'histoire de sa fondation. Sans entrer dans

tous les détails qui y sont rapportés, nous citerons I? bal-ticn

concerné particulièrement notre sujet.« En ce temps là (predtière moitié du ix° iècle) vivait à

1 Ici le graveur de rimai n mis fanivement »ientUitvs pour ;nenhitus.2 La cassure de la pierre a fait disparaître ici quelques lettres.

La chronique (le Waulsort a été publiée (la lis le Spiciteginin d'Achcry,t. 11, et clans les Monum. hï.yt. Gerrn., de Periz. Elle va de l'an 944

h l'an 1242.

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•: -2-Florerjnes un seigneurseigneur brave et poissant, nommé Eu-

-» bort 2 Étant allé h une foire en Thierache il yvit un cheval;

•: » d'une beauté et d'une force peu commune, qui appartenait- - n b un clercq de la cathédrale de Reims. Désirant en faire utf

- n cheval de bataille, Je comte Eilbert l'acheta pour un prix- )) élevé, mais n'ayant pas soi , lui la somme nécessaire pour le

payer, il donna en gage au clerc un bijou de grand prixqu'il portait sur lui; et fixa en même temps le joui- du

-n paiement. Ce précieux objet, de la forme d'un collier

• - n (monile, avait été exécuté sur l'ordre de Lothaire, roi des¼ n Francs, par le. vénérable évêque saint Éloi, qui était un

- . n habile artiste. Au centre se trouvait une pierre, appeléen beryl (cristal de roche), sur laquelle était gravée, avec unn art admirable, l'histoire de Susanne faussement accusée par

- .» les vieillards. Au joui- fixé, Eilhert apporta l'argent au clercn et réclama son collier. Celui-ci nia avoir reçu le gage et

prétendit même ignorer ce que le comte voulait dire. Leseigneur de Florennes fut violemment irrité de ce manque

Florenns est un bourg situé dans I'Entre-Sambre-et-Meuse, provincedc Namur.- -

Z L'auteur de la chronique donne une généalogie du comte Eilbertdont nous n'avons pu, faute de documents, vérifier l'exactitude. Il estcertain qu'il appartenait h une famille puissante de ia Thiérache, pays

- . qui s'étendait des source de ta Sambre jusqu'à Couvin et Bevin. Eilhert- avait sept frères, dont l'un, Itûribert, qui était comte de Vermandois

• - (Saint-Quentin), lut un des seigneurs tes P l us turbulents du x° siècle, etest bien connu dans l'histoire. Les deux frères tenaient tantôt parti pourCharles le Simple et tantôt le eomhftttaierit. Iu 93. ils firent prisonnierpar perfidie ce malheureux prince et l'enfermèrent à Péronne. A la

- (in d'une vie agitée, dans laquelle son frère EilberL le fondateûrde Waulsort, semble avoir pris une part active, Hèrihert regretta sesfautes et les malheurs qu'il avait causés, il fit pour les racheter (lenombreuses largesses aux communautés religieuses.

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dehpnne foi; après avoir consulté ses amis et ses vassaux.et demandé leur aide, il alla mettre le siège devant la ville

n de Reims 1• La vi]le tomba bientôt en son pouvoir, le clercfut reconnu et poursuivi jusque dans la grande église.Comme on ne pouvait parvenir h le trouver on mit le feu h

» l'édifice. Forcé de fuir devant les flammes, le coupable fut» arrêté et on trouva le précieux bijou sur sa poitrine, caché

sous les vétements. -» Lorsque la nouvelle de ce triste événement arriva aux

n oreilles du roi Charles (le Simple) il • entra dans unen violente colère et résolul, de faire la guerre h cette famille

puissante et à la dépouiller de ses grands biens. Après un.n combat acbarné le roi 'fut battu, fait prisonnier et enfermé

h Peronne (922) par le comte Eilhert et son frère Berihert,n comte de Saint-Quentin. Les deux frères mirent bientôt len roi en lihertéet le comte demeura en possession du précieux» bijou cause de la guerre.- Quelques années plus tard,.Eilbert.

rongé de remords, résolut d'élever sur les bords de laMeuse l'abbaye de Waulsort en expiation du crime qu'il

n avait commis en livrant aux, flammes l'église de Reims.n Non content de la doter généreusement il y déposa len fameux beryl en recommandant qu'on le gardat avec le plusn, grand soin et comme l'objet le plus précieux qu'il putn leur léguer (944). )

Cette dernière recommandation n'était pas inutile; nonsvoyons en effet, vers. 960, un certain abbé Godefrdid, dans

' flans son Histoire eeet&siistiqn.e de Reims, Flodoard ne fait qu'unetrès légère allusion à ces événements; l'auteur êtnl allaché lui-même hl'église de Reims, devait passer sous silence tin fait que celle-ci avait toutintérêt h cacher.

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une querelle avec ses religieux les menacer de reporter àReims le collier du comte Eilbert, leur disant que c'était unacte de justice, puisque cet objet avait été la cause de grandsdésastres pour cette ville.

Vers l'an 4072, l'abbé Godescalque, voulant favoriser le.mariage d'un de ses parents nommé Englebert, dota sa fiancée,malgré la menace d'excommunication pour les spoliateurs,avec une partie des présents que le comte Eilbert avait faitsà la communauté; le collier devait se trouver parmi ces objets.

II resta cependant en la possession de l'abbaye; c'était leplus beau joyau de son trésor; les religieux en avaient un soinjaloux, et ils le montraient avec fierté aux étrangers qui

• visitaient Waulsoit..Nous trouvons le passage suivant dans un livre portant

pour titre Trésor (les saintes rei4qnes de Belgique, publiéen 4628 ': Après avoir décrit les nombreuses reliques qui se-trouvaient dans tes couvents et les églises du pays de Namur,l'auteur- arrive h Waulsort « On y conserve, dit-il, un objet

- . » précieux, dû à la munificence du comte Eilbert, c'est une» pierre de beryl d'une valeur inestimable arrangée en orne-» ment de cou, que SI Eloi, évêque de Noyon, celèbre par» ses vertus et ses talents artistiques, avait gravé de ses pro-s pres mains sur l'ordre de Lothaire, roi des Francs, ainsi

que j'ai pu lire sur le joyau. Cet ornement nous retrace, paro -les figures et les inscriptions qui les accompagnent, l'his-o toire de Susaune la fliusse accusationdes deux vieillards,o le jugement de Daniel, la Lapidation de ces vieillards après

1 H(erogawphytacium bel gieu,n, sive thesaurus saerarttm retiquittrumhe/.qii, attciore Arrsoi.00 tUrssio. Bcigd-D,tacrnu, il;hlemque a1ntd aedenr& i'etri cûnonico. aune 1628.

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» que Daniel eut démontré l'innocence de Susanne. Le roiLothaire avait donné ce collier au bienheureux Eilhert qui•

» le déposa dans l'abbavê de Waulsort, recommandant qu'onen eut !e pl us grand soin, ce qui a été fait jusqu'à ce

»jour'.)).L'intaille de Waulsort, qui est aujourd'hui au Musée britan-

nique, a gardé encore la monture qui servait à la suspendreau cou ; belle-ci était autrefois ornée de pierres précieusesqui toutes ont disparu. Cet objet de parure n'était pas cepen-dant, à proprement parler, un collier Aux viir et IXC siècles,les riches seigneùrs portaient des talismans ou des reliquairesqu'ils gardaient sous leurs vêtements, attachés au cou avec unechaînette. Charlemagne avait ainsi un reliquaircde forme ronde,en or, dont le milieu était fait de deux saphirs taillés de façonà former une sorte de petite boîte dans laquelle était enferméun morceau du bois de la vraie croix. Peut-être faut-il voir làun souvenir de la bulle (ulla), petite boule habituellementen or renfermant une amulette et qui était portée à Romeprincipalement par les enfants. Le même usage se rencontraitchez les Francs païens: le tombeau de Childéric, à Tournai, con-tenait une boule en cristal de roche; nous en avons nous-mêmerencontré plusieurs fois dans des sépultures franques, elles

1 La présence de ce bijou, en faisant naître le gocit des arts dans lacommunauté, ne fin pas dans influence, peut-dire, sur te développementque prit, au x, siècle, son école d'orfèvrerie. Un des abbés, Erembert(11a9-1033), parait avoir été un orfèvre de grand talent. Nous trouvonsdans ta chronique de l'abbaye la mention de plusieurs ouvrages sortis deses mains. parmi lesquels deux grands rétables d'autel, en argent, quiattiraient t'attention des connaisseurs. M Du Sommerard cite parmi .lés pluscélèbres orfèvres du moyen âge ce même moine Eremnbert, mort en 1033.Le Mus'ée de Namur possède trois reliquaires phylactères de la fin du

mt° siècle qui proviennent, croit-on, du trésor de l'abba ye de Wautsort.

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possédaient encore la légère armature en bronze qui servait

t les suspendre. Nous croyons donc que le cristal gravé du

• comte Eilhert était, un véritable talisman plutôt qu'un simpleornement de collier.

• 11 nous parait, après les ouations que nous avons faites plushaut, que l'identité de l'intaille en cristal de roche du BritishMuseum et du béryl 1 de Wauls.ort estincontestable.

Le regardant Gomme la cause première de l'érection de leurabbaye, les religieux devaient recueillir avec soin tout ce qui

• intéressait son histoire. D'un antre côté, dans leur admirationpour le Précieux joyau, ils étaient convaincus que saint Elotétait le seul artiste qui, depuis l'avènement du christianisme,

-

avait pu graver sur le cristal l'hitoire de Susane. Lent-enthousiasme faisait facilement ahstractidn des années qui

-

séparaient l'existence de l'véque de Noyon (88-659) de celledu roi Lothaire (796-8).

l'es invasions des barbares, l'anarchie qui en fut la suite,-

avaient, dès le vO siècle, anéanti en Occident les industriesartistiques qui s'y étaient développées sons l'impulsion de la

civilisation romaine. Ces barbares avaient, comme tons lespeuples nomades, un goût prononcé pour la parure; ils appor-

• talent chez les nations conquises une technique et des stylesentièrement nouveaux. Saint Éloi elles orfèvres galto-francsdurent emprunter leurs méthodes pour travailler les -métaux

précieux. Le vieil art de l'émaillerie ayant été perdu à la suitedes invasions, les orfèvres SC servirent, pour relever l'éclat

-de leurs ouvrages en métal, de verres colorés taillés on tabletable• • suivant des procédés jérmains, et de pierres précieuses; mais

t Les ancien donnaient ce nom au cristal (te roche et à certainevariété d'émeraude.

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ces artistes qui parvenaient à tailler lé verre, n'avaient ni lematériel ni le talent nécessaires pour graver des pierresdures.

On trouve dans les provinces Rhénanes, dans le nord dela Franco et en Belgique beaucoup de pierres gravées «ansleé tombeaux de l'époque romaine, ainsi que sur les , paroisdes reliquaires des xii0 et xni0 siècles; toutes étaient étrah-gères à ces contrées, et y avaient été introduites par lecommerce..

11, nous reste de l'époque mérovingienne des , monnaies etun certain nombre de médaillons d'or, appelés brctéates,sur lesquels la figure humaine est représeptée; les traits ensept généralement si grossiers qù'on y reconnaît à peine lespièces romaines, byzantines et autres, qui leur ont servi de:prototypes. Les artistes francs de l'époque carolingienneétaient aussi incapables que leurs prédécesseurs mérovingiensde rendre d'une façon correcte la figure. buiaine.

LS sceaux et les cachets offraient les mêmes caractères@e harbaiie que les monnaies. Pepin le Bref fut le premiermonarque de la dynastie carolingienne qui, abandonnant cesinsignes grossiers, prit, pour sceller ses décrets royaux, unepierre antique gravée en creux. Plusieurs de ses successeursl'imitèrent; on sait que le cachet de Charlemagne était unJupiter Sérapis, qu'il avait probablement rapporté d'Italie.Charles le Chauve se servait d'un sceau formé d'une intailled'une basse époque, encastrée dans une bordure en métalsur laquelle était gravé son nom. Le trésr d'Aix-la-Chapellerenferme une croix d'or, dans laquelle est enchâssé un cristalde roche, reproduisant une tête déjeune homme imberbe;l'inscription suivante, formée d'un mélange de lettres grec-ques et latines, est gravée sur le cristal XPE AD1VVA

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T'lO

HLOTHARIVM REG 1 . Nous partageons l'avis de M. Labartequi ne voit, dans, les sceaux intailles de ces monarques, quedes pierres gravées antiques ou travaillées à Byzance d'aprèsl'antique 2.

On sait le brillant, mais éphémère réveil qui se manifesta,dans les arts comme dans les lettres, sous Charlemagne etLouis le Débonnaire. Le grand empereur fit venir des artistesd'italie pour diriger les écoles qu'il avait établies dans sonempire et d'où sortirent un grand nombre de pièces d'orfè-vrerie et d'objets de parure. Les chroniqueurs nous parlent -de ces ouvrages aec admiration, mais celle-ci s'étend sut- -ton( sur le poids de leur or et le chiffre des pierrespré- -eieuses. L'influence des artistes étrangers devait s'éteindrerapidement au milieu des guerres continuelles de Louisle Débonnaire et de ses fils, et l'art, tout en progrSantlentement, continua ii suivre les traditions mérovingiennes.

Nous pensons donc que l'histoire de Susanne n'a pas étégravée en Occident pas plus sous les Carolingiens que sousles Mérovingiens; en ceci nous sommes heureux de pàrtagrl'avis de M. Laharte, mais nous différons sur la qnStion deson origine qui, d'après lui, serait byzantine tandis que nousla croyons italienne 1.

Les édits des empereurs iconoclastes; qui sévirent de 726842, avaient arrêté nionwntanément le développement des

I Christ protige te roi Lothaire.LABABTE. Histoire 4es Ans industriels 0% moyen ,?e et r t't'poque

de ta Renaissance, t. 1, p. 202. - CMIlint et MARTIN, fifélanges d'arehéo-logis, t. I, P. 2C.

M. Lobai-te na pas vu; croyons-nous, notre intaille II ne s'occupe,que de l'inscription dans Laquelle-le titre de roi donne h Lothaire prouve,suivant lui, que ce travail a été exieuld i Gønilanlinople.

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beaux-arts, lesquels, depuis la chute de l'empire d'Occideiit,avaient cherché un asile à Constantinople. Beaucoup d'artistesavaient LUI Byzance et s'étaient retirés en Italie où ils trou-vaient des encouragements et du travail à la cour pontificaleet principaletiiont près des papes Aérien I et Léon III. Cefut à ceux-ci et à Charlemagne; leur contemporain, quel'Italie et la France durent cette renaissance des arts, quiau ix" siècle jeta un éclat si vif.-

L'artiste qui s gravé le- cristal de Waulsort, la plus belleintaille du moyen âge, avait !ait une étude approfondie del'art antique. Il y a dans certains épisodes de l'histoire deSusanne ait de la composition qui est empruntéaux meilleures traditions classiques. Les personnages vivent,circulent et parlent avec une remarquable expression devérité. Le jardin de Joakim, avec sa clôture en treillis,rappelle les mêmes motifs représentés sur les fresques àsujets champêtres, qui se voyaient beaucoup à Romo 1.

Nous avons corfiparé, au point de vue du costume, l'intaillede Lothaire avec les ivoires du Ixe siècle qui sont considéréspar M. Laharte comme étant 'de travail byzantin, notammentavec les plaques en ivoire d'un coffret du Musée du Louvre,et les couvertures du livre de prières de Charles le Chauve .Dans l'histoire de Susanne; les personnages ont la tête et lesjambes nues, ce que nous n'avons jafirnis rencontré dans lesivoires byzantins. La chlamyde, ou ,petit manteau fixé sur

1 L'abbé MARTIGNY: cc Les monuments dc l'Italie offrent assez rarementte sujet de Susanne sauvée de la mort par Daniel; on ne l'a rencontréd'une façon certaine que sur cinq sacrophages en marbre. il parait avoirté plus souvent représenté sur les sarcophages du midi de ta Gaule. n

Dictioonuire des antiquités chrétiennes; art. SUSANNE.2 LABABTE, fftçl. des urt,s industrièls, t. I, planches VIII, xxx et XXXI.

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l'épaule droite par une fibule et.retombant en pointe sur ledevant, nous semble flvoir une autre coupe sur notre herylque dans les ivoires. Le caractère des têtes parait plus occi-dental quegrec. D'un autre côté, M. Laharte fait remarquerla proportion exagérée des hiains dans les sculptures desplaques du coffret du Louvre. I] suffit de jeter un coup d'oeilsur la planche en tête de cet article pour observer le mêmedéfaut dans les figures.

Si notre intaille avaitété gravée à Byzance ses inscriptionsoffriraient un mélange de lettres grecques et latines, sui-vant Vusage alors général à Cdnstantinople, tandis qu'on n'yremarque que de petites capitales romaines sans aucunealtération, et paraissant avoir été tracées par le Même burinqui avait gravé les figures.

En résumé, nous pensons (lue l'intaille de Waulsort n étéexécutée, sous -le règne de Lothaire, par le fils ou l'élève d'unartiste grec établi en Italie.

Mais -quel est ce Lothaire,, roi des Francs, qui a fait graversur le cristal l'histoire de Susanne, ainsi que le rapporte)'inscfiption LOTIIAIuUS liEN FIIANCORUN FIER] iussir

Le choix ne peut s'étendre que sur les trois premiersprinces de ce nom Lothaire I, fils de. Louis le Débonnaire,petitfiIs de Charlemagne, né en 796, mort en 85; Lo.thaire II-,fils du précédent, roi de Lorraine, né vers 82, mort cri 869;Lothaire, roi de France, fils de Louis d'Outremer, né

eu 941,9M,mort en 986. Ce dernier, qui.n'atait que trois ans en 944,année de la fondation de l'abbaye de Waulsorl., doit êtreécarté;

• Lothaire Il avait reçuà la mort de sou père, eu 8, la

¼ partie de l'Austrasie qui prit quelques années plus tard lenom de Lotharingie. Son règne fut constamment agité par des

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« luttes provoquées principalement par sa conduite à l'éjard desa femme Teutberge. Il ne vint à Home que peu de tempsavant sa Mort (869), pour solliciter du Pape la ratification deson divorce avec la reine, ii 'le nous parait pas possible quece prince ait pu commander le joyau à un artiste pridaut lecourt séjour qu'il fit en Italie, où il avait às'occuper de bienautre chose.

Il reste Lothaire I que Louis le Débonnaire avait associé àla dignité impériale en 817, et proclamé cinq ans après roi

• d'Italie. Lothaire I, qui passe pour avoir hérité de son aïeul lé -!goût des arts, habita presque constamment ce royaume, ne lequittant que pour aller combattre contre son père et contreses frères, Pepin, Louis le Germanique et Charles le Chauve.Lothaire comptait de nombreux partisans en Austrasie parmiles seigneurs francs qui n'avaient pas renoncé au principe del'unité de l'empire. Dans les combats continuels que selivraient entre eux les fils de Louis le Débonnaire, la positionde ces seigneurs était des plus difficiles Soumis aujourd'hui àLothaire, ils se voyaient forcés le lendemain de faire défectionsous peine de perdre leurs biens, et de reconnaître Louis leGermanique ou Charles Ic Chauve. Lothaire de'vait, par de nom- -breuses libéralités, s'assurer de la fidélité de ses partisans,mais n'ayant plus de domaines à leur abandonner, il donnaitdes objets précieux qui provenaient de son aïeul ou qu'il avaitacquis pendant ses fréquents séjours en halle. Il se vit mêmecontraint, :pour satisfaire à ses largesses, de briser en mor-ceaux une table en or, d'un superbe travail, dont la partiesupérieure divisée en trois compartiments circulaires repré-sentait l'image de la terre telle qu'on la connaissait alors,le mouvement des astres et celui des planètes. C'est, sans - -douté, pour le même motif que Lothaire dut se dessaisir'

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• .en faveur d'un seigneur franc, ascendant du coniteEilbert,.de la fameuse intaille qu'il avait rapportée d'Italie.

Sion admet que le bijou & été gravé sur l'ordre de Lothaire I, -• il resle à savoir peut' quelle raison celui-ci a été qualifié dans

l'inseriptioii du titre de roi et 'ion de celui d'empereur que,semble-t-il, il avait le droit de porte. Plusieurs suppositionsse présentent.; nous en donnons deux, tout en faisant observerqu'elles laissent. prise Ù la critique: Lothairei avait été associéà l'empire par Louis le Débonnaire cri 817, non en qualité deco-empereur, mais afin de succéder à soir sans contes-tation, ayant reçu d'avance, peut-on dire, la succession àl'empire que celui-ci devait lui laisser un jour. La divisionde l'autorité impériale ne pouvait être considérée comme unpariage de l'empire de Charlemagne, qui devait rester, un;Louis le Débonnaire en était le seul titulaire, son fils ne pos-sédant qu'un titre honorifique. Au lit de mort, le vieuxmonarque avait prôclamé Lothaire empereur et ordonné qu'eului remît le sceptre, la couronne et leglaive, joyaux symbo-liques de la puissance impériale '. On peut se demander si

'cet empereur adjoin(a pu avant la mort de son père, arrivée,en 840, prendre un titre que celui-ci avait déjà. Sur les mon-naies de Lothaire I on trouve les qualifications d'augusitùet d'imperator, niais nous ne sachons pas qu'on ait rencontrécelle de i-ex; ne pourrait-on pas conclure de là que ce princene fit frapper monnaie qu'après la mort de - son père? Mais siLothaire ne s'est pas fait dohner le titre d'empereur du vivantde Louis le Débonnaire, il tenait h se faire appeler roi desFrancs, afin de bien marquer soir de maintenir un

WÀRNKOENIG etCÉnArm.Bisloire.des Carolingiens, 1. 2, p. 10..

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jour à son profitl'unité de l'empire de Charlemagne, pourlaquelle il ne cessa de lutter toute sa vie.

On peut objecter à cette opinion qué tous les historiensnous montrent Lothaire cherchant constamment à faireadmettre ses prérogatives impériales, faisant la guerre à sonpère pour le forcer peut-ête à abdiquer, et luttant contreses hères dont l'humeur jalouse ne pouvait s'accommoderde la suprématie que la diète d'Aix-la-Chapelle avait donnéeà leur aîné. Est-il rationnel d'admettre que Lothaire, dontl'ambition n'avait reculé devant aucune infamie, ait consentih se voir appli4her le titre de-roi et non celui d'empereursur un bijou de lavbleur de notre intaille et destiné, peut-être, à lui servir de talisman?

Voici une deuxième hypothèse qui pourrait expliquer leLot hariu.s rex Nous avons dit précédemment les raisons quinous ffiisaient regarder l'histoire de Su'saane comme l'oeuvred'un artiste grec. Or les byzantins n'avaient jamais vouludonner que le titre de roi aux successeurs de Chrlemùgne,réservant la qualification d'-i;npé9'ator aux souverains assissur le trône de Constantinople, lesquels se considéraientèomme les seuls successeurs des empereurs romains. Nousavons cité l'intaille d'Aix-la-Chapelle faite, croyons-nous,

'h Constantinople et sur laquélle Lothaire porte le titre deroi dans ùtie inscription formée d'un mélange de lettresgrecques et romaines. On peut suppose]' que l'artiste n'apas voulu lui donner le titre d'empereur -qui n'était pasreconnu dans son pays, mais qu'il lui a donné le nom deroi des Francs parce que ce prince possédait l'Austrasieavec Aix-la-Chapelle sa capitale, pays qui était considérécomme la vraie France par les Grds et les Italiens.Mais à ces considérations 'on pourrait objecter aveé

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raison qu'il n'est pas rationnel de supposer qu'ùh einpeieurayant commandé un bijou h un ai'tiste, celui-ci, parce qu'ilétait de nationalité grecque, ait commis l'injure gratuite delui dénier le titre dont il était revêtu.

Abandonnons le champ des conjectures : La questioti dedécider pourquoi Lothaire porte le titre de roi des Francset non celui d'empereur est des plus déliciies; elle appelle,pour la résoudre, la science des liitoriens spécialementverés dans l'étude dé l'époque carolingiernie.

- - ALE. BEQuin'.-

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