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JUILLET 2015 / N° 194 REVUE DES ÉQUIPES D’URBANISME diagonal PRIX AU NUMÉRO : 10 r - ABONNEMENT 4 NUMÉROS : 40 r Q Profession urbaniste Q Hier, le Grand Paris Énergie : produire mieux, consommer moins D O S S I E R

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juillet 2015/N°194 ReVue DeS ÉQuiPeS D’uRBANiSMe

diagonal

PRiX Au NuMÉRO : 10r - ABONNeMeNt 4 NuMÉROS : 40r

Q Professionurbaniste

Q Hier, le Grand Paris

Énergie :produire mieux,consommer moins

D O S S I E R

Du centre à la périphérie,la ville du XXe siècle a étéfaçonnée par et pour la voiture.En témoignent sa forme, sonorganisation, l’échelle de sonréseau routier et l’utilisationde son espace public. Hierdéjà, aujourd’hui plus encore,l’évolution des pratiques et desmodes de vie, la sensibilisationà l’impact environnemental desdéplacements motorisés… toutconcourt à remettre en cause cemodèle.En distinguant trois typesd’espaces urbains – la ville-centre, la ville intermédiaireet la périphérie – l’ouvrageexplore les pistes d’unnouvel équilibre urbain basésur la prise en compte desdéplacements piétons, lamobilité multiple, l’hybridationde modes de transport et lerecours aux outils numériques.

La densification résidentielleconstitue un enjeu despolitiques de gestion de lacroissance urbaine et un atoutmajeur pour la constructionde villes durables. Malgré denombreux textes tendant àfavoriser un développementurbain plus dense, sa miseen œuvre au niveau local doitrelever de nombreux défis,qu’ils soient d’ordres politique,social ou économique.Comment construire deslogements pour tous dans leszones les mieux pourvues entransports, en services et enactivités ? Comment organiserla production de logements enpréservant les espaces naturelset agricoles ?

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DUNKERQUOIS

L’art d’accommoderles restesLes déchets d’une filière industrielle peuvent constituer les ressources d’une autre. Forts de cette évidenceécologique, les acteurs publics et privés du littoral dunkerquois se sont rassemblés dans une structure associativepour répertorier les échanges et synergies envisageables, étudier leur faisabilité et, le cas échéant, faciliter leurmise en œuvre.

L’écologie industrielle n’est pas tantun nouveau savoir qu’un doublechangement de perception. Cetteapplication à l’industrie du conceptd’économie circulaire implique toutd’abord d’intégrer tous les impactsqu’a sur le milieu la fabrication d’un

produit.En n’omettant aucun des éléments de la chaîne.“Derrière chaque gramme de rhodium et de palladiumdes pots catalytiques, il y a plusieurs tonnes de déchetsminiers quelque part au Chili, en Sibérie, en Afrique duSud ou en Australie, notait un des experts suisses dusujet, Suren Erkman, lors d’une conférence sur le sujet,donnée en 2012, à Valenciennes, avant d’ajouter :“L’humanité est en train de créer un stock industriel dedéchets, sous forme de bâtiments, de routes, d’aéroports,de satellites.” Mais précisément, il s’agit aussi de ne plusvoir dans ces résidus un déchet mais une ressource.“Cesstocks d’infrastructure contiennent des ressources gigan-tesques et notamment des métaux – aluminium, acier,cuivre”, – a ainsi poursuivi le spécialiste.L’écologie industrielle s’apparente donc à l’art d’ac-commoder les restes qui figurait au menu de tous les

livres de cuisine d’antan. Comme les ménagères éco-nomes auxquelles ces ouvrages s’adressaient, lestenants de la discipline entendent ne rien jeter, toutrecycler et fabriquer de nouveaux objets avec les rési-dus de matière ou d’énergie consommées dans le pro-cessus de fabrication d’un autre produit, les deux objetsne relevant pas nécessairement du même champ d’acti-vité. Là résident d’ailleurs l’originalité et la difficultéde l’approche, la synergie étant une pratique ancienneau sein d’une même filière. “En l’espèce, les échangess’effectuent avant tout entre des entreprises appartenantà des secteurs différents”, explique Karine Dufay, char-gée de mission à Ecopal, organisme du littoral dunker-quois spécialisé en écologie industrielle (1), avantd’appuyer ses dires de quelques exemples : “L’acidesulfurique issu de la synthèse de matière hydrocarbonéesert à la distillation. De même, les poussières de miné-raux livrés en vrac, qui se sont déposées sur les routesdu port de Dunkerque, une fois balayées, seront incor-porées dans la fabrication de métaux. Des déchets ordi-naires, comme les bouchons fermant des tubes métal-liques sont recyclés en granulés plastiques, alors qu’ilsétaient auparavant incinérés ou enfouis.”

Sur le port de Dunkerque,la multiplicité

des activités industriellesfavorise la recherche

de synergies. LAU

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Reprenant à leur compte le fameux principe deLavoisier selon lequel, rien ne se perd, rien ne se crée,tout se transforme, les tenants de l’écologie industrielleentreprennent de fait d’améliorer les rendements desénergies et des matériaux, en métamorphosant lesdéchets des uns en ressources pour d’autres. Ce quipermet d’une part d’économiser des matières premièresdont les stocks sont par essence limités, et d’autre partde réduire les coûts de traitement des déchets.“Prenonsle phosphore, commente Didier Cousin, présidentd’Ecopal, c’est une ressource fondamentale pour l’agri-culture puisqu’il entre dans la composition des engrais.Mais c’est aussi une ressource non substituable, nonrenouvelable, rare. Seuls quelques États, tels la Chine etle Maroc, possèdent des gisements exploitables à descoûts tolérables. Confrontés au risque de pénurie, cer-tains pays, dont la Suisse, en ont tiré les conséquenceset récupèrent dans les stations d’épuration le phosphorecontenu dans les engrais que les agriculteurs épandentdans les champs.”

LA RESPONSABILITÉ ÉCOLOGIQUE DESENTREPRISES

Du phosphore extrait des cendres des boues d’épura-tion, voire de l’urine humaine (2), à la chaleur issue dela combustion de matières habituellement dissipée dansl’environnement, tout pourrait ou devrait resservir.Dans ce contexte, l’opposition entre l’écologie et l’in-dustrie s’estompe. Le développement de l’ensembledes activités économiques ne heurte plus le fonction-nement normal des écosystèmes. La construction parGDF d’une centrale de cogénération qui produit del’électricité avec les gaz fatals d’Arcelor Mittal illustreparfaitement les données du problème (3). L’entreprisea amélioré son bilan carbone, satisfait à ses obligationsde réduction des émissions de gaz à effet de serre, touten réinjectant l’électricité ainsi produite dans sonréseau. La responsabilité environnementale des entre-prises devient alors un levier de performance écono-mique. Et accessoirement permet de réconcilier avecleurs industries une population de plus en plus inquiètedes effets nocifs que peuvent avoir les divers effluentssur leur environnement et sur leur santé.La création d’Ecopal n’est pas étrangère à cette volontéde rapprocher des intérêts apparemment divergents.Elle intervint au début des années 2000 à l’initiatived’une quinzaine d’industriels, tels que GDF (4) etSollac, devenu entre-temps Arcelor Mittal, alliés à uncertain nombre d’institutions, comme l’Agence del’environnement et de la maîtrise de l’énergie, la com-mune de Grande-Synthe, la communauté urbaine deDunkerque et le conseil régional du Nord. La décisionfut d’ailleurs prise dans le sillage de deux évènementsemblématiques de la diversité des préoccupations duterritoire : d’un côté, la célébration de l’achèvement dugazoduc reliant la France à la Norvège, et de l’autre, lamise en place par la commune de Grande-Synthe d’unecharte d’écologie urbaine, première étape de l’élabo-ration d’un agenda 21 par la communauté urbaine deDunkerque en 2002. “Il fallait imaginer des pratiquesqui permettent de réduire le volume de déchets enfouis

ainsi que les rejets dans l’atmosphère, grâce à une coo-pération entre entreprises, explique Karine Dufay. Or,la concentration d’industries lourdes, des raffineries auxusines d’aluminium en passant par les hauts-fourneaux,qui caractérise le Dunkerquois, constituait en la matièreun précieux atout. Il est en effet impératif de s’appuyersur des secteurs d’activité variés.”Il fallut toutefois attendre quelque temps avant quel’association ne soit vraiment opérationnelle. DidierCousin explique les tenants et les aboutissants de cedélai de latence. “Tout d’abord les entreprises ne seconnaissaient pas. En outre, le projet initial était assezflou. À l’origine, nous envisagions plutôt de générer del’activité et de l’emploi par l’implantation d’une déchet-terie. Mais s’est immédiatement posée la question del’identification du type de déchetterie, eu égard aux fortescontraintes réglementaires qui pèsent sur ce genre d’ins-tallations. Du reste, Ecopal n’allait-elle pas faire concur-rence aux nombreux prestataires déjà présents sur cemarché ?”

En fait, il est vite apparu que cela ne risquait pas d’êtrele cas. Dans les petites et moyennes entreprises, levolume de déchets, notamment ceux générés par leursfonctions non productives, à l’instar du transport et duconditionnement des marchandises ou de l’activitéadministrative,ne dépasse souvent pas quelques mètrescubes par mois. Dans ces conditions, il est trop faiblepour intéresser un organisme de traitement. Faute derentabilité, les résidus ne sont donc pas triés. Pour lesarchives, les piles, les cartons, le petit outillage, les ordi-nateurs ou les imprimantes,voire pour certains produitsdangereux, seule la mutualisation de la collecte permetde lever l’obstacle et de valoriser des matières aupara-vant incinérées ou mises en décharge. C’est à cettetâche que s’est attelée initialement Ecopal. Avec uncertain succès comme en témoignent les 130 tonnes de

Le conditionnementdes déchets doitcorrespondreaux besoinsde la filière qui enfera une ressource.Ici, des cubesd’aluminiumcompressé.

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déchets collectées en 2014. Produits par quelque troiscents entreprises, ils ont été cédés à d’autres usines,situées en général à proximité, à l’image des cartonsalimentant une papeterie de l’Audomarois (5).L’association a ainsi eu l’occasion de se faire apprécierdu tissu économique local. Elle a alors pu aborder ledeuxième volet de sa mission, faciliter le réemploi desrésidus d’une entreprise par une autre. Il lui a aupara-vant fallu procéder à un inventaire des flux – tout cequi entre dans une entreprise et tout ce qui en sort, horsproduit fini – afin de dégager des synergies. Sur les220 entreprises contactées, dont le domaine d’activitécouvrait des secteurs aussi divers que la mécanique, lachaudronnerie, la sidérurgie, le textile, l’agroalimentaireou la pétrochimie, 150 répondirent. Ce qui a permis dedétecter 5 000 flux,de les appareiller et en fin de comptede déterminer une trentaine de synergies potentielles.Dans un deuxième temps, dix flux ont été retenus,concernant des matériaux aussi variés que les laitiers

d’affinage, les briques réfractaires, les palettes de bois,le beurre de cacao, les résidus organiques et les fondsde cale de fioul. Mais seuls certains échanges ont pourl’heure pu être formalisés.

ADAPTER LES DÉCHETS POUR DEVENIRRESSOURCES

Comme le soulignait Suren Erkman, il reste en effetdifficile de créer une symbiose industrielle entre deuxentreprises. Dans certains cas l’obstacle est réglemen-taire, la réutilisation des déchets exigeant des autori-sations administratives ; dans d’autres, il serait plutôttechnique. Le seuil d’oxyde de fer requis n’est pasatteint, la granulométrie n’est pas bonne, la tempéra-ture ne convient pas. Il peut également arriver que lesmodalités de conditionnement des marchandises duvendeur diffèrent de celles auxquelles est habituél’acheteur : le produit est habituellement fourni encubitainer, alors qu’en l’espèce il sera livré en vrac.Parfois, l’écueil relèvera de la psychologie. Le

remplacement d’une matière première par un produitde substitution ne risque-il pas d’abaisser la qualitéou de désorganiser la production ? L’acheteur veutêtre assuré que les matériaux répondront aux exigencesrequises par son process industriel ; le vendeur, quantà lui, bien que protégé par des accords de confiden-tialité, doit accepter de donner des informations surle type et le volume des déchets et donc indirectementsur ses modalités de fabrication et l’ampleur de sesventes. “Tous craignent de jouer à l’apprenti sorcier”,observe Karine Dufay. À ceci s’ajoute la question dela rentabilité de l’opération, rentabilité des plus incer-taines, dès lors que l’échange de matières ou d’énergieest subordonné à l’installation d’équipements. Ceux-cine seront amortis que dans l’hypothèse d’une poursuitedu contrat. Or, dans la conjoncture économiqueactuelle, le risque de cessation d’activité ne peut êtreignoré. “Les entreprises pèsent tous les éléments duproblème, les gains environnementaux certes mais aussiéconomiques”, poursuit Karine Dufay. Heureusement,ceux-ci sont parfois substantiels. Tous postes confon-dus, la vente des poussières de minerai a dégagé unbénéfice de 150 000 E par an pour l’entreprise concer-née. “L’écologie industrielle et l’économie circulairepeuvent constituer une source de richesse pour un ter-ritoire qui a perdu beaucoup d’emplois industriels endix ans, conclut Didier Cousin. D’autant que la régionNord-Pas-de-Calais est bien pourvue en la matière (6).À Valenciennes par exemple, il existe un organismesimilaire à Ecopal, Synéo. En outre, CD2E, basé à Loos-en-Gohelle, a été labellisé “pôle de compétitivité dansle recyclage des déchets” par le Comité interministérield’aménagement et de développement du territoire. Lacroissance de ce secteur d’activité, dont les perspectivessont immenses s’inscrit d’ailleurs dans le projet de troi-sième révolution industrielle défendue par la chambrede commerce et d’industrie de Lille et le Conseil régio-nal”. n

Isabelle BERTHIER

Ecopal, une structureassociative et plurielleEcopal est une association loi de 1901 dont le budget est alimenté, pour moitiéenviron, par des subventions de ses partenaires institutionnels – Région,Département, Communauté urbaine, Ademe – et pour le reste, parles cotisations des entreprises adhérentes, constituées à parts plus ou moinségales par des grands groupes et des PME. Jusqu’alors, nombre de celles-cicotisaient de façon indirecte par le biais de clubs de zone, gérés par la chambrede commerce et d’industrie de Dunkerque. Dorénavant, les entreprisescotiseront directement.Tant dans sa mission de mutualisation de la collecte que dans le voletsubstitution de matières, Ecopal n’est qu’un intermédiaire entre les entreprises.Les marchés avec les organismes de traitement des déchets sont ainsi passéspar les entreprises. Par ailleurs, si les interventions d’Ecopal ne donnent lieuà aucune rémunération, il n’est pas certain, selon Didier Cousin, son président,que ce système de gratuité perdure, eu égard à la baisse prévisibledes subventions publiques.L’aire d’intervention d’Ecopal couvre le littoral, de la frontière belgejusqu’à Boulogne. n I.B.

(1) Ecopal a été récompensé par le Réseau Alliances,association destinée à aider les entreprises à assu-mer leur responsabilité en matière d’environnement,dont le président est l’ancien ministre de l’Agricul-ture, Philippe Vasseur.(2) En Suisse, les boues d’épuration sont incinérées.Un institut de recherche zurichois a en outre conçuun prototype de toilettes permettant d’extraire duphosphore à partir de l’urine.(3) Toute énergie qui n’est pas récupérée mais per-due dans des flux incontrôlés est dite fatale.(4) GDF avait répondu à un appel d’offres de Sollacsur la récupération des gaz fatals.(5) Dans les 130 kilos, on trouve notamment28 tonnes d’appareils électroniques, 26 tonnes d’ar-chives, 50 tonnes de déchets dangereux, 900 kilos depiles, 600 kilos de cartouches d’imprimante…(6) GRDF expérimente ainsi l’injection d’hydrogènedans le réseau de gaz naturel d’un quartier pavillon-naire de l’agglomération dunkerquoise à Cappelle-la-Grande. Ce projet, baptisé Grhyd et soutenu parl’État, repose sur le principe dit du “Power to Gas”.L’électricité produite par les énergies renouvelables(éolienne) est transformée en hydrogène, lequel estensuite incorporé dans le réseau de gaz, dans uneproportion ne dépassant pas 20 %.

Des résidus debroyage de déchetsmétalliques destinésà être réutilisés.

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