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Faculté de droit, sciences économique et gestion – Université de Nancy 2
Master 1 Droit public
Année universitaire 2010-2011
DROIT CONSTITUTIONNEL APPROFONDI
Cours de M. le professeur S. PIERRE-CAPS
Travaux dirigés de M. le professeur F. LAFAILLE
Groupe formé par Mike DE ROSSI, Anthony CAIATO, Mathieu GRIVEL, Fabien HENTZY, Eric
HIBST et Mandy VENTOSA
Séance 8
LE BRESIL
Bibliographie:
- Document 1: Autoritarisme et parlementarisme – Quelques considérations sur
les initiatives législatives au Brésil, par Aurelio WANDER CHAVES
BASTOS, 1990
- Document 2 : Evolutions récentes du constitutionnalisme brésilien, Marcelo
FIGUEIREDO, 20 octobre 2010 [extraits]
- Document 3 : Les droits humains en République fédérative du Brésil –
Rapport d'Amnesty International de 2009
- Document 4 : Le regard d'un juriste européen sur le droit Brésilien, par
Michel FROMONT [extraits]
Bibliographie complémentaire:
Introduction au droit brésilien - Par Domingos Païva de Almeida (Voir Chapitre 1,
Section 2 et Chapitre 2) :
http://books.google.fr/books?id=b72wBtQY_EIC&pg=PA200&lpg=PA200&dq=droit+doctrine+bre
sil&source=bl&ots=R7FNC98clD&sig=D80lmO6wFhE--
3JFatplfRPwcPg&hl=fr&ei=sdLfTKKCEoTNhAfMl52oDQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&re
snum=8&ved=0CEwQ6AEwBw#v=onepage&q&f=false
Constitution et gouvernement :
http://www.mfe.org/index.php/Portails-Pays/Bresil/Presentation-du-pays/Constitution-et-
gouvernement
Organisation de l'Etat :
http://www.bresil.org/index.php?option=com_content&task=view&id=343&Itemid=51&cataff=289
&cataffb=289
Institutions politiques :
http://www.brasilyane.com/index.php/culture-bresil/institutions-politiques
Législation :
http://www.bresil.org/index.php?option=com_content&task=view&id=586&Itemid=51
Droits de l'Homme (Voir aussi titre 1 2 de la Constitution de 1988) :
http://www.bresil.org/index.php?option=com_content&task=category§ionid=4&id=283&Itemi
d=51&cataff=283
Historique des Constitutions au Brésil :
http://translate.google.fr/translate?hl=fr&langpair=en|fr&u=http://en.wikipedia.org/wiki/History_of
_the_Constitution_of_Brazil
Constitution de la République fédérative du Brésil :
http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-politique-constitution.pdf
Maud Chirio, « Le pouvoir en un mot : les militaires brésiliens et la « révolution » du
31 mars 1964 », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Coloquios, 2007, [En línea], Puesto en
línea el 12 junio 2007 :
http://nuevomundo.revues.org/3887
La dictature militaire et la réconciliation nationale au Brésil :
http://astree.ifrance.com/num8/chron3.htm
Actualité – Présidentielle 2010 =
Brésil : les défis qui attendent Dilma Rousseff :
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/11/01/bresil-les-defis-qui-attendent-dilma-
rousseff_1434014_3222.html#ens_id=1395239&xtor=RSS-3208
Dilma Rousseff se veut le digne successeur de Lula :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20101101.OBS2147/dilma-rousseff-se-
veut-le-digne-successeur-de-lula.html
Document 1 :
Source : persee.fr
Document 2 :
Évolutions récentes du constitutionnalisme brésilien [extraits]
par Marcelo FIGUEIREDO
Source : RDP2010-5-012 , revue du droit public et de la science politique en France et à
l'Étranger , 20 octobre 2010, 0901 n° 5, P. 1509
LE SYSTÈME DE GOUVERNEMENT ET LES PARTIS POLITIQUES
A. — Le système de gouvernement
Le modèle du régime parlementaire avait naturellement été écarté lors de l'installation du régime
autoritaire en 1964. D'une part, le raisonnement militaire repoussait l'idée d'un pouvoir partagé avec
le Parlement. D'autre part, un régime centré sur le Parlement était l'antithèse de ce que les
gouvernants défendaient à ce moment-là. Lors de la « redémocratisation », la convocation de
l'Assemblée nationale constituante a enthousiasmé les « parlementaristes ». La commission
constituée afin d'élaborer l'avant-projet de Constitution a d'ailleurs été présidée par Afonso Arinos
de Mello Franco, un défenseur renommé du parlementarisme. Dans la version finale de l'avant-
projet, l'idée de parlementarisme de type dual l'avait emporté. Cet avant-projet prévoyait un cabinet
doublement responsable : d'un côté face à la Chambre et, d'un autre côté, face au président de la
République, lequel devait être élu directement à la majorité absolue, pour un mandat de six ans. Il
devait nommer le Président du Conseil des ministres, après avoir consulté les partis composant la
majorité du Congrès national. Les décrets-lois, les mesures provisoires ou les mesures d'urgence
n'étaient pas traités.
Cependant, l'Assemblée nationale constituante a finalement choisi le système présidentiel. Ce choix
a été ratifié par un plébiscite dont l'organisation, cinq ans après la promulgation de la Constitution,
était prévue par la Constitution elle-même. À l'époque, la décision des constituants de faire
plébisciter le système de gouvernement a été critiquée, car une consultation n'est possible que si le
sujet en question se limite à des questions simples pouvant être résolues par un « oui » ou un
« non » ; pas quand il s'agit de sujets extrêmement complexes, sur lesquels les avis des spécialistes
eux-mêmes peuvent largement diverger, comme c'est le cas du système de gouvernement. Les
représentants n'ont pas voulu assurer leur délégation et se sont abstenus de décider, renvoyant la
responsabilité au mandant. Lors du plébiscite, qui a eu lieu en septembre 1993, le présidentialisme
l'a remporté à une large majorité.
Pourquoi le régime parlementaire a-t-il été rejeté ? Plusieurs facteurs l'expliquent : les préjugés par
rapport à ce système sont forts. Si le parlementarisme jouit d'un soutien satisfaisant auprès de l'élite,
que ce soit sous sa forme la plus pure ou, de plus en plus, sous forme de modèles hybrides, il n'en
est pas de même dans l'opinion publique. Les gouvernés imaginent souvent que le développement et
la modernisation du pays exigent la concentration du pouvoir dans les mains d'un leader
charismatique, investi par le peuple de la mission de changer le système. Or, le parlementarisme ne
se prête pas naturellement à l'émergence d'un leader fort. Il apparaît plutôt comme un système de
pouvoir très dilué ; un gouvernement de députés qui investissent et renversent des gouvernements à
leur guise. Les parlementaires ne semblent représenter que des intérêts limités, paroissiaux, alors
que le président, élu dans le cadre d'une seule et même circonscription, est considéré comme plus
apte à défendre les intérêts de l'État dans son ensemble. Il faut ajouter à ces perceptions le manque
de prestige du pouvoir législatif dans l'opinion publique, problème d'ailleurs assez généralisé dans
les démocraties contemporaines. Ainsi, un régime parlementaire serait inapte à remédier au retard
du Brésil dans de nombreux domaines, aux pouvoirs oligarchiques régionaux et à l'inefficacité
institutionnelle.
Ce sont des perceptions qui trompent et dans l'ensemble laissent transparaître les conflits par
rapport au système de gouvernement présidentiel. Un Président porteur d'une mission
révolutionnaire, démiurge, trébucherait sur ce système politique truffé de points de blocage dans la
prise de décision et surtout lors de la mise en place de ces décisions. Le Président brésilien doit
former une base de soutien dans un congrès pluripartisan, sans un camp majoritaire important, ne
serait-ce que pour assurer l'approbation des lois ordinaires. Les décisions exigeant un quorum
spécial peuvent donner, à chaque membre de la coalition, y compris les petits partis, un pouvoir
incommensurable de négociation lors des votations conflictuelles. De plus, le pouvoir législatif est
bicaméral et le Sénat, comparable à la Chambre en termes de compétences, représente une instance
législative de plus à surmonter lors de l'approbation d'un projet.
Le présidentialisme brésilien, selon Abranches et Cintra, fonctionne en système de composition
partisane dans les Ministères. Si dans les régimes parlementaristes européens, des coalitions sont
tissées selon la règle de la proportionnalité, donnant à chaque parti un morceau du gouvernement
proportionnel à son poids dans la base parlementaire, dans le cas brésilien la distribution des postes
ministériels ne suit pas toujours cette norme, parce que les présidents ont la faculté constitutionnelle
de nommer librement leurs ministres. Pourtant, dans l’ensemble, la correspondance entre le poids
parlementaire des partis et leur représentation ministérielle apporterait une solidité législative au
cabinet. Plus la correspondance sera grande, plus la discipline des partis composant le Cabinet sera
forte. La mesure statistique de cette correspondance est l'« indice de coalescence » : plus la
proportionnalité de la distribution des portefeuilles ministériels entre les partis qui appuient le
gouvernement est grande, plus elle sera juste.
Les données d'Amorim Neto montrent que le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso aurait
été plus proche d'un gouvernement de coalition du type européen, que celui de Fernando Collor ou
celui de Itamar Franco. Cela signifie que le présidentialisme de coalition ne constitue pas un modèle
statique, mais une situation variable, selon, surtout, pour cet auteur, le niveau de coalescence atteint.
Des études plus récentes, d'Amorim Neto lui-même comme d'autres auteurs, ont déjà inclus les
données du gouvernement Lula. Amorim Neto observe que les ministères organisés depuis le
gouvernement Sarney jusqu'à celui de Lula, ont été des accords pluripartisans avec un plus ou
moins fort degré de fragmentation et d'hétérogénéité idéologique. Mais celui de Lula est celui qui a
le plus augmenté le nombre de partis, allant jusqu'à neuf. Quant à l'hétérogénéité idéologique, seuls
le deuxième et le troisième de Collor y ont échappé, car ils se sont essentiellement concentrés vers
la droite. Cependant, dans le cas du gouvernement Lula, comme remarque Fabiano Santos, cette
hétérogénéité a été forte.
En ce qui concerne la composition de la « classe politique », enfin, il faut savoir que le Brésil
compte 513 députés fédéraux. En théorie, la Chambre des Députés devrait représenter le peuple et
le Sénat devrait représenter les États. Cependant, cela ne se passe pas exactement de cette façon.
D'abord, il n'y a pas de députés nationaux, élus au sein de la circonscription du pays comme un tout,
mais des bancs étatiques de députés fédéraux, qui se prennent pour des représentants des unités de
la Fédération sur le plan national. Ensuite, surtout, la représentativité populaire de la Chambre est
en partie faussée par l'absence de proportionnalité entre la population des États et le nombre de
représentants dont ils disposent. Au contraire, en fixant un minimum de huit représentants par État,
pour n'importe quelle densité de population, et un maximum de soixante-dix, la Charte de 1988 n'a
fait que valider ce qui existait déjà dans l'histoire républicaine brésilienne. Il en résulte une
méconnaissance de la règle démocratique « un homme, une voix », puisque les voix des électeurs
n'ont pas le même poids. Bien que le problème soit très clair dans la discussion publique concernant
la matière, on s'aperçoit à la lecture des annales de l'Assemblée Constituante Nationale qui a élaboré
la Constitution que la distribution disproportionnelle de portefeuilles entre les États est devenue, de
fait, comme une « Clause Constitutionnelle Immuable » de l'organisation politique du Brésil. Les
parlementaires des États surreprésentés n'admettent pas l'hypothèse d'une réduction de leur
représentation. Et la grande inégalité régionale — vu la force de São Paulo au sein de la Fédération
— donne un certain poids politique aux arguments de ceux qui défendent une représentation, dans
la Chambre, des États plus petits et moins développés qui ne soit pas strictement proportionnelle à
leur population. Mais force est de reconnaître que le manque de représentativité de la Chambre des
députés n'est pas compensé par le Sénat puisque, étant la « Chambre des États », celui-ci leur donne
à tous le même poids, indépendamment de leur population.
B. — Les partis politiques
Le Brésil est une Fédération de 26 États et un District Fédéral, qui connaît des élections directes à
trois niveaux (Fédération, États fédérés et municipalités). Il y a des élections tous les deux ans, qui
ne coïncident pas exactement, les élections municipales étant décalées des autres élections.
Pour comprendre le Système partisan brésilien actuel, il importe d'en identifier les racines, qui se
trouvent dans la période après-guerre (1945). Au cours de ces soixante dernières années, le système
des partis a souffert des « réalignements » forcés par le régime militaire, en 1965-1966 et en 1979-
1980. Avec le retour aux gouvernements civils en 1985, le système a connu une grande expansion,
jusqu'en 1993, où s'est produit un certain « retrait ». Mais le système s'est fragmenté de nouveau à la
fin des années quatre-vingt-dix, avec 18 partis élisant au moins un député en 1998 et 2002, et 21 en
2006.
À la différence des autres régimes militaires du Cône Sud (Chili, Uruguay et Argentine) les
généraux-présidents brésiliens n'ont pas fermé le Congrès National ni invalidé les partis politiques.
Ils ont maintenu les élections à des intervalles réguliers, bien qu'assorties de contraintes autoritaires,
afin de vendre l'image d'une « démocratie relative ». Ainsi, la transition (ou transaction) vers la
démocratie s'est faite sans rupture entre 1974 et 1985. C'est pour cela qu'avec l'ouverture du système
partisan et avec la liberté d'organiser de nouveaux partis (ou de réorganiser les formations
existantes), les partis traditionnels antérieurs au coup d'état militaire de 1964 ne sont pas réapparus,
alors que sont réapparus l'Union Civique Radicale et le Parti Justicialiste en Argentine, les Blancos
et les Colorados en Uruguay et le Parti Démocrate Chrétien au Chili, lors de la fin de leurs régimes
militaires respectifs.
Pendant la période allant de 1945 à 1965, le Brésil a eu jusqu'à 13 grands partis représentés au
Congrès National, 2 moyens et 8 petits, soit 23 partis en tout. Puis les choses ont considérablement
changé entre 1980 et 1997. Un multipartisme modéré a été maintenu durant les cinq dernières
années du régime militaire (1980-1985), le paysage politique comportant 6 partis puis 5. Mais avec
le retour des gouvernements civils (Sarney, 1985-1990 ; Collor, 1990-1992 ; Itamar, 1992-1994 ; et
F. H. Cardoso, 1995-1998), la législation a été modifiée, ce qui a facilité l'apparition de nouveaux
partis. De fait, en 1991, plus de 40 partis étaient inscrits au Tribunal Supérieur Électoral (TSE),
20 d'entre eux étant représentés au Congrès. Avec la nouvelle Loi Organique sur les Partis Politiques
(LOPP), sanctionnée en août 1995, plusieurs fusions ont été réalisées et le pluralisme modéré fut
encore encouragé lors des élections de 1998 et 2002. Aujourd'hui le Brésil compte
approximativement 9 partis ayant une envergure nationale.
Du point de vue de l'électorat, il est possible de suivre les analyses de Reis ((8))
, pour qui les
statistiques révèlent l'apathie dune grande partie de lélectorat populaire brésilien face à la politique
et les sujets publics, indifférence qui sajoute à la tendance générale au mépris de la démocratie. Des
sondages réalisés en 2002 dans 17 pays latino-américains par Latinobarômetro — une institution
siégeant au Chili (Santiago) —, montrent le Brésil comme le pays ayant la plus petite proportion de
réponses indiquant que la démocratie est préférable à nimporte quel autre type de régime (37 %).
Malgré une certaine augmentation par rapport à 2001, et par rapport aux enquêtes réalisées
antérieurement par la même institution, force est de constater que les proportions brésiliennes
d'appui à la démocratie se situent parmi les plus faibles d'Amérique Latine. Et il est encore
révélateur qu'en 2002, le nombre de brésiliens ayant avoué ne pas savoir ce qu'est la démocratie, ou
n'ayant simplement pas répondu à la question, dépasse de façon évidente les autres pays latino-
américains : 63 % (le Salvador étant au deuxième rang, avec un résultat de 46 %).
Ces constatations ont certainement à voir avec les grandes inégalités sociales brésiliennes et leur
impact sur les déficiences en matière d'éducation dans le pays. En effet, diverses enquêtes montrent
une corrélation certaine entre l'attachement à la démocratie (ou, plus généralement, l'intérêt pour la
politique et l'engagement civique) et le niveau scolaire ou la sophistication intellectuelle des
électeurs.
De même, les différentes études menées sur ce thème montrent le substrat socio-psychologique sur
lequel le populisme continue de compter au Brésil, brisant l'idée d'une démocratie capable de
fonctionner de façon stable : ce n'est que parmi les interviewés de niveau universitaire que l'on ne
retrouve pas une large entente autour d'un procédé clairement anticonstitutionnel, et même
autoritaire, disqualifiant les partis et faisant valoir qu'au lieu de ceux-ci, ce dont le pays a besoin est
d'« un grand mouvement dunité nationale guidé par un homme honnête et ferme », ouvrant ainsi la
voie à l'émergence de leaders « forts ».
Cette mentalité stimule l'adoption de programmes d'assistance, comme la « Bourse Famille » mise
en place par le gouvernement Lula. Ce programme touche 11 millions de personnes (et plus ou
moins directement 40 millions d'électeurs) et a sans nul doute servi d'outil puissant de réélection du
Président, en plus des autres résultats positifs obtenus sur la scène économique (faible taux
d'inflation, accès à l'emprunt facilité, taux de chômage en baisse, etc.).
LES MÉCANISMES JURIDIQUES DE DÉFENSE DE LA CONSTITUTION
La Constitution Brésilienne de 1988 contient plusieurs mécanismes pour garantir que ses normes, si
leur violation a été constatée, seront rétablies dans la mesure du possible. Ainsi érige-t-elle le
Pouvoir Judiciaire en général, et le TFS en particulier, en gardiens de ses normes et de ses valeurs.
La première procédure de contrôle de constitutionnalité est l'action directe en inconstitutionnalité
(ADIN), positive ou négative (omission), qui peut être déclenchée par de nombreuses autorités : 1)
Le Président de la République ; 2) La direction du Sénat Fédéral ; 3) La direction de la Chambre des
Députés ; 4) La direction de l'Assemblée Législative du District Fédéral ; 5) le Gouverneur d'un État
ou du District Fédéral ; 6) Le Procureur Général de la République ; 7) le Conseil Fédéral de l'Ordre
des Avocats du Brésil ; 8) un Parti Politique représenté au Congrès National ; 9) la ConFédération
Syndicale ou une entité de classe à caractère national.
Quant aux modalités du contrôle de constitutionnalité des lois et des actes normatifs, il faut savoir
que le Brésil connaît deux systèmes. Il y a le système diffus (d'origine nord-américaine), selon
lequel tout juge ou tribunal a le pouvoir de suspendre la norme considérée inconstitutionnelle, et le
système concentré (d'origine européenne), selon lequel le TFS doit, objectivement, contrôler la
constitutionnalité des lois et des actes normatifs (par voie abstraite ou directe).
Une deuxième voie du contrôle de constitutionnalité réside dans l'Argumentation de non-
Accomplissement de Précepte Fondamental (ADPF), prévue à l'article 102, § 1 de la Loi 9.882/99 et
ayant pour objet, dans sa modalité d'action autonome, d'éviter ou de réparer une atteinte à un
précepte fondamental causée par un acte provenant du Pouvoir Public.
Bien que certains tribunaux aient refusé de faire droit à l'argumentation au motif que n'était pas en
cause un précepte fondamental, le TFS n'a jamais précisé ce qu'il faut entendre par « précepte
fondamental ». La doctrine, cependant, a déjà envisagé un certain nombre de scénarios concernant
ce nouvel instrument.
Lenio Luiz Streck affirme par exemple qu'« en dépit des problèmes que la nouvelle Loi puisse
présenter, force est d'admettre que l'argumentation de non-accomplissement de précepte
fondamental se trouve — comme droit d'accès à la juridiction constitutionnelle — à côté et comme
complément de l'ordre d'injonction, de l'action d'inconstitutionnalité par omission et des
mécanismes mêmes de contrôle de constitutionnalité. Car, si d'un côté l'ordre d'injonction est un
remède contre l'inefficacité des normes non-réglementées, le pouvoir judiciaire étant chargé de
permettre, dans le cas qui lui est soumis, la réalisation du droit revendiqué, d'un autre côté,
l'argumentation de non-accomplissement de précepte fondamental permet d'obliger le Pouvoir
Public à s'abstenir de réaliser un acte abusif et violateur de l'État.
Quant à sa nature, il faut remarquer que l'ADPF présente l'ambivalence même du système mixte de
contrôle de constitutionnalité en vigueur au Brésil : elle est à la fois une action autonome (article 1
de la Loi 9.882/90) et un mécanisme à même de provoquer indirectement et de manière diffuse le
contrôle de constitutionnalité des lois ou des actes normatifs (article 1, I).
Par ailleurs, il est intéressant d'observer que la nouvelle action est venue combler une ancienne
lacune de l'ordonnancement brésilien, en permettant au TFS de contrôler la constitutionnalité des
actes normatifs antérieurs la Constitution de 1988 (inconstitutionnalité survenue). En effet, il était
clair, depuis le début des années quatre-vingt-dix, que le TFS ne souhaitait pas accueillir les ADIN
dirigés contre les lois pré-constitutionnelles.
Aujourd'hui, conformément à ce que prévoit l'incise I de l'article 1 de la nouvelle Loi, les actes
normatifs antérieurs à la Constitution sont passibles d'ADIN et l'ADPF peut également être intentée
à titre préventif. C'est-à-dire que le système admet désormais aussi bien la modalité répressive que
la voie préventive de contrôle des actes susceptibles de mettre en péril les préceptes fondamentaux
de la Constitution.
Au demeurant, tout paraît indiquer à l'heure actuelle que le but privilégié de l'ADPF sera vraiment
le contrôle concentré. C'est en tout cas dans cette direction que s'orientent les ADPF intentées
jusqu'alors auprès de TFS : ADPF numéro 4, cherchant à montrer le caractère inconstitutionnel de la
Mesure Provisoire 2.019/2000 fixant la valeur du SMIC, non encore jugée ; ADPF numéro 1,
dirigée contre le veto opposé par l'Intendant de Rio de Janeiro au Projet de Loi approuvé par le
Conseil Municipal et augmentant la valeur de la Contribution Immobilière (Imposto Predial e
Territorial Urbano — IPTU), non-publiée au motif que le veto n'entrait pas dans le concept d'acte du
pouvoir public conformément aux prévisions de la Loi réglementant l'ADPF ; ADPF numéro 3,
proposée par le Gouverneur du Ceará contre un acte du Tribunal de Justice de cet État, non publiée
au motif que tous les moyens aptes à résoudre le conflit n'avaient pas été mis en œuvre ».
Le TFS a en outre admis que l'ADPF soit traitée comme une ADIN. Pour cela, il faut considérer la
possibilité d'ADIN d'intervention, selon laquelle les Chefs d'État peuvent décréter l'intervention de
la Fédération ou de l'État, dans les hypothèses prévues dans la Constitution de 1988, et dans
laquelle le Pouvoir Judiciaire exerce un contrôle de l'ordre constitutionnel considérant un cas
concret soumis à son analyse. Le Judiciaire n'annule pas l'acte, mais vérifie simplement que les
présupposés pour la promulgation de l'intervention par le Chef du Pouvoir Exécutif sont présents.
Car il n'est possible que l'Union intervienne dans les États et que les États interviennent dans les
Communes que si une loi, un acte normatif, une omission, ou un acte gouvernemental heurte les
principes sensibles de la Constitution (forme républicaine, système représentatif et régime
démocratique, droits de l'homme, autonomie municipale, prestation des comptes de l'administration
publique, ou encore utilisation d'une part minimale du budget dans les secteurs de l'enseignement et
de la santé).
Enfin, depuis l'Amendement Constitutionnel numéro 45/2004, la Constitution permet au TFS
d'édicter des réglementations contraignantes à l'égard des Organismes du Judiciaire et de
l'Administration Publique, aux niveaux de la Fédération, des États et des Communes. Le dispositif
constitutionnel est cependant clair lorsqu'il indique que le règlement ne peut traiter que de la
matière constitutionnelle.
Document 3 :
LES DROITS HUMAINS EN RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU
BRÉSIL
Rapport d'Amnesty International de 2009
Peine de mort abolie sauf pour crimes exceptionnels
Population 194,2 millions
Espérance de vie 71,7 ans
Mortalité des moins de cinq ans (M/F) 32 / 24 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes 88,6 %
La société brésilienne affichait toujours de profondes inégalités en matière de respect des droits humains. La
croissance économique et les programmes gouvernementaux à caractère social ont permis d’amoindrir,
dans une certaine mesure, les disparités socioéconomiques, mais bien que la pauvreté ait légèrement
diminué, le Brésil enregistrait toujours les inégalités parmi les plus flagrantes de la région en termes de
répartition des revenus et des richesses. Les violations des droits fondamentaux que subissaient les
millions de Brésiliens vivant dans la misère n’étaient toujours pas véritablement prises en considération.
Comme les années précédentes, les habitants des quartiers les plus pauvres étaient privés de la
jouissance d’un ensemble de services ; ils souffraient toujours d’un niveau élevé de violence liée aux
gangs ainsi que d’atteintes systématiques à leurs droits de la part de la police.
Les zones urbaines marginalisées subissaient toujours les conséquences d’une protection sociale
insuffisante, de politiques discriminatoires en matière d’aménagement et de l’absence de toute sécurité
publique. De ce fait, nombre de Brésiliens pris au piège dans les favelas (bidonvilles) ou dans de piètres
logements se trouvaient à la merci des brutalités policières et des violences perpétrées par les bandes
criminelles.
Dans les zones rurales, des travailleurs sans terre et des populations indigènes ont été soumis à des mesures
d’intimidation, des menaces physiques et des expulsions forcées. L’expansion agroindustrielle et les
projets publics et privés de développement ont encore aggravé la discrimination sociale et la pauvreté qui
sévissaient depuis plusieurs décennies dans les milieux ruraux. Les droits constitutionnels et les droits
fondamentaux de ces habitants étaient régulièrement bafoués : privés d’accès à la justice, tenus à l’écart
des services sociaux, ils étaient en outre victimes de violences et de mesures d’intimidation dont se
rendaient coupables des sociétés de sécurité privées opérant aux marges de la légalité, pour le compte de
puissants intérêts économiques.
Les défenseurs des droits humains des populations marginalisées, notamment les avocats, les
dirigeants syndicaux et les militants locaux, étaient poursuivis en justice par les autorités et victimes de
menaces de la part de ceux dont ils mettaient les intérêts à l’épreuve.
CONTEXTE
Des élections municipales ont été organisées en octobre dans l’ensemble du pays. À Rio de Janeiro,
contrôlée en grande partie par des milices composées de policiers, de pompiers et de soldats n’étant pas ou
plus en service, ou par des gangs de trafiquants de drogue, la situation était considérée si précaire que
l’armée a été déployée afin d’assurer la sécurité des candidats. Plus de 100 personnes ont trouvé la mort
lors des inondations qui, en novembre, ont dévasté certaines parties de l’État de Santa Catarina et laissé
30 000 habitants sans abri.
Comme les années précédentes, la corruption entravait l’action des services publics et l’accès à la
justice. En mai, une enquête de la police fédérale a mis au jour une affaire de détournement de fonds publics
provenant de la Banque nationale du développement économique et social et destinés à des contrats de
services conclus par des conseils municipaux des États de São Paulo, Rio de Janeiro, Paraíba et Rio Grande
do Norte. En décembre, au cours d’une autre investigation sur des pratiques entachées de corruption dans
l’État de l’Espírito Santo, la police fédérale a arrêté le président de la Cour suprême de l’État ainsi que des
juges, des avocats et un membre du ministère public pour leur rôle présumé dans une affaire de décisions
judiciaires monnayées.
"Dans l’État du Paraná, des milices armées illégales proches de propriétaires fonciers ont continué de s’en
prendre aux travailleurs sans terre."
L’impunité qui prévalait depuis longtemps pour les crimes commis par le régime militaire (1964-1985)
a pour la première fois été remise en cause de façon sérieuse. En juillet, le ministre de la Justice, Tarso
Genro, a rouvert le débat en déclarant que la torture ne constituait pas un crime politique et n’était par
conséquent pas couverte par la Loi d’amnistie de 1979. Ces propos ont été réfutés par le ministre de la
Défense ainsi que par des membres des forces armées. En octobre, l’Ordre des avocats du Brésil a introduit
une requête devant la Cour suprême afin qu’elle se prononce sur cette interprétation de la Loi d’amnistie.
En octobre également, le colonel à la retraite Carlos Alberto Brilhante Ustra a été la première personne à être
reconnue coupable à l’issue d’un procès au civil concernant des actes de torture infligés sous le régime
militaire. Des avocats du gouvernement fédéral ont provoqué la polémique en déclarant qu’ils assureraient la
défense de Carlos Alberto Brilhante Ustra et de son coaccusé, l’ancien colonel Audir dos Santos Maciel, dans
le cadre d’un autre procès engagé au civil par des procureurs fédéraux, au motif que la Loi d’amnistie
devrait offrir à ces deux hommes l’immunité de poursuites.
Sur la scène internationale, le Brésil a remis en avril son rapport dans le cadre du nouveau mécanisme de
surveillance du Conseil des droits de l’homme [ONU], l’examen périodique universel. Le gouvernement
fédéral a accepté les recommandations du Conseil, notamment l’adoption de mesures visant à
diminuer le recours excessif à la force par la police, à améliorer les conditions de détention et à
garantir la sécurité des défenseurs des droits humains. À la fin de l’année, une proposition destinée à
mettre la loi brésilienne en conformité avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale était en
attente de ratification par le Sénat et la Chambre des députés.
VIOLENCES ET EXPULSIONS FORCÉES EN ZONE RURALE
Les violences à l’encontre des travailleurs sans terre se sont poursuivies. Elles étaient souvent le fait de
milices illégales ou de sociétés de sécurité privées, non réglementées ou insuffisamment réglementées, à la
solde de propriétaires terriens. L’année a été marquée par de nouvelles expulsions forcées, qui se sont bien
souvent déroulées dans un parfait mépris des garanties prévues par la loi. Les informations recueillies ont fait
état de tentatives de poursuites en justice de mouvements qui soutiennent les paysans sans terre dans
leurs démarches en faveur de réformes foncières et agraires.
Dans l’État du Rio Grande do Sul, des magistrats du parquet et des policiers militaires ont monté un dossier
rassemblant de nombreuses accusations portées contre des membres du Mouvement des paysans sans terre
(MST). D’après le MST, cette démarche s’inscrivait dans une stratégie ayant pour objectif d’entraver son
action et de sanctionner pénalement ses membres. Le dossier, dont certains éléments portaient sur l’existence
de liens entre le MST et des groupes terroristes internationaux, a servi à étayer des demandes d’expulsion,
dont un certain nombre ont donné lieu à l’utilisation d’une force excessive par la police.
Dans l’État du Paraná, des milices armées illégales proches de propriétaires fonciers ont continué de s’en
prendre aux travailleurs sans terre.
Le 8 mars, 15 hommes armés ont pénétré dans le hameau de Terra Livre, à Ortigueira, où vivent 35 familles.
Ils ont menacé les enfants, frappé les hommes et les femmes et incendié leurs biens. Sept assaillants ont été
arrêtés par la suite. Trois semaines plus tard, deux hommes encagoulés ont abattu le responsable du MST à
Terra Libre, Eli Dallemore, sous les yeux de sa femme et de ses enfants.
Le 8 mai, des hommes armés ont pénétré dans un campement occupé par 150 familles à proximité de
Cascavel, au volant de tracteurs, de pelleteuses et d’un camion blindé. Ils ont tiré des coups de feu et détruit
des cultures, ainsi qu’une école et une église. Une fusillade a éclaté avec la police avant que ces hommes ne
se rendent. Dix d’entre eux ont été arrêtés.
L’État du Pará affichait toujours le plus fort taux de menaces et d’homicides à l’encontre de militants
pour le droit à la terre. Les auteurs de ces violences n’étaient que très rarement traduits en justice.
Jugé une nouvelle fois pour l’assassinat, en février 2005, de la militante écologiste pour le droit à la terre
Dorothy Stang, Vitalmiro Bastos de Moura a été acquitté en mai et remis en liberté. À l’issue d’un premier
procès, il avait été reconnu coupable et condamné à une peine de trente ans de réclusion. Cet acquittement a
été largement condamné, notamment par le président Lula et par d’autres représentants du gouvernement. Le
ministère public a interjeté appel ; aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année.
DROITS DES POPULATIONS INDIGÈNES
Les populations indigènes qui luttaient en faveur de leurs droits, reconnus par la Constitution, de jouir
de leurs terres ancestrales ont cette année encore été victimes d’homicides, de violences, d’actes
d’intimidation, de discriminations, d’expulsions forcées et d’autres violations de leurs droits
fondamentaux. Ces multiples atteintes entraînaient encore un peu plus les indigènes dans la misère. La
lenteur de la justice contribuait à entretenir un climat de violence contre les peuples autochtones. À la suite
de la visite qu’il a effectuée au Brésil au mois d’août, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation
des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a dénoncé la
« discrimination persistante qui sous-tend la définition de l’action gouvernementale, la mise en œuvre des
services et l’administration de la justice » et qui « contamine parfois certains secteurs de la société, où elle
entraîne des violences ».
En mai, des hommes en cagoule ont tiré des coups de feu et lancé des bombes incendiaires de fabrication
artisanale sur un groupe d’indigènes de la réserve de Raposa Serra do Sol, dans l’État de Roraima. Ces
attaques, qui ont fait dix blessés parmi les autochtones, ont été attribuées à de grands riziculteurs demeurant
illégalement sur des terres indigènes dont la propriété avait été approuvée en 2005 par le président Lula. La
procédure d’expulsion des cultivateurs menée par la police fédérale était toujours temporairement
interrompue, dans l’attente de l’examen de l’appel interjeté par le gouvernement de l’État auprès de la Cour
suprême fédérale au sujet de la légalité du processus de démarcation. Le dépôt de ce recours avait suscité des
polémiques. En décembre, huit des 11 juges de la Cour suprême ont voté en faveur du maintien de la
démarcation initiale de la réserve de Raposa Serra do Sol, mais la décision finale a été reportée à l’année
2009, l’un des juges ayant demandé un délai de réflexion supplémentaire.
Dans l’État de Pernambouc, un dirigeant indigène truká, Mozeni Araújo de Sá, a été abattu en août dans
une rue très fréquentée de la ville de Cabrobó. Cet homme était un témoin clé dans l’affaire du meurtre de
deux autres Trukás, abattus en juin 2005 lors d’une fête de village. Il était également candidat aux élections
locales. Le tueur présumé a été arrêté et était en attente de jugement à la fin de l’année.
DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Dans tout le pays, des défenseurs des droits humains ont de nouveau été la cible de menaces, d’actes
d’intimidation et d’attaques.
João Tancredo, président de l’Institut des défenseurs des droits humains, a été victime d’une tentative
d’assassinat en janvier à Rio de Janeiro. Quatre balles ont atteint sa voiture blindée. Il rentrait d’une réunion
dans la favela Furquim Mendes, durant laquelle des habitants avaient évoqué le cas d’un policier surnommé
« le prédateur » et accusé d’avoir assassiné cinq personnes du quartier.
C’est toujours dans l’État du Pará que les défenseurs des droits humain étaient le plus en danger. D’après le
Programme de l’État du Pará en faveur de la protection des défenseurs des droits humains, au moins
50 militants se trouvaient menacés, dont moins de 10 bénéficiaient d’une protection suffisante.
POLICE ET AUTRES FORCES DE SÉCURITÉ
Le système de justice pénale demeurait marqué par la négligence, la discrimination et la corruption. Si
des informations ont fait état d’une légère diminution du nombre total d’homicides, les quartiers pauvres des
centres urbains et les petites villes de l’intérieur du pays affichaient toujours un niveau élevé de criminalité
violente et d’homicides. Il a été établi que des agents de la force publique faisaient partie d’escadrons de
la mort et de milices ou étaient mêlés à des actions criminelles.
Destiné à la prévention de la criminalité et à l’insertion sociale dans les noyaux urbains les plus violents du
Brésil, le Programme national de sécurité publique et de citoyenneté (PRONASCI) a enregistré des
avancées limitées, peu d’États ayant déposé des projets pouvant bénéficier d’un financement.
État de Rio de Janeiro
Les autorités de l’État sont restées sur une ligne dure et ont poursuivi des opérations de maintien de
l’ordre massives dans les favelas de la ville, marquées par le déploiement de très nombreux policiers, de
véhicules blindés et d’hélicoptères. En janvier, six personnes ont été tuées au cours d’une opération menée
dans les bidonvilles de Jacarezinho et de Mangueira. En avril, deux opérations, l’une effectuée dans les
favelas de Coréia et de Vila Aliança, l’autre à Vila Cruzeiro, se sont soldées par la mort de 20 personnes. Sept
habitants au moins ont été blessés par des balles perdues. En août, dix autres personnes ont été tuées lors
d’une descente à Duque de Caxias, dans la Baixada Fluminense.
Le nombre d’homicides perpétrés dans la ville de Rio de Janeiro a diminué par rapport à l’année
2007, mais ceux imputables à des policiers et comptabilisés comme ayant été commis après des « actes
de rébellion » représentaient environ un septième des homicides recensés entre janvier et octobre. Cette
année encore, des homicides perpétrés par des agents de police en dehors de leur service ont été signalés.
Des investigations menées par la police civile ont révélé que 12 policiers, dont deux appartenant au Bataillon
des opérations spéciales (BOPE), menaient des activités en tant qu’hommes de main. Les manœuvres
d’intimidation à l’encontre des personnes qui tentaient de s’opposer au crime organisé se sont poursuivies.
Au moins 17 fonctionnaires ou élus – dont trois juges, sept procureurs, cinq responsables de la police et un
parlementaire – ont reçu des menaces de mort de la part de milices et de bandes criminelles. La plupart
bénéficiaient d’une protection policière à la fin de l’année.
En juin, le Parlement a ouvert une enquête sur le rôle de milices, dont on pensait qu’elles contrôlaient
quelque 170 favelas. Cette enquête faisait suite aux informations selon lesquelles les milices contrôlant le
bidonville du Batan, dans l’ouest de Rio de Janeiro, avaient enlevé et torturé trois reporters du journal O Dia
ainsi qu’un habitant de la favela. Elle a mis en évidence un ensemble complexe d’actes de racket,
d’irrégularités électorales, de violences et de manœuvres de corruption qui impliquaient les
institutions publiques jusque dans leur cœur, à travers un vaste réseau de policiers corrompus, de
milices et de personnalités de la vie politique locale et de l’État. À la suite de cette enquête, plusieurs
hauts dirigeants de milices ont été incarcérés, dont un député d’État.
En août, des hommes masqués présumés proches de milices ont abattu sept habitants du bidonville de
Barbante, dont un commerçant qui avait refusé de s’acquitter de la « taxe » des milices.
État de São Paulo
Le nombre global d’homicides aurait diminué mais ceux imputables à la police militaire de l’État de
São Paulo ont légèrement augmenté : 353 ont été recensés entre janvier et septembre, contre 325 pour la
même période de l’année précédente. Parallèlement, de nombreux cas d’homicides multiples ont été signalés.
Les escadrons de la mort ayant des liens avec la police ont continué à sévir dans la périphérie de la ville de
São Paulo.
Entre les mois d’avril et d’octobre, cinq corps décapités ont été retrouvés dans la décharge d’Itapecerica da
Serra. La police civile enquêtait sur l’implication éventuelle d’un escadron de la mort connu sous le nom des
« Highlanders » et qui serait composé de 10 policiers militaires.
Le Nordeste
Dans le rapport établi à la suite de sa visite au Brésil en novembre 2007, le rapporteur spécial des Nations
unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a indiqué que le bureau du procureur de
l’État de Pernambouc estimait qu’environ 70 % des homicides perpétrés dans l’État étaient l’œuvre
d’escadrons de la mort et que, d’après une commission d’enquête parlementaire fédérale, 80 % des crimes
imputables à des groupes d’extermination impliquaient des policiers ou d’anciens policiers.
À Macéio, dans l’État d’Alagoas, les habitants étaient à la merci des gangs de trafiquants de drogue.
À Benedito Bentes, banlieue pauvre de Macéio, des dirigeants locaux et le maire élu ont à maintes reprises
été la cible de menaces de la part de bandes locales de trafiquants de stupéfiants. En novembre, à la suite
d’une fusillade qui a fait deux morts et six blessés, les trafiquants ont imposé un couvre-feu, fermant
notamment l’école locale et l’association des habitants.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Malgré plusieurs initiatives du gouvernement, dont la récente ratification du Protocole facultatif se
rapportant à la Convention contre la torture, les agents de la force publique continuaient de
commettre régulièrement des actes de torture au moment de l’arrestation, au cours de l’interrogatoire
ou durant la détention. Ces affaires, souvent passées sous silence, faisaient rarement l’objet d’une enquête
et de poursuites au titre de la Loi de 1997 relative à la torture.
Dans l’État du Piauí, deux agents du 4e bataillon de la police militaire de la ville de Picos ont été accusés
d’avoir torturé deux jeunes gens soupçonnés de vol et arrêtés en octobre. Les hommes ont été frappés au
niveau des parties génitales et dans le dos. Un examen médical a révélé un gonflement important des
testicules ainsi que de nombreuses ecchymoses. À la fin de l’année, deux policiers militaires étaient en cours
de jugement et le commandant du bataillon avait été suspendu de ses fonctions, dans l’attente de la
conclusion de l’enquête.
Les gangs criminels faisaient régner la loi au sein de nombreux centres de détention. Les détenus
étaient fréquemment torturés, parfois même tués, par des gardiens ou par d’autres prisonniers.
Certains États ont continué de recourir à une forme prolongée de détention à l’isolement dans les
prisons de haute sécurité, en violation des normes internationales.
En septembre, trois détenus ont été retrouvés morts, poignardés, dans le centre pénitentiaire de Paulo
Sarasate, à Fortaleza (État de Ceará). Deux autres prisonniers ont été brûlés vifs dans leur cellule en
novembre. Le nombre total d’homicides de prisonniers dans ce centre s’élevait à 18 pour l’année 2008. Les
autorités ont attribué ces décès à des règlements de compte entre bandes au sein de la prison.
Dans une initiative majeure, le procureur général a transmis une requête à la Cour suprême fédérale
demandant une intervention à l’échelle fédérale dans l’État de Rondônia afin de mettre un terme aux
violations commises de manière systématique dans le centre de détention José Mário Alves, également
appelé Urso Branco. Cette requête est intervenue alors que des ONG locales et nationales, en particulier
Justice mondiale et la Commission justice et paix, faisaient état depuis huit ans de violations de ce type, y
compris d’exécutions sommaires et d’actes de torture.
De nouveaux cas de mauvais traitements et de violences dans les centres de détention pour mineurs ont été
signalés.
En juillet, des détenus du centre Franco da Rocha, qui dépend de la Fondation CASA – Centre de prise en
charge socioéducative de l’adolescent – de São Paulo, ont affirmé qu’ils avaient été enfermés dans leurs
cellules à la suite d’une émeute et frappés à coups de matraque, de morceaux de bois hérissés de clous, de
barres de fer et d’un manche de binette.
En novembre, un garçon de dix-sept ans est mort des suites de blessures à la tête infligées au centre de
détention Educandário Santo Expedito, à Bangu, qui dépend du Département général des mesures
socioéducatives (DEGASE) de Rio de Janeiro. Des témoins ont déclaré qu’il avait été frappé par des
gardiens du centre. La police a ouvert une enquête.
DROITS DES FEMMES
Les femmes faisaient toujours l’objet de violences et d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Dans les
quartiers pauvres, les victimes ne bénéficiaient pas des services les plus élémentaires et ne pouvaient
facilement saisir la justice. Leurs contacts avec le système de justice pénale se soldaient souvent par
des mauvais traitements ou des manœuvres d’intimidation.
Les habitantes de zones contrôlées par les bandes criminelles ou les milices étaient victimes de violences et
n’avaient que peu de perspectives de recevoir réparation.
En août, une étude sur les milices effectuée par l’université d’État de Rio de Janeiro a révélé le sort qui avait
été réservé à une femme accusée d’infidélité à Bangu, un quartier sous l’emprise des milices : elle a été
déshabillée devant chez elle, a eu le crâne rasé et a été contrainte de traverser nue la favela.
Le nombre de femmes en détention a continué d’augmenter. Les chiffres communiqués par l’administration
pénitentiaire indiquaient une augmentation de 77 % de la population carcérale féminine au cours des
huit dernières années, soit une hausse plus importante que celle des détenus masculins. Les femmes
incarcérées demeuraient victimes de mauvais traitements et souffraient toujours de la surpopulation,
de moyens inadaptés lors des accouchements et de l’absence de structures de garde d’enfants.
VISITES D’AMNESTY INTERNATIONAL
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Brésil en mai et en novembre. En avril, ils ont
assisté à la remise par le Brésil de son rapport dans le cadre de l’examen périodique universel.
Source : http://www.amnesty.org/fr/region/brazil/report-2009
Document 4 :
LE REGARD D’UN JURISTE EUROPEEN SUR LE DROIT
BRESILIEN [extraits]
Michel FROMONT
Professeur émérite à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Le droit brésilien est effectivement peu connu en France. Pour ma part, quand j’ai écrit le
livre La justice constitutionnelle dans le monde, je me suis aperçu que personne en France ne parlait
de la justice constitutionnelle en Amérique latine en général et spécialement au Brésil. J’ai consacré
quelques pages à cette évolution qui est d’autant plus remarquable que la justice constitutionnelle
s’est développée en Amérique du Sud, pays de tradition romaniste, avant de s’implanter en Europe.
[…]
Regards sur le droit constitutionnel
La Constitution brésilienne est assez récente (1988) et a pu subir l’influence des Constitutions
européennes même les plus récentes. Néanmoins dans l’ensemble, le droit des Etats-Unis occupe
une place prépondérante.
Le droit des Etats-Unis a tout d’abord apporté le fédéralisme, même s’il y a des différences
importantes entre le fédéralisme nord-américain et le fédéralisme brésilien, ce dernier étant
beaucoup moins fortement décentralisé, même si la constitution de 1988 s’est efforcée de donner
plus de pouvoirs aux Etats membres que par le passé. Ensuite, le droit des Etats-Unis a apporté au
Brésil un régime présidentiel tempéré par un peu de démocratie directe.
Ce n’est que dans le détail que l’on retrouve des institutions qui manifestement ne sont pas
nord-américaines, mais bien européennes. C’est tout d’abord le cas de l’article 60 de la Constitution
brésilienne qui interdit au pouvoir constituant dérivé de modifier certains traits fondamentaux de
la constitution et que l’on retrouve a peu près textuellement dans la Constitution allemande de
1949. Il repose sur l’idée que le pouvoir constituant dérivé n’est pas illimité. Selon cette
disposition, les modifications susceptibles d’être apportées à la Constitution ne peuvent pas
« toucher », comme disent les Allemands, le cœur même de la Constitution, c’est-a-dire le principe
fédéral, le principe démocratique et la protection des droits fondamentaux. On retrouve a peu près
des dispositions semblables dans l’article 79 de la constitution allemande, lequel a déjà fait
l’objet d’une jurisprudence assez abondante de la part de la Cour constitutionnelle fédérale.
Le deuxième point de rapprochement avec les droits européens est la notion
brésilienne de « loi complémentaire » qui rappelle la loi organique, soit de la Constitution française
de 1958, soit de la Constitution espagnole de 1978.
Enfin, l’institutionnalisation des partis politiques mérite d’être soulignée. Elle a son
origine dans la Constitution allemande de 1949 : l’article 21 de la Loi fondamentale impose,
d’une part, l’interdiction de certains types de partis politiques (ceux qui sont
antidémocratiques) et, d’autre part, une certaine réglementation du financement (principe de
transparence). Cette disposition a donné lieu à des développements importants en Allemagne
tant sur le plan législatif (loi sur les partis politiques) que sur le plan jurisprudentiel, la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale étant particulièrement riche à cet égard. De fait,
le parti politique y fait figure d’institution intermédiaire entre ce que les Allemands appellent
l’« Etat », d’un côté, et la « société », de l’autre. Cette institutionnalisation des partis politiques a
été reprise sous une forme très atténuée par la France lors de la rédaction de la Constitution de 1958
(article 4).
Sur un point précis, il semble que le constituant brésilien ait subi une certaine influence de la
part du droit français, car, au Brésil, les partis politiques ne peuvent pas recevoir d’argent des
gouvernements étrangers, ce qui est une règle du droit français - qui, il est vrai, n’est pas de rang
constitutionnel, mais une règle législative.
[…]
Source :
http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:7HBDEjCQGjkJ:legalcultures.com/en/pdf/vol2num2/
le_regard_dun_juriste_europeen_sur_le_droit_bresilien.pdf+Le+regard+d'un+juriste+europ%C3%
A9en+sur+le+droit+Br%C3%A9silien&hl=fr&gl=fr&pid=bl&srcid=ADGEESgiHcTB3hiqKMYI7
OX8kpB-sTrPh8L-0EmX8gjW8xAkJ12qqY0N8rlJwmRf1YW-0EY90P3Wa4Xz1W8-
9xq3YGv0GR9DhsZonKNJCYd6hIguWcXk_lH3Z6aRLDsrIz4p6BKTHoyb&sig=AHIEtbRAU8
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