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Faculté de Droit et de Sciences politiques DOCUMENTS DE TRAVAUX DIRIGÉS Master 1 ère année DROIT FISCAL APPROFONDI Cours de Madame Céline VIESSANT, Maître de conférences Chargé de travaux dirigés Xavier VALLI Année universitaire 2010-2011

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Faculté de Droit et de Sciences politiques

DOCUMENTS DE TRAVAUX DIRIGÉS

Master 1ère année

DROIT FISCAL APPROFONDI

Cours de Madame Céline VIESSANT,

Maître de conférences Chargé de travaux dirigés Xavier VALLI Année universitaire 2010-2011

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Déroulement des séances de TD

Séance 1 Les sources constitutionnelles ................................................... 5

Séance 2 Les sources législative et règlementaire .............................. 23

Séance 3 Les sources interprétatives I ..................................................... 47

Séance 4 Les sources interprétatives II ................................................... 61

Séance 5 Les sources supranationales I ................................................... 63

Séance 6 Contrôle des connaissances ....................................................... 89

Séance 7 Les sources Supranationales II ................................................. 91  

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Séance 1 Les sources constitutionnelles

I. Bibliographie ∗ L. PHILIP, « Le principe constitutionnel d’égalité en matière fiscale », Dr. Fisc. 1990 n° 12 p. 464. ∗ L. PHILIP, « Contrôle de constitutionnalité de la loi de finances », Rev. Dr. fisc. 2003 n° 8 p. 319. ∗ D. RIBES, « Le principe constitutionnel d’égalité fiscale », Revue juridique de l’économie publique,

2008, n°650, pp. 3-9.

II. Documents ∗ Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (extraits) ; ∗ Constitution du 4 octobre 1958 (extraits) ; ∗ TOULEMONT Betty et ZAPF Hervé, « La question prioritaire de constitutionnalité en droit fiscal », Gaz.

Pal., 27 février 2010, n°58, p.33 ∗ Décision n° 60-8 DC, 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960, Rec. Cons. Const. p. 25 ; ∗ Décision n° 73-51 DC, 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974, Décision dite « Taxation d’office »,

Rec. Cons. Const. p. 25 ; ∗ Décision n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006, Rec. Cons. const. p. 168. ∗ Décision n° 2007-555 DC, 16 août 2007, Loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, JORF,

Lois et décrets, 22 août 2007. ∗ CE, 28 décembre 2007, req. n° 297 405, Syndicat national de l’industrie des viandes, RJF 3/08 n° 374. ∗ Décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre

l'exclusion, JORF, 27 mars 2009 p. 5445. ∗ Décision n°2009-599 DC, 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, JORF du 31 décembre 2009,

p.22995. ∗ Décision n°2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark, JORF, 19 juin 2010, p.11149. ∗ Décision n°2010-16 QPC, 23 juillet 2010, M. Philippe E., JORF, 24 juillet 2010, p. 13728. ∗ Décision n°2010-26 QPC, 17 septembre 2010, Association football club de Metz, JORF, 18 septembre

2010, p. 16953. ∗ Décision n°2010-51 QPC, 6 août 2010, M. Pierre-Joseph F., JORF, 7 août 2010, p.14619.

III. Exercices ∗ Lire de façon approfondie les décisions du Conseil constitutionnel. ∗ Faire l’introduction et le plan détaillé d’un commentaire de l’arrêt CE, 28 décembre 2007, Syndicat

national de l’industrie des viandes et des décisions du Conseil constitutionnel n°2010-16 QPC et n°2010-28 QPC.

∗ Faire l’introduction et le plan détaillé d’un commentaire de l’extrait de la décision n° 2008-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

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Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen Article 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Article 14 : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » Constitution du 4 octobre 1958 Article 34 : La loi est votée par le Parlement. La loi fixe les règles concernant :

(…) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie. (…)

La loi détermine les principes fondamentaux : (…) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs

ressources ; (…) Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Des lois de programmes déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat. Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. Article 61-1 : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. TOULEMONT Betty et ZAPF Hervé, « La question prioritaire de constitutionnalité en droit fiscal » Le rôle du Conseil constitutionnel en matière fiscale, qui n’est pas à négliger – comme en témoigne sa censure du projet de loi de finances pour 2010 sur plusieurs points – pourrait gagner en importance à la faveur de la question préalable de constitutionnalité. Le rôle du Conseil constitutionnel en matière fiscale n'est pas à négliger, ainsi qu'en témoigne sa censure, le 29 décembre dernier (1) , du projet de taxe carbone ainsi que de la partie du projet de contribution économique territoriale consacrée aux titulaires de bénéfices non commerciaux (2) . Son rôle pourrait encore prendre de l'importance à la faveur de la question préalable de constitutionnalité dite QPC, nouvel outil procédural prévu par l'article 61-1 de notre Constitution dans sa rédaction issue de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et qui entrera

en vigueur le 1er mars 2010, conformément à la loi organique en date du 10 décembre 2009. Au-delà des interrogations propres à la mise en œuvre pratique d'un mécanisme révolutionnaire eu égard à notre histoire constitutionnelle dans laquelle la loi, « expression de la volonté générale », revêt une dimension quasi sacrée, la question se pose de savoir quel sera l'impact effectif de cette révolution sur la matière fiscale. I. Un outil révolutionnaire dans notre système juridique Selon l'article 61-1 de la Constitution, « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation... ».

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Il s'agit donc bel et bien d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori, totalement inconnu dans notre système juridique qui ne connaissait jusqu'alors qu'un contrôle a priori, au demeurant non automatique puisque seuls le président de la République, les présidents des deux assemblées parlementaires et, depuis 1974, soixante députés ou sénateurs pouvaient saisir le Conseil constitutionnel, et ce avant la promulgation d'un texte de loi. Il en résulte que potentiellement, à compter du 1er mars prochain, des dispositions légales en vigueur depuis des années pourront être déclarées inconstitutionnelles (3) . Néanmoins, afin d'éviter que les sages de la rue Montpensier ne se trouvent assaillis de questions prioritaires de constitutionnalité, la loi organique du 10 décembre 2009, validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 décembre 2009 (4), a prévu un double filtre préalable à sa saisine effective. Ainsi, les contribuables qui, à l'occasion d'un litige juridictionnel, souhaiteront soulever l'inconstitutionnalité d'une disposition fiscale, devront en faire état au moyen d'un mémoire distinct, et ce à peine de nullité. La juridiction saisie devra alors procéder « sans délai » à la transmission de l'affaire au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, selon l'ordre juridictionnel concerné, mais seulement si les conditions suivantes sont réunies : • la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; • la disposition contestée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Relevons que ce point pourrait poser une difficulté particulière en matière fiscale s'agissant des lois de finances qui ont, pour la plupart, été déférées au Conseil constitutionnel sur un ou plusieurs points particuliers, mais qui sont néanmoins réputées avoir été examinées et donc validées dans leur intégralité. Il conviendra alors de déterminer dans cette hypothèse si les dispositions non expressément déférées au Conseil constitutionnel doivent malgré

tout être considérées comme ayant été déclarées conformes à la Constitution. • la question ne doit pas être dépourvue de tout caractère sérieux. Une fois saisi, le Conseil d'État ou la Cour de cassation disposera de trois mois pour décider ou non de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel qui, lorsqu'il sera saisi, devra également statuer dans un nouveau délai de trois mois. Cette nouvelle procédure devrait donc avoir l'avantage d'être rapide, notamment comparée à la durée des procédures de renvoi des questions préjudicielles devant la Cour de justice de l'Union européenne. Soulignons également que la question prioritaire de constitutionnalité peut être présentée à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois en appel et même en cassation, si bien qu'il sera par exemple possible, dès le 1er mars 2010, de poser ce type de question dans le cadre des instances actuellement en cours devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation. II. Quelle est sa place prévisible en fiscalité ? Le praticien de la fiscalité s'interroge bien entendu d'ores et déjà sur les arguments les plus susceptibles d'être avancés en matière fiscale. Mais il reste également à déterminer la portée pratique des décisions qui seront rendues par le Conseil constitutionnel sur le fondement d'une question prioritaire de constitutionnalité. 1. Les arguments susceptibles d'être invoqués en matière fiscale • En premier lieu, la méconnaissance du principe d'égalité (5) devant l'impôt ou les charges publiques devrait probablement être très fréquemment invoquée. Rappelons toutefois que ce principe peut également être invoqué sur le fondement de la Convention européenne des droits de l'homme et que la jurisprudence sur ce point de la Cour européenne des droits de l'homme peut parfois être plus favorable au contribuable. Ainsi, si la Cour européenne admet, comme la jurisprudence française (6) , que constitue une rupture d'égalité le fait de traiter différemment, sans justifications objectives et raisonnables, des personnes placées dans une situation analogue, elle

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a également jugé (7) que constitue une rupture d'égalité le fait de ne pas traiter différemment des personnes qui se trouvent dans une situation sensiblement différente. Une telle position est pour l'heure écartée, tant par le Conseil d'État que par le Conseil constitutionnel (8) . • En second lieu, le caractère disproportionné d'une disposition légale rétroactive pourrait également être mis en cause dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité mais, là encore, la jurisprudence du Conseil constitutionnel peut paraître légèrement moins favorable que celle de la Cour européenne des droits de l'homme (9) , selon laquelle le souci de réduire le nombre de contentieux ne doit pas dissimuler l'intérêt financier d'un État, lequel n'est pas à lui seul de nature à justifier la rétroactivité. Sur ces deux premiers arguments, et sauf à ce que la jurisprudence évolue, la question prioritaire de constitutionnalité présentera donc essentiellement l'avantage de la rapidité, sans d'ailleurs que cela prive le contribuable de saisir ultérieurement les juridictions européennes. • Un troisième moyen susceptible de connaître un certain succès en matière de question prioritaire de constitutionnalité tient à la proportionnalité des sanctions fiscales. En effet, rappelons que la jurisprudence du Conseil constitutionnel permet de se référer à la Déclaration de 1789 et notamment à son article 8 relatif à la nécessité des peines. Cette disposition pourrait donc permettre aux contribuables de mettre en cause la proportionnalité d'une sanction fiscale par rapport à l'infraction ou au manquement réprimé. • Enfin, un quatrième et dernier moyen pourrait également être fréquemment, et sans doute utilement, invoqué. Il s'agit de l'argument dit de l'incompétence négative du législateur tendant à considérer que ce dernier a méconnu le domaine de la loi délimité à l'article 34 de la Constitution, lequel prévoit notamment que la loi fixe les règles relatives au taux, à l'assiette et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs déjà été amené à sanctionner des textes de loi au motif que

le législateur avait indûment renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination d'éléments relevant de sa compétence (10) . 2. Quelle sera la portée des décisions du Conseil constitutionnel en matière de question prioritaire de constitutionnalité ? En tout état de cause, l'impact réel sur la fiscalité de la question prioritaire de constitutionnalité dépendra en grande partie de la portée pratique des décisions du Conseil constitutionnel. Dans ce cadre, le second alinéa de l'article 62 de la Constitution indique qu'« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ». Le même alinéa ajoute qu'il appartient au Conseil constitutionnel de fixer « les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produit sont susceptibles d'être remis en cause ». Eu égard à ces dispositions, il conviendra de déterminer si une décision du Conseil invalidant une disposition législative ouvrira pour les contribuables un nouveau délai de réclamation au sens du troisième alinéa de l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales. Gageons que tel devrait être logiquement le cas, en dépit de l'absence de mention à ce jour du Conseil constitutionnel par ce texte, mais il est néanmoins probable que les sages de la rue Montpensier limiteront la portée de leurs décisions, par exemple aux litiges en cours à la date de leur décision, voire à la date de leur saisine. Il sera donc risqué pour les contribuables concernés et leurs conseils d'attendre passivement de connaître le sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel avant d'user eux-mêmes de cette nouvelle question prioritaire de constitutionnalité. Betty TOULEMONT et Hervé ZAPF Avocats associés Société d'avocats PDGB (1) Déc. Cons. const. no 2009-599 DC du 29 décembre 2009 relative à la loi de finances pour 2010 (JO du 31 décembre, p. 22995). (2) Cf. supra p. 30. (3) Notons dans ce cadre que, en censurant le 29 décembre dernier les dispositions de la loi de finances pour 2010 qui prévoyaient un régime distinct de contribution économique territoriale selon que les titulaires de bénéfices non commerciaux emploient plus ou moins de 5 salariés, le Conseil constitutionnel a

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implicitement considéré que les même dispositions, qui ont été appliquées pendant des années en matière de taxe professionnelle, étaient en réalité inconstitutionnelles. (4) Déc. Cons. const. no 2009-595 DC du 3 décembre 2009 portant sur la loi organique relative à l'application de l'article 61, alinéa 1er de la Constitution (JO du 11 décembre, p. 21381). (5) Rappelons que c'est sur ce fondement que le Conseil constitutionnel s'est appuyé dans sa décision no 2009-599 DC précitée du 29 décembre 2009.

(6) Avis CE, 12 avril 2002, no 239693, SA Financière Labeyrie ; Déc. cons. const., no 2002-464 DC du 27 décembre 2002 relative à la loi de finances pour 2003. (7) CEDH, 6 avril 2000, req. no 34369/97, Thlimmenos c/ Grèce. (8) CE, ass., 28 mars 1998, req. jointes nos 179049, 179050, 179054, Sté Baxter et autres, Lebon p. 114. (9) Déc. Cons. const., no 2003-489 DC du 29 décembre 2003 relative à la loi de finances pour 2004. (10) Déc. Cons. const., no 2009-578 DC du 18 mars 2009 relative à la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Décision n° 60-8 DC, du 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960, Décision dite « Redevance Radio-télévision », Rec. Cons. const. p. 25. Le Conseil constitutionnel, saisi le 29 juillet 1960 par le Premier Ministre, conformément aux dispositions de l’article 61 de la Constitution, du texte de la loi de finances rectificative pour 1960, (…) 1. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ; que, d'autre part, aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, laquelle constitue la loi organique visée par la disposition précitée de la Constitution, « les taxes parafiscales perçues dans un intérêt économique ou social, au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs, sont établies par décret en Conseil d'État, pris sur le rapport du ministre des Finances et du ministre intéressé. La perception de ces taxes au-delà du 31 décembre de l'année de leur établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances » ; qu'il résulte de ces dispositions que la perception des taxes dont il s'agit ne fait l'objet que d'une autorisation annuelle du Parlement, à l'occasion de laquelle celui-ci exerce son contrôle sur la gestion financière antérieure de la personne morale considérée ; que cette autorisation ne saurait être renouvelée en cours d'exercice sans qu'il soit porté atteinte au principe ainsi posé de l'annualité du contrôle parlementaire et aux prérogatives que le gouvernement dent des dispositions précitées pour l'établissement desdites taxes, ce, même au cas où le pouvoir réglementaire établit ces taxes à un nouveau taux ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n°59-273 du 4 février 1959, la radio-télévision française " constitue un établissement public de l'État, à caractère industriel et

commercial, doté d'un budget autonome " ; qu'en application des articles 3 et 9 de la même ordonnance elle reçoit une " redevance pour droit d'usage " dont le produit constitue l'essentiel des ressources lui permettant de faire face à l'ensemble de ses charges d'exploitation et d'équipement ; Que cette redevance qui, en raison tant de l'affectation qui lui est donnée que du statut même de l'établissement en cause, ne saurait être assimilée à un impôt, et qui, eu égard aux conditions selon lesquelles elle est établie et aux modalités prévues pour son contrôle et son recouvrement, ne peut davantage être définie comme une rémunération pour services rendus, a le caractère d'une taxe parafiscale de la nature de celles visées à l'article 4 de l'ordonnance organique précitée du 2 janvier 1959 ; 3. Considérant que, conformément au principe posé par l'article 4 de ladite ordonnance organique et ci-dessus analysé, la perception de cette taxe parafiscale doit faire l'objet d'une seule autorisation annuelle du Parlement ; que, dès lors, les dispositions de l'article 17 de la loi de finances rectificative pour 1960, selon lesquelles : « lorsque les taux de redevance pour droit d'usage de postes de radiodiffusion et télévision sont modifiés postérieurement à l'autorisation de perception accordée par le Parlement pour l'année en cours, les redevances établies sur la base des nouveaux taux ne peuvent être mises en recouvrement qu'après autorisation donnée conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi n°59-1454 du 26 décembre 1959, dans la plus prochaine loi de finances », ne peuvent être regardées comme conformes aux prescriptions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et par suite à celles de l'article 34 de la Constitution qui renvoie expressément à ladite loi organique ; 4. Considérant que l'article 18 de la loi de finances rectificative susvisée a pour objet d'affecter à un

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compte d'attente ouvert dans les écritures de la radiodiffusion-télévision française, sous réserve des exceptions qu'il déterminer l'excédent des recettes réalisées par cet établissement en 1960 et d'en différer l'utilisation jusqu'au contrôle sur pièces devant, en vertu de l'article 14 de la loi du 26 décembre 1959, intervenir lors de l'examen de la loi de finances pour l'exercice 1961 ; qu'ainsi cette disposition, de caractère purement comptable, constitue une intervention du Parlement dans la gestion financière dudit établissement, laquelle intervention porte atteinte aux pouvoirs de l'autorité de tutelle en ce domaine ; qu'il y a lieu

pour ce motif, de déclarer les dispositions dudit article 18 non conformes à la Constitution ; 5. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de ne soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi dont il est saisi par le Premier ministre aux fins d'examen de ses articles 17 et 18 ; Décide : Article premier : Les articles 17 et 18 de la loi de finances rectificative pour 1960 sont déclarés non conformes à la Constitution. Article 2 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Décision n° 73-51 DC, 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974. Le Conseil Constitutionnel, Saisi le 20 décembre 1973 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi de finances pour 1974, adoptée par le Parlement ; Vu la lettre du Premier Ministre, en date du 21 décembre 1973, demandant au Conseil constitutionnel de statuer selon la procédure d'urgence prévue à l'article 61, alinéa 3, de la Constitution ; Vu la Constitution, notamment son préambule et ses articles 61 et 62 ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ; Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et, notamment, son article 42 ; Vu le code général des impôts et, notamment, son article 180 ;

1. Considérant que les dispositions de l'article 62 de la loi de finances pour 1974 tendent à ajouter à l'article 180 du code général des impôts des dispositions qui ont pour objet de permettre au contribuable, taxé d'office à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues audit article, d'obtenir la décharge de la cotisation qui lui est assignée à ce titre s'il établit, sous le contrôle du juge de l'impôt, que les circonstances ne peuvent laisser présumer l'existence de ressources illégales ou occultes ou de comportement tendant à éluder le paiement normal de l'impôt ;

2. Considérant, toutefois, que la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du code général des impôts par l'article 62 de la loi de finances pour 1974, tend à instituer une discrimination entre les citoyens au regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration les concernant ; qu'ainsi ladite disposition porte atteinte au principe de l'égalité devant la loi

contenu dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;

3. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conforme à la Constitution la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du code général des impôts par l'article 62 de la loi de finances pour 1974 ;

4. Considérant que cette disposition, qui se présente comme une exception à une faculté ouverte par le législateur d'écarter, au moyen d'une preuve contraire, l'application d'une taxation d'office, constitue donc un élément inséparable des autres dispositions contenues dans l'article 62 de la loi de finances ; que, dès lors, c'est l'ensemble dudit article qui doit être regardé comme contraire à la Constitution ;

5. Considérant, au surplus, que l'article 62 de la loi de finances a été introduit dans ce texte sous forme d'article additionnel en méconnaissance évidente des prescriptions de l'article 42, premier alinéa, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, aux termes duquel : Aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques;

6. Considérant qu'en l'état il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen par le Président du Sénat ;

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Décide : ARTICLE PREMIER : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions

de l'article 62 de la loi de finances pour 1974.

Décision n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006 – SUR LE PLAFONNEMENT DE CERTAINS AVANTAGES FISCAUX :

69. Considérant que le I de l'article 78 de la loi de finances pour 2006 insère, dans la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, un II bis intitulé : " Plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu ", comportant un article 200-0 A ;

70. Considérant que le 1 de l'article 200-0 A détermine en fonction de la composition du foyer fiscal le montant du plafonnement des avantages fiscaux concernés ;

71. Considérant que le 2 du même article soumet à ce plafonnement : " - a) L'avantage en impôt procuré par la déduction au titre de l'amortissement prévue au h du 1° du I de l'article 31, pratiquée au titre de l'année d'imposition ; - b) L'avantage en impôt procuré par la déduction au titre de l'amortissement prévue à l'article 31 bis, pratiquée au titre de l'année d'imposition ; - c) L'avantage en impôt procuré par le montant du déficit net foncier défini à l'article 28, obtenu en application du deuxième alinéa du 3° du I de l'article 156, diminué de 10.700 € et d'une fraction des dépenses effectuées pour la restauration des logements, égale aux trois-quarts pour les immeubles situés dans une zone urbaine sensible définie au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, aux deux-tiers pour les immeubles situés dans un secteur sauvegardé et qui font l'objet des protections prévues au a du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme ou dont la modification est soumise au b du même III, et à la moitié pour les autres immeubles ; - « d) Les réductions et crédits d'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux mentionnés aux articles 199 ter, 199 quater B, 199 quater C, 199 quater F, 199 septies, 199 undecies A, 199 undecies B, 199 terdecies-0 B, 199 quindecies, 199 octodecies, 200, 200 quater A, 200 sexies, 200 octies, 200 decies, 238 bis, 238 bis-0 AB, aux 2 à 4 du I de l'article 197, des crédits d'impôt mentionnés à la section II du chapitre IV du présent titre, du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales » ;

72. Considérant que le 3 de l'article 200-0 A précise : " L'avantage en impôt procuré par les dispositifs mentionnés aux a à c du 2 est égal au produit du montant total des déductions et déficits concernés par le taux moyen défini au 4 " ;

73. Considérant que le 4 du même article définit le taux moyen mentionné au 3 comme étant " égal au rapport existant entre : - a) Au numérateur, le montant de l'impôt dû majoré des réductions et crédits d'impôt imputés avant application des dispositions du 1 et du prélèvement prévu à l'article 125 A ; - b) Au dénominateur, la somme algébrique des revenus catégoriels nets de frais professionnels soumis à l'impôt sur le revenu selon le barème défini à l'article 197 : - diminuée du montant des déficits reportables sur le revenu global dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 156, de la fraction de contribution sociale généralisée mentionnée au II de l'article 154 quinquies, des sommes visées aux 2° et 2° ter du II de l'article 156 et de celles admises en déduction en application du I de l'article 163 quatervicies ; - majorée des revenus taxés à un taux proportionnel et de ceux passibles du prélèvement mentionné à l'article 125 A " ; qu'il précise, en outre que : « Lorsque le taux déterminé selon les règles prévues aux alinéas précédents est négatif, l'avantage mentionné au 3 est égal à zéro » ;

74. Considérant que le 5 de l'article 200-0 A ajoute : « L'excédent éventuel résultant de la différence entre le montant d'avantage obtenu en application des 2 et 3 et le montant maximum d'avantage défini au 1 est ajouté au montant de l'impôt dû ou vient en diminution de la restitution d'impôt. - En cas de remise en cause ultérieure de l'un des avantages concernés par le plafonnement défini au 1, le montant de la reprise est égal au produit du montant de l'avantage remis en cause par le rapport existant entre le montant du plafond mentionné au 1 et celui des avantages obtenus en application des 2 et 3 » ;

75. Considérant que le II de l'article 78 de la loi de finances détermine les conditions dans lesquelles les investissements outre-mer visés aux articles 199 undecies A et 199 undecies B du code général des impôts, non retenus par la loi déférée, pourront ultérieurement être pris en compte dans le plafonnement prévu à l'article 200-0 A précité ;

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que son III modifie, après les avoir renumérotés en articles 199 unvicies et 199 duovicies, les articles 163 septdecies et 163 octodecies A du même code, relatifs respectivement aux souscriptions d'actions de sociétés qui ont pour activité exclusive le financement en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles et aux pertes en capital subies par les créateurs d'entreprise ; qu'en particulier, il transforme ces déductions du revenu global en réductions d'impôt ; que son I procède, par voie de conséquence, à des modifications de divers articles du code général des impôts ; que son V règle l'application dans le temps du plafonnement des divers avantages fiscaux en cause ;

76. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'ils font valoir, d'une part, que le choix des avantages fiscaux soumis au plafonnement ne traduit pas une différence objective de situation entre contribuables ; qu'il se réfèrent notamment aux avantages fiscaux accordés aux investissements outre-mer ; qu'ils exposent que les critères retenus sont flous, ce qui est d'autant plus inacceptable que ce dispositif est appelé à s'appliquer à tout nouveau mécanisme fiscal dérogatoire ; qu'ils ajoutent, d'autre part, que le principe d'une majoration du plafond en fonction du nombre d'enfants à charge ou de personnes membres du foyer âgés de plus de 65 ans ne repose pas sur un motif d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi ;

77. Considérant que l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration de 1789 et " la garantie des droits " requise par son article 16 ne seraient pas effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des règles qui leur sont applicables et si ces règles présentaient une complexité excessive au regard de l'aptitude de leurs destinataires à en mesurer utilement la portée ; qu'en particulier, le droit au recours pourrait en être affecté ; que cette complexité restreindrait l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles qui sont déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel " tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas " ;

78. Considérant qu'en matière fiscale, la loi, lorsqu'elle atteint un niveau de complexité tel qu'elle devient inintelligible pour le citoyen, méconnaît en outre l'article 14 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel : « Tous les citoyens

ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ;

79. Considérant qu'il en est particulièrement ainsi lorsque la loi fiscale invite le contribuable, comme en l'espèce, à opérer des arbitrages et qu'elle conditionne la charge finale de l'impôt aux choix éclairés de l'intéressé ; qu'au regard du principe d'égalité devant l'impôt, la justification des dispositions fiscales incitatives est liée à la possibilité effective, pour le contribuable, d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable le montant de son impôt selon les diverses options qui lui sont ouvertes ;

80. Considérant, toutefois, que des motifs d'intérêt général suffisants peuvent justifier la complexité de la loi ;

81. Considérant que c'est au regard des principes ci-dessus énoncés que doit être appréciée la conformité à la Constitution de l'article 78 de la loi de finances pour 2006 ;

82. Considérant, en premier lieu, que les destinataires des dispositions en cause ne sont pas seulement l'administration fiscale, mais aussi les contribuables, appelés à calculer par avance le montant de leur impôt afin d'évaluer l'incidence sur leurs choix des nouvelles règles de plafonnement ;

83. Considérant qu'un tel calcul impliquerait notamment la conversion en réduction d'impôt des avantages se traduisant par une déduction de l'assiette du revenu imposable ; que cette conversion impliquerait le recours à un taux moyen d'imposition défini par un ratio dont le contribuable devrait évaluer par avance le numérateur et le dénominateur par référence aux nombreuses dispositions auxquelles renvoie l'article 78 ; que le calcul devrait en outre prendre en compte l'incidence des reprises, lorsque des engagements pluriannuels n'ont pu être respectés ; qu'il devrait également tenir compte des particularités que conserveraient certains régimes d'incitation fiscale spécifiques en matière d'investissement dans les entreprises ou dans l'immobilier, qu'il s'agisse des possibilités de report, de l'aménagement de leurs régimes propres incidemment réalisé par l'article 78, de l'existence future de plusieurs plafonds ou de ce qu'une partie de l'avantage échapperait au plafonnement ;

84. Considérant que la complexité de ces règles se traduit notamment par la longueur de l'article 78, par le caractère imbriqué, incompréhensible pour

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le contribuable, et parfois ambigu pour le professionnel, de ses dispositions, ainsi que par les très nombreux renvois qu'il comporte à d'autres dispositions elles-mêmes imbriquées ; que les incertitudes qui en résulteraient seraient source d'insécurité juridique, notamment de malentendus, de réclamations et de contentieux ;

85. Considérant que la complexité du dispositif organisé par l'article 78 pourrait mettre une partie des contribuables concernés hors d'état d'opérer les arbitrages auxquels les invite le législateur ; que, faute pour la loi de garantir la rationalité de ces arbitrages, serait altérée la justification de chacun des avantages fiscaux correspondants du point de vue de l'égalité devant l'impôt ;

86. Considérant, dans ces conditions, que la complexité de l'article 78 est, au regard des exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées, excessive ;

87. Considérant, en second lieu, que le gain attendu, pour le budget de l'Etat, du dispositif de plafonnement des avantages fiscaux organisé par l'article 78 de la loi déférée est sans commune mesure avec la perte de recettes résultant des dispositions de ses articles 74, 75 et 76 ;

88. Considérant, dès lors, que la complexité nouvelle imposée aux contribuables ne trouve sa contrepartie dans aucun motif d'intérêt général véritable ;

89. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la complexité de l'article 78 de la loi de finances pour 2006 est à la fois excessive et non justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'il y a lieu en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la saisine, de déclarer cet article contraire à la Constitution ;

Décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat En ce qui concerne le principe d'égalité devant les charges publiques : 10. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que l'article 1er entraînerait une rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables dans la mesure où, pour une même heure de travail effectuée, un salarié pourrait se voir appliquer des niveaux de cotisations sociales salariales et une imposition sur le revenu différents ; qu'ils ajoutent que les heures supplémentaires pouvant être prises en compte dans le cadre du nouvel article 81 quater du code général des impôts seraient définies de façon variable selon les salariés d'une même entreprise et, enfin, que les salariés à temps partiel employés par des particuliers employeurs seraient exclus du dispositif prévu au titre des heures complémentaires ;

11. Considérant que les requérants font également valoir que le dispositif de l'article 1er aurait pour effet d'exonérer les heures supplémentaires et complémentaires de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale ; que cette exonération, qui ne tient compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d'une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci, créerait entre les contribuables concernés une disparité

manifeste contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789 ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le dispositif d'exonération retenu a pour finalité d'augmenter le nombre d'heures travaillées dans l'économie afin de stimuler la croissance et l'emploi ; qu'il répond ainsi à un motif d'intérêt général ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que le dispositif d'exonération s'applique à toutes les heures supplémentaires, quelles que soient les modalités d'organisation du temps de travail dans l'entreprise ; qu'il s'applique également aux heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel ; que les modalités ainsi retenues répondent à des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi par le législateur ;

14. Considérant, en troisième lieu, qu'en réservant le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu et de charges sociales aux seules heures effectuées au-delà de la durée légale du travail, que celle-ci soit définie en heures ou en jours, quelle que soit la durée contractuelle du travail applicable aux salariés concernés, le législateur, loin de méconnaître le principe d'égalité, a évité une rupture d'égalité entre les salariés ;

15. Considérant, en quatrième lieu, que ni le code du travail, ni la convention collective des salariés du particulier employeur ne prévoient la

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possibilité, pour les salariés employés par des particuliers, d'effectuer des heures complémentaires ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces salariés auraient dû être inclus dans le dispositif prévu au titre des heures complémentaires ;

16. Considérant, enfin, que le nouvel article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, qui crée une réduction des cotisations sociales salariales afférentes aux heures supplémentaires ou complémentaires, n'instaure pas une exonération de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette

sociale ; que, si le montant de cette réduction couvre, compte tenu des modalités d'application de la loi indiquées par le Gouvernement, le montant de ces contributions dû par le salarié au titre des heures supplémentaires ou complémentaires, cette mesure, d'une portée limitée, ne crée pas une rupture d'égalité contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789 ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 1er de la loi déférée n'est contraire à aucune règle ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;

CE, 28 décembre 2007, req. n° 297 405, Syndicat national de l’industrie des viandes Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le Syndicat National de l’industrie des Viandes, dont le siège est 17 place des Vins de France, à Paris (75012) ;

Considérant, d'une part, que l'article 1609 sept vicies du code général des impôts, qui institue une taxe d'abattage à laquelle sont assujettis les abattoirs et qui est destinée à financer le service public de l'équarrissage défini à l'article L. 226-1 du code rural, ainsi que le transport, le stockage et l'élimination des farines d'origine animale, renvoie à un arrêté du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'agriculture le soin de fixer le taux de cette taxe pour chaque espèce animale, dans les limites fixées par le législateur ; que, sur le fondement de cette habilitation, un arrêté du 17 juillet 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche a fixé le mode de calcul et les tarifs d'imposition de la taxe d'abattage ;

Considérant, d'autre part, que l'article L. 226-9 du code rural dispose, dans sa rédaction issue de l'article 151 de la loi de finances pour 2006, qui est entrée en vigueur le 16 juillet 2006 : Les propriétaires ou détenteurs de certaines catégories de cadavres d'animaux dont la destruction relève du service public de l'équarrissage supportent une partie du montant de cette destruction./ Les catégories d'animaux concernées ainsi que le montant et les modalités de détermination et de facturation de cette participation sont précisés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et des finances et du budget (…) ; que, pour l'application de ces dispositions, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de l'agriculture et de la pêche ont pris, le 13 juillet

2006, un arrêté fixant la participation des éleveurs de porcs, volailles, lapins, ratites et gibiers d'élevage non ruminants aux coûts de destruction des cadavres d'animaux relevant du service public de l'équarrissage ; (…)

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2006 fixant la participation de certains éleveurs au coût du service public de l'équarrissage :

Considérant, en premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 226-9 du code rural, n'imposent pas que la participation au financement du service public de l'équarrissage soit perçue auprès de toutes les catégories d'éleveurs ; qu'il suit de là que le Syndicat National de l’industrie des Viandes n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 13 juillet 2006 méconnaît les dispositions de l'article L. 226-9 du code rural au motif qu'il n'impose aux éleveurs de bovins et de petits ruminants aucune participation au financement de ce service ; que si les abattoirs de bovins sont davantage mis à contribution que les abattoirs porcins au titre de la taxe d'abattage, notamment du fait que les éleveurs de bovins ne participent pas au financement du service public de l'équarrissage, cette différence de traitement doit être mise en rapport avec la différence de situation qui caractérise les différentes filières animales au regard du service public de l'équarrissage, les enjeux sanitaires liés à la bonne exécution des prestations d'équarrissage faisant peser des obligations particulières sur la filière bovine ; qu'ainsi, cette différence de traitement, qui n'est pas manifestement excessive, n'emporte aucune violation du principe d'égalité devant l'impôt ; (…)

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Syndicat National de l’industrie des Viandes n'est

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pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2006 ; (…) Décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion 1. Considérant que les sénateurs et députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 4, 61, 62, 64, 65 et 118 ;

- SUR L'ARTICLE 4 :

2. Considérant que le I de l'article 4 de la loi déférée insère dans le code de la construction et de l'habitation l'article L. 423-14 aux termes duquel : " À compter du 1er janvier 2010, les organismes d'habitations à loyer modéré qui disposent d'un patrimoine locatif sont soumis à un prélèvement sur leurs ressources financières si, au cours des deux derniers exercices comptables, leurs investissements annuels moyens sont restés inférieurs à une fraction de leur potentiel financier annuel moyen. Un décret en Conseil d'État fixe le niveau de cette fraction qui ne peut être supérieure à la moitié du potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices. - Le prélèvement est calculé, selon un taux progressif, sur le potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices sans pouvoir excéder le tiers de celui-ci.. - Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article et définit le mode de calcul du potentiel financier annuel moyen ainsi que la liste des investissements annuels mentionnés au premier alinéa " ;

3. Considérant que, selon les requérants, ce prélèvement constituerait une sanction à caractère fiscal et méconnaîtrait, d'une part, le principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, d'autre part, l'article 34 de la Constitution en vertu duquel il revient à la loi de prévoir " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures " ; qu'ils soutiennent, à titre subsidiaire, que ce

prélèvement ne respecterait ni le principe de sécurité juridique ni le principe d'égalité devant les charges publiques ;

4. Considérant que le prélèvement institué par l'article 4 de la loi déférée, qui n'a pas pour objet de sanctionner le manquement à une obligation fixée par la loi ou le règlement, entre dans la catégorie des " impositions de toutes natures " mentionnées à l'article 34 de la Constitution ;

5. Considérant que, si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer " les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ", il appartient au pouvoir réglementaire d'édicter les mesures d'application qui sont nécessaires à la mise en œuvre de ces règles ;

6. Considérant qu'en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de définir le mode de calcul du " potentiel financier " annuel moyen, d'arrêter la liste des investissements à prendre en compte pour déterminer le champ d'application du prélèvement en cause et de fixer, sans l'encadrer suffisamment, le taux de ce prélèvement, le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à fixer les règles concernant l'assiette et le taux d'une imposition ; qu'il a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

7. Considérant qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la saisine, l'article 4 de la loi déférée, dont les dispositions constituent un ensemble indivisible, doit être déclaré contraire à la Constitution ; que, par voie de conséquence, au deuxième alinéa de l'article L. 481-1 inséré dans le code de la construction et de l'habitation par l'article 64 de la loi déférée, les mots : " Les articles L. 411-9 et L. 423-14 leur sont applicables " doivent être remplacés par les mots : " L'article L. 411-9 leur est applicable " ;

Décision n°2009-599 DC, 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010 - SUR LA CONTRIBUTION CARBONE :

77. Considérant que l'article 7 de la loi déférée institue au profit du budget de l'État une contribution carbone sur certains produits

énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible ; que l'article 9 institue un crédit d'impôt en faveur des personnes physiques afin de leur rétrocéder de

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façon forfaitaire la contribution carbone qu'elles ont acquittée ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est afférente ; que l'article 10 dispose que la consommation de fioul domestique, de fioul lourd et de divers autres produits énergétiques par les agriculteurs fait l'objet d'un remboursement des trois quarts de la contribution carbone ;

78. Considérant, en particulier, que l'article 7 fixe, pour chacune des énergies fossiles qu'il désigne, le tarif de la contribution sur la base de 17 euros la tonne de dioxyde de carbone émis ; que cet article et l'article 10 instituent toutefois des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques ; que sont totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l'industrie chimique utilisant de manière intensive de l'énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d'électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs ; que sont taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime ;

79. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement " ; que son article 3 dispose : " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences " ; que, selon son article 4, " toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi " ; que ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ;

80. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à

cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;

81. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que l'objectif de la contribution carbone est de " mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions " de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète ; que, pour atteindre cet objectif, il a été retenu l'option " d'instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles " afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions ; que c'est en fonction de l'adéquation des dispositions critiquées à cet objectif qu'il convient d'examiner la constitutionnalité de ces dispositions ;

82. Considérant que des réductions de taux de contribution carbone ou des tarifications spécifiques peuvent être justifiées par la poursuite d'un intérêt général, tel que la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale ; que l'exemption totale de la contribution peut être justifiée si les secteurs économiques dont il s'agit sont spécifiquement mis à contribution par un dispositif particulier ; qu'en l'espèce, si certaines des entreprises exemptées du paiement de la contribution carbone sont soumises au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, il est constant que ces quotas sont actuellement attribués à titre gratuit et que le régime des quotas payants n'entrera en vigueur qu'en 2013 et ce, progressivement jusqu'en 2027 ; qu'en conséquence, 93 % des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone ; que les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ; que la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone ; que, par leur importance, les régimes d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée sont contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

83. Considérant qu'il s'ensuit que l'article 7 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution, à l'exception du E de son paragraphe I qui est relatif à l'exonération temporaire, dans les départements d'outre-mer, du prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités

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polluantes ; qu'il en va de même, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner

les griefs des saisines, de ses articles 9 et 10 (…) ;

Décision n°2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d'affaires et diverses dispositions d'ordre financier ; Vu le décret n° 67-1164 du 15 décembre 1967 assurant la mise en harmonie du code général des impôts avec les dispositions de la loi du 6 janvier 1966 susvisée ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la SNC KIMBERLY CLARK par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Président de l'Assemblée nationale, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour la SNC KIMBERLY CLARK, enregistrées le 26 mai 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud de Chaisemartin pour la SNC KIMBERLY CLARK et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que l'article 271 du code général des impôts est relatif aux règles de déductibilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le 1 de l'article 273 du même code, issu de l'article 18 de la loi du 6 janvier 1966 susvisée, dispose que des décrets en Conseil d'État déterminent les conditions d'application de l'article 271 ; qu'en particulier, son troisième alinéa, qui fait l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité, prévoit que ces décrets fixent « la date à laquelle peuvent être opérées les déductions » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions du troisième alinéa du 1 de l'article 273, qui renvoient à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions de taxe sur la valeur ajoutée, porteraient atteinte au droit énoncé à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et dont disposent « tous les citoyens » de « constater, par eux-mêmes

ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ; que ces dispositions méconnaîtraient également le droit de propriété proclamé à son article 17 ; qu'elles seraient, par suite, entachées d'incompétence négative ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique... » ; que les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en oeuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

5. Considérant, d'autre part, que le 1 de l'article 273 du code général des impôts, en ce qu'il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions auxquelles ont droit les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ne porte pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ;

6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,

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DÉCIDE : Article 1er.- Le troisième alinéa du 1 de l'article 273 du code général des impôts, issu de

l'article 18 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966, est conforme à la Constitution.

Décision n°2010-16 QPC, 23 juillet 2010, M. Philippe E LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 ; Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 relative à la loi de finances pour 1990 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-605 DC du 12 mai 2010 portant sur la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thomas Jany, avocat au barreau de Bordeaux, pour M. E. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le 7 de l'article 158 du code général des impôts dispose que le montant des revenus et charges retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, est, dans des cas limitativement énumérés, multiplié par 1,25 ; que le 1° du 7 de cet article 158, dans sa rédaction issue du 4° du paragraphe I de l'article 76 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée, prévoit que ces dispositions s'appliquent « aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé défini aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l'exclusion des membres d'un groupement ou d'une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à l'un de ces organismes » ;

2. Considérant que les dispositions du 1° du 7 de

l'article 158 du code général des impôts précitées étaient applicables du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; qu'elles ont été modifiées par la loi du 27 décembre 2008 susvisée ; que le Conseil d'État les a jugées applicables au litige ; que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 mai 2010 susvisée, le constituant, en adoptant l'article 61-1 de la Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que la modification ou l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu'elle n'ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel au motif de l'absence de caractère sérieux de cette dernière ;

3. Considérant que, selon le requérant, les dispositions précitées instituent une différence de traitement injustifiée entre les contribuables adhérant à un centre ou à une association de gestion agréé et ceux qui n'y adhèrent pas, nonobstant le fait que les comptes de ces derniers sont établis et certifiés par un expert-comptable inscrit au tableau régional de l'ordre des experts-comptables et commissaires aux comptes ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de

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rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

5. Considérant que le 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 4° du paragraphe I de l'article 76 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée, prévoit une majoration de 25 % du revenu professionnel lorsque celui-ci est réalisé par des contribuables qui n'adhèrent pas à un centre ou à une association de gestion agréé ;

6. Considérant que ces organismes de gestion agréés ont été institués pour procurer à leurs adhérents une assistance technique en matière de tenue de comptabilité et favoriser une meilleure connaissance des revenus non salariaux, afin de mettre en œuvre l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale ; que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 1989 susvisée, le législateur, tenant compte de la spécificité du régime juridique des adhérents à un organisme de gestion agréé, a pu en contrepartie encourager l'adhésion à un tel organisme par l'octroi d'avantages fiscaux, et notamment d'un abattement correspondant, avant le 1er janvier 2006, à 20 % du bénéfice imposable ;

7. Considérant que la majoration, à compter du 1er janvier 2006, de 25 % de la base d'imposition des non-adhérents est intervenue dans le cadre d'une réforme globale de l'impôt sur le revenu qui a concerné tous les contribuables ; que cette mesure est la contrepartie, arithmétiquement équivalente, de la suppression de l'abattement de 20 % dont bénéficiaient, avant cette réforme de l'impôt, les adhérents à un organisme de gestion agréé ; qu'ainsi, la différence de traitement entre adhérents et non adhérents demeure justifiée à l'instar du régime antérieur et ne crée donc pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être rejeté ;

8. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

D É C I D E : Article 1er.- Le 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 4° du paragraphe I de l'article 76 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est conforme à la Constitution.

Décision n° 2010-28 QPC, 17 septembre 2010, Association football club de Metz LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 48-1974 du 31 décembre 1948 fixant l'évaluation des voies et moyens du budget de l'exercice 1949 et relative à diverses dispositions d'ordre financier ; Vu le décret n° 48-1986 du 9 décembre 1948 portant réforme fiscale ; Vu le décret n° 50-478 du 6 avril 1950 portant règlement d'administration publique pour la refonte des codes fiscaux et la mise en harmonie de leurs dispositions avec celles du décret du 9 décembre 1948 et des lois subséquentes ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour l'Association sportive Football Club de Metz par la SELARL Villemot, Barthès et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 juillet 2010 ; Vu la lettre du 27 juillet 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un

grief susceptible d'être soulevé par lui ; Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 août 2010 ; Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Dominique Villemot, pour l'Association sportive Football Club de Metz, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 9 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ;

1.Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 20 décembre 2002 : « 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou pour les employeurs de salariés visés aux articles L. 722-20 et L. 751-1 du code rural, au titre IV du livre VII dudit code, et à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de

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lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. « Les rémunérations versées par les employeurs dont le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année civile précédant le versement de ces rémunérations n'excède pas les limites définies aux I, III et IV de l'article 293 B sont exonérées de la taxe sur les salaires. « Les entreprises entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée qui n'ont pas été soumises en fait à cette taxe en vertu d'une interprétation formellement admise par l'administration sont redevables de la taxe sur les salaires. « Les rémunérations payées par l'État sur le budget général sont exonérées de taxe sur les salaires lorsque cette exonération n'entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence. « 2 bis. Le taux de la taxe sur les salaires prévue au 1 est porté de 4,25 à 8,50 % pour la fraction comprise entre 6 563 euros et 13 114 euros et à 13,60 % pour la fraction excédant 13 114 euros de rémunérations individuelles annuelles. Ces limites sont relevées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu de l'année précédente. Les montants obtenus sont arrondis, s'il y a lieu, à l'euro supérieur. « Les taux majorés ne sont pas applicables aux rémunérations versées par les personnes physiques ou morales, associations et organismes

domiciliés ou établis dans les départements d'outre-mer. « 3 a. Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spéciales pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment celles qui relèvent du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale. « Un décret en Conseil d'État fixera, en tant que de besoin, les modalités selon lesquelles sera déterminé le rapport défini au 1. « b. Un décret pris en conseil des ministres, après avis du Conseil d'État, fixe les conditions d'application du premier alinéa du 2 bis. « 4. Le produit de la taxe sur les salaires est affecté en totalité au budget général. « 5. Le taux de 4,25 % prévu au 1 est réduit à 2,95 %, dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, et à 2,55 % dans le département de la Guyane. « 6. Les dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1043 du 29 novembre 1968, qui, sous réserve du 1, ont supprimé la taxe sur les salaires pour les rémunérations versées à compter du 1er décembre 1968, n'apportent aucune modification aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, autres que ceux repris sous le présent article, et qui se réfèrent à la taxe sur les salaires » ;

2.Considérant que, selon la requérante, ces dispositions méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de Déclaration des droits et de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'une part, en mettant la taxe sur les salaires à la charge des seuls personnes ou organismes qui ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires, elles créeraient une distorsion entre des entreprises qui ont la même masse salariale ; que, d'autre part, le mode de détermination de l'assiette ressortirait d'un « choix purement arbitraire » du législateur qui ne permettrait pas de prendre en compte la capacité contributive réelle des assujettis ;

3.Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

4.Considérant, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration,

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une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

5.Considérant que, pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément ; que, dans chaque cas, le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant l'impôt, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ;

6.Considérant qu'en application de l'article 231 du code général des impôts, l'assiette de la taxe sur les salaires est constituée par une partie des rémunérations versées par l'employeur, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de la même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que la règle selon laquelle la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, la taxe sur les salaires et la taxe sur la valeur ajoutée, qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques, constituent deux impositions distinctes ; que le montant de la taxe sur les salaires est calculé à partir d'un barème progressif appliqué à la masse salariale imposable

; que ces règles d'imposition sont les mêmes pour l'ensemble des entreprises relevant d'un même secteur d'activité ;

7.Considérant, d'une part, que le barème de la taxe sur les salaires tient compte de la différence de situation entre les contribuables qui ne relèvent pas des mêmes secteurs d'activité ; que, dès lors, le législateur a pu assujettir de manière différente à la taxe sur les salaires des entreprises qui ne sont pas dans la même situation ;

8.Considérant, d'autre part, que le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ; qu'en retenant la masse salariale des entreprises comme critère de capacité contributive, le législateur n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le grief dirigé contre la base d'imposition de la taxe sur les salaires doit être écarté ;

9.Considérant, en outre, que, si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit, elle ne saurait l'être à l'encontre d'une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958 ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le législateur, en adoptant les dispositions du premier alinéa du a du 3 de l'article 231 du code général des impôts, aurait méconnu sa propre compétence doit être écarté ;

10.Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE : Article 1er.- L'article 231 du code général des impôts est conforme à la Constitution.

Décision n°2010-51 QPC, 6 août 2010, M. Pierre-Joseph F LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; (…) Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010 déclarant conformes à la Constitution les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la même loi ; Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 30 juillet

2010, de cette décision au requérant, l'informant de ce qu'à la suite de cette décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler cette affaire à une audience publique ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que, par sa décision susvisée du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a

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déclaré conformes à la Constitution les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions,

DÉCIDE : Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d'État.

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Séance 2 Les sources législative et

règlementaire

I. Bibliographie ∗ J. TUROT, « Les Lois fiscales rétroactives », RJF 1990 n° 10 p. 655 ∗ P. LUPPI et al., « Chronique de jurisprudence constitutionnelle », RFDC, 72/2007, pp. 749-766 (spéc.

pp.760-766).

II. Documents ∗ Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 (extraits) ; ∗ Article 2 du Code civil ; ∗ Décision n° 84-184 DC, 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, Rec. Cons. const. 1984 p. 42 ; ∗ Décision n° 98-404 DC, 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, Rec.

Cons. Const.1999 p. 312 ; ∗ Décision n° 99-425 DC, 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999, Rec. Cons. Const

2000 p. 168 ; ∗ CE, sect., 28 novembre 1986, req. n° 15 296, SARL Delattre et compagnie, Rec. Cons. d’Et. p. 471 ; ∗ CE sect., avis, 5 avril 1996, req. n° 176 611, M. Guy Houdmond, Rec. cons. d’Et. p. 116 ; ∗ CE, 28 octobre 2002, req. n° 227 610, SARL Lobelle, Rec. Cons. d’Et. Tab. p. 675 ; ∗ Décision n° 2006-544 DC, 14 décembre 2006, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, Rec.

p.129 ; ∗ Décision n° 2008-571 DC, 11 décembre 2008, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, Rec.

p.129 ; ∗ CE, 11 juillet 2008, req. n° 298 779, Syndicat de l'industrie de Matériels Audiovisuels Electroniques,

Droit fiscal n° 30, 24 Juillet 2008, act. 238 ; ∗ Cass. com, 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-18013, DGI c/ M. Darras, à paraître au bulletin des arrêts

de la Cour de Cassation ; ∗ CE, 27 mai 2009, req. n° 307 957, SNC Saint-Honoré, à paraître ; ∗ Décision n°2010-19/27 QPC, 30 juillet 2010, Époux P. et a., JORF, 31 juillet 2010, p.14202.

III. Exercices ∗ Faire le commentaire de l’arrêt Cass. com, 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-18013, DGI c/ M. Darras

en vous appuyant notamment sur la décision n°2010-19/27 QPC du Conseil constitutionnel. ∗ Faire le commentaire de la décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, Loi de financement de la

Sécurité sociale pour 2009.

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Article 8 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Décision n° 84-184 DC, 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, Rec. Cons. const. p. 42. Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1984 par lettre de MM Charles Pasqua,(…) sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1985 ;

(…)

Sur l'article 82-II :

27. Considérant que l'article 82-II accorde une réduction d'impôt, dans les cas qu'il définit, aux contribuables qui souscrivent à la constitution ou à l'augmentation du capital de sociétés civiles immobilières lorsque le produit de ces souscriptions est exclusivement destiné à la construction ou à l'acquisition d'immeubles neufs situés en France et affectés pendant neuf ans à la location de résidences principales ; qu'il prévoit qu'en cas de non-respect des engagements d'affectation des fonds ou de mise en location des immeubles la réduction d'impôt fait l'objet d'une reprise au titre de l'année de la rupture ;

28. Considérant que les députés auteurs d'une saisine soutiennent que ce texte soumet des contribuables à des sanctions fiscales en raison de comportements dont ils n'ont pas la maîtrise et est, dès lors, contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires :

29. Considérant que l'article 82-II n'édicte aucune sanction de caractère pénal, ni même fiscal, lorsqu'il précise que l'exonération d'impôt dont le bénéfice était subordonné à une condition qui n'a

pas été remplie fera l'objet d'une reprise ; qu'ainsi le moyen invoqué manque en fait ;

Sur l'article 86 :

30. Considérant que l'article 86 prévoit que, pour la détermination du résultat fiscal, ne sont pas déductibles les provisions constituées par une entreprise en vue de faire face au versement d'allocations en raison du départ à la retraite ou en préretraite de membres ou anciens membres de son personnel ou de ses mandataires sociaux et confère à cette disposition un caractère interprétatif ;

31. Considérant que les sénateurs auteurs de la cinquième saisine, se fondant sur l'article 47 de la Constitution et sur les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, soutiennent qu'une loi de finances de l'année ne saurait compléter les ressources de l'État au titre d'un exercice antérieur et que, par voie de conséquence, la modification rétroactive par une loi de finances de l'année d'une disposition fiscale - au demeurant contraire à la "sécurité juridique qui fonde le droit des personnes dans une démocratie" - méconnaît cette règle ;

32. Considérant qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une disposition fiscale ait un caractère rétroactif ; que la circonstance qu'une telle disposition soit contenue dans une loi de finances ne saurait interdire une telle rétroactivité ; que les textes invoqués n'ont pas pour objet d'y faire obstacle ; que, dès lors, les moyens présentés pour critiquer l'article 86 ne sauraient être accueillis ; (…)

Décision n° 98-404 DC, 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 4 décembre 1998, par MM José Rossi, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy, Alain Madelin, (…) sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

(…)

- SUR L'ARTICLE 10 :

2. Considérant que cet article modifie le mode de calcul d'une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, par le III de l'article 12 de l'ordonnance susvisée du 24 janvier 1996, relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ; qu'en vertu de cette disposition, l'assiette de la contribution, définie comme le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, au titre des spécialités remboursables, par les entreprises redevables, entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1995, pouvait être minorée des charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche réalisées en France ;

3. Considérant que l'article 10 a pour objet de supprimer cette possibilité de déduction ; qu'en conséquence de l'élargissement de l'assiette de la contribution qui en résulte, son taux est abaissé à 1,47 % ; que les sommes dues par les entreprises en application de ce dispositif seront imputées sur les sommes acquittées en 1996, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale étant chargée, selon le cas, de recouvrer ou de reverser le solde résultant du nouveau mode de calcul de la contribution ;

4. Considérant que les auteurs des deux requêtes critiquent le caractère rétroactif de cet article, qui, selon les députés, "va bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale", puisqu'il "modifie l'assiette d'un impôt déjà versé par les sociétés, et bouleverse une situation déjà soldée" ; que cette disposition méconnaîtrait les exigences constitutionnelles relatives aux validations législatives et à la rétroactivité des lois fiscales ; qu'elle serait contraire aux principes de

sécurité juridique et de confiance légitime garantis selon eux par les articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789, au principe de consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la même Déclaration, ainsi qu'au principe d'annualité de la loi de financement de la sécurité sociale ; que les sénateurs ajoutent que "l'importance des conséquences financières de l'article 10, pour de nombreux laboratoires français, évaluée à 66 millions de francs, n'apparaît pas proportionnée par rapport au risque d'annulation contentieuse de l'ordonnance" du 24 janvier 1996 ; qu'il est également fait grief à cet article d'être entaché d'incompétence négative ; que l'article 10 violerait en outre le principe d'égalité devant les charges publiques en raison des modifications intervenues depuis 1996 dans l'industrie pharmaceutique, certaines entreprises ayant pu disparaître, notamment par l'effet de fusions ou d'absorptions ;

5. Considérant que le principe de non rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

6. Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;

7. Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier aux dites conséquences ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l'article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution ; (…)

Décision n° 99-425 DC, 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999 Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1999, d'une part, par MM. Henri de RAINCOURT, James BORDAS, Jean-Paul EMIN, Hubert FALCO (…) députés, dans les conditions

prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1999 ;

- SUR L'ARTICLE 25 :

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7. Considérant que le II de l'article 25 comporte deux mesures de validation ; qu'elles sont contestées par les sénateurs requérants ;

8. Considérant que, si le législateur peut valider un acte administratif dans un but d'intérêt général suffisant, c'est sous réserve du respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non rétroactivité des peines et des sanctions ; que l'acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'en outre, la portée de la validation doit être strictement définie, sous peine de méconnaître l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que c'est à la lumière de l'ensemble de ces principes que doit être appréciée la conformité à la Constitution des dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ;

9. Considérant que le A du II de l'article 25 valide " sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de l'incompétence territoriale de l'agent qui les a émis, à la condition qu'ils aient été établis soit par le comptable public du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, par le comptable compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement. "

10. Considérant que les requérants font valoir à l'encontre de cette validation que " le gouvernement n'a donné aucune information sur les montants financiers en jeu ", alors que de telles validations ne " devraient intervenir que de manière exceptionnelle, lorsque l'intérêt général l'exige de manière impérieuse " ;

11. Considérant que, par cette validation, le législateur a entendu éviter que ne se développent, pour un motif tenant à la compétence territoriale de l'autorité ayant établi l'avis de mise en recouvrement, des contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner, pour l'Etat, des conséquences gravement dommageables ; que l'intérêt général qui s'attache à une telle validation l'emporte sur la mise en cause des droits des contribuables qui résulterait de l'irrégularité de pure forme que la validation a pour effet de faire disparaître ; que cet intérêt général réside tant dans le montant des sommes en cause que dans la prévention des troubles qu'apporterait à la continuité des services publics fiscaux et

juridictionnels concernés la multiplication de réclamations pouvant, en vertu du livre des procédures fiscales, être présentées pendant plusieurs années ; que la disposition critiquée n'a ni pour objet, ni pour effet de valider des impositions annulées par des décisions juridictionnelles ayant force de chose jugée ; qu'elle sauvegarde les droits des contribuables nés de telles décisions ; que la validation est strictement limitée dans sa portée puisqu'elle n'a pas pour objet de purger les impositions en cause d'autres vices que celui tenant à l'incompétence territoriale de l'autorité qui a émis l'avis de mise en recouvrement ; que cette disposition ne déroge pas davantage au principe de non rétroactivité des textes à caractère répressif plus sévères, ni à son corollaire qui interdit de faire renaître une prescription légalement acquise ; qu'enfin, à défaut de validation, la restitution aux intéressés d'impositions dont ils sont redevables au regard des règles de fond de la loi fiscale pourrait constituer un enrichissement injustifié ; qu'ainsi le A du II de l'article 25 n'est contraire à aucune règle non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle ;

12. Considérant que le B du II de l'article 25 valide " sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement " ; que ce dernier article exige que l'avis de mise en recouvrement comporte notamment " les éléments de calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance ", ces éléments de calcul pouvant néanmoins être remplacés par le renvoi à un document sur lequel ils figurent, dès lors que ce document a été antérieurement notifié au contribuable ;

13. Considérant que les sénateurs requérants critiquent cette validation en faisant valoir que l'administration se borne à justifier cette mesure par la circonstance que la plupart des avis de mise en recouvrement renvoient aux éléments de calcul portés à la connaissance des contribuables dans la seule notification de redressement, alors que le montant des droits mis en recouvrement est, à l'issue de la procédure contradictoire, " presque toujours inférieur à celui figurant sur les notifications de redressement " ; qu'ils ajoutent que, si le montant des redressements imputés est évalué à 25 milliards de francs, " ce chiffre doit

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cependant être relativisé dans la mesure où il est théorique " ;

14. Considérant, en premier lieu, que le vice de forme dont sont entachés les avis de mise en recouvrement validés par le B du II de l'article 25 n'a pu porter atteinte aux droits de la défense des contribuables concernés, dès lors que, dans le cas où les éléments de calcul ont été révisés à la baisse, les contribuables ont été dûment informés par l'administration, au cours de la procédure contradictoire qui a précédé la mise en recouvrement, du montant des droits et pénalités maintenus et des motifs qui les fondent ; que dans le cas où il serait envisagé de réviser à la hausse le montant des droits et pénalités mentionnés dans la notification du redressement, l'administration reprend la procédure en adressant au contribuable une nouvelle notification de redressement motivée dans les conditions prévues par l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que le renvoi, par l'avis de mise en recouvrement, aux seules mentions figurant dans la notification initiale de redressement, alors même que les droits et pénalités ont été réduits au cours de la procédure contradictoire, a constitué, au cours des années récentes, une pratique très courante ; que cette pratique était au demeurant conforme à l'interprétation jurisprudentielle de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, antérieure à la

décision du 28 juillet 1999 du Conseil d'Etat qui en a décidé autrement ; que, dans ces conditions, la validation est justifiée tant par le montant très élevé des sommes qui pourraient être réclamées par les contribuables concernés que par le trouble apporté à la continuité des services publics fiscaux et juridictionnels du fait de la multiplication de réclamations qui, en vertu du livre des procédures fiscales, pourraient être présentées pendant plusieurs années ;

16. Considérant, en troisième lieu, que les avis de mise en recouvrement entachés de ce vice de forme ne sont validés qu'en tant, précisément, qu'ils se réfèrent, pour ce qui est du montant des droits et pénalités, à la seule notification de redressement ; qu'il s'ensuit que ces actes pourront être contestés, devant le juge compétent, pour tout autre motif de forme ou de fond ; que, par suite, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas été méconnu ;

17. Considérant, en quatrième lieu, que sont expressément réservées les décisions de justice passées en force de chose jugée ; qu'il n'est pas dérogé au principe de non rétroactivité des textes à caractère répressif plus sévères, non plus qu'à son corollaire qui interdit de faire renaître une prescription légalement acquise ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre le B du II de l'article 25 doivent être rejetés ;

CE, sect., 28 novembre 1986, req. n° 15 296, SARL Delattre et compagnie, Vu la requête enregistrée le 6 décembre 1978 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société à responsabilité limitée "Delattre et Compagnie", dont le siège est à Rueil-Malmaison [92500], représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°] annule le jugement du 27 juin 1978 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 1965 au 31 mars 1969 ;

2°] lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;

(…)

En ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 1965 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que l'imposition litigieuse à la taxe sur la valeur ajoutée ayant été établie conformément à l'avis formulé le 29 avril 1970, de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la société à responsabilité limitée Delattre et Compagnie supporte la charge de prouver l'exagération de la base taxable ;

Considérant que la circonstance que le gérant de la société n'ait pas fait, sur le compte-courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société et au crédit duquel était porté son salaire, de prélèvements suffisants pour assurer sa subsistance et celle de sa famille ne suffit pas par elle-même à établir le défaut de caractère probant de la comptabilité de la société requérante ; que l'administration ne se prévalant, en ce qui concerne la période d'imposition ci-dessus, d'aucune autre irrégularité de la comptabilité de la société à responsabilité limitée "Delattre et Compagnie", celle-ci en se référant aux écritures de ladite

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comptabilité doit être regardée comme apportant la preuve comptable de l'exagération de la base taxable telle qu'elle a été reconstituée par l'administration ; qu'il y a lieu, en conséquence, de lui accorder la décharge du rappel de taxe qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1968 ;

En ce qui concerne la période du 1er janvier 1966 au 31 mars 1969 :

Sur la régularité de la vérification :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a averti la ociété à responsabilité limitée "Delattre et Compagnie", le 12 mars 1969, qu'elle allait procéder à une vérification de sa comptabilité par un avis qui, conformément aux prescriptions de l'article 1649 septies du code général des impôts alors en vigueur, mentionnait que la société avait la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que la vérification aurait commencé avant l'expiration du délai imparti au contribuable pour déposer la déclaration de ses bénéfices industriels et commerciaux est, à la supposer établie, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, enfin, que l'interprétation de la loi fiscale invoquée par la société requérante sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article 80 A du livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts, contenue tant dans la réponse ministérielle à M. Arnaud, député, en date du 4 septembre 1971, que dans une note n° 13-L-1213 1 de la documentation administrative de la direction générale des impôts, ayant trait au délai de reprise et non aux modalités selon lesquelles l'administration exerce son droit de vérification, est, en tout état de cause, sans application en l'espèce ;

Sur le moyen tiré de ce que la procédure de rectification d'office n'était pas applicable :

Considérant que l'administration a établi l'imposition, conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, après avoir effectué, le 25 juillet 1969, une notification de redressement et avoir suivi la procédure contradictoire prévue par ce texte, notamment en saisissant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du différend qui l'opposait au redevable ; qu'elle est, dès lors, fondée à se prévaloir de ce qu'elle a suivi cette procédure pour

soutenir que le moyen de la requête tiré de ce que la comptabilité de la société "Delattre et compagnie" n'aurait pas été entachée d'irrégularités de nature à justifier le recours par l'administration à la procédure de rectification d'office est inopérant ;

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 "les droits, taxes, redevances, impositions et sommes quelconques dont la perception incombe aux agents de la direction générale des impôts ... sont recouvrés suivant les règles ci-après : 1. A défaut de paiement, la créance est notifiée au redevable, au moyen d'un avis de mise en recouvrement individuel ou collectif, visé et rendu exécutoire par le directeur départemental compétent ..." ; que ces dispositions ont été codifiées à l'article 1915 du code général des impôts, puis, à compter du 1er janvier 1982, en vertu de l'article 2 du décret n° 81-859 du 15 septembre 1981, à l'article L.256 du livre des procédures fiscales, qui dispose notamment en son 2è alinéa "... L'avis de mise en recouvrement est signé et rendu exécutoire par le directeur des services fiscaux ..." ; qu'aux termes de l'article 17 de la loi n° 83-1159 du 24 décembre 1983 : "Il est ajouté au deuxième alinéa de l'article L.256 du livre des procédures fiscales, les dispositions suivantes, qui ont un caractère interprétatif : "Les pouvoirs de directeur des services fiscaux sont également exercés, sous son autorité, par le comptable de la direction générale des impôts" ;

Considérant qu'il résulte de la disposition précitée de la loi du 24 décembre 1983, éclairée par les travaux préparatoires à l'intervention de la loi, que, par cette disposition, le législateur a entendu reconnaître à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963, compétence au comptable de la direction générale des impôts, sous l'autorité du directeur des services fiscaux et concurremment avec lui, à l'effet de viser et rendre exécutoires les avis de mise en recouvrement ; que, dès lors, le receveur principal de Rueil-Malmaison, où la société requérante avait son siège, ayant la qualité de comptable de la direction générale des impôts placé sous l'autorité du directeur départemental des services fiscaux des Hauts-de-Seine, doit être regardé comme ayant été compétent pour viser et rendre exécutoire, comme il l'a fait, l'avis de mise en recouvrement émis le 1er septembre 1970 à l'encontre de ladite société ; que celle-ci n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cet avis a été signé par une autorité incompétente ;

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Sur la charge de la preuve :

Considérant que l'imposition litigieuse ayant été établie, ainsi qu'il a été dit, conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts la société requérante a la charge de prouver l'exagération de la base taxable ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a relevé, dans la comptabilité de la société "Delattre et compagnie", en ce qui concerne la période du 1er janvier 1966 au 31 décembre 1967, diverses anomalies et incohérences, consistant notamment en des apports d'origine inexpliquée et en des discordances entre les coefficients de bénéfices bruts ressortant du compte d'exploitation, d'une part, et du dépouillement d'un échantillon représentatif de pièces justificatives, d'autre part ; que si la société requérante soutient que la comparaison des coefficients de bénéfices bruts à laquelle a procédé l'administration n'a pas comporté une analyse suffisamment détaillée par chantier, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation ; qu'il résulte également de l'instruction, en ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 1968, que le journal général et le livre d'inventaire n'étaient pas correctement servis et que le livre d'inventaire que la société a produit devant le Conseil d'Etat ne comportait pas le détail des stocks ; que dans ces conditions, la société requérante ne saurait être regardée comme apportant, pour l'ensemble de la période d'imposition, la preuve comptable de l'exagération de sa base taxable ;

Considérant, en second lieu, que, pour apporter la preuve extra-comptable de l'exagération de ses bases d'imposition, la société requérante, sans soutenir que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires utilisée par le vérificateur était viciée dans son principe, se borne à alléguer que l'application de cette méthode aurait eu pour effet d'affecter la base taxable d'une double incidence de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction que la méthode retenue par

l'administration a consisté à appliquer au prix d'achat des fournitures et aux charges de main-d'oeuvre, non pas, ainsi que le soutient la société, les coefficients théoriques définis par l'académie d'architecture pour la détermination du chiffre d'affaires toutes taxes comprises, mais les coefficients qui, tirés des données d'exploitation de l'entreprise, permettent de déterminer le chiffre d'affaires hors taxe ; qu'en ajoutant au chiffre d'affaires ainsi établi l'incidence de la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration n'a donc pas indûment majoré la base taxable ;

Sur les pénalités :

Considérant que l'administration ne démontre pas que la société requérante ait sous-évalué son chiffre d'affaires déclaré dans des conditions de nature a établir l'absence de bonne foi ; que la société est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont maintenu les pénalités auxquelles elle a été assujettie sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en ce qui concerne la période du 1er janvier 1966 au 31 mars 1969 il y a lieu d'une part de substituer aux pénalités de 50 % qui ont été appliquées à la société, les intérêts de retard calculés comme il est dit à l'article 1727 du code général des impôts, dont le montant doit, toutefois, être limité à celui des majorations indûment appliquées, et, d'autre part, de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la société "Delattre et compagnie" ;

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé à la société à responsabilité limitée "Delattre et Compagnie" la décharge de rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1965. .Des intérêts de retard calculés comme il est dit à l'article 1727 du code général des impôts sont substitués aux majorations de 50 % auxquelles la société a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1966 au 31 mars 1969, dans la limite du montant de ces majorations.

CE, sect., avis, 5 avril 1996, req. n° 176 611, M. Guy Houdmond Vu, enregistré le 3 janvier 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 20 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande de M. Guy Houdmond tendant à la décharge des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires à

l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982, 1984 et 1985, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du Contentieux administratif, de transmettre le

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dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs des infractions commises avant son entrée en vigueur n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, est-il applicable aux majorations de droits pour mauvaise foi ?

2°) dans l'affirmative, pour déterminer la loi applicable, convient-il de se placer, s'agissant de plein contentieux, à la date à laquelle le juge de l'impôt statue et sinon à quelle autre date ?

3°) le juge de l'impôt doit-il appliquer d'office la majoration la moins forte lorsque le requérant n'en conteste pas expressément le taux ?

4°) pour déterminer, le cas échéant, si les nouvelles dispositions de l'article 1729 du code général des impôts constituent une sanction plus douce que celles qui ont été appliquées au contribuable, faut-il comme le demande l'administration prendre en compte le montant de la majoration de 40% et les intérêts de retard que le nouveau texte permet de cumuler ?

5°) le juge fiscal doit-il condamner lui-même le requérant à payer la majoration de droits pour mauvaise foi et, dans l'affirmative, a-t-il le pouvoir de moduler le taux de cette majoration pour tenir compte de la gravité de la fraude commise par l'intéressé ?

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son préambule ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 publié par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et, notamment, son article 12 aux termes duquel : "Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai" ;

Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, modifié, par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

(…)

1° - Le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, s'étend aux majorations de droits pour mauvaise foi prévues par l'article 1729-1 du code général des impôts. En effet, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation d'un préjudice pécuniaire, ces majorations constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des sanctions soumises au principe de nécessité des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires".

2° et 3° - Dès lors qu'une contestation propre aux pénalités a été présentée au juge de l'impôt, il appartient à celui-ci d'examiner d'office s'il y a lieu de faire application de la loi répressive nouvelle plus douce. Dans cette hypothèse, en effet, il ne pourrait statuer sur le moyen dont il est saisi, sans méconnaître lui-même le champ d'application de la loi dans le temps. Pour déterminer la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, le juge de l'impôt doit, comme juge de plein contentieux, se placer à la date à laquelle il statue.

4° - Aux termes du I a) de l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, repris au premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts : "Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions". Le III du même article repris à l'article 1729-I du code précité, dispose, quant à lui, que "Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné au II font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à

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la charge du contribuable est assorti : 1°) de l'intérêt de retard visé au paragraphe I ... 2°) et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ...". Il résulte de ces dispositions que les intérêts de retard n'ont pas le caractère d'une sanction mais celui d'une réparation du préjudice pécuniaire subi par le Trésor en cas de paiement insuffisant ou tardif ou en cas de défaut de paiement de l'impôt. Par suite, pour déterminer si les dispositions de l'article 1729-I du code général des impôts dans leur rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987 instituent une sanction plus douce que celle prévue par la législation en vigueur avant l'intervention de cette loi, il convient de ne prendre en compte que le taux de majoration prévu par le nouveau texte en cas d'absence de bonne foi à l'exclusion des intérêts de retard. Pour procéder à la comparaison qu'impliquent les principes énoncés ci-dessus, il y a lieu de ne prendre en compte que la part de majorations qui, en vertu des règles antérieurement applicables, présentait le caractère d'une sanction. Il convient donc d'en défalquer la fraction correspondant aux intérêts qui étaient en

tout état de cause maintenus lorsque le juge était conduit à prononcer la décharge des pénalités. Il suit de là que le juge ne doit appliquer le taux de 40 % que s'il ressort du dossier que cette comparaison en fait apparaître le caractère moins sévère.

5° - Lorsqu'il y a lieu de faire application de la loi répressive nouvelle plus douce, le juge de l'impôt doit substituer lui-même les pénalités résultant de l'application de cette loi aux majorations établies par l'administration. La loi précitée du 8 juillet 1987, comme celle antérieurement en vigueur, qui proportionne les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, a prévu l'application de taux de majorations différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur la qualification retenue par l'administration, doit appliquer le taux de majoration prévu en ce cas par la loi sans pouvoir le moduler pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable.

CE, 28 octobre 2002, req. n° 227 610, SARL Lobelle Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2000 et 29 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LOBELLE, dont le siège est 7, rue Joséphine à La Madeleine (59110) ; la SARL LOBELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 septembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 9 novembre 1995 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984, et de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er juillet 1981 au 31 décembre 1985 ;

2°) d'ordonner la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

(…)

Considérant qu'aux termes de l'article 1733 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 8 juillet 1987 : "En cas de taxation d'office à défaut de déclaration dans les délais prescrits, les droits mis à la charge du contribuable sont majorés du montant de l'intérêt de retard prévu à l'article 1728, sans que ce montant puisse être inférieur à 10 % des droits dus pour chaque période d'imposition. La majoration est de 25 % si la déclaration n'est pas parvenue à l'administration dans un délai de trente jours à partir de la notification par pli recommandé d'une mise en demeure d'avoir à la produire dans ce délai. Si la déclaration n'est pas parvenue dans un délai de trente jours après une nouvelle mise en demeure notifiée par l'administration dans les mêmes formes, la majoration est de 100 %" ; qu'aux termes de l'article 1734 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "Les intérêts de retard sont calculés à partir du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt aurait dû être acquitté à Le calcul des intérêts de retard est arrêté le dernier jour du mois de paiement" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SARL LOBELLE n'a déposé que les 13 et 20 mars 1984 ses déclarations afférentes à l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos respectivement le 30 juin

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1982 et le 30 juin 1983 ; que le 29 mai 1986, l'administration a établi au titre de ces deux exercices des impositions complémentaires de 63 325 F et 8 595 F, mises en recouvrement le 30 juin 1987 et assorties de la majoration de 100 % prévue en cas de déclaration tardive par l'article 1733 précité ; que les droits résultant des déclarations en date des 13 et 20 mars 1984, soit 123 755 F et 126 420 F, ont également été frappés d'une pénalité de 100 % pour déclaration tardive, mise en recouvrement le 31 décembre 1990 ;

Considérant que, dans la comparaison qu'implique la mise en .uvre du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, la SARL LOBELLE fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que les pénalités qui lui ont été infligées en vertu de l'article 1733 précité étaient plus légères que celles qu'elle aurait encourues en application de l'article 1728 nouveau du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987 susvisée ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de ladite loi du 8 juillet 1987 : "Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %" ; qu'aux termes du 2 du même article : "Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté soit au dernier jour du mois de la notification de redressement, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé" ; qu'aux termes du 3 du même article : "La majoration visée au 1 est portée à à 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure" ;

Considérant, en premier lieu, que lorsque l'administration redresse des bases d'imposition déclarées plus de trente jours après une deuxième mise en demeure, la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 précité, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, s'applique, contrairement à ce que soutient la requérante, à l'ensemble des droits dus par le contribuable, qu'ils résultent de la déclaration déposée tardivement ou du redressement effectué après cette déclaration

tardive ; que c'est donc sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Douai a jugé que le montant des pénalités auxquelles la société requérante aurait été soumise en application des dispositions nouvelles issues de la loi du 8 juillet 1987 devait être calculé en appliquant un taux de 80 % à l'ensemble des droits mis à la charge du contribuable et non uniquement à ceux qui résultaient de ses déclarations ; que, dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la cour n'a pas relevé d'office qu'à l'occasion du redressement du 29 mai 1986, l'administration n'avait retenu à l'encontre de la société contribuable ni la qualification de mauvaise foi, ni celle de manoeuvre frauduleuse ;

Considérant, en second lieu, que pour l'application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, il y a lieu de comparer, non pas le montant total des sommes mises à la charge du contribuable, mais uniquement celui des majorations présentant un caractère de sanction à l'exclusion des sommes dues au titre des intérêts de retard ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la majoration effectivement appliquée, au taux de 100 % alors prévu par l'article 1733 du code général des impôts, aux droits mis à la charge de la société requérante excèderait, après défalcation des intérêts de retard qui auraient été encourus à défaut de cette majoration, la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987 ; que la cour administrative d'appel n'a donc pas méconnu le principe de la loi répressive plus douce, en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de faire application à la requérante des dispositions issues de la loi du 8 juillet 1987, alors même que le montant global des pénalités et des intérêts supportés par la requérante sous l'empire de ces nouvelles dispositions serait supérieur à la majoration de 100 % qu'elle aurait simplement encourue en application des anciennes dispositions de l'article 1733 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL LOBELLE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LOBELLE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL LOBELLE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 - SUR L'ARTICLE 15 :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la loi déférée : " Dans les entreprises et établissements de la branche des hôtels, cafés et restaurants, les majorations et repos compensateurs pour les heures qui peuvent être effectuées entre la trente-sixième et la trente-neuvième heure par les salariés autres que ceux exerçant des activités de nature administrative hors sites d'exploitation sont dues sous la forme forfaitaire de six jours ouvrables supplémentaires aux congés visés à l'article L. 223-2 du code du travail, ainsi que d'un jour férié supplémentaire à partir du 1er juillet 2006. Ces jours supplémentaires peuvent être décomptés des congés de même nature ou ayant le même objet en application d'un accord collectif ou d'une décision de l'employeur. - Les heures comprises entre la trente-sixième et la trente-neuvième heure ouvrent droit aux mêmes exonérations que les heures comprises dans la durée légale du travail. - Ces dispositions sont applicables pour la période allant du 1er janvier 2005 à la conclusion d'un accord de branche sur le temps de travail, et au plus tard jusqu'au 31 janvier 2007 " ;

16. Considérant que les requérants soutiennent que cette disposition ne trouverait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale ; qu'ils ajoutent qu'elle aurait pour objet de censurer une décision de justice et que sa portée rétroactive ne serait justifiée par aucun intérêt général suffisant ;

17. Considérant, en premier lieu, que l'article critiqué a pour objet de remédier à certaines difficultés nées de la décision du Conseil d'État du 18 octobre 2006 susvisée ; qu'en prévoyant que les majorations et repos compensateurs pour les heures comprises entre la trente-sixième et la trente-neuvième seront dus sous la forme de jours de congés supplémentaires, il emporte réduction de l'assiette des cotisations sociales et constitue, dès lors, au sens du V de l'article L.O. 111-3, une disposition " ayant un effet sur les recettes de l'année des régimes obligatoires de base " ;

18. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ;

19. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

20. Considérant, d'une part, que la décision du Conseil d'État du 18 octobre 2006 susvisée a annulé le décret n° 2004-1536 du 30 décembre 2004 qui, à la suite d'un accord conclu dans la branche des hôtels, cafés et restaurants, avait fixé, selon les cas, à 37 ou 39 heures la durée hebdomadaire de travail équivalente à la durée légale ; qu'elle a sanctionné la soumission à ce régime d'équivalence de l'ensemble des salariés de ce secteur et non, comme le prescrit l'article L. 212-4 du code du travail, des seuls emplois comportant des périodes d'inaction ; que, si l'article 15 de la loi déférée corrige les effets de cette décision, il ne porte pas atteinte à son dispositif et ne méconnaît pas ses motifs ; qu'en particulier, il exclut de son champ d'application les salariés " exerçant des activités de nature administrative hors sites d'exploitation " ; qu'il ne peut donc être regardé comme ayant pour objet ou pour effet de censurer une décision de justice ;

21. Considérant, d'autre part, qu'en prévoyant que le bénéfice d'une sixième semaine de congés payés et de jours fériés supplémentaires équivaudrait à la rémunération des majorations pour heures supplémentaires et à l'attribution éventuelle d'un repos compensateur pour les heures comprises entre la trente-sixième et la trente-neuvième, le législateur a entendu remédier aux effets rétroactifs de la décision du Conseil d'État sans porter atteinte aux intérêts des personnes concernées ; qu'il a conservé aux salariés le bénéfice des six jours ouvrables supplémentaires de congé prévus par l'avenant à la convention collective, dont l'extension avait également été annulée par le Conseil d'État ; qu'il a pris en compte la situation de ce secteur d'activité, qui joue un rôle essentiel pour l'économie nationale et l'emploi, en évitant

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notamment aux petites entreprises des reconstitutions rétroactives de rémunération et de périodes de congés très complexes ; qu'il a conforté la sécurité juridique des employeurs et des employés de ce secteur en remédiant aux incertitudes sur les règles de droit applicables résultant de ce que le décret antérieur de 1999 fixait une durée hebdomadaire de travail supérieure à 43 heures et se trouvait entaché du même vice que celui relevé par le Conseil d'État ; qu'il n'a privé de garanties légales aucune exigence

constitutionnelle ; que, dès lors, la mesure qu'il a adoptée, limitée dans le temps et dans sa portée, répond à un but d'intérêt général suffisant ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 15 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;

D É C I D E : Article 2.- Sont déclarés conformes à la Constitution les articles 15, 24, 102 et 106 de la même loi.

Décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 Sur l'article 37 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi déférée : " Par dérogation aux articles L. 162-9 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, la part prise en charge par l'assurance maladie des cotisations exigibles en 2009 en application de l'article L. 722-4 du même code par les chirurgiens-dentistes exerçant dans le cadre de la convention prévue à l'article L. 162-9 du même code est déterminée par une décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie prise après avis des organisations syndicales nationales représentatives de la profession " ;

5. Considérant que, selon les sénateurs requérants, cet article n'aurait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale ; qu'ils soutiennent, en outre, que la modification de l'assiette et du taux des cotisations des chirurgiens-dentistes ressortirait aux principes fondamentaux de la sécurité sociale et que, dès lors, le législateur aurait méconnu l'étendue de la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution ;

6. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée a pour objet de permettre au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de réduire, pour l'année 2009, la prise en charge par ces caisses d'une part des cotisations d'assurance maladie des chirurgiens-dentistes ; que, compte tenu de son effet, estimé à plus de cent millions d'euros, sur les dépenses des régimes obligatoires de base, cette disposition peut figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi détermine les principes fondamentaux... de la

sécurité sociale " ; que, si doit être comprise au nombre de ces principes fondamentaux la détermination des catégories de personnes assujetties à l'obligation de cotiser, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer le taux de la part qui incombe à chacune de ces catégories dans le paiement de la cotisation ; que, dès lors, doit être écarté le grief tiré de ce que seule la loi pouvait modifier le montant dont les chirurgiens-dentistes devront effectivement s'acquitter au titre de l'assurance maladie pour l'année 2009 ;

8. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant la mise en œuvre des principes posés par la loi, pourvu que cette habilitation ne concerne que des mesures limitées tant par leur champ d'application que par leur contenu ;

9. Considérant que le pouvoir conféré au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, établissement public de l'État, par la disposition contestée ne porte que sur la fixation de la participation des caisses aux cotisations d'assurance maladie d'une seule catégorie de professionnels et pour la seule année 2009 ; que, dès lors, par son objet et son champ d'application précisément circonscrits, cette disposition ne méconnaît pas l'article 21 de la Constitution ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ;

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11. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

12. Considérant qu'en application de l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, une convention nationale, en date du 11 mai 2006, approuvée par arrêté interministériel du 14 juin 2006, a fixé pour cinq ans les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes ; qu'en application de l'article L. 162-14-1 du même code, l'article 6.3 de cette convention a défini les modalités de participation des caisses au financement des cotisations d'assurance maladie ; que la décision du Conseil d'État du 16 juin 2008 susvisée a annulé l'arrêté du 14 juin 2006 " en tant qu'il approuve les dispositions de l'article 6.3 de la convention nationale des chirurgiens-dentistes prévoyant que l'assiette de prise en charge des cotisations maladie pour le régime des praticiens et auxiliaires médicaux s'applique aux cotisations au titre de la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2007 " ;

13. Considérant, d'une part, qu'il résulte des travaux parlementaires que l'article 37 de la loi déférée a pour objet de permettre, par une minoration de la part des cotisations prise en

charge par les caisses au titre de l'année 2009, de tenir compte des conséquences financières de l'application de la décision du Conseil d'État ; que, si la disposition contestée compense les effets de cette décision, elle n'a pas pour effet de rétablir l'acte annulé en ce qu'il méconnaissait le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires ; qu'elle ne porte pas atteinte au dispositif de cette décision et ne méconnaît pas ses motifs ; qu'elle ne peut donc être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de censurer une décision de justice ;

14. Considérant, d'autre part, qu'en confiant au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie le soin de déterminer, pour la seule année 2009, la part prise en charge par l'assurance maladie des cotisations exigibles des chirurgiens-dentistes conventionnés, le législateur a entendu permettre de rétablir l'économie de la convention passée le 11 mai 2006 entre l'assurance maladie et ces professionnels de santé ; qu'en effet, l'annulation des clauses de cette convention, pour la première année d'application, était de nature à porter atteinte à l'équilibre des avantages réciproquement consentis dans cette convention ; qu'ainsi, la disposition tend à rétablir cet équilibre et à préserver l'équilibre financier de la sécurité sociale ; qu'enfin, elle n'a privé de garanties légales aucune exigence constitutionnelle ; que, dans ces conditions, la mesure adoptée, limitée dans le temps et dans sa portée et strictement proportionnée à l'objectif poursuivi, répond à un but d'intérêt général suffisant ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 37 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; (…) »

CE, 11 juillet 2008, req. n° 298 779, Syndicat de l'industrie de Matériels Audiovisuels Electroniques Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le Syndicat de l'industrie de Matériels Audiovisuels Electroniques, dont le siège est 11-17, rue de l'Amiral Hamelin à Paris Cedex 16 (75783) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction

par un art ou un procédé quelconque » ; qu'aux termes de l'article L. 122-5 du même code : « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (...) / 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des œuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'œuvre originale a été créée et des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l'article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d'une base de données

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électronique (...) » ; qu'en vertu de l'article L. 211-3 de ce code : « Les bénéficiaires des droits ouverts au présent titre ne peuvent interdire : (...) / 2° Les reproductions strictement réservées à l'usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 311-1 : « Les auteurs et les artistes interprètes des œuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites œuvres, réalisées dans les conditions mentionnées au 2° de l'article L. 122-5 et au 2° de l'article L. 211-3. / Cette rémunération est également due aux auteurs et aux éditeurs des œuvres fixées sur tout autre support, au titre de leur reproduction réalisée, dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 122-5, sur un support d'enregistrement numérique » ; que l'article L. 311-4 dispose : « La rémunération prévue à l'article L. 311-3 est versée par le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l'article 256 bis du code général des impôts, de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d'œuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports. / Le montant de la rémunération est fonction du type de support et de la durée d'enregistrement qu'il permet » ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 311-5 : « Les types de support, les taux de rémunération et les modalités de versement de celle-ci sont déterminés par une commission présidée par un représentant de l'Etat et composée, en outre, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les fabricants ou importateurs des supports mentionnés au premier alinéa du précédent article et, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les consommateurs » ;

Considérant que le Syndicat de l'industrie de Matériels Audiovisuels Electroniques demande l'annulation de la décision du 20 juillet 2006 par laquelle la commission prévue à l'article L. 311-5 précité a étendu à certains supports d'enregistrement la rémunération pour copie privée et a fixé les taux de rémunération pour ces supports ; (…) ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation : (…)

Sur les conclusions du ministre de la culture et de la communication tendant à ce que le Conseil d'Etat limite dans le temps les effets de l'annulation :

Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;

Considérant que si la seule circonstance que la rétroactivité de l'annulation pourrait avoir une incidence négative pour les finances publiques et entraîner des complications pour les services administratifs chargés d'en tirer les conséquences ne peut, par elle-même, suffire à caractériser une situation de nature à justifier que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation, il ressort en l'espèce des pièces du dossier que la disparition rétroactive de la décision attaquée, en faisant revivre les règles antérieurement en vigueur dont la légalité serait susceptible d'être contestée pour le même motif, d'une part, serait à l'origine des plus graves incertitudes quant à la situation et aux droits des ayants-droits comme des entreprises contributrices, et, d'autre part, pourrait provoquer des demandes de remboursement ou de versements complémentaires dont la généralisation serait susceptible d'affecter profondément la continuité du dispositif prévu par les articles L. 122-5 et L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'ainsi, une annulation rétroactive de la décision du 20 juillet 2006 aurait, dans les circonstances de

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l'affaire, des conséquences manifestement excessives ; que, dès lors, il y a lieu de ne prononcer l'annulation de cette décision qu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de notification au ministre de la culture et de la communication de la présente décision, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur son fondement ; (…)

Décide :

Article 1er : La décision n° 7 du 20 juillet 2006 de la commission prévue à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle relative à la rémunération pour copie privée est annulée.

Article 2 : L'Etat versera au Syndicat de l'industrie de Matériels Audiovisuels Electroniques la somme

de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le ministre de la culture et de la communication, la société Sorecop et la société Copie France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : L'annulation prononcée par l'article 1er de la présente décision prendra effet à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de sa notification au ministre de la culture et de la communication, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur le fondement des dispositions annulées.

Cass. com, 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-18013, DGI c/ M. Darras, « (…) Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des impôts que sur le pourvoi incident éventuel relevé par M. Darras :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Darras a, dans le cadre de son activité de marchand de biens, fait l'objet, du 20 février 2002 au 22 octobre 2002, d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 1999, 2000 et 2001 ; que l'administration ayant constaté des anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852 du code général des impôts a, le 18 décembre 2002, remis en cause le régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts, sous lequel M. Darras s'était placé ; qu'après rejet de sa demande, ce dernier a assigné le directeur des services fiscaux aux fins d'obtenir le dégrèvement des droits et pénalités mis en recouvrement ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel, dont l'examen est préalable :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer régulière la procédure de redressement à l'encontre de M. Darras, l'arrêt retient que c'est en toute légalité que le vérificateur a agi en se faisant accompagner d'un contrôleur dont le nom et la qualité n'avaient pas été portés au préalable à la connaissance du contribuable ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Darras qui faisait valoir que le contrôle des droits d'enregistrement avait été opéré par un vérificateur territorialement incompétent et que, dans la mesure où l'avis de vérification avait précisé que le contrôle porterait

sur l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées relatives à la période du 1er juin 1998 au 31 mai 2000, les redressements portant sur une période postérieure étaient irréguliers, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et, sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 112 1, alinéa 3, du code pénal et l'article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'aménagement du régime des pénalités ;

Attendu que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, qui s'applique à la matière fiscale, est circonscrit aux seules pénalités fiscales constituant des sanctions qui présentent le caractère d'une punition ; que ce principe n'est pas applicable lorsqu'un texte substitue un dispositif d'amendes fiscales à une mesure qui n'a pas le caractère d'une peine, telle que la déchéance d'un régime de faveur ;

Attendu que pour prononcer la décharge des impositions mises en recouvrement, l'arrêt, après avoir relevé que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens a la nature juridique d'une sanction, retient que l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui abaisse ou supprime de telles sanctions fiscales, est immédiatement applicable aux affaires en cours non encore définitivement jugées, à l'instar d'une loi pénale plus douce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs :

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Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où

elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; (…) »

CE, 27 mai 2009, req. n° 307 957, SNC Saint-Honoré « Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 29 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC Saint Honoré, dont le siège est situé à Paris (75010) ; la SNC Saint Honoré demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 11 mai 2007 de la cour administrative d'appel de Paris par lequel la cour, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 juin 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes de décharge de l'amende prévue par l'article 1768 bis du code général des impôts mise à sa charge au titre des exercices 1992 et 1993, à concurrence de la somme de 41 161,23 euros en ce qui concerne l'amende fiscale appliquée au titre de l'année 1992 et de 8 589,28 euros en ce qui concerne la même amende au titre de l'année 1993, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des amendes fiscales restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; (…)

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos les 31 décembre 1991, 1992 et 1993, la SNC Saint-Honoré, qui exerçait l'activité de marchand de biens, s'est vue notifier l'amende prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article 1768 bis du code général des impôt, à raison du défaut de souscription de la déclaration mentionnée au 1 de l'article 242 ter du même code au titre des intérêts versés aux associés de cette société au cours des années 1992 et 1993, pour des montants s'élevant respectivement à 725 000 F et 155 245 F ; que la SNC Saint Honore se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 mai 2007 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que la cour, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance par l'administration fiscale sur le fondement du principe de l'application de la loi

pénale plus douce à la suite de l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ;

Considérant que lorsque le contribuable soutient que l'avis d'accusé de réception d'un pli recommandé, portant notification de l'engagement d'une vérification de comptabilité, n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit ; que dans le cas où le contribuable n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire des avis litigieux et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli ;

Considérant qu'après avoir relevé dans les motifs de son arrêt, d'une part, que le pli contenant l'avis d'engagement d'une vérification de comptabilité de la SNC Saint-Honoré a été présenté et déposé le 7 juillet 1994 au domicile de Mme A, gérante de cette société, et que l'accusé de réception a été retourné au service, revêtu d'une signature manuscrite et, d'autre part, qu'en vue d'établir que cette signature ne correspondait à celle d'aucune personne habilitée à recevoir le pli recommandé, la SNC Saint-Honoré s'est bornée à fournir une copie d'un exemplaire vierge d'une procuration qui aurait été établie le 24 mai 1989 autorisant l'époux de la gérante à retirer à la poste les plis lui étant destinés mais non enregistrée par les services postaux, un document établi par le centre postal de Paris Louvre en date du 1er décembre 1997 relatif à une autre société dénommée Résidence Damrémont, et, enfin, une étude graphologique en date du 28 août 1998, établie de

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manière non contradictoire à la demande de la gérante de la SNC Saint-Honoré et de son époux, concluant, avec toutes les réserves d'usage, à l'absence d'identité de la signature figurant sur l'avis de réception avec celle des intéressés, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les faits de l'espèce, déduire de ces éléments de fait que la notification de cet avis devait être regardée comme ayant été régulièrement notifiée au contribuable à la date du 7 juillet 1994 et que, par suite, la société requérante n'était pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition suivie à son encontre était irrégulière ;

Sur le bien-fondé de l'amende fiscale en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 242 ter du code général des impôts : 1. Les personnes qui assurent le paiement des revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 125 ainsi que des produits des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont tenues de déclarer l'identité et l'adresse des bénéficiaires ainsi que, par nature de revenus, le détail du montant imposable (...), le revenu brut soumis à un prélèvement libératoire et le montant dudit prélèvement et le montant des revenus exonérés (...) ; que selon les dispositions de l'article 1768 bis du code général des impôts, alors en vigueur : 1. Les personnes qui ne se conforment pas à l'obligation prévue par l'article 242 ter-1 sont personnellement redevables d'une amende fiscale égale à 80 % du montant des sommes non déclarées. / Toutefois, lorsqu'elle est commise dans le délai de reprise mentionné à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et à condition que ce soit la première, l'infraction aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 242 ter du code général des impôts n'est pas sanctionnée si les personnes tenues de souscrire la déclaration prévue par cet article ont réparé leur omission spontanément, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. Lorsque l'omission n'a pas été ainsi réparée, qu'il s'agit de la première infraction et que le contribuable apporte la preuve que le Trésor n'a subi aucun préjudice, l'infraction n'est sanctionnée que par une amende forfaitaire de 5 000 F (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que la dispense de l'amende de 80 % du montant des sommes non déclarées était subordonnée à la double condition que l'omission déclarative soit la première commise par l'établissement payeur et ait été spontanément réparée par ce dernier, tandis que la sanction forfaitaire de 5 000 F n'était applicable qu'en cas de première infraction et à la condition que l'établissement payeur démontre que les

personnes bénéficiaires des versements opérés par lui avaient déclaré les sommes dont s'agit au titre de leurs revenus imposables ; que les dispositions précitées de l'article 1768 bis du code général des impôts, qui ont été abrogées par l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, ont été remplacées par celles de l'article 1736-I-1 du code général des impôts, institué par la loi du 30 décembre 2005 portant loi de finances rectificative pour 2005, lesquelles punissent désormais d'une amende d'un montant de 50 % des sommes non déclarées les contribuables qui ne se conforment pas aux obligations prévues au 1 de l'article 242 ter du code précité, maintiennent la dispense de cette pénalité en cas de réparation de l'omission déclarative, et suppriment la possibilité de limitation de celle-ci à un montant forfaitaire ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si l'administration fiscale a accepté, dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 10 mai 1995, de substituer l'amende forfaitaire de 5 000 F prévue au deuxième alinéa de l'article 1768 bis du code général des impôts à la pénalité de 80 % initialement notifiée à la société, la réduction de la sanction infligée ne portait que sur les seules sommes versées par la SNC SAINT-HONORE à son actionnaire, la SARL Résidence Damrémont, pour lesquelles l'identité du bénéficiaire a été régulièrement déclarée, et non sur les intérêts perçus par les époux A à raison des sommes placées sur leur compte courant d'associé, pour lesquelles l'amende de 80 % a été maintenue ; qu'il suit de là qu'en relevant, pour écarter les conclusions principales de la société tendant à la décharge totale de l'amende, que la SNC Saint Honoré n'a pas déclaré lors de leur versement l'identité et l'adresse des bénéficiaires des intérêts sur comptes courants d'associés comptabilisés en charges financières au titre des exercices 1992 et 1993 s'agissant des sommes versées aux époux A, ni spontanément rectifié cette omission déclarative, et en déduisant de ces éléments de faits que la circonstance, à la supposer établie, que les époux A aient déclaré ces intérêts dans leurs déclarations de revenus, qui n'aurait eu d'incidence que sur l'application éventuelle de l'amende forfaitaire, était à cet égard sans influence sur le bien-fondé des amendes notifiées à la société, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas dénaturé les pièces du dossier et a fait une exacte application des dispositions de l'article 1768 bis du code général des impôts ;

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Considérant, en second lieu, que l'application des dispositions précitées de l'article 1768 bis relatives aux règles d'application de l'amende forfaitaire de 5 000 F prévue au deuxième alinéa de cet article était notamment subordonnée à l'absence d'infraction antérieure de même nature ; que dans sa rédaction en vigueur à la date de l'infraction, aucune disposition de ce texte n'imposait à l'administration de ne prendre en compte, pour l'appréciation de cette condition, que les seules infractions constatées dans le délai de reprise défini à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; qu'en tout état de cause, ces dernières dispositions, aux termes desquelles le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, ne font pas obstacle à l'exercice du droit de vérification de l'administration à l'égard de périodes prescrites dont les opérations ont une incidence sur les impositions dues au titre d'une période ultérieure, non couverte par la prescription, ou à ce que l'administration prenne en considération des éléments de fait constatés lors de la vérification d'un exercice prescrit pour apprécier le comportement du contribuable en matière d'omissions déclaratives et l'absence de préjudice subi par le Trésor, sous réserve qu'aucun redressement ou pénalité ne soit mis à la charge du contribuable au titre de cet exercice ; que, par suite, en relevant, sur le fondement de l'instruction, qu'au titre de l'exercice 1991, la société requérante n'avait pas davantage déclaré l'identité et l'adresse des bénéficiaires des intérêts litigieux et en jugeant que la circonstance que cette année ait été prescrite pour la mise en

recouvrement des impositions était sans incidence sur la validité de la constatation des éléments constitutifs de l'infraction, pour en déduire que les conclusions subsidiaires de la requête de la SNC Saint Honoré tendant à la réduction de la pénalité qui lui a été infligée à l'amende forfaitaire de 5 000 F ne pouvaient qu'être rejetées, dès lors que ni l'infraction relevée au titre de l'exercice 1992, ni celle constatée au titre de l'exercice 1993 ne constituaient une première infraction au sens des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 1768 bis du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Saint-Honoré n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SNC Saint Honoré au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la SNC Saint Honoré est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SNC Saint Honoré et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Décision n°2010-19/27 QPC, 30 juillet 2010, Époux P. et a LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu l'article 94 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 84 184 DC du 29 décembre 1984 ; Vu l'article 108 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 89 268 DC du 29 décembre 1989 ; Vu l'article 49 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence ; Vu l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu le décret n°

85-1008 du 24 septembre 1985 portant incorporation au livre des procédures fiscales de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce livre ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. et Mme P. par Me Patrick Philip, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 24 juin 2010 ; Vu les observations produites pour la société WEBTEL-GSM LLC, Mme D. et M. C. par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 1er juillet 2010 ; Vu les observations produites pour la SARL DEG CONSEILS par la SCP Hélène Didier et François

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Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 25 juin et 6 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Patrick Philip pour M. P., Me François Pinet pour la SARL DEG CONSEILS, Me Alain-François Roger pour la société WEBTEL-GSM LLC, Mme D. et M. C. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; - SUR L'ARTICLE L. 16 B DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES DANS SA VERSION ISSUE DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 SUSVISÉE :

2. Considérant que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales fixe le cadre légal des visites et saisies effectuées par les agents de l'administration fiscale ; que, dans sa rédaction résultant de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée, cet article dispose : « I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. « II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. « Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. « L'ordonnance

comporte : « ° l'adresse des lieux à visiter ; « ° le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite. « ° la mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix. « L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. « Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés au I sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au IV. « La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. À cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. « Il désigne un officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. « Il peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention. « À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite. « L'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. « L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis. « À défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de justice. « Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance. « L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. « Le greffe du

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tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter. « L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « III. La visite, qui ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts. « Les agents de l'administration des impôts mentionnés au I peuvent être assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs. « Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. « L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ; l'article 58 de ce code est applicable. « IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. « Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi. « V. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'auteur présumé des agissements mentionnés au I, nonobstant les dispositions de l'article L. 103. « Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente. « Le procès-verbal et l'inventaire

mentionnent le délai et la voie de recours. « Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionnés au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif. « L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 » ;

3. Considérant que, selon les requérants, les visites et saisies par des agents de l'administration fiscale portent atteinte à l'inviolabilité du domicile, au droit de propriété, au droit à un recours juridictionnel effectif et au respect des droits de la défense ; qu'ils soutiennent, en particulier, que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'impose au juge ni de mentionner dans l'ordonnance d'autorisation la possibilité et les modalités de sa saisine en vue de la suspension ou de l'arrêt de la visite, ni d'indiquer ses coordonnées pour que soit assuré le caractère effectif du contrôle de ces opérations ;

4. Considérant que la disposition contestée a pour origine l'article 94 de la loi du 29 décembre 1984 susvisée ; que cet article a été spécialement examiné et déclaré conforme à la Constitution dans les considérants 33 à 35 de la décision du 29 décembre 1984 susvisée ; que, postérieurement à son insertion dans le livre des procédures fiscales, il a été modifié par l'article 108 de la loi du 29 décembre 1989, l'article 49 de la loi du 15 juin 2000 et l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisées ;

5. Considérant que l'article 108 de la loi du 29 décembre 1989 a inséré dans l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des dispositions qui constituent les alinéas 3 à 7 et 15 à 17 de son paragraphe II ; que ces dispositions ont été spécialement examinées et déclarées conformes à la Constitution dans les considérants 91 à 100 de la décision du 29 décembre 1989 susvisée ;

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6. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;

7. Considérant que le VI de l'article 49 de la loi du 15 juin 2000 susvisée a pour seul objet de confier au juge des libertés et de la détention, et non plus au président du tribunal de grande instance, le pouvoir d'autoriser les visites prévues par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'il ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ;

8. Considérant que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 a inséré dans l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des dispositions qui constituent les alinéas 6 et 7, 14 et 16 à 21 de son paragraphe II ainsi que la dernière phrase du premier alinéa de son paragraphe V et les alinéas 3 à 6 de ce même paragraphe ; qu'il a introduit dans la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des garanties supplémentaires pour les personnes soumises à ces visites en leur ouvrant la faculté de saisir le premier président de la cour d'appel d'un appel de l'ordonnance autorisant la visite des agents de l'administration fiscale ainsi que d'un recours contre le déroulement de ces opérations ;

9. Considérant que, d'une part, le quinzième alinéa du paragraphe II de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que l'ordonnance est notifiée verbalement sur place au moment de la visite ; qu'à défaut d'occupant des lieux ou de son représentant, elle est notifiée par lettre recommandée ou, à défaut, par voie d'huissier de justice ; que le dix-septième alinéa de cet article prévoit que « le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance » ; que, d'autre part, si les dispositions contestées prévoient que l'ordonnance autorisant la visite est exécutoire « au seul vu de la minute » et que l'appel n'est pas suspensif, ces dispositions, indispensables à l'efficacité de la procédure de visite et destinées à assurer la mise en œuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, ne portent pas atteinte au droit du requérant d'obtenir, le cas échéant, l'annulation des opérations de visite ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, doit être écarté ;

10. Considérant qu'en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner les griefs formés contre les dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution dans les décisions susvisées ; que,

par suite, les griefs tirés de l'atteinte au droit de propriété et de la méconnaissance de l'inviolabilité du domicile ou de l'atteinte à l'article 66 de la Constitution, qui visent des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution, doivent être écartés ;

- SUR LES 1° ET 3° DU PARAGRAPHE IV DE L'ARTICLE 164 DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 SUSVISÉE :

11. Considérant que le 1° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée a pour objet d'ouvrir, dans des conditions analogues à celles que prévoit l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, un appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, pour les procédures de visite et de saisie pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la réforme de cette procédure ; que le 3° du paragraphe IV du même article fixe les modalités de l'information des contribuables sur ces droits ;

12. Considérant qu'aux termes du 1° du paragraphe IV de cet article 164 : « Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : « a) Lorsque les procédures de visite et de saisie ont été réalisées à compter du 1er janvier de la troisième année qui précède l'entrée en vigueur de la présente loi et n'ont donné lieu à aucune procédure de contrôle visée aux articles L. 10 à L. 47 A du livre des procédures fiscales ; « b) Lorsque les procédures de contrôle visées aux articles L. 10 à L. 47 A du même livre mises en œuvre à la suite des procédures de visite et de saisie réalisées à compter du 1er janvier de la troisième année qui précède l'entrée en vigueur de la présente loi se sont conclues par une absence de proposition de rectification ou de notification d'imposition d'office ; « c) Lorsque les procédures de contrôle mises en œuvre à la suite d'une procédure de visite et de saisie n'ont pas donné lieu à mise en recouvrement ou, en l'absence d'imposition

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supplémentaire, à la réception soit de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57 du même livre, soit de la notification prévue à l'article L. 76 du même livre, soit de la notification de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou par la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; « d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel » ;

13. Considérant qu'aux termes du 3° du paragraphe IV du même article : « Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai » ;

14. Considérant que, selon le premier requérant, ces dispositions méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacré par l'article 8 de la Déclaration de 1789, le droit de consentir à l'impôt, prévu par son article 14, et le principe de la séparation des pouvoirs garanti par son article 16 ;

15. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée n'institue ni une incrimination ni une peine ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère doit être écarté ; 16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de

l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique... » ; que les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 14 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

17. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ;

18. Considérant que, d'autre part, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

19. Considérant que les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée reconnaissent à certains contribuables ayant fait l'objet, avant l'entrée en vigueur de cette loi, de visites par des agents de l'administration fiscale, le droit de former un appel contre l'ordonnance ayant autorisé cette visite ou un recours contre le déroulement de ces opérations ; qu'ils font ainsi bénéficier rétroactivement ces personnes des nouvelles voies de recours désormais prévues par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'ils n'affectent donc aucune situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la

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Déclaration de 1789 ;

20. Considérant que les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la même loi, ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE : Article 1er.- Les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la même loi sont conformes à la Constitution.

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Séance 3 Les sources interprétatives I

I. Bibliographie ∗ S. AUSTRY, « Garanties contre les changements de doctrine : confirmations et innovation », RJF 1996

n° 7 p.478 ∗ M. COZIAN, « Comment les femmes rousses ont obtenu une réduction du montant de leur taxe

d’habitation », LPA 2000 n° 251 p. 3. ∗ E. MIGNON, « Doctrine administrative : jurisprudence récente, questions en suspens », RJF 6/00 p. 487

II. Documents ∗ CE, plén.,18 mars 1988, req. n° 73 693, Ministre de l’économie, des finances et du budget c/ M. Michel

Firino Martel, Rec Cons. d’Et. p. 126. ∗ CE, ass., avis, 8 avril 1998, req. n° 192 539, Société Distributrice de chaleur de Meudon et d’Orléans

(SDMO), Rec. Cons. d’Et. p. 170. ∗ CE, ass., 8 avril 1998, req. n° 189179, SA Gras-Savoye, Rec. Cons. d’Et. p. 155. ∗ CE, 18 mai 2005, req n° 261 623, Ministre de l'économie, des Finances et de l'industrie c/ Banque

Populaire Loire et Lyonnais, Rec. Cons. d’Et. p. 206 ; ∗ CE, 6 mars 2006, req. n° 262 982, Syndicat national des enseignants et artistes, RJF, 5/06, n° 573 (Sujet

d’examen 2006-2007) ; ∗ CE, 30 mars 2007 n° 287 600, Ministre du budget c/ GFA Domaine du Font Mars, RJF 6/07, n°723. ∗ CE, 5 février 2009, req. n° 303425, M. et Mme Dozorme, à paraître ∗ CAA Paris, plén., 25 mars 2010, n° 08PA03658, SARL À la Frégate, DF, 2010, n°36, comm. 465.

III. Exercices ∗ Faire le commentaire de l’arrêt CE, 30 mars 2007 n° 287600, Ministre du budget c/ GFA

Domaine du Font Mars.

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CE, plen., 18 mars 1988, Ministre de l’économie, des finances et du budget c/ M. Michel Firino Martell, Rec. Cons. d'Et. p. 126. Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 28 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1) annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 1985 en tant que, par ce jugement, le tribunal a accordé à M. Michel Firino Martell (les héritiers) une réduction de l'imposition à l'impôt sur le revenu à laquelle ce contribuable a été assujetti au titre de l'année 1977 ;

2) rétablisse M. Michel Firino Martell (les héritiers) sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1977 à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été assignés;

(…)

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Michel Firino Martell a cédé à un tiers, le 31 décembre 1971, le domaine agricole qu'il exploitait et dont les bénéfices étaient imposables à l'impôt sur le revenu sous le régime du forfait légal ; qu'ayant procédé, en 1974, 1975 et 1977, à la vente de stocks d'eau de vie de cognac provenant du produit des récoltes levées sur ce domaine, il doit être regardé comme ayant, ce faisant, poursuivi, au cours de ces années, son activité d'exploitant agricole ; que les profits qu'il a réalisés de ce chef devaient, en vertu de l'article 63 du code général des impôts, être imposées à l'impôt sur le revenu en tant que bénéfices agricoles et, eu égard au montant des recettes brutes qu'il a perçues à cette occasion, selon le régime d'imposition d'après le bénéfice réel, par application des dispositions de l'article 69-A ;

Considérant, toutefois, que les héritiers de M. Michel Firino Martell, décédé en 1979, se sont, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, prévalus devant le tribunal administratif de Paris de l'interprétation de la loi fiscale qui a été exprimée par le ministre des finances dans sa réponse à la question écrite de M. Crépeau, député, publiée au journal officiel des débats de l'Assemblée Nationale du 24 août 1974, selon laquelle les ventes, par un exploitant qui cesse son activité agricole, de cognacs stockés pendant la période d'exploitation au cours de laquelle il relevait du régime forfaitaire ne peuvent être à

nouveau soumises à l'impôt sur le revenu dès lors qu'elles sont censées avoir été déjà taxées ; que, par le jugement du 2 juillet 1985, le tribunal administratif de Paris, devant lequel lesdits héritiers ne faisaient valoir que les prétentions ci-dessus analysées, a prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils avaient été assujettis, par voie de rôle établi le 31 décembre 1980, au titre des années 1974, 1975, et 1977, en se fondant sur ce que ladite interprétation était opposable à l'administration ; que le ministre chargé du budget fait appel de ce jugement en tant qu'il concerne l'imposition établie au titre de l'année 1977 ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris au deuxième alinéa de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : "Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ;

Considérant que, pour déterminer si une somme dont un contribuable a disposé au cours d'une année est passible de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, selon quelles modalités ou à quel taux, il y a lieu, sauf disposition législative contraire, de rechercher quelle est la loi en vigueur au 31 décembre de ladite année ou, lorsque l'impôt s'applique aux résultats d'un exercice, à la date de clôture de cet exercice ; que, lorsque le contribuable, pour faire échec à la loi fiscale, se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées, d'une interprétation plus favorable que l'administration avait fait connaître, il y a lieu, pour le juge de l'impôt, de rechercher si, à la date du 31 décembre de l'année d'imposition ou à celle de la clôture de l'exercice, selon le cas, l'interprétation administrative propre à faire obstacle à la loi, ainsi invoquée, n'avait pas été rapportée ; que les dispositions précitées de l'article 1649 quinquies E ne contiennent sur ce point aucune dérogation aux règles qui gouvernent l'assiette des impositions à l'impôt sur le revenu ;

Considérant qu'il n'est pas allégué que M. Firino Martell aurait clos à une date autre que celle du 31

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décembre 1977 l'exercice correspondant à son activité agricole imposable ;

Considérant que l'instruction administrative du 14 juin 1977 relative au régime d'imposition des bénéfices agricoles, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts du même mois, précise que les profits que procure à un ancien agriculteur la vente de stocks qu'il a conservés après cession ou cessation de son exploitation constituent des bénéfices agricoles, sous réserve que les ventes ne soient pas faites au détail dans une installation commerciale permanente ou à l'aide d'un personnel spécial, et que les recettes provenant de la vente de stocks après cession ou cessation d'activité doivent, sous réserve qu'elles ne présentent pas un caractère commercial, être prises en compte pour l'appréciation de la limite de 500 000 F prévue à l'article 69 A du code général des impôts; que ces dispositions, qui ne comportent aucune restriction à l'égard de certains produits agricoles, ont eu pour effet de mettre fin, selon un mode de publicité suffisant, à l'interprétation contraire que le ministre des finances avait fait connaître dans sa réponse susmentionnée ; que, dès lors, et nonobstant la circonstance que les ventes qui sont à l'origine du revenu imposable ont été réalisées, en mai 1977, par M. Michel Firino Martell à une date où le ministre des finances

n'avait pas encore fait connaître qu'il abandonnait l'interprétation contenue dans cette réponse, aucune interprétation susceptible de faire échec à la loi fiscale n'était opposable à l'administration et, par suite, au juge de l'impôt, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quiquies E du code général des impôts, à la date du 31 décembre 1977 à laquelle, comme il a été dit, il convient de se placer en l'espèce pour apprécier les obligations du contribuable en matière d'impôt sur le revenu et, par suite, les droits du Trésor ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé les héritiers de M. Michel Firino Martell du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis à raison du profit provenant des ventes de cognac réalisées en 1977 par leur auteur ;

DECIDE :

Article ler : M. Michel Firino Martell (les héritiers) est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1977 à raison de l'intégralité des droits dont il a été déchargé par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 1985.

CE, ass., avis, 8 avril 1998, Société de Distribution de chaleur de Meudon et Orléans Vu, enregistré le 18 décembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 9 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de la société de distribution de chaleur de Meudon et Orléans (S.D.M.O.) tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1989, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : l'administration est-elle en droit de faire usage de la procédure de répression des abus de droit à l'encontre d'un contribuable qui a appliqué à la lettre une doctrine contenue dans une instruction publiée et non rapportée à la date ;

(…)

L'article L. 64 du livre des procédures fiscales, relatif à la procédure de répression des abus de droit, dispose que : "Ne peuvent être opposés à

l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui

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d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.

L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose que : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente". Il résulte de ces dispositions qu'elles instituent un mécanisme de garantie au profit du contribuable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir de l'interprétation contraire à la loi que l'administration a donnée de celle-ci dans ses instructions ou circulaires dont il a respecté les termes.

Dans l'hypothèse où le contribuable n'a pas appliqué les dispositions mêmes de la loi fiscale mais a seulement entendu se conformer à l'interprétation contraire à celle-ci qu'en avait donnée l'administration dans une instruction ou une circulaire, l'administration ne peut faire échec à la garantie que le contribuable tient de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et recourir à la procédure de répression des abus de droit en se fondant sur ce que ce contribuable, tout en se conformant aux termes mêmes de cette instruction ou circulaire, aurait outrepassé la portée que l'administration entendait en réalité conférer à la dérogation aux dispositions de la loi fiscale que l'instruction ou la circulaire autorisait. Elle peut seulement, le cas échéant, contester que le contribuable remplissait les conditions auxquelles l'instruction ou la circulaire subordonne le bénéfice de l'interprétation qu'elle donne.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif d'Orléans, à la société de distribution de chaleur de Meudon et Orléans et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CE, ass., 8 avril 1998, req. n° 189 179, SA GRAS SAVOYE. Vu, enregistrée le 15 septembre 1997, la requête présentée pour la société Gras Savoye, ayant son siège 2 à 8, rue Ancelle, BP 129, à Neuilly-sur-Seine (92200), agissant en exécution d'un jugement du 2 juillet 1997 de la cour d'appel de Paris ; la société Gras Savoye demande au Conseil d'Etat :

1) d'apprécier le caractère "valable", au regard des dispositions réglementaires et législatives ainsi que de la doctrine administrative en vigueur à l'époque de leur établissement, des certificats de crédit d'impôt qui lui ont été délivrés, dans le cadre du montage dit des "fonds turbo", par les gérants et dépositaires de divers fonds communs de placement ;

2) d'apprécier la légalité de l'instruction administrative du 13 janvier 1983 et la possibilité d'en invoquer les dispositions sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ainsi que d'interpréter cette instruction qui, d'une part, dispose en son paragraphe 58 que le fonds ne peut transférer à ses membres plus de droit à imputation qu'il n'en aurait eu lui-même s'il était personnellement assujetti à l'impôt et, d'autre part, comporte en son paragraphe 63 une "mesure d'assouplissement" ;

3) d'apprécier si elle a, par le paiement des rappels d'imposition consécutifs au refus de l'administration d'admettre l'imputation des crédits d'impôt susmentionnés, libéré, en tout ou partie, les gérants et dépositaires des fonds communs de placement de leur obligation envers le Trésor Public quant au montant des crédits d'impôt qu'ils ont certifiés ;

4) d'apprécier si, pour l'application de l'article 1729-3 du code général des impôts qui dispose qu'en cas d'abus de droit, l'intérêt de retard et la majoration prévus à l'article 1729-1 du même code sont à la charge de toutes les parties à l'acte, l'abus de droit est établi au cas d'espèce ;

5) d'apprécier si les gérants et dépositaires des fonds sont solidairement tenus de l'intérêt de retard et de la majoration susmentionnée ; et de déclarer :

1) à titre principal, que les certificats de crédit d'impôt doivent être réputés valables dans les rapports entre les porteurs de parts bénéficiaires des répartitions et l'administration fiscale, et, à titre subsidiaire, que ces certificats ne sont pas valables et que le montant des crédits d'impôt certifiés par les gérants et dépositaires des fonds communs de placement en cause est inexact, au regard tant des

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dispositions législatives et réglementaires que de la doctrine administrative en vigueur à l'époque de leur établissement ;

2) que les paragraphes 63 à 68 de l'instruction administrative du 13 janvier 1983 comportent des dispositions à caractère réglementaire et, par suite, illégales qui ne peuvent être invoquées par les contribuables sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans la mesure où les fonds en cause ne fonctionnaient pas conformément aux dispositions législatives, réglementaires et statutaires qui les régissaient ; que l'instruction administrative du 13 janvier 1983 doit être interprétée en ce sens que le paragraphe 63 comporte une disposition dérogatoire au principe général rappelé au paragraphe 58 et liée à la condition que les parts des fonds communs de placement puissent être effectivement souscrites et rachetées à tout moment;

3) qu'elle a, par le paiement des rappels d'imposition consécutifs au refus de l'administration d'admettre l'imputation des crédits d'impôt litigieux, libéré, à concurrence de la totalité dudit paiement, les gérants et dépositaires des fonds communs de placement de leurs obligations envers le Trésor Public quant au montant des crédits d'impôt qu'ils ont certifiés ;

4) à titre principal, que l'abus de droit n'est pas établi au cas d'espèce, et, à titre subsidiaire, que si l'abus de droit est établi à l'encontre des gérants et dépositaires des fonds communs de placement, il n'est pas établi qu'elle y ait délibérément participé de sorte que cet abus de droit ne lui est ni imputable ni opposable ;

5) que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement sont parties aux actes ou conventions argués d'abus de droit et, en conséquence, solidairement tenus de l'intérêt de retard et de la majoration prévus à l'article 1729 du code général des impôts ;

(…)

Considérant que le Conseil d'Etat est compétent en premier ressort pour connaître des première et deuxième questions préjudicielles posées par la cour d'appel de Paris, tendant à l'appréciation de la légalité de l'instruction 4-K-I-83 du 13 janvier 1983 relative aux fonds communs de placement et à son interprétation et, par voie de conséquence, à l'appréciation du caractère "valable" des certificats de crédit d'impôt délivrés aux porteurs de parts de ces fonds ;

Considérant, en revanche, que les troisième, quatrième et cinquième questions, qui sont relatives aux obligations auxquelles seraient

éventuellement tenus les gérants et dépositaires de fonds communs de placement mis en cause par la société requérante, ne relèvent pas de la compétence du Conseil d'Etat en premier ressort ; qu'il y a lieu, par suite, de transmettre cette partie de la requête au tribunal administratif de Paris ;

Sur l'intervention des sociétés C.L.C. Bourse et G.P.K. Finance :

Considérant que les sociétés C.L.C. Bourse et G.P.K. Finance ont, en raison de leurs activités de gérant et dépositaire de fonds communs de placement, intérêt à intervenir au soutien des conclusions des sociétés Banque Odier Bungener Courvoisier et OBC Gestion ; que, par suite, leur intervention est recevable ;

Sur les première et deuxième questions :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 26 de la loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement, codifié à l'article 199 ter A du code général des impôts, "les porteurs de parts d'un fonds commun de placement peuvent effectuer l'imputation de tout ou partie des crédits d'impôt et avoirs fiscaux attachés aux produits des actifs compris dans ce fonds. Pour chaque année, le gérant du fonds calcule la somme totale à l'imputation de laquelle les produits encaissés par le fonds donnent droit. Le droit à imputation par chaque porteur est déterminé en proportion de sa quote-part dans la répartition faite au titre de l'année considérée ... Ce droit à imputation ne peut excéder celui auquel l'intéressé aurait pu prétendre s'il avait perçu directement sa quote-part des mêmes produits" ; qu'il découle de ces dispositions que le gérant d'un fonds commun de placement ne peut délivrer de certificats de crédit d'impôt aux porteurs de parts que dans la limite de la somme totale des crédits d'impôt attachés aux revenus perçus par le fonds ; que cette règle a été rappelée par l'administration au paragraphe 58 de l'instruction 4-K-I-83 du 13 janvier 1983 ; que l'administration a néanmoins autorisé, aux paragraphes 63 à 67 de ladite instruction - et par dérogation à la règle légale susmentionnée à laquelle elle a entendu apporter une "mesure d'assouplissement" identique à celle instituée en 1969 pour le calcul du crédit d'impôt attaché aux revenus distribués par les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV)- : "l'attribution aux parts supplémentaires créées entre la clôture de l'exercice et la date de mise en paiement des produits, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant que celui alloué aux parts existantes à la clôture de l'exercice" ; que cette dérogation a une portée générale et n'est explicitement assortie d'aucune limitation quant au montant des crédits

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d'impôt susceptibles d'être ainsi créés ; que dans la mesure où elles ont pour conséquence, comme cela ressort de l'exemple chiffré donné aux paragraphes 66 et 67, en cas d'augmentation du nombre de parts entre la date de clôture de l'exercice et la date de distribution des produits du fonds, de permettre l'imputation par les porteurs de parts d'un montant global de crédit d'impôt supérieur au montant total attaché aux revenus perçus par le fonds, ces dispositions de l'instruction du 13 janvier 1983 ajoutent aux dispositions législatives précitées et sont, par suite, illégales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'instruction 4-K-I-83 du 13 janvier 1983 n'a pu légalement autoriser le transfert par un fonds commun de placement à ses porteurs de parts d'un montant global de crédit d'impôt supérieur au montant total des crédits d'impôt attachés aux revenus perçus par ce fonds ; que les certificats de crédit d'impôt établis par le dépositaire d'un fonds commun de placement et délivrés aux porteurs de parts par le gérant de ce fonds ne peuvent, par suite, être tenus pour valablement établis au regard des règles légalement en vigueur dès lors que le montant global des crédits d'impôt certifiés excède le montant total des crédits d'impôt reçus par le fonds ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre

aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ; que les dispositions contenues dans les paragraphes 63 à 67 de l'instruction du 13 janvier 1983, qui ont le caractère d'une interprétation formelle de la loi fiscale et n'avaient pas encore été rapportées à la date des opérations en cause, sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque l'ensemble des conditions posées par l'instruction, et notamment celle posée au paragraphe 100 et relative au fonctionnement normal des fonds, sont remplies ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention des sociétés C.L.C. Bourse et G.P.K. Finance est admise en tant qu'elle porte sur les deux premières questions préjudicielles posées par la cour d'appel de Paris.

Article 2 : Il est déclaré que les paragraphes 63 à 67 de l'instruction 4-K-I-83 du 13 janvier 1983 sont illégaux en ce qu'ils autorisent le transfert par un fonds commun de placement à ses porteurs de parts d'un montant global de crédit d'impôt supérieur au montant total des crédits d'impôt attachés aux revenus perçus par ce fonds ; que les certificats de crédit d'impôt établis par le dépositaire d'un fonds commun de placement et délivrés aux porteurs de parts par le gérant de ce fonds dans des conditions telles que le montant global des crédits d'impôt certifiés excède le montant total des crédits d'impôt reçus par le fonds ne peuvent être tenus pour valablement établis au regard des règles légalement en vigueur ; que, toutefois, les paragraphes 63 à 67 de ladite instruction sont susceptibles d'être invoqués par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque l'ensemble des conditions posées par l'instruction, et notamment celle posée au paragraphe 100 et relative au fonctionnement normal des fonds, sont remplies ;

CE, 18 mai 2005, req n° 261 623, Ministre de l'économie, des Finances et de l'industrie c/ Banque Populaire Loire et Lyonnais Considérant que le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et la requête de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat de

crédit-bail, le groupement d'intérêt économique (GIE) Cladel Bail 1 mettait les rames du TGV Atlantique à la disposition de la SNCF contre paiement par celle-ci d'un loyer annuel ; que l'administration a procédé à la vérification de la comptabilité du GIE et remis en cause, d'une part, l'amortissement sur 15 ans des rames de TGV et, d'autre part, le choix du GIE de rattacher les loyers aux différents exercices selon un mode progressif ;

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qu'à raison de leur participation au GIE, la Banque Populaire de Lyon et la Banque Populaire de la Loire, aux droits desquelles vient la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, ont été assujetties à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 1990 à 1994 ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant que le ministre demande l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que, par son article 2, il a rejeté son recours incident tendant à l'annulation de l'article 1er des jugements du 23 octobre 2001 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la Banque Populaire de Lyon et à la Banque Populaire de la Loire au titre des exercices clos de 1990 à 1994 à raison des amortissements pratiqués par le GIE Cladel Bail 1 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment :.../ 2°... les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B ; qu'aux termes de l'article 39 C du même code : L'amortissement des biens donnés en location ou mis à disposition sous toute autre forme est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 30 de l'annexe II au même code : Les biens donnés en location sont amortis sur leur durée normale d'utilisation, quelle que soit la durée de la location ; qu'en jugeant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la durée d'amortissement des matériels donnés en location ne doit être fixée qu'en fonction de leur durée prévisible d'utilisation et que, pour de tels matériels, la référence aux usages prévue par le 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ne trouve pas à s'appliquer, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à

demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que depuis l'origine les rames de TGV ont été amorties sur 20 ans, durée d'ailleurs proche de celle retenue pour l'amortissement de la plupart des rames utilisées par la SNCF ; que cette pratique doit être regardée comme un usage au sens des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, auquel il convient de se référer, malgré les innovations techniques que comportent les rames du TGV Atlantique et qui ne suffisent pas à en faire des biens d'une nature différente des rames des précédents TGV ;

Considérant en deuxième lieu que ni les conditions d'exploitation des rames du TGV Atlantique ni les innovations techniques mentionnées ci-dessus ne constituent des circonstances particulières qui justifieraient de déroger à la durée d'amortissement de 20 ans correspondant à l'usage susmentionné ;

Considérant en troisième lieu que le GIE Cladel Bail 1 ne saurait se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base 4 D - 262 du 1er mai 1990, dès lors que celle-ci se borne à indiquer qu'une entreprise qui donne en location des biens doit les amortir dans les mêmes conditions que les entreprises qui exploitent directement les biens de même nature dont elles sont propriétaires ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er des jugements en date du 23 octobre 2001, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la Banque Populaire de Lyon et la Banque Populaire de la Loire des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui leur ont été assignées au titre des exercices clos de 1990 à 1994 à raison des amortissements pratiqués par le GIE Cladel Bail 1 ;

CE, 6 mars 2006, req. n° 262 982, Syndicat national des enseignants et artistes (Sujet d’examen 2006-2007) Considérant qu’aux termes de l’article 83 du code général des impôts : « Le montant net du revenu

imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent

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ou en nature accordés : ( ) / 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. / La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut ( ) ; elle est fixé à 10 % du montant de ce revenu. ( ) / Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels ( ) » ;

Considérant que l’interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions, l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en oeuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de tout caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d’incompétence ou si, alors même qu’elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu’elles sont illégales pour d’autres motifs ; qu’il en va de même s’il est soutenu à bon droit que l’interprétation qu’elles prescrivent d’adopter, soit méconnaît le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

Considérant, en premier lieu, que l’instruction ministérielle attaquée du 22 octobre 2003 prévoit, notamment pour les artistes musiciens, la possibilité de déduire, en cas d’option pour les frais réels, leurs frais d’instrument de musique et frais accessoires ainsi que diverses dépenses pour un montant respectivement égal à 14 % et 5 % du montant total de la rémunération nette annuelle déclarée ; que, si le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie soutient que l’instruction se borne à résumer les modifications apportées par le législateur au dispositif concernant les déductions pour frais professionnels et que, par

suite, elle n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir, ce moyen doit être écarté dès lors que l’instruction présente un caractère impératif ; qu’elle est donc susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;

Considérant, en deuxième lieu, que le ministre soutient que la requête du Syndicat National des Enseignants et Artistes est tardive du fait que l’instruction attaquée se réfère, en les citant, aux dispositions contenues dans la réponse ministérielle faite par lui à M. Dolez, député, laquelle a été publiée le 11 novembre 2002 au Journal officiel des débats de l’Assemblée Nationale ; que, toutefois, en tout état de cause, la publication de cette réponse ministérielle au Journal officiel des débats de l’Assemblée Nationale n’a pas fait courir le délai du recours contentieux ; que, dès lors, la requête est recevable ;

Considérant, enfin, qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a, par l’instruction attaquée, prévu, en faveur des artistes musiciens, la possibilité d’opérer des déductions de 14 % et 5 % du montant total de leur rémunération nette annuelle au titre des frais réels ; que le ministre ne tenait d’aucune disposition législative le pouvoir d’édicter de telles normes ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête, le Syndicat National des Enseignants et Artistes est fondé à demander l’annulation de l’instruction attaquée ; (…) Décide :

Article 1er : L’instruction 5 F-16-03 du 22 octobre 2003 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est annulée.

Article 2 : L'Etat versera au Syndicat National des Enseignants et des Artistes une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat National des Enseignants et des Artistes, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de la culture et de la communication.

CE, 30 mars 2007, req. n° 287600, Ministre du budget c/ GFA Domaine du Font Mars Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le GFA Domaine de Font Mars, qui exerce une activité agricole, a sollicité le 23 mars 2001 un remboursement de crédit de TVA afférent notamment à la taxe ayant grevé l'acquisition d'un véhicule Kangoo Express à

cabine approfondie de la marque Renault ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a ordonné au bénéfice du GFA Domaine de Font Mars le

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remboursement de la TVA afférente à l'acquisition dudit véhicule au motif que le GFA Domaine de Font Mars entrait dans les prévisions de l'instruction 3 A-10-87 du 23 juillet 1987, dont il revendiquait le bénéfice sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du LPF ; Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : Considérant que l'instruction 3 A-10-87 du 23 juillet 1987 sur l'invocation de laquelle la cour administrative d'appel a accordé au GFA Domaine de Font Mars le remboursement du crédit de TVA litigieux énonce que les véhicules utilitaires comportant une cabine approfondie ouvrent droit à déduction lorsqu'ils sont exclusivement utilisés pour les besoins de l'exploitation ; que les véhicules concernés sont définis par une circulaire n° 13299 du 30 décembre 1986 émanant de la direction de la sécurité et de la circulation routière dont le contenu est annexé à l'instruction du 23 juillet 1987 ; que pour faire droit à la requête du GFA Domaine de Font Mars sur le fondement de l'article L 80 A du LPF, la cour a jugé que le véhicule en cause satisfaisait aux conditions tenant à la longueur de chargement au regard de la formule de calcul résultant de la note du 7 juin 1994 émanant de la direction de la sécurité et de la circulation routière modifiant les énonciations de la circulaire du 30 décembre 1986 ; qu'en se référant, pour admettre que le GFA Domaine de Font Mars était en droit de se prévaloir de l'instruction du 23 juillet 1987 sur le fondement de l'article L 80 A du LPF, à une note émanant d'une autorité non fiscale dont le contenu n'avait pas été annexé à l'instruction fiscale invoquée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué ; Considérant qu'aux termes de l'article L 821-2 du C. just. adm., le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur l'application de la loi fiscale : Considérant qu'aux termes de l'article 271 du CGI : « I.1. La TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) » ; qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II audit Code : « Les véhicules ou engins, quelle que soit leur

nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction... » ; que pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le véhicule Renault Kangoo grand volume de type fourgon, acquis par le GFA Domaine de Font Mars pour les besoins de son activité agricole, présente la nature d'un véhicule utilitaire à cabine approfondie et dispose de deux places assises à l'avant et d'une banquette de trois places à l'arrière pour le transport temporaire de personnes ; qu'ainsi, eu égard à ses caractéristiques, ce véhicule doit être regardé comme conçu pour un usage mixte au sens des dispositions précitées et, par suite, n'ouvre pas droit à la déduction de la TVA ayant grevé son prix d'acquisition ; Sur l'application de l'article L 80 A du LPF : Considérant que le GFA Domaine de Font Mars demande, sur le fondement de l'article L 80 A du LPF, le bénéfice de l'instruction ministérielle 3 A-10-87 du 23 juillet 1987 selon laquelle les véhicules utilitaires comportant une cabine approfondie ouvrent droit à déduction lorsqu'ils sont exclusivement utilisés pour les besoins de l'exploitation ; Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le GFA Domaine de Font Mars, en portant dans sa déclaration le montant de la TVA ayant grevé l'acquisition du véhicule, doit être regardé comme s'étant prévalu de la déductibilité de cette même taxe par application de l'instruction invoquée du 23 juillet 1987 ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre en appel, le GFA Domaine de Font Mars peut invoquer cette instruction, sur le fondement du second alinéa de l'article L 80 A du LPF, dans le cadre d'une demande de remboursement du crédit de taxe résultant de l'absence d'imputation de la taxe ; Considérant, toutefois, en second lieu, que le véhicule du groupement requérant n'entre pas, eu égard à sa longueur de chargement, dans les prévisions de cette instruction et de son annexe qui définit les véhicules utilitaires en reprenant les termes d'une circulaire du 30 décembre 1986 de la direction de la sécurité et de la circulation routière

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; qu'est à cet égard sans influence la circonstance que ce véhicule était en revanche conforme à la définition issue de la modification de la circulaire du 30 décembre 1986 par le seul directeur de la sécurité et de la circulation routière, émanant d'une autorité non fiscale, ainsi qu'il a été dit, et par suite

non opposable sur le fondement de l'article L 80 A du LPF ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de remboursement du crédit de TVA présentée par le GFA Domaine de Font Mars doit être rejetée ;

CE, 5 février 2009, req. n° 303425, M. et Mme Dozorme. Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 6 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-François Dozorme, demeurant ... ; M. et Mme Dozorme demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, d'une part, annulé le jugement du 19 novembre 2002 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand les déchargeant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1998, d'autre part, remis à leur charge cette imposition ;

2°) réglant l'affaire au fond, de les décharger de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1998 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Richard, avocat de M. et Mme Dozorme,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Dozorme ont acquis en 1996 un appartement et une place de stationnement dans un immeuble situé à Troyes (Aube), dans l'Hospice Saint-Nicolas, précédemment maison de retraite, qui a fait l'objet la même année d'une inscription

partielle à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que l'administration a remis en cause la fraction des déficits fonciers déduite du revenu global de l'année 1998 correspondant au montant des travaux effectués dans l'appartement qui était destiné à la location ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a remis à la charge de M. et Mme A la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu dont le tribunal administratif de Clermont-Ferrand les avait déchargés par un jugement du 19 novembre 2002 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 1998 : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés... que possèdent les membres du foyer fiscal... sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année donnée dans une catégorie de revenus... / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : ... / 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes... ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire ou ayant fait l'objet d'un agrément ministériel... ; qu'il résulte de ces dispositions que le régime fiscal dérogatoire permettant l'imputation sur le revenu global des déficits fonciers afférents à des monuments inscrits à l'inventaire supplémentaire n'est applicable, dans le cas d'une propriété partiellement inscrite, qu'aux déficits fonciers relatifs aux parties inscrites ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les requérants se sont prévalus, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. Klifa, député, publiée au Journal officiel des débats du 17 mars 1997, dans laquelle il est précisé que les règles selon

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lesquelles les déficits fonciers correspondant aux immeubles classés ou inscrits sont imputables sans limitation de montant sur le revenu global s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire ne concerne pas la totalité de l'immeuble, à condition toutefois que ce classement ou cette inscription ne soit pas limité à des éléments isolés ou dissociables de l'ensemble immobilier, tels un escalier, des plafonds ou certaines salles, mais vise la protection de l'ensemble architectural. ; que, dès lors que cette réponse ministérielle rend applicable le régime fiscal dérogatoire prévu par les dispositions du 3° du I de l'article 156 précité aux déficits fonciers relatifs aux parties non inscrites de l'immeuble, à la condition que le classement vise à la protection de l'ensemble architectural et ne se limite pas à des éléments isolés et dissociables, la cour n'a pu juger sans erreur de droit que la réponse ministérielle à M. Klifa ne comportait pas d'interprétation formelle de la loi fiscale ; que, par suite, M. et Mme Dozorme sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la fraction de l'imposition relative aux redressements non contestés :

Considérant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme Dozorme de la totalité de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1998, alors qu'ils n'avaient contesté que le redressement correspondant à la remise en cause de la déduction opérée au titre des travaux effectués dans l'Hospice Saint-Nicolas ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que le tribunal administratif s'est mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il statue au-delà de ces conclusions ;

Sur le redressement correspondant aux travaux effectués dans l'Hospice Saint-Nicolas :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Aube a, par un arrêté du 24 octobre 1996, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques notamment la façade et les toitures de l'Hospice Saint-Nicolas, ainsi que la galerie de circulation et les murs de clôture ; que, dans ces conditions, cette inscription doit être regardée comme visant la protection de l'ensemble

architectural au sens de la réponse ministérielle à M. Klifa, dont les requérants sont fondés à se prévaloir ;

Considérant, toutefois, que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, dans ses dernières écritures, demande que l'imposition soit maintenue en faisant valoir que les dépenses en cause correspondent à des travaux d'agrandissement et de reconstruction et ne sont pas déductibles en application du b du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, selon lequel seules contribuent à la formation du déficit foncier les dépenses d'amélioration portant sur des locaux d'habitation ; qu'alors qu'il ne soutient pas que les travaux auraient modifié de manière importante le gros œuvre ou qu'ils auraient eu pour but d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants et dès lors que les travaux réalisés dans le cadre de la rénovation générale et de la transformation en appartements de l'ancienne maison de retraite médicalisée de Troyes ont porté sur des locaux déjà affectés à l'habitation, la réfection de l'électricité, l'installation du chauffage central et de cloisons ainsi que les travaux de menuiserie et de réfection des sols intérieurs dans l'appartement de M. et Mme Dozorme doivent être regardés comme des dépenses d'amélioration au sens du b du 1° du I de l'article 31 précité ; que, par suite, la demande de substitution de base légale ne peut être accueillie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme Dozorme de la totalité de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1998 ; qu'il y a lieu de les rétablir au rôle supplémentaire de l'impôt sur le revenu à concurrence de la fraction de la cotisation correspondant à un montant en base de 136 687 F (20 838 euros) ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par M. et Mme A en cassation et en appel et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 novembre 2002 est annulé en tant qu'il accorde à M. et Mme A la

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décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1998 correspondant aux redressements pour un montant non contesté de 20 838 euros.

Article 3 : M. et Mme Dozorme sont rétablis au rôle supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre

de l'année 1998 à concurrence de la fraction de cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant d'un montant en base de 20 838 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie présentées devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté

CAA Paris, plén., 25 mars 2010, n° 08PA03658, SARL À la Frégate • Considérant que la SARL À la Frégate fait appel du jugement du 13 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 et des pénalités y afférentes, au motif qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une doctrine administrative jugée contraire à la sixième directive ;

• Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 256-1 et 266 du Code général des impôts que les sommes encaissées à titre de pourboires par le personnel ont le caractère d'un supplément de prix perçu par le prestataire de services et sont imposables comme telles à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la SARL À la Frégate ne conteste pas, sur le terrain de la loi fiscale, l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des pourboires distribués à Mme, serveuse et conjointe du gérant de la SARL À la Frégate, à M., maître d'hôtel, et à M., serveur et fils du gérant ;

• Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L 80 A du Livre des procédures fiscales : Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'Administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;

• Considérant que la garantie prévue par ces dispositions, qui assurent en droit interne le respect du principe de confiance légitime reconnu en droit communautaire, permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l'interprétation faite par l'Administration d'un texte fiscal, même si elle est contraire à une norme communautaire ; que cette garantie n'affecte pas l'obligation faite aux États membres, sauf à s'exposer à une action en manquement, de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire ;

• Considérant que la SARL À la Frégate se prévaut, sur le fondement de cette garantie, de la tolérance administrative exprimée par l'instruction n° 3-B-4-76 du 31 décembre 1976, reprise dans la documentation de base du 20 juin 1995 référencée 3 B-1123, n° 31, selon laquelle les pourboires ne sont pas retenus dans la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, sous quatre conditions ; que par un arrêt n° 404/99 du 29 mars 2001, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que cette tolérance administrative constituait un manquement de la République française aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, point 1 et 11 A, § 1, a) de la sixième directive susvisée ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Paris, cette incompatibilité ne saurait toutefois faire obstacle à ce que la SARL À la Frégate se prévale pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, sur le fondement de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, de l'instruction litigieuse qui n'avait pas été rapportée ;

• Considérant toutefois que, selon l'instruction susmentionnée du 31 décembre 1976, les pourboires ne sont pas retenus dans la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à la condition, notamment, que le client soit préalablement informé de l'existence d'un prélèvement présentant le caractère d'un pourboire et de son pourcentage par rapport au prix service non compris ; que le vérificateur a relevé lors des opérations de contrôle que ni l'affichage extérieur du restaurant, ni les cartes mises à disposition des consommateurs, à l'exception toutefois d'une carte fournie lors de sa dernière intervention, ni les notes délivrées aux clients ne mentionnaient le pourcentage afférent au pourboire, seule figurant la mention prix net ; que, dans ces conditions, et alors que les copies de cartes produites par la société requérante devant les premiers juges et en appel, si elles comportent la mention prix nets, service inclus 15 %, ne sont pas datées, la SARL À la Frégate n'établit pas que les clients de l'établissement étaient, pour les années vérifiées,

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préalablement informés du pourcentage du prélèvement à titre de pourboire obligatoire ; que, par suite, à défaut de satisfaire à l'une des conditions cumulatives fixées par la doctrine invoquée, la SARL À la Frégate n'est pas fondée à demander le bénéfice de la dite instruction, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres

conditions auraient été remplies pour tout ou partie des pourboires perçus ;

• Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL À la Frégate n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

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Séance 4 Les sources interprétatives II

III. Exercices : cas pratique 1. M. Jefédésafèr réimporte en France un robot sous-marin, exporté 2 ans plus tôt en Chine. A son arrivée en France, M. Jefédésafèr demande de bénéficier de la franchise de TVA de l’article 291 III CGI. L’administration des douanes, compétente en vertu de l’article 1695 CGI, fait droit à sa demande et l’exonère de TVA. Quelques mois après, il reçoit un courrier du receveur principal des douanes qui entend bien remettre en cause l’exonération de TVA, initialement admise. Finalement, le juge judiciaire est saisi de l’affaire. M. Jefédésafèr fonde alors son principal moyen sur la garantie contre les changements de doctrine. Qu’en pensez-vous ? Mais l’administration, toujours en désaccord, lui répond que les articles L 80 A et B LPF ne sont pas applicables devant le juge judiciaire ? Son argumentation est-elle fondée ? 2. M. Jefédésafèr a entendu dire qu’il était possible de déduire de son bénéfice les charges liées à l’entretien de demeures historiques, lorsque le siège social de son entreprise y était installé, mais qu’il était nécessaire d’obtenir au préalable un agrément auprès de l’administration fiscale. Très ami avec l’inspecteur principal du siège social de son entreprise, il obtient un document lui certifiant qu’il a le droit de bénéficier de l’agrément concernant une bastide qu’il vient de s’acheter. Malheureusement, l’agrément lui est refusé. Très sûr de lui, il décide de contester le refus d’agrément en invoquant l’article L 80 B en se fondant sur le document qu’il détient. Que pensez-vous de cette stratégie ? 3. Lors d’un dîner d’affaire, M. Jefédésafèr apprend que l’un de ses partenaires a fait l’objet d’un contrôle fiscal. Celui-ci s’est vu notifier un redressement de son bénéfice au motif qu’il avait rattaché l’intégralité des produits relatifs à des travaux d’entreprises réglés à l’avance par le client, alors que la loi prévoit, dans son article 38-2 bis CGI, que les produits doivent être rattachés à l’exercice de la réception des travaux. M. Jefédésafèr, qui entend faire bénéficier son partenaire de son expérience fiscale, se demande s’il n’est pas possible d’invoquer la doctrine administrative, qui admet que le rattachement peut se faire au fur et à mesure de l’exécution. Qu’en pensez-vous ? Cependant, son ami lui soutient que, de toute façon, l’instruction était contraire au droit communautaire et que la garantie ne pouvait donc pas s’appliquer. Qu’en pensez-vous ?

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→ TSVP 4. M. Jefédésafèr, qui s’est brouillé avec son ami inspecteur principal, a fait l’objet d’une vérification de sa situation fiscale personnelle. Lors du contrôle, il a tout fait pour cacher les tableaux, et autres biens de valeur dont il disposait. Malgré cela, le vérificateur, qui s’en est rendu compte, lui a infligé des pénalités pour mauvaise foi. Devant le juge administratif, saisi pour régler le litige, M. Jefédésafèr se fonde sur une instruction précisant que les pénalités de mauvaise foi peuvent être atténuées si le contribuable a modifié son comportement au durant le contrôle. Quelles sont les chances de succès d’un tel moyen ?

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Séance 5 Les sources supranationales I

I. Bibliographie ∗ CONSEIL D’ETAT, La norme internationale en droit français, Paris, La Documentation française, coll.

« Les Etudes du Conseil d’Etat », 2000, p. 190 ; ∗ M.-C. BERGERÈS, « Les voies contentieuses permettant d’assurer la primauté de la norme fiscale

communautaire sur la norme fiscale nationale », Rev. Dr. fisc. 1999 n° 30-35 p. 1034.

II. Documents ∗ CE, ass., 6 juin 1997, req. n° 148 683, Aquarone, Rec. Cons. d’Et p. 206 ; ∗ CE, ass., 28 juin 2002, req. n° 232 276, SA Schneider, Rec. Cons. d’Et. p. 234 ; ∗ CE, 11 avril 2008, req. n° 285 583, Cheynel, publié au bulletin ; ∗ CE, 28 mars 2008, req. n° 271366, Aznavour, publié au bulletin. ∗ CE, ass., 3 février 1989, req. n° 74 052, Compagnie Alitalia, Rec. Cons. d'Et. p. 44 ; ∗ CE, ass., 20 octobre 1989, req. n° 108 243, Nicolo, Rec. Cons. d'Et. p. 190 ; ∗ CE, ass., 14 décembre 2001, req. n° 211 341, Hugues de Lasteyrie de Saillant, Rec. Cons. d’Et. p. 645 ; ∗ CJCE, 11 mars 2004, aff. n° C-9/02, Hugues de Lasteyrie de Saillant c/ Ministre de l'économie, des

finances et de l’industrie, Rec. CJCE p. I-2 409. ∗ CE, 10 novembre 2004, req. n° 211 341, Hugues de Lasteyrie de Saillant, Rec. Cons. d'Et. p. 424. ∗ CJCE, 27 nov. 2008, aff. C-418/07, Sté Papillon, DF, 2008, n°52, comm. 644. ∗ CE, 31 juill. 2009, n° 297933, n° 303818, Sté Swiss International Air Lines AG ; Dr. fisc. 2009, n° 50,

comm. 580 ; ∗ CE, 31 juill. 2009, n° 296471, Sté Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd : Dr. fisc. 2009, n° 50,

comm. 580.

III. Exercices ∗ Faire un commentaire groupé des arrêts Cheynel du 11 av 2008 et Aznavour du 28 mars 2008 et des deux

décisions du CE du 31 juillet 2009. ∗ Expliquez la solution de l’arrêt de la CJCE du 27 novembre 2008, Sté Papillon

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CE, ass., 6 juin 1997, req. n° 148 683, Aquarone, Rec. Cons. Et. p. 206. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 juin 1993 et 7 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Stanislas Aquarone demeurant Les Bruyères, Route de Goult à Gordes (84220) ; M. Aquarone demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 avril 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête à fin de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981 à 1986 ;

(…)

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus" ; qu'aux termes de l'article 79 du même code : "Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu" ; que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la pension de retraite versée à M. Aquarone, domicilié en France, par la caisse commune du personnel de l'ONU en sa qualité d'ancien greffier de la cour internationale de justice entrait dans le champ d'application de ces dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 32 du statut de la cour internationale de justice annexé à la Charte des Nations Unies publiée au Journal officiel le 13 janvier 1946 en application du décret de promulgation du 4 janvier 1946 et faisant partie intégrante de cette charte en vertu de son article 92 : "1- Les membres de la Cour reçoivent un traitement annuel ; 2- Le président reçoit une allocation annuelle spéciale ; 3- Le vice-président reçoit une allocation spéciale pour chaque jour où il remplit les fonctions de président ; 4- Les juges désignés par application de l'article 31, autres que les membres de la Cour, reçoivent une indemnité pour chaque jour où ils exercent leurs fonctions ; 5- Ces traitements, allocations et indemnités sont fixés par l'Assemblée générale. Ils ne peuvent être diminués pendant la durée des fonctions. 6- Le traitement

du greffier est fixé par l'Assemblée générale sur la proposition de la Cour. 7- Un règlement adopté par l'Assemblée générale fixe les conditions dans lesquelles des pensions sont allouées aux membres de la Cour et au greffier, ainsi que les conditions dans lesquelles les membres de la Cour et le greffier reçoivent le remboursement de leurs frais de voyage ; 8- Les traitements, allocations et indemnités sont exempts de tout impôt." ; qu'il ressort des termes mêmes du paragraphe 8 de cet article, auxquels ne peuvent s'opposer les déclarations de plusieurs présidents de la cour internationale de justice, que les pensions ne sont pas comprises parmi les sommes exemptées d'impôt ; qu'ainsi la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les stipulations du statut de la cour internationale de justice ne faisaient pas obstacle à l'imposition de la pension perçue par M. Aquarone ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ; que ni cet article ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes ; qu'ainsi, en écartant comme inopérant le moyen tiré par M. Aquarone de la contrariété entre la loi fiscale française et de telles règles coutumières, la cour administrative d'appel, qui a également relevé que la coutume invoquée n'existait pas, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Aquarone n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Aquarone est rejetée.

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CE, ass., 28 juin 2002, req. n° 232 276, SA Schneider Vu le recours du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, enregistré le 6 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 janvier 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris, a déchargé la société Schneider, devenue depuis Schneider Electric, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;

(…)

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité la société Schneider, devenue depuis Schneider Electric, a été assujettie au titre de l'année 1986, en application des dispositions du I de l'article 209 B du code général des impôts, à un supplément d'impôt sur les sociétés à raison des résultats bénéficiaires de sa filiale suisse Paramer ; qu'après avoir annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt en date du 30 janvier 2001, déchargé la société Schneider Electric de cet impôt, au motif que les stipulations du 1° de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, modifiée par l'avenant du 3 décembre 1969, font obstacle à l'application de l'article 209 B du code général des impôts ; que le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en

fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la loi fiscale nationale :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition contestée : "Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient./ Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code./ L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés" ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ont pour objet de permettre l'imposition en France des bénéfices résultant de l'exploitation d'une société établie à l'étranger et non, contrairement à ce que soutient le ministre, des distributions de bénéfices réputées opérées par cette société étrangère à son actionnaire résidant en France;

En ce qui concerne la portée de la convention fiscale franco-suisse pour l'application de l'article 209 B du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse : "Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé" ; que le terme "bénéfices" mentionné à l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse n'est pas défini par cette convention et doit, dès lors, être interprété selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l'article 3 de ladite

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convention, aux termes duquel : "Pour l'application de la convention par un Etat contractant, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit Etat régissant les impôts faisant l'objet de la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente" ; qu'en l'absence d'élément exigeant une interprétation différente, les "bénéfices" auxquels fait référence l'article 7 de la convention sont ceux déterminés selon les règles fixées par le code général des impôts ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il y a identité de nature entre les bénéfices d'exploitation de la société Paramer dont l'imposition est attribuée à la Suisse par le 1° de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse et les résultats bénéficiaires de la société Paramer imposés en France au nom de la société Schneider sur le fondement de l'article 209 B du code général des impôts ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 1 du A de l'article 25 de la convention fiscale franco-suisse, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 1997, les revenus visés au 1° de l'article 7 sont exonérés de l'impôt français sur les sociétés lorsqu'ils sont réalisés par une société qui, comme la société Paramer, a en Suisse le siège de sa direction effective et n'a pas d'établissement stable en France ; que l'objectif d'élimination des doubles impositions attribué à cette convention fiscale ne saurait justifier une méconnaissance des stipulations susmentionnées au seul motif que l'imposition par la France des bénéfices de la société Paramer n'est pas établie au nom de la société suisse mais à celui de sa société mère, qui est une entité juridique distincte et à laquelle

lesdits bénéfices n'ont pas été effectivement distribués ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse s'opposent à l'application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts ;

Considérant qu'à supposer même qu'il soit établi qu'un objectif de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales ait été assigné à la convention franco-suisse, cet objectif ne permet pas, faute de stipulation expresse le prévoyant, de déroger aux règles énoncées par cette convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris et a déchargé la société Schneider Electric du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la société Schneider Electric une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est rejeté.

CE, 11 avril 2008, req. n° 285 583, Cheynel Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle de M. A et d'un contrôle de son activité commerciale d'intermédiaire de commerce dans le domaine international, l'administration a regardé l'intéressé comme ayant son domicile fiscal en France et l'a assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1993 à 1995 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période couvrant ces trois années ; que la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, a rejeté les conclusions du requérant relatives à l'impôt sur le revenu ; que

M. A se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa requête ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que les informations relatives à l'activité professionnelle de M. A, ayant servi à établir par la voie de l'évaluation d'office l'imposition des bénéfices non commerciaux, avaient été obtenues par l'administration non pas dans le cadre d'une vérification de comptabilité prématurément engagée mais dans l'exercice de son droit de communication, la cour administrative d'appel de Nantes s'est livrée à une appréciation souveraine

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des faits, qu'elle n'a pas dénaturés ; qu'elle a pu en déduire sans erreur de droit que les irrégularités qui auraient entaché la vérification de comptabilité étaient sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en deuxième lieu, que c'est également par une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui n'est pas entachée de dénaturation, que la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que l'administration avait respecté l'exigence d'un dialogue contradictoire au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle du contribuable avant d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, qui limitent à un an à compter de la réception de l'avis de vérification la durée de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable, prévoient également que cette période est prorogée « des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration » ; qu'en jugeant que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration, après avoir demandé au contribuable de lui communiquer ses relevés de compte, exerce, avant même l'expiration du délai de soixante jours imparti au contribuable, son droit de communication auprès des organismes bancaires pour obtenir ces mêmes documents, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur le domicile fiscal de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) » ; que l'article 4 B du même code dispose : « 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à tire accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55

de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ; qu'il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application ;

Considérant, dès lors, que M. A n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Nantes était tenue, pour déterminer le lieu d'imposition de ses revenus, de faire application exclusivement des stipulations de la convention du 10 mars 1964 portant définition de la résidence fiscale et qu'elle aurait commis une erreur de droit en examinant au regard des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts si le requérant avait son domicile fiscal en France ;

Considérant, en second lieu, que la cour administrative d'appel de Nantes a pris en compte, pour l'application de l'article 4 B du code général des impôts, des éléments tels que l'existence d'une résidence en France appartenant à M. A, qui y supportait la totalité des charges de l'exploitation d'un haras, et la détention par l'intéressé de comptes bancaires en France, sur lesquels il percevait des revenus professionnels ; qu'à partir de ces faits, qu'elle a appréciés souverainement sans les dénaturer, et en l'absence d'indications précises sur les intérêts économiques de l'intéressé en Belgique, la cour a pu légalement juger que M. A avait le centre de ses intérêts économiques en France ;

Sur le bénéfice du régime du forfait :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite des contrôles dont M. A a fait l'objet, le chiffre d'affaires qu'il avait réalisé en 1993 dans le cadre de son activité d'intermédiaire de commerce a été évalué à 10 113 136 F, excédant largement les

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seuils du forfait et du régime réel simplifié alors en vigueur ; que, s'agissant de la première année d'imposition et sans qu'il soit besoin de se référer aux dispositions du 1 bis de l'article 302 ter du code général des impôts alors en vigueur, l'intéressé relevait de plein droit du régime réel normal d'imposition ; qu'ainsi, après avoir relevé que M. A n'avait souscrit aucune déclaration de revenus d'activité au titre de 1992, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en refusant au requérant

le bénéfice du régime forfaitaire au titre de l'année 1993 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

CE, 28 mars 2008, req. n° 271366, Aznavour Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, artiste de variétés domicilié en Suisse, a donné un concert à Paris le 18 avril 1989 ; qu'en contrepartie de la prestation effectuée par l'intéressé, la société française Cinéma Communication Vidéo a versé une somme de 400 000 francs à la société Tangerine Music Productions Ltd, établie en Grande-Bretagne ; que l'administration fiscale a, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, imposé cette somme au nom de M. A au titre de l'impôt sur le revenu pour 1989 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 avril 2004 qui a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 2 mai 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de 1989 ;

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : « I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France (...) » ;

Considérant qu'après avoir relevé que la somme de 400 000 francs, qui a été versée à la société Tangerine Music Productions Ltd, constituait la rémunération destinée à M. A pour la prestation musicale qu'il avait fournie lors de son concert donné à Paris, la cour administrative d'appel de Paris, dès lors qu'il n'était pas établi ni même allégué que la société britannique, dont l'objet social était la promotion d'engagements musicaux d'artistes, exerçait une autre activité industrielle ou commerciale, a pu déduire, par une exacte application de l'article 155 A du code général des impôts, que la somme en cause était imposable en France au nom de M. A ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 19 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 1997 : « Nonobstant les dispositions des articles 16 et 17, les revenus que les professionnels du spectacle, tels que les artistes de théâtre, de

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cinéma, de la radio ou de la télévision et les musiciens, ainsi que les sportifs, retirent de leurs activités personnelles en cette qualité sont imposables dans l'Etat contractant où ces activités sont exercées » ; qu'il résulte de ces stipulations que les professionnels du spectacle et les sportifs sont imposables en France sur les revenus tirés de leurs activités exercées en France en cette qualité ; qu'après avoir relevé que la somme versée par la société Cinéma Communication Vidéo à la société britannique Tangerine Music Productions Ltd rémunérait les prestations servies par M. A à l'occasion du concert qu'il avait donné à Paris et était, par suite, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts, un revenu retiré par l'artiste de son activité de professionnel du spectacle en France, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit pour l'application de la convention franco-suisse, en

déduire que cette convention ne faisait pas obstacle à l'imposition en France de la somme litigieuse au nom du requérant ;

Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en n'appliquant pas d'office la convention fiscale conclue le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume Uni dès lors que les stipulations de cette convention, notamment celles de son article 6 relatif aux bénéfices industriels et commerciaux, sont applicables à un autre contribuable, la société Tangerine Music Productions Ltd ;

Considérant qu'il résulte ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées ;

CE, ass., 3 février 1989, req. n° 74 052, Compagnie Alitalia, Rec. Cons. d'Et. p. 44. Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenu d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 3 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, qui s'inspirent de ce principe, la Compagnie Alitalia a demandé le 2 août 1985 au Premier ministre d'abroger l'article 1er du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967, codifié à l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, et les articles 25 et 26 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979, codifiés aux articles 236 et 238 de l'annexe II au code général des impôts au motif que leurs dispositions, pour le premier, ne seraient plus, en tout ou partie, compatibles avec les objectifs définis par la sixième directive du conseil des communautés européennes et, pour les seconds, seraient contraires à ces objectifs ; que le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de quatre mois, il en est résulté une décision implicite de rejet, que la Compagnie Alitalia a contesté pour excès de pouvoir dans le délai du recours contentieux ;

Considérant qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du conseil des communautés économiques européennes lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" ; que si, pour atteindre ce résultat, les autorités

nationales qui sont tenues d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives dont s'agit, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires à ces objectifs ;

Considérant que si les dispositions de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts comme celles des articles 236 et 238 de la même annexe ont été édictées sur le fondement de l'article 273 paragraphe I du code général des impôts issu de la loi du 6 janvier 1966, la demande de la Compagnie Alitalia n'a pas pour objet, contrairement à ce que soutient le Premier ministre, de soumettre au juge administratif l'examen de la conformité d'une loi nationale aux objectifs contenus dans une directive mais tend seulement à faire contrôler par ce juge la compatibilité avec ces objectifs des décisions prises par le pouvoir réglementaire, sur le fondement d'une habilitation législative, pour faire produire à ladite directive ses effets en droit interne ;

Considérant, d'une part, que l'article 1er de la sixième directive adoptée par le conseil des

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communautés européennes le 17 mai 1977 et concernant l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, fixait comme objectif aux Etats membres de prendre avant le 1er janvier 1978 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour adapter leur régime de taxe sur la valeur ajoutée aux dispositions figurant dans cette directive ; que la neuvième directive du 26 juin 1978 a repoussé au 1er janvier 1979 le délai ainsi imparti ;

Considérant, d'autre part, que l'article 17 paragraphe 2 de la sixième directive précitée prévoit la déduction par l'assujetti de la taxe ayant grevé les biens et les services utilisés par lui "dans la mesure" où ils le sont "pour les besoins de ses opérations taxées" ; qu'il résulte de cette disposition que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont par un assujetti concerne la taxe due ou acquittée pour les biens qui lui ont été livrés et les services qui lui ont été rendus dans le cadre de ses activités professionnelles ;

Considérant, enfin, que l'article 17 paragraphe 6 de la même directive dispose que : "Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les Etats membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive." ; qu'il résulte clairement de ces dispositions, d'une part, qu'elles visent les exclusions du droit à déduction particulières à certaines catégories de biens, de services ou d'entreprises et non pas les règles applicables à la définition même des conditions générales d'exercice du droit à déduction et, d'autre part, qu'elles fixent comme objectif aux autorités nationales de ne pas étendre, à compter de l'entrée en vigueur de la directive, le champ des exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévues par les textes nationaux applicables à cette date ;

Sur la légalité de l'article 1er du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967 codifié à l'article 230 paragraphe 1 de l'annexe II au code général des impôts :

Considérant que l'article 271 paragraphe I du code général des impôts issu des dispositions de la loi du 6 janvier 1966 prévoit que "la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération" ; que l'article 273 du même code, issu des dispositions de la même loi, dispose que "1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271 ... 2. Ces décrets peuvent édicter des exclusions ou des restrictions et définir des règles particulières soit pour certains biens ou services, soit pour certaines catégories d'entreprises" ; que, l'article 230 paragraphe 1 de l'annexe II au code général des impôts, issu de l'article 1er du décret du 27 juillet 1967 pris sur le fondement de ces dispositions a prévu que "la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation et sont affectés de façon exclusive à celle-ci" ; que les dispositions précitées de l'article 17 paragraphe II de la sixième directive prévoient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la déduction par l'assujetti de la taxe ayant grevé les biens et les services utilisés par lui "dans la mesure" où ils le sont "pour les besoins de ses opérations taxées" ; qu'il suit de là que la première condition de déductibilité figurant à l'article 230 paragraphe 1 de l'annexe II précitée et tenant au caractère nécessaire à l'exploitation des biens et services concernés n'est pas incompatible avec l'objectif fixé sur ce point par la sixième directive et n'est donc pas devenue illégale à la date limite définie ci-dessus ; qu'en revanche, la deuxième condition posée par l'article 230 paragraphe 1 de l'annexe II et tenant à l'affectation exclusive à l'exploitation des biens et services pouvant ouvrir droit à déduction n'est pas compatible avec l'objectif défini par la sixième directive dans la mesure où elle exclut de tout droit à déduction les biens et les services qui font l'objet d'une affectation seulement partielle à l'exploitation alors même que ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées ; que, dans cette mesure, les dispositions de l'article 230 paragraphe 1 de l'annexe II sont devenues illégales et que la compagnie requérante était fondée à en demander l'abrogation ;

Sur la légalité de l'article 25 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979, codifié à l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts :

Considérant que sur le fondement des dispositions déjà citées de l'article 273 du code général des impôts, issues de la loi du 6 janvier 1966, le

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gouvernement a pris le 29 décembre 1979 un décret modifiant l'annexe II au code général des impôts en ce qui concerne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'article 25 de ce décret, codifié à l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts, qui exclut du droit à déduction certains biens ou services "tels que le logement ou l'hébergement, les frais de réception, de restaurant, de spectacles ou toute dépense ayant un lien direct ou indirect avec les déplacements ou la résidence", s'il reprend les dispositions figurant précédemment aux articles 7 et 11 du décret du 27 juillet 1967 qui concernaient les dirigeants et le personnel de l'entreprise, étend les exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée aux "biens et services utilisés par des tiers" à l'entreprise ; que, dans cette mesure, ledit article méconnaît l'objectif de non extension des exclusions existantes, défini à l'article 17 paragraphe 6 précité de la sixième directive et est entaché d'illégalité ;

Sur la légalité de l'article 26 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979 codifié à l'article 238 de l'annexe II au code général des impôts :

Considérant que les dispositions de l'article 238 de l'annexe II au code général des impôts, telles qu'elles résultent de l'article 26 du décret du 29 décembre 1979, et qui excluent du droit à déduction les biens cédés et les services rendus "sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal" ne se sont pas bornées à regrouper et à reprendre sous une rédaction différente les dispositions figurant antérieurement à l'article 10 du décret du 27 juillet 1967, mais ont aligné pour les services les conditions d'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur celles, plus extensive, qui étaient prévues antérieurement pour certains biens, objets ou denrées, en supprimant le

critère de libéralité, c'est-à-dire de non-conformité aux intérêts de l'entreprise, auquel était précédemment subordonnée pour les services l'exclusion du droit à déduction ; qu'ainsi, le champ des exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée s'est trouvé étendu en ce qui concerne les services par cette disposition, contrairement à l'objectif de non extension des exclusions existantes défini à l'article 17 paragraphe 6 précité de la sixième directive ; que la disposition attaquée est par suite, dans cette mesure, illégale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Premier ministre a illégalement refusé dans les limites ci-dessus précisées de déférer à la demande de la Compagnie Alitalia tendant à l'abrogation de l'article 1er du décret du 27 juillet 1967 et des articles 25 et 26 du décret du 29 décembre 1979 ;

DECIDE :

Article 1er : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur la demande présentée par la Compagnie Alitalia est annulée en tant que cette décision refuse l'abrogation :

- de l'article 1er du décret du 27 juillet 1967 en ce qu'il exclut tout droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services qui ont fait l'objet d'une affectation seulement partielle à l'exploitation ; - de l'article 25 du décret du 29 décembre 1979, en ce qu'il exclut le droit à déduction de la taxe ayant grevé tous les biens et les services utilisés par des tiers ; - de l'article 26 du même décret en ce qu'il applique aux services des conditions plus restrictives de droit à déduction prévues antérieurement pour lesbiens.

CE, ass., 20 octobre 1989, req. n° 108 243, Nicolo Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes "le territoire de la République forme une circonscription unique" pour l'élection des représentants français au Parlement européen ; qu'en vertu de cette disposition législative, combinée avec celles des articles 2 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, desquelles il résulte que les départements et territoires d'outre-mer font partie intégrante de la République française, lesdits départements et territoires sont nécessairement inclus dans la circonscription

unique à l'intérieur de laquelle il est procédé à l'élection des représentants au Parlement européen;

Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté Economique Européenne : "Le présent traité s'applique ... à la République française" ; que les règles ci-dessus rappelées, définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l'article 227-1 précité du traité de Rome ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les personnes ayant, en vertu des dispositions du

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chapitre 1er du titre 1er du livre 1er du code électoral, la qualité d'électeur dans les départements et territoires d'outre-mer ont aussi cette qualité pour l'élection des représentants au Parlement européen ; qu'elles sont également éligibles, en vertu des dispositions de l'article L.O. 127 du code électoral, rendu applicable à l'élection au Parlement européen par l'article 5 de la loi susvisée du 7 juillet 1977 ; que, par suite, M. Nicolo n'est fondé à soutenir ni que la participation des citoyens français des départements et territoires d'outre-mer à l'élection des représentants au Parlement européen, ni que la présence de certains d'entre-eux sur des listes de candidats auraient

vicié ladite élection ; que, dès lors, sa requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions du ministre des départements et territoires d'outre-mer tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige une amende pour recours abusif à M. Nicolo :

Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Nicolo et les conclusions du ministre des départements et des territoires d'outre-mer tendant à ce qu'une amende pour recours abusif lui soit infligée sont rejetées.

CE, ass., 14 décembre 2001, req. n° 211 341, Hugues Lasteyrie de Saillant Vu la requête, enregistrée le 6 août 1999 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Hughes de LASTEYRIE DU SAILLANT, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 portant application de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) relatif aux modalités d'imposition de certaines plus-values de valeurs mobilières en cas de transfert du domicile fiscal hors de France et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

(…)

Considérant que la requête de M. de LASTEYRIE DU SAILLANT, dans le dernier état des conclusions formulées par celui-ci, tend à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 portant application de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) relatif aux modalités d'imposition de certaines plus-values de valeurs mobilières en cas de transfert du domicile fiscal hors de France, en tant que ledit décret a trait à l'application des dispositions de l'article 167 bis que l'article 24 de la loi a ajouté au code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 167 bis du code général des impôts issu de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué: "I. 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les

droits sociaux mentionnés à l'article 160 ... II. 1. Le paiement de l'impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé jusqu'au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux concernés. Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'évènement entraînant son expiration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l'application des articles L. 208, L. 255 et L. 279 du même livre ... 3. ... l'impôt dont le paiement a été différé n'est exigible que dans la limite de son montant assis sur la différence entre le prix en cas de cession ou de rachat, ou la valeur dans les autres cas, des titres concernés à la date de l'évènement entraînant l'expiration du sursis, d'une part, et leur prix ou valeur d'acquisition ..., d'autre part. Le surplus est dégrevé d'office ... L'impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l'impôt sur le revenu établi en France à condition d'être comparable à cet impôt ... III. A l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la date du départ ou à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en France si cet évènement est antérieur,

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l'impôt établi en application du I est dégrevé d'office en tant qu'il se rapporte à des plus-values afférentes aux droits sociaux qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable. IV. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, et notamment les modalités permettant d'éviter la double imposition des plus-values constatées ainsi que les obligations déclaratives des contribuables et les modalités du sursis de paiement" ;

Considérant, en premier lieu, que ces dispositions n'ont, contrairement à ce que soutient M. de LASTEYRIE DU SAILLANT, ni pour objet, ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l'exercice effectif, par les personnes qu'elles visent, de la liberté d'aller et venir ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), s'opposent, notamment, à l'institution par un Etat membre de règles qui auraient pour effet d'entraver l'établissement de certains de ses ressortissants sur le territoire d'un autre Etat membre ;

Considérant que l'article 167 bis précité du code général des impôts prévoit l'assujettissement immédiat des contribuables qui se disposent à transférer hors de France leur domicile fiscal, dans les conditions qu'il définit, à une imposition assise sur des plus-values non encore réalisées et qui, de ce fait, ne seraient pas taxées si les intéressés maintenaient en France leur domicile ; qu'il comporte, toutefois, des dispositions permettant d'éviter, en cas de sursis de paiement, que ces contribuables n'aient, en définitive, à supporter une charge fiscale à laquelle ils n'auraient pas été

soumis, ou plus lourde que celle à laquelle ils auraient été soumis, s'ils avaient conservé leur domicile en France, et, en outre, leur accordant, au terme d'un délai de cinq ans, le bénéfice d'un dégrèvement, dans la mesure où les droits sociaux porteurs des plus-values continuent, alors, de figurer dans leur patrimoine ; qu'enfin, les intéressés ont la faculté de solliciter le sursis au paiement de l'imposition jusqu'à ce terme; que l'obtention de ce sursis est, cependant, subordonnée à la condition qu'ils constituent des garanties propres à assurer le recouvrement de l'imposition ; qu'eu égard aux sujétions que peut comporter la constitution de telles garanties, la question, soulevée par le requérant, de savoir si le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) s'oppose à ce qu'un Etat membre institue, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal, tel que celui décrit ci-dessus, présente une difficulté sérieuse ; que, par suite, en application de l'article 177 (devenu 234) dudit traité, il y a lieu d'en saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice des Communautés européennes, et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de M. de LASTEYRIE DU SAILLANT ;

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. de LASTEYRIE DU SAILLANT jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle énoncée dans les motifs de la présente décision.

CJCE, 11 mars 2004, aff. n° C-9/02, Hugues Lasteyrie de Saillant c/ Ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Par décision du 14 décembre 2001, parvenue à la Cour le 14 janvier 2002, le Conseil d’État a posé, en vertu de l’article 234 CE, une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE).

Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant M. de Lasteyrie du Saillant (ci-après M. «de Lasteyrie») au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie au sujet d’une imposition assise sur des plus-values mobilières non encore réalisées, laquelle est due en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de France.

(…)

Le litige au principal et la question préjudicielle

M. de Lasteyrie a quitté la France le 12 septembre 1998 pour s’installer en Belgique. Il détenait à cette date ou avait détenu à un moment quelconque au cours des cinq dernières années avant son départ de France, directement ou indirectement avec les membres de sa famille, des titres donnant droit à plus de 25 % des bénéfices sociaux d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés et ayant son siège social en France. La valeur vénale de ces titres étant alors supérieure à

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leur prix d’acquisition, M. de Lasteyrie a été soumis à l’impôt sur les plus-values conformément à l’article 167 bis du CGI et aux dispositions d’application de cet article.

M. de Lasteyrie a demandé au Conseil d’État d’annuler le décret n° 99-590 pour excès de pouvoir en excipant de l’illégalité de l’article 167 bis du CGI au motif qu’il est contraire au droit communautaire.

Le Conseil d’État a tout d’abord considéré, en premier lieu, que lesdites dispositions n’ont, contrairement à ce que soutient M. de Lasteyrie, ni pour objet ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l’exercice effectif, par les personnes qu’elles visent, de la liberté d’aller et de venir. En second lieu, il a rappelé que l’article 52 du traité s’oppose à l’institution par un État membre de règles qui auraient pour effet d’entraver l’établissement de certains de ses ressortissants sur le territoire d’un autre État membre.

Ensuite, le Conseil d’État a considéré que l’article 167 bis du CGI prévoit l’assujettissement immédiat, dans les conditions qu’il définit, des contribuables qui se disposent à transférer hors de France leur domicile fiscal à une imposition assise sur des plus-values non encore réalisées (ci-après les «plus-values latentes») et qui, de ce fait, ne seraient pas taxées si lesdits contribuables maintenaient leur domicile en France.

Toutefois, le Conseil d’État a également relevé que l’article 167 bis du CGI comporte des dispositions qui permettent d’éviter, en cas de sursis de paiement, que ces contribuables n’aient, en définitive, à supporter une charge fiscale à laquelle ils n’auraient pas été soumis, ou plus lourde que celle à laquelle ils auraient été soumis s’ils avaient conservé leur domicile en France et qui, en outre, leur accordent, au terme d’un délai de cinq ans, le bénéfice d’un dégrèvement, dans la mesure où les droits sociaux porteurs des plus-values continuent, alors, de figurer dans leur patrimoine, les intéressés ayant la faculté de solliciter le sursis au paiement de l’imposition jusqu’à ce terme.

Le Conseil d’État a enfin souligné que l’obtention de ce sursis est subordonnée à la condition que les contribuables constituent des garanties propres à assurer le recouvrement de l’imposition. Toutefois, eu égard aux sujétions que peut comporter la constitution de telles garanties, le Conseil d’État se demande si le droit communautaire s’oppose à une réglementation telle que celle en cause dans le litige pendant devant lui.

Dans ces conditions, estimant que le litige dont il est saisi présente une difficulté sérieuse au regard de la portée des règles communautaires applicables, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le principe de la liberté d’établissement posé par l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) s’oppose[-t-il] à ce qu’un État membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal, tel que celui décrit ci-dessus [?] »

Sur la question préjudicielle

Observations soumises à la Cour

Les gouvernements allemand et néerlandais ont souligné que l’ordonnance de renvoi ne contenait pas d’éléments propres à établir que M. de Lasteyrie aurait fait usage de la liberté d’établissement garantie par l’article 52 du traité, ni, dès lors, qu’il relèverait du champ d’application de cette disposition.

Pour sa part, dans les observations qu’il a déposées devant la Cour, M. de Lasteyrie a indiqué qu’il avait transféré son domicile fiscal en Belgique aux fins d’y exercer son activité professionnelle.

Les gouvernements danois et allemand font valoir que l’article 167 bis du CGI ne comporte pas une entrave à la liberté d’établissement. Ils soulignent que ladite disposition n’est pas discriminatoire. En outre, elle n’empêcherait pas, directement ou indirectement, les ressortissants français de s’établir dans un autre État membre. Selon le gouvernement danois, il n’existerait aucun indice permettant d’affirmer que l’imposition des plus-values en cause au principal limite la possibilité pour les ressortissants français de s’établir dans un autre État membre. En outre, le fait que l’octroi du sursis au paiement de l’impôt est subordonné à la constitution de garanties ne pourrait pas être considéré comme constituant une exigence susceptible d’exercer par elle-même une influence importante sur la possibilité des contribuables français de s’établir dans un autre État membre.

M. de Lasteyrie, le gouvernement portugais et la Commission estiment que les effets restrictifs de l’article 167 bis du CGI comportent des entraves à l’exercice de la liberté d’établissement. À la différence des contribuables qui demeurent en France et qui sont taxés sur les plus-values seulement après la réalisation effective de celles-ci, ceux qui transfèrent leur résidence à l’étranger

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seraient imposés sur des plus-values latentes. À l’égard de ces derniers, le fait générateur de l’impôt serait déterminé par le transfert de leur domicile fiscal hors de France et non par la cession des titres concernés. En l’espèce, il s’agirait donc d’une restriction typique «à la sortie du territoire». Un tel régime pénaliserait les contribuables qui quittent la France par rapport à ceux qui y restent et introduirait de la sorte une différence de traitement discriminatoire. Le caractère provisoire de la taxation et la possibilité d’obtenir un sursis de paiement ne seraient pas de nature à exclure un tel effet restrictif, car l’octroi dudit sursis ne serait pas automatique et serait soumis à la condition de désigner un représentant fiscal établi en France. En outre, l’obligation de constituer des garanties impliquerait non seulement des coûts financiers, mais surtout l’indisponibilité du patrimoine donné en garantie. D’après M. de Lasteyrie une telle obligation constituerait à elle seule une entrave à la liberté d’établissement.

Le gouvernement néerlandais considère que l’entrave à la liberté d’établissement que comporte l’article 167 bis du CGI est très limitée et, en tout état de cause, trop aléatoire et indirecte pour être regardée comme étant de nature à entraver effectivement une telle liberté.

Pour sa part, le gouvernement français a concentré son analyse sur les justifications possibles d’une telle entrave. À cet égard, il fait tout d’abord valoir que l’article 167 bis du CGI n’est pas contraire à l’article 52 du traité eu égard à l’objectif poursuivi par le dispositif mis en place par cette disposition nationale, à savoir prévenir un risque d’évasion fiscale. Il résulterait du point 26 de l’arrêt du 16 juillet 1998, ICI (C-264/96, Rec. p. I-4695), que pourrait répondre à une raison impérieuse d’intérêt général une législation qui aurait pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale. Dès lors, une restriction à la liberté d’établissement résultant d’une disposition destinée à faire échec à une véritable fraude à la loi fiscale pourrait être envisagée dans le respect de cette liberté. En effet, dans un tel cas, il s’agirait d’une application dans le domaine fiscal de ce que la Cour a considéré comme l’«exercice abusif» d’un droit conféré par le droit communautaire (arrêt du 7 juillet 1992, Singh, C 370/90, Rec. p. I-4265).

Ce gouvernement précise également que l’adoption de l’article 167 bis du CGI a été inspirée par le comportement de certains contribuables consistant à transférer temporairement leur domicile fiscal avant de

céder des titres mobiliers dans le seul but d’éluder le paiement de l’impôt sur les plus-values dû en France. En outre, étant donné que l’effectivité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général (arrêt du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C-250/95, Rec. p. I-2471, point 31), ledit gouvernement estime que l’efficacité du recouvrement d’un impôt exigible, qui constitue une phase ultérieure par rapport aux contrôles effectués dans le cadre de la procédure fiscale, devrait également être regardée comme une raison impérieuse.

En outre, le gouvernement français soutient que l’absence d’instruments internationaux bilatéraux ou multilatéraux efficaces et permettant de conduire une action en recouvrement identique à celle pratiquée sur le territoire national contribue, selon lui, à rendre problématique le recouvrement de l’impôt lorsque le contribuable réside dans un autre État membre et justifie l’adoption de l’article 167 bis du CGI. Pour les mêmes raisons, la subordination de l’octroi du sursis de paiement à la constitution de garanties serait nécessaire.

Ensuite, le gouvernement français souligne que l’application de l’article 167 bis du CGI est proportionnée au but poursuivi, car les sujétions imposées au contribuable sont limitées dans le temps. En effet, l’imposition établie n’est susceptible de devenir effective qu’à l’intérieur d’un délai de cinq ans suivant la date de l’expatriation. Au terme de ce délai, si l’intéressé n’a pas cédé ses titres, il est libéré de toute obligation fiscale à l’égard des autorités françaises. La fixation d’un délai de cinq ans assurerait l’efficacité du système et ferait obstacle à une fraude au moyen d’un établissement de brève durée à l’étranger.

En outre, la nature des modalités d’imposition ne montrerait aucune disproportion. Si le sursis est refusé, c’est en raison de la propre faute du contribuable parce que, par exemple, il n’a pas établi une déclaration appropriée. Si le sursis est octroyé, la sujétion imposée au contribuable naît de l’obligation de constituer des garanties de paiement. Le contribuable concerné bénéficierait dans la quasi-totalité des cas d’un sursis de paiement. En pratique, le contribuable n’aurait donc aucun impôt à payer au moment du transfert de son domicile fiscal hors de France.

Le gouvernement français souligne enfin que, en cas de cession des titres, le montant de l’impôt exigible en France serait calculé de façon à éviter toute surtaxation. L’impôt sur les plus-values éventuellement acquitté par l’intéressé en vertu de la législation fiscale de l’État d’accueil serait

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déduit du montant de l’impôt sur les plus-values dû en France. Par ailleurs, les moins-values constatées après le départ du contribuable de France donneraient lieu à un dégrèvement de l’impôt à due concurrence de celles-ci. De la même manière, les plus-values réalisées après ce départ seraient exclues de l’assiette de l’impôt dû en France.

Les gouvernements danois, allemand et néerlandais estiment également que l’article 167 bis du CGI est justifié par des raisons impérieuses d’intérêt général et qu’il est proportionné au but poursuivi.

À cet égard, le gouvernement danois fait notamment référence à l’arrêt du 28 avril 1998, Safir (C-118/96, Rec. p. I-1897, points 25 et 33), dans lequel la Cour aurait reconnu comme une raison impérieuse justifiant une entrave à la libre prestation des services la protection contre l’érosion fiscale de la base d’imposition.

Le gouvernement allemand fait valoir, en premier lieu, que l’article 167 bis du CGI est fondé sur la répartition du pouvoir fiscal entre l’«État de départ» et l’«État de destination». Le droit de l’«État de départ» d’imposer les plus-values de participations dans des sociétés de capitaux résulterait du fait qu’elles sont régulièrement nées de l’activité de la société dans ce dernier État. Dès lors, elles seraient comprises dans le patrimoine du contribuable qui, jusqu’à son départ, est imposable dans cet État. En second lieu, le gouvernement allemand se réfère au point 26 de l’arrêt ICI, précité, dans lequel la Cour aurait reconnu, de manière générale, la possibilité d’une justification fondée sur le risque d’évasion fiscale.

Le gouvernement néerlandais relève que la limitation du pouvoir fiscal aux plus-values réalisées dans l’État de résidence du contribuable et la prise en compte corrélative des plus-values constituées dans cet État lorsque les titres mobiliers sont vendus ou lorsque le domicile est transféré, est conforme au principe de la territorialité fiscale. Il considère que l’effet combiné de l’imposition lors de l’émigration du contribuable et de l’exigence d’une garantie pour obtenir un sursis de paiement, afin d’assurer la perception effective de l’impôt, est nécessaire pour garantir la cohérence du régime fiscal national. Un tel motif pourrait justifier une disposition restreignant les libertés fondamentales (arrêt du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249), car, en l’occurrence, il existerait un lien direct entre le report de l’imposition annuelle de l’accroissement de capital lié aux titres mobiliers, d’une part, et la perception effective de

l’impôt lors du déplacement du domicile à l’étranger, d’autre part. En outre, le gouvernement néerlandais considère que l’article 167 bis du CGI s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, en visant à empêcher que les contribuables ne transfèrent temporairement leur domicile hors de France afin de réaliser leurs titres mobiliers sans imposition significative des plus-values.

Cependant, M. de Lasteyrie, le gouvernement portugais et la Commission font valoir que la présomption généralisée et automatique d’évasion contenue dans l’article 167 bis du CGI, qui entraîne une imposition immédiate des plus-values latentes, comporte des effets qui vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour lutter efficacement contre la fraude ou l’évasion fiscale et constitue, de ce fait, une entrave disproportionnée à la liberté d’établissement.

M. de Lasteyrie observe que les conventions destinées à éviter la double imposition conclues par la République française comportent normalement une clause dite d’«assistance au recouvrement» permettant aux autorités fiscales françaises de se fonder sur ces dispositions pour recouvrer un impôt dû par des contribuables qui auraient transféré leur résidence dans un autre État membre de l’Union européenne. Le gouvernement portugais estime que, lorsqu’un assujetti transfère son domicile fiscal dans un autre État membre, les autorités compétentes sont tenues de coopérer et de mettre en place des procédures d’échange d’informations qui garantissent qu’il sera satisfait aux créances fiscales telles que celles en cause au principal.

Selon la Commission, l’article 167 bis du CGI, par son caractère général, ne permettrait pas de discerner, au cas par cas, si le transfert a été effectivement inspiré par un but d’évasion fiscale. En effet, cette disposition n’aurait nullement pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale, car elle vise, de manière générale, toute situation dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés transfère, «pour quelque raison que ce soit», son domicile fiscal hors de France. À cet égard, il ressortirait du point 38 de l’arrêt du 9 mars 1999, Centros (C-212/97, Rec. p. I-1459), qu’il incombe à l’administration compétente de prouver, au cas par cas, l’existence d’une fraude.

En outre, M. de Lasteyrie ainsi que la Commission font valoir que le sursis de paiement n’est pas accordé de plein droit et que le contribuable devra, en tout état de cause, être

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capable de présenter des garanties propres à assurer le paiement de l’impôt. Ces mesures ne seraient manifestement pas proportionnées au but poursuivi. La législation des autres États membres, comme celle du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et celle du royaume de Suède, démontrerait que des solutions moins restrictives de la liberté d’établissement seraient envisageables. Quant au régime des garanties, la Commission fait également valoir que celui-ci est discriminatoire eu égard à l’impossibilité de déposer en garantie des titres non cotés à une bourse française en l’absence d’une caution bancaire garantissant le paiement intégral des impôts dus.

Réponse de la Cour

L’article 167 bis du CGI instaure le principe d’une imposition, à la date du transfert du domicile d’un contribuable hors de France, des plus-values de droits sociaux, celles-ci étant déterminées par la différence entre la valeur de ces droits à la date dudit transfert et leur prix d’acquisition. Cette imposition ne s’applique qu’aux contribuables qui détiennent, directement ou indirectement avec les membres de leur famille, des droits dans les bénéfices sociaux d’une société dépassant 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années précédant la date susmentionnée. La particularité de ladite disposition réside dans le fait qu’elle concerne l’imposition de plus-values latentes.

Il convient d’examiner, en premier lieu, si l’article 167 bis du CGI, qui institue donc une imposition sur les plus-values latentes du seul fait du transfert hors de France du domicile d’un contribuable, est susceptible de restreindre l’exercice de la liberté d’établissement au sens de l’article 52 du traité.

À cet égard, il convient de souligner que l’article 52 du traité constitue l’une des dispositions fondamentales du droit communautaire et est directement applicable dans les États membres depuis la fin de la période transitoire. En vertu de cette disposition, la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises dans les conditions définies par la législation de l’État d’établissement pour ses propres ressortissants (arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 13; du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland, C-311/97, Rec. p. I-2651, point 22, et du 13 avril 2000, Baars, C-251/98, Rec. p. I-2787, point 27).

En réponse aux doutes exprimés par certains gouvernements quant à l’applicabilité de cette disposition au litige au principal, et en l’absence de précisions suffisantes sur ce point dans le dossier soumis à la Cour, il y a lieu de rappeler que dans le cadre d’une procédure visée à l’article 234 CE, fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national (voir, notamment, arrêt du 25 février 2003, IKA, C-326/00, Rec. p. I-1703, point 27, et jurisprudence citée), et de constater que, en l’occurrence, la juridiction de renvoi paraît avoir conclu à l’applicabilité de l’article 52 du traité au litige qui lui est soumis.

Il importe de préciser que, même si, à l’instar des autres dispositions relatives à la liberté d’établissement, l’article 52 du traité vise notamment, selon son libellé, à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, il s’oppose également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants (voir arrêt Baars, précité, point 28, et jurisprudence citée).

Par ailleurs, même une restriction à la liberté d’établissement de faible portée ou d’importance mineure est prohibée par l’article 52 du traité (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, précité, point 21, et du 15 février 2000, Commission/France, C-34/98, Rec. p. I-995, point 49).

En outre, l’interdiction pour les États membres d’établir des restrictions à la liberté d’établissement s’applique également aux dispositions fiscales. En effet, selon une jurisprudence constante, si, en l’état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, il n’en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire (voir arrêts du 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225, point 21; ICI, précité, point 19, et du 21 novembre 2002, X et Y, C-436/00, Rec. p. I-10829, point 32).

En l’occurrence, même si l’article 167 bis du CGI n’interdit pas à un contribuable français d’exercer son droit d’établissement, cette disposition est néanmoins de nature à restreindre l’exercice de ce droit en ayant, à tout le moins, un effet dissuasif à l’égard des contribuables qui souhaitent s’installer dans un autre État membre.

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En effet, le contribuable désireux de transférer son domicile en dehors du territoire français, dans le cadre de l’exercice du droit que lui garantit l’article 52 du traité, est soumis à un traitement désavantageux par rapport à une personne qui maintient sa résidence en France. Ce contribuable devient redevable, du seul fait d’un tel transfert, d’un impôt sur un revenu qui n’est pas encore réalisé et dont il ne dispose donc pas, alors que, s’il demeurait en France, les plus-values ne seraient imposables que lorsque et dans la mesure où elles ont été effectivement réalisées. Cette différence de traitement concernant l’imposition des plus-values, qui est susceptible d’avoir des répercussions considérables sur le patrimoine du contribuable désireux de transférer son domicile hors de France, est de nature à décourager un contribuable de procéder à un tel transfert.

L’examen des modalités d’application de ladite mesure confirme cette conclusion. En effet, bien qu’il soit possible de bénéficier d’un sursis de paiement, celui-ci n’est pas automatique et il est soumis à des conditions strictes telles que décrites par M. l’avocat général aux points 36 et 37 de ses conclusions, au nombre desquelles figure notamment la constitution de garanties. Ces garanties comportent par elles-mêmes un effet restrictif, dans la mesure où elles privent le contribuable de la jouissance du patrimoine donné en garantie.

Il résulte de ce qui précède que la mesure en cause au principal est susceptible d’entraver la liberté d’établissement.

Il importe de rappeler, en second lieu, qu’une mesure qui est susceptible d’entraver la liberté d’établissement consacrée par l’article 52 du traité ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Mais encore faut-il, en pareil cas, que son application soit propre à garantir la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci (voir arrêts précités Futura Participations et Singer, point 26, et jurisprudence citée, ainsi que X et Y, point 49).

Pour ce qui concerne la justification tirée de l’objectif de prévenir l’évasion fiscale, mentionnée par la juridiction de renvoi dans la question préjudicielle, il convient de relever que l’article 167 bis du CGI n’a pas pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la législation fiscale française, mais vise, de manière générale, toute situation dans

laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit, son domicile hors de France (voir, en ce sens, arrêts précités ICI, point 26, ainsi que X et Y, point 61).

Or, le transfert du domicile d’une personne physique en dehors du territoire d’un État membre n’implique pas, en soi, l’évasion fiscale. Une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait être fondée sur la circonstance que le domicile d’une personne physique a été transféré dans un autre État membre et justifier une mesure fiscale portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 2000, Commission/Belgique, C-478/98, Rec. p. I-7587, point 45, ainsi que X et Y, précité, point 62).

Dès lors, l’article 167 bis du CGI ne saurait, sans excéder largement ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’il poursuit, présumer l’intention de contourner la loi fiscale française de tout contribuable qui transfère son domicile hors de France.

Ainsi, sera également redevable de l’impôt en vertu de l’article 167 bis du CGI le contribuable qui cède ses titres avant l’expiration de la période de cinq années suivant la date du départ de France, même s’il n’a nullement l’intention de revenir dans cet État membre et continue de résider à l’étranger après l’écoulement de cette période.

Par ailleurs, l’objectif envisagé, à savoir empêcher qu’un redevable ne transfère temporairement son domicile fiscal avant de céder des titres mobiliers dans le seul but d’éluder le paiement de l’impôt sur les plus-values dû en France, peut être atteint par des mesures moins contraignantes ou moins restrictives de la liberté d’établissement, ayant trait spécifiquement au risque d’un tel transfert temporaire. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, les autorités françaises pourraient notamment prévoir la taxation du contribuable qui, après un séjour relativement bref dans un autre État membre, reviendrait en France après avoir réalisé ses plus-values, ce qui éviterait d’affecter la situation des contribuables n’ayant pas d’autre objectif que d’exercer en toute bonne foi leur liberté d’établissement dans un autre État membre.

Les modalités d’application de l’article 167 bis du CGI ne permettent pas d’aboutir à une conclusion différente.

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En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 47 du présent arrêt, le sursis de paiement n’est pas automatique, mais il est soumis à des conditions strictes telles que l’obligation d’effectuer une déclaration dans le délai requis, de désigner un représentant établi en France et de constituer des garanties propres à assurer le recouvrement des impositions.

Dans la mesure où l’application de ces conditions engendre des restrictions à l’exercice du droit d’établissement, l’objectif de prévenir l’évasion fiscale, qui n’est pas de nature à justifier le régime d’imposition prévu à l’article 167 bis du CGI, ne saurait davantage être utilement invoqué au soutien desdites conditions, qui sont destinées à mettre en œuvre ce régime.

Dès lors, l’article 52 du traité s’oppose à ce qu’un État membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values latentes, tel que celui prévu à l’article 167 bis du CGI, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet État.

Cependant, le gouvernement danois fait valoir que l’objectif de l’article 167 bis du CGI serait d’empêcher l’érosion fiscale de la base d’imposition de l’État membre concerné, en évitant que des contribuables tirent un avantage des différences qui existent entre les régimes fiscaux des États membres.

À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale (arrêts ICI, précité, point 28, et du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 59). Dès lors, le simple manque à gagner subi par un État membre du fait du transfert du domicile fiscal d’un contribuable dans un autre État membre, dans lequel la réglementation fiscale est différente et, le cas échéant, plus avantageuse pour ce contribuable, ne saurait en soi justifier une restriction du droit d’établissement.

Quant au gouvernement néerlandais, il soutient que l’effet combiné de l’imposition lors de l’émigration et de l’exigence de garanties auxquelles est subordonné l’octroi du sursis au paiement effectif de l’impôt est nécessaire pour garantir la cohérence du système fiscal français, car il existerait un lien direct entre le report de l’imposition annuelle de l’accroissement de capital correspondant aux titres mobiliers, d’une

part, et la perception effective de l’impôt lors du déplacement du domicile à l’étranger, d’autre part.

La Cour a certes admis, afin de maintenir le lien entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des sommes dues par les assureurs en exécution des contrats d’assurance, que la déductibilité fiscale de cotisations soit subordonnée à la condition que celles-ci soient payées dans cet État (arrêts Bachmann, précité, points 21 à 23, et du 28 janvier 1992, Commission/Belgique, C-300/90, Rec. p. I-305, points 14 à 20).

Cependant, il ne saurait être soutenu que l’article 167 bis du CGI est de la même manière justifié par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal français.

À cet égard, il y a lieu de rappeler que le régime fiscal prévu à l’article 167 bis du CGI vise, ainsi qu’il a été précisé par le gouvernement français dans ses observations écrites, à prévenir les transferts temporaires de domicile hors de France motivés exclusivement par des raisons fiscales. En effet, l’adoption dudit article a été inspirée par le comportement de certains contribuables consistant à transférer temporairement leur domicile fiscal avant de céder des titres mobiliers dans le seul but d’éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value dont ils sont redevables en France.

L’article 167 bis du CGI ne semble donc pas avoir pour objectif d’assurer de manière générale l’imposition des plus-values, en cas de transfert du domicile d’un contribuable hors de France, pour autant qu’il s’agit de plus-values acquises lors du séjour de ce dernier sur le territoire français.

Cette constatation est confortée par le fait que le régime fiscal en cause au principal permet un dégrèvement de toute imposition dont les plus-values, en cas de réalisation de celles-ci, ont fait l’objet dans le pays dans lequel le contribuable a transféré son domicile. En effet, une telle imposition pourrait avoir pour conséquence que les plus-values réalisées, y compris la partie de celles-ci acquise lors du séjour du contribuable en France, seront entièrement taxées dans ledit pays.

Dans ces conditions, la prémisse sur laquelle est fondé l’argument de la cohérence fiscale invoqué par le gouvernement néerlandais ne se vérifie pas eu égard à l’objectif poursuivi par le régime fiscal prévu à l’article 167 bis du CGI. Dès lors, la justification d’un tel régime tirée d’un objectif de cohérence fiscale, qui par ailleurs n’a pas été invoquée par le gouvernement français, ne saurait être retenue.

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Concernant l’argument du gouvernement allemand selon lequel il convient de tenir compte de la répartition du pouvoir fiscal entre l’État de départ et l’État d’accueil, il suffit de relever, ainsi que M. l’avocat général l’a fait au point 82 de ses conclusions, que le litige ne porte pas sur la répartition du pouvoir d’imposition entre États membres ni sur le droit des autorités françaises d’imposer des plus-values latentes en voulant réagir à des transferts de domicile artificiels, mais sur la question de savoir si les mesures adoptées dans ce but sont conformes aux exigences de la liberté d’établissement.

En conséquence, il convient de répondre à la question posée que le principe de la liberté d’établissement posé par l’article 52 du traité doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre institue, à des fins de prévention

d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values latentes, tel que celui prévu à l’article 167 bis du CGI, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet État.

Par ces motifs, LA COUR (cinquième chambre),statuant sur la question à elle soumise par le Conseil d’État, par décision du 14 décembre 2001, dit pour droit: Le principe de la liberté d’établissement posé par l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l’article 167 bis du code général des impôts français, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet État.

CE, 10 novembre 2004, req. n° 211 341, Hugues de Lasteyrie de Saillant Vu la décision en date du 14 décembre 2001 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête présentée par M. Hughes X et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 portant application de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) relatif aux modalités d'imposition de certaines plus-values de valeurs mobilières en cas de transfert du domicile fiscal hors de France, en tant que ledit décret a trait à l'application des dispositions de l'article 167 bis que l'article 24 de cette loi a ajouté au code général des impôts, a sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir si le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) s'oppose à ce qu'un Etat membre institue, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal, tel que celui prévu par l'article 167 bis du code général des impôts ;

Considérant que, par arrêt du 11 mars 2004, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant sur la question préjudicielle qui lui avait été soumise par la décision susvisée du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 14 décembre 2001, a dit pour droit que le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre institue, à des fins de prévention d'un

risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l'article 167 bis du code général des impôts français, en cas de transfert du domicile fiscal d'un contribuable hors de cet Etat ;

Considérant qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, issues de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998, sont inapplicables à ceux des contribuables qu'elles visent qui, exerçant la liberté d'établissement, transfèrent dans un autre Etat membre de la Communauté européenne leur domicile fiscal, et est donc fondé, par ce moyen, à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 en tant qu'elles ont trait à l'application à ces contribuables des dispositions dudit article 167 bis du code général des impôts ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. X, en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, la somme de 2 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 portant application de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre

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1998) relatif aux modalités d'imposition de certaines plus-values de valeurs mobilières en cas de transfert du domicile fiscal hors de France est annulé en tant qu'il porte application des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat membre de la Communauté européenne par un contribuable exerçant la liberté d'établissement.

Article 2 : L'Etat versera à M. X, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Hughes X, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des affaires étrangères.

CE, 31 juill. 2009, n° 297933, n° 303818, Sté Swiss International Air Lines AG • Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit suisse Crossair, aux droits de laquelle vient la société Swiss International Air Lines AG, ayant son siège en Suisse, exerçait aux cours des années 1991 à 1998 des activités de transport aérien international, ainsi que des activités de maintenance d'avions et de formation de pilotes à partir des installations dont elle disposait dans le « secteur suisse », où les autorités suisses exercent des missions de contrôle, notamment en matière douanière, de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui est situé sur le territoire français ; qu'à l'issue de deux vérifications de comptabilité portant respectivement sur les années 1991 à 1994 d'une part, et 1997 et 1998 d'autre part, elle a été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1992, 1993, 1994, 1997 et 1998 sur la base des bénéfices que lui ont procurés les prestations de maintenance d'avions et de formation de pilotes qu'elle a effectuées pour le compte de tiers ; que le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 août 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 19 novembre 2002 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant les demandes de la société tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés mentionnées ci-dessus et a prononcé la décharge des impositions contestées ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

• Considérant qu'aux termes de l'article 209 du Code général des impôts : « I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions

(...) » ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention signée à Paris le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : « 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. (...) » ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention : « 1. Au sens de la présente convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires où 'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression « établissement stable » comprend notamment : (...) c) Un bureau ; (...) e) Un atelier (...) » ;

• Considérant qu'en se fondant, pour écarter la qualification d'établissement stable, sur le motif que l'Administration n'établissait pas que les activités de maintenance d'avions et de formation de pilotes pour le compte de tiers étaient exercées dans le cadre d'une structure juridique disposant, en droit ou en fait, de pouvoirs lui permettant d'engager la société et présentant d'une manière générale une autonomie de gestion, sans rechercher si les installations, les matériels et les personnels affectés aux activités en cause sur le site de l'aéroport de Bâle-Mulhouse constituaient une installation fixe d'affaires au sens des stipulations précitées de la convention fiscale franco-suisse, la cour a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

• Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

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• Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société de droit suisse Crossair exerçait, en plus de ses activités de transport aérien international, des activités de maintenance d'avions et de formation de pilotes à partir d'installations permanentes, dotées d'un personnel propre, dont elle disposait dans l'aéroport de Bâle-Mulhouse, situé, dans son ensemble, sur le territoire français ; qu'ainsi, elle doit être regardée comme exploitant une entreprise en France au sens des dispositions précitées du I de l'article 209 du Code général des impôts ; qu'il en résulte que les bénéfices tirés de ces activités sont imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française ;

• Considérant que la société Swiss International Air Lines AG soutient que les stipulations de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, de la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 et de la convention signée à Paris le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune s'opposent à cette imposition en France ;

• Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse : « La législation et la réglementation françaises sont seules applicables dans l'enceinte de l'aéroport, sauf les dérogations expresses apportées à ce principe par la présente convention et ses annexes » ; qu'aux termes de l'article 14 de l'annexe II à cette même convention dans sa rédaction issue de l'échange de notes des 20 juillet et 21 novembre 1960 entre la France et la Suisse : « 1. Les conditions d'application des impôts et taxes fiscales français à la charge de l'aéroport, des compagnies de navigation aérienne et des entreprises chargées de l'exécution de travaux immobiliers pour l'aéroport, feront l'objet d'un accord entre les deux gouvernements » ; que ces dernières stipulations ne font pas obstacle, en l'absence de stipulations expresses en décidant autrement prévues par un accord entre la France et la Suisse en vigueur au cours des années d'imposition en cause, à l'imposition à l'impôt sur les sociétés des bénéfices qu'une compagnie de navigation aérienne tire des activités de maintenance d'avions et de formation de pilotes pour le compte de tiers qu'elle exerce, en plus de son activité de transport aérien international, au moyen d'installations situées dans le « secteur suisse » de l'aéroport dont l'emprise se trouve dans son ensemble en territoire français ; que n'y font

pas davantage obstacle les stipulations de la convention qui prévoient que, dans ce secteur, les autorités suisses exercent des missions de contrôle, notamment en matière douanière ;

• Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante en invoquant des stipulations non pertinentes à cet égard de la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944, la maintenance d'avions et la formation de pilotes pour le compte de tiers constituent, alors même qu'elles ne feraient pas l'objet d'autorisations spécifiques délivrées par les autorités françaises, des activités de prestation de services distinctes de celle de transporteur aérien et qui, quels que soient les objectifs économiques poursuivis, n'en sont pas le simple prolongement ; que la société Swiss International Air Lines AG n'est donc pas fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention fiscale franco-suisse selon lesquelles : « 1. Les bénéfices provenant de l'exploitation, en trafic international, de navires ou d'aéronefs ne sont imposables que dans l'État contractant où le siège de direction effective de l'entreprise est situé (...) » ;

• Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Crossair exerçait au cours des années d'imposition en cause les activités de prestation de services de maintenance d'avions et de formation de pilotes pour le compte de tiers au moyen de locaux et d'équipements dont elle disposait dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse et d'un personnel affecté à l'exécution de ces tâches ; qu'elle y disposait ainsi, pour l'exercice de ces activités, d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable au sens et pour l'application des stipulations du paragraphe 2 de l'article 5 de la convention fiscale franco-suisse ; qu'il s'ensuit qu'en application des stipulations précitées de l'article 7 de la convention, les bénéfices tirés des activités en cause exercées dans cet établissement stable situé en France étaient imposables en France ; que la société requérante ne saurait utilement invoquer les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention, qui visent le cas, distinct de celui des succursales, bureaux, usines ou ateliers, dans lequel l'établissement stable est constitué par un agent dépendant, personne physique ou morale agissant pour le compte de l'entreprise ; qu'en outre, si la société soutient que les activités dont les résultats ont été imposés sont des activités secondaires et accessoires à l'activité principale d'exploitation d'aéronefs en trafic international, qui, à ce titre, seraient exclues de la définition de l'établissement stable, le e) du paragraphe 3 de

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l'article 5 de la convention fiscale franco-suisse limite cette exclusion aux cas où l'« installation fixe d'affaires est utilisée, pour l'entreprise, aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire » ;

• Considérant qu'il résulte de tout de ce qui

précède que la société Swiss International Air Lines AG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de la société Crossair tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles cette société a été assujettie au titre des années 1992, 1993, 1994, 1997 et 1998 ;

(...)

CE, 31 juill. 2009, n° 296471, Sté Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd • Considérant que la société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd, société de capitaux de droit britannique dont le siège social est situé à Londres, et qui est propriétaire en France, à Chantilly, d'un ensemble immobilier utilisé pour l'entraînement de chevaux de course, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, confirmant le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 décembre 2001, a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle mises à sa charge au titre des exercices clos en 1992 et 1993 ;

• Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du Code général des impôts : « (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions » et qu'en vertu des dispositions de l'article 223 septies du même code, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 en matière d'impôts sur le revenu : « Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre État, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. » ; que le paragraphe 1 de l'article 4 de la même convention stipule : « Au sens de la présente convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation

fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité » ;

• Considérant qu'en jugeant que le centre d'entraînement de Chantilly mis à la disposition de professionnels qui y préparent, pour la course, des chevaux appartenant à des personnes résidant à l'étranger, devait être regardé comme un établissement stable au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-britannique, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd ne disposait d'aucun personnel sur le site, à l'exception d'un gardien, et que les locaux du centre étaient dépourvus des équipements nécessaires à l'entraînement des chevaux, ce qui ne permettait pas de caractériser l'exercice d'une activité autre que celle de simple mise à disposition d'un bien immobilier, la cour a inexactement qualifié les faits ; que par suite, l'arrêt du 11 avril 2006 doit être annulé ;

• Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative ;

• Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd n'exploite aucune entreprise en France au sens du I de l'article 209 du Code général des impôts ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la seule mise à disposition de locaux, au profit de propriétaires de chevaux de course et de professionnels à leur service, ne permet pas de qualifier le centre d'entraînement de Chantilly d'établissement stable au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-britannique ; que, dès lors, aucune cotisation d'impôt sur les sociétés ne pouvait, sur le fondement des dispositions combinées du I de l'article 209 du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1959, et des stipulations de l'article 6 de la convention fiscale franco-britannique, être

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mise à la charge de la société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd, à raison des bénéfices qu'elle tire du centre d'entraînement de Chantilly ; que par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que, sur le fondement de ces dispositions, la société requérante devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés et à l'imposition forfaitaire annuelle au titre des exercices clos en 1992 et en 1993 ;

• Considérant que le ministre, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, y compris lorsque la demande de substitution est présentée pour la première fois devant le Conseil d'État faisant application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative, de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, entend se prévaloir de l'article 5 de la convention fiscale franco-britannique qui stipule : « 1. Les revenus qu'un résident d'un État contractant tire de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) situés dans l'autre État contractant, ainsi que les revenus tirés des droits attachés à ces biens sont imposables dans cet autre État (...) 4. Les dispositions des paragraphes précédents s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession indépendante » ;

• Considérant qu'il résulte de l'instruction que la substitution de base légale demandée ne prive la société requérante d'aucune des garanties prévues

par la loi en matière de procédure d'imposition ;

• Considérant que si le ministre invoque l'article 5 de la convention fiscale franco-britannique en combinaison avec les dispositions du I de l'article 209 du Code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1959 et si la société requérante, société de capitaux de droit britannique, est imposable à l'impôt sur les sociétés en vertu du 1 de l'article 206 du même code, il résulte de l'instruction que les revenus nets immobiliers directement rattachables à l'exploitation du centre d'entraînement, au titre des exercices clos en 1992 et 1993, sont négatifs, sans que les variations des comptes de capitaux retracées dans les liasses fiscales déposées par la société au titre des exercices clos de 1987 à 1992 et regardées par l'administration fiscale comme un passif injustifié, aient une incidence sur la détermination du résultat de l'exploitation de cet immeuble ; que dès lors, en l'absence de revenus nets tirés du bien immobilier dont elle était propriétaire en France, aucune cotisation d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle ne pouvait être mise à la charge de la société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd au titre des exercices clos en 1992 et en 1993 ;

• Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Ltd est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 décembre 2001, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 1992 et 1993 ;

CJCE, 4e ch., 27 nov. 2008, aff. C-418/07, Sté Papillon Sur les questions préjudicielles

14. Par ses deux questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la législation d'un État membre, en vertu de laquelle un régime d'imposition de groupe est accordé à une société mère résidente de cet État membre qui détient des filiales et des sous-filiales également résidentes dudit État, mais est exclu pour une telle société mère si ses sous-filiales résidentes sont détenues par l'intermédiaire d'une filiale résidente d'un autre État membre, constitue une restriction à la liberté d'établissement et si, le cas échéant, cette restriction peut être justifiée.

15. À cet égard, il convient de rappeler que la liberté d'établissement comprend, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté européenne, le droit d'exercer leur activité dans d'autres États membres par l'intermédiaire d'une filiale, d'une succursale ou d'une agence (arrêts du 23 février 2006, Keller Holding, C-471/04, Rec. p. I-2107, point 29, et du 15 mai 2008, Lidl Belgium, C-414/06, non encore publié au Recueil, point 18).

16. Même si, selon leur libellé, les dispositions du

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traité CE relatives à la liberté d'établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l'État membre d'accueil, elles s'opposent également à ce que l'État membre d'origine entrave l'établissement dans un autre État membre de l'un de ses ressortissants ou d'une société constituée en conformité avec sa législation (arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 21 ; du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C-298/05, Rec. p. I-10451, point 33, et Lidl Belgium, précité, point 19).

17. Dans l'affaire au principal, il convient d'emblée de relever que la juridiction de renvoi ne demande pas si l'impossibilité pour la filiale néerlandaise de Papillon d'être incluse dans l'intégration fiscale constitue une restriction à la liberté d'établissement. Ainsi que l'a relevé Mme l'avocat général aux points 5 et 24 de ses conclusions, la demande de décision préjudicielle vise à savoir si constitue une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 52 du traité le fait qu'une société mère établie dans un État membre ne puisse pas bénéficier du régime de l'intégration fiscale pour le groupe qu'elle constitue avec ses sous-filiales, ayant leur siège dans le même État, lorsque la filiale intermédiaire, qui est établie dans un autre État membre, n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés dans le premier État.

18. Ainsi qu'il ressort de la décision de renvoi, le régime de l'intégration fiscale allège l'imposition de la société mère en lui permettant de compenser les bénéfices et les pertes de toutes les sociétés du groupe fiscalement intégré. Ce régime constitue un avantage fiscal, en ce que, notamment, la compensation autorisée permet au groupe une prise en compte immédiate des pertes de certaines sociétés membres de celui-ci.

19. En application de l'article 223 A et suivants du CGI, cet avantage fiscal n'est toutefois pas accordé lorsque la société mère établie en France détient une sous-filiale, ayant également son siège sur le territoire français, au moyen d'une filiale qui est établie dans un autre État membre et qui n'exerce pas d'activités en France.

20. En effet, ainsi qu'il a été rappelé aux points 3 et 4 du présent arrêt, la société mère du groupe ne peut, aux fins de bénéficier du régime de l'intégration fiscale, détenir indirectement une autre société membre du groupe que par l'intermédiaire d'une société elle-même membre du groupe intégré et donc soumise à l'impôt sur les sociétés en France.

21. Ainsi, une société mère ayant son siège en France, qui détient ses sous-filiales françaises au

moyen d'une filiale établie dans un autre État membre, ne peut bénéficier du régime de l'intégration fiscale. En revanche, une société mère française a la faculté de constituer une intégration fiscale avec ses sous-filiales françaises lorsque la filiale intermédiaire est établie en France.

22. Comme l'a relevé Mme l'avocat général au point 30 de ses conclusions, il en résulte que les dispositions du CGI en cause au principal créent une différence de traitement au regard de la faculté d'opter pour le régime de l'intégration fiscale selon que la société mère détient ses participations indirectes au moyen d'une filiale établie en France ou dans un autre État membre.

23. Le gouvernement français soutient toutefois que cette différence de traitement s'explique par le fait que ces deux situations ne sont pas objectivement comparables.

24. Dans une situation telle que celle au principal, la filiale établie dans un État membre autre que la République française n'est de ce fait pas soumise à l'impôt sur les sociétés en France, contrairement à la situation d'une filiale ayant son siège dans ce dernier État.

25. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

26. En effet, admettre qu'un État membre puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que le siège d'une société est situé dans un autre État membre viderait les règles relatives à la liberté d'établissement de leur contenu (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 18, et du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 42).

27. Aux fins d'établir l'existence d'une discrimination, la comparabilité d'une situation communautaire avec une situation purement interne doit être examinée en tenant compte de l'objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause (voir, en ce sens, arrêts Metallgesellschaft e.a., précité, point 60, et du 18 juillet 2007, Oy AA, C-231/05, Rec. p. I-6373, point 38).

28. Dans l'affaire au principal, les dispositions du CGI en cause visent à assimiler le plus possible à une entreprise ayant plusieurs établissements le groupe constitué par une société mère avec ses filiales et ses sous-filiales, en permettant de consolider les résultats de chaque société.

29. Or, cet objectif peut être atteint tant dans la situation d'une société mère résidente dans un État

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membre qui détient des sous-filiales également résidentes de celui-ci par l'intermédiaire d'une filiale elle-même résidente que dans la situation d'une société mère résidente dans le même État membre qui détient des sous-filiales également résidentes de ce dernier, mais par l'intermédiaire d'une filiale établie dans un autre État membre.

30. Au regard de l'objectif des dispositions du CGI en cause au principal, ces deux situations sont donc objectivement comparables.

31. Par conséquent, le régime fiscal en cause au principal génère une inégalité de traitement en raison du lieu où se trouve le siège de la filiale par l'intermédiaire de laquelle la société mère résidente détient ses sous-filiales résidentes.

32. En tant qu'elles défavorisent, sur le plan fiscal, les situations communautaires par rapport aux situations purement internes, les dispositions du CGI en cause au principal constituent donc une restriction en principe interdite par les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement.

33. Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'une telle restriction à la liberté d'établissement ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général. Encore faudrait-il, dans cette hypothèse, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (arrêt Lidl Belgium, précité, point 27 et jurisprudence citée).

34. À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que les gouvernements allemand et néerlandais font valoir, dans les observations écrites qu'ils ont soumises à la Cour, que la restriction à la liberté d'établissement découlant de la législation en cause au principal peut être justifiée par la nécessité de préserver la répartition de la compétence fiscale entre les États membres.

35. Sur ce point, lesdits gouvernements se réfèrent aux arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837), ainsi que Oy AA, précité, et allèguent que la restriction instituée par les dispositions du CGI en cause au principal est nécessaire pour empêcher une double prise en compte des pertes et lutter contre un risque d'évasion fiscale.

36. Ces éléments de justification ne sauraient prospérer.

37. En effet, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Marks & Spencer ainsi que Oy AA, les questions posées avaient trait, respectivement, à la prise en compte de pertes enregistrées dans un État membre autre que celui de résidence du

contribuable et à un risque d'évasion fiscale.

38. Or, dans les circonstances de l'affaire au principal, ces questions ne se posent pas, dès lors que l'objet de la demande de décision préjudicielle est de savoir si le fait qu'une société résidente d'un État membre ne peut pas bénéficier du régime de l'intégration fiscale avec ses sous-filiales également résidentes dudit État lorsque la filiale intermédiaire est établie dans un autre État membre constitue une restriction, et non pas de savoir si la filiale non-résidente doit pouvoir relever dudit régime.

39. Dans l'affaire au principal, la question de la prise en compte des bénéfices et des pertes des sociétés appartenant au groupe en question ne se pose que pour des sociétés résidentes d'un seul État membre. Partant, la question posée est relative à la prise en compte de pertes enregistrées dans un seul et même État membre, ce qui exclut également, a priori, un risque d'évasion fiscale.

40. Par conséquent, la restriction établie aux points 22 à 32 du présent arrêt ne saurait être justifiée par la répartition du pouvoir d'imposition entre États membres.

41. Il convient de relever, en second lieu, que la juridiction de renvoi demande si la restriction en cause peut être justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal, le gouvernement français considérant, dans les observations écrites qu'il a soumises à la Cour, que tel est le cas dans l'affaire au principal.

42. La juridiction de renvoi fait observer que, dès lors que la filiale non-résidente resterait nécessairement exclue de l'application du régime de l'intégration fiscale, puisqu'elle n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés en France, la cohérence du système de neutralisation des opérations intragroupe serait affectée, le traitement des opérations impliquant cette filiale étant différent de celui applicable aux opérations impliquant une filiale résidente et pouvant conduire à des doubles déductions par rapport à un système ne mettant en jeu que des sociétés soumises audit impôt.

43. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà admis que la nécessité de préserver la cohérence d'un régime fiscal peut justifier une restriction à l'exercice des libertés de circulation garanties par le traité (arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 28 ; du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 42, et Keller Holding, précité, point 40).

44. Pour qu'un argument fondé sur une telle

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justification puisse prospérer, la Cour exige toutefois un lien direct entre l'avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (arrêt du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, C-484/93, Rec. p. I-3955, point 18 ; arrêts précités ICI, point 29 ; Manninen, point 42, et Keller Holding, point 40), le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l'objectif de la réglementation en cause (arrêts Manninen, précité, point 43, et du 28 février 2008, Deutsche Shell, C-293/06, non encore publié au Recueil, point 39).

45. Dans l'affaire au principal, le gouvernement français expose que le régime de l'intégration fiscale prévoit la consolidation fiscale des sociétés et, en contrepartie, la neutralisation de certaines opérations entre les sociétés du groupe conformément aux articles 223 B, 223 D et 223 F du CGI.

46. À cet égard, il convient de relever que la neutralisation des différentes opérations internes au groupe permet, notamment, d'éviter un double emploi de pertes au niveau des sociétés résidentes relevant du régime de l'intégration fiscale.

47. En effet, en cas de pertes enregistrées par la sous-filiale, la filiale procédera normalement à des provisions pour dépréciation de sa participation dans cette sous-filiale, de sorte que la société mère constituera des provisions pour dépréciation de sa participation dans sa filiale. S'agissant d'une seule et même perte ayant son origine au niveau de la sous-filiale, si toutes ces sociétés relèvent du régime de l'intégration fiscale, il est fait abstraction, par le mécanisme de la neutralisation, des provisions pour dépréciation dans le chef de la filiale et de la société mère.

48. Toutefois, dans l'hypothèse où la filiale est une société non-résidente, les pertes enregistrées par la sous-filiale seraient doublement prises en compte, une première fois sous la forme de pertes directes de cette dernière et une nouvelle fois sous la forme d'une provision constituée par la société mère pour dépréciation de sa participation dans ladite filiale, car les opérations internes ne seraient pas neutralisées, la filiale non-résidente ne relevant pas du régime de l'intégration fiscale.

49. Dans une telle hypothèse, force est de constater que les sociétés résidentes bénéficieraient des avantages du régime de l'intégration fiscale, en termes de consolidation des résultats et de prise en compte immédiate des pertes de toutes les sociétés relevant de ce régime, sans que les pertes de la sous-filiale et les provisions de la société mère puissent faire l'objet d'une neutralisation.

50. Partant, le lien direct existant, dans le régime de l'intégration fiscale, entre les avantages fiscaux et la neutralisation des opérations internes au groupe serait ainsi anéanti, ce qui affecterait la cohérence dudit régime.

51. Par conséquent, en refusant le bénéfice du régime de l'intégration fiscale à une société mère résidente qui souhaite y inclure des sous-filiales résidentes dès lors qu'elle détient ces dernières par l'intermédiaire d'une filiale non-résidente, les dispositions du CGI en cause au principal sont de nature à garantir la cohérence dudit régime.

52. Encore faut-il que cette législation nationale n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, c'est-à-dire que le même objectif ne puisse pas également être atteint par des mesures moins restrictives de la liberté d'établissement.

53. À cet égard, le gouvernement français fait valoir que lesdites dispositions du CGI sont rendues nécessaires par la difficulté qu'ont les autorités fiscales françaises à vérifier l'existence d'un risque de double emploi de pertes lorsqu'une société non-résidente est interposée entre la société mère et ses sous-filiales. Le montant d'une provision ne correspondrait généralement pas à l'importance de la perte de la filiale et il serait tout simplement impossible d'identifier l'origine exacte d'une provision.

54. Il convient sur ce point de relever, tout d'abord, que des difficultés pratiques ne peuvent pas justifier à elles seules l'atteinte portée à une liberté garantie par le traité (arrêts du 4 mars 2004, Commission/France, C-334/02, Rec. p. I-2229, point 29 ; du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C-386/04, Rec. p. I-8203, point 48, et du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 70).

55. Il y a lieu, ensuite, de rappeler que la réglementation communautaire, à savoir la directive n° 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), permet aux États membres de solliciter des autorités compétentes des autres États membres toutes les informations susceptibles d'intéresser le calcul exact notamment de l'impôt sur les sociétés.

56. Enfin, il convient d'ajouter, ainsi que l'a relevé Mme l'avocat général au point 66 de ses conclusions, que les autorités fiscales concernées ont la faculté de solliciter de la société mère les

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documents qui leur semblent nécessaires pour examiner si les provisions comptabilisées par cette société pour dépréciation de ses participations dans le capital de la filiale doivent s'expliquer indirectement par une perte de la sous-filiale répercutée dans des provisions comptabilisées dans ladite filiale (voir, en ce sens, arrêts Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 49 ; du 30 janvier 2007, Commission/Danemark, C-150/04, Rec. p. I-1163, point 54 ; du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C-347/04, Rec. p. I-2647, point 57, et du 11 octobre 2007, ELISA, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 95).

57. Dans les relations entre États membres, les informations demandées ou fournies par les autorités fiscales concernées sont d'autant plus susceptibles de permettre de vérifier si les conditions prévues par la législation nationale sont remplies que des mesures communautaires d'harmonisation s'appliquent en matière de comptabilité des sociétés, de sorte qu'existe la possibilité de produire des données fiables et vérifiables relatives à une société établie dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, A, C-101/05, Rec. p. I-11531, point 62).

58. Ainsi, lorsque des sociétés mères résidentes d'un État membre sollicitent le bénéfice du régime de l'intégration fiscale avec des sous-filiales résidentes détenues par l'intermédiaire de filiales résidentes d'un autre État membre, comme dans l'affaire au principal, les autorités fiscales du premier État peuvent demander à ces filiales de fournir les éléments de preuve qu'elles estiment nécessaires pour que soit pleinement assurée la transparence des provisions opérées par ces dernières.

59. Or, les sociétés établies en France qui

détiennent des sous-filiales résidentes par l'intermédiaire de filiales résidentes d'un autre État membre et qui, de ce fait, se voient privées du bénéfice du régime de l'intégration fiscale ne sont pas autorisées, en vertu des dispositions du CGI en cause au principal, à fournir des pièces justificatives permettant d'établir qu'il n'existe aucun risque de double emploi de pertes.

60. En conséquence, cette législation fait obstacle, en toutes circonstances, à ce que ces sociétés résidentes prouvent l'absence de double emploi de pertes dans le cadre du régime de l'intégration fiscale.

61. Il en résulte que des mesures moins restrictives à la liberté d'établissement existent pour atteindre l'objectif consistant à garantir la cohérence du régime fiscal.

62. Partant, les dispositions du CGI en cause au principal vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et ne sauraient, dès lors, être justifiées par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal.

(...)

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à la législation d'un État membre en vertu de laquelle un régime d'imposition de groupe est accordé à une société mère résidente de cet État membre qui détient des filiales et des sous-filiales également résidentes dudit État, mais est exclu pour une telle société mère si ses sous-filiales résidentes sont détenues par l'intermédiaire d'une filiale résidente d'un autre État membre.

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Séance 6 Contrôle des connaissances

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Séance 7 Les sources Supranationales II

I. Bibliographie ∗ J.-P. LE GALL et L. GERARD, « Les recours des contribuables sur le fondement de la convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », Dr fisc. 1994 n° 21-22,= p. 879 ;

∗ V. HAIM, « Le contribuable peut-il prétendre à un procès équitable devant le juge administratif ? », Rev. Dr. fisc. 1999 n° 2 p. 863 ;

II. Documents ∗ CEDH, 24 février 1994, aff. n° 3/1993/398/476, Bendenoun c/ France, CEDH Vol. 34-35, n° 284 ; ∗ CE, 26 novembre 1999, req. n° 184 474, Guenoun, Rec. Cons. d'Et. p. 789 ; ∗ Cass. com., 20 novembre 1990, pourvoi n° 89-16473, Donsimoni, Bull. civ. IV n° 288. ∗ CEDH, 12 juillet 2001, aff. n°44759/98, Ferrazzini c/ Italie, Rec. CEDH 2001 – VII ; ∗ CE, 24 mars 2006, req. n° 257 330, SA Martell & Co, inédit. ∗ CE, 1er juin 2005, req. n° 260 401, Société des brasseries de Kronenbourg, Rec. Cons. d’Et. p. 235. ∗ CE, avis, 8 juillet 1998, req. n° 195 664, Fattell, Rec. Cons. d’Et. Tab. p. 849. ∗ CEDH, 27 janvier 2005, req. n° 60504/00, Fattell c/ France, non publié. ∗ CE, 26 décembre 2008, req. n° 282 995, M. Gonzales-Castrillo, Rev. Dr. Fisc. 2009 n° 10 comm. 231. ∗ CEDH, 21 février 2008, n° 18497/03, 3e sect., Ravon et a. c/ France, RJF, 5/08, n°571. ∗ CEDH, 8 janvier 2002, n° 51578/99, 3e section, Keslassy c/ France, RJF, 5/02, n°597. ∗ CEDH, 24 juillet 2008, req. n° 18603/03, André et autres, Rec. CEDH 2008-VII.

III. Exercices ∗ Traitez le cas pratique suivant : « Magouilles et compagnie » Tony Montana est à la tête d’une société qui est propriétaire de plusieurs restaurants cubains dans toute la France. Cette activité, qui n’est rien d’autre qu’une activité de façade, lui permet de se consacrer à son activité occulte en toute tranquillité. Durant sa fulgurante ascension à la tête de son réseau, il avait toujours su se mettre à l’abri de l’administration fiscale en faisant des offres aux responsables de l’administration « qu’ils ne pouvaient pas refuser » ! Néanmoins, un inspecteur des impôts plus zélé que les autres, et surtout plus courageux, M. Harry, décide de contrôler sa société. Tony apprend un jour que l’inspecteur Harry, accompagné d’autres personnes, sont venus procéder à une visite domiciliaire, au sens de l’article L 16 B CGI, alors qu’il était absent.

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→ TSVP Peu de temps après, il reçoit un avis de vérification de comptabilité. Lors de la venue de l’inspecteur Harry pour le contrôler, Tony, furieux de devoir subir un contrôle fiscal qu’il n’avait pu éviter, refuse de le recevoir, ou plutôt le reçoit avec un M16 équipé d’un lance grenade. Toujours aussi zélé, l’inspecteur Harry entend bien poursuivre son contrôle. Finalement, Tony se ravise, consent à lui ouvrir la porte de son entreprise et à lui remettre les documents comptables réclamés. Il reçoit quelques temps plus tard, une proposition de rectification dans laquelle, le vérificateur lui applique une majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal prévue à l’article 1730 CGI. Mais Tony, s’il reconnaît avoir exagéré, trouve cette majoration un peu disproportionnée, dans la mesure où il a finalement ouvert sa porte à l’inspecteur Harry et lui a permis de finir son contrôle. C’est pourquoi, il souhaite contester son redressement et demander au juge administratif de diminuer le montant de la pénalité. Qu’en pensez-vous ? Il entend dire, par son ami Manny, que la Cour européenne des droits de l’Homme pourrait statuer en sa faveur. Qu’en pensez-vous ? Tony souhaite parallèlement à ces recours, faire annuler la procédure de visite domiciliaire. Il saisit à cet effet, le juge judiciaire pour faire appel de l’ordonnance qui avait autorisé la perquisition. Cependant, le juge de la Cour d’appel, qui n’avait pas remis à jour son code, le déboute pour irrecevabilité de son recours. Jouissant d’amis très influents à la Cour de cassation, le magistrat, qui s’est entre temps rendu compte de son erreur, parvient à faire rejeter son recours devant la Haute juridiction. Encore une fois, Tony entend saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. Quelles sont ses chances de succès ? Mais le pauvre Tony avait aussi négligé de déposer dans les temps sa déclaration de TVA du mois dernier, trop occupé à se défaire de l’inspecteur Harry. Il reçoit alors une proposition de rectification lui appliquant la majoration de 10 % prévue à l’article 1728 §1 CGI pour retard de déclaration. Saisissant le juge pour faire annuler cette majoration, l’affaire dure plus de 20 ans. Excédé, il décide de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. Quelles sont les chances de succès d’un tel recours ?

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CEDH, 24 février 1994, aff. n° 3/1993/398/476, Bendenoun c/ France Procédure devant la commission

39. M. Bendenoun a saisi la Commission le 9 septembre 1986. Invoquant son droit à un procès équitable (article 6 par. 1 de la Convention) (art. 6-1) devant les juridictions pénales et

administratives, il se plaignait de ne pas avoir eu accès à la totalité du dossier douanier alors que le fisc avait transmis aux secondes certaines pièces à conviction.

(…)

40. Le 6 juillet 1990, la Commission a déclaré irrecevable le grief relatif à la procédure suivie devant le juge répressif et a retenu le restant de la requête (n° 12547/86). Dans son rapport du 10 décembre 1992 (article 31) (art. 31), elle conclut, par dix voix contre deux, qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention et, à l'unanimité, qu'il ne s'impose pas de se placer de surcroît sur le terrain de l'article 1 du Protocole n° 1 (P1-1). Le texte intégral de son avis et de l'opinion partiellement dissidente dont il s'accompagne figure en annexe au présent arrêt.

Conclusions présentées à la Cour

41. Dans son mémoire, le Gouvernement a invité la Cour de « bien vouloir juger :

- que les dispositions de l'article 6 (art. 6) de la Convention (...) sont inapplicables à la présente espèce ;

- subsidiairement, que la France n'a pas enfreint le principe de l'égalité des armes à raison des faits qui ont donné lieu à la requête de M. Bendenoun ».

42. De leur côté, les conseils du requérant ont prié la Cour de : «

- constater qu'il y a eu en l'espèce violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention ;

- constater dès lors que le requérant n'a pas eu droit à un procès équitable ;

- sur pied de l'article 50 (art. 50) de la Convention et à titre de satisfaction équitable, dire qu'il y a lieu pour le gouvernement français d'abandonner le recouvrement des impôts (droits et pénalités) repris dans la lettre du 23 octobre 1984 de la direction générale des impôts (...) et dire qu'il y a lieu pour

le gouvernement français de rembourser au requérant toutes sommes qu'il a payées directement ou indirectement au Trésor français sur base des impositions précitées ;

- dire qu'à titre de satisfaction équitable au titre de dommage moral, il y a lieu pour le gouvernement français de payer au requérant la somme de 100 000 f et à titre de frais et dépens la somme de 141 500 f".

EN DROIT

I. Sur la violation alléguée de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention :

43. M. Bendenoun se plaint de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable devant les juridictions administratives quant aux majorations d'impôt auxquelles le fisc l'a assujetti. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ».

A. Sur l'applicabilité de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)

44. Requérant et Commission s'accordent à estimer ce texte applicable en l'espèce.

45. Le Gouvernement soutient la thèse contraire. Selon lui, la procédure litigieuse ne portait pas sur une « accusation en matière pénale » car les majorations d'impôt infligées à M. Bendenoun présentaient tous les traits d'une sanction administrative au sens de la jurisprudence de la Cour (arrêts Engel et autres c. Pays-Bas, du 8 juin 1976, et Öztürk c. Allemagne, du 21 février 1984, série A nos 22 et 73).

La remarque vaudrait d'abord pour la qualification donnée par le droit français: le code général des impôts classerait lesdites majorations parmi les "sanctions fiscales" et non parmi les « sanctions pénales » (paragraphes 33 et 34 ci-dessus). Il en irait de même de la nature de l'infraction: les faits reprochés au requérant se définiraient comme des "manœuvres frauduleuses" et non comme une « soustraction frauduleuse », le Conseil d'Etat attribuant un caractère fiscal aux premières et pénal à la seconde. La nature et le degré de

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sévérité de la sanction ne conduiraient pas à une conclusion différente : les majorations seraient infligées par le fisc, sous le contrôle des juridictions administratives, et non par le juge pénal; elles se calculeraient en fonction du redressement fiscal et seraient donc directement proportionnelles aux droits éludés au principal; elles ne se substitueraient pas à une mesure privative de liberté et n'entraîneraient jamais une déchéance de droits; elles demeureraient à la charge des héritiers en cas de décès du contribuable; elles échapperaient aux règles relatives à la récidive, à la complicité, au cumul des peines et à l'inscription au casier judiciaire.

46. En ce qui concerne les aspects généraux du système français de majorations d'impôt en cas d'absence de bonne foi, la Cour estime qu'eu égard au grand nombre des infractions du type visé à l'article 1729 par. 1 du code général des impôts (paragraphe 34 ci-dessus), un Etat contractant doit avoir la liberté de confier au fisc la tâche de les poursuivre et de les réprimer, même si la majoration encourue à titre de sanction peut être lourde. Pareil système ne se heurte pas à l'article 6 (art. 6) de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte.

47. Quant au cas d'espèce, la Cour ne sous-estime pas l'importance de plusieurs des éléments avancés par le Gouvernement. Elle relève cependant, à la lumière de sa jurisprudence et notamment de l'arrêt Öztürk précité, que quatre facteurs jouent dans le sens opposé.

En premier lieu, les faits incriminés tombaient sous le coup de l'article 1729 par. 1 du code général des impôts (paragraphe 34 ci-dessus). Or, il concerne tous les citoyens en leur qualité de contribuables, et non un groupe déterminé doté d'un statut particulier; il leur prescrit un certain comportement et assortit cette exigence d'une sanction.

Deuxièmement, les majorations d'impôt ne tendent pas à la réparation pécuniaire d'un préjudice, mais visent pour l'essentiel à punir pour empêcher la réitération d'agissements semblables.

Troisièmement, elles se fondent sur une norme de caractère général dont le but est à la fois préventif et répressif.

Enfin, elles revêtaient en l'occurrence une ampleur considérable puisqu'elles s'élevaient à 422 534 F pour l'intéressé et 570 398 pour sa société (paragraphe 13 ci-dessus), et le défaut de paiement exposait M. Bendenoun à l'exercice, par

les juridictions répressives, de la contrainte par corps (paragraphe 35 ci-dessus).

Ayant évalué le poids respectif des divers aspects de l'affaire, la Cour note la prédominance de ceux qui présentent une coloration pénale. Aucun d'eux n'apparaît décisif à lui seul, mais additionnés et combinés ils conféraient à l'"accusation" litigieuse un "caractère pénal" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), lequel trouvait donc à s'appliquer.

48. Pareille conclusion dispense la Cour de prendre en considération les compléments d'impôt (paragraphes 13 et 34 ci-dessus), sur lesquels les comparants n'ont d'ailleurs guère insisté devant elle.

B. Sur l'observation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)

49. Le requérant dénonce une atteinte au principe du contradictoire. Tandis que le fisc aurait choisi unilatéralement et avec soin, puis communiqué aux juridictions administratives, les pièces à conviction, lui-même n'aurait pas eu accès à la totalité du dossier constitué par les douanes, où figuraient non seulement les procès-verbaux mais aussi les données sur lesquelles ils se fondaient. Or la non délivrance d'une copie, pourtant maintes fois réclamée à l'administration des impôts et au tribunal administratif de Strasbourg (paragraphes 18-20 ci-dessus), l'aurait empêché de déceler des éléments à décharge, et en particulier de faire entendre et interroger l'informateur anonyme qui se trouvait à l'origine des poursuites.

50. La Commission arrive à la même conclusion. Certes, elle s'abstient de rechercher si les documents du dossier douanier pouvaient être de nature à confirmer ou infirmer la "culpabilité" de M. Bendenoun, tout comme elle se refuse à spéculer sur l'issue que la procédure litigieuse aurait connue si l'intéressé avait disposé de l'ensemble de ce dossier. Elle formule néanmoins un constat: le requérant pouvait, de manière plausible, avancer que les documents en question renfermaient des indications propres à étayer sa thèse, et notamment à contredire les déclarations relatées dans les procès-verbaux produits par le fisc. Elle relève en outre qu'à deux reprises, le président du tribunal administratif invita en vain le procureur de la République de Strasbourg à produire le dossier douanier (paragraphes 18 et 20 ci-dessus).

51. Pour le Gouvernement au contraire, ni en première instance ni en appel M. Bendenoun ne se trouva dans une situation désavantageuse par rapport à l'administration des impôts.

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Le tribunal administratif de Strasbourg aurait statué sur le fond de l'affaire au vu des observations des parties et des pièces en sa possession. S'estimant suffisamment informé, il n'aurait rendu aucun jugement avant dire droit ordonnant le dépôt du dossier douanier. Toujours selon le Gouvernement, les démarches du président auprès du parquet ne pouvaient en tenir lieu, d'autant qu'elles n'émanaient pas de la formation de jugement et revenaient en somme à transmettre les demandes de l'avocat du requérant.

Le fisc aurait annexé à son mémoire devant le tribunal quatre procès-verbaux d'audition par les agents des douanes - deux de M. Bendenoun et deux d'anciennes salariées d'ARTSBY 1881, chargées de la facturation -, sur lesquels l'intéressé put s'expliquer. En revanche, il aurait évité de verser au débat dix procès-verbaux où figuraient des éléments à charge, sans compter sept autres qui ne fournissaient aucune information utile en matière fiscale. On ne saurait donc lui reprocher d'avoir procédé à un "tri" au détriment du requérant et des droits de la défense. Quant aux factures "occultes" saisies chez lui, M. Bendenoun les avait établies lui-même et en connaissait donc l'existence et la nature; de plus, il y aurait eu accès devant le juge pénal et aurait admis qu'elles correspondaient à la qualification donnée par le fisc, c'est-à-dire qu'elles représentaient des ventes de monnaies.

De son côté, le Conseil d'Etat aurait jugé régulière la procédure suivie en première instance. Lui non plus n'aurait pas estimé nécessaire de prescrire la communication du dossier douanier. Il aurait trouvé suffisants les éléments disponibles, que corroboraient les constatations matérielles opérées au pénal par la cour d'appel de Colmar, dans ses arrêts du 13 mai 1981 (paragraphe 30 ci-dessus), et revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée.

52. La Cour rappelle d'abord que les allégations du requérant ne sont pertinentes que dans la mesure où la procédure devant les juridictions administratives concernait le bien-fondé de l'accusation de fraude fiscale sur laquelle se fondaient les majorations d'impôt. Partant, il s'agit seulement de rechercher s'il y a eu atteinte à l'égalité des armes ou, plus

généralement, aux droits de la défense quant à la détermination de la culpabilité de M. Bendenoun.

Il échet de constater ensuite que les documents dont l'intéressé se plaint d'avoir en vain réclamé la communication ne figuraient point parmi ceux qu'invoquaient les autorités fiscales.

Pour établir la culpabilité de M. Bendenoun, elles se servirent uniquement de quatre procès-verbaux (paragraphe 17 ci-dessus) mentionnés par le Gouvernement contenant la reconnaissance, par l'intéressé, de ses infractions douanières. Le grief se rapporte donc à des pièces absentes du dossier soumis aux juridictions administratives et sur lesquelles l'adversaire du requérant ne s'appuya pas.

La Cour n'exclut pas que dans pareille situation la notion de procès équitable puisse quand même comporter l'obligation, pour le fisc, de consentir à fournir au justiciable certaines pièces, ou même l'intégralité, de son dossier. Encore faut-il, pour le moins, que l'intéressé ait accompagné sa demande, ne fût-ce que sommairement, d'une motivation spécifique.

M. Bendenoun sollicitait la communication intégrale d'un dossier assez volumineux. Or les données recueillies par la Cour ne montrent pas qu'il ait jamais avancé aucun argument précis à l'appui de sa thèse selon laquelle, nonobstant sa reconnaissance des infractions douanières et ses aveux pendant l'instruction pénale, il ne pouvait combattre l'accusation de fraude fiscale sans posséder une copie dudit dossier. Cette carence se révèle d'autant plus dirimante qu'il n'ignorait pas l'existence et la teneur de la plupart des documents et que lui-même et son conseil avaient eu accès au dossier complet, du moins durant l'instruction pénale (paragraphe 26 ci- dessus).

53. En conclusion, il ne ressort pas des éléments dont dispose la Cour que la non communication de pièces ait porté atteinte aux droits de la défense et à l'égalité des armes. Il n'y a donc pas eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

1. Dit que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention s'applique en l'espèce et qu'il n'a pas été violé.

CE, 26 novembre 1999, req. n° 184 474, Guenoun Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 décembre 1996 et 18 avril 1997 au secrétariat du Contentieux du

Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard GUENOUN, demeurant Route des Condamines à Saint-Martin-du-Var (06770) ; M. GUENOUN

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demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 octobre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1980 à 1983 ; (…)

Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que M. GUENOUN se prévalait vainement, dans un litige relatif à l'assiette de cotisations d'impôt sur le revenu, et pour contester l'applicabilité, à son égard, des dispositions rétroactives du II de l'article 35 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989, des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que celles-ci ne visent que les procès portant sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations pénales, la cour administrative d'appel n'a, contrairement à ce que soutient M. GUENOUN, pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les termes en lesquels M. GUENOUN invoquait devant elle les stipulations de l'article 14 de la même convention, prohibant toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés que celle-ci reconnaît, en observant qu'il ne faisait état d'aucun droit ou liberté reconnu par la convention et dont un fait de discrimination l'aurait empêché de jouir, dès lors qu'il se prévalait uniquement des droits stipulés à l'article 6-1 de la convention, soit, ainsi que venait de le constater la Cour, en des matières auxquelles le litige qui l'opposait à l'administration fiscale était étranger ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. GUENOUN n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. GUENOUN est rejetée.

Cass. com., 20 novembre 1990, pourvoi n° 89-16 473, Donsimoni, Bull. civ. IV n° 288. Sur le premier moyen :

Attendu que M. Donsimoni reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 20 avril 1989) rendu dans l'instance en recouvrement de l'impôt sur son revenu, d'avoir déclaré irrecevable le moyen tiré de la nullité du commandement qui lui avait été notifié, au motif qu'il n'avait pas été soumis préalablement à l'Administration, alors, selon le pourvoi, qu'il ressort des dispositions combinées des articles L. 281 et R. 281-5 du Livre des procédures fiscales, ensemble celles de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que dans les contestations relatives au recouvrement des impôts, le contribuable peut soumettre au Tribunal un moyen de droit qu'il n'a pas soumis au chef de service ; qu'il a la même faculté devant la cour d'appel par application de l'article 563 du Code de procédure civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 281 et R. 281-5

du Livre des procédures fiscales, 563 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que le litige porté devant les juridictions judiciaires statuant en matière de recouvrement d'impôt est délimité par le contenu de la réclamation préalable adressée à l'Administration ; qu'il s'ensuit qu'en refusant d'accueillir un moyen de droit nouveau qui n'avait pas été soumis à cette dernière, la cour d'appel, loin d'avoir méconnu les dispositions invoquées et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en a fait l'exacte application ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

CEDH, 12 juillet 2001, aff. n°44759/98, Ferrazzini c/ Italie EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE :

9. Le requérant est un ressortissant italien, né en 1947 et résidant à Oristano (Italie).

10. Le requérant et une autre personne transférèrent un terrain, des immeubles et une somme d’argent à la société à responsabilité limitée A., que le requérant venait de constituer avec une participation directe et indirecte quasi totale dans le capital, et dont il était le

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représentant. La société, qui avait pour but l’accueil de touristes dans un environnement agricole, demanda à l’administration fiscale de bénéficier d’une réduction du taux applicable à certains impôts concernant ledit transfert de propriété, conformément à une loi à son avis applicable, et paya la somme qu’elle considérait due.

11. La présente affaire concerne trois recours. Le premier portait notamment sur le paiement de la taxe sur la plus-value et les deux autres sur le taux applicable aux droits d’enregistrement, à la taxe hypothécaire et aux droits de mutation et sur l’application d’une réduction du taux.

12. Quant au premier recours, l’administration fiscale notifia le 31 août 1987 au requérant un redressement fiscal au motif que la valeur donnée aux biens transférés à la société n’était pas correcte et prescrivit le paiement de l’impôt dû, plus des pénalités, pour une somme globale de 43 624 700 lires italiennes. Le 14 janvier 1988, le requérant déposa un recours devant la commission fiscale de première instance d’Oristano afin d’obtenir l’annulation de l’avis de redressement.

Par une lettre du 7 février 1998, la commission fiscale communiqua au requérant qu’une audience avait été fixée au 21 mars 1998. Entre-temps, le 23 février 1998, l’administration fiscale avait communiqué à la commission qu’elle acceptait les remarques du requérant et avait demandé de rayer l’affaire du rôle.

Par une décision du 21 mars 1998, dont le texte fut déposé le 4 avril 1998, la commission fiscale raya l’affaire du rôle.

13. Quant aux deux autres recours, l’administration fiscale notifia le 16 novembre 1987 à la société A. deux avis de redressement fiscal, au motif que, dans le cas d’espèce, elle ne pouvait pas bénéficier de la réduction du taux d’impôt à laquelle elle se référait. La note de l’administration fiscale affirmait qu’une pénalité administrative égale à 20 % des montants demandés serait appliquée si le paiement n’intervenait pas dans les soixante jours.

Le 15 janvier 1988, le requérant en son nom propre, bien qu’il s’agît de la société A., déposa deux recours devant la commission fiscale de première instance d’Oristano afin d’obtenir l’annulation des avis de redressement susdits.

Par deux lettres du 20 mars 1998, la commission fiscale communiqua au requérant, en qualité de représentant de la société A., qu’une audience avait été fixée au 9 mai 1998 pour les deux autres affaires. Par deux ordonnances du même jour, la

commission fiscale reporta sine die les affaires et donna au requérant un délai de trente jours afin de nommer un avocat. Par la suite, une audience fut fixée au 24 avril 1999.

Par deux décisions du 22 mai 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 16 juillet 1999, la commission fiscale rejeta les demandes de la société A. car les biens transférés, qui comprenaient notamment une piscine et un court de tennis, ne pouvaient être considérés comme typiques de biens d’une société de nature agricole.

Le 27 octobre 2000, la société A. interjeta appel devant la commission fiscale régionale.

EN DROIT

I. Sur le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention

14. Le requérant allègue que la durée des procédures a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente se lit comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

15. Quant au premier recours, la période à considérer a débuté le 14 janvier 1988 et s’est terminée le 4 avril 1998. Elle a donc été de plus de dix ans et deux mois pour une instance.

Quant aux autres recours, la période à considérer a débuté le 15 janvier 1988 et était encore pendante au 27 octobre 2000. Elle a donc été de plus de douze ans et neuf mois pour deux instances.

A. Sur la recevabilité du grief tiré de l’article 6 § 1

16. Le Gouvernement estime que ce grief devrait être déclaré irrecevable au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, l’article 6 § 1 ne s’appliquant pas aux litiges concernant les procédures fiscales. Le Gouvernement considère que les procédures litigieuses ne portent pas sur « une accusation de caractère pénal ». Il rappelle qu’en Italie la procédure d’exécution qui peut faire suite à une condamnation par les juridictions fiscales se déroule conformément à celle prévue pour les obligations de caractère civil. La somme que le requérant sera tenu de payer n’est pas susceptible d’être transformée en mesure restrictive de la liberté personnelle. Seules les mesures d’exécution forcée, telles que la saisie et la vente

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éventuelle des biens du débiteur, sont possibles. Quant à l’aspect « civil », le Gouvernement rappelle que, conformément à la jurisprudence constante des organes de la Convention, la matière fiscale ne concernerait que le droit public.

17. Le requérant pour sa part partage l’avis du Gouvernement sur le fait que les procédures litigieuses n’avaient pas de caractère pénal. Il souligne toutefois l’aspect financier de ces procédures qui concernent donc un « droit de caractère civil ».

18. La Cour relève que les parties admettent toutes deux que l’article 6 n’entrait pas en jeu sous son aspect pénal. Quant à l’aspect civil, et malgré l’existence de la jurisprudence constante invoquée par le Gouvernement, la Cour estime que ce grief pose des questions de droit suffisamment complexes qui ne peuvent être résolues au stade de la recevabilité. Partant, ce grief, y compris la question de l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention soulevée par le Gouvernement, doit faire l’objet d’un examen au fond.

19. Dès lors, ce grief ne saurait être déclaré irrecevable comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention. La Cour constate par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1

20. Les parties ayant convenu qu’il ne s’agissait pas d’« une accusation en matière pénale », et la Cour, pour sa part, ne distinguant en l’espèce aucune « coloration pénale » (voir a contrario Bendenoun c. France, arrêt du 24 février 1994, série A no 284, p. 20, § 47), il lui reste à examiner si les procédures litigieuses avaient ou non trait à une « contestation sur [d]es droits et obligations de caractère civil ».

21. Le Gouvernement excipe de l’inapplicabilité de l’article 6 aux procédures litigieuses en question et estime que ces procédures ne portent pas sur un « droit de caractère civil ». L’existence d’une obligation fiscale d’un individu à l’égard de l’Etat ne relève, selon lui, que du domaine du droit public. Elle fait partie des obligations civiques imposées dans une société démocratique et les dispositions spécifiques du droit public ont pour but de soutenir la politique économique nationale.

22. Le requérant pour sa part met en avant l’aspect patrimonial de ses demandes et conclut

que les procédures portent par conséquent sur des « droits et obligations de caractère civil ».

23. L’existence d’une « contestation » n’étant pas controversée, la tâche de la Cour se limite à déterminer si celle-ci porte sur des « droits et obligations de caractère civil ».

24. Selon la jurisprudence de la Cour, la notion de « droits et obligations de caractère civil » ne peut être interprétée uniquement par référence au droit interne de l’Etat défendeur. A plusieurs reprises, la Cour a affirmé le principe de l’« autonomie » de cette notion, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour confirme cette jurisprudence en l’espèce. Elle considère en effet que toute autre solution risquerait de conduire à des résultats incompatibles avec l’objet et le but de la Convention.

25. Une procédure fiscale a évidemment un enjeu patrimonial, mais le fait de démontrer qu’un litige est de nature « patrimoniale » n’est pas suffisant à lui seul pour entraîner l’applicabilité de l’article 6 § 1 sous son aspect « civil ». En particulier, selon la jurisprudence traditionnelle des organes de la Convention,

« Il peut exister des obligations « patrimoniales » à l’égard de l’Etat ou de ses autorités subordonnées qui, aux fins de l’article 6 § 1, doivent passer pour relever exclusivement du domaine du droit public et ne sont, en conséquence, pas couvertes par la notion de « droits et obligations de caractère civil ». Hormis les amendes imposées à titre de « sanction pénale », ce sera le cas en particulier lorsqu’une obligation qui est de nature patrimoniale résulte d’une législation fiscale ou fait autrement partie des obligations civiques normales dans une société démocratique ».

26. La Convention est toutefois un instrument vivant qui doit être interprété à la lumière des conditions de vie actuelles et la Cour est appelée à vérifier, eu égard aux changements survenus dans la société quant à la protection juridique accordée aux individus dans leurs relations avec l’Etat, si le champ d’application de l’article 6 § 1 doit ou non être étendu aux litiges entre les citoyens et les autorités publiques concernant la légalité en droit interne des décisions de l’administration fiscale.

27. Les relations entre les individus et l’Etat ont bien évidemment évolué dans de nombreux domaines au cours des cinquante années écoulées depuis l’adoption de la Convention compte tenu de l’intervention croissante des normes étatiques dans les relations de droit privé. Cela a conduit la

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Cour à considérer que des procédures dépendant du « droit public » en droit interne sont tombées dans le champ d’application de l’article 6 sous son aspect « civil » lorsque l’issue était déterminante pour des droits et obligations de caractère privé ; notamment, pour n’en citer que quelques-unes, en matière de vente de terrains, d’exploitation d’une clinique privée, de droit de propriété, d’octroi d’autorisations administratives relatives aux conditions d’exercice d’activités professionnelles ou de licence de débit de boissons.

Par ailleurs, l’intervention croissante de l’Etat dans la vie de tous les jours des individus, en matière de protection sociale par exemple, a amené la Cour à devoir évaluer les aspects de droit public et de droit privé avant de pouvoir conclure que le droit invoqué pouvait être qualifié de « caractère civil ».

28. Cependant des droits ou obligations existant pour un individu ne revêtent pas nécessairement un caractère civil. Ainsi n’ont pas ce caractère des droits et obligations qui sont politiques, comme le droit de se porter candidat à une élection à l’Assemblée nationale (arrêt Pierre-Bloch, précité, p. 2223, § 50), même si la procédure litigieuse avait pour l’intéressé un enjeu patrimonial (même arrêt, § 51), de sorte que l’article 6 § 1 ne trouve pas à s’appliquer. Celui-ci ne s’applique pas davantage aux litiges entre l’administration et certains de ses agents, à savoir ceux qui occupent des emplois impliquant une participation à l’exercice de la puissance publique (arrêt Pellegrin précité, §§ 66-67). De même encore, les expulsions d’étrangers ne touchent pas à des contestations sur des droits de caractère civil, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, lequel ne s’applique donc pas (arrêt Maaouia, précité, §§ 37-38).

29. Quant à la matière fiscale, les évolutions qui ont pu avoir lieu dans les sociétés démocratiques ne concernent toutefois pas la nature essentielle de

l’obligation pour les individus ou les entreprises de payer des impôts. Par rapport à l’époque de l’adoption de la Convention, il n’y a pas là d’intervention nouvelle de l’Etat dans le domaine « civil » de la vie des individus. La Cour estime que la matière fiscale ressortit encore au noyau dur des prérogatives de la puissance publique, le caractère public du rapport entre le contribuable et la collectivité restant prédominant. La Convention et ses Protocoles devant s’interpréter comme un tout, la Cour observe également que l’article 1 du Protocole no 1, relatif à la protection de la propriété, réserve le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts. Sans y attacher une importance décisive, la Cour prend cet élément en considération. Elle estime que le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu’il a nécessairement quant à la situation des contribuables.

30. Le principe selon lequel les notions autonomes contenues dans la Convention doivent être interprétées à la lumière des conditions de vie actuelles dans les sociétés démocratiques n’autorise pas la Cour à interpréter l’article 6 § 1 comme si l’adjectif « civil », avec les limites que pose nécessairement cet adjectif à la catégorie des « droits et obligations » à laquelle s’applique cet article, ne figurait pas dans le texte.

31. Partant, l’article 6 § 1 de la Convention ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.

(…)

Par ces motifs, la Cour

1. Joint au fond, à l’unanimité, l’argument du Gouvernement quant à l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention et, partant, déclare recevable le grief tiré de cet article ;

2. Dit, par onze voix contre six, que l’article 6 § 1 de la Convention ne s’applique pas en l’espèce.

CE, 24 mars 2006, req. n° 257 330, SA Martell & Co, inédit. Sur les pénalités infligées en application de l'article 1763 A du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des

contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( ). / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article 1763 A du code général des impôts, qui prévoient des taux de majoration

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différents selon que le contribuable cumule ou non un manquement aux obligations déclaratives relatives à ses résultats avec un manquement aux obligations résultant de l'article 117 du même code, proportionnent les pénalités qu'elles instituent aux agissements du contribuable en vue de dissimuler des distributions de revenus ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués par l'administration pour établir l'existence de l'un ou l'autre de ces manquements, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit s'il estime que l'administration n'établit pas que le contribuable, interrogé à bon droit sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, aurait manqué à l'obligation résultant de cet article de répondre, dans un délai de trente jours, à la demande qui lui était faite de désigner les bénéficiaires des distributions de bénéfices auxquelles il a procédé, de le décharger de la pénalité mentionnée à l'article 1763 A du code général des impôts ; que

les stipulations du §1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'obligent pas le juge à procéder différemment ; que, dès lors, en jugeant qu'elle n'avait pas à moduler le taux de la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, la cour n'a pas méconnu les stipulations précitées du §1 de l'article 6 de la convention susmentionnée ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions précitées de l'article 1763 A du code général des impôts ne font pas peser la charge de la preuve sur le contribuable ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, alors même que la pénalité qu'elles prévoient est encourue du seul fait que l'intéressé s'est abstenu de répondre à la demande de l'administration dans le délai qui lui est imparti, que les dispositions du premier alinéa de l'article 1763 A du code général des impôts ne méconnaissent pas les stipulations du § 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

CE, 1er juin 2005, req. n° 260 401, Société des brasseries de Kronenbourg (Arrêt donné à commenter à l’épreuve écrite 2005-2006) « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement en date du 9 août 1990, le tribunal de commerce de Corbeil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Codec, puis, le 2 octobre 1990, a prononcé l'admission d'un plan de cession partielle de cette société et autorisé la poursuite de son activité pour une durée de trois ans ; qu'en septembre 1991, la SOCIETE DES BRASSERIES DE KRONENBOURG, estimant que la créance qu'elle détenait sur la société Codec lors de l'ouverture de la procédure était devenue définitivement irrécouvrable, a imputé la taxe sur la valeur ajoutée afférant à cette créance sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 272 du code général des impôts ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, sur la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991, l'administration a contesté cette imputation ; que la SOCIETE DES BRASSERIES DE KRONENBOURG se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 9 juillet 1998 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à la décharge, à hauteur de 1 577 762 F en droits et de 212 998 F en intérêts de

retard, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge par avis de mise en recouvrement en date du 7 décembre 1993 ; (…)

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions en litige :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; que si la SOCIETE DES BRASSERIES DE KRONENBOURG soutient que dès lors qu'elle a contesté les impositions en litige par une réclamation en date du 11 janvier 1994, le délai de la procédure suivie à son égard n'a pas été raisonnable au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen ne peut être accueilli dès lors que les premiers juges, tranchant un litige relatif aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société et aux intérêts de retard, dénués du caractère de sanction, dont ils

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ont seulement été assortis, n'ont par là même décidé ni d'une contestation de caractère civil ni du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de ces stipulations ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 11-C 1° de la sixième directive du 17 mai 1977 du Conseil des Communautés européennes : En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les Etats membres. / Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les Etats membres peuvent déroger à cette règle ; qu'il résulte des dispositions de ce second alinéa, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C - 330/95 du 3 juillet 1997, que la faculté de dérogation ainsi ouverte aux Etats membres est strictement limitée aux cas où le non-paiement total ou partiel est provisoire ou difficilement vérifiable ; qu'aux termes du 1 de l'article 272 du code général des impôts, pris pour l'adaptation de la législation nationale aux dispositions précitées, dans sa rédaction applicable au litige issue de l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 1988 (loi n° 88-1193 du 29 décembre 1988) : la taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la

suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. / Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale (...) ; que ces dispositions, qui limitent la possibilité d'imputation ou de remboursement, en cas de non-paiement total ou partiel, aux créances qui, à la date de l'imputation ou de la demande de restitution, étaient devenues définitivement irrécouvrables ou étaient détenues sur un débiteur placé en situation de liquidation judiciaire, font application de la faculté de dérogation ouverte aux Etats membres par le second alinéa du 1 précité de l'article 11 C-1° conformément aux objectifs de la sixième directive ; que, par suite, la SOCIETE DES BRASSERIES DE KRONENBOURG n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait légalement se fonder sur ces dispositions du code général des impôts pour refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en litige ; (…)

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE DES BRASSERIES DE KRONENBOURG n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 9 juillet 1998 du tribunal administratif de Strasbourg ».

CE, avis, 8 juillet 1998, req. n° 195 664, Fattell « (…)3. Les dispositions précitées du I de l'article 1729 du code général des impôts qui, comme celles qui étaient antérieurement en vigueur, proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue

au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard. Les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ».

CEDH, 27 janvier 2005, req. n° 60504/00, Fattell c/ France, non publié : « (…) 21. Le Gouvernement considère notamment que le délai global est en partie imputable aux temps de latence inévitables du simple fait de la saisine de ces nombreuses

instances. Relevant un délai global de jugement de l’ordre de treize années, sur une durée totale d’environ quatorze ans et onze mois, il estime que l’affaire présentait une complexité certaine, même

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si les principes juridiques à mettre en œuvre n’apparaissaient pas particulièrement compliqués. Quant au comportement des autorités internes, il l’estime raisonnable. Il constate cependant que la durée d’examen de la requête par le Conseil d’Etat a été plus longue que la normale. En conclusion, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

22. Le requérant estime notamment qu’un retard anormal s’est manifesté devant le tribunal administratif, avant d’être accentué, d’une part, par l’incident de procédure artificiellement provoqué par la cour administrative d’appel s’agissant du renvoi pour avis devant le Conseil d’Etat et, d’autre part, par le traitement de sa requête par le Conseil d’Etat. Il note enfin que le litige fiscal ne soulevait aucune difficulté particulière, s’agissant d’une simple application de barèmes d’imposition et de taux de pénalités préfixés.

23. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).

24. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Pélissier et Sassi, précité).

25. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, elle constate que des retards ne sont pas imputables au requérant, notamment s’agissant du délai de deux ans et demi entre l’enregistrement de son appel, le 17 janvier 1990, et l’arrêt de la cour administrative d’appel du 16 juin 1992, ainsi que du délai de quatre ans et demi entre l’enregistrement du pourvoi le 24 juillet 1992 et l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 janvier 1997. Elle note par ailleurs que le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour quant à l’appréciation de la durée globale. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1. (…)

26. Invoquant les articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention, le requérant critique également l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 8 juillet 1998, ainsi que les décisions de ce dernier, statuant au contentieux, et de la cour administrative d’appel et, enfin, le traitement des contribuables par le juge fiscal administratif.

27. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.(…) ».

CE, 26 décembre 2008, req. n° 282 995, M. Gonzales-Castrillo, « (…) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que, d'une part, le législateur a prévu dans le code général des impôts plusieurs sanctions qui visent à réprimer des comportements de non-respect des obligations déclaratives, de gravité croissante ; que le pouvoir de contrôle de l'administration fait partie intégrante du système déclaratif, dont il constitue la contrepartie nécessaire ; que, dans ces conditions, l'amende sanctionnant l'infraction d'opposition à contrôle fiscal, instituée par les dispositions précitées de l'article 1730 du code général des impôts, appartient à un même ensemble de sanctions relatives à la violation des obligations

déclaratives, qui comporte notamment les sanctions prévues aux articles 1728 et 1729 du même code réprimant les comportements de retard, d'insuffisance ou d'omission de déclaration, dont elle constitue la plus sévère compte tenu de sa particulière gravité ; que le taux de la pénalité fiscale prévue à l'ancien article 1730 était de 150 %, et les taux prévus aux articles 1728 et 1729, étaient de 10 %, 40 % ou 80 % ; que les dispositions des articles 1728, 1729 et 1730 du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende visait à réprimer ; qu'en outre, les dispositions de l'article 1728 prévoyaient des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai était constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux

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mises en demeure infructueuses ; que la loi elle-même avait ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que, dès lors, en jugeant, par adoption

des motifs des premiers juges, que les dispositions des articles 1728 et 1730 n'étaient pas incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne conféraient pas au juge un pouvoir de modulation du taux de l'amende qu'elles prévoyaient, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; (…) ».

CEDH, 21 février 2008, n° 18497/03, 3e sect., Ravon et a. c/ France, RJF, 5/08, n° 571 Procédure

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (n° 18497/03) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Jean-Maurice Ravon (« le requérant »), et des personnes morales de droit français, la TMR International Consultant et la SCI Rue du Cherche-Midi 66 (« les sociétés requérantes »), ont saisi la Cour le 10 juin 2003 en vertu de l'article 34 de la convention des droits de l'Homme (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me Delphine Ravon, avocate à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3. Le 6 août 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

En fait

I. Les circonstances de l'espèce

4. Le requérant est né en 1947 et réside à Marseille, où se trouve également le siège des sociétés requérantes.

5. Le requérant contrôlait les sociétés requérantes, ainsi qu'une autre société dénommée TMR France, soit par la détention du capital social, soit par l'exercice de la gérance statutaire.

6. Le 3 juillet 2000, soupçonnant les sociétés requérantes - notamment - de s'être soustraites et de se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA »), l'administration fiscale saisit le président du tribunal de grande instance de Marseille et le président du tribunal de grande instance de Paris de requêtes tendant à la mise en oeuvre de son droit de visite et de saisie prévu à

l'article L 16 B du LPF. Ces derniers, à cette même date, prirent deux ordonnances distinctes autorisant l'administration fiscale à procéder aux « visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve de ces agissements dans les lieux désignés ci-après où des documents et supports d'information illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver », à savoir (notamment) : les « locaux et dépendances » sis à Marseille, à une adresse spécifiée, susceptibles d'être occupés par les sociétés requérantes, et, à une autre adresse, par le requérant et/ou son épouse ; les « locaux et dépendances » sis 66 rue du Cherche-Midi à Paris, « susceptibles d'êtres occupés » par le requérant et/ou son épouse et/ou la seconde société requérante. Les requérants se pourvurent en cassation contre ces ordonnances ; ils ne fournissent aucune information relative à ces procédures.

7. Les locaux des sociétés requérantes ainsi que les domiciles du requérant à Marseille et à Paris furent visités le 4 juillet 2000 sur le fondement de ces ordonnances ; des documents furent saisis.

8. Estimant que des irrégularités avaient été commises lors de ces visites et saisies, les requérants saisirent les présidents du tribunal de grande instance de Marseille et de Paris de deux requêtes distinctes tendant à l'annulation de l'ensemble de ces opérations.

9. Le 26 février 2001, le président du tribunal de grande instance de Paris déclara irrecevable la requête dont il était saisi, par une ordonnance ainsi motivée :

« Sur l'étendue de notre compétence :

Attendu que l'article L 16 B du LPF, qui nous donne pleine compétence pour non seulement autoriser la visite mais aussi veiller à la régularité des opérations puisque « la visite et la saisie des documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées », ne fixe pas de

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limitation dans le temps du pouvoir de contrôle qui nous est confié.

Attendu que la jurisprudence constante depuis de nombreuses années, et pleinement approuvée jusque là par la Cour de cassation qui avait estimé que notre pouvoir de contrôle s'étendait à la constatation de l'irrégularité des opérations lorsqu'elles sont achevées et en ce cas à leur annulation, afin de traiter le contentieux des visites domiciliaires de manière unitaire et de le soumettre au même magistrat signataire, ne peut faire l'objet d'aucune critique, en ce sens que c'est bien à l'autorité judiciaire qu'il appartient d'assurer la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects ; en revanche dès lors que les personnes qui, sur la base d'une présomption de fraude font l'objet d'une visite domiciliaire, disposent selon le texte de l'article L 16 B du LPF d'une seule voie de recours, qui est le pourvoi en cassation, non suspensif, qui leur permet de contester tant l'ordonnance d'autorisation que le déroulement de la visite domiciliaire, le fondement juridique d'une coexistence d'une voie de recours « prétorienne » avec une voie de recours « officielle » est en lui-même contestable.

Attendu que cette difficulté de procédure, déjà apparue en jurisprudence, puisque certains arrêts de la Cour suprême avaient relevé que l'ordonnance d'autorisation rendue sur requête n'était pas susceptible ni de rétractation, ni de référé, ni d'appel, mais seulement d'un pourvoi en cassation, n'avait pas reçu de réponse identique s'agissant des requêtes contestant la régularité des opérations, présentées après remise du procès-verbal et donc après clôture des opérations ; que pour ces requêtes dites en annulation, en respectant le contradictoire par un échange de mémoires il était admis qu'elles soient examinées et qu'il en était de même pour les assignations en référé rétractation délivrées selon une procédure inspirée du référé rétractation de la procédure civile régi par les articles 496 et s. du nouveau Code de procédure civile.

Attendu que l'ordonnance contradictoire rendue, touchant au fond à la validité même des opérations, était elle-même susceptible d'un pourvoi en cassation.

Attendu que si certes le texte de l'article L 16 B ne limite pas dans le temps notre compétence, ce qui explique que le magistrat n'a pas l'impression de commettre un quelconque excès de pouvoir lorsqu'il retient sa compétence, même au-delà de la remise du procès-verbal, en revanche cette pratique ne s'explique que par des considérations concrètes afin de permettre à la partie visitée d'exercer son

droit de contestation aussi après réflexion et donc a posteriori, bien qu'elle ait eu totalement la possibilité de l'exercer durant les opérations elles-mêmes, puisque le magistrat signataire, en lien permanent avec l'administration fiscale et les officiers de police judiciaire, au moins téléphoniquement, et ce jusqu'à la fin des opérations, a déjà eu toute possibilité d'être informé des difficultés et qu'il a pu exercer son pouvoir de contrôle, qui lui permet d'ailleurs le cas échéant de suspendre ou d'arrêter la visite.

Attendu que la Cour suprême, qui tend désormais à considérer par une jurisprudence suivie que le fait de statuer sur ces contestations, après clôture des opérations, est constitutif d'un excès de pouvoir de la part du magistrat signataire, soulève par voie de conséquence la régularité de la double voie procédurale, soulignée plus haut ; que cette nouvelle position de la Cour suprême est antérieure à l'introduction de la requête et pouvait être à la connaissance de la partie requérante et de son conseil.

Attendu que le magistrat signataire constate au surplus qu'en l'espèce d'une part la partie visitée a effectivement exercé un pourvoi en cassation et que selon le procès-verbal qui a été rédigé, il n'a pas été mentionné qu'elle ait formulé une contestation particulière ; que donc la partie visitée n'a pas été privée de voies de recours ; qu'il y a lieu de déclarer la requête irrecevable ».

Le 11 décembre 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par les requérants - au moyen notamment d'une violation des articles 6 § 1, 8, et 13 de la Convention - par un arrêt rédigé comme il suit :

« (...) Attendu que, selon l'article L 16 B du LPF, la mission du juge chargé de contrôler l'exécution d'une visite domiciliaire, prend fin avec les opérations autorisées ; qu'il ne peut être saisi a posteriori d'une éventuelle irrégularité affectant ces opérations, une telle contestation relevant du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondement des documents appréhendés ; (...) »

10. Entre-temps, par une ordonnance du 5 avril 2001, le président du tribunal de grande instance de Marseille avait rejeté la requête dont il était saisi comme étant mal fondée, après s'être déclaré compétent, mais uniquement « pour connaître de la régularité des visites et de saisies puisque ces opérations sont effectuées sous notre contrôle (art. L 16 B) ».

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Saisie par les requérants, la chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt du 11 décembre 2002, cassa et annula cette ordonnance - et dit n'y avoir lieu à renvoi - au motif « qu'en statuant ainsi, alors que les opérations avaient pris fin, le juge a[vait] excédé ses pouvoirs et méconnu [l'article L 16 B du LPF] et le principe [énoncé dans l'extrait du premier arrêt de la chambre criminelle du 11 décembre 2002 retranscrit ci-dessus] ».

11. Parallèlement, la comptabilité de la première société requérante fit l'objet d'une vérification et il fut procédé à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du requérant ; cependant, les 10 décembre 2001 et 12 février 2003 respectivement, l'administration fiscale leur adressa à chacun un avis d'absence de redressement. Quant à la comptabilité de la seconde société requérante, elle ne donna lieu à aucune opération de vérification. […]

En droit

I. Sur la violation alléguée de l'article 6 § 1 de la convention et de l'article 13 combiné avec l'article 8

15. Les requérants se plaignent de ce qu'ils n'ont pas eu accès à un recours effectif pour contester la régularité des visites et saisies domiciliaires dont ils ont fait l'objet en application de l'article L 16 B du LPF. Ils invoquent l'article 6 § 1 de la Convention ainsi que l'article 13 combiné avec l'article 8, ces dispositions étant libellées comme suit :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

Article 8

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société

démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » […]

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

24. Quant à l'exception d'irrecevabilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement, l'article 6 § 1 étant manifestement inapplicable sous son volet pénal en l'absence d'« accusation en matière pénale », seul est à déterminer s'il l'est en revanche sous son volet civil. Il s'agit en l'espèce de vérifier si la procédure à laquelle les requérants revendiquent l'accès vise à voir trancher une « contestation » - réelle et sérieuse - sur un « droit » de « nature civile » que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne (voir, parmi de nombreux autres, les arrêts Takin et autres c. Turquie du 10 novembre 2004 n° 46117/99, CEDH 2004 - X, § 130, Balmer-Schafroth et autres c. Suisse du 26 août 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, § 32, et Athanassoglou et autres c. Suisse [GC] du 6 avril 2000 n° 27644/95, CEDH 2000-IV, § 43), étant entendu que l'article 6 § 1 n'assure par lui-même aux « droits et obligations de caractère civil » aucun contenu déterminé ni ne vise à créer de nouveaux droits matériels dénués de base juridique dans l'Etat concerné (voir l'arrêt W. c. Royaume-Uni du 8 juillet 1987, série A n° 121, § 73, et la décision Pois c. Lettonie du 5 octobre 2006 n° 528/02).

La Cour note que le Gouvernement concède qu'il y avait en l'espèce « contestation » au sens de l'article 6 § 1 ; celle-ci - cela ressort en particulier des moyens développés par les requérants devant la Cour de cassation - avait trait à la régularité des visites domiciliaires et saisies dont ils avaient fait l'objet, au regard notamment de leur droit au respect du domicile. Le Gouvernement ne met pas davantage en cause le caractère « réel et sérieux » de cette « contestation » (lequel ressort au demeurant des circonstances de la cause). Seul porte à controverse le « caractère civil » du droit qui est l'objet de celle-ci.

A cet égard, il est vrai que, comme le soutient le Gouvernement, la Cour a confirmé dans l'arrêt Ferrazzini (précité, § § 23-31) que « le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil ». Force est cependant de constater que la « contestation » dont il est présentement question ne relève pas d'un contentieux de cette nature. Comme indiqué

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précédemment, elle porte sur la régularité des visites domiciliaires et saisies dont les requérants ont fait l'objet : en son coeur se trouve la question de la méconnaissance ou non par les autorités de leur droit au respect du domicile. Or le caractère « civil » de ce droit est manifeste, tout comme l'est sa reconnaissance en droit interne, qui résulte non seulement de l'article 9 du Code civil - auquel renvoie d'ailleurs le Gouvernement - mais aussi du fait que la Convention, qui le consacre en son article 8, est directement applicable dans l'ordre juridique français.

En conséquence, la Cour conclut à l'applicabilité de l'article 6 § 1 et au rejet de l'exception d'irrecevabilité soulevée à cet égard par le Gouvernement.

25. S'agissant de l'argument de non-épuisement des voies de recours internes avancé par le Gouvernement, il est étroitement lié à la substance du grief énoncé par les requérants, de sorte qu'il y a lieu de joindre l'exception au fond (voir, par exemple, la décision Gnahoré c. France du 6 janvier 2000 n° 40031/98).

26. Ceci étant, estimant par ailleurs que cette partie de la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond

27. Lorsque, comme en l'espèce, l'article 6 § 1 s'applique, il constitue une lex specialis par rapport à l'article 13 : ses exigences, qui impliquent toute la panoplie des garanties propres aux procédures judiciaires, sont plus strictes que celles de l'article 13, qui se trouvent absorbées par elles (voir, par exemple, les arrêts Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, § 41, et Kudła c. Pologne [GC], du 26 octobre 2000 n° 30210/96, CEDH 2000-XI, § 146).

Il y a lieu en conséquence d'examiner le présent grief sur le terrain de l'article 6 § 1 uniquement, et donc de vérifier si les requérants avaient accès à un « tribunal » pour obtenir, à l'issue d'une procédure répondant aux exigences de cette disposition, une décision sur leur « contestation ».

La Cour rappelle à cet égard que seul mérite l'appellation de « tribunal » un organe répondant à une série de critères - telle l'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties - et jouissant de la plénitude de juridiction, et que, pour qu'un tel « tribunal » puisse décider d'une contestation sur des droits et obligations de caractère civil en conformité avec cette disposition, il faut qu'il ait

compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi (voir, par exemple, l'arrêt Chevrol précité, § § 76-77). Par ailleurs, à l'instar des autres droits garantis par la Convention, le droit d'accès aux tribunaux doit être concret et effectif (voir, par exemple, mutatis mutandis, les arrêts Airey c. Irlande, du 9 octobre 1979, série A n° 32, § 24, et Steel et Morris c. Royaume-Uni du 15 février 2005 n° 68416/01, CEDH 2005-II, § 59).

28. Selon la Cour, cela implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié.

29. Il ressort de l'article L 16 B du LPF que les ordonnances autorisant les visites domiciliaires ne sont susceptibles que d'un pourvoi en cassation. La Cour a eu l'occasion, dans le contexte de l'article 5 § 3 de la Convention et du contrôle du délai raisonnable dans lequel une personne arrêtée ou détenue doit être, soit jugée, soit libérée durant la procédure, de dire que le pourvoi en cassation est un recours interne utile et qu'il doit être épuisé sous peine d'irrecevabilité de la requête devant la Cour (voir l'arrêt Civet c. France [GC] du 8 septembre 1999, Recueil 1999-VI). Toutefois, il ne s'ensuit pas nécessairement que ce pourvoi constitue une voie de recours effective aux fins du contrôle de la régularité, en droit et en fait, des ordonnances autorisant les visites domiciliaires sur le fondement de l'article L 16 B du LPF. Il incombe donc à la Cour d'examiner concrètement si, dans ce cadre, le contrôle de la Cour de cassation, statuant sur pourvoi du requérant, apporte des garanties suffisantes au regard de l'équité du procès, exigée par l'article 6 de la Convention. Or elle considère qu'à elle seule, la possibilité de se pourvoir en cassation - dont les requérants ont d'ailleurs usé - ne répond pas aux exigences de l'article 6 § 1 dès lors qu'un tel recours devant la Cour de cassation, juge du droit, ne permet pas un examen des éléments de fait fondant les autorisations litigieuses.

30. La circonstance que l'autorisation de procéder à des visites domiciliaires est délivrée par un juge - de sorte qu'à première vue, un contrôle juridictionnel incluant un examen de cette nature se trouve incorporé dans le processus décisionnel

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lui-même - ne suffit pas à combler cette lacune. En effet, si, comme la Cour l'a jugé sur le terrain de l'article 8 de la Convention dans l'affaire Keslassy à laquelle le Gouvernement se réfère, cela contribue à garantir la préservation du droit au respect de la vie privée et du domicile, l'on ne saurait considérer que l'instance au cours de laquelle le juge examine la demande d'autorisation est conforme à l'article 6 § 1 alors que la personne visée par la perquisition projetée - qui ignore à ce stade l'existence d'une procédure intentée à son encontre - ne peut se faire entendre.

31. Certes, l'article L 16 B prévoit en outre que les opérations s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a ordonnées, de sorte que, pendant leur déroulement, les personnes dont les locaux sont concernés ont la possibilité de le saisir en vue notamment d'une suspension ou de l'arrêt de la visite. Cependant, s'il s'agit là aussi d'une garantie que la Cour prend en compte dans le contexte de l'article 8 de la Convention (ibidem) et dans laquelle on peut voir une modalité propre à assurer un contrôle de la régularité des mesures prises sur le fondement de l'autorisation délivrée par ledit juge, cela ne permet pas un contrôle indépendant de la régularité de l'autorisation elle-même. Par ailleurs, l'accès des personnes concernées à ce juge apparaît plus théorique qu'effectif. En effet - cela ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation - les agents qui procèdent à la visite n'ont pas l'obligation légale de faire connaître aux intéressés leur droit de soumettre toute difficulté au juge (et ils ne l'ont pas fait en l'espèce), lequel n'est tenu de mentionner dans l'ordonnance d'autorisation ni la possibilité ni les modalités de sa saisine en vue de la suspension ou de l'arrêt de la visite ; la présence des intéressés n'est d'ailleurs pas requise (il suffit que deux témoins tiers soient présents) et la loi ne prévoit pas la possibilité pour ceux-ci de faire appel à un avocat ou d'avoir des contacts avec l'extérieur ; en outre, en l'espèce en tout cas, les coordonnées du juge compétent ne figuraient pas sur les ordonnances d'autorisation et n'ont pas été fournies aux requérants par les agents qui ont procédé aux visites. De surcroît, en raison d'un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation, les intéressés n'ont plus la faculté de saisir le juge qui a autorisé les opérations après l'achèvement de celles-ci : il ne peut plus connaître a posteriori d'une éventuelle irrégularité entachant ces opérations, une telle contestation relevant, selon la Cour de cassation, du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondement des documents appréhendés.

32. Quant à l'accès à ces dernières juridictions, en tout état de cause, il suppose que des poursuites soient subséquemment engagées contre les intéressés, ce qui ne fut pas le cas en l'espèce.

33. Il reste la possibilité évoquée par le Gouvernement d'engager une action à l'encontre de l'agent judiciaire du Trésor pour rupture du principe d'égalité devant les charges publiques ou de saisir le juge judiciaire sur le fondement de l'article 9 du Code civil. Cependant, outre le fait que le Gouvernement n'apporte aucune précision sur les modalités de ces recours, la Cour note qu'en tout état de cause, selon les propres dires de ce dernier, ils permettent l'obtention d'une indemnisation dans l'hypothèse de dégâts occasionnés lors d'une visite domiciliaire plutôt qu'un contrôle de la régularité de la décision prescrivant celle-ci et des mesures prises sur son fondement, de sorte que l'on ne peut y voir le « contrôle juridictionnel effectif » requis (paragraphe 28 ci-dessus).

34. Il résulte de ce qui précède que les requérants n'ont pas eu accès à un « tribunal » pour obtenir, à l'issue d'une procédure répondant aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention, une décision sur leur « contestation ».

35. En conséquence, la Cour conclut au rejet de l'exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes et à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II. Sur les autres violations alléguées

36. Les requérants dénoncent une violation de l'article 8 de la Convention pris isolément, résultant du fait que les juges saisis par l'administration n'ont pas procédé à un contrôle de la proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens utilisés avant d'autoriser les visites domiciliaires litigieuses. Ils ajoutent que ces magistrats ont statué sur les demandes de l'administration dans un délai tellement bref qu'il ne saurait être qualifié de « délai raisonnable » et que, en apposant leurs signatures sur des ordonnances qui avaient en fait été rédigées par l'administration fiscale, ils ont méconnu les obligations d'impartialité et d'indépendance qui s'imposaient à eux ; les requérants voient là une violation des articles 8 et 6 § 1 de la Convention.

37. La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 35 § 1 de la Convention, elle doit être saisie dans les six mois suivant la décision interne définitive rendue à l'issue de l'épuisement des voies de recours internes ; en l'absence de recours internes répondant aux exigences de la Convention, ce délai commence en principe à courir à la date à laquelle

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ont eu lieu les faits incriminés ou à celle à laquelle le requérant a été directement affecté par les faits en question, en a eu connaissance ou aurait pu en avoir connaissance (voir, par exemple, l'arrêt Gongadze c. Ukraine du 8 novembre 2005 n° 45678/98, § 155). Or il est manifeste que ces conditions ne sont pas réunies en l'espèce s'agissant des griefs précités, les requérants ayant soulevé ceux-ci pour la première fois dans leurs observations en réplique à celles du Gouvernement, datées du 14 avril 2006. Ces griefs sont donc en tout état de cause tardifs et doivent donc être rejetés en application de l'article 35 § § 1 et 4 de la Convention.

III. Sur l'application de l'article 41 de la convention

38. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

39. Le requérant réclame 80 000 € pour préjudice moral. Quant aux sociétés requérantes, elles demandent chacune 20 000 € à ce titre.

40. Le Gouvernement estime que « le seul constat de violation constituerait, en tout état de cause, une réparation adéquate du préjudice moral éventuellement subi par les requérants ».

41. La Cour partage ce point de vue s'agissant des sociétés requérantes. Elle juge en revanche équitable d'allouer 5 000 € au requérant pour dommage moral.

B. Frais et dépens

42. Les requérants demandent également 30 000 € pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour.

43. Le Gouvernement « conclut à ce que la satisfaction équitable éventuellement allouée aux requérants au titre des frais et dépens n'excède pas le montant total des frais exposés devant les juridictions nationales et la Cour pour faire constater les violations alléguées, à la condition qu'ils soient dûment justifiés et raisonnables ».

44. La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 60 § § 2 et 3 du règlement, tout requérant qui souhaite

qu'elle lui accorde une satisfaction équitable au titre de l'article 41 doit soumettre des prétentions chiffrées et ventilées par rubriques et accompagnées des justificatifs pertinents, faute de quoi elle peut rejeter tout ou partie de celles-ci. En l'espèce, les requérants ne fournissent aucun justificatif à l'appui de leur demande ; ils ne distinguent pas même les frais correspondant à la défense de leurs intérêts devant les juridictions internes de ceux relatifs à la présente procédure. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l'intégralité de leurs prétentions au titre des frais et dépens.

C. Intérêts moratoires

45. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

Par ces motifs, la cour, à l'unanimité,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 8 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu'il n'y a pas lieu de rechercher s'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 8 de la Convention ;

4. Dit que le constat d'une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par les sociétés requérantes ;

5. Dit

a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 5 000 € (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

CEDH, 8 janvier 2002, n° 51578/99, 3e section, Keslassy c/ France

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[…] En droit

Le requérant se plaint de la violation de l'article 8 de la convention qui dispose dans ses parties pertinentes ainsi :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...), de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) et à la prévention des infractions pénales, (...) »

Se fondant sur l'arrêt Funke c/ France - 256-A (25-2-1993), le requérant soutient que l'article L 16 B du LPF n'offre pas, en pratique, de garanties suffisantes contre les abus. En particulier, il estime que le contrôle exercé tant par le juge qui autorise les visites domiciliaires que par la Cour de cassation - qui n'intervient que dans le cadre limité du contrôle de cassation - est insuffisant alors que l'ordonnance qui autorise ou refuse les perquisitions n'est pas rendue à l'issue d'une procédure contradictoire.

Il soutient que le juge, en l'espèce, n'a pas procédé à une vérification précise de la requête de l'administration et des pièces l'accompagnant. […]

Il en découle que, selon le requérant, le juge n'aurait pas mis en évidence l'existence de présomptions de fraude fiscale qui seules auraient pu légitimer l'autorisation de procéder à des visites domiciliaires constitutives d'une ingérence dans le droit au respect de sa liberté individuelle et de son domicile.

Se pose d'abord la question de la qualité de « victime » du requérant au sens de l'article 34 de la convention. A cet égard, la cour rappelle d'abord que, selon sa jurisprudence, le terme « domicile » peut englober, par exemple, le bureau d'un membre d'une profession libérale (voir l'arrêt Niemietz c/ Allemagne - 251-B (16-12-1992), § 30), et qu'une perquisition effectuée au domicile d'une personne physique constitue bien une ingérence dans le droit au respect du domicile, au sens de l'article 8 de la convention, même si le domicile se trouve être simultanément le siège des bureaux d'une société contrôlée par cette personne (voir l'arrêt Chappell c/ Royaume-Uni - 152-A (30-3-1989). Le requérant est donc fondé à se considérer comme « victime » d'une ingérence dans le droit au respect de son domicile au sens de l'article 8 de la convention en ce qui concerne son domicile personnel, utilisé à la fois pour un usage professionnel et pour un usage personnel.

La cour […] considère que le grief dans sa totalité est manifestement mal fondé.

La cour considère que la perquisition effectuée dans les locaux du requérant s'analyse en une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile garantis par l'article 8 § 1 de la convention. Il échet, dès lors, de déterminer si l'ingérence litigieuse remplissait les conditions de l'article 8 § 2 de la convention.

La cour constate tout d'abord que ladite ingérence était « prévue par la loi », puisque la visite domiciliaire a été ordonnée conformément à l'article L 16 B du LPF.

La cour considère en outre que la mesure litigieuse poursuivait la protection du bien-être économique du pays et la prévention des infractions pénales, qui constituent des « buts légitimes » au sens de l'article 8 § 2 de la convention.

[…]

S'agissant des perquisitions domiciliaires en particulier, la cour a reconnu que si les Etats peuvent « estimer nécessaire de recourir à certaines mesures, telles les visites domiciliaires et les saisies, pour établir la preuve matérielle des délits (...) et en poursuivre le cas échéant les auteurs, encore faut-il que leur législation et leur pratique en la matière offrent des garanties suffisantes contre les abus » (voir les arrêts Funke, Crémieux et Miailhe c/ France du 25-2-1993, série A n° 256-A, B et C, § § 56, 39 et 37 respectivement).

En l'espèce, la cour observe que pour l'autorité judiciaire, la visite au domicile du requérant s'imposait pour recueillir les éléments de preuve confirmant les agissements frauduleux du requérant. A cet égard, elle note que le juge délégué par le président du TGI de Paris n'établit pas les présomptions justifiant la visite domiciliaire seulement sur la base de la lettre signée par B. et de la déclaration anonyme recueillie par les agents des services fiscaux. Il se fonda également sur plusieurs éléments résultant des enquêtes diligentées par les services et qui permirent de valider les renseignements recueillis, ainsi que de recouper en grande partie les indications fournies par B. et par la personne reçue par les agents des services fiscaux [article dans « Le Monde », utilisation numéro Sirène non répertorié, plainte pour fraude fiscale déposée par l'administration contre une des sociétés du requérant]. La cour estime que l'autorité judiciaire, eu égard à sa marge d'appréciation, était fondée à penser que la visite domiciliaire était nécessaire à l'établissement de la preuve de l'infraction en cause. Elle considère que les motifs invoqués à l'appui de la visite, à savoir les saisies des documents ou supports de

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documents relatifs à la fraude présumée, étaient pertinents et suffisants.

Quant aux conditions dans lesquelles la visite domiciliaire litigieuse se déroula, la cour rappelle qu'elle a déjà été amenée à se prononcer sur ces points dans ses arrêts Funke, Crémieux et Miailhe c/ France, précités. Elle rappelle que dans ces affaires, elle a constaté que l'administration bénéficiait alors, selon le droit applicable, d'amples pouvoirs non soumis à autorisation judiciaire préalable ni à un contrôle du juge au cours des opérations, la présence d'un officier de police judiciaire au cours des visites n'étant même pas toujours requise. Eu égard surtout à l'absence d'un mandat judiciaire, elle a considéré, dans l'arrêt Funke (§ 57), que « les restrictions et conditions prévues par la loi apparaissaient trop lâches et lacunaires pour que les ingérences dans les droits du requérant fussent étroitement proportionnées au but légitime recherché » et a conclu à une violation de l'article 8 de la convention.

Or, il n'en va pas de même dans l'affaire du requérant. La cour observe tout d'abord que l'article L 16 B du LPF énonce un certain nombre de garanties : il prévoit, d'une part, une autorisation judiciaire après vérification, par le juge, des éléments fondant la demande de l'administration. D'autre part, l'ensemble de la procédure de visite et de saisie est placée sous l'autorité et le contrôle du juge, qui désigne un officier de police judiciaire pour y assister et lui rendre compte, et qui peut à tout moment se rendre lui-même dans les locaux et ordonner la suspension ou l'arrêt de la visite. Or, il ne ressort d'aucun élément du dossier que cette procédure n'ait pas été pleinement respectée lors de l'exécution de la visite domiciliaire litigieuse.

En effet, la cour note, qu'en l'espèce, le juge rendit une ordonnance motivée indiquant les éléments de fait et de droit retenus laissant présumer l'existence d'agissements frauduleux dont il fallait rechercher la preuve. Le juge contrôla l'ensemble de la procédure : il désigna les membres de la

commission judiciaire qui effectua la visite, à savoir seize inspecteurs en résidence à la Direction nationale d'enquêtes fiscales, à la Direction des services fiscaux et à la Direction des vérifications nationales et internationales, assistés de dix contrôleurs, et huit officiers de police judiciaire territorialement compétents et chargés de veiller au respect des droits de la défense et de tenir le juge informé du déroulement des opérations. Le juge inclut dans l'ordonnance des instructions particulières subordonnant notamment à son autorisation toute visite nécessaire pour de nouveaux lieux découverts au cours de l'opération. Il précisa également que toute difficulté d'exécution devait être portée à sa connaissance, que l'ouverture de tout coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux aurait été titulaire devait être soumise à son autorisation expresse et qu'une copie de l'ordonnance devait être remise à l'occupant des lieux ou à son représentant.

Dès lors, eu égard au cadre strict dans lequel les autorisations de visites domiciliaires sont enfermées et au fait que la visite domiciliaire litigieuse s'est déroulée dans le respect de ce cadre, la cour estime que l'ingérence dans le droit du requérant au respect de sa vie privée et de son domicile était proportionnée aux buts légitimes poursuivis et donc « nécessaire, dans une société démocratique », au sens de l'article 8 § 2 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Comm., n° 33009/96 à n° 33013/96, FP et autres c/ France, déc. 10-09-1997 ; voir également Banco de finanzas e inversiones S.A. c/ Espagne, (déc.), n° 36876/97, 27-04-1999).

Il s'ensuit que la requête doit dès lors être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l'article 35 § § 3 et 4 de la convention.

Par ces motifs, la cour, à l'unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

CEDH, 24 juillet 2008, req. n° 18 603/03, André et autres c/ France « (…) 36. La Cour rappelle en premier lieu que le terme de « domicile » figurant à l’article 8 peut englober, par exemple, le bureau d’un membre d’une profession libérale, notamment d’un avocat (Niemietz c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 251-B, p. 34, § 30, et Roemen et Schmit c. Luxembourg, no 51772/99, § 64, CEDH 2003-IV).

37. Dès lors, elle considère que la visite opérée au cabinet des requérants et les saisies effectuées s’analysent en une ingérence dans l’exercice de leurs droits découlant du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention.

38. Elle estime que pareille ingérence était « prévue par la loi ». En effet, l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales définit les modalités

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à respecter en cas de visite domiciliaire, et l’application conjuguée des dispositions des articles 56 et 56-1 du code de procédure pénale vise expressément le respect du secret professionnel et du domicile professionnel ou privé d’un avocat. Les requérants ne se plaignent d’ailleurs pas d’un défaut de base légale, mais de l’absence de proportionnalité et de nécessité des mesures litigieuses dans les circonstances de l’espèce.

39. Elle juge par ailleurs que l’ingérence poursuivait un « but légitime », à savoir celui de la défense de l’ordre public et de la prévention des infractions pénales.

40. Quant à la question de la « nécessité » de cette ingérence, la Cour rappelle que « les exceptions que ménage le paragraphe 2 de l’article 8 appellent une interprétation étroite et [que] leur nécessité dans un cas donné doit se trouver établie de manière convaincante » (Crémieux c. France, arrêt du 25 février 1993, série A no 256-B, p. 62, § 38, et Roemen et Schmit, précité, § 68).

41. La Cour estime que des perquisitions et des saisies chez un avocat portent incontestablement atteinte au secret professionnel, qui est la base de la relation de confiance qui existe entre l’avocat et son client. D’ailleurs, la protection du secret professionnel est notamment le corollaire du droit qu’a le client d’un avocat de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ce qui présuppose que les autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’« accusé » (J.B. c. Suisse, arrêt du 3 mai 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-III, § 64 ; voir également, parmi d’autres, Funke c. France, arrêt du 25 février 1993, série A no 256-A, § 44).

42. Partant, si le droit interne peut prévoir la possibilité de perquisitions ou de visites domiciliaires dans le cabinet d’un avocat, celles-ci doivent impérativement être assorties de garanties particulières. De même, la Convention n’interdit pas d’imposer aux avocats un certain nombre d’obligations susceptibles de concerner les relations avec leurs clients. Il en va ainsi notamment en cas de constat de l’existence d’indices plausibles de participation d’un avocat à une infraction (paragraphe 15 ci-dessus), ou encore dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques (paragraphes 17-18 ci-dessus). Reste qu’il est alors impératif d’encadrer strictement de telles mesures, les avocats occupant une situation centrale dans l’administration de la justice et leur

qualité d’intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d’auxiliaires de justice.

43. En l’espèce, la Cour note que la visite domiciliaire s’est accompagnée d’une garantie spéciale de procédure, puisqu’elle fut exécutée en présence du bâtonnier de l’Ordre des avocats dont relevaient les requérants. En outre, la présence du bâtonnier et les observations concernant la sauvegarde du secret professionnel que celui-ci estima devoir faire à propos des documents à saisir furent mentionnées dans le procès-verbal des opérations.

44. En revanche, outre l’absence du juge qui avait autorisé la visite domiciliaire, la présence du bâtonnier et les contestations expresses de celui-ci n’ont pas été de nature à empêcher la consultation effective de tous les documents du cabinet, ainsi que leur saisie. S’agissant notamment de la saisie de notes manuscrites du premier requérant, la Cour relève qu’il n’est pas contesté qu’il s’agissait de documents personnels de l’avocat, soumis au secret professionnel, comme le soutenait le bâtonnier.

45. Par ailleurs, la Cour relève que l’autorisation de la visite domiciliaire était rédigée en termes larges, la décision se contentant d’ordonner de procéder aux visites et aux saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements dans certains lieux où des documents et supports d’information relatifs à la fraude présumée étaient susceptibles de se trouver, et ce en particulier au domicile professionnel des requérants. Dès lors, les fonctionnaires et officiers de police judiciaire se voyaient reconnaître des pouvoirs étendus.

46. Ensuite, et surtout, la Cour constate que la visite domiciliaire litigieuse avait pour but la découverte chez les requérants, en leur seule qualité d’avocats de la société soupçonnée de fraude, de documents susceptibles d’établir la fraude présumée de celle-ci et de les utiliser à charge contre elle. A aucun moment les requérants n’ont été accusés ou soupçonnés d’avoir commis une infraction ou participé à une fraude commise par leur cliente.

47. La Cour note donc qu’en l’espèce, dans le cadre d’un contrôle fiscal d’une société cliente des requérants, l’administration visait ces derniers pour la seule raison qu’elle avait des difficultés, d’une part, à effectuer ledit contrôle fiscal et, d’autre part, à trouver des « documents comptables, juridiques et sociaux » de nature à confirmer les soupçons de fraude qui pesaient sur la société cliente.

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48. Compte tenu de ce qui précède, la Cour juge que la visite domiciliaire et les saisies effectuées au domicile des requérants étaient, dans les circonstances de l’espèce, disproportionnées par rapport au but visé.

49. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. (…) »