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8 6039 TG WB 00 Page 5 PARTIE 2 DOMINANTES « MÉTIERS DE L’ENSEIGNEMENT » ET « FORMATION DES ADULTES » Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants Chapitre 1 PARTIE 2 DOMINANTES « MÉTIERS DE L’ENSEIGNEMENT » ET « FORMATION DES ADULTES » Chapitre 1 Pascale Aoudé – Hervé Daguet Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants Introduction ........................................................................................................................ 6 1 Technologies, usages des technologies et compétences : quelques définitions........................................................................................................ 6 1A. Les TIC et TICE ................................................................................................................ 6 1B. Usages, utilisation et pratiques .................................................................................. 7 1C. Compétences à l’usage des TIC................................................................................... 7 2. Utilisations scolaires et extrascolaires des TIC-E par les apprenants ...... 9 2A. Les politiques publiques en faveur des TIC à l’école ............................................. 9 2B. Rencontre entre sphères privée et institutionnelle .............................................. 11 3. Les jeunes et les TIC.................................................................................................. 14 3A. Différences dues au genre ? .................................................................................... 14 3B. Vrais « natifs » du numérique ? Aisance et/ou difficultés ................................... 15 4. Intégration des TIC et modèles d’usages chez les enseignants .............. 16 4A. L’intégration des technologies en classe ................................................................ 16 4B. L’intégration des technologies chez les enseignants, deux études de cas : les cartables numériques et les ENT............................................................................... 19 Conclusion ......................................................................................................................... 27 Bibliographie .................................................................................................................... 27 Sites institutionnels ....................................................................................................... 31

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    PARTIE 2 DOMINANTES « MÉTIERS DE L’ENSEIGNEMENT » ET « FORMATION DES ADULTES »

    Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants

    Chapitre 1

    PARTIE 2

    DOMINANTES « MÉTIERS DE L’ENSEIGNEMENT » ET « FORMATION DES ADULTES »

    Chapitre 1

    Pascale Aoudé – Hervé Daguet Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants

    Introduction ........................................................................................................................61 Technologies, usages des technologies et compétences : quelques définitions ........................................................................................................61A. Les TIC et TICE ................................................................................................................6

    1B. Usages, utilisation et pratiques ..................................................................................7

    1C. Compétences à l’usage des TIC ...................................................................................7

    2. Utilisations scolaires et extrascolaires des TIC-E par les apprenants ......92A. Les politiques publiques en faveur des TIC à l’école .............................................9

    2B. Rencontre entre sphères privée et institutionnelle ..............................................11

    3. Les jeunes et les TIC ..................................................................................................143A. Différences dues au genre ? ....................................................................................14

    3B. Vrais « natifs » du numérique ? Aisance et/ou difficultés ...................................15

    4. Intégration des TIC et modèles d’usages chez les enseignants ..............164A. L’intégration des technologies en classe ................................................................16

    4B. L’intégration des technologies chez les enseignants, deux études de cas : les cartables numériques et les ENT ...............................................................................19

    Conclusion .........................................................................................................................27Bibliographie ....................................................................................................................27Sites institutionnels .......................................................................................................31

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    PARTIE 2 DOMINANTES « MÉTIERS DE L’ENSEIGNEMENT » ET « FORMATION DES ADULTES »

    Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants

    Chapitre 1

    IntroductionIl est récurent dorénavant d’entendre une multitude de discours – plus médiatiques que scienti-fiques – sur une école qui se modernise, une classe connectée, un professeur qui se réinvente... Il est indéniable que l’Institution scolaire est immergée dans la société et de ce fait perméable aux mutations technologiques qui l’affectent. Toutefois, il est utile de définir les concepts et les contextes qui sous-tendent de tels discours.

    Dans ce chapitre après avoir donné des éléments théoriques sur les technologies de l’information et de la communication en éducation nous présenterons deux points de vue, d’une part celui des apprenants et d’autre part celui des enseignants.

    Pour mieux comprendre les usages des TIC en éducation il nous a en effet paru indispensable de présenter des concepts comme ceux d’usages, d’utilisation, de pratique ou encore de compétence.

    Notre approche des usages des TIC par les élèves s’est focalisée sur des études de cas concernant les blogs et les tablettes numériques. Nous présentons également une rapide revue de questions sur la notion de « digital native ».

    En ce qui concerne les enseignants notre entrée est celle de l’intégration des technologies dans la pédagogie. Après avoir présenté le concept et deux modèles associés à ce dernier nous verrons comment ils ont pu être concrètement appliqués comme des grilles de lecture dans le cadre d’ana-lyses de travaux portant sur les cartables numériques et les Espaces Numériques de Travail (ENT).

    1 Technologies, usages des technologies et compétences : quelques définitions

    1A. Les TIC et TICEÉtude des objets techniques, la technologie désigne à la fois l’ensemble des outils, des machines et des dispositifs. Selon l’OCDE, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) «  comprennent toutes les activités qui permettent de produire, de traiter, de transformer et de transmettre l’information et la communication, en utilisant un procédé électronique ».Les TIC sont ainsi à l’articulation :

    •des objets techniques (ordinateurs, téléphones/ applications, logiciels, plate-forme...) ;• des activités qu’on fait avec ;•et ce, qu’elles soient ou non directement prescrites (par un adulte, le travail, l›école...) (Baron

    et Bruillard, 2008).

    Une certaine confusion a parfois lieu entre TIC et « informatique ». Cette dernière ne pourrait se limiter à l’ensemble des techniques mises en œuvre pour l’utilisation des ordinateurs. Elle est la science du traitement rationnel de l’information. D’abord activité de professionnels et de savants, elle a connu une diffusion sociale extraordinaire depuis le développement de la micro-informatique et l’entrée massive des ordinateurs dans la vie quotidienne de personnes les utilisant majoritairement comme outils de production de documents (Baron et Bruillard, 1996). Le recours aux Technologies de l’Information et de la Communication en éducation ou pour l’enseignement (TICE) peut avoir plusieurs aspects :

    •l’enseignement sur les TIC, ces dernières étant un objet d’étude dans le programme ;•l’apprentissage avec les TIC (support) sans pour autant que les stratégies ou les méthodes

    didactiques et pédagogiques en soient modifiées ;•l’apprentissage par les TIC (outil) sans lesquelles il est impossible d’enseigner ou d’assimiler

    le programme (Pelgrum et Law, 2004).

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    Chapitre 1

    Comme c’était le cas il y a une vingtaine d’années, on peut toujours affirmer : « l’accroissement considérable de la vitesse et de la puissance dans les capacités d’enregistrement, de stockage et de représentations de l’information écrite et visuelle grâce à la miniaturisation, la portabilité, la numérisation et la compression »

    (Dieuzeide, 1994, p. 14) fait que ces TIC soient nouvelles ou renouvelées, éphémères et labiles.

    Cette évolution continuelle des techniques et réseaux invite à une méfiance dans les prédictions d’usages en pédagogie. Le renouveau de cette dernière devrait primer ainsi sur la « nouveauté » relative des technologies à l’école.

    1B. Usages, utilisation et pratiquesChacun de ces concepts relève d’une durée de mise en action et d’un niveau de mise en place (Chaptal, 2003).

    « utilisation » « usage » « pratique »

    Durée action ponctuelle, occasionnelle ou intermittente

    stable, inscrit dans le temps long

    expérience ou habitude approfondie et stabilisée

    Niveau individuelle, liée aux aspects manipulatoires

    action communément observée dans un groupe social

    caractéristique d’une culture professionnelle

    Ainsi, si nous parlons d’une utilisation, celle-ci ne pourrait être ancrée à long terme comme le sera un usage. Par exemple, une personne aurait une utilisation ponctuelle de la géolocalisation pour trouver son chemin lors d’un voyage touristique. Cette action individuelle et intermittente diffé-rerait de l’usage qu’aurait la même personne de sa messagerie personnelle. En effet, la gestion des courriels et le contact avec les membres de sa famille peuvent être qualifiés d’usages stables. Cet aspect habituel de l’usage est commun à la pratique qui, elle, concerne plus une action d’un collectif professionnel qui le caractérise. Ainsi, le traitement de texte dans le cadre professionnel de rédaction de courrier professionnel est bel et bien un des exemples de pratiques bureautiques propres au monde secrétarial.

    À ce point, il serait aussi utile de se pencher sur les notions d’usager et de « logique d’usage ». Provenant du latin usus (pratique considérée comme normale dans une société donnée) et tra-duit en anglais en user, un usager est, selon Bruillard (1997) « asservi » aux contraintes de modes d’usages prescrits des instruments. En revanche, l’appropriation de la technique par ses usagers détermine si cette dernière va revêtir d’un caractère permanent, et ce selon la signification qu’on aura attachée à son usage.

    De ce point de vue découle la notion de « logique d’usage » introduite par Perriault et qui consiste en « un comportement cohérent de choix, d’instrumentation et d’évaluation d’un appareil par un individu ou un groupe» (Perriault 2002, 35). Ainsi, il s’agit d’une articulation dynamique entre ce qu’offre la technique et ce dont a effectivement besoin l’usager, quitte à équilibrer davantage prescriptions et attentes. « Ce comportement est fondé sur la représentation que se construisent les intéressés » (Idem) qui peuvent, en effet, détourner de l’usage premier la technique, selon leur propre projet.

    1C. Compétences à l’usage des TIC

    Introduite dans le champ linguistique et distincte de la performance, la notion de compétence fut ensuite utilisée dans le domaine de la formation professionnelle avant de s’imposer dans le champ éducatif. Cette notion a fait l’objet de très nombreuses analyses et certains chercheurs ont bien mis en évidence ses ambiguïtés et les problèmes qu’elle pose.

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    Chapitre 1

    Le Boterf (2006) définit la compétence comme la capacité de combiner et mobiliser un ensemble de ressources pertinentes pour réaliser, dans un contexte particulier, des activités selon certaines modalités d’exercice afin de « produire » des résultats satisfaisant à certains critères de perfor-mance pour un destinataire. Perrenoud (1997) ajoute qu’il n’y a de compétence stabilisée que si la mobilisation des connaissances dépasse le tâtonnement réflexif à la portée de chacun et actionne des schèmes constitués. Il faut donc que les apprentissages soient véritablement intégrés pour pouvoir être remobilisés.

    En somme, une compétence serait la mobilisation de ressources dans un contexte permettant de réaliser une activité et de fournir un résultat. Dans le domaine des TIC les ressources provien-draient :

    •d’une part des acquis de formations définis par un certain cadre (initiation, formation ini-tiale, co-formation) ;

    •d’autre part d’un auto-apprentissage par le biais de pratiques et d›usages (privés et prescrits) des outils informatiques.

    La mise en contexte articulant sphère privée (apprentissages, usages) et celle publique (co-forma-tion, stages…) aurait comme finalité le traitement d›une situation-problème : acquérir la logique de fonctionnement d’un logiciel, résoudre un imprévu technique, comprendre les messages du système d’exploitation…

    Le résultat serait mesurable du moment où une manipulation soit réussie sous un logiciel, par exemple, où un usage serait développé en cours de formation et adopté dans la pratique person-nelle, où une fonctionnalité serait transmise à autrui (collègue, élève) (Aoudé, 2011).

    Si la réelle compétence s’exprime par une réponse aux aléas et à la possibilité d’utiliser les sys-tèmes dans des situations inédites, que dire s’il y a un changement dans l›environnement maté-riel ? Si on a l’habitude de travailler, par exemple, sous un système d’exploitation particulier ou avec une suite logicielle spécifique, pourrait-on dire qu’on serait quand même « compétent » dans une situation différente ?

    Normand et Bruillard (2001) ont montré que les interfaces, facilitant l’apprentissage et la mémori-sation des actions à mener sur le logiciel, limitent par contre la compréhension du sens de l’action menée. Ainsi l’utilisateur sera dépendant des graphiques et menus d’une interface particulière et ignorera le traitement impliqué par le logiciel derrière tel ou tel bouton cliqué et qui serait différent ou absent dans une autre suite logicielle. D’où la nécessité de comprendre le processus réalisé par la machine et de repérer des « invariants » des logiciels (Vandeput et Colinet, 2005) rendant intelligibles les opérations effectuées.

    Pour tester des compétences dans le logiciel tableur, nous avions proposé des tests sous deux formats  : sur l’interface habituelle avec des feuilles de calcul et sur un papier illustrant des copies d’écran de cette interface suivies de questions où les testés devaient donner une réponse manuscrite. Les mêmes exercices réalisés sur ordinateur étaient en général mieux réussis que sur le test en format papier. À notre sens, ceci reflète l’incapacité des répondants à se détacher de l›interface (puisqu’ils retranscrivaient sur la feuille de test les « cliques » de souris, les mouvements « appuyer-glisser » avec la touche « contrôle » du clavier, le bouton « sigma » de la barre de menu) et la difficulté qu’ils ont à faire de la « programmation », c’est-à-dire de pouvoir écrire une syntaxe interprétable par le logiciel (Aoudé 2011).

    En effet, la proposition, sur un papier, d’un défi à relever sans avoir recours à une interaction avec le progiciel mettrait l’apprenant dans une situation ou seuls les savoir-faire sont mobilisés et per-mettrait une évaluation (dénuée d’essais-erreurs) de la maitrise des invariants de ce progiciel sans que la version du logiciel ou le mode d’exploitation ne favorisent, ou au contraire, défavorisent l’un ou l’autre des répondants.

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    Chapitre 1

    Selon Lagrange et al. (2009), des usages cohérents ne peuvent se développer sans un minimum de compétences et, réciproquement, le développement de compétences professionnelles relatives aux technologies, particulièrement dans le domaine professionnel, suppose l’existence de ces usages. Par exemple, les genèses d’usages professionnels des TIC chez les enseignants dépendent de la coexistence de la dyade « compétences / usages ». Dans ce sens, on serait dans un cercle vicieux si on avait des usages limités puisque le développement de compétences nouvelles serait minime. De même, détenant des compétences faibles, on aurait du mal à développer des usages ambitieux.

    Certes, une utilisation fréquente des matériels et logiciels est essentielle, cependant elle ne serait suffisante à elle seule. D’où la nécessité d’une formation permettant le passage d’une utilisation par essai-erreur à une méthode de travail ou stratégie de résolution.Cette formation suppose ainsi une prise en compte institutionnelle allant à l’échelle nationale. Nous verrons rapidement les diverses évocations des TIC dans les prescriptions politiques pendant le siècle dernier en France avant de conclure sur les dernières.

    2. Utilisations scolaires et extrascolaires des TIC-E par les apprenants

    2A. Les politiques publiques en faveur des TIC à l’école

    2A1. Bref historiqueComme nous l’avons vu, le sigle TIC ne regroupe pas une seule catégorie d’objets ni un même registre d’utilisations. Ainsi, le recours aux termes «  informatique  », «  technologie  », «  numé-rique » ou aux sigles dérivés n’implique pas toujours les mêmes représentations surtout si celles-ci dépendent de périodes et d’auteurs différents. C’est pourquoi dans ce survol des politiques publiques, nous userons d’expressions utilisées dans le contexte qui les évoque.

    La prise en compte de l’informatique dans la société française commence avec le Plan Calcul (1967) à une décennie où l’on se rend compte du phénomène bouleversant les pays industriali-sés. La circulaire de mai 1970 affirme la volonté de « préparer au monde de demain dans lequel ceux qui ignoreront tout de l’informatique seront infirmes »1. L’ordinateur est perçu comme outil pédagogique destiné à l’enseignement de toutes les disciplines. Cette vision se poursuit durant la décennie suivante, toujours en parlant d’informatique pour tous les niveaux, sans pour autant prévoir une initiation à l’informatique. À la suite du Plan Informatique Pour Tous (IPT) de 1985, les établissements sont équipés massivement d’un matériel français dans l’objectif d’initiation des élèves à l’« outil informatique ». Dans les années qui suivent, la question de la généralisation de l’équipement englobe aussi l’accès à Internet et continue à se perpétuer à côté des mesures de for-mation des enseignants. À la fin de la décennie 90, une sous-direction des technologies éducatives et des technologies de l’information et de la communication (devenant par la suite la SDTICE) est créée ainsi qu’une marque RIP (Reconnu d’Intérêt Pédagogique) labellisant les produits multimé-dias adaptés à un usage éducatif est mise en place.

    En l’an 2000, la finalité d’une initiation pour tous à l’informatique aboutit à la création du Brevet Informatique et Internet (B2i). Deux années plus tard, le plan RÉSO (pour une République numérique dans la Société de l’information) prône la décentralisation et la responsabilisation des collectivités locales. La même année, un Certificat C2i Informatique et Internet (C2i) est institué.

    À partir de 2001, on assiste à des plans d’équipements dans divers départements français, com-mençant par les ordinateurs portables aux élèves (Landes, Bouches-du-Rhône, Ille-et-Vilaine,...)

    1. Bulletin officiel de l’Éducation Nationale, n° 22, jeudi 28 mai 1970.

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    Chapitre 1

    puis en équipant les établissements de classes (ultra) mobiles (Auvergne, Aquitaine, Gironde,….) et dernièrement en dotant les élèves de tablettes numériques (Hauts-de-Seine, Corrèze, Yvelines, …). Nous reviendrons dans la dernière sous-partie de ce chapitre sur ces opérations de mise à disposition de cartables numériques et d’ENT.

    Voulgre (2011, p.114) en conclut : « la place occupée par l’État pour les plans d’équipements et de formations dans les années 1970-1990 contraste avec celle ‘non-occupée’ auprès des collectivités territoriales dans les années 1990-2010 ».

    2A2. Les TIC au programme ?Le Brevet Informatique et Internet (B2i) créé en 2000, et mis à jour à plusieurs reprises depuis, spécifie les compétences et atteste leur acquisition par les élèves ou les apprentis, tout au long de leur cursus.

    La validation du B2i fut obligatoire pour l’obtention du diplôme national du brevet (DNB) depuis 2006. Les finalités qu’il vise à atteindre sont :

    •s’approprier un environnement informatique de travail en créant et exploitant des données, gérant sa communication et ses échanges via Internet ;

    •percevoir les possibilités et les limites des traitements informatisés, et faire preuve d’esprit critique face aux résultats de ces traitements ;

    •identifier les contraintes juridiques et sociales dans lesquelles s’inscrivent ces utilisations.

    Après la mise en place du socle commun de connaissances et de compétences ainsi que de son éva-luation, notamment par le Livret Personnel de Compétences (LPC), ces compétences TIC requises au niveau de l’école font désormais partie de «  la compétence 4  : la maîtrise des Techniques Usuelles de l’Information et de la Communication ». L’acronyme « TUIC » nouvellement utilisé, confèrerait ainsi aux TIC un usage usuel puisqu’elles font « désormais partie intégrante de la vie quotidienne des élèves. Cette place de plus en plus importante dans les pratiques culturelles des enfants et des adolescents influe de façon décisive sur le comportement et les mentalités des jeunes » (Programmes du secondaire, 2007).

    Le Certificat Informatique et Internet (C2i), créé en 2002 et redéfini plusieurs années par la suite, a pour finalité d’attester de compétences de base en informatique en proposant un référentiel général et transversal (concernant le caractère évolutif des TIC et la dimension éthique dans leur utilisation) ainsi qu’un référentiel spécifique et instrumental. Ce dernier se décline en l’appropria-tion de l’environnement de travail, la recherche d’informations, la gestion des données, la maitrise des logiciels de bureautique, la communication et les projets collaboratifs à distance.

    Aoudé (2011) a mis en évidence, grâce à une étude de cas longitudinale et des tests de compé-tences logicielles (le tableur particulièrement), des difficultés dans l’organisation de la formation dues d’une part à la dichotomie entre les items théoriques (connaissances, savoirs) et pratiques (applications, compétences) et à la durée insuffisante de la formation d’autre part. Les compé-tences ne peuvent se construire dans les contraintes temporelles et organisationnelles propres aux dispositifs rendus possibles pour la formation.

    La formation conduisant à la passation du C2i doit nécessairement faire partie de la démarche continue et sans cesse renouvelée de la formation aux technologies. Sur ce point, l’existence d’une formation antérieure aux TIC est apparue comme jouant un rôle crucial dans l’appropriation et la mobilisation des compétences dans une nouvelle situation (Aoudé, 2014).

    Dernièrement, dans le cadre du plan de refondation de l’école de la république, la «  stratégie en matière d’e-éducation et de numérique à l›école » reprend des objectifs précédemment évo-qués par les politiques publiques. Les mêmes finalités restent prioritaires : rendre accessible des

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    Chapitre 1

    ressources et des équipements (dont la connexion Internet), la formation (des enseignants et des élèves), avec une insistance sur l’ouverture des établissements vers l’extérieur et sur le partenariat avec les collectivités locales.

    Nous constatons ainsi que l’appellation des TIC évolue durant la dernière décennie pour être « numérique », notion utilisée à la fois comme substantif et qualificatif, assignée à une culture, à des compétences, voire à l’institution scolaire.

    À la rentrée 2012, un enseignement de spécialité en Terminale S « Informatique et sciences du numérique » est mis en place. L’informatique est de nouveau considérée comme une discipline en tant que telle et qui a sa place dans l’enseignement. « Il faut désormais apprendre à nos enfants à programmer comme on leur apprend à parler, écrire et compter » Nivat (2013).

    En somme, la prise en compte des TIC dans l’institution scolaire a été différente selon les poli-tiques publiques qui les ont évoquées sous diverses appellations. Certes, les mesures effectives appliquées n’ont pas toujours suivi, du moins comme on se l’était fixé.

    Nous parlerons dans ce qui suit d’usages non spécialement prévus dans les orientations ou par un référentiel de formation. Cependant, ces usages existent et se développent, même si leur cadre n’est pas, du moins à la base, celui de l’institution scolaire.

    2B. Rencontre entre sphères privée et institutionnelle

    2B1. Des blogs aux réseaux sociaux

    L’appropriation rapide des blogs est certainement due à une prise en main aisée de l’outil. Cette prise en main a été réalisée sans grands freins par les jeunes dans leur sphère privée, comme extension de la cour de récréation.

    Fluckiger (2006) met en avant l’utilisation différente du blog selon l’âge des adolescents : Aidant l’incorporation des normes et valeurs de la culture juvénile pour les plus jeunes, le blog consti-tue pour les plus âgés « un outil au service de l’expressivité puis de la construction identitaire au sein du groupe ». On assiste ainsi à un passage initiatique partant du modèle collectif jusqu’à l’expression d’une identité individuelle toujours insérée dans le groupe. Le blog peut ainsi être un libre défouloir, une estrade où le jeune s’exprime sans aucune limite ou contrainte (Cayuela, 2006). Le revers de la médaille implique ainsi des contraintes juridiques et éthiques. Le rôle de l’adulte consiste, dans ce cas, à sensibiliser aux problématiques du droit d’auteur et du droit à l’image mais aussi au contenu des textes que les jeunes mettent en ligne, tout en permettant une réflexion critique sur la dimension virtuelle. Utilisé dans un but « pédagogique », le blog permet aux jeunes d’être acteurs dans leur formation (Henaff, 2009). Ceci serait dû à l’attractivité de l’outil, le contenu multimédia perçu comme ludique, les quizz et supports multimédias rendant interactif le transfert de savoirs.

    Certes, les usages suivent les innovations et le blog cède petit à petit la place aux réseaux sociaux. Alors qu’en 2008, plus de la moitié des 12-17 ans affirmaient avoir un blog ou un site personnel, la mention du mot « blog » disparaît à partir de 2012 des rapports du Crédoc sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française.

    Des études comme celle de Damani et Rinaudo (2011) tentent d’explorer les usages de ces réseaux sociaux en milieu scolaire. Analysant comment des professeurs utilisent le réseau Facebook, ces chercheurs remarquent la diversité de ces utilisations étant donné qu’elles ne répondent à aucune obligation institutionnelle. De plus, ils ont relevé que les professeurs « gardaient la main sur le mur » de leur page de classe. Cet argument en rejoint d’autres sur l’évolution processuelle grâce aux TIC qui changent assez lentement et progressivement la façon d’enseigner.

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    Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants

    Chapitre 1

    Néanmoins, ce qui apparait c’est que les élèves, ayant par ailleurs une utilisation assez fréquente et active de Facebook dans le contexte privé, sont moins réactifs ou initiateurs de messages quand c’est le professeur qui « mène la danse ».

    Adoptant une approche psychanalytique, Rinaudo (2013) considère que les TIC favorisent chez les enseignants une confusion des espaces professionnels et privés et une extension du champ de l’action pédagogique. Cette différence entre le contexte privé et institutionnel est de même relevée par Fluckiger (2011) qui analyse les pratiques de communication des étudiants. Pour cette population, les artefacts, par exemple Facebook ou le mail pour un travail collaboratif à distance, « ne sont pas interchangeables, et leur usage a été construit autour de sphères bien distinctes ». De là à se demander dans quelle mesure une complémentarité entre sphère privée et institu-tionnelle des pratiques de communication des « digital natives » pourrait être possible et quelle implication elle aurait sur l’acquisition et la préservation de compétences d’usage des TIC.

    2B2. La tabletteSelon le rapport du Credoc (2013, p. 10), le taux d’équipement en tablettes tactiles en France a doublé en un an. La tablette serait considérée comme un équipement élitiste. En effet, les prin-cipales personnes s’en équipant sont les actifs, les plus diplômés, les plus aisés financièrement et les habitants les grandes villes.

    Les discours médiatiques et technophiles proliférants remonteraient à l’apparition de la tablette au XXIe siècle et surtout aux modèles lancés par la société Apple. En effet, les modèles des tablettes et leur « tactilité » n’ont pas toujours été de mise lors de leur apparition. La première « tablette » pourrait être le « Dynabook » d’Alan Kay (1972) qui, dans sa description de ce « concept » évoque un outil personnel (donc au prix abordable) et portatif (ergonomique et mobile).

    Synonyme d’ardoise, la tablette est un « ordinateur portable et ultraplat, qui se présente comme un écran tactile et qui permet notamment d’accéder à des contenus multimédias »2.

    La tablette dans les établissements scolaires françaisDe nombreuses expérimentations ont été officiellement instituées en France avec la volonté de réduire la fracture numérique, par exemple à travers des opérations de dotation des élèves et des enseignants en ordinateurs portables dans divers départements.

    Concernant les tablettes, les collectivités territoriales ont été initiatrices d’expérimentations et ce dans diverses académies ces dernières années en dotant des écoles primaires, des collèges et des lycées de tablettes de marques et de quantités variables. Les objectifs majeurs de telles dotations étaient d’expérimenter les aspects techniques de leur usage et d’en déduire les potentialités édu-catives.

    Les conclusions de ces expérimentations mettent en évidence plusieurs enjeux tout en se concluant sur certaines potentialités de la tablette en éducation.

    Des recherches sur l’utilisation de la tablette pour l’entrainement à l’écriture (Jolly et Gentaz 2013) ont montré une amélioration de la fluidité des tracés chez des enfants entraînés sur tablette tactile par rapport aux enfants entraînés sur papier ou non entraînés. Certes, ces chercheurs ont discuté leurs résultats en prenant en compte deux aspects : le visionnage répétitif de vidéos de démonstration des tracés rendus possibles avec la tablette et l’aspect attractif de l’environnement numérique favorisant une meilleure implication dans la tâche.

    Ainsi, il est clair que l’espace d’enseignement-apprentissage a été éclaté, on dirait même dans de plus amples mesures, davantage qu’avec les ordinateurs portables. De plus, l’ergonomie de l’outil

    2. http://www.legifrance.gouv.fr/affichJO.do?idJO=JORFCONT000023603473

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichJO.do?idJO=JORFCONT000023603473

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    Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants

    Chapitre 1

    permet qu’il trouve sa place sur la table de la classe facilitant ainsi le travail individuel et collectif et favoriserait une pédagogie différenciée.

    Cependant, ces espoirs et potentialités devraient être contrebalancés par divers enjeux à prendre en compte.

    Enjeux politiques : il ne faudrait pas oublier qu’il peut s’agir d’expérimentations ponctuelles et de contrats passés entre la région, le département ou la commune avec les constructeurs et les fournisseurs d’accès. Malheureusement, certains désavantages seraient éclipsés si l’aspect inno-vation cédait la place à l’utilisation à long terme et les rapports seraient biaisés pour justifier la poursuite de la dotation.

    Enjeux économiques : si l’institution scolaire s’avère un « marché » attractif, les constructeurs et opérateurs de télécommunication devraient proposer des outils selon les exigences scolaires. De plus, une tablette ne vient pas seule  : elle peut être le support d’applications adaptées (à développer, à concevoir) et de manuels numériques (à éditer ou numériser). Enfin, une prise en compte du budget scolaire est à prévoir : accès à une connexion performante, frais de formation du personnel scolaire, prise en compte de l’équipement des élèves (accès Internet, TIC).

    Enjeux matériels  : si elle permet un gain de temps pour sa mise en marche et favorise une alternance rapide entre activités, la tablette pourrait faire partie d’une classe mobile. La question de son autonomie et maintenance est d’autant plus importante à prendre en compte pour évi-ter d’une part l’obsolescence de l’objet et des logiciels et pour œuvrer d’autre part à enrichir le contenu d›applications adaptées.

    Enjeux culturels et sociaux : comme tout outil permettant un accès à Internet, la tablette re-questionne l›éducation aux médias et la protection des mineurs. D’où la nécessité de responsabi-liser les élèves et d’avoir une traçabilité et un suivi de leurs connexions et de veiller à leur respect du matériel (casse, vol) ainsi qu’à l’équité de leur accès à cet équipement supposé « démocratisé » et (facilement) accessible,

    Enjeux de formation : là est soulevée la question des compétences (techniques et pédagogiques) à développer ou acquérir. Une « intuitive » utilisation suffit-elle ou faudrait-il avoir un minimum de formation ? Quelles ressources avoir et quelles stratégies de conduite de classe adopter dans le contexte de remise en question des rapports élève – élève – enseignant.

    Enjeux de santé : l’argument de l’allégement des cartables est compensé par celui de la fatigue oculaire due au rétroéclairage et à la constante exposition des élèves aux ondes wifi.

    La recension de la littérature scientifique réalisée par Karsenti et Fievez (2013) révèle que les résultats de recherches en contextes scolaires, fondés sur des données empiriques et probantes sont plutôt rares. Au final, ces différents facteurs pourraient inciter des usages, en freiner d’autres ou déboucher sur des « mésusages » des tablettes en classe. Durant la phase d’expérimentation, enthousiasme et contraintes sont en tension (Villemonteix et Khaneboubi, 2013). Le facteur temps et la disparition de l’aspect hi-tech pourront déboucher sur des usages implantés, voire de pra-tiques professionnelles avec la tablette.

    Outil de chaque élève ?

    Est-ce que la tablette  serait le «  couteau suisse multimédia », le rêve des années 1965 comme l’imaginait Dieuzeide (cité in Bruillard, 1997, p. 53), la table de l’élève regroupant toutes les fonc-tions multimédias, d’édition de textes, de réponses mécanisées ?

    L’hypothèse qu’une technologie assez répandue en dehors de l’école fonctionne tout aussi bien dans l’institution scolaire est une idée rappelée, bien avant l’expansion et la « démocratisation »

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    de la tablette. Il serait de la charge des praticiens de l’éducation et des chercheurs de déterminer les moyens de parvenir à un usage régulier, et didactique, en salle de classe.

    En effet, supposer que la présence de technologies soit un catalyseur pour le changement et l›amélioration fondamentale et durable, indépendamment des résistances du contexte dans lequel elles sont incorporées, ne serait que du déterminisme.

    Les processus d’intégration des technologies dans l›éducation (Baron et Bruillard, 1996) se déroulent lentement, à l’opposé des technologies de l’information et de la communication qui évoluent « beaucoup plus vite que les idées pédagogiques » (Baron et Daguet, 2005).

    3. Les jeunes et les TIC

    3A. Différences dues au genre ? Se distinguant du sexe biologique prédéfini, le genre est « la dimension sociale des rôles associés aux individus de sexe féminin et masculin » (Dafflon Novelle, 2006). Selon Vellard (2003), il y aurait en France une représentation sexuée de l’informatique qui s’est renforcée avec l’arrivée des PC dans l’enseignement secondaire et à la maison. Les femmes parlant des outils et des machines, utilisent un langage inapproprié, « leurs questions et leurs commentaires traduisent leur mécon-naissance et leur non-maîtrise des processus techniques ». Dans le dernier rapport du Credoc, les femmes se disent légèrement moins compétentes mais seraient plus actives que les hommes dans la participation à des réseaux sociaux (Credoc 2013, p 127).

    Selon l’étude de Lafortune et Solar (2003), lorsqu’ils parlent d’eux-mêmes, les étudiants masculins réfèrent surtout à l’attitude positive qu’ils ont vis-à-vis de linformatique. Selon les étudiantes, ce serait une « attirance » des hommes pour l’informatique remontant au temps passé à jouer à des jeux vidéo. Cette familiarité serait due au fait que les adolescents masculins ont été les premiers équipés de gadgets techniques. Autour des micros ordinateurs se seraient constitués des groupes d›adolescents technophiles, à un âge où les enjeux identitaires les poussent à rester entre eux et à s’opposer aux groupes de filles. Aux lycéens on associe une sphère principalement technologique, aux lycéennes une sphère de communication.

    Dans le cadre du projet DidaTab (didactique du tableur), réalisé entre 2004 et 20073, un question-naire a notamment été envoyé à des élèves de lycées, visant à repérer les modes d’usage et les compétences de ces jeunes à partir de situations-problèmes liées au tableur.

    48% des 288 répondants au questionnaire étaient de sexe masculin. Les lycéennes interrogées déclarent une utilisation occasionnelle de l’ordinateur dont la découverte est plus tardive que celle des garçons. Ces derniers évoquent les jeux comme première expérience informatique dans le milieu familial dans une proportion double de celle des filles. L’équipement des lycéens et la durée de leur connexion à Internet paraissent de même supérieurs à ceux de leurs paires. Concernant leur sentiment d’aisance dans le travail avec l’ordinateur, les garçons se disent plus autonomes et se jugent les meilleurs utilisateurs de l’ordinateur au foyer alors que les filles nom-ment leur fratrie.

    « Quant aux usages de logiciels, les différences entre les deux genres apparaissent surtout quand il s’agit de logiciels à usage personnel » (Aoudé et Baron, 2009, p 72) à savoir le jeu et l’accès à Internet pour les lycéens masculins. Les lycéennes sont plus nombreuses à citer le traitement de

    3. Projet financé par l’ACI « Éducation et formation » et mené par le laboratoire STEF de l’ENS Cachan.

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    texte ou le tableur, mais surtout dans l’établissement scolaire. Ceci serait donc dû aux programmes des différentes sections et à d’autres variables que celles du genre, notamment le milieu social.

    En effet, les différences dans les usages sont multi-déterminées (Jouet, 2003) et les technologies seraient des catalyseurs des stéréotypes traditionnels.

    3B. Vrais « natifs » du numérique ? Aisance et/ou difficultésIl est vrai que les jeunes ont une utilisation assez fréquente des TIC, mais ne devrions-nous pas aussi nous questionner sur les compétences techniques à acquérir pour que cet usage soit rai-sonné ?

    En introduisant l’appellation «  digital natives  », Prensky (2001) désignait les «  indigènes  » du numérique maîtrisant depuis leur jeune âge des compétences en informatique. Selon ce cher-cheur, une discontinuité générationnelle existe entre les élèves d’aujourd’hui et les «  digital immigrants », leurs professeurs ou parents, pour qui l’entrée dans l’ère du numérique a consti-tué un bouleversement majeur. Ces notions ont eu des adeptes comme des opposants. Baron et Bruillard (2008) se demandent si les jeunes de nos jours ne seraient pas des « digital naives » à qui on attribue plus de compétences qu’ils n’en possèdent. Si ces « jeunes connectés » ont développé des pratiques dans la sphère privée et que leurs équipements sont devenus banals, ils restent des cibles privilégiées pour le marketing et leurs usages scolaires des TIC restent faibles.

    Dans le rapport de Tort (2012) sur l’expérimentation de tablettes dans le Val d’Oise et les Yvelines, il est apparu que la tablette était en cours d’appropriation comme un outil scolaire. Cependant, des difficultés subsistent. Si on demande aux élèves des procédures dépassant l’utilisation de l’interface tactile de l’objet et impliquant des fonctionnalités plus avancées (connexion, sauve-garde d’un document), ils ont besoin d’un temps de prise en main et d’explications encadrées. Ils auraient ainsi les mêmes difficultés que celles rencontrées sur l’ordinateur d’où la nécessaire mise en place de routines de travail, sous l’encadrement de l’enseignant.

    En somme, nous assistons de nos jours à des aisances de manipulation et une facilité d’accessibilité aux matériels et logiciels, mais cette disposition remonterait à divers facteurs et la théorie des « gènes numériques » est loin d’être vraie. L’éducation et la formation priment toujours pour une utilisation raisonnée et efficace de tout outil, dont celui numérique.

    En conclusion, nous avons tâché d’avoir ici une approche qui s’éloigne des discours extrémistes, qu’ils soient technophobes ou technophiles, pour rester dans le cadre scientifique objectif.

    Les TIC, à la base nées et développées hors institution scolaire, ont été utilisées pour certaines potentialités éducatives perçues par des acteurs à divers niveaux. Certes, les utilisations occasion-nelles ne se sont pas toutes transformées en usages ancrés ou en des pratiques professionnelles. La problématique des compétences et leur acquisition est sans doute en jeu, mais comme ces dernières s’acquièrent et se développent dans le cadre de formations comme dans la sphère infor-melle privée, le recours aux TIC et TICE devient de plus en plus labile et enrichi par les diversités individuelles.

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    4. Intégration des TIC et modèles d’usages chez les enseig-nants

    4A. L’intégration des technologies en classe

    4A1. Aspects conceptuelsL’intégration des technologies est un concept primordial dans la recherche sur les technologies, en effet, cette intégration est généralement présentée comme facile, peu coûteuse, ou encore peu impliquante pour le prescripteur en éducation (politique, cadre de l’éducation nationale…) alors que le chercheur montre que c’est un processus qui correspond pour l’enseignant à un long cheminement.

    Pour Baron et Bruillard (2004) en France, les réflexions autour de la notion d’intégration des TIC sont apparues dès les années quatre-vingt, c’est-à-dire à la suite des grandes expérimenta-tions (10 000 puis 100 000 micro-ordinateurs) et des tentatives de généralisation massive (Plan Informatique Pour Tous4). Pour eux l’intégration serait le fruit d’un processus commençant par l’Invention se poursuivant par l’innovation et se terminant par la scolarisation. Pour simplifier une fois qu’une technologie est inventée, des pédagogues s’en emparent, dans ce cas nous sommes dans une phase d’innovation qui ne concerne qu’un petit nombre. Quand la technologie touche l’ensemble du système les auteurs la considèrent comme scolarisée, ou encore généralisée elle est donc intégrée aux pratiques des enseignants. Dans le secondaire des éléments, pouvant exempli-fier ces points, pourraient être :

    •les usages du traitement de texte pour la rédaction par les enseignants des sujets d’examens qui ne sont maintenant que très rarement transmis de façon manuscrite aux élèves ;

    •la saisie informatique des notes, même si, pour la plupart des enseignants elle est doublée via un carnet papier, est maintenant totalement intégrée aux pratiques professionnelles soit via un ordinateur dédié en salle des professeurs, soit directement sur Internet.

    On peut toutefois ajouter que les réflexions des pédagogues autour de cette intégration exis-taient déjà bien avant, par exemple au XIXe avec les lanternes magiques, au XXe avec le Cinéma éducateur puis la Télévision Scolaire ou encore maintenant, au XXIe siècle avec la mise à disposi-tion des Tablettes Numériques connectées à Internet.

    Il n’est pas question pour nous, dans ces quelques lignes, d’être exhaustifs, mais parmi les modèles proposés sur l’intégration des technologies en éducation on peut indiquer que nombre d’entre eux présentent des invariant qui fonctionnent la plupart du temps de façon cyclique Chin (1976). En d’autres termes, dans ceux-ci une nouvelle technologie se substitue à une autre plus ancienne. Cette substitution conduit immanquablement à une remise en cause des compétences profes-sionnelles de l’enseignant. Ce dernier va alors chercher à retrouver un nouvel état d’équilibre permettant de restructurer ses pratiques. Intégrer une nouvelle technologie sera alors pour lui le fait de retourner à cette phase d’équilibre.

    D’autres auteurs comme Savoie-Zajc (1993) ou encore Depover & Strebelle (1997) proposent des modèles dans lesquels on retrouve généralement les caractéristiques suivantes :

    • La première phase est celle de l’introduction et/ou des premiers éléments de l’adoption. Elle concerne la préparation des enseignants à l’arrivée des technologies et les premiers contacts

    4. Pour une revue de questions synthétique sur ces opérations voir Archambault (Archambault, 2005).

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    avec ces nouveaux outils numériques. Lors de cette phase des concertations peuvent avoir lieu, des réunions d’information, des présentations des outils. C’est aussi en principe la phase pen-dant laquelle on forme les enseignants.

    • Dans les phases suivantes les enseignants s’approprient les outils numériques. Ils commencent souvent par les fonctions de base, par exemple les usages du traitement de texte ou encore des logiciels pédagogiques.

    • L’aboutissement de la phase d’appropriation peut alors être la phase de routinisation. L’outil numérique est alors intégré à la pratique pédagogique de l’enseignant à l’image d’un diapo-rama visionné via un vidéoprojecteur remplaçant des transparents projetés par un rétroprojec-teur. Dans ces phases les pratiques se stabilisent mais surtout elles ont tendance à se multiplier.

    • Dans les phases ultimes, l’intégration totale, l’enseignant repense totalement sa pédagogie en fonction des possibilités laissées par l’outil numérique.

    D’autres travaux mettent en avant des freins à l’intégration. Dubé et Milot (2001) indiquent qu’il ne peut y avoir d’intégration réelle des TIC sans un soutien adapté. Ils évoquent par exemple le fait qu’il faille penser ce soutien de façon stratégique, l’intégration ne va pas de soi, on ne peut penser qu’elle s’opère sans médiation.

    Dans le même ordre d’idée Haughey (2000) précise qu’il existe des biais récurrents dans les pro-cessus d’intégration des technologies en éducation et en formation. Il s’agit la plupart du temps d’un manque, défaut ou mauvais accompagnement, des enseignants au travers des formations qui leur sont proposées. En effet, les préconisations des prescripteurs dans ce domaine portent davantage sur des apprentissages des technologies en elles-mêmes et pas assez sur les usages de ces technologies dans un cadre réel d’apprentissage et surtout face à des apprenants.

    Enfin, Harrasim (1999) ajoute une dimension complémentaire permettant une bonne intégration des technologies, elle indique que les enseignants doivent être soutenus, notamment par leurs institutions. Elle confirme ainsi ce que Fullan (1991) indiquait déjà en analysant l’échec d’inno-vations dans le cadre éducatif qui, selon lui, s’expliquerait principalement par le fait qu’on ait délaissé ou du moins pas assez pris en compte la dimension humaine pour privilégier les aspects technologiques.

    4A2. Deux modèles d’intégration des usages chez les enseignants

    Le modèle ACOTCe modèle correspond à une analyse de l’intégration des technologies auprès d’enseignants qui ont participé à des expérimentations lancées par la société Apple entre 1985 et 1995. Pendant ces 10 années des établissements scolaires américains ont été subventionnés par cette compagnie commerciale qui les a dotés d’ordinateurs ainsi que de matériel leur permettant de communiquer en réseau (en interne et en externe via le téléphone). L’opération a été nommée Apple Classroom Of Tomorrow (ACOT).

    Haymore-Sandholtz, Ringstaff et Owyer (1997), ou plus récemment encore Chaptal (2007) ont analysé ACOT et ont proposé une lecture de l’intégration des technologies. Ils évoquent un modèle prévisionnel de l’intégration de ces technologies en 5 phases successives. Le déroulement de toute action s’opérerait, d’après eux, en fonction des phases suivantes :

    • La première phase est l’introduction des technologies dans la classe. C’est véritablement la phase de découverte de la technologie. En 1985 c’était surtout sortir les machines de leurs emballages et les installer. En fait, si on se replace dans le contexte de l’époque cette découverte des ordinateurs était réelle car très peu de familles ou d’écoles étaient équipées de micro-ordi-

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    nateurs, c’était souvent l’apanage des entreprises ou encore des administrations. À la rigueur, les représentations qu’on pouvait s’en faire étaient liées à ce que le cinéma ou la télévision en revoyait.

    • La seconde phase est l’adoption. Dans celle-ci les enseignants commencent à utiliser des logi-ciels. Ainsi dans le domaine de la bureautique ils intègrent petit à petit des outils de traitement de texte. C’est aussi à cette période qu’ils commencent à faire manipuler les élèves mais en utili-sant des logiciels d’enseignement assisté par ordinateur, ce sont souvent des exerciseurs, en fait des outils proches de ce qu’ils faisaient traditionnellement à l’aide de manuels.

    • La troisième étape est celle de l’adaptation. Pour les enseignants c’est souvent une période où ils commencent à entrevoir la potentialité de l’informatique et notamment les possibilités de remise en cause de la pédagogie transmissive. Certains imaginent alors pouvoir, grâce à l’infor-matique, individualiser les parcours de chacun des élèves en fonction de leurs niveaux et des difficultés qu’ils rencontrent.

    • Vient ensuite, dans une quatrième phase l’appropriation. Dans cette phase ils maitrisent déjà mieux les technologies, ils ont vu qu’il était possible avec elles de modifier leur pédagogie, ils vont alors chercher à décloisonner les classes. Ainsi, ils vont privilégier la mise en place de l’inter-disciplinarité et le travail en équipe, dans et en dehors de la classe. De ce fait, ils réfléchissent à des modifications des modes d’évaluation.

    • Enfin, l’ultime phase est celle de l’intégration totale. Dans cette dernière la relation pédago-gique entre l’enseignant et ses élèves est totalement transformée.

    Le modèle d’intégration de Strebelle, Depover et Komis (2005)Le modèle Strebelle, Depover et Komis (2005) est en fait une adaptation du modèle déjà cité de Depover et Strebelle (1997) dans le cadre d’une modélisation d’implantation d’Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH) dans un cadre scolaire.Dans ce modèle les auteurs mettent en avant des éléments le fait que l’intégration se situerait sur un axe dynamique commençant par des « intrants » et se concluant par des « extrants ».

    Les IntrantsIl s’agit des éléments qui vont servir de déclencheurs ou d’inhibiteurs pour que la nouvelle tech-nologie soit intégrée. En d’autres termes il s’agit d’éléments favorisant a priori cette intégration. Ils s’analysent en trois niveaux distincts :

    •niveau micro, celui des enseignants. L’intégration sera alors d’autant plus aisée qu’ils mai-trisent les sciences et plus généralement les technologies. Un atout complémentaire peut également être lié aux projets personnels de ces derniers et enfin à leur ouverture d’esprit face à l’innovation ;

    •niveau méso, c’est celui de l’établissement scolaire. Ce dernier doit être suffisamment équipé, le climat relationnel doit être bon, l’ensemble de la communauté doit avoir des atti-tudes et des représentations positives des technologies. Tant au niveau des parents que de la direction les enseignants doivent se sentir soutenus ;

    •niveau macro, c’est le niveau institutionnel, celui du politique et de l’administratif. Le sou-tien de l’enseignant doit aussi provenir de l’institution, notamment au travers de prises de décision favorisant l’intégration des technologies notamment au niveau pédagogique.

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    Les phases de l’intégration proprement dites Elles se divisent en 3 :

    •l’adoption  : dans cette phase les enseignants sont préparés au travers de formations tant sur le plan technique que pédagogique. On les invite à réfléchir sur leurs pratiques et on les met en situation d’exprimer leurs projets ;

    •l’implantation : dans cette phase les enseignants font évoluer leur pratiques ils changent notamment leur façon de faire cours en repensant l’organisation de leurs séquences péda-gogiques. Cette phase est parfois déroutante pour les enseignants car ils peuvent avoir l’impression de ne plus maitriser les aspects liés aux technologies et ils procèdent alors par tâtonnements ;

    •la routinisation  : une fois qu’ils sont passés par ces phases les enseignants arrivent à une certaine stabilisation de leurs pratiques, ils les multiplient et cherchent à les diffuser. Cette dissémination se faisait traditionnellement, notamment à l’époque où les auteurs ont pro-posé ce modèle, via des groupes ou des communautés d’utilisateurs. Maintenant cette dif-fusion de pratiques se fera davantage au travers de réseaux sociaux à visée professionnelle.

    Les extrantsIl s’agit des éléments produits par l’intégration de la nouvelle technologie, en quelque sorte comme l’indiquent les auteurs, les effets produits par cette dernière. Comme pour les intrants les effets se divisent en 3 sous niveaux distincts :

    •le niveau micro  : les effets portent sur les apprentissages des élèves mais également des enseignants eux-mêmes. Cette phase est associée à un questionnement sur la satisfaction des attentes initiales de ces derniers ;

    •le niveau méso : l’intégration réussie a produit des changements au sein même de l’école, au travers de son organisation mais également dans les relations humaines entre les différents membres de la communauté ;

    •le niveau macro  : globalement, au niveau sociétal, les représentations changent mais par extension c’est également l’image de l’école qui est transformée du fait de l’usage des tech-nologies.

    4B. L’intégration des technologies chez les enseignants, deux études de cas : les cartables numériques et les ENT

    4B1. Les cartables numériques du point de vue des enseignants

    Qu’est-ce qu’un cartable numérique ?Dans une revue de questions, l’Association Fondation Internet Nouvelle Génération (2001) présen-tait 2 versions de ce que pouvait être au début du XXIe siècle un cartable numérique.La première c’est un support matériel mobile fourni à l’élève et à l’enseignant censé remplacer son cartable. C’est généralement un ordinateur portable, mais ça peut être ce que les auteurs du rapport appelaient une « ardoise électronique », précurseur des tablettes numériques actuelles.

    La seconde est un logiciel nommé « environnement de travail et de collaboration » qui est acces-sible à tous les membres de l’institution scolaire. Cette deuxième acception deviendra les Espaces ou Environnements numériques de travail que l’on étudiera dans la sous partie suivante.

    De même les auteurs évoquent également dès 2001 deux types de logiciels proches de cette notion de cartable numérique ou encore utilisés au sein de dispositifs de cartable numérique. Le premier est le « Bureau virtuel », espace virtuel proche de nos Cloud actuels qui regroupait à la fois des espaces de stockages accessibles par Internet mais également des outils de productivité

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    comme des logiciels de bureautique. Le second, de plus en plus répandu à l’heure actuelle est le manuel numérique.

    Ce qui nous intéressera toutefois ici est plus le cartable numérique vu comme un support phy-sique, le plus souvent un ordinateur.

    Ainsi, ces premiers cartables étaient des ordinateurs portables initialement destinés à des usages professionnels et bien souvent, dans les premières années, d’une valeur supérieure à 1 500/2 000 €. Ils étaient généralement présentés comme permettant de remplacer le cartable de l’élève qui dépassait souvent un poids de 15 à 20 kg. Ces machines pesaient toutefois plus de 5  kg. Remplaçant le cartable ils étaient souvent équipés de manuels numériques qui pouvaient aller de logiciels interactifs à de simples versions PDF des manuels papiers. Enfin, ces machines étaient également équipées de nombreux outils de type bureautique (traitement de texte, tableur…), graphique (images 2D/3D…), documentaires (atlas, dictionnaires, encyclopédie…), multimédia (lecteurs, encodeurs, convertisseurs…), ou encore d’utilitaires (antivirus, détecteurs de logiciels espions…). À l’heure actuelle, comme c’est par exemple le cas dans le département de l’Oise (Conseil Général de l’Oise, 2014) l’équipement est passé de l’ordinateur portable au Netbook pour être remplacé par une tablette numérique.

    Image 1 : Exemple d’ordinateur portable, cartable numérique, mis à disposition des collégiens au milieu des années 2000

    par le Conseil général des Bouches du Rhône (Ordina 13)

    Les grandes opérations de cartables numériquesEn France, les premières opérations de cartables numériques datent du début des années 1990 (Daguet, 2007). En effet, à titre d’exemple, en 1991, sous l’impulsion du ministère de l’Éduca-tion, deux lycées (le LEGT d’Haguenau et le lycée Michelet de Marseille) ainsi que le collège de Montmorillon ont équipé les élèves et les enseignants de trois de leurs classes en micro-ordi-nateurs portables. À cette époque ce sont plutôt des expérimentations sur un petit nombre de classes au maximum dans un établissement scolaire.

    Parmi la multitude de projets concernant les équipements d’ordinateurs portables on peut noter dès 1999 que l’université de Savoie, à l’origine d’un projet de plate-forme de travail et de colla-boration, un ENT, dépose la marque « cartable électronique ». Des classes sont ensuite équipées de portables équipés ou non de cet ENT (Kaplan, 2002).

    Parmi les outils proches de ces ordinateurs portables, on trouve également en 2000 le projet des éditeurs Bordas et Nathan d’un prototype de leur « cartable électronique » qui en fait ressemble plus à des « ardoises électroniques ». Il s’agit d’une tablette portative ne contenant que quelques logiciels, principalement un dictionnaire et deux manuels numériques.

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    À l’étranger également, pendant cette période, d’importants projets voient le jour comme dans l’État du Maine aux États-Unis dont on équipe massivement les établissements scolaires d’ordina-teurs portables ou encore au Canada dans la Province d’Eastern Townships ( (Karsenti & Simon, 2011).

    C’est dans ce contexte que l’opération « un collégien, un ordinateur portable » va voir le jour dans les Landes en 2001, tout d’abord dans une phase expérimentale pour 3 collèges uniquement, puis une généralisation dès l’année suivante aux 32 puis 34 établissements du département5 et aux élèves de 3e et 4e. En complément des ordinateurs dont les enseignants et élèves sont équipés c’est toute une infrastructure numérique qui est mise en place dans les établissements. Ainsi, ces derniers sont équipés d’une connectique électrique et de réseaux permettant à chaque utilisateur de recharger son ordinateur et de pouvoir se connecter dans tout l’établissement à Internet sur un réseau filaire. De même des vidéoprojecteurs, tableaux numériques interactifs, imprimantes et divers autres équipements informatiques viennent compléter les équipements de chaque éta-blissement.

    Pendant les années qui suivirent les départements des Bouches du Rhône (13) ou encore de Ille et Vilaine (35) vont également mettre en place de telles opérations en direction des collégiens mais sans adjoindre autant de matériel complémentaire. Dans ce cas l’ordinateur n’est pas obligatoi-rement utilisé en classe. Khaneboubi (2009) dans une synthèse de 5 opérations de ce type a indiqué qu’elles laissaient apparaître un certain nombre d’invariants :

    •des politiques publiques voisines  : ces opérations sont en effet souvent liées à des campagnes médiatiques importantes, elles mettent également en avant la réduction de la fracture numérique, le développement des usages pédagogiques ou encore une volonté de moderniser massivement les établissements scolaires ;

    •une «  saturation  » technologique  : comme l’indique l’auteur la mise à disposition de ces ordinateurs produit un effet de saturation. En creux c’est le développement massif des usages qui est escompté au travers de cette saturation ;

    •un développement important des usages des outils bureautiques de type traitement de texte et de présentation assistée par ordinateur mais également de logiciels ou sites péda-gogiques (Géogebra, Math en poche, Audacity….) ;

    •un développement des usages TICE toutefois jugés par l’auteur comme «  assez banales » car la plupart du temps ils ne relèvent pas d’une révolution des usages pédago-giques des enseignants.

    Un moment, on aurait pu penser que cette perspective d’équipement massif par les collectivi-tés territoriales avait été abandonnée au profit d’autres équipements de type Environnement Numérique de Travail et de dotations circonscrites aux établissements scolaires. En revanche la relance d’une telle démarche début 2009 par le Conseil général de l’Oise (60) semble montrer que ce type d’opération reste toujours d’actualité. Comme nous l’avons indiqué précédemment, actuellement elles se transforment la plupart du temps en opérations de diffusion de tablettes numériques.

    On trouve cependant parmi certains conseils généraux impliqués dans cette première phase, comme le Conseil général des Bouches-du-Rhône (2013), opération Ordina 136, une volonté de continuer à distribuer des ordinateurs portables aux collégiens mais comme il l’indique « pour une utilisation à la maison ». Est-ce donc encore un cartable numérique ?

    5. Un site Internet dédié (http://www.landesinteractives.net) retrace les différentes étapes (Conseil général des Landes, 2013) de cette mise en place.

    6. Le Conseil Général des Bouches-du-Rhône présente l’opération Ordina 13 sur son site http://www.cg13.fr/le-cg13-en-action/education/les-dispositifs/ordina-13/

    http://www.landesinteractives.nethttp://www.cg13.fr/le-cg13-en-action/education/les-dispositifs/ordina-13/http://www.cg13.fr/le-cg13-en-action/education/les-dispositifs/ordina-13/

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    PARTIE 2 DOMINANTES « MÉTIERS DE L’ENSEIGNEMENT » ET « FORMATION DES ADULTES »

    Utiliser les TIC en éducation : le point de vue des élèves et des enseignants

    Chapitre 1

    Un exemple de modèle d’usagersSi l’on prend en considération les résultats des études ou recherches qui ont été menées sur ces opérations de distribution massive de cartables numériques force est de constater que les effets escomptés ont rarement été à la hauteur des espoirs des décideurs institutionnels.

    Dans un premier temps c’est souvent le mythe de la réduction de la fracture numérique qui est remis en cause. En effet, la majorité des enquêtes menées depuis le début des années 2000 montrent que la quasi-totalité des familles ayant des enfants dans l’enseignement secondaire sont déjà équipées a minima d’un ordinateur à la maison… et plus récemment de l’Internet.

    De façon générale les usages de TICE augmentent réellement au sein des établissements mais jamais en proportion des coûts élevés imputables à ces opérations. On voit aussi se multiplier des pratiques, notamment chez les élèves, qui ne sont pas uniquement liées à la sphère des appren-tissages, chat, téléchargement de musique ou encore réseaux sociaux.En ce qui concerne les enseignants, dans le cadre de l’opération landaise, « un collégien un ordi-nateur portable », des profils d’usagers ont pu être mis au jour (Daguet, 2009).

    • Les technophobes : comme leur nom l’indique, les technophobes sont les enseignants qui, pour des raisons qui leur sont personnelles, ne souhaitent pas utiliser ces technologies en classe. Ils peuvent adopter plusieurs attitudes bien distinctes. En effet, certains revendiquent ce rejet pur et dur des technologies, par exemple un enseignant de lettres classiques indiquant que seul le livre papier est un support légitime d’apprentissage. D’autres peuvent revendiquer cette tech-nophobie de façon plus passive en laissant systématiquement leur ordinateur portable à leur domicile ou dans leur casier en salle des professeurs.

    • Les découvreurs : ils peuvent être définis comme les enseignants qui se focalisent sur des res-sources « prêtes à l’emploi ». En d’autres termes ils vont avant tout attendre qu’on mette à leur disposition des documents pédagogiques qui nécessitent un minimum de travail de leur part pour qu’ils puissent se les approprier. Ils peuvent alors les utiliser au sein de séquences pédago-giques. Parmi ces enseignants on trouve par exemple ceux qui de temps en temps vont utiliser des sites pédagogiques de type « Math en poche » ou « Matou matheux » pour transformer des séances d’activités traditionnellement faites sur le mode papier/crayon en séance recourant à l’ordinateur et l’Internet.

    • Les consommateurs : à l’instar des précédents, les consommateurs sont ceux qui savent mettre à profit les ressources pédagogiques proposées par l’institution. Ce qui les différencie des découvreurs c’est principalement la fréquence dans leurs usages car, contrairement aux pré-cédents, ils ont fait leurs ces pratiques et n’hésitent pas à utiliser ces technologies, parfois au quotidien. Les instruments privilégiés par ces derniers sont les manuels numériques. On voit ainsi des enseignants d’histoire géographie à quelques années de la retraite utiliser à chaque cours l’ordinateur, le vidéoprojecteur et les manuels numériques. Ces derniers étaient précédemment des utilisateurs de ressources projetables via un rétroprojecteur. Ils voient dans les manuels numériques la possibilité de multiplier les ressources disponibles mais également un accès aisé à des ressources audiovisuelles qui auraient précédemment nécessité un accès à une télévision munie d’un lecteur de vidéocassette ou de DVD.

    • Les concepteurs : il s’agit des enseignants qui ont décidé, et ce parfois avant la mise en place de l’opération, d’intégrer totalement les TICE dans leurs pratiques pédagogiques. Les concep-teurs concentrent principalement leurs activités autour de la médiatisation et de la diffusion des savoirs par les TIC. Ces enseignants sont ceux qui mettent leurs cours à disposition des élèves, souvent via des sites Internet personnels hébergés hors de l’Institution. Les plus radicaux des

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    Chapitre 1

    concepteurs, pas plus de deux enseignants par collège, décident parfois de la suppression totale du papier, les élèves n’utilisent alors que l’ordinateur portable pour étudier et faire leurs devoirs.

    •Les chefs d’orchestre : ce sont généralement les enseignants qui utilisent le plus souvent une pédagogie par projet. Le contexte technologique, à l’image de la pédagogie de type Freinet déve-loppée principalement dans l’enseignement primaire, permet de laisser les élèves effectuer eux-mêmes des réalisations technologiques. Leur rôle consiste alors à superviser l’ensemble des tâches effectuées dans la salle de classe. C’est par exemple le cas de cet enseignant d’Anglais qui déve-loppe des activités dans lesquels les collégiens doublent, en anglais, les voix de comédiens d’un « soap opéra » américain. Les élèves doivent alors acquérir des compétences liées aux technologies en elles-mêmes, à la mise en scène théâtrale et cinématographique et bien évidement à l’anglais.Enfin, si l’on observe les typologies qui ont été proposées, suite à des recherches menées sur ces opérations de distribution de cartables numériques, on pourrait ajouter, à l’instar de Rinaudo et Ohana (2009), une catégorie complémentaire : les résignés. Ils correspondent à ceux que ces auteurs qualifient également de « malgré eux ». Il s’agit des enseignants pour qui l’usage de l’ordinateur est vu comme une injonction. Même si cette injonction n’est pas directement liée à l’institution elle le devient face aux élèves et à leurs pairs. En d’autres termes, ils vont, de temps en temps utiliser les ordinateurs portables en classe du fait de la pression qui leur est faite de la part de l’Institution ou encore des parents d’élèves mais sans aucune conviction pédagogique.

    4B2. Les usages des ENT par les enseignants

    Qu’est-ce qu’un ENT ?Un Espace Numérique de Travail (ENT) est un portail de services accessibles par Internet destiné aux différents acteurs de la communauté éducative (enseignants, élèves, direction, vie scolaire, parents…).

    Le ministère de l’Éducation nationale au travers des différents Schémas Directeurs des Espaces Numériques de Travail (SDET7) indique que ces portails regroupent à la fois des fonctionnalités communicationnelles, administratives et pédagogiques. Ils peuvent proposer :

    •des services de vie scolaire (appel, absence…) ;•de vie de l’établissement (tableau d’affichage, informations …) ;•des outils de communication (messagerie en fonction des annuaires…) ;•des outils pédagogiques (cahier de texte, travail collaboratif…) ;•des manuels numériques ;•ou encore des outils de gestion des ressources documentaires (CDI, bouquets de ressources

    type lesite.tv ou encore Kiosque Numérique de l’Education…).

    7. En décembre 2013 une version 4.2 a été proposée par le ministère de l’Éducation. Elle intègre notamment des éléments spécifiques liés à l’enseignement agricole ou encore des éléments liés aux usages via l’ENT des SMS et du mailing sur des adresses électroniques privées de parents d’élèves.

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    Chapitre 1

    Image 2 : Illustration de l’ENT proposée sur le site ministériel Eduscol (Section Math).

    Au sein de ces portails se côtoient en fait des services numériques, des outils et des fonctionnali-tés que l’établissement utilisait déjà auparavant comme l’appel ou encore la saisie des notes. Plus généralement ces modules sont liés à la « vie scolaire » dont l’informatisation est effective dans le secondaire depuis plus de 10 ans.

    L’ENT renvoie toutefois à des questions complexes notamment par rapport à des droits d’accès de services ouverts ou fermés aux usagers. Ainsi, la reconnaissance de l’identité de l’usager et son traitement anonyme, permet de mettre à sa disposition, sur son bureau d’ordinateur, des services spécifiques en fonction d’un profil prédéfini. Les enseignants n’ont donc pas accès aux mêmes services qu’un élève ou qu’un parent d’élève dans la mesure où chacun n’a pas les mêmes besoins et/ou les mêmes droits d’accès. L’enseignant peut ainsi accéder aux notes de tous les élèves d’une même classe, alors que le parent ne pourra consulter que celles de son enfant.

    Du point de vue des relations humaines, les ENT amènent à s’interroger sur les services à ouvrir ou non aux parents tels un annuaire de messagerie, un espace spécifique d’informations, des services sélectionnés par l’établissement ou par une collectivité territoriale. Il est en effet légitime pour l’usager de connaître les administrateurs qui valident ou non les autorisations d’accès aux différents services et qui valident également les éléments à renseigner ou pas, des personnes qui, d’un point de vue technique cette fois, ont la charge de la gestion des droits de chaque usager.

    De prime abord les usages des ENT semblent simples à analyser, cependant c’est rarement le cas. Ainsi, dès leur création, les entreprises informatiques et les développeurs qui mettent en place ces ENT ne sont pas nécessairement ceux qui vont les utiliser. Il y a donc souvent un écart entre l’imaginaire des possibilités d’usages et les réalités d’usages telles qu’on peut les observer sur le terrain ou telles qu’on peut les analyser dans les discours des différents utilisateurs.

    Kaplan et Pouts-Lajus (2004), indiquent que certains usages peuvent devenir rapidement des « usages génériques », c’est-à-dire qu’ils pourraient « répondre aux besoins courants de toute la communauté éducative, enseignants, élèves, mais aussi personnels de direction, administratifs, techniciens, parents ». Parmi ces usages, ceux qui relèvent de la communication sont mis en avant. En effet, l’ENT permet aux enseignants d’échanger rapidement avec des collègues ou avec leur administration, d’exploiter aussi les ressources de l’ENT pour échanger à distance avec des élèves et avec d’autres membres de la communauté éducative.

    Pour les élèves, l’ENT permet de réaliser des devoirs écrits ou de préparer un exposé et de les transmettre à leurs enseignants (soit par la messagerie interne, soit par le module de gestion des devoirs). Ils peuvent également échanger avec leurs camarades de classe, ou leurs enseignants.

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    Chapitre 1

    L’institution peut avertir les parents par courriel ou par SMS d’une absence, les convier à un entre-tien et encore leur signaler que leur enfant est convoqué à une visite médicale ou un entretien d’orientation. L’ENT peut remplacer le carnet de correspondance.

    Les parents peuvent, quant à eux, communiquer par courriel avec l’administration et les ensei-gnants.

    Depuis 2004, toutes les académies de France se sont engagées dans des projets d’ENT. La den-sification de la communication amenée par l’ENT est mentionnée sur des sites de membres des communautés éducatives comme c’est le cas pour les premiers bilans d’usages de l’ENT « Lilie » où l’on peut lire « on constate une densification de la communication interne » (Guérault, 2010). Néanmoins, cette augmentation de la communication, notamment par courriels, s’inscrit dans une évolution sociétale plus générale et antérieure à la présence des ENT dans les établissements scolaires. Une quinzaine d’années auparavant Beczkowski (1995) défendait déjà la même idée mais il montrait que peu d’enseignants interrogés avaient le matériel nécessaire. Enfin, Bérard et Pouzard (1999), précisaient déjà que la correspondance scolaire par messagerie était encouragée par les inspecteurs. Elle était intéressante dans la mesure où les courriels étaient alors « soigneu-sement préparés, élaborés, corrigés » guidés par l’enseignant « médiateur de l’accès au savoir et à la formation ». Ces projets restèrent encore rares à l’époque mais se développaient déjà dans les établissements non équipés en ENT.

    Enfin, plus concrètement deux gammes d’ENT se détachent : •la première est constituée des logiciels qui intègrent au sein du portail d’autres logiciels

    déjà utilisés dans le cadre des établissements, par exemple, la gestion des absences (OMT – Molière), des notes (Index Eduction – PRONOTE) ou encore des emplois du temps (Index Eduction – EDT). Il s’agit par exemple de Net Collège ou encore Net Lycée de ITOP ou encore K d’école de Kosmos ;

    •la seconde concerne dès l’origine des intégrations de progiciels utilisés par l’établissement concerné, il s’agit par exemple de Scolastance produit par Its Learning (anciennement Infostance).

    Cependant, de façon générale, seuls les spécialistes connaissent les dénominations commerciales de ces produits qui pour le grand public se nomment par exemple Argos64 (Pyrénées atlantique), Savoirs Numériques 59 62 (Nord et Pas de Calais) ou encore ENT 27 (Eure).

    Les usages des ENT par les enseignants… vers une intégration ?De nombreux travaux de recherche ont été menés sur les ENT. Des journées d’études ont d’ailleurs été organisées sous l’égide du laboratoire UMR STEF de Cachan { (STEF, 2008) & (STEF, 2010) } dans le cadre du projet Espaces Numériques Educatifs Interactifs de Demain (ENEIDE). Le but de ces journées était de rassembler les chercheurs intéressés par les questions relatives aux ENT. Il ressort de nombreux éléments liés aux usages notamment :

    • Des briques indispensables, pourtant conseillées, sont bien souvent oubliées ou pas assez mises en avant par les prescripteurs des ENT. C’est généralement le cas pour les ressources documen-taires Puimatto (2008). En effet, si des ressources documentaires ne sont pas indexées à l’ENT ce dernier se trouve réduit à un outil purement administratif et lié à la vie scolaire.

    • Dans le même ordre d’idée, Pochon (2010) présente quant-à-lui et ce dans un contexte Suisse, un phénomène d’évasion. En effet, d’après lui 90% des enseignants qu’il a interrogé sont bien utilisateurs de ressources documentaires issues de l’Internet, mais ces dernières ne sont pas celles provenant ou encore indexées sur l’ENT.

    • L’ENT amène à un doublement des usages communicationnels, ainsi, comme l’indique Voulgre (2010) la direction de certains établissements scolaires préfère garder les affichages de docu-

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    Chapitre 1

    ments en salle des professeurs plutôt que de les indexer à l’ENT, cette solution étant jugée plus efficace et plus fiable en cas d’urgence car les enseignants ne regardent pas systématiquement les informations contenues dans ces espaces.

    • Alors que des modules tels que les usages des absences et des notes sont utilisés par prati-quement tous les enseignants les usages pédagogiques sont moins nombreux. Ainsi, comme l’indiquent Poyet et Genevois (2010) les enseignants seraient moins de 30% à utiliser avec leurs élèves le module de dépôt de documents parmi ceux-ci, 2/3 l’utilisent comme un moyen pour fournir à l’élève un « complément de cours ».

    Daguet et Voulgre (2011) mettaient en avant le décalage qui existe entre le discours des prescrip-teurs institutionnels et la réalité du terrain sur le fait que l’ENT puisse être un outil pédagogique au service de l’enseignant, ils allaient même jusqu’à évoquer le caractère utopique des représen-tations de ces espaces numériques. Ainsi, sur le site du ministère français de l’Education Nationale on trouve des exemples de bonnes pratiques comme ce professeur-documentaliste d’un collège de l’Est de la France qui « utilise l’espace de stockage de l’ENT pour faciliter le travail de recherche des élèves ».

    Dans les schémas directeurs comme celui de la Version 2 du SDET (2006) il est précisé que l’ENT doit faciliter « l’enseignement et l’apprentissage tant pour la formation initiale que pour la for-mation continue », « favoriser les apprentissages et améliorer le service aux usagers » ou encore « favoriser les synergies entre les pratiques éducatives ».

    On retrouve le même type de discours institutionnel sur le plan local. C’est le cas dans la com-munication des Académies et Rectorats sur les usages des ENT. Ainsi, sur le site d’un Rectorat du Nord-Ouest de la France on peut lire notamment que, dans le cadre des Itinéraires De Découvertes ou les Travaux Personnels Encadrés, ces environnements permettent d’organiser « les veilles sur les thèmes choisis, on y partage les bibliographies et les liens, on y échange les préparations, les documents et les comptes rendus ».

    Ce type de discours se retrouve également dans la communication institutionnelle telle qu’elle est faite par les collectivités territoriales qui sont à l’origine du financement de ces opérations. Ainsi, dans un département d’Ile de France, dans la présentation de l’ENT, est mis en avant le fait que cet environnement permet « l’accès aux documents pédagogiques numérisés depuis le domicile pour les collégiens » ou encore « la préparation des cours avec le partage des ressources et le suivi des élèves ».

    Enfin, les entreprises informatiques qui conçoivent les ENT tiennent également le même discours. Quand on se réfère par exemple aux documents fournis ou mis en ligne quand ils s’adressent aux enseignants, ils mettent avant tout en exergue les aspects pédagogiques et notamment les possi-bilités de partage et de mise ne ligne de ressources pédagogiques. Ainsi, sur le site d’un important éditeur d’ENT la première occurrence quand on se réfère au module « enseignants » concerne le fait que ces environnements permettent d’« accéder à des ressources et à créer des contenus en ligne ».

    Ces éléments ont été confirmés au terme d’une recherche de 3 années dans des collèges du département des Hauts-de-Seine (2013), Dispositif ENC92. En effet, l’essentiel des usages qui ont été décrits par les enseignants étaient liés à des tâches administratives, notamment l’appel en début de cours et la saisie des notes. De même ils ont intégré massivement les modules de communication, dans certains établissements, à l’inverse de ce qui avait été présenté par Voulgre (2010) dans un autre contexte, sous couvert d’une revendication écologique affichée liée au développement durable, l’ensemble des informations transmises à la communauté éducative a été totalement numérisé, plus aucun document papier n’était alors transmis aux enseignants. En revanche, comme l’hypothèse en avait été émise, rares furent les enseignants qui utilisaient cet

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    Chapitre 1

    ENT à des fins pédagogiques, peu transmettaient des documents à leurs élèves, les groupes de travail n’étaient que des pratiques anecdotiques.

    Très récemment une recherche de Genevois et Hamon (2014) portant sur l’ENT de Seine-Saint-Denis (ENT93) arrive aux mêmes conclusions. Alors qu’ils sont les 2/3 à utiliser l’ENT régulièrement pour saisir leurs notes, ils indiquent que c’est également à 60% pour réserver des salles ou encore à 43% pour réserver du matériel. En revanche 4,5% d’entre eux disent utiliser le module de travail collaboratif ou encore 15% le blog associé à l’ENT.

    Une recherche non encore publiée, réalisée par des chercheurs du Laboratoire Civiic de l’Univer-sité de Rouen sur l’ENT de l’Eure (ENT27), donne des chiffres sensiblement meilleurs sur les usages pédagogiques de ces espaces numériques, en revanche la distorsion entre les usages administratifs et communicationnels et les usages pédagogiques est forte. Une hypothèse émise serait alors la mise en concurrence avec des environnements comme « Google Drive », qui prop