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ETAT DES LIEUX DE LA CONTRAINTE EN FRANCE Magali Coldefy, Institut de recherche et documentation en économie de la santé Coralie Gandré, Institut national de la santé et de la recherche médicale 1

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ETAT DES LIEUX DE LA

CONTRAINTE EN FRANCE

Magali Coldefy, Institut de recherche et documentation

en économie de la santé

Coralie Gandré, Institut national de la santé et de la

recherche médicale

1

PARTIE 1 Données nationales sur les mesures portant

atteinte à la liberté des personnes en psychiatrie

2

Les données disponibles en 2017

• Plusieurs sources de données nationales co-existent pour

objectiver le recours aux mesures portant atteinte à la liberté

des personnes en psychiatrie :

• Le Rim-P : isolement, soins sans consentement

• La SAE : soins sans consentement

• Les rapports d’activité des CDSP : soins sans consentement

• Jusqu’en 2008 : les RAPSY : unités d’hospitalisation fermées

et équipement, chambres d’isolement, décision d’isolement,

protocole écrit, formation adaptée des membres de l’équipe à

la prise en charge des situations de violence

• L’enquête HID 1998-2000 : la liberté d’aller et venir en

institution

3

La liberté d’aller et venir dans HID

• « L’enquête HID réalisée auprès de personnes vivant en établissements avec hébergement a

révélé que 120 000 personnes n’avaient pas le droit de sortir ou les moyens d’exercer leur liberté de

sortir, et 100 000 ne sortaient en aucun cas. Mais, il n’est pas possible de préciser à partir de cette

enquête s’il s’agissait d’une interdiction de sortir ou d’une impossibilité du fait de difficultés motrices

ou d’absence de toute aide humaine ». HAS, 2004, Conférence de consensus : Liberté d’aller et venir dans

les établissements sanitaires et médico-sociaux, et obligation de soins et de sécurité

• Chapireau F., 2002, Les personnes hospitalisées en psychiatrie en 1998 et 2000, Etudes et

résultats, n°206, Drees.

4

Les unités fermées (RAPSY et RAS) • Leroux I., Schultz P., 2011, Cartographie régionale de l’offre de soins en santé mentale à partir des rapports d’activité

de psychiatrie 2008, Drees, Document de travail n°155.

• En 2008, 25% des établissements déclaraient hospitaliser toujours ou

souvent en service fermé les patients en SSC

• 15% déclaraient toujours les hospitaliser en service ouvert

• Coldefy M., Lepage J., 2007,Les secteurs de psychiatrie générale en 2003, Drees, Document de travail, n°70

• Les unités d’hospitalisation fermées en 2003 :

• 72% des secteurs disposent d’une unité d’hospitalisation fermée, qui

fonctionne en permanence dans 66% des secteurs. Dans 26% des

secteurs, toutes les chambres de ces unités sont équipées d’un

système d’appel d’urgence

• 77% des médecins chefs de secteur pensent qu’il est approprié de

disposer d’une unité d’hospitalisation fermée

5

Les soins sans consentement : bilan 4

ans après la loi du 5 juillet 2011 • Coldefy M., Lepage J., 2007,Les secteurs de psychiatrie générale en 2003, Drees, Document de travail, n°70

• L’isolement thérapeutique en 2003 :

• 86% des secteurs disposent d’une ou plusieurs chambres d’isolement

(2 en moyenne par secteur, soit un nombre total de 1391 chambres

pour 37 000 lits). 12 976 patients ont été placés en isolement en

2003, soit 4% des patients hospitalisés dans l’année.

• Dans 58% des secteurs, c’est un médecin exclusivement qui décide

de l’isolement des patients. Pour les autres, c’est soit un médecin,

soit un infirmier en cas d’urgence.

6

L’isolement thérapeutique en 2015

• L’isolement thérapeutique dans le Rim-P :

• « nombre de jours calendaires où le patient a fait l’objet d’un isolement selon le

protocole de surveillance de la HAS (ANAES, 1998) d’une durée continue égale ou

supérieure à 2 heures »

>> Possible sous-estimation des situations de mise à l’isolement hors

de ce protocole (utilisation de l’isolement à des fins non thérapeutiques,

ex. des détenus, des mineurs hospitalisés en service adulte, mais

également quid des mises en chambre d’apaisement, en chambre

sécurisée, chambre de soins intensifs, de réflexion…)

7

L’isolement thérapeutique en 2015

• 28 000 personnes concernées en 2015, soit 1 personne sur 12

hospitalisée en psychiatrie (1 sur 10 dans le public)

• Soit 1,1 millions de journées avec isolement, soit 6% des journées

d’hospitalisation (8% dans le public)

• 57% de détenus hospitalisés en D398 placés en isolement

• 9% des mineurs hospitalisés en psychiatrie placés en isolement

8

L’isolement thérapeutique en 2015

• Une pratique en augmentation

• 2003 : 13 000 patients, soit 4% des patients hospitalisés (Rapports d’activité des secteurs de psychiatrie générale)

9

L’isolement thérapeutique en 2015

• Des disparités territoriales importantes

10

L’isolement thérapeutique en 2015

11

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

Part de patients hospitalisés à temps plein concernés par une mise à l'isolement en 2015, par établissement

11 établissements >= 30%

20 établissements entre 20 et 29%

96 établissements entre 10 et 19%

Résultats Etude Irdes-ORU-PACA

Subvention DGS

Les soins sans consentement en psychiatrie :

bilan 4 ans après la loi du 5 juillet 2011

Plus de 92 000 personnes prises en charge au moins une fois sans leur consentement en psychiatrie en 2015, soit 5,4% de la file active suivie en psychiatrie

Une population majoritairement masculine, jeune et souffrant de troubles psychiatriques sévères

Depuis 2012, une hausse sensible du

recours à la contrainte en psychiatrie

4,5%

4,6%

4,7%

4,8%

4,9%

5,0%

5,1%

5,2%

5,3%

5,4%

5,5%

0

200000

400000

600000

800000

1000000

1200000

1400000

1600000

1800000

2000000

2012 2013 2014 2015

Evolution des files actives

Part des patients suivis sans leur consentement dans la file active totale

File active totale

File active exclusivement libre

File active sans consentement

+ 5 %

+5 %

+ 15%

Une hausse expliquée par l’extension des soins sans

consentement en dehors de l’hôpital, dans le cadre des

programmes et de soins…

et par la montée en charge des Soins pour péril

imminent (SPI)

+1% pour les SDT

+7% pour les D398

+ 8% pour les SDRE

+24% pour les L122.1

+ 128% pour les SPI

21% des personnes admises en soins sans consentement en 2015, une montée en charge, qui dépasse la procédure d’exception

- Une procédure exceptionnelle visant à favoriser l’accès aux soins des personnes désocialisées et isolées

- Des caractéristiques cliniques et démographiques relativement similaires aux personnes admises en SDT

- Une durée plus brève de prise en charge : 27% < 72h, 56% < 12 jours

- Les urgences comme lieu principal d’admission (63%)

- Deux dimensions avancées qui nécessitent d’autres recherches :

- Une entrée simplifiée dans le circuit de soins psychiatriques dans un contexte d’urgence

- Protection du tiers dans la décision de soins

Les SPI : que nous disent les chiffres ?

<1 patient sur 10 dans 22 départements, >4 patients sur 10 dans 8 autres

40 établissements sur 260 concentrent 36% des SPI (vs 19% SSC et 16% FA) et 40 ES comptent 0 SPI

Une hétérogénéité importante de l’utilisation des SPI

entre territoires et établissements

Un taux de recours national de 177 pour 100 000 habitants âgés de 16 ans ou plus, qui varie dans un rapport de 1 à 6 entre départements

Plus généralement, des disparités importantes de recours

aux soins sans consentement qui interrogent…

Comment expliquer les disparités de recours

aux soins sans consentement en France ?

19

PARTIE 2

Pourquoi chercher à expliquer ces disparités ?

• Peuvent remettre en cause efficience, équité et qualité des soins

• Dès lors qu’elles ne résultent pas de différences de besoins entre patients

• Soins sans consentement non soutenus par recommandations internationales

• Identification des facteurs associés : étape clé

• Meilleure compréhension des mécanismes de recours à ce mode de soins

• Pistes de recommandations pour le prévenir

20

Peu d’études dans le contexte français

21

1/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre territoires de santé

Portée par

l’IRDES

2/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre secteurs de psychiatrie adulte

3/ Etude de l’association entre niveau de sévérité et recours à l’hospitalisation SDRE sur un échantillon de secteurs

Portée par

l’INSERM

Portée par le

CCOMS

Peu d’études dans le contexte français

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2/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre secteurs de psychiatrie adulte

3/ Etude de l’association entre niveau de sévérité et recours à l’hospitalisation SDRE sur un échantillon de secteurs

Portée par

l’INSERM

Portée par le

CCOMS

1/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre territoires de santé

Portée par

l’IRDES

Objectif

• Analyser les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre territoires de santé

• Caractéristiques individuelles

• Environnement socio-économique et géographique

• Etat de santé de la population

• Organisation des soins

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Champ et méthode

• Territoire de santé

• Territoire sur lequel sont définies la coordination et l’organisation des soins

• Echelle pertinente de mesure de l’offre de soins

• Détermination des limites géographiques à la discrétion des régions

• Plus d’1/2 ont choisi un découpage départemental ou supra-départemental

• Typologie de l’organisation des soins en psychiatrie

• Prenant en compte l'offre libérale, médico-sociale et hospitalière

• Capacités et diversité de l’offre

• 5 profils distincts

• Analyse multivariée avec autocorrélation spatiale des erreurs

24

Principaux résultats (1/2)

• 29% de la variabilité du recours expliquée

• Variabilité bien liée à des différences de besoins

• Taux + élevé lorsque prévalence importante des troubles schizophréniques

25

Principaux résultats (2/2)

MAIS

• Rôle majeur du contexte socio-économique

• Taux - élevé dans les territoires favorisés socialement

• Taux + élevé dans les territoires avec une fragmentation sociale importante

• Associations notables entre taux de recours et offre de soins

• Taux + élevé dans les territoires bien dotés en équipement et en personnel

• En particulier forte représentation des établissements spécialisés en psychiatrie

• Taux + élevé quand densité élevée de conseils locaux de santé mentale

• Recours plus élevé en milieu urbain

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Peu d’études dans le contexte français

27

1/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre territoires de santé

Portée par

l’IRDES

2/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre secteurs de psychiatrie adulte

3/ Etude de l’association entre niveau de sévérité et recours à l’hospitalisation SDRE sur un échantillon de secteurs

Portée par

l’INSERM

Portée par le

CCOMS

Objectif

• Analyser les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre secteurs de psychiatrie adulte

• Caractéristiques épidémiologiques de la population desservie

• Niveau d’urbanisation

• Caractéristiques de l’offre de soins

• Caractéristiques institutionnelles et organisationnelles des secteurs

• Caractéristiques de l’offre privée et médico-sociale

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Champ et méthode

• Secteurs psychiatriques

• Clé de voûte de l’offre de soins psychiatriques publics

• Equipe multidisciplinaire coordonnant l’offre de soins de santé mentale pour couvrir les besoins de la population sur une aire géo-démographique donnée

• Niveau d’analyse de l’offre plus fin que le territoire de santé

• Analyse multivariée classique

29

Principaux résultats (1/2)

• 53% de la variabilité du recours expliquée

• Fort rôle de l’offre de soins

• Après ajustement sur les ≠ épidémiologiques et socio-démographiques

• En particulier taux d’individus souffrant d’ALD psychiatriques et taux de décès par suicide

• Après ajustement sur le niveau d’urbanisation

30

Principaux résultats (2/2)

EN PARTICULIER

• Associations avec des caractéristiques des secteurs

• Taux + élevé dans secteurs rattachés à des établissements spécialisés

• Taux - élevé dans secteurs ayant développé alternatives à l’hospitalisation

• Associations avec l’offre sanitaire environnante

• Taux - élevé quand nombre important de psychiatres libéraux

• Taux + élevé quand nombre important de médecins généralistes

• Associations avec l’offre médico-sociale environnante

• Taux - élevé quand nombre important de places en établissements

d’hébergement pour adultes handicapés

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Peu d’études dans le contexte français

32

1/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre territoires de santé

Portée par

l’IRDES

2/ Etude nationale sur les facteurs associés aux disparités de recours aux soins sans consentement entre secteurs de psychiatrie adulte

3/ Etude de l’association entre niveau de sévérité et recours à l’hospitalisation SDRE sur un échantillon de secteurs

Portée par

l’INSERM

Portée par le

CCOMS

Objectif

• Etudier l’association entre niveau de sévérité des troubles des personnes hospitalisées et recours à l’hospitalisation SDRE

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Champ et méthode

• Echantillon de secteurs psychiatriques

• 125 secteurs rattachés à 45 établissements

• Création de 3 groupes basés sur leur taux de recours aux SDRE

• Secteurs à faible taux

• Secteurs à moyen taux

• Secteurs à fort taux

• Sévérité des troubles des personnes hospitalisées

• Mesurée par le score EGF

• Analyse de variance avec un facteur aléatoire au niveau du secteur

34

Principaux résultats

• Pas de différence significative de sévérité moyenne des patients hospitalisés entre les 3 groupes de secteurs (p>0,50)

35

Taux d’hospitalisation SDRE

Faible (n = 177) Moyen (n = 582) Elevé (n = 418)

Score EGF

Moyenne

(écart-type)

29,25 (18,94) 28,07 (17,06) 26,94 (15,25)

Des premiers résultats à compléter…

• Objectiver les disparités = 1ère étape pour améliorer qualité des soins

• Permet information des pouvoirs publics, professionnels de santé et patients

• Encourage transparence et mobilisation des acteurs

• Poursuivre la recherche sur les facteurs associés

• Développer des analyses qualitatives complémentaires

• Pour permettre une meilleure compréhension des pratiques

• % encore important de variabilité de recours non expliquée par les analyses quantitatives

• Soutenir le recueil en routine d’informations plus détaillées

• Notamment sur l’organisation des secteurs

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