la suisse allema -...

82
PARIS ET GENÈVE. - LIBRAIRIE JOIL CHERBULIEZ LA SUISSE ALLEMA.IIE ET L'ASCENSION DU MOENCII PAR M ne LA COMTESSE DORA DISTRIA Ài,lcui le la lie lnnnasliq!M tal!s rhglise ojieulaie. 4 beaux vibloles graRil in-l8.— Prix 12 francs. L'auteur de la Suisse allemande s'est djà fait connaitre par nu ouvrage pleind'inér& sur la Vie rnonastijnie dans l'Eglise orientale, qui 3 été accueilli avec la plus grande faveur par les journaux et les revues les plus graves (le la Franco, (le la Suisse, de Document 9i Il Il Il II I lI 11111111111111111 -' 0000005560424

Upload: others

Post on 28-Oct-2019

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

PARIS ET GENÈVE. - LIBRAIRIE JOIL CHERBULIEZ

LA SUISSE ALLEMA.IIEET

L'ASCENSION DU MOENCII

PAR

M ne LA COMTESSE DORA DISTRIAÀi,lcui le la lie lnnnasliq!M tal!s rhglise ojieulaie.

4 beaux vibloles graRil in-l8.— Prix 12 francs.

L'auteur de la Suisse allemande s'est djà fait

connaitre par nu ouvrage pleind'inér& sur la Vie

rnonastijnie dans l'Eglise orientale, qui 3 été accueilli

avec la plus grande faveur par les journaux et les

revues les plus graves (le la Franco, (le la Suisse, de

Document 9i

Il Il Il II I lI 11111111111111111-'0000005560424

Page 2: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

l'Allemagne, du .Piémont, Je la Belgique et de l'An-gleterre. il suffit de citer la Bibliothèque universellede Genève, l'indépendance belge, la Revue des deuxmondes de Paris ci la Gazelle d'AMgsbonrg. « Ce livre,dit la Bibliothèque, Universelle, est remarquable h plusd'un titre. On éprouve tille sincère admiration quandon voit une femme du grand inonde comprendre à lafois Homère, Corneille, Goethe, Le Dante et Shak-speare. L'érudition biblique de l'auteur suffirait seulepour attirer l'atiention sur son ouvrdge. n (Novembre1855.) « Ce livre, dit l'indépendance, est une ap-préciation élevée, originale, parfois éloquente, desprétentions des moines et de leur histoire. » (6 No-vembre 1855.)— t' Ce tableau de la vie monastique,dit la Revue des deux mondes, doit prendre place parmiles publications sur la société orientale, qui se recoin-mandent par l'à-propos des recherches, aussi bien quepar l'intérêt des questions discutées. D (Janvier 1856.)—«Plusieurs grands journau, dit la Gazette d'A.ugs-bourg, ont consacré à celte oeuvre intéressante delongs articles. Cet ouvrage mérite le grand intérIqu'on lui a accordé. n (Allycineine Zeùtsng, 28 fé-vrier 1856:)

« Nous avons la conviction, disait en terminant sonarticle la Bibliothèque de Genève, que l'auteur peutfaire mieux encore, et qu'elle le prouvera dans La Suissequ'elle nous promet..» C'est cet ouvrage que l'éditeur

Page 3: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

3

annonce aujourd'hui au public. M 11 c. Dora d'lsiria,t Valaque par le coeur u (BibI.iorlt. Univers.) a vouluprésenter aux Roffliains, auxquels elle dédie soit

le spectacle instrqctif d'ti1i peuple i j in doit seslibertés et son indépendance b son invincible énergieet b soit patriotisme. Sans doute il était linpossible qu'une imagination aussi vive que la siennene lit pas frappée des magnifiques spectacles ( lue laSuisse présente à tout voyageur dont l'âme est vrai-ment poétique et ne réussit pas à les décrire d'une ma-nière nouvelle. Elle s'est pourtant beaucoup plus oc-cupée tic la nation helvétique que du pays. Elle s'estefforcée de se rendre compte de ses tendances, de seslois, de ses habitudes, de ses institutions politiques etreligieuses, afin de démontrer qu'un petit peuple peut'n force d'intelligence, de courage et de persévérance,jouer dans l'histoire un rôle qui semble réservé exclu-sivement aux grandes nations. Aucun des élémentsqui constituent la vie morale et sociale (le la Suissen'a échappé b son examen. Religion, philosophie,sciences, histoire, poésie, économie politique, tradi-tions populaires, pédagogie, elle a tout embrassé d'unseul coup d'oeil. il suffira de jeter un regard sur ce tra-vail pour constater l'étendue des recherches qu'il aexigées de l'auteur, la pénétration de son zèle à semontrer reconnaissante de la bienveillance que le pu-blic a montré à ses premiers essais. Dans un temps

Page 4: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

i.

où l'esprit de parti a tellement dénaturé l'histoire con-temporaine de la Suisse, les esprits sérieux recher-cheront un livre dans lequel àl ase Dora d'Istria s'estconstamment élevée au-dessus des intérêts des cote -

ries et des passions des sectes.

Le premier volume de la Suisse allemande vient d'être misen vente et les autres sont sous presse.

CET OUVRAGE SE TROUVE:

A Tianschez Docte, frères.LEIPZIG C. Twictrnejjcr.A)ISTEIIDMI S. Delacha,tx et fils.CON5TÂNTINOPI.EIVick.ALEXARImIE Bonato..lAssy Codresco.LONDRES Enjeu,Bu.KARE5T Vailsanin.NEW-YORK jlaiUière.BRUXELLES À. Decq.EIiIE pouRG Robert Selon.5T0CKIIQI.M Bonnier.lSEnr.rN Beur.ATHÈNES Koroinélas..STRASRoUsC Tre elle!.BERNE Jeut et Cassmanu.LAUSANNE iJelafontoine et C.Zunicu Schullcss.NEUCHATEL Gerstcr.Lucso Vetadini et C.

Gcnève. — lmpr. flambez et Selrnchardi.

Page 5: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

LE MYSTÈRE DES BARDES

Page 6: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

LE,t

MYSTÈRE DES BARDESDE VILE DE BRETAGNE

OU L,'

DOCTRINE DES BARDES GALLOIS

DU MOYEN AGIE

SUD DIEU, LA VIE FUTURE ET LA TRMÇS1I6ItATIO DES ÂMES

lexie original. Traduction et Commentaire

-I,m

ADOLPHE PICTET

GENÈVEjoEt CIIERBULIEZ, LIBRAIRE-ÉDITEUR

PARIS

ME )lAION , P.IJE l'fi 11À MONNAIE , 10

1856

Page 7: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

AVANT-PROPOS

Quand, il y a maintenant trois ans, j'ai publié dansla Bibliothèque Universelle de Genève la traductiondu Mystère des Bardes, accompagnée d'un coinnien-faire explicatif, j'avais surtout en vue d'attii'er denouveau l'attention sur ail débris trop peu coililildes anciennes croyances (le la u'acc celtique. Je n'aipoint dissimulé les objections (lue peut présentela critique sur le degré relatif d'autllenticité de C(

curieux monument traditionnel du moyen âge gal-lois; suais j'ai exprimé aussi la conviction que 505

caractères intrinsèques sont de nature à lever tonsles doutes sur la réalité d'un fond primitif et origi-nal. Aucune opposition raisonnée ne s'est produitejusqu'ici, à ma connaissance du moins, contre cettemanière de voir , et des adhésions assez nom-

Page 8: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

vi

breuses sont venues témoigner de I'intérèt très-gé-né]al que ce petit travail a réveillé. Parmi ces adhé-sions, je place en première ligne celles de M. .FleuriMartin, l'éminent hisl.orien de la France, et de l'illus-tre Jacob Grimm, le chef des mythologues de l'Alle-magne. D'une antre part les triades bardiques ontreçu un accueil plein d'une sympathie immédiate,parce qu'elles sont venues tout `i point répondre ûles tendances nationales et plrilosophico-religieusesqui s'étaient révélées déjà de plusieurs côtés, et enparticulier dans Je preni ier volume de l'histoire -deFrance (le M. Michelet. Par une coïncidence touteIrtuite, ma traduction des triades a paru presqu'en.ruéme temps que le livre éloquent (Ciel- et Terre) oùM. Jean Reynaud revendiquait les droits du vieuxgénie gaulois; et l\l Alfred Dumesnil, qui écrivaitalors son Réveil de la Gaule, a trouvé, comme il le ditlui-même, dans le Mystère des Jjarde.ç, la confirmationla plus complète, la plus heureuse et la plus inattendue, desa manière de comprendre l'antique foi gauloise del'immortalité. C'est ce qui explique l'espèce de fer-veur qui s'est attachée tout, d'abord au contenir mêmedes triades, sans se préoccuper des questions qu'el-les soulèventaur point de vue de l'histoire. Pour quel-ques esprits plus ardents que réfléchis, le néo-drui-disnie est même devenu comme 1)IÏC foi nouvelle,c omme un drapeau (le ralliement. A part les exagé-rations iu(vitahles d'un entullinemeul, fondé d'ailleurssur de nobles instincts, c'est un phénomène curieux

Page 9: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

Vil

(lue cette renaissance subite d'idées transmises àtravers tant de siècles, et oubliées depuis si long-temps dans un petit coin de l'Angleterre. II faut cet-tes que la valeur intrinsèque de ces idées ait bienquelque importance, pour qu'elles répondent d'unemanière aussi complète a certaines aspirations im

-périeuses de notre époque.Il sciait & regretter toutefois que cet accueil im-

médiat fit négliger le côté historique de la question,et mettre en oubli la tâche de la critique. L'exis-tence de ces triades fait surgir plus d'un problèmeintéressant., et doit provoquer de nouvelles recher-ches. Ces recherches, il est! vrai, sont difficiles, etne peuvent être entreprises que par des hommesversés dans la connaissance de toute la littératurecymrique (lu iflOCfl &ge. Il lii drai t d'un côté munir,dans les anciens poèmes bardiques et les supersti-tions Populaires, tout, ce qui peut se rattacher à lapartie druidique des triades, et de l'autre, étudier Liii

peu l'histoire de ta théologie chrétienne galloise,pour voir jusqu'à quel point il y a eu action et réac-tion entre ces deux influences, et faire leurs partsrespectives dans la formation du néo•druidismc. Il neserait pas impossible de retrouver quelques tracesde cet antagonisme jusque dans l'hérésie de Pélage,dont les doctrines persistèrent si longtemps dans leséglises bretonnes en dépit des anathèmes des conci-les. Il est certain qué la manière dont l'hérésiarquebreton revendiquait le principe (le la personnalité

Page 10: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

VIII

humaine et du librearbitre, rappelle singrilièremcnlquelques-unes des triades bardiques.

Toutes ces considérations m'ont fait penser qu'ilaurait quelque avantage, pour la science , à don-ner aux triades une puis grande publicité, commepoint de départ pour les recherches ultérieures. Jeréimprime clone mon premier travail, en le retou-chant ici et là, et en le e(nnplétant par l'additiondi, texte original gallois. Cette addition pourri sem-bler superflue, vu que le gallois ne compte, à coupsûr, qu'un bien petit nombre d'amateurs sur le Coi u-tinent. Mais les études ccli iqiies commencent à w-prendFe sine place iinportant.e.'dans lit

l'arch éologie et, l'histoire; et ou'ne 'saurait trop rap-peler (lil'illir approfondie des idiomesceltiques encore vivants peut seule donner à ceséludes une base vruitnent solide. Dans cette Voie,l'Allemagne u déjà devancé la France', et Ces t àu Fiance cependant qu'il appartiendrait de prendre

l'initiative, et d'explorer éette mine trop oubliée ougisent enfouis les titres de ses origines primitives.

J'ai reproduit le texte galloisd'après la seule ver-sion connue jusqu'ici, celle d'Edward Williams s. Cetexte ne semble pas toujours parlhitement. courect,

I Surtout par le beau travail de J-C. Zeuss, qui, dans sa4'lamernalica ecU eu, a jelé dune main ferme les bases vérta-hies de la philologie celtique.

Jajric points, i vol. in-12. tendres, T 794.

Page 11: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

et il serait à désirer que quelque savant Gallois, àporl:ée de consulter les manuscrits, en fit une révi

-sion critique , le complétât par la publication destriades inédites, et s'attachât à en dissiper les obs-curités. Malheureusement les travaux de ce genretrouvent peu d'encouragements chez la race saxonne,

et l'oubli même où est resté jusqu'à présent leMystère des Bardes, publié cependant il y a. plus desoixante ans, témoigne d'une singulière indifférencedes Anglais pou" les études celtiques. Puisse notremodeste publication contribuer à réveiller le zèle desGallois pour une exploration plus complète des cu-rieuN monuments de leur moyeu âge, en leur mon-trant que l'importance eu est comprise sur le Conti-nent Puissent les poèmes mystiques de Taliesinsurtout. trouver enfin un interprète qui les fasse sot-tir de la nuit qui les entoure 'rani que cc problèmene scia pas résolu, les Gallois n'auront pas accom-pli la tâche (Ille leu N ancèt i'es Ont léPlée à leurpatriotisme.

1.

Page 12: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

INTRODUCTION.

On a beaucoup écrit depuis longtemps sur lareligion présumée et la sagesse des anciens drui-des de la Gaule et des Des Britanniques, et ilsemble que la question doit être épuisée. Il enserait ainsi, sas doute, s'il fallait s'arrêter auxrares et imparfaites données que nous ont lé-guées à ce sujet les historiens de l'antiquitéclassique; mais il est d'autres sources, trop peuexplorées jusqu'à présent, qui ouvrent un champnouveau et très-riche aux investigations. Jeveux parler des monuments traditionnels de toutgenre qui se sont conservés chez les descen-

Page 13: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

î 2

clants de la vieille race celtique, en Àngleterret en Irlande. Ce n'est pas que ces Précieux ma-tériaux n'aient été l'objet de travaux déjà con-sidérables; mais, malheureusement, ces tra-vaux, entrepris presque toujours dans des vues.trop systématiques, et manquant surtout d'unebase solide que la critique philologique pouvait.seule leur donner, n'ont guère abouti qu'a devaines hypothèses; si bien que tout, à peu près,est à refaire avec une méthode plus logique etune marche plus rationnelle.

Il n'y a pas bien longtemps qu'uuc pareille-entreprise eût offert des difficultés peut-être in-surmontables. Les études celtiques étaient forten discrédit, les matériaux rares les investiga-teurs plus rares encore. Dès lors de grands pro-grès ont été faits dans une voie meilleure. Lesidiomes celtiques, rattachés définitivement àleurs origines indo-européennes, sont devenusnécessaires à l'étude comparée de cette immensefamille de langues. Les maîtres de la science euAllemagne, Grimm et Bopp, les ont fait rentrerdans le cercle de leurs belles recherches. EnIrlande. MM. Pétrie et O'Donovan ont portédans l'étude des antiquités et des vieux textes.

Page 14: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

13

gailiques mi esprit de sage critique, tandis quel'ingénieux et spirituel Crofton Croker nous ou-vrait le inonde charmant des contes populairesde la verte Erin. Eu Angleterre, une nobledame, lady Charlotte G-uest, a publié les origi-naux gallois des )Ifabinogion., ancien et curieuxrecueil de traditions populaires du moyen âge,en les accompagnant d'une excellente traductionanglaise et de commentaires très-instructifs.Enfin, en France M. Hersart de la Villemarquéil réveiller un intérêt prodigieux dans l'Eu-rope entière par son admirable collection deschants de la Bretagne armoricaine, ou%Tage quien est déjà à sa 41n0 édition. Une large 6t sainevoie de recherches se trouve ainsi ouverte auzèle des explorateurs. On peut espérer (le cetteimpulsion nouvelle les fruits les plus heureuxpour l'étude des origines celtiques.

C'est dans le but de contribuer, pour ma fai-ble part, k cet avancement d'une branche im-portante de l'histoire de notre Europe ancienne,que je tente de ramener l'attention sur l'un desmonuments les plus curieux de le littératuregalloise du moyen âge, monument unique danssoli genre, et dont la valeur intrinsèque ne me

Page 15: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

14

semble pas avoir été suffisamment appréciée. Jeveux parler de cette portion des triades hardi-ques qui se rapporte aux anciennes croyancessur la nature de • Dieu, la constitution de l'uni-vers, la transmigration des âmes et la destinéehumaine 1.

Ces triades font partie d'un manuscrit restéinédit jusqu'à ce jour, intitulé Gyfrinack. BeirddVnys Prydain, ou le mystère des Bardes del'ile de Bretagne, et dont le savant et judicieuxSharon Turner a rendu im compte assez dé-taillé dans sa Vindication of tho qeivuinen.ess of1ko o.neient britiscit poern (p. 227). C'est unecollection, faite h diverses époques, des précep-tes bardiques sur l'art de la poésie et du chant,ainsi que sur des questions de morale et de phi-losophie religieuse. Les éditeurs de l'Arckaio-

On sait que les triades sont des aphorismes développéstoujours en trois points principaux, probablement pour lesgraver plus facilement dans la ,némoire.Les Gallois possèdentdes triades historiques, morales, juridiques, poétiques, etc.,dont la niasse est assez considérable, cette Conne (le trans-mission parait remonter jusqu'aux druides de la Gaulé; car,ainsi qu'on l'a remarqué déjà, leur célèbre précepte de con-duite morale, honorer les dieuz, nepointfaire le mal et cultiverle courage viril, constitue uno véritable triade.

Page 16: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

logy of Walc.ç avaient l'intention de le Publierdans un quatrième volume de leur recueil, le-quel volume n'a point paru. On ne les connaîtdonc jusqu'à présent que par un extrait étenduqu'un savant gallois, Ed. Williams, en a donné,à la suite de ses poèmes lyriques, et par les ci-tations que Owen Pughe en a tirées pour sondictionnaire gallois'. Cette publicité trop res-treinte explique comment ce remarquable do-cument n'a pas obtenu jusqu'à présent toutel'attention qu'il mérite. Turner en a fait, il estvrai, un résumé succinct, et les mythologuesgallois eu ont parlé plus d'une fois connue d'unechose curieuse; niais nulle part, que je sache,ces triades n'ont été appréciées dans leur ensem-ble et leur liaison intrinsèque.

La première question qui se présente, sansdoute, est celle de leur degré d'authenticitécomme expression véritable des anciennes doc-trines bardiques, sinon druidiques. A cet égard,il faut convenir de prime abord que les preuves

• J'ai en soin d'indiquer par des renvois celles des triadesqu'Owen a citées et traduites; pour faciliter la comparaisondes textes, et des interprétations.

Page 17: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

16

extérieures et matérielles laissent beaucoup àdésirer. Le manuscrit qui renferme ces triades.ne date que de la fin du dix-septième siècle, etles matériaux qui y ont été réunis par le copistecollecteur Edward Davydd, ne remontent pasau delà du milieu du seizième siècle. Le styleen est comparativement moderne, et, si le fondpeut. être considéré comme ancien, il est certainqu'il a dû être altéré plus ou moins par les ré-dactions successives des sociétés bardiques dumoyen âge.

Mais si les preuves positives font défaut, lescaractères intrinsèques d'une authenticité toutau moins relative sont de nature à frapper lesesprits les moins prévenus. Comment expliquer,en effet, l'existence, chez les Gallois du moyentge, d'un système de philosophie religieuse par-faitement original, et dont la croyance à latransmigration des âmes après la mort formela base principale, si ce n'est par une liaisontraditionnelle avec les doctrines druidiques quise distinguaient par cette même croyance? Les.témoignages (les anciens ne laissent aucun douteà cet égard, quelque imparfaits qu'ils soientd'ailleurs pour Lotit le reste (lu système. César,

Page 18: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

17

le premier, nous apprend que les druides ensei-gnaient, non-seulement l'immortalité de l'âme(non interire animas), mais la transmigration(ab alus post mortem transire oct alios). Après luiDiodore de Sicile, Ammien Marcellin, Pompo-nius Mela, Valère Maxime, ont répété les nié-lues faits sans y ajouter de nouveaux détails.Les passages qui s'y rappoi1ent ont été cités sisouvent, que je puis nie dispenser de les repro-duire ici. L'idée de la métempsycose, bien qu'as-sez naturelle en elle-même. ne s'est pas formu-lée en doctrine religieuse chez un grand nombrede peuples divers. On ne la trouve systémati-quement développée que dans l'Inde ancienne,en Égypte, et probablement aussi chez les drui-des; car on ne saurait faire entrer en ligne decompte les grossières notions de ce genre ob-servées chez les Groinlandais et quelques peu-pies de l'Afrique et de l'Amérique. Les idées dePythagore à ce sujet étaient étrangères à laGrèce, et empruntées à 1'Egypte sans douteplutôt qu'à la Gaule, alors presque inconnueaux hellènes. D'où serait donc venue aux bar-des gallois du moyen âge tille doctrine aussicomplète, aussi profonde, aussi originale sur la

Page 19: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

18

transmigration des ûrnes, si ce n'est des druidesleurs prédécesseurs, dont les croyances résistè-rent si longtemps, en secret du moins, à l'intro-duction du christianisme. Les corporations bar-diques qui se maintinrent dans le pays de Gallesà travers les invasions successives des Romains,des Anglo-Saxons et des Anglais, sous la tonned'une espèce de franc-maçonnerie, conservèrentavec la ténacité celtique, les débris tradition-nels des vieilles croyances nationales; et lestriades que nous possédons encore en sont cer-ta.ineinent la dernière expression

Ce n'est pas à dire que ces triades nous of-frent l'ancien système druidique dans sa pureté.Il est impossible que le christianisme n'ait pasexercé une influence notable sur cette espècede religion secrète conservée par les bardes

Une triade citée par Owen Puglie dans son dictionnairegallois, au mot gallu, prouve que la connaissance du Ofri-,,aeh, o" mystère, était exigée des Bardes.

Tri jhetls isis ge]lir bârdd heliddynt: awen sortit gond,qwybod eyfrizaeh ha,dda.s, o clujn,zeddfau de.

Trois choses sans lesquelles nul ne peut être barde l'aweh(ou le génie) poétique; la connaissance du mystère bardigue, etune saine moralité.

Page 20: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

10

comme un souvenir national vénérable plutôtque comme une doctrine actuelle. Ce n'est guèreque par cette influence que l'on peut s'expliquerle caractère singulier de pureté, d'élévation etsurtout d'humanité qui frappe dans les triades,et qui s'accorde mal avec certains côtés barba-res de l'ancien cultedruidique. Ce qui doit bienplutôt surprendre, c'est que le système hardi-que ait pu se maintenir aussi entier vis-à-visdes dogmes chrétiens dont il n'offre aucune tracepositive, du moins dans l'extrait d'EdwardWilliams. On n'y trouve rien , en effet, qui fassela moindre allusion ni à la Trinité, ni A. la ré-demption, ni à la personne du Sauveur, ni auxtraditins sabrées de l'Ancien et du NouveauTestament; rien qui rappelle les idées dumoyen âge sur l'enfer, le purgatoire et le para-dis, lesquels jouent partout ailleurs un si grandrôle dans les légendes et les poésies populaires.L'influence du christianisme semble ainsi n'avoirété qu'indirecte, et ne s'être exercée 1111e pourépurer, pour élever les notions traditionnellesanciennes sur Dieu, le monde et l'immortalitéde l'âme.

11 faut bien ajouter toutefois que tant que les

Page 21: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

20

triades bardiques ne seront pas publiées en en-tier, il sera difficile de faire la part exacte del'influence des idées chrétiennes sur les ancien-nes doctrines traditionnelles. Les plus vieux mb-numentsgaflois sont postérieurs de deux ou troissiècles au moins à l'introduction du christianisme.et on y remarquepartout, comme dans les poéinesde Taliesin, un mélange bizarre des croyancesceltiques avec les dogmes chrétiens. Il est pos-sible qu'Edward Williams, dans l'extrait qu'il adonné des triades hardiques, ait choisi de pré-firence celles qui lui ont paru avoir conservé lecaractère le plus original. Ceci, du reste, n'in-firmerait en rien notre manière de voir, car laforme même des triads prêtait facilement auxinterpolations, et le fond primitif a dû s'accroi-tic, au travers du moyen âge, par des additionssuccessives.

Mais il est temps d'en venir aux triades bar-diques elles-mêmes, qui se révèleront directe-ment beaucoup mieux que par tout exposé préaU-lable. Nous les donnons ici dans l'ordre mêmede leur publication par Ed. Williams, traduitesaussi fidèlement que possible, et en faisant sui-vie chaque triade d'un commentaire explicatif.

Page 22: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

LiLe traducteur anglais a souvent paraphraséplutôt que traduit: j'ai tâché de serrer le textede plus près, en ayant soin de motiver, che-min faisant, quelques divergences, assez légèresd'ailleurs, dans la manière d'entendre le sensde l'original.

Page 23: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

CYFRINÂCII BEIRDD YNYS MAIN

LE MYSTÈRE DES BARDES

DE FILE DE BRETAGNE.

TRL&L'E J.

Tri un cyntefig y sydd, ag nis gellir alugennag un o lionynt, un Duw, un gwirionedd, agVu pwngc trhyddyd, sef y bydd 11e bo cydbwyspob gwrth.

II y n trois unités primitives, et de chacune il iies' urait y avoir qu'une seule un Dieu, une vérité etttnnt de liberté; c'est-à-dire (le point) où se trouvel'équilibre de toute opposition.

I —

Page 24: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

24

Cette première triade établit implicitement, et dès le début,le grand principe de l'unité (le Dieu; car il est bic,, évidentque la vérité et In liberté rentreront nécessairement dons l'u-nité divine.

L'expression de va point de liberté serait fort obscure sansle commentaire qui l'accompagne. li ne saurait être questionici de la liberté hautaine ; ar, dans la sphùre tic l'immunitéil y aurait autant (le pointa de liberté que de personnalités in-dividuelles. Le point d'équilibre de tous les contraires, ('u'comme 011 dirait avec Kant, de toutes les aniinonues. 11e peutse trouver qu'en Dieu; et il correspond exactement, pourl'idée comm pour l'expression, avec l'Indzfferenzpunlil, lepoint d'indifférence, de la philosophie de Schelling le pointde l'identité absolue, antérieure et supérieure à toute déter-mination et limitation, et libre, par conséquent, d'une absolueliberté. Je ne veux pas dire, en faisant cc rapprochement,que les bardes aient attaché à cette expression un sensmétaphysique aussi précis que le philosophe allemand 'naisl'idée est au fond la mime, et nr pouvait guère se rendre plusclairement dans le langage concis des triades.

TRIADE II.

Tri pheth tardd o'r tri un cyntefig: pob t'ywyd, y"pob daioni a p1101) gallu

Voyz Oomi. Welti, met. lii mot tarde.

Page 25: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

25

Trois choses procèdent des trois unités primitives,toute vie, tout bien et toute puissance.

Cette seconde triade confirme ce que nous avons dit de lapremière comme établissant l'unité de Dieu. La vie, le bien,la puissance, ne dérivent pas respectivement de Dieu. de lavérité et de la liberté, mais de Dieu seulément, dont la véritéet la liberté sont des attributs. C'est ainsi évidemment qu'ilfaut l'entendre.

TRIADE 111.

O dri aughellfod y mac Duw; sef y inwyaf

parth bywyd, y mwyaf partli gwybod, ai rnwyaf

partit nci'th ag mils geliir na.lnyn Un o'r lflwya.f

ar 1111 peth.

Dieu est: nécessairement trois choses, savoir : laplus grande part de vie, la plus grande pari de science,et la plus grande part de force; etil ne saurait y avoir

qu'une seule phis grande pari d6 chaque chose.

Autrement dit: Dieu est la vie, la science et la puissancesuprêmes. Ceci n'exige aucun commentaire. -

Page 26: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

26

TRIADE 11V.

Tripheth ais dichon Duw lai na, bod; a ddylai'vda cyfiawn, a ddymwnai'r dâ cyflawn, ag a ddi-c/wn y dà cyflawn'.

'[rois choses que Dieu ne peut pas ne pas êtrece qui doit constituer le bien parfait, ce qui doit von-loir le bien parfait, et cc qui doit accomplir le bienparfait.

Dieu est ici considéré comme le bien absolu, au pointde vue moral; non pas âbstraitément, mais comme l'êtresouverainement bon.Non-seulement il est, en lui-même, lebien parfait, mais il le veut et il l'accomplit; et il se révèleainsi par sa volonté et son oeuvre.

TRIADE V.

Tri thystion Duw ain a wnaet.h ag a wna;qa.i/u anfeidrol, gwybodaeth anfeidrol, a c/eariadanfeidrol; gan nad oes nas dichon, nas gwyr, aglias mynn y rhain.

1 Cnmpar. Owen. 'v\'elsh Dict. nu mot dichon.

Page 27: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

27

Trois témoignages de ce que Dieu fait et fera sa;8Ce infinie, sa SaqCSSC infinie et son innove infiniCaI' il ne manque rien à Ces attributs, Comme pouvoir,science et volonté, pour accompli» toutes choses.

J'ai traduit la seconde partie de cette triade d'après Wil-liains , lie pouvant tirer un meilleur sens du texte qui paraîtcorrompu, heureusement que ce passage explicatif n peul'impOrtaiice.

Cette triade introduit en Dieu un nouveau principe, celui del'amour divin. Il est à croire que cet élément., étranger dans sapureté aux religions païennes, est dû à l'influence du clins-tianisme, bien que d'ailleurs le système bardique, tel qu'il estexposé ici, n'offre aucune trace positive des dogmes ebrétiens.

TRIADE VI.

Tri phendod trefn gwaith Duw er peri pôlpeth; diryrnrnv'r drwy, nert/nf r do, ag am/ygupoli gwa/ianiaeth; fa] y gwyper a &lylai oddiwrtbua ddylai fôd'

Trois fins principales de l'oeuvre de Dieu, dans lacréation de toutes choses amoindrir le tael, renforcer

4 Voyez Owm flint. au no, pendawd.

Page 28: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

n

le bien, et mettre en lumière toute dif/'érence de tellesoi-te que l'on puisse savoir ce qui doit être, 011, ancontraire, cc qui ne doit pas être.

Ceci développe davantage l'idée de Dieu comme intelli-gence suprême et comme Providence. La création n'est pas unacte d'une nécessité aveugle; elle n un but et surtout "ri but.moral. L'opposition du bien et du ana) est introduite sanspréambule, car les triades, dans leur disposition actuelle dumoins, n'offrent pas tua eriehainement systématique. Dieu, lesouverain bien, et l'amour infini, ne peut avoir en vue que laglorification du bien. Mais d'où vient le nia!? C'est ce qui n'estPeint dit encore, et ce qui ne sera pas dit d'une manièreexpresse. On reconnaîtra seulement que le mal est un principeennemi, dont la sphère d'action est limitée par la puissance di-vine, et qui doit être combattu et amoindri le plus en plus jus-qu'à son anéantissement final.

L'expression galloise qui désigne le mal, drwg (prononcezdrong) sera bientôt l'objet de quelques rapprochements curieuxqui semblent y révéler une très-a,,eienne personnification di,mauvais principe.

En présence de la toute-puissance divine, l'opposition drumal ne saluait être absolue. Ce n'est pas pour lui-même queDie" veut anéantir le mal, lequel, relativement à Lui, n'a au-cune réalité : c'est pour la créature. Il met donc en lumière, ilmanifeste toute différence, c'est-à-dire qu'il fait sortir de l'unitépriruitive toute l'infinie multiplicité des choses, afin que lescréatures, douées d'intelligence, puissent se développer, se re-connaître, et distinguer ccvii doit être (le bien) de ce gai ne doitpas être (le mal).

Page 29: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

29

TRIADE VII.

Tri pheth nis gal! Puw lai lla'u gwneuthur; yinwyaf ci lés, y nnø'cif ai eisiau, a'r rnwyof or

harcidwch o bob pe.th.

Trois choses que Dieu ne peut pas ne P35 accom-plir ce qu'il y a de plus utile, ce qu'il y a de plus né-cessaire, et ce qu'il y a de plus beau, pour chaquechose.

A côté de l'utile et du nécessaire, nous avons ici le beau,comme uuiiô fin que Pieuse propose dans la création des êtres.Ainsi chaque chose, au point de vue de l'ensemble, possèdeexactement toute la somme relative d'utilité, de réalité et debeauté dont elle est susceptible; ce qui revient à dire, avecLeihnitz , que tout est pour le mieux possible dans le mondetel qu'il existe principe magnifique que la mordante ironie deVoltaire est bien impuissante à ébranler.

TRIADE Viii.

Tri chadernyd hanfocl ni.s gclifr amgan, nid

tlzaid amgen., ag nis gellir gwell gan faddwl; agyll hymi y diwedd pob peth

1 Voyez Owon. Pict. au mot han[od.

Page 30: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

30

Trois puissances de l'existence ne pas pouvoir êtreautrement, ne pas être nécessairement autre, et ne pas pou-voir être mi eux par la conception; et c'est en cela qu'estl'a de toute chose.

Cette triade peut paraitre obscure, et exige, polir être coin-prise, d'être traduite dons cul langage plias pinlosojaliique. Lespuissances (cadernydd) de l'existence, sont ce qu'un kantienappellerait des catégories de l'entendement; mais conçues ob-jectivement, comme attributs des êtres, et non comme simplesfarines de l'intelligence. Les trois puissances énoncées carres-pondent aux catégories de la nécessité, de la contingence et dela possibilité. Cc qui est nécessaire est par cela même completen soi, ce qui n'est que contingent suffit à remplir sa destimiationrelative, et ce qui épuise la possibilité s'élève à laperfection.Ces trois caractères constituent donc l'excellence relative dechaque chose; de là l'expression depui-ssance employée par lesbardes.

TRIADE LX.

Tri pheth dîr y byddant cuita galba, eitha

dea.11, ag cislicr cariS Duw

1 Voyez 0mo. must, au mot dtr, ci, cilice suprCnc, extrema, est écrit pluscorreetome,, L cilleaf, ,ve ifno du superlatif,

Page 31: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

31• Trois choses seront (c'est-à-dire prévaudront) né-

cessairement la suprême puissance, la supréme intelli -gence, et le suprême amour de Dicta.

TRIADE X.

Tri basmogion Duw: bywyd cyfoil; gwybodaet/i

cyfoil, a chodernyd cyfoil.

Les trois grandeurs de Dieu vie parfaite, scienceparfaite et puissance parfaite.

Ces deux triades ne sont qu'une répétition des numéros V etIII et n'edgent aucun commentaire.

TRIADE XL

Tri achos bywedigiou: cariad Duw gan eithadêall cyflawn; deal! Duw yn gwybod eitha rnodT

'-u

Page 32: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

32

ilion; a nerzh .Duw gan citha my-nn, car!ad ada1) .

Trois causes (originelles) des &res vivants: l'amourdivin (ci] accord) avec la suiprênie intelligence; la sa-gesse divine, par la connaissance parfaite de tous lesmoyens; et la puissance de Dieu (en accord) avec lasuprême volonté, l'amour et la sagesse.

Même observation que ci-dessus.Jusqu'à présent nous n'avons vu que (les principes géné-

remarquables sans doute à plusieurs titres, mais qui serapprochent plus ou moins (les systèmes religieux et philoso-pbiques connus. Avec la triade suivante entrons dans unmonde tout nouveau, soit comme doctrine, soit comme termi-nologie.

rlimApE XII.

Tri chylch hanfod y sydd : cylch y Ceugani.11e nid oes namyn Duw, na byw, na rnarw, agnid oes narnyn 1kw a ciii ci dreiglo; cylch yrA&red, 11e pob ansawdd-hanfod o'r niarw, a dyn

1 \'ove, Owexi. Die. , u mot tuerjju_

Page 33: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

33

ai treigiwys; cylcli y Gwynfyd, 11e pob ansawdd-]iaiifod o'r byw, a dyn a'i treigla m y néf

Il y n trois cercles de l'existence : le cercle de inrégion vide, où, excepté Dieu, il n'yrien ni de vi-

vant, ni de mort, et nul étre que Dieu ne peut le tra-verser; le cercle de transmigration, où tout dre animéprocède de la mort, et l'homme l'a traversé; et le cer-cle de la félicité, où tout être animé procède de la vie,et l'homme le traversera dans le ciel.

La terminologie de ce curieux système du inonde exige quel-ques explications (lui serviront à le faire mieux comprendre.

L'univers entier est divisé en trois cercles, cytchav, ou sphè-res d'existence.

Le eylch zi cengant, que nous traduisons par: cercle rie la ré-gion vide, signifie littéralement: cercle de ta circonférence vide;car ecu gant est un mot composé de ecu ( cale) creux, vide, etde cent, circonférence rie cercle. Le premier élément du 110m,évidemment de mémo origine que le latin eavus, se retrouvedans d'autres composés analogues, œu-bren, arbre creux, ecu-nant, ravin creux, dans le verbe ecuaw, creuser, excaver, et lesdérivés ceuedd, ceudawd, vide, cavité, etc. Le sens du mot nelaisse donc aucune incertitude.

Owen, dans son dictionnaire, donne aussi é ceugantl'aecep-tion d'infini, et traduit cylch y ecugant, par: tire circle of infini-tude- Cette acception est en tout cas secondaire, et j'ai préféréle sens étymologique.

Outre cela émettant signifie encore certain: yn geu gant, cci-

t Voyez Ou ri. flics. ai' mot kaufod.9

Page 34: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

1.tainement; ceugant yw an yen, certaine est la mort. Il y a làprobablement une liaison d'idées dont les intermédiaires nouséchappent, et fondée peut-être sur la notion de l'absolu, qui serattachait à cette sphère de vide où Dieu seul réside.

Le nom du second cercle, eylch yr Ahred, aune origine éty-mologique moins précise. Le sens ordinaire d'abred est celuide mai, et, de ce substantif, dérivent abredig, abredawy, mau-vais, vil, Mais «brediad , signifie transmigration, abredu trans-migrer, et .ce sens-là nous conduit à la forme plus simple pred,migration, preidiaw, errer. L'a initial est.uu préfixe intensitifqui exige le changement régulier de en h. Tout indique quec'est bien là la valeur primitive du mot puisque nous verronsbieutM qu'elle répond exactement au rôle attribué au secondcercle des existences. J'ai donc traduit eylcls ,r Abrcd, parcercle de niyration, plutôt que par cercle du suai avec Turner,ou par cercle du comme,weiuent (eirele of inehoation) avec Ed.Williams, interprétation que rien ne semble justifier.

Quand au cykh y Gwynfyd son nom ne donne prise à au-cune incertitude, gwynfyd (composé de ywyn, beau, heureux,et de byd, monde) signifiant, comme g ivynfa, un lieu de bon-heur, un paradis, et, en général, félicité, béatitude, etc.

Les triades qui suivent mettent mieux en lumière la naturecosmologique de chacun de ces cercles. En attendant signalons,avec Turner, la coïncidence remarquable de ces cercles del'existence avec la disposition circulaire des vieux monumentsdruidiques. Le plus célèbre de tous, celui de Stonehenge, étaitappelé côt gawr, on ,uawr côr, le cercle géant, le grand cercle;et l'expression , de cykh byd, le cercle du monde, revient plus'l'une fois dans les anciens potines des bardes.

Le verbe gallois qui exprime l'action de traccrser les cercles,dû transmigrer, est Lre!glaw; et dans le Cad Goadeu, chantmystique Øn barde Taliesin, tout rempli d'ailleurs d'allusionslieu compréhensibles, on trouve les vers suivants

Page 35: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

35

Treiglais y mewo IlaierCyn hum IIuiIa"r.Trciglals cylctiy':eisKysgeis catit viii,,Catit huer o Lhrugys

« J'ai transmigré rimas la terre avant d'être savant; j'aitransmigré, j'ai circulé; j'ai dormi dans cent îles, dans cent vil-les j'ai demeuré. »

Le verbe cylehynu, circuler, employé comme synonyme detrcigïaw, peut aussi renfermer une allusion aux cercles (lel'existence. Nous verrons bientôt le vieux barde parler plusexplicitement de ses propres transmigrations

TRIADE Xffl.

Tri cliyfiwr hanfod bywedigion; cyflwr obred,i Annwn, cyfiwr ryddryd yn nyndodd, a chyfiwrcariad, sef Gwynfyd yn y nôf .

I Arcluwol. or \YaIes, tome t • P. 31. Je lis trigois pour ZslngtJs.2 N. tiersart le la vultemarqud, dans te 1-- vol. de ses chants dc PAL Lu

à té page 259, expose la doctrine de la transmigra Lion dune uu;iiiiire qui mesemble ii i:ueeeplahihe. u Selon les druides dit il . les Aines ataiuiit trois cercles iiparcourir après la mort: le premier était le cercle des peines osa lester; le secondcelui de ]a puriUcation te troisième celui do bonheur partait. n - oiu-seulemen Lle cercle du Ceueqimt est oublié 'sais oie verra bien tôt que les deux autres. divi-S cii trois par M. de la Villemnarqué, ont un Lotit autre rôle que Ulm qu'il leurassigmie . et mue figures Liii leiiter. ui le purgatoire.

3 ''oyez Onvea. liiet. ai' mot dysodowil.-

lqm

Page 36: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

36

Trois états d'existence des êtres animés l'étatd'abaissement dans Annwn ( l'abime), l'état de liberté dansl'humanité, et l'état d'amour oit félicité dans le ciel.

Ici encore, Williams et Owen traduisent cyflw' àbred parstats cf inchoation, état de commencement, ce qui me sembleune interprétation gratuite et mal fondée L'état d'Abrcd, misici en contraste avec l'état de liberté et d'amour, ne peut êtreque celui de mal, d'abaissenent. d'avilissement. En tout cas,oit saurait y chercher le sens de transmigration, puisquela transmigration a lieu également dans l'état de liberté, oudans la condition humaine.

Au premier abord, cette triade semble en contradiction avecles trois cercles de l'existence, puisque l'homme exclu du Ce,,-gant ne peut en traverser que deux. De plus, elle introduit unenouvelle région, l'abtmc, qui parait distincte du cercle d'A.bredou de la transmigration, où s'opèrent les évolutions de l'humn-nit.& Cette contradiction toutefois n'est qu'apparente, commeou le verra par les triades qui suivent Mais analysons d'abordle terme nouveau qui désigne l'abîme.

Ce nom s'écrit également Annnt et Anni#l, mais la se-conde forme est la plus ancienne. C'est un composé régulierdu préfixe négatif an, et de dwfn, fond, profondeur, avecchangement ordinaire de ri eu n. Annwfn répond ainsi exacte-ment ait Pu,rn., sans fond, et abîme, uari; ayant,comme dwfn, le double sens de fond et de profondeur.

Le terme irlandais qui correspond au gallois dwfn est dom-hai,i, ou doimhin, profond, creux, d'oà doinzhne, doisnhneas,profondeur. 1)ornhain signifie aussi le inonde, l'univers, et serattache immédiatement au sanscrit dhûman, pays, contrée,lieu, demeure, de la racine dhâ, poser, établir. Le sens pi'imitil

Page 37: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

37

de tous ces mots est donc bien celui de fond stable. On voitaussi que 17 du gallois dwfn, est une altération d'un ancien ni,comme souvent d'ailleurs, et qu'on ne saurait comparer le go-thique et scandinave divp, anglo-saxon diop, ancien haut alle-mand tiuf, profond, malgré l'analogie apparente des formes.

Dans les traditions populaires galloises plus modernes, il estsouvent question d'Annwa, comme d'une région ténébreuseremplie de mystères. On donne vulgairement ce nom à l'enfer;et les cane Annwn, ou chiens de l'enfer, jouent dans l'imagina-tion du peuple un rôle semblable à celui de la meute du clins-scier sauvage dans les superstitions de l'Allemagne '. Certainsesprits (le ténèbres sont aussi appelés plant Annwn, les en-fitnts de l'enfer.

Chez les bardes les plus anciens le naot .Annwfn, revient sou-vent avec le sens d'abîme. Taliesin l'oppose au ciel, lorsqu'il diten parlant du déluge

O nef l'an ddnntliantY.) Aauau'fl, itifoiriant.

Quand vinrent du ciel les torrents dans Palatine.

Ceci ne prouve encore que l'ancienneté do ce terme, sansnous fournir d'explication cosmologique Tout ce qu'on peut eninférer, c'est qu'on entendait paa- là une région de ténèbres etde mort, sur laquelle la tradition faisait régner un personnagemythologique appelé 6WyJW ah Needd, ou Gwyn, le fils dubrouillard 2

I \'ovem sur lot cnn ii nMwai - les fa ''y Mgen de tic Cronos Croket', tome III.P ' 273.

C Da, les. MyÉho(ny oTite flintS, p,COt

Page 38: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

28

TRIADE X.W.

Tri angen pob hanfod wrth fywyd: dechre ynAnnwn, treigi pi Abrcd, u chyflawnder pi y néf,sef cyleli y gwynfyd; ag heli hynn o driphethnis gellir unpeth nainyn Duw 1.

Trois (phases) nécessaires de toute existence parrapport à la vie le commencement dans Annwn, latransrnigratiou dans Abred, et la plénitude dans le ciel oule cercle de C.wynfyd; et, sans ces trois choses, nul nepetit être excepté Dieu.

Nous trouvons ici l'explication de la triade précédente, ettille notion plus précise de la signification d'Ànnwn ou Annwfn.C'est le point le plus bas du cercle d'Abrcd, ou de la transrni-ration, le chaos qui renferme les germes de toute vie. Tontechose y préexiste, mais à l'état d'involution, d'obscurité, lequelétat est exprimé par cyflwr abred, dans la triade qui précède,par opposition au cyflwrryddyd, la liberté dans la condition bu-moine. Ainsi Annwfn, l'abime sans fond, fait partie du cercled'Abred; c'est le point de départ des transmigrations par les-quelles les êtres s'élèvent graduellement vers la lumière et lavie.

Cette idée d'une région de ténèbres, qui sert comme de fondau monde des existences réelles, et qui renferme la matière detontes choses, se retrouve surtout dans les doctrines gaosti-

I Voyez 0w',i. Oki, au mot dechre.. -

Page 39: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

30

gues, dont le l%ûie ou k uoo;, répond exactement pour le sensà l'Aoznwfn des bardes. C'est là sans doute que Schelling s puiséles expressions de Grumd et de Ungrund, qu'il a introduitesdans sa théodicée; mais, à coup sûr, les bardés gallois n'ont$s empruaité leur Annwfsa à la même source.

TRIADE XV.

Tri pheth agen yii Abred : y 1/cia f o bob byw,ag o hynny dechre; defnydd pob petit, ag o hynnycynnyrid, p' hyun nis gellir inewn cyflwr aingen;a liunjo pob petit or mono, iig o hynny qwttn•han foc]

Trois choses nécessaires clans Abred le moindre(degré) de tonte vie, et de là son commencement; la nia-ti&e de tontes les choses, et de là l'accroissement, qui nepeut s'opérer dans tin autre état; et la formation detonte chose de la mort, et de là la débilité de l'existence.

Cette triade est d'un sens remarquablemuent profoaïd, et en-ractérise admirablement la nature des êtres contingents et p&

4 \'oez Oweu ne, mot otaha,m [011 pmll substitue Jans le 10x11! A gmuaso-

lion/ûd, ce qui domine, ,mm lieu de débtli0d, le sens de dtvcrsttd. La mireflaidre leçon

est sites doute la bonne; cor on 'le voit las oi'mummcllt la dirersilé des irateueeapourrait dtlieoŒre de leur formation de la oeil.

Page 40: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

40

rissables qui naissent, se développent, s'agitent et meurentdans le cercle de &ansmigration.

C'est dans l'abhne, Annwfn, que d'après ce qui précède setrouvent à la fois, la vie à son moindre degré, e'esoà-dire, engerme, la substance matérielle qui constituera l'enveloppe pé-rissable des créatures, et la mort, c'est-à-dire le sommeil pri-mitif an sein des ténèbres, où toute vie prend son point (le dé-part pour se développer ultérieurement. 0e développement, lewerden des philosophes allemands, ne peut s'effectuer, an dé-but, que sous l'empire des lois nécessaires qui régissent la ma-tière et les forces cosmiques; car la liberté n'existe pas encore.Mais, pendant cette évolution, la créature sorbe de la mort,reste 1m être incomplet, 1m composé d'existence et de néant,une vie débile qui peut s'éteindre et retomber dans le chaos,tant qu'an principe supérieur et divin ne l'aurâ pas libérée deslieus de la môrt. Tel est le sens philosophique de ce curieux pa-ragrâphe.

TRIADE XVI.

Tri pheth uis gellir mngen na'u bôd aï bobbyw gan gyfiawnder Duw: cydyrnoddcf pi A bred,eau lIeU llyllny ni cheilai nel) gyflawn wybod aïddiin; cydran cydfroint yn. ghariad Duw, a c/iyt-tiwedd, -ait Duw wrth a fa cyfiawn a hrn-gar .

1 Voyez O,voo. flirt, ail not o,zySd.

Page 41: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

Trois choses auxquelles tout étre vivant participepar la justice de Dieu la sympathie (ou le secours)de Dieu dans Abred; car sans cela nul ne pourrait con-naître pleinement aucune chose; le priviiqe de l'amourdivin, et l'accord (avec Dieu) quant à l'accomplissement,par la puissance de Dieu, en tant, qu'il est juste etmiséricordieux.

Il est impossible de ne pas reconnaître dans ces idées si éle-vées une influence des principes chrétiens. Plusieurs expres-sions du texte original sont fort difficiles à bien rendre sans pé-riphrases, et perdent ainsi une partie de leur beauté. Ainsi leterme de eydynroddef, que j'ai traduit par sympathie, signifielittéralement eo-souffrance, et implique cette idée, que l'on re-trouve dans plusieurs religions, d'un Dieu qui partage volon-tairement ]'état de misère de la créature pour l'aider à s'en dé-livrer. De ménie l'expression de cyttitoedd, ou. comme écritOwen, cyd-ddiwedd, à la lettre co-aecornphsserncnt, exprime unaccord d'action entre Dieu et la créature polir atteindre à unmémo bat. Sans l'amour et la coopération de Dieu, la créatureserait impuissante à progresser au travers du cercle d'Ahred,et surtout à en sortir. C'est la doctrine de la grâce sous une au-tre forme.

TRIADE XVII.

Tri achos an.-en Àbred cynnuli deftnjdd poli

ansawdd, e nnul.l gwybodaeth poli peth, a cm-n-

Page 42: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

'.2

null ncrth er gorfod poli gwrth a Cluytliran!, agyinddiosg ai Drwg; ag heb hynn a dreigo pobcyflwr byw, nis gellir cyflawn as un byw narhyu.

Trois causes de la nécessité (du cercle) d'Abredle développement de la substance matérielle de tout êtreanimé; le développement de la connaissance de toutechose, et le développement de la force (morale) pour sur.monter tout contraire et Cythraul, et pour se délivres-de Drwg (le mal). Et, sans cette transition de chaqueétat de vie, il ne saurait y avoir d'accomplissementpour aucun être. -

Cette triade est une (les plus intéressantes, soit par le fond,soit par les termes originaux qui personnifient les puissancesdu mal, et qui appartiennent sans doute à d'anciennes tradi-tions.

II faut que la créature traverse le cercle d'Abred, pour y re-vêtir d'abord sa forme matérielle dans A)inwfn, et pour arriverensuite, par la liaison et le contraste de l'âme et du corps, parl'opposition du sujet et de l'objet, à la connaissance, c'est-à -dire à la conscience d'elle-môme et du monde extérieur commede deux termes distincts. Il faut enfin, pour que l'homme ac-complisse sa destination finale, que le principe de la volonté li-ljre se développe en lui par la lutte, et acquière assez de puissauce pour surmonter l'opposition des principes ennemis quePieu tolère temporairement, en vue même de cette lutte néces-saire au développement de la liberté- Tel est le commentairephilosophique qui me parait expliquer le sens de cette triade..

Page 43: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

43

Le nom de (,yf.hrauZ, que j'ai conservé dans la traduction, estcelui que l'on donne vulgairement ait diable, à côté de diafwl.diaiet. C'est là probablement un mot purement gallois, et quit'a pas l'analogue, que je sache, dans les autres dialectes cel-tiques. Owen, (laits son dictionnaire, le regarde comme com-posé du préfixe cyet de trou?, destruction (wasting, consuming,wearing out); sa signification serait ainsi celle de destructeur.01n trouve toutefois, à côté de. Oytkraul, un autre terme pres-que identique, cytltrawl qui n'en diffère que par la voyelle w(ou) de la terminaison, suais dont l'origine est tout autre. C'estun dérivé régulier du verbe cyt ère, rejeter, expulser, et qui si-gftifie adverse, contraire; ce qui est aussi le sens réel de Salondans les langues sémitiques. On pourrait croire, d'après cela,que les deux termes ne sont qu'un ,nSe mot, et que leur dif-férence n'est qu'orthographique.

il faut ajouter mie analogie curieuse, et peut-âtre fortuite;du sanscrit çatru, çatréra, adversaire, ennemi. On le rap-porte à la racine Cod, abattre, tuer (le latin cadere; mais le dé-rivé devrait alors s'écrire çattru. La forme primitive a dé êtrekatru et en pourrait la ramener àla racine katr, (kart, kart'),(lotit le sens, soivcrc, reloxare, ne s'éloigne pas beaucoup decelui du gallois eytiiru, rejeter, expulser. Ces diverses conjec-tures sont un exemple de plus des difficultés que l'on éprouvesouvent à choisir entre plusieurs voies pour arriver à l'originevéritable (le certains mots. loi les doutes ne pourraient âtreéclaircis que par une digression qui nous écarterait trop de no-tre sujet principal.

Je passe donc au second nom dr'og, qui désigne plus spécia-lement le mal, et dont la filiation est beaucoup plus certaine.

Le mot gallois drwg (armoricain droug, drouk, irlandais(Iroch), exprime eu général tout ce qui est mauvais, au phv-sique comme an moral, et le fiançais d4'ogae en provient sans

Page 44: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

1.4

aucun doute. B se rattache évidemment à la racine sanscritedruk , nuire, blesser, d'où drôha, offense, injure, malice,dru?. (comme substantif), un être malfaisant, etc. Nous 't'a-vons pas k suivre ce mot dans son acception générale, à tra-vers le domaine (les langues indo-européennes. Ce qui nousintéresse ici,c'est que, de toute ancienneté, il a été appliquéà la personnification de divers êtres de nature démoniaque, etqu'il en était sans doute de même chez les Celtes.

Le savant et ingénieux linguiste allemand lCuhn, dans untravail remarquable sur les Te?chines grecs, a réuni plusieurspassages du Itig Véda indien, où le nom de druh désigne clai-rement une espèce de démon femelle'. Pans les anciens livreszends, o" trouve des démons des deux sexes appelés drukhs,et Lassen n reconni, ce itom, sous la forme de draya, avec lesens d'esprit malin. dans les inscriptions cunéiformes de Per-sépolis.

Kulm rattache avec raison, je crois, à cette famille de motsle grec Ob.yo,, eu lui donnant comme signification primitivecelle de nuire par des enchantements. Les consonnes, il estvrai, ne correspondent pas régulièrement au sanscrit dmhqui exigerait Mto; mais Xubn montre fort bien que cette.irrégularité doit être attribuée aux variations particulières desaspirées grecques. On trouve, en effet, le nom des magiciensmalfaisants sous la double forme de ,e)yZaç, et de 8sX7tn,, . etle grec Ûu1d;zp, fille, comparé au sanscrit duhitri, présenteexactement la même anomalie, et devrait être

B faudrait admettre la même irrégularité, quant à la con-sonne initiale, pour l'ancieu haut allemand troc, gitroc, anglo-saxon gidrog qui, suivant Grimm, désigne plus spécialementles pernicieuses illusions produites par les méchants esprits.

4 ZeftschrWL f. Vtrgi. ,Sp,a&.b-nnde 185!, j . ICI.9 IJeUlElil Mvtlmol,, P. M.

Page 45: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

45

Le corrélatif régulier du sanscrit druh, semble se trouverd'ailleurs dans l'anglo-saxon tregia,,, vexer, tourmenter, trege,vexation. dommage; gothique trigd, scandinave tregi, clin-grill, etc..

En lithuanien drùgis est le nom de la fièvre, et surtout dufrisson fébrile; peut-être s'y joignait-il, comme à l'ancien al]e-,naud rito, l'idée d'un esprit malin, d'un elfe qui agite etsecoue le malade.

Enfin l'irlandais droch signifie aussi Un nain; c'est-à-dire,comme dans la plupart des superstitions populaires, un êtremagique doué d'un pouvoir pernicieux.

Ces divers rapprochements peuvent autoriser à croire quele dru9 gallois des triades, qui est associé à oythraul, l'adver-saire ou le destructeur, a désigné primitivement une personni-ficatio]l du mauvais principe.

TRIADE XVIII.

Tri plirif anffawd Abred : angen, angliof, e.g(lfl!/CU.

i'rois calamités primitives (du cercle) d'Abred lanécessité, la perte de la mémoire et la mort.

Les trois termes gallois constituent une formule mnémoni-que, par la concordance des sons, procéd5 fréquemment em-ployé dans les triades, dont tout indique la nature primitive-tuent traditionnelle.

Page 46: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

4GNous avons ici, sous la forme la plus concise, l'expression

du côté sombre de la destinée humaine dans le cercle tl'Abredet ses diverses phases. Au point le plus profond, dans Annwfn,la nécessité règne exclusivement avec les ténèbres. En arri-vant ii la conscience de lui-même et ii la connaissance . l'hoin-inc devient un être libre; mais il est voué à la mort, et. s'il neS'est pas élevé assez haut, pour échapper aux liens d'Abred,il ne meurt que pour y renaitre sous me autre forme, et enperdant la mémoire rIe son existence passée. On verra bientôtque cette mémoire des transmigrations accomplies n'st rendueà l'homme que quand il n réussi à se délivrer du cercle d'A-hied, et qu'alors seulement il embrasse d'une seule inc ré-trospective les divers termes de sa vie individuelle. Se souve-sur; dans ce monde déjà, de ce qu'on a été antérieurement illa dernière naissance, est un privilége extraordinaire, conféréà quelques natures exceptionnelles seulement; et nous verronsque,. si la tradition l'attribue ai' barde Taliesin , c'est quelleen fait un être merveilleux, redescendu sur la terre (les ré-gicles de Gwysifyd.-

TRIADE XIX.

Tri pilen angen y sycld cynn cyfiwyr wybo-daeth rreiylo'r Abred, treiqlo'r Gwynjyd, a ekofor eyfan hyd yn Annwn.

Il y n trois conditions nécessaires pour arriver à laplénitude de la science b-ansrn4gre, dans Abred, trans-

Page 47: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

't

uigrer dans Gwynfgd, et se ressouvenir de toutes cho-ses (passées) jusque dans Annwn.

La plénitude de la science, ou la sagesse parfaite, est] edernier tanne du développement futur de l'homme. il ne mu-tait y atteindre dans cette lie où la mémoire de son passé luimanque, où tout commence pour lui à sa dernière naissance.Ce n'est que dans le cercle de Gwynfyd qu'il se souviendra dotout, et que sa haute destinée s'accomplira.

TRIADE M.

Tri cbynghyd alillehgor Abred ang1yfraith,gan nas gellir aingen; dianc an yen ray Drwg ciChytièraul; o. chynnydd bywyd û daioni, gan ymd-diosg a'r Drwg y» niaine angeu; o. hynn o go.-riad Duw y» gafaelu ar bob petit'.

Trois choses inévitablement liées à la conditiond'Abred la transgression de la loi (le péché), car iln 'en petit être autrement; la délivrance de la mort de-tant øiuug et Cyihraui; l'accroissement de la vie et du Incapar l'éloignement de Dnug dans la délivrance de lainofl; et cela par t'amour de Dieu qui embrasse ton-tes choses.

1 \•ovu Owen. Diet. ou mot cvuQhvd.

Page 48: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

48

Le premier terme de cette triade est susceptible d'une dou-ble interprétation, et sa concision ne facilite pas le choix hfaire entre l'une ou l'autre.

Le mot anghyfraith, composé de ei/fraith, loi, et du préfixnégatif an, signifie transgression de la loi, illégalité, et setrouve avec ce sens dans les lois galloises de I-Iowel Du. Mais,en vertu de sa composition, il peut signifier aussi: absence deloi, et c'est ainsi que l'entendent Ed. Willinnis et Owen, enl'interprétant par no subjection Io injunetive lai,'s, « non-assujettissement à des lois impératives. Wililams ajoute bc-cause il is impossible far a'my actions ta be there oti,erwise titanthey OIT, c parce qu'il est impossible pour aucune action d'êtrelà autrement qu'elle n'est. Mais le texte gallois est beaucoupinohis explicite, et pan nos gellir amgcn ne signifie autre choseque car il n'en peut être autrement, »

T'avoue que cette version de Williams me semble peu satisihi-saute car, d'une part, elle entrainemnit la non-responsabilité -(le l'homme dans l'existence d'Abred, tandis que la triadetreizième établit formellement sa liberté, et d'anti-e part, litdoctrine des bardes et des druides se composait précisémentde lois impératives , auxquelles l'homme doit obéir pour arriverà la délivrance.

Je crois donc qu'il faut laisser ici à onyhyfra.ith son senspropre de transgression de /a loi, c'esth-dim-e de péché auquell'homme ne saurait échapper complètement dans l'état impar-fait de sois développement moral ici-bas. Mais ce qu'il ne peutaccomplir par ses seules forces, I'aanour de Dieu l'accomplitpour lui. -

Par la transgression de la loi, en effet, l'homme tombe sousla puissance (le .7irwg et de Cyt levant et il y resterait àjamaissi Dieu ne le délivrait pas •par la mort, pour le replacer, parla transmigration, dans les conditions d'une épreuve nouvelle.

Page 49: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

Mais, à chaque transmigration, il est tenu compte àj'liommede la part de vie véritable et de bien qu'il a su conquérir. Ilrenaît dans des conditions d'autant plus favorables qu'il s'estélevé plus liant, tandis que la puissance acquise par le malsur lui, cesse par la mort qui l'en délivre. La somme généralede la vie et du bien s'accroît ainsi continuellement par l'effetde l'amour de Dieu.

Il ne me semble pas que cette triade puisse être expliquéeautre,nent. en tenant compte de l'ensemble du système bar,diqite.

TRIADE XXI.

Tri pheiriant Duw yn Abred er gorfod Drwga Citytitraul, a diane oddiwrthynt at Wynfrdan yen, ang/iof ac origan l•

Trois mo yens eflieaces de Dieu, dans Aérai, pourdominer Drwy et t'yt/eranl, et délivrer d'ouï par rap-port au cercle de Gwynfyd la nécessité, la perle de lainSzoirc et la mort.

1 Voyez Owen. I)icc ou moi pari ont.

Page 50: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

50

Drwg et Oytïnazd s'opposent sans cesse à ce que l'hommeéchappe au cercle d'Abred pour passer dans celui de Gwynfajdoù cesse leur pouvoir. Or les trois calamités primitives d'A-bred, angen, anghof, anytu, comme s'exprime la dix-hui-tième triade, se trouvent être précisément les moyens efficacesque Dieu met en cesne pour combattre les puissances du mal,et c'est là ce qui justifie leur existence.

Parla ,iéeesgitd, il faut entendre sans doute les lois immua-bles établies par Dieu dans la nature, et auxquelles ni le librearbitre humain, ni le pouvoir de Jirwg et de Gylhravl, nepeuvent porter atteinte. La mort et la perte de la mémoiresoustraient l'homme à l'influence acquise sur lui par le mal, etlui permettent de recommencer la lutte jusqu'à ce qu'il aitobtenu la victoire sur les principes ennemis.

On pourrait objecter que la perte de la mémoire doit en-tramer celle de tout le bien acquis en même temps que l'a-néantissement du mal; mais l'homme renaissant dans Abre4avec une part de vie proportionnelle à ses mérites, se trouveplacé d'une manière de plus en plus favorable pour combattreDrwg et Oythraul.

Cette triade complète la précédente, et toutes deux trou-vent un commentaire plus explicite dans les triades XXV etXXVI.

Page 51: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

51

TRIADE XXII.

Tri chytghyfoedion y sydd dyn, r/tyddyd a

goleuni •

Trois choses sont primitivement contemporainesl'homme, la liberté et la lumière.

Avant l'homme, lequel, ainsi que nous l'avons vu, com-"ence dans Aremvfn, la nécessité et les ténèbres règisent.exclusivement dans le cercle d'Abred. Avec l'homme, et pourlui principalement, se développe l'ordre matériel de la nature,et lefiat lux se prononce en même temps que la créature entredans le domaine de la liberté morale. Tout ceci rappelle en-core d'une manière remarquable les principes (le la philoso-phie de la nature de Schelling.

I Qwea flot, au net c,jnghyfoed, cite cette triade avec toie liflre variante,Tri &tnghyfoeeiio,i bipe: Miel (goteuni, tan) ) clin e rhydd 'jil. -Troischoses prinitivenocot contemporaines do mi le soleil (lumiêre, fi,,), l'hopo,,,oet la liberto.

Page 52: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

52

TRIADE XXIII.

Tri angen orfod clyn: dioddcf, newid, a deS,a chan allu dewis ni wyper am y ddau a.rall cylidigwydd.

'ri-ois choses nécessaires pour le triomphe del'homme (sur le mal) : l'impossibilité (c'est-à-dire lafermeté contre la douleur), le changement, et la libertédu choix; et, avec le pouvoir (qu'a l'homme) de choi-si,., on ne peut savoir A l'avance, avec certitude, oùil ira.

Cette traduction s'éloigne de celle d'Ed. Williams, laquellenu semble difficile à justifier, La voici

Tht flore neeeaary incidents of hurnanit.y; te suifer, tecluznçje and te choose; ami nain liai ing thepower ofehoosing,il itt impossible, bef&e ocourenee, tofore8ce what bis suiferinysand changes wiZl ho. Ce qui veut dire:

«Les trois incidents nécessaires de l'humanité souffrir,changer et choisir; et l'homme ayant le pouvoir de choisir, ilest impossible, avant l'événement, de prévoir ce que serontses changements et ses souffrances.

Je laisse de côté les différences secondaires de cette para-phrase, pour ne m'attacher Qu'au point essentiel, Williamstraduit dioddef par souffrir; mais c'est là un composé du pré-fixe négatif di et de yoddef, endurer, souffrir et souffrance; etle sens me peut Otre que 'e contraire exaetSeat. DiQddef, en

Page 53: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

53

effet, comme adjectif, signifie exempt de smqTrance; maison petit le prcndi-e également comme un substantif, et letraduire par: in-t-p rissibilité, car le dérivé diod&fadwy, signifieirnp asri bl€. (Voyez ces mots dans le Diet. gallois d'Owen.)

C'est évidemment ce dernier sens qu'il faut lui donner ici;car en quoi l'absence de la douleur pourrait-elle contribuer ailtriomphe de l'homme? et comment l'homme pourrait-il triom-pher puisqu'il est soumis fatalement à la souffrance? Je voislà, au contraire, l'élément stoïque de la morale des bardes,laquelle exige de l'homme qu'il soit fort contre la douleur,pour éfre fort aussi contre la passion et le mal.

Quant ail changement. c'est-à-dire la transmigration, et laliberté du clwix, comme conditions du triomphe de l'homme,il faut comparer les triades qui précèdent.

TRIADE XXIV.

Tri chydgyfran dyn: 4 bred o Gwynfyct; (in.-yen ag r/tydyd; a drwy a dô, ag o]l yn gyci-bwys, a gallu gan dyn yrnlvnu wrth yr un n.fynno i.

Trois alternatives (offertes) û l'homme A&red et

4 Voyez O.M. Dut. au mot vntvlu.

Page 54: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

bitGwynfyd, nécessité et liberté, mat et bien; le tout en équi•libre; et l'homme peut à volonté s'attacher à l'uneou à l'antre (de ces alternatives).

On ne saurait établir d'une manière plus formelle la doc-trine de la liberté humaine. Si l'homme incline vers A&red, iltombe dans la fatalité et le mal; s'il se tourne vers Gwtjnfid,il s'élève à la liberté et au bien. Lui seul décide de ses desti-nées futures, bien que Dieu lui prête secours pour marcherdans la bonne voie.

TRIADE XXV.

O dri pheth y syTth angen Abred ar ddyn:anym gais ci gwybodaeth; anyrnlyn or (id, ag yin-lyn a'r drwg; 5g y syrth gan hynn o bethauhyd ei gydryw yn Abred, a threiglo rn o1 fal ybu gyntaf'.

Par trois choses l'homme tombe sous la nécessitéd'Abred (ou de la transmigration) : par l'absence d'ef-fort vers ta connaissance, par le non-attachement au bien,

1 Voyez Owen. DICI, au mot ymtyn.

Page 55: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

55

et par l'attachement au mal; c'est-à-dire que, par ceschoses, il descend dans Abred jusqu'à son analogue,et il transmigre de nouveau comme auparavant.

TRIADE XXVI.

O dii pheth y syrthier yn A&red gan angen, erymlynu y mhob peth ara!l wrth y dl: o [alek-

der hyd Annwn, o anwireddd hyd obryn, ag o an-

/iugared4 hyd gydfll, a threiglo'n el at ddyndodfal o'r blaen'.

Par trois choses l'homme redescend nécessaire-ment dans Abred, bien que, à tout autre égard, il sesoit attaché à ce qui est bon : par l'orgueil (il tombe)jusque dans Annwn, parla fausseté, jusqu'au point dedémérite équivalent, et par le manque de charité, jus-qu'au degré correspondant d'animalité (littéralement:jusqu'à l'animal semblable). De là il transmigre de nou-veau vers l'humanité comme auparavant.

Ces doux triades développent avec plus de détails la doctrinebardique de la transmigration, et servent de commentaire à

.1 Voyez Owen, Diet, nu mot gobryn.

Page 56: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

56

celles qui ont précédé. On voit clairement ici quelle est la loiqui règle 'es destinées de l'homme dans le cercle d'Abred.

L'ignorance, la tiédeur pour le bien, l'attachement au mal,et, en particulier, l'orgueil, la fausseté, la dureté du coeur, sontautant de causes qui font retomber l'homme dans Alvred aprèsla mort, plus ou moins profondément, et quelquefois jusquedans 4rnwfn.

La seconde triade distingue trois degrés d'abaissement. Des-cendre dans Annufn, par l'orgueil, c'est rentrer temporaire-ment dans la région de la matière inanimée, et retourner,l'état de germe, air lopins bas de l'existence (voyez les tria-des XIII, XIV et XV). D'après les triades bardiques encore iné-dites, cela s'appelait disygu i'r hadan, descendre dans les ger-mes, ou ewymp j had, tomber dans la semence '. Un degrémoindre do déchéance, c'est de revenir à l'animalité enfin lachute la moins grande, c'est de renaître sous une forme hu-maine, mais dans une condition proportionnée ait dû dé-mérite encouru.

Tout ceci s'accorde parfaitement avec ce que révèle le bardeTaliesin de ses transmigrations passées, lesquelles s'étendent àtous les degrés divers. Il revient à plusieurs reprises dans dii'-férentspoiirn es remplis d'ailleurs d'allusions mythiques fort dis-cures, Ainsi dans le CM Goddcu (Archaeol. of Wales, J, p 28)il dit

lima va Uiaws rhithCyu hum dysQvf'rith.

« J'ai été dans une multitude de formes avant d'être dansma forme propre. o

Puis il énumère tout au long ses diverses transformationsdont quelques-unes sont très-fantastiques. Une seconde Su-

t dues. Oies. rot. had. Crotton Croker, I4iyry Legends, t. 111, p. 181.

Page 57: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

5,.

mêration du même genre se trouve dans l'An gar fljvyndawd(ibid. p. 34)..

En fait de choses inailimées. il n été tour à tour un glaive, tinbouclier, une hache, un soc, une pelle, une lampe, une cordede lyre, un bateau, un pont, la cheville d'une tenaille. unlivre et même un mot écrit en lettres; puis une souche, 'lueéponge, une goutte de pluie, un grain croissant sur la monta-gne, etc., etc. En cette dernière qualité, il n eu toutes sortesd'aventures; fia été moissonné, enfumé: grillé, puis mangé parune poule aux griffes rouges, à la crête lacérée, dans le ventrede laquelle il a passé neuf nuits.

Fil de formes animales il a revêtu celles d'un chien,d'un cerf, d'un taureau, d'uit étalon, d'un sanglier. d'un bouc.d's,ri coq, d'un saumon, d'un serpent, etc., etc.

Dans le Raflas Taliesia (ibid. p. 19), il rapporte tous les évé-nements remarquables dont il a été témoin, comme homme cettefois, depuis la création du inonde, avec un bizarre mélange (letraditions sacrées et profanes.

On voit, d'après cela, que, dans lesidées desbnrdes, la trans-migration s'étendait à tous les règnes de la nature, et à toutesles époques de l'histoire. Si nous connaissions les détails (lusystème, tel qu'il existait sans doute chez les anciens druides.irons trouverions probablement de curieuses analogies avec lamétempsycose indienne. Ainsi l'exprssion de tomber jus.qu'au cyddil, c'est-à-dire jusqu'à l'a.,,imul scmb?ab?e, rappelleforcément le douziéme livre des lois de Manou, où chaque délitentraîne la renaissance dans le corps d'un animal particulier.D n'y est pas question toutefois de transformations purementmatérielles, mais celles-ci se produisent avec toutc l'exubé-rance de l'imagination indienne, dans les poàmes épiques et lesPolirions. Ainsi dans le Vichnou Pourana, il est dit:

« Les divers degrés de l'existence, ô Maitrêya, sont les cho-

Page 58: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

58

ses inanimées, les poissons, les oiseaux, les animaux, les hom-mes, les saints, les dieux et les esprits parvenus à la délivrance.Chacun de ces degrés en succession est mille fois supérieur àcelui qui précède; et par tous ces degrés doivent passer tousles êtres qui sont au ciel ou dans l'enfer, avant d'obtenir la dé-livrance finale 1.

Cette question comporterait de grands développements dontnous devons nous abstenir ici, en nous contentant d'avoir si-gnalé l'analogie essentielle.

TRIADE XXVII.

Tri chyntefigaeth cyflwr dyn : cynnuil cyntai'ar wybodaeth, cariad a ncrth, heb angeu; ag Sgellir hymi yin mraint rhydd a dewis cyn dyn-dot A'r ri hynn a ciwir y tri gorthrech.

Trois choses principales (à obtenir) dans l'état del'humanité : la science, l'amour et la force (morale)au plus haut degré (possible) de développement, sansla mort (c'est-à-dire avant que la mort n'arrive). Celane peut &l'e obtenu antérieurement à l'état d'huma-

4 Wilsou. Vishou Purana, P. tlO.

Page 59: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

59nité, et (ne peut l'être que) par le privilège de la li-berté et du choix. Ces choses sont appelées les troisvictoires.

TRIADE XXVIII.

Tri gorthrech ar Ddrwg a G/iythraui y sydd:gwybodaeth., cariad a galin; gan y gwyr, y uiyin,ag y dichon y rhain yn eu cynghyd y pethaua fynnont; ag y'nghyflwr dyn eu dechre, a'u pa-râu dros fyth.

li y a trois victoires sur Dnvg et Cythraul la science,l'amour et la force (morale); car le savoir, le vouloiret le pouvoir, dans leur connexion, peuvent accom-plir tout ce qu'ils veulent. (Ces trois victoires) cons-mencent dans la condition de l'humanité, et durentéternellement.

Ces deux triades exposent quels sont les principes du bien quifont triompher l'homme sur le mal. C'est la contre-partie destriades Xxv etXXVJ, oùl'on voit par quelles fautes l'homme ro-

1 Owen. flirt, au mot gor'threch, a ici y rhai han.

Page 60: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

60

descend dans l'échelle des êtres. La science, l'amour, la forcemorale, sont l'opposé de l'ignorance, du manque de charité etde lentrainement au mal, qui font retomber la créature vers lefond de l'abîme. Mais il faut que ces trésors soient accumulésnu plus haut degré possible, relativement parlant, avant que lamort n'arrive, pour que l'homme puisse sortir du cercle d'Abredet entrer dans celui de Gwynfyd.

TRIADE XXIX.

Tri bra.int cyflwr dyn eydbwys tirwg o dil.

ag yila cymharaieth; r/iyddyd wr!h dewiR, ag ohynny barn a dewis; a cii ynnechrc qallu yin inraint

barn a dewis, gan eu rhaid cyn diin arail owneuthur

Trois privilèges de la condition de l'homme l'équi-libre du mal et dv bien, et delà la faculté de comparer;

la liberté dans le choix, et de là le jugement et la pré-

férence; et le développement de la force (morale) par

l'avantage du jugement et de la préférence; car ceux-ci doivent nécessairement précéder tonte action.

1 , Voyez Ovea. liict..au 'flot dents.

Page 61: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

cl

La doctrine du libre arbitre reçoit ici une nouvelle confirma-tion, et les plus hautes facultés de l'homme, le jugement, l'in-telligence, la volonté, sont rattachées immédiatement au prin-cipe de la liberté. (Je sont là les vrais priviléges de l'homme,sans lesquels 110e pourraitjamais s'élever à la dignité d'un êtremoral, responsable de ses actions.

TRIADE XXX.

Tri gwahaniaeth angenorfod rhwng dyn, ftIliob byw arail, ii Duw: Mg or ddyn, ag nis gel-'lit ar Dduw; dcchre or ddyn, ag iris gellir arDduw; ag wigen netvid cy/iwr olynôl yn ng/iyichy Gwynfyd or ddyn, o anoddef bythoedd y Ccv-gant, ag lus geffir ai' Dduw, pn allu pob clyod-def, a hyny gan wyiufyd'.

Trois différences inévitables entre l'homme, outout autre être, et Dieu l'homme est limité, et Dieune saurait l'être ; l'homme o un commencement, et Dieun'en saurait avoir; l'homme doit nécessairement passer

1 Voyez Osven. Blet. au mol g,vahaniaeili.

Page 62: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

62

par des changements d'état successifs dans le cercle deGwynfyd, à cause de son impuissance à supporterl'éternité du Ceugant, et Dieu ne saurait changer;car il peut supporter toute chose, et cela avec la fé-licité.

Cette triade nous ouvre un horizon nouveau et plus élevé.Nous sortons du cercle d'Abred pour entrer dans le monde su-périeur de Gwynfyd, dont les félicités vont se dérouler à nosyeux.

Ce qu'il importe de faire observer, c'est que, dès le début,cette triade pose clairement l'infranchissable limite qui sépare,et séparera toujours, la créature cia CréateurJi n'cstpas ques-tion ici de cette absorption dans la substance divine que le pan-théisme indien considère comme la récompense finale et su-prême du juste accompli. L'homme demeurera éternellementdans le cercle de Gwyn'd avec sa personnalité propre; et, làégalement, il passera pur des états divers d'existences de plusen plus heureuses, parce que, en tant que créature, il ne pour-rait supporter une éternité invariable. Le cercle du Ceugant,où toute existence finie s'anéantirait au sein de l'absolu, lui res-tera inabordable à jamais. Dieu seul y trône dans son éternité,mais en rapport constant avec les autres cercles de l'universqu'il remplit de sa présence. Dieu est ainsi tout à la fois en de-hors du monde et dans le monde, dans l'immobilité et dans lemouvement, dans l'éternité et dans le temps, dans l'infini etdans le fini; car, comme s'exprime la triade, il peut supportertoute chose sous que sa suprême félicité en soit troublée.

Page 63: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

63

TRIADE XXXI.

Tri chyntefigacth Gwynfyd : annrwg, annei-sian, ag annar[od'.

Trois (avantages) pi'incipaûx (du cercle) de Gwyn-fyd absence de ml, absence de besoin, absence de mort.

TRIADE XXXII.

Tri adfer cylch y Gwynfyd: awen qyse fin, agared gysefin, a chôf cyse fin; am ras gellir gwyn-fyd hebddynt .

Trois choses qui seront rendues (à l'homme) dansic cercle de Gwynfyd le génie primitif, l'amour primi-tif et la mémoire primitive; car sans cela il ne sauraity avoir de félicité.

I Voyez Owen. met, au mot cynie/Igacth2 Voyez Owen. Dit. au mot gwynfyd.

Page 64: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

64Ces deux triades, dans leur concision, caractérisent déjà

parfaitement l'état futur rie l'homme dans Gwyn'd. D'une part'il sera délivré des misères d'Abred, du mal, du besoin, de lamort; d'autre part, il retrouvera pleinement les éléments es-sentiels du bonheur.

En première ligne se place ce que les tardes gallois appel-lent l'Amen, que le mot génie ne rend que d'une manière im-parfaite. Le sens étymologique de amen, est celui de fleur.comme le montrent les termes alliés «w, fluide, «won, fleuve,«mci, vent, flux d'air, aaoya-, air, ciel. Amen est donc le flua,l'epanchement spontané de l'âme, et comprend tout ce que nousappelons goût, aptitude, talent naturel, inspiration et génie. Lemot awejdd, penchant, désir ardent, offi-e une autre application,ail moral, de l'idée première l.

Dans le langage des bardes, eewen désigne plus particulière-nient le génie poétique, la muse, le fleur do l'imagination. Lepoète est appelé amen ydd, awenwr, celui qui est doué de l'amen;ce ternie se rencontre fréquemment dans les plus anciens poa-mes avec un sens plus ou moins général, et les triades hardi-ques y reviennent plus d'une fois pour le définir. Owen, dansson dictirnmaire, cite une de ces triades qui renferme tout amisystème d'esthétique.

« Trois conditions nécessaires de l'amen: un oeil qui sachevoir la nature, u', coeur qui sache sentir la nature, un espritqui ose suivre la nature. »

I La racine commune de ces mots se retrouvé évidemment dans le sanscritcv, verbe de mouvement dont les significations unit très-varues, et qui o, entreoutres, celle de désirer, dérivée de la notion plus générale de môtvenrenlvers quelque chose. Le s,ihatantirav gna, inoovoament, rapidité, force, désir, etc.,répo,,il au gallois ciron par la forme et I, sens primitif. Les analogies du grec

(pouir&Ft?Jz), avec le gallois eovpr, civet, cl 4,, huaaven, oridur, etc., sont soli]aam,00nt évidentes.

Page 65: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

65

Au point de vue psychologique, l'awen représente, en quel-que sorte, le développement le plus élevé, la quintessence intel-lectuelle, la fleur idéale de chaque âme individuelle. Tout hom-ne a son aiven, mais il lui est rarement donné d'en jouir dans

l'existence terrestre. Les mille entraves de la vie, et les acci-dents de l'organisation matérielle, en arrêtent ou en troublentle développement naturel. Et cependant ne serait-ce pas là,pour chaque individu, le plus puissant élément (le bonheur? -Eh bien, cet élémentserapossédé d'une manière complète dansle cercle de Gwyn'd, et là chacun deviendra en réalité ce qu'ila été primitivement comme idéal dans la pensée du Créateur.

Le second élément du bonheur scia l'amour, dans le sens lePlus élevé du mot. Les liens (les affections pures et sacrées dela famille et de la société, toujours brisés violemment par lamort, se renoueront à jamais dans Gwynrd; car sans ee]al'homme ,te pourrait être complétement heureux. Et non seule-ment il y aura, sous ce rapport, une entière satisfaction, maisl'amour embrassera de proche eu proche tous les êtres, tout ense concentrant toujours davantage sur Dieu, comme en le verradans mie des triades qui suivent

Mais pour cela, ainsi que pour l'entier développement del'amocn et de la science, il finit que l'homme retrouve aussi lamémoire de ses existences passées, afin de ressaisir l'unité desa nature personnelle, et de réunir dans une synthèse défini-tive tous les moments de sa vie, épars dans la succession destemps. -

Rien de plus élevé que ces idées des bardes sur la vie future,qui ne contredisent en rien d'essentiel celles du christianisme,et qui n'offrent aucune trace des imaginations naïvement gros-sières de la plupart des religions païennes. Nous en verronsbientôt de nouveaux développements.

Page 66: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

66

TRIADE XXXIII.

Tri gwahanfod pob byw gwrth a.rall awen,

côf, a chanfod; sef y bydd cyflawu ar bob un,ag Ris gellir cyfun y rhain ar un byw araU; aphob un y-n gyflawn, ag nis gellir dau gyffwnar ddim.

Trois différences de tout être vivant par rapportaux autres l'awen (ou génie primitif), la mémoire etla perception; car (ces facultés) sont complètes peut-chacun, et ne sauraient se partagei avec tin autreétre. Chacun (les possède) en plénitude (exclusive),et il ne peut y avoir deux plénitudes d'aucune chose.

Le texte gallois de cette espèce de commentaire psycholo-gique est confus, obscur et peut-être altéré, bien que le sensgénéral ne reste pas douteux. Williams en retranche la moitié,et se borne à traduire: eaeh cf the.se in ils plenitude, and ticoplenitude.s cf any thing tan not exist La triade qui suit est beau-coup plus claire.

1 Y rhan?

Page 67: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

67

TRIADE XXXIV.

Tri pheth a roddwys Duw ar bob byv, sef:cyflawuder ci ryw, gwahandcr pcn ci 1i.tn, a ban-nogacili men gyse fin rhag arali; yna hunan cy-foU pob un gwrth arail.

Trois choses que Dieu a données à tout étre vi-vant, savoir: la plénitude de son espèce (onde sa naturepropre), ta distinction complète de son individualité, etl'originalité de son men primitive par rapport à touteautre. C'est là ce qui contitue la personnalité propre'et complète de chaque être.

Cette psychologie concise énumère les conditions de la per-sonnalité, de laquelle dépend laliberté morale, et qui persisteradans Gwyn'd sans aucun terme assignable. Elle eiplïque etconfirme les trois triades précédentes.

Page 68: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

68

TRIADE .XXXL

O ddeal tri pheth y bydd difant a gorthrecli

r bob drwg a marw: ansawdd, achos a phd-riant; a hyn a geir yn y Gwynzd.

De la connaissance de trois choses résulterontl'anéantissement (du mal) et la victoire (de l'homme)sur toni mal et sur la mort: de leur nature propre, deleur cause, et de leur anode d'action; et cette connais-sance sera obtenue dans (le cercle de) Gwynfvd.

Si, dès cette vie, l'homme pouvait savoir clairement ce qu'estle mal en lui-même, d'où il provient, comment il agit, il n'y apas de doute que le mal perdrait toute sa puissance sur lui. Lemal, en effet, n'a et ne peut avoir qu'une existence relative,temporaire, et qui ne se maintient qu'à l'aide d'une illusiontrompeuse. J] n'a de prise sur l'homme qu'en l'égarant, e', sedonnant pour ce qu'il n'est pas, en luisant briller à ses yeux devaines et chatoyantes perspedives qui fuient sans cesse (levantlui. Si l'homme avait la conscience de cette inanité, s'il savait où,comment et pourquoi les pièges sont tendus, il se garderaitbien d'y tomber. Dans le cercle de Gwnirl cette connaissancelui sera pleinement concédée, et-, par cela seul, le ma] cesserad'exister pour lui. - Telle est la doctrine bardique.

Page 69: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

69

TRIADE XXXVI.

Tri chadernyd gwybodaeth: darfod irciglo pob

cyfl.wr byw'yd, cofro treiglo poli eyflwr ai ddam-wain, a gallu treigio pob cyflwr fat y mynner, erprawf a barn; a hynn a. geir yn nghylch Gwyn-M'.

Les trois puissances (ou fondements) de la science:accomplir la transmigration à travers chaque état de la vie,se souvenir du passage par chaque état et de ses incidents,et pouvoir passer à volonté (de nouveau) pur un état quel-conque, en vile de l'expérience et du jugement. Et.cela sera obtenu dans le cercle de Gwyufyd.

Cette triade est fort importante pour la doctrine bardique dela métempsycose, et pour l'entente de certaines traditions (les.anciens liardes.

DélisTé du mal, de la mort et de l'ignorance, en pleine pos-session de son génie primitif, (le son awen, et des pures félicités(le l'amour, l'homme néanmoins ne s'arrêtera pas dans une mo-notone éternité de bonheur, incompatible avec sa nature(voyez la triade XXX). Un champ indéfini d'activité intellectuelleet de progrès lui restera toujours ouvert dans l'étude inépui-

t Vov, Owen. Die, an mot gwyboda(I/o.

Page 70: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

70

sable des oeuvres de Dieu. Aux trésors de science accumuléspar le souvenir complet de ses existences passées, il ajouterasans cesse de nouveaux trésors, car l'univers entier s'ouvriradevant lui comme un livre. Et non-seulement il abordera dessphères nouvelles, ,nais il pourra, s'il le veut, et comme dit latriade, en vue dujugement et de rea,périence, repasser par tou-tes les transmigrations, c'est-h-dire redescendre sur la terre;mais, comme de raison, avec les privilèges d'un habitant de

Gwynfyd.Ceci peut expliquer, dans les idées des bardes, l'ancienne

croyance aux devins, aux magiciens, aux êtres doués d'un pou-voir surnaturel et bienfaisant, ainsi que les traditions merveil-leuses qui entourent la mémoire de Talicsin et de Myrddin-Taliesin, en effet, dans la légende galloise que. lady Guest n pu-bliée récemment t, apparaît dès sa naissance comme un êtresurnaturel; et on comprend dès lors comment, dans les poémesqui lui sont attribués, il petit revendiquer la mémoire de sestransmigrations passées, mémoire qui est un privilége exclusifdu cercle de Gwynd. Et non-seulement Taliesin raconte sestrausinigrations dans Abred, mais il fait pins d'une allusion àson séjour dans les régions de Gwynfyd, bien qu'avec un sin-gulier mélange de traditions bibliques- Ainsi dans le HanesTaliesin, le barde dit

Mi a fun gydam NerY, y gorowcheIdecPas gvymjiiod LuctiferJ Uøcrn dyrnder2.

« J'ai été avec le Seigneur, dans la suprême élévation,quand il précipita Lucifer dans la profondeur de l'enfer. o

I Mabtooglo,', tome III, P Ssr.2 Archiiol, of Wales, P. t9.

Page 71: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

71

Mi a (un ar yr vybrenGyda Malt Fad!en.

J'ai été dans le ciel avec Marie-Madeleine. »

Mi a fam an logawdVi, gwlad y Drindatvd.Ni vyddis I,oW yoa, y cuawdAi rig M pysgawd.

« J'ai été autour du sanctuaire dans la région de la Trinité;je ne savais plus ce qu'était la chair, oit viande ou poisson. o

(C'est-à-dire je ne connaissais plus la nourriture matérielle.)

Mi s (un dysgawdJrhoII fydysawclMi s fida Iiyd dyd brawdAr ivyneb daiatawd.

« J'ai été l'instruction dans tout l'univers; je serai jusqu'aujour du jugement sur Ta face de la terre. »

PuTts un autre fragment de poérne qui lui est uttrilujé, il sevante de la mémoire do ses naissances passées, et de sa scienceuniverselle.-

Teirgivaitb l'n ganed gus (y(yriaw.Truan oodd i dilyn na ddoc gcisiaw11011 golIyddyilao hyd syn byddivav (in bru)Canys gus s fa as s fydd rhag IIaw

« Trois fois je suis né, je sais me souvenir. Malheur que leshommes ne viennent pas chercher tous les mystères du mondeanis en ordre (dans mon sein) car je connais ce qui u été et cequi sera dorénavant.

1 Archajol., pIC.

Page 72: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

72Que ces poèmes attribués à Taliesin soient de lui, on d'une

époque postérieure, toujours que leurs allusions nombreu-ses à la doctrine de la transmigration ne s'expliquent que parles triades bai-diques.

TRIADE XXXVII.

Tri bamiogion poli byw yn nghylch y Gwyn-fyd swydd, braint ag awen; ag lus gellir dau'nbod yn ïmgyfun y nihob peth; gan y bydd cy-flaira pob un yu y ho bannog arno: ag nid 0es 03'-flawn ar ddim, heb y maint üll a dichuon fod ohano

Trois prééminences (distinctives) de chaque êtrevivant dans le cercle de Gwyn.fyd: la vocation, le i-vikge et Vawen. (le génie primitif). Il n'est pas pos-sible (en effet) que deux êtres soient identiques àtous égards; il y aura plénitude pour chacun en cequi concerne sa prééminence (distinctive) et il n'ya pas plénitude d'une chose sans comprendre toutce qu'elle peut être en réalité.

Vove, Ovcn. t)iU. au mol uvoçyflon.

Page 73: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

73

Cette triade n'est claire ni par le fond, ni par la forme. Voici,je crois, ce Qu'elle veut dire, ci, tenant compte (le tout ce quiprécède.-

Chaque personnalité humaine demeurera éternellement dis-tirets avec un développement illimité. Mais, en arrivant à laPerfection intellectuelle et morale, tous les êtres en viendraientà se ressembler complètement. Cela, cependant, n'aura. paslieu, et chacun possédera sa prééminence distinctive, fondéesur trois choses: 'me vocation (ou juri(liction, office, emp]oilcar le mot swydd signifie tout cela), c'est-à-dire mie sphèred'activité propre avec un but assigné par Dieu unprivilége.c'est-à-dire l'action libre et indépendante dans cette sphèred'activité; et le génie original (awen), qui, d'après la triade 32,sera rendu à chacun dans Gwp'd, comme un bien inaliéna-ble. La perfection des étres, à quelque degré qu'elle s'élève,n'impliquera donc pas l'uniformité; ,nais consistera en ce quechaque être réalisera complètement son idéal propre. en exer-qant ses facultés dans une sphère déterminée, et toujours avecun but positif, ce qui n'exclut pas l'idée de changement pro-gressif: doctrine de bonheur en opposition tranchée avec l'im-mobilité contemplative telle que la conçoivent les Indiens.

TRIADE XXXVIII.

Tri pheth nis gail narnyn Duw: diodcief lw-£/toedd y Gevgant, cynylryd o pitob cyflwr keb

Page 74: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

74

nwidiaw, a rhoi qwell a newydd ar bob petit heb

ci roi ar go!.! .

Trois chose que nul ne petit excepté Dieu sup-porter l'éternité du Ceugant, participer â tout état sanschanger, améliorer et renouveler toutes choses sans les dé-truire.

Comparer la triade XXX et sou commentaire,

TRIADE XXXIX.

Tri pheth nis gellir da.rfod byth arnynt ganangen eu galledigaeth: du!l han foc!, ansawdd

han foc!. a 11es hanfod; gan hyn byddant hycl.bythys eu hannrwg, ai byw ai marw ydynt, yn am-n-fel hardd a daionus cylch y Gwynfyd .

Trois choses qui n'auront point de fin, à cause dela nécessité de leur puissance la forme de l'existence,la qualité de l'existence et l'utilité de l'existence; car

I N'ayez Owen, Pict. mi mot newWiaw.

Voytz Owen. Plot, mi mot gafledigaetli.

Page 75: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

75

ces choses, délivrées de tout mal, dureront éternel-lement, chez les &res animés ou inanimés, dans ladiversité du beau et du bien du cercle de Gwyn[yd.

fl faudrait connajtre, d'une manière plus précise, le sens lo-gique attribué par les bardes aux mots duil, ansawdd, lies,forme, qualité, utilité, pour bien comprendre cette triade. Cequ'elle semble établir positivement, c'est la perpétuité desexistences déterminées par Dieu sous le triple rapport énoncé,une fois que l'élément perturbateur du mal aura pris fin, etque l'ordre régnera définitivement dans toute la crétion. (Ilia-que chose subsistera dès lors avec sa forme propre, sa qualitéet son utilité spéciale, afin que le beau et le bien se réalisent,dans Givynfyd, d'une manière compléte parune infinie diversité,c'est-à-dire sans se perdre dans la vague indétermination del'absolu.

TRIADE XL.

Tri rhagor llewid cyfiwr yn y Gwynifyd tu?-dysg, hardclwch, a gorpiiwys, rhag anallu diod-def y Oengant a'r tragywddo1.

Trois avantages excellents des changements d'étatdans Gwynfyd l'instruction, la beauté et Iè repos; à

Page 76: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

76

cause de l'impuissance ((le l'homme) à suppôrter le,Geugant, qui est au delà de toute connaissance.

Il est question ici des avantages qui résulteront du mouve-ment des existences continué dans Gwynfyd. L'instruction, si-gnifie le progrès dans la science; la beauté découlera (le la va-riété, et Ed. Williams traduit, avec raison, je crois, haritdwchi'- heautiful sari ety. Quant au repos, il faut entendre par là quel'homme s'arrêtera définitivement dans le cercle de Gwynfyd,ni, il sera délivré de tout mal; car tout autre sens serait encontradiction avec les changements et l'activité continue qui,selon les hardes, persisteront dans Gwynd pour le bonheurmême de l'homme. C'est aussi ce qu'indique le commentaireajouté relativement ai ' (?eugant.

TIt[ADE XLI.

Tri phetii sydd ar eu cynnydd: tan sefqokvni,

deail sef qwirion.ccid, ag enaid sef bywyd; n gor-fod a wnaait ar bob peth, ag yna diwedd Abrecl'.

Trois choses s'accroissent continuellement: le feuou la lumière, l'intelligence ou la vérité, et l'esprit on la

1 Voytz Ow.ii. DicimQ tan

Page 77: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

Mvie. Ces choses finiront par prédominer sur toutesles autres, et alors AUred sera détruit.

TRIADE XI411.

Tri pheth y sydcl ai' eu difant: tywyli, anwira mono

Trois choses diminuent continnellement :ritô, l'erreur et la mort.

TRIADE XLIII.

Tri plieth sydd yingadarnâu beunydd, gan fodniwyaf r yingais attynt: corind, qi ybodocth, achyfiawndcr.

Trois choses se renfo,cenl, de joui en jour, la ten-

t Voyez Owen. Dite. n mot difan.e.

4.

Page 78: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

s

d-ance vers elles devenant, toujours plus grande

l'amour, la science et la justice.

TRIADE )ÇLET

Tri pheth sydd yn ymwanftu beuuydd, ganfaiit pend yr ymgais yn eu gwrth: cas, cotn.wcdd

ag cnnvybodactli .

Trois choses s'affaiblissent de jour en jour, l'oppo-sition contre elles croissant de plus en phis la haine,

ïinjustice et l'ignorance.

Ces quatre triades développent le même thème sous des for-mes diverses. Elles établissent positivement, ce qui déjà avaitété indiqué plus d'une fois, et ce qu'on pouvait d'ailleurs infé-rer (le l'ensemble du système bardique; savoir que, dans lessiècles ii venir, le bien est appelé à prédominer de plus euplus sur le mal, la lumière sur les ténèbres, la science sur l'er-reur, l'amour sur la haine, l'esrit sur la matière, la vie sur lamort; et qu'un temps viendra où le triomphe sera complet, où

t Voyer Owm ni et. ou ''lot gw 04)..

Page 79: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

79

le cercle d'Abrad n'existera plus, où Drwg et Qflltraul serontrentrés dans le néant. Ceci est en accord d'ailleurs avec le la,,-gage des Écritures qui annoncent la venue définitive duroyaume des cieux, et le glorieux avenir du monde quand Dieusera tout en tout.

TRIADE XLV.

Tri chyflawncler Gwynfyd cyfran yn ni/zobansawdd, ag un eyflawn yn pentu; oyfymddwyn.n p/rnb men, ag in un. rhagori.; cariati ai bobbyw o bod, a thvag ai un, sef Duw, yn bennaf;ag yn y tri un yrna y saif cyfiawilder nef aGwynfyd '.

Les trois, plénitudes (du bonheur) de Gwynfydparticiper (le toute qualité avec une perfection principale;posséder tout génie avec un génie prééminent; aimer tousles êtres avec un amour en première ligne, savoir l'amourde Dieu. - C'est dans ces trois choses que consisteIl plénitude du ciel et de Gwynfd.

Comparer les triades XXXII, XXXIV et XXXVII.

4 Voyez Owen. fieL, au mot Peau.

Page 80: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

80

TRIADE )ft\TI

Tri agen IDuw: anfeidrol ger ci hûn; nicidrolgai' meidrol, a cliy fun a phot) oyflwr bywydolionyn. nghy!ch. Gwynfyd.

Trois nécessités de Dieu être infini en lui —'ménw,être fini par rapport au fini, et, être en accord avec aba-que état des existences dans le cercle de Gwynfyd.

Cette triade clôt dignement la doctrine bardique sur Dieu etla vie future. Elle exprime avec une concision pleine de pro-fondeur cette synthèse finale des principes opposés, cette ré-solution des antinomies ail sein de l'absolu, contre laquelleviennent échouer tant de systèmes.

Cette synthèse finale. est effet, conduit nécessairement aupanthéisme, si elle est conçue d'une manière abstraite, si Dieun'est considéré que comme l'absolu au point de vue logique,et non comme la personnalité absolue. Dans un systèmed'abstractions logiques, les principes opposés se détruisentpurement et simplement quand on vent les ramener à Pu-nité; mais, suivant une belle expression de Schelling, Dieun'est pas sm.vjstèze, niais une vie, et au sein d'une per-sonnalité vivante, les principes opposés se réconcilient sanss'anéantir. C'est ce que proclame ta doctrine bardique. flansl'éternel (Jeu qant Dieu restera toujours infini et immuable,mais dans Gu,ynfsjd il pénétrera de son esprit toutes ses créa-turcs; il les embrassera d'un lien commun d'amour et d'har-

Page 81: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

8I

moitie, après les avoir aidées à• se dégager librement des lieusd'Ahred, instrument temporaire, et désormais brisé, de lac-comp]isseineia de ses vues providentielles.

Tel est ce curieux débris traditionnel de l'an-tique sagesse des bardes et des druides. On petitjuger maintenant avec plus de connaissance decause, si une doctrine aussi complètement mi-ginale, qui touche aux systèmes philosophiquesles plus profonds comme aux traditions les plusreculées de la race indo-européenne, à Schel-ling et à l'inde, sans aucune trace de la théolo-gie et de la métaphysique scolastiques, si unetelle doctrine, dis-je, peut avoir été créée detoutes pièces par les bardes gallois du moyenâge. Tout dans ces triades, idées et terminolo-gie, fond et forme, indique une origine à part;et, à travers les obscurités d'une expositionmorcelée, incomplète. étrangère à nos formules

Page 82: LA SUISSE ALLEMA - bibnum.enc.sorbonne.frbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ade5e65b9406042e4cf3a38780... · na échappé b son examen. Religion, philosophie, sciences, histoire,

82

logiques, l'oeil plonge avec étonnement dans leshorizons lointains d'un monde idéal tout nou-veau. Pour l'histoire générale de l'esprit 1m-main, comme pour l'histoire spéciale de l'an-cienne Europe, ce fait me parait des plus inté-ressants, et c'est pour cela que j'ai cherché à leremettre en lumière par la traduction et l'inter-prétation du Mystère des Bardes de l'île de Pr-

dais?. Si ce petit travail réussit à provoquer denouvelles investigations il aura. pleinement at-teint son but.