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COUP—D'ŒILsug

LES ANCIENNES CORPORÀTHJNS'D'ARTS ET

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• t Le droit de travailler st la propriété de tout homme, la première,la plus sacrée etia plus imprescriptible de toutes les propriétés. »

Ainsi s'exprim'ait un grand ministre; l'illustre Turgot, lorsqu'en 4776,aux applaudissements du monde civilisé, il obtenait du roi Louis XVI lasuppression des jurandes et maîtrises.

Pourqûoi cette revendication solennelle? Fallait-il donc, pour la pro-clamation d'un principe incontestable, déployer tout l'appareil de lapuissance suprême? Le travail n'est-il pas une fonction naturelle del'homme, en même temps qu'un droit primordial du citoyen f

Sans doute, aujourd'hui, le principe n'est plus contesté; mais à cetteépoque, il heurtait de front une organisation consacrée par les siècles,sur laquelle reposait la fortune d'une notable partie de la classe tour-jeoise, de ce tiers-ét,at qui n'était rien-Jadis, mais à qui le secret de saforce devait être bientôt révélé, et qui à son tour allait devenir le mattre.

Les corporations d'arts et métiers, par leur ancienneté, leurs richesseset les prWiléges légaux qui leur avaient été reconnus oitconcédés, cons-tituient une sorte de féodalité mercantile et industrielle qui ne devait,pas plus que la féodalité terrienne, se laisser abattre sans une lutteacliariée:. f -

La tâche entreprise par le ministre novateur, et l'on peut dire révolu-tionnaire avant la révolution, était 'donc difficile et rude. Elle soulevacontre lui une ractionarente; quelques mois à peine s'étaient écoulés,il tombait en disgrâce l'édit de suppression était rapporté, et il fallutattendre le réveil di lion populaire, qui seul était assez puissant pontsecouer et faire crouler le vieil édifice d'iniquité.

(1) Ce travail a été lu en séance de l'institut historique de Fronce, le 25 avril•t86U.

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Quels furentfurent les résultats du régime de liberté brusquement introduit• dans l'industrie? Je veux m'abstenir de le rechercher, quelque tentation

(lue J'Cfl éprouve; car je ne dois pas nie laisser entraîner, vous ne leÀ50umini pas d'ailleurs, sur le terrain de l'économie politique, où je rie

manquerais -pas de rencontrer, toutes palpitantes encore, les passions etles luttes contemporaines.

Je ne vous dirai donc pas les phases diverses, les tentatives de toutessortes, les péripéties contradictoires, au milieu desquelles s'établit dou-loureusement la grande oeuvre de réorgaiisation du travail. Je ne feraipas luire à vos yeux la formule qui cherche à se dégager, l'objectif, silongtemps obscur, qui enfin se détermine et se précise, c'est-à-dire lacoopération succédant à l ' ancienne corporation.

Mais s'il ne convient pas de raconter des événements accomplis d'hieret qui ne sont pas encore de notre domaine, je voudrais avec vous jeterun coup d'oeil sur ce pasé disparu, entr'ouvrir le rideau-de l'histoire,mettre en scène et faire revivre un instant quelques-unes dé cesassocia-tions ensevelies dans l'oubli.

C'est en ex humant ainsi les régimes déchus, que l'histoire,ettegrandé institutrice des peuples, leur offre des points de comparaison, quipeuvent devenir des leçons profitables.

L'ancienne corporation peut se définir par son but c'était une asso-ciation de résistance, instituée dans les divers genres de commerce oud'industrie, pour en réserver le monopole à ceux qui étaient admis à enfaire partie. Elle avait le droit de poursuivre toute concurrence endehors d'elle; et les indemnités qu'elle obtenait profitaient à la communauté.

Quelle était l'origine de ce système .? on croit généralement pouvoirle rattacher à l'organisation municipale romaine. Il y avait à home des

•colléges ou corporations d'artisans, composés uniquement d'affranchiset d'esclaves ; car le commerce était réputé servile, et interdit aux per-sonnes de noble race, riches et revêtues do dig6ités ;. celles-ci entraientdans la curie, honneur qui n'était pas sans compensation ; car elles 'de-vaient à leurs risques recouvrer l'impôt et subir les charges publiques ;elles étaient liées à la fonction, comme les artisans à la'eorporation. Laliberté de la personne humaine était, dans IS sociétés antiques 'basées

'sur l'esclavage, considérée comme chose de mince irhportance.Le légime de la municipalité romaine se conserva presque intact,

après la chute de l'empire, dans les villes dumidi de la Gaule, qui for-ruaient comme de petites républiques, s'administrant elles-mêmes, et• .''

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jouissant d'une sorte d'indépendance au milieu de la féodalité qui cliva-hissait tout le. territoire.

Il est aujourd'hui admis par tous IS historieit que cet exemple defranchise communale, transmisà travers toutes , lés vicissitudes de ces

temps difficiles, ne fil tpas sans influence sur l'affranchissement des com-

munes françaises. La liberté est contagieuse et il Y avait là une puissante

émulation, une incitation perpétuelle, qui devaient à la fin porterleurs fruits.

D'ailleurs, au moyen âge, l'esprit d'association était partout répandu;

en l'absence (le toute protection sociale, l'individu isolé se trouvait sans

appui; l'on devait éprouver le besoin de se rapprocher et de s'unir pour

mieux résister ensemble aux excès d'une tyrannie d'autant plus dange-reuse qu'elle était plus rapprochée. - ' t

Il n'est donc pas téméraire de penser que los corporations d'arts et

métiers s'orgaiisèrerit en France longtemps avant l'époque où leur

existence est-attestée d'une manière authentique par les édits royaux

destinés à les réglementer.

Il y a au surplus une preuve décisive de la filiation que nous leur

attribuons; c'est que dans Les anciennes chartes , elles sont souvent

appelées, comme autrefois dans les lois romaines, des universités; on

disait: l'université des forgerons, l'univesité des tailleurs. C'est de là que

sans nul doute vint à la corporation enseignante le nom que depuis ellè

rendit si glorieux ; elle fut, par excellence, l'Université, sans autre dési-

T giration ; de même que home se reconnaissait à ce seul mot, Urbs, qui

Signifiait pour elle la première et la plus illustre entre toutes les cités'.

Ce l'ut saint Louis qui, le premier, fit recueillir et rédiger officielle-

ment les statuts des corporations. Etienne Boileau, prévot de Paris, fut

chargé de la rédaction il ouvrit une enquête au Châtelet pour consulter

les notables dans chaque métier sur les us et coutumes suivi; -jusquè.là

et il paraît que, l'oeuvre terminée, chacun en fut fort satisfait, comme il

s'en donne à lui-mêunè le témoignage dans le préambule du rêglcrient

« Quand ce fut fait, assemblé et ordonné, nous le finies lire devant

grand placité des plus sages, des plus léaux •et des plus anciens hmmes

de Paris, et de ceux qui plus devaient savoir de ces choses; Liquels tous

ensemble louèrent moult cette oeuvre. »

Ce fut à peu près, comme on le voit, le procédé employé plus tard

pour la rédaction des coutumes. .•,,

Le livre des métiers d'Etienne Boileau ne comprenait que cent Iné-

tiers ou communautés, car bientôt on ne désigna plus les corporations

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-6—que sous ce dernier nom, qui rappelle très-bien aussi leur origine coin-munale. Mais il en existait un bien plus grand nombre, et Henri III, parun édit de décembre 4581, étendit à tout le royaume le régime dès maî-trises et jurandes. Il fit plus; par un édit de 4597, il y-soumit les mar-chauds aussi bien que les artisans.-

C'est la centralisation qui s'opérait, et qui, non contente d'abattre laféodalité au profit de la puissance royale, complétait son oeuvre en fai-sant main basse sur la haute et moyenne bourgeoisie réfugiée dans les -communautés. Car, ainsi que le constate M. Rosi, la corporation avaitété, au moyen âge, une association politique plutôt qu'économique; elleétait un bouclier dont on se servait pour ne pas être écrasé par les sei-gneurs ; et l'apprentissage dans les corporations était une sorte d'initia.:tion politique. -

Pour être impartial et juste, on peut reconnaître que cette interven-tion de l'autorité royale fut à l'origine inspirée par le désir d'âssurer labonne confection de produits et la loyauté des transactions. Tel est eneFfet le motif donné par Etienne Boileau dans le préambule de son règle-ment: ((Pour ce que nous avons VU à Paris, en même rang, moult dé-plaît et discontente par la déloyarielie qui est mère de plaig et différensconvoitises qui gaste soi-même- ----- notre intention est àenclaver en lapremière partie de cette oeuvre, tous les métiers de Paris, ..... et avons-nous fait, pour le profit de tous- ----- et pour châtier ceux qui percevrontde vilain gain, on par non sens les demandent ou prennent, contre Dieu,contre droit et contre raison. .

Mais à ces excellentes intentions vint bientôt se mélanger l'ivraie dufisc royal, et lei communautés apprirent à leurs dépens de que coûtait laprotection souveraine ; on leur fit chèrement et durement payer leurspriviléges. Indépendamment des taxes régulières auxquelles elles étaientassujctties, tout prétexte était bon pour leur imposer des droits de toutesorte: voulaient-elles modifier leurs règlements, il fallait une autorisationachetée moyennant finance; pour un emprunt, encore une autorisationpayée à beaux deniers comptant. Enfin, à chaque règne, les règlementsdevaient être confirmés, toujours à pix d'argent, excellent système pourfaire désirer aux sujets la prolongation de la vie du souverain.

Après tout, les communautés étaientelles bien en droit de se plaindre?Chacune d'elles était le siège d'un monopole étroit, jaloux et tracassierpour ses propres membres aussi bien que pour les étrangers. L'injusticeappelle l'injustice, et il n'y avait aucun mal à ce qu'elles fussent;obligéesde reverser dans l'escarcelle du fisc une partie de leurs bénéfices. C'était

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-7--la loi générale d'alors : quand-les traitants s'étaient par trop engraissésde la substance du peuple, on leur faisait rendre gorge en chambreardente.

Au surplus, les légistès, qui si souvent mirent la subtilité de leuresprit au service de l'autorité royale, trouvèrent un principe destiné àrassurer là conscience de tout le monde, du roi comme des sujets le,droit de travailler, disaient-ils, .est un droit domanial et royal. Ainsifurent légitimés tout à la Ibis le monopole et l'impôt, en même temps quefurent justifiés les communautés et le fisc.

Les règlements s'efforçaient de tout prévdir; ils déterminaient minu-tieusement la durée de l'apprentissage, obligatoire parfois pendant douzeans; celle du compagnonnage, fixée généralement à cinq ans; les condi-tions de la mattrise, c'est-à-dire la confection du chef-d'oeuvre, les fiaiset les formalités de la réception.

Certains règlements n'admettaient à la maîtrise que les fils de maitres,ou ceux qui épousaient en secondes noces la veuve d'un maltre. Cepen-dant,- sans remplir ces conditions, on pouvait obtenir da roi, à prix d'ar-gent, des lettres de maitrise, qui ouvraient de vive force la porte descommunautés; et il est à croire que les confrères malgré eux ne devaient,

qpas'toujours accueillir ces intxus le sourire aux lèvres,L'apprenti M le compagnon étaient dans un état voisin de la servitude;.

ils ne pouvaient quitter la ville où ils travaillaient sans recommencerailleurs le temps complet des longues épreuves qui leur étaient imposées.Ils étaient serfs de la boutique ou de l'atelier, comme lei paysans étaient'serfs de la glèbe. t

A Rom, la similitude avait été complète un droit de suite apparte-nait à la corporation sur les ouvriers qui parvenaient à s'échapper. Ceuxciétaient vraiment des serfs de poursuite, selon l'appellation imaginéedepuis par nos jurisconsultes féodaux.--- C'est en Angleterre que le système se montra le plus implacable: tout•

ouvrier qui désertait, même quand il n'y avait pas d'ouvrage à lui donner,-Cétait puni de mort. -

Le sort des personnes ainsi réglé, et c'était la moindre tâche, il fallaitpour constituer les monopoles, c'est-à-dire, éviter les empiétements deVun sur l'autre et la concurrence individuelle, procéder au classementrigoureux des métiers et en marquer les limites respectives; puis ce pre-niier travail accompli, le réviser ensuite-et-remanier sans cesse pour letenir au courant des progrès de l'industrie, à supposer le progrès -com-patible avec un régime où tout essor est- comprimé,- toute activité para-

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-8-lysée, toute intelligence.endormie, où enfin, suivant la remarque de Jeande Witt, le gain assuré à l'artisan doit naturellementie rendre indolentet paresseux.

Entreprendre une telle réglementation, c'était se heurter à des diffi-cultés inextricables, ou plutôt tenter l'impossible on ne dompte pas lanature des choies; la liberté, comme l'eau, est incompressible. Aussi envint-on à des prodiges de déraison, qui durent étonner les plus décidés,mais qui ne firent reculer personne.

• Dans cette voie, il fallut allerjuscju'au bout, et assurer l'exécution desrèglements par des amendes, des confiscations et des peines corporelles.Tout fabricant répondait par corps de la conformité de ses produits aurèglement; un tonnelier devait signer ses tonneaux, comme le drapier,son drap, le tanneur son cuir.

Il était défendu aux filandiers de mêler le chanvre et le lin.Aux fabricants de chandelles, de mélanger la graisse de boeuf avec le

suif de monter].Aux fabricants de bougies, de mélanger la vieille cire avec la nou-

velle.Mais, il faut le constater à l'honneur de l'esprit humain, les mauvaises

lois sont toujours violées, et la fraude, malgré les répressions les plussévères, était passée à l'état normal on voyait sans cesse passer dansles rues le sergent armé d'une gaule aux rubans de parchemin, bar-bouillés d'arrêts contre les boulangers, contre les orfèvres, coutre lesmaçons, etc.

L'inspecteur général de police, Roland de la Plati'ière, fait un récit- navrant des excès auxquels conduisait cette absuide non moins

qu'odieuse tyranniee J'ai vu, dit-il, couper par morceaux dans une seule matinée, quatre-

» vingts et jusqu'à cent pièces d'étoffes. J'ai vu renouveler cette scènechaque semaine pendant nombre d'années. J'ai vu confisquer des mar-

» chandises avec amendes; l'en ai vu brûler en place publique les jours• » de marché; j'en ai vu attacher au carcan avec le nom du fabricant, et

» menace de l'y attacher lui-même en cas de récidive. J'ai vu tout cela à» Rouen. Et pourquoi? pour une matière inégale ou un tissage irrégulier,» pour quelque fil mal enchaîné, peut une couleur de faux teint quoique

donnée pour telle. J'ai vu faire des descentes chez des fabricants, avec» une bande de satellites, ftouleverser leurs atelirs, répandre l'effroi

(1) Blanqui, L. I, p.47

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-9-» dans leur. famille, couper les chaines sur le métier, puis saisirasigner,D confisquer, amender, etc. -

L'homme de coeur qui s'exprimait avec cette courageuse véhémence,vous l'avez reconnu sous son nom d'alors,c'était Roland, qui fut depuisministre de la Révolution, et mari de M" Roland, deux titres égaleriiéntglorieux devant la postérité. -

Entre cites, les communautés se livraient aussi à des guerres achar-nées, et leurs caisses ne suffisaient pas aux procès interminàb1e etruineux entrepris pour réprimer les usurpations. Ces procès étaient iné-vitables; car l'ouvrage le plus simple exigeait : souvent le concours deplusieurs ouvriers de différents corps, ou la réunion de quelques matièL.fes à fournir par diverses communautés.

De là des conflits étranges, des compétitions inattendues. Citons quel-ques exemples

Les savetiers, humbles rivaux des cordonniers, ne doivent raccom-inoder la chaussure et la mettre à neuf de plus de deux tiers. Et &S déjàbeaucoup, car l'échoppe doit céder le pas à la boutique.

Argand, pour la lampe de son invention, ayant eu besoin du concoùrsde plusieurs métiers, fut en hutte à mille vexations.

Réveillon, l'inventeur des papiers peints, a raconté lui-même les tra-casseries que lui suscitèrent les communautés: t Plusieurs corps, dit-il,; prétendaient, tour à tour que j'envahissais leur; droits; le moindre outil

que j'imaginais ou que j'employais n'était plus à moi, c'était l'outild'une manufacture; la moindre idée que j'exécutais était un vol faitaux imprimeurs, aux graveurs, aux tapissier, etc. nCertains règlements excluaient les femmes des métiers de leur sexe,

tels que la broderie, qu'elles ne pouvaient exercer pour leur 'proprecompte. -. -

En revanche, il y avait une corporation des bouquetières.Lorsque le parlement de Paris demanda contre Turgdt le rapport de

l'édit qui avait supprimé les communautés, il fut contraint d'admettre dumoins certaines réformes. Ainsi, il proposa de su pprimer le corps desbouquetières, étant inutile, disait-il, d'avoir des statuts pour vendre desfleurs; cet honorable corps fut doue licencié, et rendu à sa liberté na[u-relIe. En outre le parlement consentit à cc que les femmes fussentadmises à la maîtrise-dans les métiers convenables à leur sexe, c'est-à-dire qu'elles devinsseit brodeuses, .inarchandes de modes, et mêmé cit'-feuses; C'était, disait-il, dans ses rmonIi'ances, préparer ainsi un asile àla vertu.

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- 10 -vCe fl'est:pas d'aujourd'hui seulement, comme on le voit, qùeleravail

des femmes a été de la part de l'autre sexe l'objet des plus graves préoccupatioh. Et assurément elles doivent rendre grâces aux magistrats duparlement pour le délicat et public hommage qu'ils rendaient à leurmérite, pour cet asile alors si assuré, et qu'à liotre époque sceptiqueon trouverait un peu fragile, contre les séductions du luxe et -de lavanité.• Plusiurs des nombreux procès qui éclatèrent entre les communautésméritèrent de figurer dans 1M recueils des causes célèbres du temps.Dans les seules années 4773, 4774 et 4775, nous relevons à la table durecueil de Desessarts les procès suivants.:

Les fabricaiitsde.baromètres contre les faïenciers 'et émailleurs (4 erydI.p. 17).-

Le parasol disputé entre les boisselier-, et les boursiers (5 0 vol., p. 495);• Les apothicaires ont-ils le droit dlempêcher les épiciers de vendueds médiciinents au public (44° vol., p225)?

Question d'état entre les coêffeuses de Rouen et les perruquiers (1775,fer vol.,: 1.64..

La coiffure des dames excitait, paraît-ils d'ardentes convoitises; et cen'est pas étonnant à une époque où les architectes avaient dû hausser lesportes pour laisser passer la haute coiffure des dames. La mode étaitvenue d'y placer des objets de mille espèces; tantôt c'était un parterre defleurs, quelquèfois une boutique de curiosités. En 1778, il y eut lescoiffures à. laBdllePouto, où se dressait fièrement une petite.frégàte,toutesvoiles déployées, ajustéeau moyen dune armature en fil de fer.• Aussi, .veis le même temps, voit-on surgir à Paris un procès sefli-blable à. celui de Rouen; et nous devons à une obligeante communica-tion le curieux mémoire rédigé à cette occaion pour lescoiffeursdedames de Paris contre la communauté des maîtres-barbiers-perruquiers-baigneurs.-étuvistes.

Ce mémoire porte la signature de Bigot de la Boissière, procureur, etcelle deioly de. Fleury, avocat général, qui attestait ainsi, selon l'usaged'alors, la communication qu'il en avait reçue.

Il n'ya $s de signature d'avocat, et le mémoire en donne la raisonLes coiffeurs ont,- disent-ils,- commencé par , consulter un jurisconsulte,mais il leur fit une réponse mêlée d'érudition et d'ironie qui ne lessatisfit point: que les lois -romaines- ne statuaient rien sur leui's droits,qu'il y a grande apparence qu'ils n'existaient pas lors des capitulaires deCharleinagné, que peut-être ils avaient.eu l'être civil à Athènes dans ses-

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4

- u . -4 jours de délices, mais 'que depuis cette époque il s'était :écouté plus de

deux mille ans de temps utile pour laprcscription.Us -se virent donc obligés de chercher d'autres secours; et ils eurent la

bonne chande de mettre la main sur une plume trèsexercée, très-fine'très-spirituelle, qui, sallégeant de tout bagage scientifique,sut développerca un style demi-sérieux, demi-plaisant, tous les.hons arguménts que lacause comportait.

Le rédacteur s'efface, et laisse parler les plaideurs eux-mêmes; le toursera plus -vif et l'allure plus rapide.-

« Nous sommes par essence, disent-ils dans-un exorde ex abrupto, descoéffeurs de dames, et des fonctions pareilles ont dû nous assurer de laprotection ; •mais cette protection a fait des envieux tel est lor4re desChoses.

Cette réflexion philosophique ne les porte pas-à la résignation car,- sans autre transition, ils se mettent -à apostropher rudement leurs adver-

saires« Les maîtres -barbiers-perruquiers sont accourusavec dés têtes de

bois à la main; ils ont abusé d'arrêts qui nous sontétrangers pour faireemprisonner plusieurs d'entre nous; ils nous tiennent en quelque sortele rasoir sur la gorge.-.. t'

Mais les coiffeurs, habitués à manier le fer, ne craignent pas le rasoir,'et ils engagent résolûment la lutte.

Dans une argumentation en trois points, savamment et énergiquementconduite;-ils s'efforcent d'abaisser autant que se peut la profession oesperruquiers, qui appartient aux arts :mécaniquès, it de poter aux nuesla profession de coiffer les dames, qui appartient aux arts libéraux.

Aujourd'hui perruquiers et coiffeurs sont confondus; ils se disent tous'des artistes capillaires; cette confusion, au siècle dernier, eût fait rougirde honte les coiffeurs de dames. Écoutez leur làngage

« En quoi, disentsils, consistent les fonétions des barbiers perruquiers?Tondre une tête, acheter sa dépouille, donner à des cheveux qui n'ontplus de vie la courbe nécessaire avec le fer et le feu; les tresser, employer

- le secours du marteau, mettre sur la tête d'un marquis la chevelure d'unSavoyard, enlever avec un acier tranchant, au menton d'un homme,l'attribut de son sexe, -ce sont là des fonctions purement méèaniqueseLqui n'ont aucun rapport avec notre art. - a'-

Car, en effet, et ils n'hésitent pas à le proclamer, c'est un artquecelui des coiffeurs de dames, et un artqui tientau génie. Il fa'ut étre-à lafois poète, peintre et statuaire. «Il faut connaître les nuances, l'usage du

- 42

clair obscur, et la distribution des ombres, pour donner plus de vie au.

teint, et plus d'expression aux grkes. » Pourquoi n'ont-ils $s ajouté

qu'il fallait aussi être philosophe? Ils ont reculé devant le mot, car

c'était, à n'en pas douter, dans leur pensée. « L'art de coiffée la prude,

disent-ils, et de laisser percer Les prétentions sans les annoncer, celui

d'afficher la coquette, et de faire de la mère la soeur aînée de sa fille,

d'assortir le genre aux affections de l'âme,'qu'il faut quelquefois deviner,

au désir de plaire, qui se manifeste, à la langueur du maintien, qui ne

veut pas qu'on lui résiste; enfin l'art de seconder le caprice, et de le

maîtriser quelquefois; tout cea demande une intelligence qui n'est pas

commtjne, et un tact pour lequel il faut être né..» -

Ce qui peut se traduire on naît coiffeur, on devient perruquier.I

- Bientôt, emportés par l'enthousiasmé, ils vont s'écrier: a Si 1 cheve-

lure,deBéreniee a été miseau rang des astres, qui nous dira que pour

parvenir à ce haut degré de gloire, elle n'ait pas-eu besoin de notre -

secours.

Qui pourrait après cela leur contester le don de poésie!

Voyez jusqu'où va la sublimité de leur art; ils ne coiffent pas seule-

ment les simples mortels, mais aussi les héroïnes et les déesses... « Sur

le théâtre, ou règne l'illusion, une tête sortant de nos mains est tantôt

celle d'une divinité, tantôt cellé d'une héroïne; la chevelure d'Armi,le

n'a rien (le commun avec celle de Diane, et celle de Diane n'a rien de

commun avec celle d'Alcimadure. n

Ils doivent aussi- posséder toutes les vertus : d'abord une probité -à

l'épreuve de toutes les tentations : « Nous avons sans' cesse sous nos

doigts les trésors de Golconde c'est à nous qu'appartient la disposition

des diamants, des croissants, des sultanes, des égrettes. » ici se présen le

un jeu de mots, qui amène une digression, où les coiffeurs vont se com-

parer au général d'armée et à. l'ingénieur : « Le général d'armée sait

quel fond il doit faire sur une demi-lune placée en avant; il a ses ingé-

meurs en titre; nous sommes ingénieurs en cette partie : avec un crois-sant avantageusement placé, il est bien difficile qu'on nous résiste, et que

l'ennemi ne se rende.:

Au surplus la probité n'est qu'une vertu vulgaire, et il en est une

autre possédée par Les coiffeurs de daines, et bien autrement méritoire

comme vous ,l'allez voir : Le coélfeur d'une femme est en quelque

sorte le premier officier de sa toilette; il la trouve sortant des bras du

repos,jes teux encore à demi fermés, et leur vivacité comme enehainée

pal- les impressions (l'un sommeil à peine évanoui. C'est dans la main (le

r.

43 -

cet artiste, c'est au milieu des inllueïkcs de sou art que la rose s'épa-nOnit,-et se revêtde son éclat le plus beau. Mais il faut que l'a Mis tèrespecte son ouvrage, qu'il ne perde pas de vue l'intervallè quelquefoisimmense que la différence des états établit; qu'ilàii assez de goût poursentir les impressions que son art doit faire, et assez de prudence pourles regarder comme étrangèresà lui. »

Tant de vertu, de talent, de géùie, D'entre point, comme bien vous lepensez, dans l'âme des perruquiers; et ni eux, ni leurs garçons, c'est laconclusion du mémoire, ne sont évidemment propres à faire l'office decoiffeurs des dames.

Cesspirituels plaideurs méritaient certainement de gagner leur cause,et l'eussent gagnée à coup sûr devant un aréopage féminin. Mais ilsn'étaient pas constitués en communauté, comme les coiffeuses, bonne-tièrs et enjoliveuses de Rouen, qui avaient des statuts datant de1478, et qui résistèrent avec sucbèi à la redoutable corporation desbarbiers-perruquiers de Paris, voulant étendre son monopble sur laFrance entière.

Ausi craignons-nons qu'ils n'aient succombé. Auraient-ils mieuxréussi en donnant à leur défense un tour moitis enjoué, en entlnt'la voixpour revendiquer, au nom de la liberté, les droits du travail, et maudireles abus du monopole? Il est permis d'en douter.

Au surplus ils n'osèrent, ou peut-être même ils n'y sougèrentpas. Lepays tout entier était comme enlacé dans un réseau à mailles fortes etserrées, sous lequel on s'habituait à vivre sans voir ni penser; cet étatfactice et antisocial était devenu à la longue comè tin état naturel, subiPar tond en silence, et d'où l'on oubliait de chércher à sortir; on con-sutnait sa vie dans des luttes misérables, comme feraient des prisonniersdémoralisés, en se déchirant les uns les autres, au lieu de s'unir pouressayer de renvers'er, par un effort suprême, la barrière qui les retientcaptifs. -

Cependant, la liberté, exilée de la terre comme jadis la justice, avaittrouvé un lieu d'asile. A Paris mêuùe, il avait été réser.'é, par nous nesavons quel jeu du caprice ou du hasard, quelques endroits libres, que,par une aberration du langage et des idées, on appelait privilégiés,-parce que tous les métiers y étaient accessibles à tous; tels étaient lesenclos du Temple, du Louvre, et, vous le devinez peut-être

'le faubourg

Saint-Antoine, ce fiubour-iolcat,, dont la population, comme unelave brûlanté, est venue depuis battre si souvent les -murs de la cité. Làs'était perpétué le feu sacré, pure et sainte tradition de l'humanité, qui

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,devait enflammer Je cœur deTugot,.çt lui d .onnr le cou rage d'affronter,l'opiniâtre, résistance des .intéréts,privéset. des passions politiques,coalisés contre sa généreuse entreprises .:

Nous avons vu que-Turgot avait obtenu du . ,ri Louis XVI.un éditsupprimant les corporatïons 'd'arts- et. métiers Cet édit est daté defévrier 4776. 11 excepte certaines .professions considérées comme devantrester, soumises dans l'intérêt public à une; sui'veill'ance.spéciale, tellesque la pharmacie, l'imprimerie, etc.; nous retrouvons, parmi les excep-tions; la puissante et vivace communauté des barbiers perruquiers-liai-gueurs-étuvistes; non qu'il y eût à la maintenir un intérêt social, maisbien parce que ses lettres de maîtrise avaient été créées en titre d'office,et que l'État n'était pas. assez riche pour l'indemniser. Elle vécut ainsi.jusqu'à la loi du 2 mars 4791, qui supprima ces étranges offices, enmôme temps que ceux des agents de changé, moyennant indemnité. .

L'édit de 1776 ne fut pas enregistré sans une vive opposition du' par-lement;, il fallut un lit dé jutice;et le roi dut subir à cette occasion devéhémentes représentations, qui jetèrent son âme honnête,, mais faibleet vacillante, dans des perplexités doulôurédses :,t L'édit de suppression.

I disait le premier président, va rompre au même instant tous les liens del'ordre établi, laisser sans règle et sans fteih une jeunesse turbulente etlicencieuse, capable de, se porter à tous les excès, lorsqu'elle se croiraindépendante.

De son côté l'avocat général Séguiei', déplorait aussi les excès quiallaient naître dé cette indépendance nouvelle: « Chaque fabricant,chaque ouvrier, s'éciiait"il avec amertume, se regardera comme un êtreisolé, libre de donner dans tous les écarts d'une imagination déréglée;toute subordination sera détruite ..... r Et plus loin « Ce sont ces,gènes, cesentraves, ces prohibitions, qui font la gloire, la sûreté etl'immensité du commercé de la France.

Puis, pour faire contraste au ministre novateur, il se livrait à unéloge pompeux de Colbert, ce ministre fuit pour servir de modèle àtous ceux qui le suivent. r Niant d'ailleurs sans ambage le droit naturelde travailler, revendiqué par Turgot, il accusait l'édit d'injustice et despoliation Donner indistinctement à tous vos sujet, disait-il au roi,la faculté de tenir magasins et d'avoir boutiques; c'esLvioler la pro-priété des maitres qui composent les communautés. o'-

Ce langage né fut pas -sans succès: dès le mois d'aoùt de la mêmeannée,, le roi rendit un,arrét- qui rétablissait les six- corps de marchandset quarante-quatre communautés 'd'arts et métiers, comprenant, il n'est

15 -.P as besoin de le dire, les professions4les plus importanteset les .plunombreuses. Dans le préambule de'Yédit, le roi se féliàite d'ouvrir hinsi:quelques professions libres quiseront une ressource à- la par "i plisindigente de ses sujets, tout en maintenant dans les autres lîdisciplineintérieure, l'autorité dotnestiqie des mattres--ur les Ôifvriérs.

On essaie de justifier par des raisons morales autant qù'écono±iques-ce régime mixte et transitoire. Ce sont dos Paisozisde même nature quine permettront pas d'abolir les règlements sur: la fabrication des pro.duits. Colbert, tant vanté par l'av&t général Séguer, avait porté sur -ce point toute l'énergie de sa -volonté inflexible et dure; il avait vouluque l'industrie fût disciplinée comme un régiment, et Roland de la Pla:_ttière nous a appris ce qu'avait amené cette intelligente discipline.

Mais à la fin du xvin° siècle, après les physiocrates 3 , ces- précutseui's• - de l'économie politique, en. présence des philosophes,, cesprécurseursdè

la grande révolution qui frappait aux portes, de telles rigueurs eussentété flétries comme. barbares. A ce -moment on s. Sêiitâit comme poussé,soulevé, entraîné sur le flot montant.des idées nouvelles., Auesbfut tili dé.cidé, par un édit de 1779, que. les-règlements de fabrication seraient Ll'avenir purement facultatifs, en sorte que le -plombôfficiel -ne fut plûattaché qu'aux produits conformes à la fabrication légale; une industrielibre put donc s'établir -p'arallèlement et concurremment avec l'industrieréglementée. -

La révolution pouvait seule mettre fin à toutes ces hésitations. Ce futl'oeuvre de la loi du 2 mars 1794 ; elle proclama l'abolition définitive

'des maîtrises et jurandes ; elle fit ainsi rentrer d 'ans le néant-de l'histoiretout cet écliafaudade de monopoles, de restrictions et de prohibitions, quiavait pu avoir autrefois sa raison d'être, -mais qui en se prolongeant de-venait attentatoire à la.liberté comme à la dignité de l'homme et du

M-citoyen.

Il yeut un immense écroulement. Sur cet amas de ruines s'installa laliberté, toute frémissante encore de la-lutte, et toute fière de son triompheParalysée d"abord pendant vingt ans de guerre, elle prit ensuite un essorcentuplé par l'obstacle; eI 'à cette langueur des premières années on itbientôt succéder l'activité, le travail et la vie.

Excitant toutes les ardeurs, animant toutes les intelligences, elle opérades prodiges. Douée d'une irrésistible puissance d'expansion, on la verrabriser les frontières et les ouvrir au mônde entier, conviant tous les peu-'pIes aux luttes austères et pacifiques dutravail.

Sans doute, nous assistons à des crises, à des défaillances et à des con-- -

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uts regrettables: Dans cette ère touvelle, désirée avec tant d'ardeuret• saluée avec tant d'amour, éclatera plus d'une fois, nous ne savons quelfatal antagonisme entre les hommes et jusque dans les choses. À peineune découverte est-elle signalée, un progrès réalisé, le bien qui en résuite amène un mal qui le compense et souvent le dépasse. On dirait lesoscillations déordonnées d'un pendulependule agité par des forces ennemies;une insoluble antinomie semble devenir la loi dominante et nécessaire,destinée à perpétuer le chaos industriel.• Mais ce sont là de purs accidents 'qu'il faut envisager d'un oeil fermeun nouveau régime ne pouvait sans secousses prolongées succéder à desinstitutions séculaires. Il faut laisser à la société ébranlée jusqu'en sesfondements le temps de se t'asseoir. Les désordres sont plus apparentsque réel; ils sont en tous cas sans prôfondeur, et tendent sans cesse àdiminuer, puis à disparaître, en vertu de cette loi supérieure qui fait - speser un niveau régulateur aussi bien sur le monde moral qûe sur lemonde physique. D'ailleurs renonce-t-on à naviguer sur la mer, parcequ'elle est fertile en orages et cache de nombreux écueils I Faut-iléteindre tout flambeau de peur qu'il ne devienne torche, et proscrire laliberté, parce qu'elle enflamme les coeurs!

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