deux voyages sur le saint-maurice

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DEUX VOYAGES SUR LE SAINT-MAURICE Napoléon Caron SEPTENTRION Extrait de la publication

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Page 1: Deux voyages sur le Saint-Maurice

DEUX VOYAGESSUR LE SAINT-MAURICE

Napoléon Caron

S E P T E N T R I O NExtrait de la publication

Page 2: Deux voyages sur le Saint-Maurice

Deux draveurs au pied d’une chute.

Page 3: Deux voyages sur le Saint-Maurice

Deux voyages sur le Saint-Maurice

M. l’abbé Napoléon Caron

Extrait de la publication

Page 4: Deux voyages sur le Saint-Maurice

Napoléon Caron (1846-1932)

1846 - 16 août : Naissance à la paroisse de Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup(Louiseville). Fils de Françoise Michaud et de Nazaire Caron. 1869 - 14 mars : Après desétudes au Collège des Trois-Rivières et au Séminaire de Québec, ordonné prêtre parMgr Louis-François Laflèche. 1873 : Curé de Saint-Wenceslas, après avoir été vicaire àSainte-Anne-de-la-Pérade et à Yamachiche. 1877 – 1885 : Professeur en Belles-Lettres eten Rhétorique, puis directeur du Grand Séminaire. 1885 : Devient chanoine et nommédesservant de la vieille église paroissiale de Trois-Rivières. 1889 – 1890 : Effectue unvoyage en Europe et en Terre Sainte. Il a tenu un journal de voyage qui est conservé auxArchives du Séminaire. 1892 : Curé de Maskinongé. Publie L’Histoire de la paroissed’Yamachiche. 1897 : Publie Vie de Saint-Jean-Baptiste. 1902 : Curé à Yamachiche. 1918 :Publie Légendes et Revenants. 1926 : Prend sa retraite. 1932 - 27 décembre : Décès.

Outre sa collaboration au Dictionnaire des dictionnaires (Guérin) et son Petit vocabulairede 1880, l’abbé Caron a publié de nombreux articles dans divers journaux ou revues dontLe Foyer domestique et L’Opinion publique.

Marguerite Loranger présente en 1943 une « Bio-bibliographie de Monseigneur NapoléonCaron » à l’École des bibliothécaires de l’Université de Montréal.

Note de l’éditeur

Napoléon Caron s’intéresse tout particulièrement à la toponymie. De façon générale, laCommission de toponymie du Québec a accepté l’orthographe qu’il propose et lesexplications qu’il fournit. Il n’en reste pas moins des différences. Nous avons bien sûrrespecté ses choix, tout en adoptant, pour nos notes, les propositions de la Commission.Les notes en bas de page sont de Caron, celles qui sont en marge sont de l’éditeur.

Le premier voyage est reproduit intégralement. Le second a été abrégé d’une dizaine depages. Il s’agit presque toujours de textes cités par Caron : le titre de concession de 1676de la seigneurie de Saint-Maurice, des extraits du journal de l’ingénieur Louis Franquetou des extraits des Mémoires de Pierre de Sales Laterrière, un rappel de l’évolution de laparoisse des Forges à partir des registres paroissiaux et, enfin, la description faite parl’abbé Caisse d’une procession de la « Sainte Face » aux Forges.

Extrait de la publication

Page 5: Deux voyages sur le Saint-Maurice

DEUX VOYAGES

— SUR LE —

SAINT-MAURICE

M. L’ABBÉ NAPOLÉON CARON

SEPTENTRION

Extrait de la publication

Page 6: Deux voyages sur le Saint-Maurice

Rédaction, index et révision : Marcelle Cinq-Mars, Denis Vaugeois et René VerretteMise en pages : Gilles HermanMaquette de couverture : Folio infographieIllustration de couverture : La rivière Matawin, aquarelle de Rolande Nobert. Collection D. Vaugeois.

Dépôt légal – 1er trimestre 2000Bibliothèque nationale du Québec

© Les Éditions du Septentrion1300, avenue MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3ISBN 2-89448-153-5

Si vous désirez être tenus au courant des publications desÉDITIONS DU SEPTENTRION,

vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

par télécopieur (418) 527-4978 ouconsulter notre site internet

www.septentrion.qc.ca

Diffusion au Canada :Diffusion Dimedia539, boul. LebeauSaint-Laurent (Québec)H4N 1S2

Diffusion en Europe :Librairie du Québec30, rue Gay-Lussac75005 Paris

Édition originale :Deux voyages sur le Saint-MauriceM. L’abbé N. Caron, chanoine de la Cathédrale des Trois-Rivières.P.V. Ayotte, libraire-éditeur, Trois-Rivières, 1889.

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la SODEC (Société dedéveloppement des entreprises culturelles du Québec) pour le soutien accordé à leur programmed’édition. Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremisedu Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Extrait de la publication

Page 7: Deux voyages sur le Saint-Maurice

PRÉSENTATION

« Après notre sainte religion, la langue française est, sans contredit, le plusprécieux héritage que nous aient légué nos ancêtres ». C’est par ces mots quel’abbé Napoléon Caron ouvre son Petit vocabulaire à l’usage des Canadiens-Français publié à Trois-Rivières en 1880. L’abbé Caron a deux amours : lareligion et la langue. Il servira bien l’une et l’autre.

Le 5 avril 1890, un samedi saint, il est à Paris. « Je demande à unvieillard [un commis de la librairie] si M. Hachette se propose de donnerune nouvelle édition du dictionnaire de Littré, mais il répond : non. C’est unouvrage effrayant que l’impression d’un pareil ouvrage ». « Je m’informe deM. Beaujean que je voulais voir à propos de nos mots canadiens », confie lejeune abbé de 43 ans à son journal intime. M. Beaujean est mort. « Ainsi iln’y a rien à faire », note-t-il.

En réalité, l’abbé Caron ne désarme pas. Il offrira sa collaboration à PaulGuérin qui dirige à cette époque l’édition du Dictionnaire des dictionnaires.Après six forts volumes, Guérin publiera en 1895 un « Supplément illustré ».Le « Chanoine Caron des Trois-Rivières, Canada » figure dans la liste d’unecentaine de collaborateurs.

Selon Josée Giroux qui a bien étudié l’ouvrage dans une thèse demaîtrise préparée à l’Université Laval (1991), le Supplément compte 341« emplois canadiens ». Mots et sens.

C’est une première pour un dictionnaire français. Il faudra attendrepresque cent ans pour que les dictionnaires Robert et Larousse renouentavec cette expérience, alertés d’ailleurs par les initiatives de la maison

Extrait de la publication

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8 Deux voyages sur le Saint-Maurice

Beauchemin qui lance en 1968 le Dictionnaire Beauchemin canadien et en1979 le Dictionnaire nord-américain de la langue française réalisé parl’infatigable Louis-Alexandre Bélisle.

Dès 1895, les Français découvrent donc, dans le Guérin, bleuet,brunante, cassot, caucus, chantier, orignal, portage, etc. Ils apprennent queles « Atticamègues » constituent une « tribu sauvage du Canada,appartenant à la famille algonquine, et qui habitait le haut Saint-Maurice ».Les Têtes de Boule sont également présentés : « tribu algonquine qui habitele haut de Saint-Maurice au Canada. Peuplade paisible et timide, convertieau catholicisme ». On notera que les « Têtes de Boule » semblent remplacerles « Atticamègues », ce qui correspond d’ailleurs à une observation del’anthropologue Claude Gélinas dans sa récente étude intitulée « La gestionde l’étranger ». « À compter de la fin du XVIIe siècle, écrit-il, le termeAttikamègues n’a plus été utilisé par les chroniqueurs de l’époque pour faireréférence aux autochtones de la Haute-Mauricie, alors que ceux-ci furentdésormais désignés par le terme Têtes de Boule. » Il ne faut par ailleurs rienen conclure, prévient Claude Gélinas.

!

Quelques années auparavant, en août 1887 plus précisément, l’abbéNapoléon Caron avait accompagné son évêque, Mgr Louis-François Laflèche,dans une visite pastorale en Haute-Mauricie. L’auteur du « Petitvocabulaire » s’intéresse aux mots et aux gens. Sous sa plume alerte, vivanteet même enjouée, l’abbé Caron présente les uns et les autres. Les noms delieux l’attirent particulièrement.

Son évêque, pour sa part, a laissé une image de « prince de l’Église »,bagarreur, intransigeant, hautain. Or, sur le terrain, Mgr Laflèche est toutautre. Issu d’une modeste famille de Sainte-Anne-de-la-Pérade, il est parmiles siens en Haute-Mauricie. Il l’est aussi lorsqu’il se trouve en présenced’Amérindiens.

Pendant une douzaine d’années, Mgr Laflèche a été missionnaire dansl’Ouest canadien. Il a côtoyé Indiens et Métis. Il a partagé leur quotidien, ila appris leurs langues, le cri et le sauteux en particulier. Il fut une despremiers à écrire sur la langue crie. À Mékinac, il pourra échanger en cettelangue avec J.B. Hennesse (Annis). En route pour La Tuque où près de deuxcents Têtes de Boule l’attendent, Mgr Laflèche prend le temps de montrer àson servant de messe, Nestor Désilets, un cantique en langue « sauvage ».

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9Présentation

« Ça leur fera plaisir » explique celui qui n’a jamais oublié ses propresorigines métisses1.

L’abbé Caron, pour sa part, est plus attentif aux Blancs et à leursactivités. Comme toutes les régions du Québec, la Mauricie a été un lieu demétissage et de brassage ethnique. Le journal de voyage de l’abbé Caronnous présente, parfois sans les nommer expressément, des Adams, Baptist,Boyce, Elliott, Grant, Hall, Jordan (Jourdain?), Lang, McLeod, MacKenzie,Morris (apparemment devenus Maurice), O’Keene, Olscamp, Oman,Ritchie, Thomelson, Quinn, Sweesy, Smith, Stoddard (Little), Welsh ouYoung qui côtoient des Bellemare, Bourassa, Duval, Gouin, Neault, Fortier,Gagnon, Gaulin, Gignac, Giguère, Giroux, Grandmont, Hamel, Houle,Lacombe, Lacroix, Lajoie, Larue, Lemieux, Levasseur, Masson, Normandin,Parent, Pelletier, Plamondon, Rheault, Robert, Roberge, Rouillard, Rousseau,Saint-Pierre, Tessier, Thibault, Trudel.

À l’occasion, il nous présente des Métis, les Boucher, Dubé, Flamand,Lacroix, Plamondon ou Rocheleau. Des recherches un peu plus pousséesnous font découvrir un Clairy ou Cleary devenu Laframboise, un Irlandaisde naissance qui a d’abord marié une Indienne.

L’abbé Caron lui-même ne s’arrête pas longuement au métissage,surtout celui qu’on rencontre dans le Haut Saint-Maurice qui est alorsrattaché au vicariat apostolique de Pontiac (Abitibi). Aussi le récit laissé parl’abbé Jean-Baptiste Proulx (Douze cents milles en canot d’écorce ou lapremière visite pastorale de Mgr Lorrain) mérite d’être consulté.

Le 5 juillet 1887, Mgr Lorrain du vicariat de Pontiac quitte Kikendachepour Weymontachie, accompagné de l’abbé Jean-Baptiste Proulx et du pèremissionnaire Jean-Pierre Guéguen, suivis de soixante-quinze personnesréparties dans quinze canots.

Ils sont accueillis par Sévère et Jean-Baptiste Boucher, « deux richessauvages ». Volubiles et affables. Le 8 juillet, après deux jours de pluie, uneimpressionnante procession a lieu, puis l’évêque entreprend la visite des 57tentes. « Elles sont larges et grandes pouvant contenir cinq, six et huitpersonnes ». Depuis l’arrivée des missionnaires en 1837, la populationindienne de la région est passée de 180 ou 200 à 262 âmes en 1887. « Il estvrai, précise l’abbé Proulx, que la race s’est largement retrempée à la source

1. Dans ses souvenirs qu’il évoquait devant Dollard Dubé, Désilets raconte queMgr Laflèche lui avait montré les paroles de « Sans le salut ». Rendu chez les Têtes de Bouleaux chutes de La Tuque, l’évêque aurait entonné «Benedicat vos ». (ASTR, N-1, p. 76a)

Extrait de la publication

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10 Deux voyages sur le Saint-Maurice

féconde du sang canadien; il est ici bien peu de familles qui ne soientmétisses par quelque côté2 ».

Si Weymontachie est un carrefour que fréquentent les autochtones dulac Saint-Jean ou de la rivière Désert, c’est aussi un lieu de rendez-vous pourles Blancs qui montent de Trois-Rivières ou descendent de la Baie d’Hudson.

À La Tuque même, le père R. Déléage recense deux familles autochtones,six familles métisses, deux familles canadiennes et une famille française.L’année suivante, l’abbé Moïse Proulx signale à la Rivière-aux-Rats« plusieurs familles parmi lesquelles nous comptons une dizaine desauvages3 ».

!

« Dans mon voyage avec Monseigneur des Trois-Rivières, admet l’abbéCaron, j’ai pris en affection notre Saint-Maurice ». À peine de retour, il veutrepartir pour faire en canot la descente depuis les Grandes Piles jusqu’auxTrois-Rivières4, car cette section a été faite en train en 1887. Un hiver précocel’oblige à reporter son projet au mois de juillet 1888. Basile Maurice sera songuide. Dans ce second journal, l’abbé Caron ne tarit pas d’éloge à sonendroit et d’enthousiasme pour ce qu’il voit. Rien ne lui échappe : le paysage,l’histoire, les légendes, les paroisses et les habitants.

Le premier voyage, celui du mois d’août 1887, fut publié sous forme delettres dans le Journal des Trois-Rivières du 5 septembre au 7 novembre 1887.Les lecteurs sont ravis, l’abbé Caron aussi. Il ne faudra pas de bien fortespressions pour que le tout prenne la forme d’un livre en 1889, une fois qu’ilaura effectué son second voyage.

2. Cité par Jean Baribeau dans Les Missions sauvages du Haut Saint-Maurice au XIXe

siècle (p. 91) qui raconte également l’élection du Kitchi okima le dimanche 10 juillet1887. S’affrontent Jean-Baptiste Boucher, le chef sortant, Joseph Rocheleau etCharles Rikatadi, tous deux de Manouane. Rikatadi l’emporte. Boucher a lecommentaire suivant : « il serait mieux de payer ses dettes plutôt que de chercher leshonneurs». A noter que le voyage de Mgr Laflèche a lieu en 1887.3. L’abbé Moïse Proulx est curé de Saint-Tite. Voir Claude Gélinas, La gestion del’étranger. (Septentrion, 2000)4. Aujourd’hui on écrit « jusqu’à Trois-Rivières ». Mais nous sommes ici sousl’influence de l’abbé Caron et du Journal des Trois-Rivières.

Extrait de la publication

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11Présentation

!

Pour moi, la réédition de l’ouvrage de Napoléon Caron est avant tout ungeste de fidélité et d’attachement.

Mon père, Ludger Vaugeois, fils de Virginie Dontigny et GeorgesVaugeois, lui-même fils de Louise Franc-de-Bœuf et Louis Vaugeois, mariésle 2 février 1852 à Fougères en Bretagne, était aussi un enfant de la Mauricie.Je l’entends encore me parler de la Mékinac, de la Matawin, de La Croche,du Barrage Gouin. Il a choisi de vivre ses dernières années aux Grandes-Piles, avec vue sur le Saint-Maurice. S’il n’avait eu droit qu’à un seul livreprès de lui, son choix se serait porté sur Deux voyages sur le Saint-Maurice.Lui qui savait à peine lire avait dévoré l’ouvrage de l’abbé Caron. Il leconnaissait par cœur, avant même de l’avoir lu d’ailleurs.

En plus de faire résonner à mes oreilles les noms de lieux de monenfance, ce récit m’a mis en contact avec mes ancêtres. Il les a fait revivre,l’espace de quelques lignes. Il les a fixés dans notre mémoire. J’avais enversl’abbé Caron une dette personnelle.

Pour m’en acquitter, j’ai eu beaucoup d’aide. D’abord Mgr Albert Tessierqui a complété l’éducation transmise par mes parents, mes innombrablesoncles et tantes, cousins et cousines, les Filles de Jésus d’ici et de Bretagnequi ont accueilli dans leur communauté plusieurs de mes cousines, tous cesauteurs qui m’ont appris le Saint-Maurice, et pour mettre au point cettenouvelle édition, René Verrette qui a collaboré étroitement à la préparationdes notes, Suzanne Girard et Christian Lalancette des Archives du Séminairede Trois-Rivières, le linguiste Claude Poirier du Trésor de la langue française,les historiens René Hardy et Claude Gélinas et l’extraordinaire collectionneurRéjean Boisvert des Grandes-Piles que j’ai connu grâce à ma charmantecousine France Vaugeois, devenue l’âme du Musée du bûcheron. Mesremerciements vont aussi à Manon Perron, Marcelle Cinq-Mars et GillesHerman de l’équipe du Septentrion qui ont partagé mon enthousiasme etapporté, dans la bonne humeur, leur savoir-faire habituel.

Ce livre est un coup de cœur du début jusqu’à la fin. Merci à toutescelles et à tous ceux qui l’ont rendu possible.

Denis Vaugeois

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Le Saint-Maurice et ses principaux tributaires.

Extrait de la publication

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PRÉFACE

Chers et bienveillants lecteurs, me voici devant vous avec unvolume de 300 pages. C’est gros, c’est long ; vraiment, ainsichargé, je me sens confus comme un grand coupable. Monpéché est sous vos yeux, je ne puis le nier ; je présenterai aumoins des excuses et je chercherai des circonstances atténuantes.

Pourquoi n’avoir pas été plus court dans votre récit, medemandera-t-on tout essoufflé ? — En effet, ce volume devaitêtre court, ou plutôt ce ne devait pas être un volume, maisquelques lettres écrites à la hâte pour les lecteurs du Journal desTrois-Rivières. Les lettres ont été publiées, et, par unebienveillance extrême, les lecteurs ont bien voulu y trouverquelqu’intérêt. Plusieurs amis ont même insisté fortement pourqu’elles fussent imprimées en brochure: hélas ! Je n’ai pas surésister à leurs instances.

Je me préparai donc à donner à ces lettres une forme plusdurable. On me fit remarquer alors, et je m’aperçus bien moi-même que j’avais fait une lacune en ne parlant pas desmissionnaires du Saint-Maurice. Je voulus réparer cetteomission, et j’écrivis un chapitre spécial sur les travaux de cesmissionnaires.

Oh ! c’est ici que je vous prends, s’écriera mon lecteur: vousavez raison d’écrire, mais pourquoi n’avez-vous pas su vousborner ? — Mes amis, vous ne vous montrerez pas inexorables:j’avais une moisson abondante, et il m’en coûtait de mettre des

Les textes dupremier voyage ontparu du 5 septembreau 7 novembre 1887.

Fondé en 1865, leJournal des Trois-Rivières estconsidéré commel’organe officieux del’évêché.

Extrait de la publication

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14 Deux voyages sur le Saint-Maurice

épis de côté. En faveur des hommes de Dieu que mon livre vapeut-être tirer de l’oubli, pardonnez à mes fautes d’écrivain.

Mais bientôt surgit une autre difficulté: quoi, me disait-on,vous allez publier un ouvrage sur le Saint-Maurice, et vous neparlerez pas de la chute de Chawinigane ? Vous devez bien voirque c’est impossible !

Je le voyais en effet, et alors que fallait-il donc faire ? Allervoir le Chawinigane, en faire la description et ajouter cela àmon volume ? Vous comprenez vous-mêmes que cet appendiceaurait eu toutes les allures d’un champignon. Je me vis donccomme forcé d’entreprendre un second voyage, et de décrire,non pas seulement la chute de Chawinigane, mais tout le BasSaint-Maurice. Ce voyage a donné la matière de la secondepartie du présent ouvrage.

Ici ce n’est plus la marche triomphale d’un prince del’Église au milieu d’une population ivre de bonheur, c’est lamarche silencieuse d’un très humble particulier dans un petitcanot d’écorce. Dans des circonstances si désavantageuses, j’airecours à l’histoire et à la légende pour donner de l’intérêt àmon récit. Je me débats tant que je peux pour empêcher meslecteurs d’avoir sommeil, car l’injure la plus sanglante que l’onpût me faire, serait de peindre mon volume ouvert sur lesgenoux d’un lecteur endormi.

Allons, mes amis, entrez vaillamment dans la lecture de cespages et j’espère que vous en pourrez voir le terme sansbroncher.

Le premier voyage eut lieu en 1887 et le second en 1888.

On verra plus loinque Caron a tenté

d’imposer la graphie« française »

Chawinigane contrecelle qui finira par

s’imposer,« Shawinigan ».

Né à Sainte-Anne-de-la-Pérade, Mgr

Laflèche (1818-1898)fut d’abord

missionnaire chezles Amérindiens et

les Métis de l’Ouestde 1844 à 1856.

Vicaire général del’évêque de Trois-

Rivières, supérieurdu séminaire deNicolet, Laflèche

devient, en 1866,évêque coadjuteur

de Mgr Cookeauquel il succède en

1870.

Sur la page dedroite, photo de

Napoléon Caronvers 1900.

Page 15: Deux voyages sur le Saint-Maurice

15Avant-propos

P R E M I È R E PA RT I E

CB

UN VOYAGEDANS LE HAUT SAINT-MAURICE

Extrait de la publication

Page 16: Deux voyages sur le Saint-Maurice

16 Deux voyages sur le Saint-Maurice

Construction d’un viaduc au village des Grandes-Piles, vers 1878, sur le tracé duchemin de fer reliant Trois-Rivières à Grandes-Piles.

Page 17: Deux voyages sur le Saint-Maurice

17Avant-propos

AVANT-PROPOS

Il y a, échelonnée le long du Saint-Maurice, une populationintelligente, que l’on a trop longtemps oubliée et méconnue. Cen’est pas que l’on ait manqué de s’en entretenir fort souvent, maiselle avait le malheur d’être devenue légendaire ; on en parlait le soirau coin du feu, comme on peut parler de Roland ou de Jean deCalais, et l’on paraissait avoir oublié que ce sont des frères en chairet en os, qui ont leurs aspirations et leurs besoins ; que ces frèresnous aiment et demandent à être aimés de nous ; qu’ils souffrentdans un isolement cruel, et qu’ils réclament une petite part de cesaméliorations étonnantes que notre gouvernement prodigue danstoutes les autres parties du pays.

Nos compatriotes doivent y réfléchir sérieusement ; à causede notre apathie et de notre négligence, la Tuque se trouveaujourd’hui plus éloignée de nous que Winnipeg, et lescommunications avec les habitants de la Rivière Croche sontplus difficiles qu’avec les habitants de Calgary. Cependant, c’estbien notre sang qui coule dans les veines des colons du HautSaint-Maurice ; ils sont même plus canadiens que nous ; je ledis sans crainte d’être démenti, car je viens de les voir etd’étudier leurs moeurs. Allez sur ces parages, si vous voulezretrouver le type des anciens Canadiens.

Monseigneur Laflèche, évêque des Trois-Rivières, a renduun immense service à cette population abandonnée, en yfaisant solennellement cette année sa visite pastorale. Le voile

Allusion au cheminde fer transcontinentaldu CanadienPacifique inauguréen 1885. Leshommes d’affairestrifluviensébauchaient degrands projetsferroviaires aumême moment.

Extrait de la publication

Page 18: Deux voyages sur le Saint-Maurice

18 Deux voyages sur le Saint-Maurice

de la légende est déchiré enfin. C’était la première fois quel’évêque des Trois-Rivières paraissait dans cette partie de sondiocèse. Plusieurs trouvaient que son âge et ses infirmités ne luipermettaient pas un voyage aussi fatiguant, mais la charité neconnaît pas les obstacles. D’ailleurs, ces enfants qui n’avaientjamais vu leur père au milieu d’eux, le demandaient avecbeaucoup d’instance ; il est allé se jeter dans leurs bras, et nuld’entre eux n’oubliera jamais les émotions de cette premièresainte visite.

L’un des heureux témoins de ces scènes touchantes sentaujourd’hui le besoin de dire ce qu’il a vu et ce qu’il a ressenti.Que dans notre narration aucun détail ne vous paraisse troppetit ; nous voulons, bienveillants lecteurs, que vous marchiezavec nous, que vous voyiez tout de vos yeux, comme si vouseussiez été présents.

À la fin, vous aurez pour agréable que nous fassions nosremarques et nos suggestions, le tout par amour de la religionet de la patrie.

Mgr Laflèche ayantdécidé de faire la visitepastorale dans les missionsdu Saint-Maurice, il nemanquait pas de prêtreshaut placés et vieillisdans le ministère quieussent désiré l’accom-pagner ; mais Sa Grandeur,avec une bonté dont nouslui serons toujours recon-naissant, déclara qu’ellevoulait garder auprèsd’elle ses compagnonsde la visite du mois dejuin ; et c’est ainsi que,dans ce remarquable

voyage, notre modeste individualité se trouve à côté de M. lechanoine Prince, qui avait sa place marquée d’avance auprès deMonseigneur.

Le chanoineJ.-Octave Prince

(1826-1898) fut curéde Saint-Maurice

durant 33 ans.

En route vers Saint-Boniface (Manitoba),au printemps 1844,

il commence àsouffrir de rhuma-

tismes. Il ne selibérera jamais de

ce mal.

Photo deMgr Laflèche.

Extrait de la publication

Page 19: Deux voyages sur le Saint-Maurice

19Des Trois-Rivières aux Piles

La visite épiscopalese déroule après quele nord du diocèse,y comprisl’emplacement deLa Tuque, ait étéannexé au vicariatapostolique dePontiac, créé en 1882.Il est à noter queMgr Lorrain et Mgr

Laflèche visitent LaTuque à quelquesjours d’intervalle àl’été 1887.

DES TROIS-RIVIÈRES AUX PILES

Monseigneur Laflèche, en compagnie de votre humbleserviteur, partit des Trois-Rivières, par le train des Piles, lelundi, 15e jour d’août, à 7 heures du matin. On célèbre en cejour la fête de l’Assomption de la Sainte Vierge : la patronne dela Cathédrale des Trois-Rivières avait sans doute pris notrevoyage sous sa protection spéciale, aussi fut-il heureux depuis lepremier moment jusqu’au dernier.

La nature était souriante, Monseigneur était d’une gaietéparfaite, et nous, comme étant le plus jeune, sans doute, noussentions dans le cœur la joie vive d’un enfant que ses parentsemmènent à la promenade. Nous ne rougissons pas de cesentiment : tous les hommes sont un peu enfants, et ceux quiprétendent ne l’être plus du tout, prouvent seulement qu’ils lesont un peu plus que les autres. Le Saint-Maurice nous attiraitmystérieusement ; on eut dit que les effluves poétiques de cettenature si grande et si pittoresque nous arrivaient de loin commeun parfum, et commençaient déjà à enchanter notre âme.

La vapeur nous emporte rapidement vers le nord, etbientôt nous arrivons à la station de St-Maurice. Il y avaitbeaucoup de monde à la station, mais le compagnon de voyageque nous attendions en cet endroit, M. le chanoine J. Prince, nes’y trouvait malheureusement pas. Le train des Piles avaitchangé ses heures de départ ce matin-là même, et M. Princen’avait pas été averti du changement. Nous étions fort

Le chemin de ferreliant Trois-Rivières aux Pilesavait été construiten 1879. Un« embranchement »desservait les ForgesRadnor, à Saint-Maurice.

Page 20: Deux voyages sur le Saint-Maurice

20 Deux voyages sur le Saint-Maurice

contrariés, car M. Prince est l’un des plus aimables compagnonsde voyage que l’on puisse rencontrer. Monseigneur chargeaitquelqu’un de l’avertir de nous rejoindre à la Mékinac, lorsquenous vîmes sur la route de l’église, au milieu d’un nuage depoussière, une voiture qui venait à toute vitesse. C’était notrecompagnon qui nous arrivait heureusement, et qui put prendresa route avec nous.

Le train s’ébranle, nous faisons un certain bout de chemin,puis notre locomotive nous laisse sur la voie, et disparaît ensuivant dans les buissons un embranchement fort tortueux. LesForges Radnor sont à quelques arpents, on est allé y chercher deswagons chargés de fonte. Mais, me direz-vous, si le chemin de ferpassait auprès des Forges, ce serait beaucoup plus commode etmoins ennuyeux pour les voyageurs. Sans doute, et d’après lepremier tracé fait par le regretté M. Legendre, le chemin passait auvillage Saint-Maurice et aux Forges Radnor, et la construction endevait être bien moins dispendieuse ; mais le comté de Champlainavait refusé de voter cent mille piastres en faveur de la compagniedu chemin de fer du Nord, et il fallait le punir de ce voteintelligent. Monsieur l’arpenteur Gaudet reçut donc l’ordre defaire un autre tracé, qui ne passât ni par l’Église ni par les Forges ;et le tracé fut fait et le chemin construit de cette manière. Laconséquence, c’est que la gare de Saint-Maurice se trouve aumilieu d’un champ, que l’on a été obligé de jeter un pont sur larivière au Lard, et que pour relier le chemin de fer aux Forges, ona dû construire le détestable petit embranchement dont nousvenons de parler. Disons entre nous qu’il y a des esprits étroits quine peuvent faire que des choses étroites ; il ne faut jamais mettreces gens-là à la tête d’une grande entreprise, car ils gâtent tout. Leshabitants de Saint-Maurice en savent maintenant quelque chose.

On va peut-être s’écrier que nous faisons des malices ; nevous découragez pas, cher lecteur, cela ne nous arrivera passouvent.

Notre locomotive revient, et nous reprenons notre routevers les Piles. Nous voici au lac à la Tortue, et nous admironsla gare la plus agréablement située de tout notre pays. Le lac ala forme d’une tortue, de là son nom, et la gare a été placéejuste à la tête de manière à commander à tout le lac. S’il y avait

La North Shore Ry.Co. avait été

constituée en 1853afin de relier

Québec à Montréalpar Trois-Rivières.

L’« embranchementdes Piles » s’ajouta

au projet initial despromoteurs.

L’entreprise échouapour des raisonspolitiques, mais

aussi à cause d’uncontexte économique

défavorable et del’opposition d’un

puissant concurrent,le Grand-Tronc.

Extrait de la publication

Page 21: Deux voyages sur le Saint-Maurice

13

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299

Table des mat ières

Préface

PREMIÈRE PARTIE

Un voyage dans le Haut Saint-MauriceAvant-proposDes Trois-Rivières aux PilesÀ la MékinacÀ la MatawinÀ la Grande-AnseÀ la Rivière-aux-RatsÀ La TuqueÀ la Rivière-CrocheEn retournantÀ St-Joseph de la MékinacUn entretien avec les ministresÀ la Grand’Mère et au Lac-à-la-TortueLes missionnaires du Saint-Maurice

DEUXIÈME PARTIE

Un petit voyage dans le Bas Saint-MauriceLe Saint-MauriceAu village des PilesDes Grandes-Piles aux Petites-PilesDes Petites-Piles à la Grand’MèreDe la Grand’Mère au rapide des HêtresDu rapide des Hêtres à la chute de ChawiniganeLe portage et le dînerLa chute de ChawiniganeDe la chute de Chawinigane au rapide des GrèsDu village des Grès au village des Forges Saint-MauriceUn pèlerinage aux vieilles Forges Saint-MauriceHistoire des Forges Saint-MauriceLégendes des Forges Saint-MauriceDes vieilles forges aux Trois-Rivières

Sources principales

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Page 22: Deux voyages sur le Saint-Maurice

COMPOSÉ EN MINION CORPS 10 ET 11

SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR GILLES HERMAN

ET ACHEVÉ D’IMPRIMER EN MARS 2000SUR LES PRESSES DE AGMV-MARQUIS

À CAP-SAINT-IGNACE, QUÉBEC

POUR LE COMPTE DE DENIS VAUGEOIS

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION.

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