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PRÉSENTATION La problématique et la facture du présent chapitre différeront sensible- ment des cinq premières parties de cette histoire de la Caisse populaire de Lévis. En clair, cette dernière section du livre sera beaucoup plus descrip- tive qu’analytique. Rappelons que, pour bien faire son travail, l’historien professionnel doit, premièrement, avoir sous la main une chronologie sommaire ou, si vous préférez, un squelette des principaux événements qui touchent, de près ou de loin, à son sujet d’étude. Deuxièmement, il est fort souhaitable qu’il dispose d’un certain recul dans le temps pour bien mesurer et analyser les faits qu’il étudie. Pour la période 1970-2000, il n’existe, au moment où ces lignes sont écrites, aucune mise en ordre his- torique à la fois de l’histoire du Mouvement Desjardins et de celle de la Caisse populaire de Lévis. Devant ce qui semble être à première vue un cul-de-sac, il aurait été possible de mettre un terme à cette étude de la Caisse en 1970. Ce choix aurait été défendable et des entreprises, par Chapitre VI De Lévis à Nazareth (1970-2000) La Caisse populaire de Lévis ne diffère pas des autres caisses. Pourtant, elle a une particularité à laquelle elle ne peut échapper : elle a été fondée la première. « On n’y peut rien, ça nous colle à la peau», admet son directeur, M. Laurent Bisson 1 . (mars 1993)

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PRÉSENTATION

La problématique et la facture du présent chapitre différeront sensible-ment des cinq premières parties de cette histoire de la Caisse populaire deLévis. En clair, cette dernière section du livre sera beaucoup plus descrip-tive qu’analytique. Rappelons que, pour bien faire son travail, l’historienprofessionnel doit, premièrement, avoir sous la main une chronologiesommaire ou, si vous préférez, un squelette des principaux événements quitouchent, de près ou de loin, à son sujet d’étude. Deuxièmement, il estfort souhaitable qu’il dispose d’un certain recul dans le temps pour bienmesurer et analyser les faits qu’il étudie. Pour la période 1970-2000, iln’existe, au moment où ces lignes sont écrites, aucune mise en ordre his-torique à la fois de l’histoire du Mouvement Desjardins et de celle de laCaisse populaire de Lévis. Devant ce qui semble être à première vue uncul-de-sac, il aurait été possible de mettre un terme à cette étude de laCaisse en 1970. Ce choix aurait été défendable et des entreprises, par

Chapitre VI

De Lévis à Nazareth(1970-2000)

La Caisse populaire de Lévis ne diffère pas des autres caisses. Pourtant, elle a uneparticularité à laquelle elle ne peut échapper: elle a été fondée la première. «Onn’y peut rien, ça nous colle à la peau», admet son directeur, M. Laurent Bisson1.

(mars 1993)

exemple la Citibank aux États-Unis, ont procédé ainsi2. L’autre optionenvisageable était de demander aux historiens responsables de ce projetd’établir un premier cadre événementiel pour la période contemporainede l’histoire de la Caisse. C’est cette dernière option qui a été retenue parles dirigeants de la coopérative et ce, en parfait accord avec les historienschargés d’écrire cette histoire de la Caisse populaire de Lévis. Ainsi, lespersonnes qui s’intéressent à la première caisse d’épargne et de crédit enAmérique du Nord auront sous les yeux la séquence complète de l’histoiredu premier siècle de l’entreprise fondée par Alphonse Desjardins.

LÉVIS, 1970-2000

En 1986, la ville de Lévis célèbre sobrement le 125e anniversaire de safondation. Dans un message qu’il adresse à cette occasion aux citoyens dela municipalité, le maire Vincent F. Chagnon résume admirablementl’éternel dilemme dans lequel sa cité est placée lorsqu’il écrit que «Lévispeut s’enorgueillir d’être la métropole de la Rive-Sud du Québec métro-politain3 ». Voilà décrit, en une seule phrase, l’emplacement particulierde la cité préfigurée par le curé Déziel, soit d’être une ville qui a sa per-sonnalité propre mais qui est située devant une agglomération beaucoupplus importante qu’elle. C’est cette relation ambiguë qui inspira nosancêtres lorsqu’ils parlaient de Lévis comme étant le Brooklyn canadien.En effet, Lévis en tant que ville riveraine est, face à Québec, dans lamême position que Brooklyn face à Manhattan, que Camden face àPhiladelphie, qu’Alexandria face à Washington, que Hull face à Ottawaet, plus près de nous, que Longueuil face à Montréal. Position équivoqueque celle d’une ville qui possède une identité bien à elle, mais qui estaussi, indubitablement, dans l’orbite de la capitale. Telle est, pour l’ins-tant, la destinée de Lévis.

Outre ce tiraillement identitaire perpétuel, les années 1970-2000ont été, dans l’ensemble, très bonnes pour Lévis. Trois faits saillants res-sortent clairement de cette période de l’histoire lévisienne: le parachève-ment des infrastructures municipales – aréna, stade Georges Maranda,usine de filtration, garage municipal, artères commerciales, poste de policeet des pompiers –, le développement vertigineux de la zone commercialedu sud de la ville et, finalement, l’incroyable expansion des institutionsdu Mouvement des caisses Desjardins. Ainsi, à l’aurore du XXIe siècle,Lévis possède les principales caractéristiques d’une ville de l’ère post-

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

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industrielle, c’est-à-dire que son sort est lié davantage aux secteurs des ser-vices et de l’information qu’à la transformation des matières premières.Bien sûr, une part importante de la prospérité de la ville dépend, depuis safusion avec Lauzon en septembre 1989 et Saint-David-de-l’Auberivièrel’année suivante, du vaste chantier naval Davie pour lequel l’avenir et lepotentiel véritable demeurent difficilement mesurables.

Pour les années à venir, le grand défi pour Lévis sera de maintenirchez elle les sièges sociaux des principales institutions du MouvementDesjardins qui, on le sait, furent rapatriés de Québec et ancrés à Lévis parCyrille Vaillancourt et les autres «continuateurs lévisiens» au milieu duXXe siècle. L’enjeu est important et il ne date pas d’hier. Déjà en 1968, lorsde «la querelle des arpents verts» qui opposa les autorités municipales deLévis aux dirigeants de Desjardins au sujet de la localisation d’un centrecommercial sur les hauteurs de Lévis, le maire Vincent F. Chagnon laissaitentendre que le Mouvement des caisses Desjardins se servait de cettequestion pour justifier un éventuel déplacement de son «quartier général»à Montréal4. Quelque trente années plus tard, en 1999, l’inquiétude desLévisiens provient du processus de «révision des structures» mis en routepar le XVIIe Congrès du Mouvement Desjardins, le 19 mars 1999, et quilaisse entrevoir que des études pourraient être éventuellement menées

VUE AÉRIENNE DE LA «CITÉ DESJARDINS» À LÉVIS DURANT LES ANNÉES 1980.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

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quant au site du siège social de la future fédération unique5. Pour Lévis,l’enjeu est important. Regardons les chiffres. En 1957, le Mouvement descaisses Desjardins employait 227 personnes à Lévis. Quarante-deux ansplus tard, en 1999, au-delà de 3300 personnes6 travaillent pour le mouve-ment coopératif à la « cité des Jardins » et dans l’édifice Desjardinsconstruit sur l’avenue Bégin en l’honneur du fondateur de la premièrecaisse populaire. On le voit bien, pour Lévis, ce dossier est fondamental.

Outre des raisons historiques évidentes, des considérations finan-cières et de gestion efficace des ressources humaines militent pour lemaintien et même le développement des sièges sociaux de Desjardins àLévis. En effet, des études très sérieuses en géographie urbaine démontrentclairement les multiples avantages des complexes à bureaux de style«campus» situés en banlieue par rapport aux dispendieux édifices placésau cœur des grandes villes. D’abord, les terrains coûtent moins cher enbanlieue; ensuite, les taxes foncières y sont généralement inférieures. Enbout de ligne, nous expliquent les géographes Maurice Yeates et BarryGarner : «Campus-style office complexes can be developed in the suburbsfor about half the cost of equivalent space in a downtown skyscraper7».Du côté des ressources humaines, les atouts des campus, toujours selon lesmêmes études, sont palpables particulièrement grâce à une productivitésupérieure, conséquence logique d’un taux inférieur d’absentéisme et d’unplus haut niveau de rétention des salariés. Notons, en terminant, que cephénomène de l’implantation des sièges sociaux en banlieue est loin d’ex-clure les institutions financières, surtout avec les progrès spectaculaires desnouveaux moyens de communications8. Voilà les faits. À Lévis de les fairevaloir.

LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS : DE LÉVIS À NAZARETH

Un peu plus tôt, au chapitre III, nous lisions une savoureuse citation ducollaborateur et ami d’Alphonse Desjardins, le chanoine Joseph Hallé, quirésumait à merveille le scepticisme des Lévisiens du début du siècle ausujet de la Caisse populaire de Lévis : «Comment quelque chose de bonpouvait-il sortir de Nazareth, ou de Lévis», écrivait Hallé en 1917. Cettecomparaison du chanoine s’inspire d’un verset du Nouveau Testament(Jean I, 46) et suggère qu’au départ peu de gens croyaient vraiment au suc-cès d’une institution financière issue de Lévis et laisse même entendre queplusieurs la méprisaient carrément9. Pourtant, presque un siècle plus tard,

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en 1999, la Caisse populaire de Lévis possède un actif de 316M$ et, grâceaux nouvelles applications technologiques, ses 21156 sociétaires peuventeffectuer des transactions d’aussi loin que Nazareth ou d’ailleurs dans lemonde. De ces prémisses, nous pouvons conclure deux choses. Pre-mièrement, que les sceptiques de la première heure avaient très mal évaluéle potentiel de l’institution naissante. Ensuite, que l’image classiquequ’ont les gens de Lévis de leur caisse populaire comme étant bien campéeà l’intérieur de son siège social est, désormais, révolue. Sur ce dernierpoint, disons tout de suite que la problématique des locaux et de la distri-bution des services financiers a monopolisé, depuis 1970, une grosse partiede l’énergie des administrateurs de la Caisse populaire de Lévis.

Regardons froidement les faits. En 1970, la Caisse occupe fière-ment son nouveau siège social du 39, rue Guénette et c’est à cet endroitque les sociétaires effectuent la presque totalité de leurs transactions – misà part les chèques. Quelque trente années plus tard, en 2000, la coopéra-tive est propriétaire de deux succursales (39, rue Guénette et 5480, rueSaint-Georges) et elle est locataire de son siège social aux GaleriesChagnon. En plus, la Caisse dispose de sept sites pour ses onze guichetsautomatiques et de plusieurs terminaux pour l’usage du paiement direct.Enfin, les sociétaires peuvent maintenant transiger avec leur institutionfinancière de partout au monde grâce aux réseaux Interac et Internet et,depuis le 25 janvier 1999, par téléphone 24 heures sur 24, 365 jours parannée avec le service Accès D. Ajoutons aussi que, durant la période1970-2000, la Caisse a tenu un centre de service à Place Tanguay (1973-1984) et, en plus de son siège social actuel, qu’elle a occupé trois autreslocaux aux Galeries Chagnon entre 1982 et 1993. Que de changements!Pour bien nous y retrouver, regardons l’une après l’autre les décennies desannées 1970, 1980 et 1990.

Les années 1970 sont marquées par le premier épisode de la décen-tralisation des activités de la Caisse – du moins depuis l’époque héroïquedes percepteurs au début du siècle – avec l’ouverture, au mois d’août 1973,d’un point de service au tout nouveau centre commercial Place Tanguay(aujourd’hui Place Lévis) situé au nord-est du développement résidentielLouis-Honoré-Fréchette. Le «comptoir» en question est alors installé àproximité du magasin Cooprix et l’objectif est de «rendre service aux rési-dents de Place Fréchette» et «d’étendre» les services aux membres de laCaisse10. Ces derniers peuvent, en effet, y effectuer leurs transactions cou-rantes en plus d’autres services tels que mandats, chèques de voyage, etc.

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

L’initiative est couronnée de succès. En quatre mois, le comptoir permet àla Caisse d’accroître son sociétariat de 300 nouveaux membres11 et assureà l’institution de la rue Guénette une présence stratégique dans cette nou-velle partie de la ville. L’autre événement à prendre en considération pourla décennie 1970-1980 est le réaménagement complet, en 1977, du sous-sol du siège social du 39, rue Guénette afin d’y installer le service du créditet d’y aménager un petit «musée» composé de meubles et autres objetsayant appartenu à Alphonse Desjardins ; objets qui, en passant, avaientété récupérés quelques années plus tôt par l’Union régionale de Québec.Pour l’histoire, disons que ce petit «musée» représente, en quelque sorte,le prélude à la transformation de la Maison Alphonse-Desjardins encentre d’interprétation quelques années plus tard.

La décentralisation des activités de la Caisse s’est poursuivie etmême accélérée au cours des années 1980. Les principales étapes qu’il fautretenir sont l’addition de deux succursales à la suite de la fusion avec laCaisse populaire de Christ-Roi en 1982, l’installation progressive des gui-chets automatiques à partir de 1983, la fermeture du comptoir de PlaceTanguay à la toute fin de l’année 1984, la croissance marquée de l’acha-landage aux succursales des Galeries Chagnon et, finalement, l’arrivée, en

RARE PHOTOGRAPHIE DU COMPTOIR DE LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS À PLACE TANGUAY.EN SERVICE DE 1973 À 1984, IL SYMBOLISE LE DÉBUT DE LA DÉCENTRALISATION DES

AFFAIRES DE LA CAISSE ET L’EXPANSION DES ACTIVITÉS DE L’INSTITUTION AU SUD DE

LA VILLE.

Source : Peuple-Tribune, 21 novembre 1979. Reproduction: Ghislain DesRosiers, CCPEDQ.

1989, des treize premiers terminaux pour l’usage du paiement direct. Enrésumé, les années 1980 sont loin de ressembler, pour la Caisse, à un longfleuve tranquille.

La fusion de la Caisse populaire de Lévis avec celle de Christ-Roi,au printemps de 1982, force les administrateurs de la nouvelle entité àréévaluer le réseau de distribution des services financiers de la Caisse.C’est que, du jour au lendemain, la coopérative d’épargne et de crédit seretrouve à gérer quatre succursales : le 39, rue Guénette, le 230, rue Saint-Georges (aujourd’hui le 5480), le comptoir de Place Tanguay et un coquetpetit local aux Galeries Chagnon. Pour mieux entrevoir l’avenir, ondécide de consulter les membres. Dès l’automne 1983, la Caisse produit,en collaboration avec la Fédération, un sondage écrit avec un volet quitraite spécifiquement de l’utilisation des centres de service. Cette vasteconsultation pave la voie à un colloque des dirigeants les 1er et 2 juin 1984et se traduit, en bout de ligne, par la fermeture du comptoir de PlaceTanguay et par la concentration au sud de la ville des activités de la Caisseaux Galeries Chagnon. Pour répondre convenablement à l’accroissementde l’achalandage au centre commercial, la Caisse emménage en octobre1984 dans l’ancien local de la Banque de Nouvelle-Écosse, près de l’entréeest des Galeries Chagnon. Ce centre de service est plus grand que l’an-cienne succursale de la Caisse de Christ-Roi, mais la Caisse y est encore àl’étroit. À peine deux années plus tard, il est question de «l’exiguïté dulocal du centre commercial12» et ce problème ira en s’accroissant par lasuite. Pour faire baisser la pression, on loue, à l’automne 1987, undeuxième local aux Galeries Chagnon, réservé exclusivement au secteurconseil. Malgré cela, le problème de fond demeure: la Caisse manque d’es-pace aux Galeries Chagnon.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le problème de «l’acha-landage exceptionnel» des centres de service des Galeries Chagnon auraitpu être pire n’eût été du développement simultané d’un équipement«révolutionnaire» : le guichet automatique. Le premier guichet est ins-tallé aux Galeries Chagnon au début de 1983. Son succès est immédiat.Au mois de septembre de la même année, on y enregistre 13741 transac-tions alors que son seuil de rentabilité est de 8000 transactions par mois13.Cette popularité initiale du premier guichet automatique favorisera ledéploiement de six autres sites de guichets automatiques entre 1986 et1998 (tableau 1), de même que l’installation, en 1989, des treize premiersterminaux du Paiement direct Desjardins14.

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TABLEAU 1Les sept sites des guichets automatiques

de la Caisse populaire de Lévis 1983-1998Endroit Année de mise Nombre de guichets

en service en 1999Galeries Chagnon 1983 4Hôtel-Dieu de Lévis 1986 1Place Kennedy 1988 2Polyclinique médicale Rive-Sud, 4975, boulevard de la Rive-Sud 1991 1Fédération des caisses populaires Desjardins de Québec (campus) 1992 139, rue Guénette 1994 15480, rue Saint-Georges 1998 1

Cette multiplication progressive des guichets automatiques etl’avènement du paiement direct ne résolvent pas complètement la problé-matique des locaux, surtout aux Galeries Chagnon. Après une étudesérieuse du dossier, les administrateurs optent, en juin 1992, pour l’amé-nagement d’un vaste centre financier au rez-de-chaussée des anciensmagasins Pollack, Paquet et Eaton, dans la partie ouest des GaleriesChagnon. Cette décision permet aux dirigeants de la Caisse de faire d’unepierre deux coups. Premièrement, on règle le problème criant du manque

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

SUCCURSALE DE LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS AUX GALERIES CHAGNON. LA CAISSE

OCCUPA CE LOCAL DU MOIS D’OCTOBRE 1984 AU MOIS DE MARS 1993.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

d’espace aux anciens points de service du centre commercial et, sans fairede bruit, on met fin à l’encombrement des bureaux au 39, rue Guénette.

Le nouveau centre financier ouvre ses portes le 3 mars 1993. D’unesuperficie de 26000 pieds carrés, il a nécessité un investissement de deuxmillions de dollars. Au matin du 3 mars, le centre financier devient nonseulement le nouveau siège social de la Caisse populaire de Lévis, maisaussi « la porte d’entrée de tous les services offerts par le MouvementDesjardins15 ». Ravi, le président du Mouvement des caisses Desjardins,M. Claude Béland, y voit une réponse concrète aux nouveaux besoins desconsommateurs :

En offrant des services tels que l’épargne et le crédit, les assurances,les services fiduciaires, le courtage des valeurs mobilières et d’autresservices encore, la Caisse populaire de Lévis réalise, de façon on nepeut plus concrète, le véritable décloisonnement des services finan-ciers que les consommateurs réclament depuis quelques années16.

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GUICHETS AUTOMATIQUES AUX GALERIES CHAGNON. IL EST INTÉRESSANT DE NOTER QUE

DES «AUTOMATES» DESTINÉS À RECEVOIR LES SOUS DE L’ÉPARGNE AVAIENT ÉTÉ EXPÉRIMEN-TÉS EN ITALIE À LA FIN DU XIXe SIÈCLE!

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

Le centre financier représente donc une nouvelle étape (axéedavantage sur le réseau) pour la Caisse et vient clore un siècle passable-ment mouvementé en ce qui concerne les locaux de la Caisse populaire deLévis (tableau 2).

TABLEAU 2Locaux de la Caisse populaire de Lévis 1901-2000Endroit Années

1. Résidence d’Alphonse Desjardins 1901-19062. Société des Artisans canadiens-français 1901-19163. Maison rue Eden (Édifice Laurentien) 1916-19204. 14, rue Eden (16, avenue Bégin) 1920-19505. Édifice Desjardins 1950-19696. 39, rue Guénette 1969 - 7. Place Tanguay 1973-19848. 230, Saint-Georges (aujourd’hui 5480) 1982 - 9. Galeries Chagnon (4 locaux) 1982 -

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

LE CENTRE FINANCIER A OUVERT SES PORTES LE 3 MARS 1993.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

Les autres faits marquants des années 1990 dans le domaine de ladistribution aux sociétaires des services financiers sont un accroissementde l’automatisation des services, l’arrivée de nouveaux canaux de diffusion(Internet, Accès D), l’augmentation progressive des heures d’ouverture duservice conseil et une révision à la baisse du côté du service courant. Voilà,à première vue, les tendances de cette fin de siècle.

LA VIE ASSOCIATIVE

La vie associative demeure l’élément fondamental de ce qu’on appellecommunément la « distinction coopérative » d’une caisse populaire.Propriété inaliénable des membres, administrateurs bénévoles élus, assem-blée générale des sociétaires souveraine, engagement social, participationde la caisse au développement local, fusion avec la Caisse populaire deChrist-Roi, disparition de la commission de crédit, mutation du conseilde surveillance en conseil de vérification et de déontologie et resserre-ment des liens avec les échelons supérieurs du Mouvement des caissesDesjardins : voilà, en gros, les principales caractéristiques et les quelquesfaits marquants de la vie associative de la Caisse populaire de Lévis entre1970 et 2000.

Au niveau de la direction administrative, le modèle élaboré parAlphonse Desjardins à la fin du XIXe siècle est demeuré inchangé jusqu’en1997. Rappelons, une dernière fois, que la structure administrative origi-nelle d’une caisse Desjardins comporte un conseil d’administration, unecommission de crédit et un conseil de surveillance qui sont dirigés par desadministrateurs élus par les sociétaires de la caisse. Réduit à sa plus simpleexpression, le mandat de conseil d’administration est d’administrer lesaffaires de la caisse et d’exercer les pouvoirs qui lui sont délégués par l’as-semblée générale des sociétaires. De son côté, la commission de crédit éta-blit les politiques d’emprunt, autorise les prêts et vérifie la perception dessommes dues à l’institution. Enfin, le conseil de surveillance a pour tâchesde vérifier les opérations de la caisse, d’évaluer le niveau de satisfactiondes membres et l’apport social de la caisse dans son milieu17.

Cette organisation administrative de la Caisse populaire de Lévisest modifiée, pour la première fois, lors d’une « assemblée extraordi-naire» tenue au sous-sol de l’église Christ-Roi, le 27 mai 1997. À l’occa-sion de cette rencontre, les sociétaires votent majoritairement en faveurd’une modification du règlement de régie interne pour se conformer aux

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nouvelles dispositions incluses dans la Loi modifiant la Loi sur les caissesd’épargne et de crédit (loi 69) votée au Parlement de Québec le20 décembre 1996. Pour la postérité, il faut dire que ces changementslégaux faisaient suite aux volontés exprimées par les quelque 3800 délé-gués de caisses populaires réunis durant le XVIe Congrès des dirigeantsélus du Mouvement des caisses Desjardins, les 30 et 31 mars 1996. Quelssont les principaux changements validés par les sociétaires de la Caissele soir du 27 mai 1997? Essentiellement, les points suivants :

[…] la disparition de la commission de crédit, du changement denom du conseil de surveillance en celui de conseil de vérification etde déontologie, du fait que seule une personne physique membre dela caisse puisse être élue dirigeant, de l’obligation de la caisse de seconformer aux normes édictées par la Fédération à laquelle elle estaffiliée ou par la Confédération, le cas échéant18.

Les changements apportés sanctionnent officiellement deux ten-dances observables depuis plusieurs années au Mouvement Desjardins :l’effritement graduel du pouvoir de la commission de crédit aux mains desemployés salariés pour des raisons d’efficacité et de rapidité des services et,deuxièmement, le renforcement progressif des appareils fédéraux (fédéra-tions et Confédération) du Mouvement Desjardins. Quant au nouveauconseil de vérification et de déontologie, on lui transmet les responsabili-tés de l’ancien conseil de surveillance et on accroît ses pouvoirs, notam-ment en ce qui a trait à son rôle de vigile sur les questions du respect de laloi, des règlements et des règles de déontologie19.

Les dirigeants élus

Les sociétaires de la Caisse populaire de Lévis sont à la fois les proprié-taires et les usagers de leur institution financière. Toutefois, dans la vie detous les jours, ils sont principalement des usagers et, à titre de proprié-taires, ils confient l’administration de leur coopérative à des administra-teurs bénévoles élus qui sont, pour reprendre une expression heureuse del’historien Albert Faucher, «une limitation numérique20» de l’assembléegénérale des sociétaires. En un mot, les dirigeants élus sont les mandatairesdes membres de la Caisse et ce sont eux qui avalisent la bonne gestion deleurs affaires.

Au sommet de la hiérarchie élective, on trouve le président de laCaisse populaire de Lévis qui, comme le rappelle M. Clément Samson, est

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

assis dans le siège «jadis occupé par Alphonse Desjardins». Au momentde quitter ce poste, en 1981, le notaire Gilles Demers confiait aux socié-taires les implications historiques de cette fonction:

Depuis 1967, j’ai le plaisir de siéger au Conseil d’administration de laCaisse populaire de Lévis. Il y a quatre ans déjà, l’honneur m’a étédonné de présider à ses destinées, prenant ainsi la relève de prédé-cesseurs prestigieux, dont l’illustre Alphonse Desjardins. C’était uneresponsabilité inquiétante dont j’ai pu mesurer l’ampleur et la signi-fication au cours des ans21.

Au total, quinze personnes se sont succédé à la présidence de laCaisse populaire de Lévis entre le 6 décembre 1900 et l’an 2000(tableau 3), dont huit pour la période survolée dans ce dernier chapitre :Arthur Fafard décédé le 19 septembre 1971, Paul-Eugène Gosselin, GillesDemers, Céline Morin, Denis Guay, Robert Royer, Gilles Douville,Clément Samson.

TABLEAU 3Les présidents du conseil d’administration depuis la fondation

1. Alphonse Desjardins, sténographe 1900-19202. Joseph Verrault, marchand-épicier 1920-19213. Joseph Gosselin, entrepreneur-menuisier 1921-19244. Raoul Desjardins, notaire 1924-19275. Georges Ramsay, employé de chemin de fer 1927-19296. Patrick Doyle, employé de chemin de fer 1929-19377. Valmore-Armand de Billy, avocat 1937-19578. Arthur Fafard, médecin 1957-19719. Paul-Eugène Gosselin, professeur d’université (Laval) 1971-1977

10. Gilles Demers, notaire 1977-198111. Céline Morin, directrice générale 1981-199112. Denis Guay, comptable agréé 1991-199413. Robert Royer, chef de division commerciale 1994-199614. Gilles Douville, homme d’affaires 1996-199815. Clément Samson, avocat 1998 -

Il faut noter particulièrement le nom de Mme Céline Morin quidevient, en 1981, la première femme à accéder à la présidence de la Caisseaprès avoir été aussi la première dame à siéger au conseil d’administration,le 24 août 197722.

Pour ce qui est des autres dirigeants élus, on assiste tout au long desannées 1970 aux départs successifs d’administrateurs qui étaient en postedepuis plusieurs années, à savoir le gérant Jean-Marie Gagnon en 1972

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

(30 années), Émile Dubé en 1973 (21 années), Alyre Bégin en 1973(26 années), le chanoine Léon N. Lessard décédé en 1973 (34 années),Eugène Guénette en 1976 (38 années), l’abbé Lucien Dallaire en 1976(27 années), J. Marcel Fortier en 1977 (33 années), Wilbrod Prémont en1978 (22 années) et, enfin, Robert Gagnon en 1978 (27 années). Notonsque tous ces hommes ont côtoyé le sénateur Cyrille Vaillancourt dont lescontacts avec le Mouvement des caisses Desjardins remontaient à lapériode légendaire d’Alphonse Desjardins. Ainsi, petit à petit, c’est unepartie des liens indirects avec l’époque de «l’âge de fer» de la Caisse quisont inévitablement rompus. Les nouveaux administrateurs et administra-trices qui s’ajoutent çà et là à l’équipe baignent donc dans une atmosphèredifférente de celle qu’ont connue leurs prédécesseurs. Premièrement, leMouvement Desjardins est davantage centralisé et structuré qu’aupara-vant. Ensuite, la caisse évolue dans un marché financier beaucoup plus

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

PREMIÈRE FEMME À ACCÉDER AU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA CAISSE EN 1977,Mme CÉLINE MORIN DEVIENT, EN 1981, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE DE LA CAISSE POPULAIRE

DE LÉVIS.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

complexe qu’à aucun autre moment de son histoire. C’est pourquoi plu-sieurs décisions sont désormais prises par les employés cadres de la caisse etque les grandes stratégies sont élaborées par les instances supérieures deDesjardins. Pour bien refléter ces tendances, les dirigeants élus duMouvement Desjardins ont adopté en mars 1996 une nouvelle définitionde leur rôle :

Les dirigeants et dirigeantes élus sont les mandataires des membres deleur caisse, lesquels en sont à la fois les propriétaires et les usagers.Associés en coopérative pour se donner une gamme complète de pro-duits et services financiers de qualité et adaptés à leurs besoins et pourfaire fructifier leurs avoirs en toute sûreté, les membres veulent queleur caisse participe au développement social et économique de leurmilieu et contribue à l’essor de la collectivité. Enfin, les membres s’at-tendent également à pouvoir compter sur la compétence, l’efficacitéet le rayonnement de l’ensemble du réseau Desjardins dont ils sont, àtravers les caisses, les ultimes propriétaires23.

Bref, les dirigeants élus de cette fin de siècle sont au cœur de lamouvance entre l’autonomie de leur caisse populaire et l’appartenance decelle-ci à un réseau. Toujours en 1996, ils ont convenu lors de leur congrèsde «centrer leur action sur la définition des orientations et des principalespolitiques de la caisse et sur le contrôle de leur application» et de «veilleravec encore plus de soin à ce que les membres soient satisfaits des servicesqui leur sont rendus par la caisse et à ce que celle-ci participe au dévelop-pement de son milieu24». Telles sont les grandes lignes du rôle et des fonc-tions des administrateurs d’une caisse Desjardins de l’an 2000 qui sont,concrètement, les décideurs et les ambassadeurs élus de leur caisse auniveau local et qui demeurent des éléments essentiels du processus déci-sionnel global du Mouvement des caisses Desjardins à l’occasion descongrès quinquennaux.

À ces grandes définitions plénières du rôle des dirigeants, il fautajouter, dans le cas précis de la Caisse populaire de Lévis, un mandat quine s’applique à aucune autre caisse Desjardins : le devoir non écrit de pré-server, malgré les changements inévitables, les grandes lignes de l’héritagelégué par Alphonse Desjardins. En effet, l’étudiant de l’histoire de l’insti-tution constate sans peine que ce leitmotiv est persistant à la Caisse popu-laire de Lévis. Même chose du côté de la fierté bien légitime des Lévisiensde vivre dans la ville de fondation de la première coopérative d’épargne etde crédit sur ce continent. Conscients de ce patrimoine unique, les

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

administrateurs de la Caisse sont au cœur, entre 1970 et 2000, de plusieursmanifestations historiques ou commémoratives : fêtes du 75e anniversairede la Caisse populaire de Lévis en 1975, émission d’un timbre commémo-ratif par le gouvernement canadien en 1975, visites de trois gouverneursgénéraux du Canada en 1977, 1979 et 1987 (pour un total de cinq depuis1907 : tableau 4), dévoilement d’un monument funéraire au cimetièreMont-Marie en hommage au fondateur en 1986, fêtes du 90e anniversaireen 1990, visite de la lieutenante-gouverneure du Québec, Mme LiseThibault, en 1997, visites spéciales de délégations étrangères, etc.

TABLEAU 4Gouverneurs généraux du Canada membres

de la Caisse populaire de Lévis 1907-2000Nom Année1. Lord Grey 19072. Vincent Massey 19533. Jules Léger 19774. Edouard Schreyer 19795. Jeanne Sauvé 1987

Source: Archives de la CPL.

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

ALPHONSE DESJARDINS PETIT-FILS (À GAUCHE) REÇOIT UN DÉPÔT SYMBOLIQUE DE 10¢ D’UN

DESCENDANT DE JOSEPH-EUGÈNE ROY LORS DU 90e ANNIVERSAIRE DE LA CAISSE POPULAIRE

DE LÉVIS. DERRIÈRE ALPHONSE DESJARDINS, ON REMARQUE CLAUDE BÉLAND, PRÉSIDENT

DU MOUVEMENT DESJARDINS.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

Parmi tous ces événements, il est à propos de souligner celui qui arassemblé le plus de personnes à Lévis : la fête populaire Desjardins du21 juin 1975. Organisée à l’occasion des activités du 75e anniversaire de laCaisse populaire de Lévis, cette journée de réjouissances comprend unspectacle devant le local du 39, rue Guénette, du théâtre pour les enfantsau pied de la statue du curé Déziel, un bal dans les rues du Vieux-Lévis, unspectacle de danse sur le parvis de l’église Notre-Dame et des feux d’arti-fice lancés d’un terrain du Collège de Lévis. Animé par Serge Laprade, lespectacle principal met en vedette le groupe F.X. Joncas et la chanteuseAndrée Bernard qui, selon la journaliste Sylvie Ruel, s’est imposée sur lascène «comme une tempête». Dans son même article, Sylvie Ruel pré-sente un portrait savoureux de la foule de 5000 personnes présentes à cespectacle :

Plutôt paisible et bien colorée, cette foule. Des p’tites madames, desgros messieurs, des grands-mamans, des adolescents, des p’tits gars,des p’tites filles. Du monde, beaucoup de monde entassé dans la rue,loin des soucis quotidiens et prêt à se faire embarquer en chansons eten musique25.

Plus sérieusement, l’objectif avoué des administrateurs de la Caisseest alors de faire prendre conscience aux sociétaires « que leur Caissepopulaire fut à l’origine de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom deMouvement Desjardins qui s’étend à toute la province et dont la réputa-tion a dépassé les frontières de notre pays26». C’est l’évidence diront cer-tains, mais, la mémoire étant une faculté qui oublie, il incombe aux admi-nistrateurs de la Caisse populaire de Lévis de perpétuer cette réalité.

Bilan social et assemblées générales des sociétaires

Depuis 1970, la participation de la Caisse populaire de Lévis à la vie de lacommunauté lévisienne est riche, variée et continue. Arts, culture, sportamateur, éducation, santé, organismes communautaires et de bienfaisance,tels sont les principaux secteurs de l’engagement social de la Caisse àLévis. Concrètement, cette sphère de l’activité de la coopérative est telle-ment importante que, depuis 1981, on lui consacre une section spéciale deplusieurs pages à la fin des rapports annuels de l’institution.

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

Dans la première moitié des années 1970, la Caisse collaborefinancièrement à la réalisation de deux projets très importants à Lévis, àsavoir la construction de l’aréna de Lévis en 1973 et celle du Centred’éducation physique (CEP) du Collège de Lévis l’année suivante. Pourchacun des projets, la Caisse populaire de Lévis accorde un don de50000$ qui est versé sur une période de dix ans. Cette pratique des sub-ventions importantes réparties sur quelques années n’est pas sans rappelerle don de 50000$ qu’avait voté l’assemblée générale des sociétaires en1965 pour favoriser la construction du centre culturel. L’heureuse formuleest reprise de temps à autre par la Caisse : 5000$ pour la rénovation del’église Notre-Dame (1980), 5000$ pour la rénovation de l’église Christ-Roi (1984), 25000$ pour la Fondation de l’Hôtel-Dieu (1984), 25000$ àla Fondation du Collège de Lévis (1985), 50 000 $ à la Société V.I.A.(1991), 25 000 $ à la Fondation de l’Hôtel-Dieu (1992), 30 000 $ à laFondation du Collège de Lévis (1996), 30000$ à la Fondation du Cégep

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

VISITE DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA, JULES LÉGER, EN 1977. DE GAUCHE

À DROITE, ON REMARQUE LAURENT BISSON, JULES LÉGER, Mme JULES LÉGER

ET GILLES DEMERS.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

Lévis-Lauzon (1996), 10000$ au Comité de revitalisation du Vieux-Lévis(1995-1996), 20000$ pour la restauration des grandes orgues Mitchell del’église Notre-Dame de Lévis (1999), etc.27.

Outre ces importantes contributions financières ponctuelles, laCaisse populaire de Lévis s’associe année après année à une multitude deprojets, d’organismes, de tournois, d’expositions, de conférences, d’activi-tés culturelles et philanthropiques, de fêtes populaires, etc. L’historien quitenterait de dresser la liste complète de ces dons en argent et en tempsserait amené à devoir passer en filigrane presque l’ensemble de l’histoiresociale de Lévis des trente dernières années. En bout de ligne, il ne pour-rait que constater l’association étroite et continue de la Caisse populairede Lévis à la vie de sa communauté. Il remarquerait aussi, sans doute, uneintensification très nette des activités de la Caisse dans le domaine socialmais aussi culturel et sportif sous la présidence de Gilles Demers (1977-1981) qui coïncide avec l’embauche, en mars 1977, d’un nouveau direc-teur, Laurent Bisson. Quelques mois après son arrivée, on crée, en novem-bre 1977, un nouveau service des communications qui prendra sonvéritable élan avec l’arrivée d’Alain Turgeon, en juillet 1978. Ce dernierdevient rapidement un lien important entre les sociétaires et la Caissepopulaire de Lévis. En tout et partout, cet employé consacre, encoreaujourd’hui, une bonne partie de son temps au rôle social de la coopéra-tive d’épargne et de crédit.

Les nombreux efforts des dirigeants et des employés de la Caissepour vivre au rythme de leur communauté attirent l’attention de laChambre de commerce de la province de Québec qui choisit, en janvier1986, la Caisse populaire de Lévis comme finaliste au concours desMercuriades dans la catégorie Action communautaire PME. Quelquesannées plus tard, en 1992, la Caisse remporte les grands honneurs auconcours du Mérite coopératif Desjardins dans deux catégories : lameilleure offre de service et la meilleure coopérative d’épargne et de cré-dit. Enfin, en 1994, la Ville de Lévis, lors du Salon de l’industrie, du com-merce et de la culture de Lévis, remet à la Caisse le Prix de l’excellencedans la catégorie des services privés. Ces honneurs rejaillissent inévitable-ment sur l’institution fondée par le Commandeur Alphonse Desjardins etviennent avaliser le principe émis par le directeur, Laurent Bisson, dans le85e rapport annuel de la coopérative : «Notre participation à la vie dumilieu fait partie intégrante de notre mission28».

* * *

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

À Lévis comme ailleurs, l’assemblée générale annuelle d’une caisseDesjardins est une composante incontestable de la vie associative.Souveraine, l’assemblée est délibérative sur la base du «un membre pré-sent un vote », mais c’est aussi un événement de solidarité locale, dumoins dans le cas de la Caisse populaire de Lévis.

En parcourant les procès-verbaux de la coopérative lévisienne, onse rend vite compte que l’ordre du jour de ces rencontres change peu etque les réunions conservent, au fil des années, les mêmes rituels : discoursdu président, présentation et adoption des rapports, partage des trop-perçus,période de questions, élections des administrateurs, etc. Normalement, letout se déroule rondement et les heurts sont rares. Soigneusement prépa-rées, les principales résolutions sont présentées par des personnes crédibleset, à l’occasion, par les Rosario Tremblay, Jean-Marie Gagnon, RenéCroteau, Oscar Mercure, tous des bâtisseurs du Mouvement Desjardinsmoderne. De plus, jusqu’en 1997, le petit-fils du fondateur, AlphonseDesjardins (fils de Raoul Desjardins), parraine plusieurs résolutions pre-nant ainsi le relais de la fille du Commandeur Desjardins, Albertine, quiavait agi de cette façon lors des années 1940, 1950 et 1960. De cettefaçon, le lien familial des Desjardins avec la coopérative est entretenupendant presque un siècle d’assemblées annuelles.

Entre 1970 et 2000, sept salles lévisiennes ont accueilli les réunionsde la Caisse populaire de Lévis. Durant les années 1970, elles se tiennentau sous-sol du siège social du 39, rue Guénette jusqu’en 1977, puis à l’édi-fice de l’Assurance-vie Desjardins, au Collège de Lévis, à l’écoleChampagnat, aux Galeries Chagnon et aux églises de Christ-Roi etNotre-Dame. En tout et partout, une quinzaine d’enceintes ont abrité lesassemblées de la Caisse au XXe siècle. Au niveau des statistiques, c’est lasalle paroissiale Saint-François-Xavier qui remporte la palme pour le plusgrand nombre de réunions, avec 19 assemblées consécutives entre 1932 et1949, suivie du Collège de Lévis avec 16. Malheureusement, les archivesde la Caisse sont silencieuses sur le site de cinq rencontres (1904, 1905,deux réunions en 1906 et 1907), ce qui rend malaisée, pour l’instant, lapublication d’un tableau complet couvrant l’ensemble du XXe siècle29.

Pour la période 1970-2000, les dirigeants de la Caisse ont fait deréels efforts afin d’attirer et d’intéresser les sociétaires aux assembléesgénérales annuelles : prix en argent (10$ en 1970 à 200$ en 1999), télé-diffusion de la réunion en 1981 et 1985, finale d’un concours d’art ora-

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

toire depuis 1991, nomination de membres bâtisseurs depuis 1991, serviced’autobus gratuit, goûter et rencontre avec les administrateurs. Résultat :depuis une vingtaine d’années, les assistances dépassent régulièrement500 personnes et le record, à la lumière des chiffres connus, est de1200 participants en 1993. Au niveau historique, la finale du concoursd’art oratoire des jeunes de la cinquième année du secondaire offre unparallèle intéressant avec les efforts des pionniers au début du siècle pourfaire de ce rendez-vous annuel une sorte d’événement culturel pour lalocalité. Quant aux nominations de membres bâtisseurs (tableau 5), le butvisé est de « souligner le travail remarquable» de certains membres au«bénéfice» de la Caisse populaire de Lévis30. C’est aussi une relance, plusou moins consciente, des honneurs attribués au début du siècle àAlphonse Desjardins (nommé président fondateur le 19 décembre 1911),à Mgr Louis-Nazaire Bégin (nommé patron de la Caisse populaire de Lévisle 19 décembre 1911), à Lord Grey (nommé président d’honneur le 20 dé-cembre 1911) et au curé François-Xavier Gosselin (nommé deuxième fon-dateur de la Caisse populaire de Lévis le 8 février 1926).

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

INTERVENTION DE RENÉ CROTEAU LORS DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE

DES SOCIÉTAIRES DE LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS AU MOIS DE MARS 1999.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

TABLEAU 5Membres bâtisseurs

Nominations depuis 19911991 Robert Gagnon1992 Oscar Mercure1993 Paul-Eugène Gosselin1994 Wilbrod Prémont1995 Rosario Tremblay1996 René Croteau1997 Noël Anctil1998 Vincent F. Chagnon1999 Céline Morin et Jacques Auger

En terminant, il est avisé de signaler que l’assemblée générale d’unecaisse Desjardins est parfois appelée à se prononcer sur une question spé-ciale ou extraordinaire qui touche directement le fonctionnement etl’avenir de la coopérative. Plutôt rares, ces débats fondamentaux demeu-rent toujours possibles et il incombe alors à l’assemblée de trancher démo-cratiquement le dilemme. Dans le cas de la Caisse populaire de Lévis, unsujet nous vient immédiatement à l’esprit : la fusion avec la Caisse popu-laire de Christ-Roi en 1982.

Du comptoir de Place Tanguay à la fusionavec Christ-Roi

La fusion, au printemps 1982, entre la Caisse populaire de Lévis et laCaisse populaire de Christ-Roi est, indubitablement, un événement mar-quant de l’histoire de la coopération à Lévis. Loin d’être une action inopi-née, ce mariage est davantage l’aboutissement final d’un long processusentretenu et encouragé par le développement de la zone commerciale ausud de la ville de Lévis. Pour bien comprendre, il faut imaginer le voisi-nage du «Rond-Point de Lévis» comme étant la troisième pointe d’untriangle où se concentre une part de plus en plus importante de l’activitécommerciale et économique lévisienne. Vu sous cet angle, ce secteurexerce un attrait sur toutes les institutions financières, y compris pour lesdeux caisses populaires de Lévis qui sont situées, grosso modo, aux deuxautres pointes de notre triangle imaginaire.

C’est donc principalement pour assurer la présence de la Caissepopulaire de Lévis dans cette florissante partie de la ville que les adminis-trateurs décident, au début des années 1970, d’ouvrir un comptoir à PlaceTanguay. En fait, lorsqu’ils prennent cette importante décision, les diri-geants insistent sur l’avantage pour la Caisse d’être «présente à un endroit

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

stratégique, lequel est à proximité des centres d’achats et du Rond-Pointde Lévis […]31». La stratégie porte fruit et le succès du comptoir est immé-diat. Par exemple, une notule interne fait mention de dépôts totalisant736500$ à l’été 1975, «soit une augmentation de 400000$ sur le mêmemois de l’année précédente32». À peine deux années plus tard, en 1977,les administrateurs de la Caisse populaire de Lévis ont en main une étudede marché et de rentabilité concernant le comptoir de Place Tanguay. Lesdonnées positives de cette recherche pavent la voie à l’achat par la Caisse,en février 1978, d’un terrain de 30337 pieds carrés qui est situé sur la routeKennedy entre la route du Vieux-Fort (aujourd’hui boulevard Étienne-Dallaire) et la route 132 (aujourd’hui boulevard de la Rive-Sud)33. Aveccette acquisition, le dessein du conseil d’administration est clair : pour-suivre l’expansion des activités de l’institution au sud de la ville.

Aussitôt l’achat conclu, on décide, séance tenante, d’informer lesadministrateurs de la Caisse populaire de Christ-Roi. C’est que cette der-nière institution est elle aussi présente dans le secteur du Rond-Point avecsa petite succursale nichée aux Galeries Chagnon depuis 1974. Une ren-contre entre les deux conseils est fixée au lundi 13 mars 1978. Peu dechose transpire de ce face-à-face. Tout au plus, on mentionne du côté de laCaisse populaire de Lévis, «que ce genre de rencontre est très prometteurpour l’avenir34». Les choses en restent là jusqu’en 1980, et aucune déci-sion n’est prise concernant l’utilisation du terrain de la route Kennedy.

Le 18 septembre 1980 – après une étude interne – le conseil d’ad-ministration de la Caisse populaire de Lévis mandate officiellement sonprésident, Gilles Demers, de faire «une première approche concernant unregroupement possible de nos deux caisses35». Étant donné l’intérêt initialmanifesté par la direction de Christ-Roi, quelques autres rencontres ontlieu à l’automne 1980. On constate alors d’emblée que les deux caissesdesservent un même territoire et que cela engendre une vive concurrenceentre elles. En plus, on souligne que le comptoir de Place Tanguay est situédans la paroisse de Christ-Roi et que celui de la Caisse populaire deChrist-Roi aux Galeries Chagnon est situé dans la paroisse Notre-Damede Lévis. Devant ces faits, les administrateurs constatent que «la paroissene peut plus servir de critère pour déterminer le territoire d’influence dechacune d’elles […]36».

Un comité conjoint – comité d’étude sur l’expansion – est formé audébut de l’année 1981. Son mandat est d’étudier trois scénarios : une uni-formisation de différents services des deux caisses, une opération

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

conjointe de centres de service, une fusion complète des deux caisses37.Après six mois d’étude, c’est l’option de la fusion qui est retenue par lecomité et, ensuite, par les administrateurs des deux coopératives. Restemaintenant à faire approuver l’idée par les sociétaires de celles-ci. Desassemblées générales spéciales sont convoquées le lundi 9 novembre 1981pour la Caisse populaire de Lévis et le mardi 10 novembre 1981 pour laCaisse populaire de Christ-Roi. À Lévis, 178 personnes votent «pour» et87 personnes votent «contre». Le lendemain soir, à l’autre bout de laville, le scrutin est encore plus décisif avec 213 sociétaires en faveur de lafusion contre 25 sociétaires en désaccord avec le projet. Le 4 décembre1981, c’est au tour du conseil d’administration de la Fédération de Québecd’approuver la fusion, qui sera officialisée légalement le 15 mai 1982, à lasuite d’un avis publié dans la Gazette officielle du Québec. Finalement, le2 juin 1982, le notaire Me Georges Laflamme signe, à son bureau de Saint-Romuald, la «déclaration de fusion», point final du dossier.

Au lendemain de la fusion, la « nouvelle » Caisse populaire deLévis redevient « la première et la plus grande du Québec38 », avec sesquelque 22000 sociétaires et son actif, au 30 novembre 1982, de 99M$.

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

SUCCURSALE DE LA CAISSE POPULAIRE DE CHRIST-ROI AUX GALERIES CHAGNON DURANT

LES ANNÉES 1970.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

En plus, l’union des deux caisses met un terme à leur concurrence larvéepour la prépondérance au sud de la ville de Lévis. Très rapidement, onferme le comptoir de Place Tanguay et on concentre dorénavant les acti-vités du sud de la ville aux Galeries Chagnon, « l’inévitable point deconvergence des Lévisiens39».

EMPLOYÉS ET DIRECTION

Prétendre que le milieu de travail de la Caisse populaire de Lévis a beau-coup changé depuis 1970 est presque un euphémisme. En effet, les chan-gements internes et extérieurs à la Caisse sont innombrables entre 1970 et2000, que ce soit au niveau du nombre des employés – de 19 employés en1970 à 135 en 1998 –, de l’organisation interne, du foisonnement des ser-vices, des progrès technologiques, des transformations de l’industrie desservices financiers, du resserrement des liens avec les échelons supérieursdu Mouvement Desjardins, etc. L’historien qui tente de scruter ces phéno-mènes constate rapidement que plusieurs de ces bouleversements rapidesdépassent largement le cadre d’une seule institution – par exemple, l’in-formatique ou encore le décloisonnement des institutions financières – etque le recul est insuffisant pour en tirer des conclusions autres que préli-minaires. Pour l’instant, il est donc beaucoup plus sage de relever les prin-cipaux faits qui affectent directement la régie interne de la Caisse popu-laire de Lévis entre 1970 et 2000.

Grosso modo, cette période de trente années peut être divisée endeux séquences aux contours non tranchés. D’un côté, les années 1970 et1980 sont caractérisées par la structuration des affaires internes, par l’inté-gration des deux caisses fusionnées et par les débuts de l’automatisationdu service courant. De leur côté, les années 1990 sont marquées par lapoursuite de l’automatisation et de la diversification du service courant,par un essor du service conseil et par des efforts notables au niveau de laformation des employés pour bien s’adapter à cet univers financier de plusen plus complexe.

L’augmentation constante du volume des opérations et l’implanta-tion de plusieurs nouveaux services forcent la direction de la Caisse àréévaluer en profondeur son fonctionnement interne durant les années1970. De la division classique entre le service d’épargne et le service decrédit, la Caisse se transforme en une organisation davantage comparti-mentée. Dès 1974, on commence à séparer physiquement les transactions

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

courantes de certains services spécialisés comme le dépôt à terme, l’achatde chèques de voyage, des plans d’épargne-retraite, etc. Désormais, cestransactions sont confiées à du personnel spécialisé dans ces domaines eton reçoit les sociétaires «plus discrètement40». Ce sont les premiers bal-butiements du service conseil. Quelques années plus tard, en 1979, lesadministrateurs de la Caisse approuvent une nouvelle division du systèmeadministratif en trois grands secteurs : services conseils, services courantset services administratifs. À ces trois sections, on greffe le service descommunications qui avait été créé en 1977 et on ajoute, en 1981, un ser-vice du crédit commercial. Ce nouvel organigramme est bien de sontemps et il reste en vigueur au moment de la fusion avec la Caisse popu-laire de Christ-Roi. En revanche, beaucoup d’énergie est consacrée à l’in-tégration des deux caisses populaires. Pilotée par le premier directeur de lanouvelle Caisse populaire de Lévis fusionnée, M. Louis Dussault, cettedélicate opération s’est déroulée «dans l’harmonie et l’efficacité41».

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

PREMIER CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS FUSIONNÉE (1982).DE GAUCHE À DROITE (1re RANGÉE): PAUL-EUGÈNE GOSSELIN, JACQUES AUGER,CÉLINE MORIN, EUGÈNE TURMEL, DORA MURPHY, PAUL-HENRI LECOURS; (2e RANGÉE):PIERRE SIMONEAU, LAURENT LÉTOURNEAU, RAYMOND VERRET, SIMON PERREAULT,RICHARD GAGNON, CAMILLE FORTIER, JEAN-GUY BILODEAU, CLAUDE BÉGIN.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

Outre l’amélioration constante de la structure organisationnelle etl’ajout constant de nouveaux employés, la décennie 1980-1990 voit arriverles premiers guichets automatiques (tableau 1). La finalité de cet équipe-ment «révolutionnaire» est de faire baisser la pression du côté du servicecourant qui est très achalandé car la Caisse compte au-delà de 20000 so-ciétaires. Cette arrivée des guichets automatiques atteste aussi le débutd’une tendance irréversible dans le secteur des services financiers : l’auto-matisation progressive du service courant. Cette idée est loin d’être nou-velle. Imaginez, la Caisse populaire de Lévis conserve dans ses archives unebrochure du XVIIIe Congrès des banques populaires de Belgique, tenu àBruxelles le 19 septembre 1897, annotée de la main d’AlphonseDesjardins où il est question «d’automates» placés dans les rues de Padoue,de Milan et d’Asti en Italie afin de recevoir les sous de l’épargne42. Idéeneuve ou non, l’automatisation du service courant poursuit sa marcheascendante tout au long des années 1980 et 1990.

Une des conséquences de la multiplication des transactions horssuccursales (guichets, paiement direct, Internet, téléphone) est une baissegraduelle de l’achalandage aux comptoirs qui, inévitablement, entraîneune diminution de l’effectif du secteur courant, surtout dans les années1990. Par contre, cette diminution est contrebalancée, en partie, par lacroissance des emplois du côté des services conseils aux particuliers et auxentreprises qui sont devenus très à la mode à la même époque. En effet,plus la décennie 1990-2000 avance, plus la Caisse populaire de Lévisdevient une «porte d’entrée qui donne accès à toute la gamme de produitset services des institutions du Mouvement Desjardins43», comme les assu-rances, les services fiduciaires, les fonds, le courtage de valeurs mobilières,etc. On assiste alors à une dissociation accentuée entre le service courantet le service conseil, et ce, dans l’ensemble de l’industrie des servicesfinanciers, comme l’explique le conseiller en communication duMouvement Desjardins, François Renaud:

Toute l’industrie s’en va vers une séparation de plus en plus netteentre les services transactionnels (soutenus par la technologie etl’automatisation) et les services conseils améliorés, privilégiant leface-à-face44.

Pour s’adapter à ce nouvel univers financier en gestation, la Caissepopulaire de Lévis – comme l’ensemble du Mouvement Desjardins –investit des énergies considérables, en argent et en temps, pour bien for-mer ses employés et pour moderniser ses équipements. Concrètement, ce

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

sont des milliers d’heures qui sont consacrés à la formation du personnelde la Caisse dans la dernière décennie des années 1900. Par exemple, en1992, 6000 heures sont affectées au perfectionnement des employés, dontplus de la moitié en dehors des horaires de travail. En 1998, il est questionde 7100 heures de formation. Au niveau de l’équipement, la Caisse popu-laire de Lévis embarque, en 1997, dans le train d’une vaste opérationréseau Desjardins baptisée «réingénierie». Cet important virage vise prin-cipalement à combler un retard en matière d’intégration informatique, àaméliorer les méthodes de travail, à simplifier le travail de bureau et àaccroître les services conseils à l’échelle du Mouvement Desjardins.

Voilà, en gros, les principaux événements ou phénomènes qui ontaffecté les employés de la Caisse populaire de Lévis entre 1970 et 2000.Comment ces transformations ont-elles été vécues? Malheureusement, ilest impossible de répondre à cette question sans faire une enquête appro-fondie. Une chose est certaine cependant : la fin des années 1900 estponctuée de changements profonds qui affectent l’ensemble du marché dutravail et les employés de la Caisse fondée par Alphonse Desjardins n’ensont pas exemptés.

Les directeurs

Comme toujours, le secrétaire-gérant – qu’on désigne sous le vocable de«directeur» à partir de 1973 – est au cœur de tous les changements impor-tants qui touchent, de près ou de loin, à la régie interne de la Caisse popu-

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

EMPLOYÉS DE LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS EN DÉCEMBRE 1999.

Source : Archives, Caisse populaire de Lévis.

laire de Lévis. Personnage clé, il est un véritable chef d’orchestre à l’inté-rieur des murs de l’institution et il représente aussi la principale courroiede transmission entre les employés et les dirigeants élus de la coopérative.Six personnes ont occupé ce poste entre 1970 et 2000 : Jean-MarieGagnon, Roger Beaudoin, André Desrochers, Laurent Bisson, LouisDussault et, enfin, Christian Champagne (tableau 6).

TABLEAU 6Gérants et directeurs de la Caisse populaire de Lévis 1900-2000

1. Alphonse Desjardins 1900-19202. Raoul Desjardins 1920-19413. Jean-Marie Gagnon 1942-19724. Roger Beaudoin 1972-19765. André Desrochers 1976-19776. Laurent Bisson 1977-19817. Louis Dussault 1982-19848. Laurent Bisson 1984-19989. Christian Champagne 1998-

Source: Archives de la CPL.

La période 1970-2000 s’ouvre avec l’abdication, à l’automne 1972,de Jean-Marie Gagnon. Dans une lettre de démission qu’il remet auxadministrateurs, il invoque l’état de santé précaire de son épouse, demême que les « nombreuses fatigues » accumulées « depuis quelques

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DE LÉVIS À NAZARETH (1970-2000)

ADMINISTRATEURS DE LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS EN 1999. DE GAUCHE À DROITE

(1RE RANGÉE): RENÉ BÉGIN, MICHEL PARÉ, MARIO SIROIS, GLADYS GALLAGHER, CLÉMENT

SAMSON, DENISE G. TURGEON, RAYMOND VERRET, CLAIRE AUGER, CHRISTIAN

CHAMPAGNE (DIRECTEUR GÉNÉRAL), GILLES BOURGET; (2E RANGÉE): RAYMONDE

FOURNIER, MARTIN BERGERON, JEAN-FRANÇOIS CÔTÉ, RICHARD GAGNON. ÉTAIENT

ABSENTS : CATRIN KRONSTRÖM, SYLVIANE MÉTIVIER ET JÉRÔME MERCIER.

années». C’est donc «à regret» que le conseil d’administration accepte leretrait de M. Gagnon qui était officiellement en poste depuis 1942. Lapassation des pouvoirs se fait en douceur avec la nomination, sur-le-champ, de Roger Beaudoin qui était l’assistant et le dauphin de Jean-Marie Gagnon depuis 1968. Toutefois, on retire au nouveau gérant nonélu son titre de secrétaire du conseil d’administration, qu’on confie plutôtà l’administrateur Gilles Demers45, afin d’être en règle avec les amende-ments apportés à la Loi des syndicats coopératifs en 1963. Ce changementest notable car, jusqu’à nouvel ordre, le gérant (puis le directeur) assisteraaux réunions du conseil d’administration à titre d’invité et non commemembre à part entière, comme c’était le cas depuis la fondation de laCaisse en 1900.

Le mandat de Roger Beaudoin est beaucoup plus court que celuide son prédécesseur. Souffrant de « sérieux troubles cardiaques »,M. Beaudoin meurt le 25 mai 1976. Encore une fois, le poste est offert àson assistant, André Desrochers, qui assurait l’intérim depuis plusieursmois à cause des problèmes de santé de Roger Beaudoin. Après quelqueshésitations, M. Desrochers accepte le poste en juin 1976. Malheureu-sement pour lui, il l’occupera que très brièvement. Jugeant «que son étatde santé n’étant pas suffisant», il remet sa démission au début de l’année1977. C’est le retour à la case départ. Mais, cette fois, il n’y a personne à laCaisse qui est prêt à prendre immédiatement la relève car, avec ces chan-gements subits et quasi successifs, la source interne s’est tarie.

Pour remédier à ce problème, les administrateurs décident d’ouvrir«un concours» et ils mandatent le Service du personnel de l’Union régio-nale de Québec pour procéder à l’affichage du poste dans les caisses popu-laires affiliées à ladite union. Un comité de sélection est vite constitué,des entrevues sont réalisées et le choix des interviewers est LaurentBisson, directeur de la Caisse populaire d’Orsainville. Sous la gouverne deLaurent Bisson, à partir du 7 mars 1977, on assiste non seulement à uneprofessionnalisation accrue de la direction de la Caisse, mais encore à unrenforcement frappant de l’influence et du rôle exercés par le directeurlors des réunions du conseil d’administration. Le 15 avril 1977, il estnommé «secrétaire-adjoint» du conseil d’administration de la Caisse, cequi fait de lui un participant à part entière aux délibérations du conseil, etnon pas un invité. Ses débuts sont fulgurants : élaboration d’un plan detravail, programme complet de publicité, étude organisationnelle et plani-fication de la main-d’œuvre, feuillet d’information, politique des dons

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

locaux. Voilà les principales initiatives qu’il concocte dès sa premièreannée, jetant ainsi les bases d’une solide organisation dont on perçoitencore les effets vingt ans plus tard. Inutile de dire que les administrateursde la Caisse se félicitent de leur sélection. Dans le rapport annuel de la finde l’année 1977, le président, Gilles Demers, souligne l’arrivée de sonnouveau directeur en ces termes:

Monsieur Bisson a d’emblée conquis l’adhésion de tous nos adminis-trateurs et nous sommes sous l’impression qu’il a depuis acquis cellede nos sociétaires. Son enthousiasme, sa compétence et son dévoue-ment en font un des appuis majeurs de notre Caisse46.

Laurent Bisson dirige avec succès les activités de la Caisse popu-laire de Lévis pendant quatre ans et demi avant de quitter, en septembre1981, pour assumer la direction de la Fédération de la Péninsule et desÎles. Au moment de son départ, il laisse derrière lui «une situation parfai-tement claire et bien organisée» et ce, à l’aube de la fusion avec la Caissepopulaire de Christ-Roi. C’est un triumvirat, formé de Claude Perreault,Denis Couture et Muriel Gallichand, qui assure l’intérim à l’automne1981, au moment où l’on attend et constate les résultats positifs des votesdes assemblées générales concernant la fusion des deux caisses populaireslévisiennes.

C’est au directeur de la Caisse populaire de Christ-Roi que revientl’honneur d’être le premier directeur général – cette appellation apparaîten 1979 – de la Caisse populaire de Lévis fusionnée. En réalité, LouisDussault prend officiellement les commandes du nouveau vaisseau le25 janvier 1982, c’est-à-dire quelques mois avant l’approbation formellepubliée dans la Gazette officielle du Québec du 15 mai 1982. Le premier défiqui l’attend est de taille : l’intégration des Caisses de Lévis et de Christ-Roi. Par conséquent, la plupart de ses interventions initiales sont dédiées àl’organisation des nouvelles structures administratives et à la descriptiondes tâches des employés. Les réunions sont nombreuses, plusieurs comitéss’activent et, «malgré certaines petites difficultés», le navire accoste à bonport47. Une fois cette opération terminée, Louis Dussault se laisse char-mer par d’autres perspectives ; cette fois hors des murs de la Caisse.Profitant de ses liens avec l’ancien président de la Caisse populaire deChrist-Roi, l’homme d’affaires Jacques Auger, Dussault quitte son posteen juillet 1984 pour établir un restaurant à Chambly.

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Comme en 1977, c’est par un «concours» qu’on décide de comblerle poste vacant sauf que, cette fois, l’emploi est offert simultanément àl’intérieur et à l’extérieur du Mouvement Desjardins. En tout, le comité desélection reçoit 18 candidatures. Au terme du processus, c’est LaurentBisson qui est choisi, celui-là même que les administrateurs avaient laissépartir « bien à regrets » trois années auparavant. Connaissant bien lacaisse, M. Bisson réintègre très rapidement son ancien milieu de travail etdevient un acteur incontournable de même qu’un «digne porte-étendard»du Mouvement des caisses Desjardins jusqu’à sa retraite au début de l’an-née 1998. Durant son second mandat de quatorze années, l’actif de laCaisse populaire de Lévis a plus que doublé, passant de 113M$ en 1984 à285M$ en 1997. Il a aussi habilement guidé l’institution coopérative lorsd’une ère de profondes transformations dans l’industrie des services finan-ciers, tout en préservant les acquis de son illustre passé. Après son départ,l’intérim est assuré par le directeur des services administratifs, ChristianChampagne. Deux gros dossiers requièrent immédiatement son attention:le passage à l’an 2000 (le «bogue» informatique) et le centenaire de lafondation de la Caisse populaire de Lévis. Enfin, le 29 novembre 1999,M. Champagne est nommé officiellement directeur général de la Caissepar les administrateurs élus de l’institution quasi centenaire.

SERVICES FINANCIERS ET COMITÉ DES CAISSES DE LA CITÉ DESJARDINS

Au chapitre précédent, il fut question de «l’incroyable diversification desservices» offerts par la Caisse populaire de Lévis durant les années 1960.Eh bien! il est quasiment inutile de dire que cette tendance lourde s’estpoursuivie et même incroyablement accélérée depuis, surtout dans ledomaine des services financiers. Épargne à terme à renouvellement auto-matique, régime d’épargne-actions, intérêt quotidien, parts permanentes,programme jeunesse, fonds de placement, valeurs mobilières, REER,REEE, FERR, épargne par virements automatiques, placement combiné,compte de retraite immobilisé, dépôt direct, Visa Desjardins, marge decrédit, crédit commercial, prêt-dépannage, assurances, etc. Cette «courte» liste ne vise pas à décourager le lecteur mais à lui démontrer l’incroyabledédale que représente l’étude des services financiers contemporains. Enrésumé, on est très loin de l’époque de l’épargne ordinaire, des partssociales et de la prédominance des prêts hypothécaires. Par conséquent,étudier en profondeur ces multiples changements serait très long et relève

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

plutôt de l’actuaire que de l’historien. Mieux vaut alors, pour cette périoderécente, dégager quelques événements ou faits qui touchent particulière-ment la Caisse populaire de Lévis.

La multiplication des formes d’épargne a permis à la coopérativelévisienne d’accroître son actif considérablement entre 1971 et 1999(tableau 7). Bien sûr, l’environnement économique relativement prospèrede Lévis y est pour beaucoup dans ces excellents résultats, mais il ne fautpas négliger non plus le travail assidu des employés responsables del’épargne surtout lors des années 197048, alors que l’actif de la Caisse triplelittéralement.

TABLEAU 7Actif – Caisse populaire de Lévis 1971 à 1999

Année Actif1971 15 M$1972 19 M$1973 24 M$1974 26 M$1975 27 M$1976 33 M$1977 40 M$1978 45 M$1979 47 M$1980 50 M$1981 59 M$1982 99 M$1983 107 M$1984 113 M$1985 124 M$1986 133 M$1987 147 M$1988 159 M$1989 177 M$1990 193 M$1991 218 M$1992 242 M$1993 249 M$1994 269 M$1995 286 M$1996 294 M$1997 285 M$1998 293 M$1999 316 M$

Source: Rapports annuels de la CPL.

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En 1982, c’est la fusion avec la Caisse populaire de Christ-Roi quipropulse d’un seul coup l’actif de l’institution de 59M$ à 99M$. Par lasuite, l’actif croît constamment jusqu’en 1997 où l’on note une légèrechute qu’on attribue à «la baisse des taux d’intérêt qu’ont connue les typesd’épargne traditionnels49». Cette baisse des rendements de l’épargne ordi-naire et des dépôts à terme amène une partie des sociétaires à privilégierles fonds de placement et les valeurs mobilières, faisant croître ainsi lesactivités financières «hors bilan» où la Caisse populaire de Lévis agit àtitre d’intermédiaire entre ses membres et des entités extérieures.

Toujours au chapitre de l’épargne, il est intéressant de mentionnerque la Caisse est assidûment présente dans les écoles de Lévis par l’entre-mise de la caisse scolaire. Le but : éduquer les jeunes aux bienfaits del’épargne et courtiser ceux qu’Alphonse Desjardins appelait les « futurscitoyens» qui seront, aussi, les sociétaires de demain. À l’inverse il fautnoter, pour l’histoire, la dissolution au début des années 1970 des caissesde dotation et de prévoyance – parentes naturelles de la caisse populaire –victimes de la baisse de la pratique religieuse de la société québécoise.Finalement, il est intéressant de souligner l’immense succès, depuis 1989,des parts permanentes dont le rôle est d’accroître la capitalisation de lacaisse, tout en lui permettant de conserver sa structure coopérative. Cetteréussite contraste avec le reste du Mouvement Desjardins où les parts per-manentes ont connu un succès mitigé50.

Du côté du crédit, le mot diversification est aussi à l’honneur. Ilfaut se rappeler que les années 1960 se terminaient par un assouplissementde la politique de la Caisse envers le crédit à la consommation. Cetteorientation est maintenue et même mise de l’avant durant les années1970. En 1976, la direction affirme publiquement avoir l’intention «demettre davantage l’accent sur les prêts personnels, tout en invitant lesemprunteurs à bien planifier leurs dépenses51». Quelques années plus tard,en 1981, la Caisse s’attaque à un autre segment du marché qui est inex-ploité par elle, en engageant un analyste en crédit commercial, Jean-MarcMorin. Les objectifs principaux de l’institution sont de s’associer aux gensd’affaires de Lévis et de contribuer au développement local. Avec de telsjalons, ce nouveau service du crédit commercial n’est pas sans rappeler lesnotions de «crédit productif» et de «développement local» qui étaient siimportantes aux yeux d’Alphonse Desjardins. Quoi qu’il en soit, le nou-veau service est un succès. À peine une décennie plus tard, le «service auxentreprises» de la Caisse populaire de Lévis est l’un des plus importants à

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l’intérieur du réseau des caisses Desjardins. En effet, au 2 novembre 1992,on dénombre 610 comptes emprunteurs, 773 comptes non emprunteurset 100M$ d’actif52.

Malgré ces ouvertures au crédit à la consommation et au créditcommercial, il est utile de dire que les prêts hypothécaires occupent tou-jours une place importante à la Caisse populaire de Lévis. Par contre, lademande est moins forte que pour la période de l’après-guerre où, rappe-lons-le, le Canada entamait une période de rattrapage dans le secteur de laconstruction résidentielle après une longue période de stagnation engen-drée par la crise économique des années 1930 et par la Seconde Guerremondiale. Entre 1970 et 2000, la Caisse doit donc faire de réels effortspour maintenir et même occuper une plus large place dans ce marchédevenu très compétitif. Des campagnes publicitaires sont orchestrées aumilieu des années 1980 pour promouvoir les prêts hypothécaires car,contrairement aux décennies précédentes, l’offre de crédit de la Caisseexcède la demande. Ces offensives remportent un vif succès. Par exempleen 1987, la coopérative fondée par Desjardins affiche une hausse de20,6% de ses prêts hypothécaires53.

Les prêts personnels, les prêts hypothécaires et le crédit commercialsont donc les trois grandes branches de la politique de crédit de la Caissepopulaire de Lévis en cette fin des années 1900. En plus, les années 1990sont marquées par la disparition, en 1997, de la commission de crédit, parun ralentissement de l’épargne traditionnelle et, finalement, par une accélé-ration du traitement de certaines demandes de prêts pour contrer la concur-rence. En effet, des mécanismes ultrarapides permettent maintenant de trai-ter les demandes de prêts automobiles et hypothécaires en un clin d’œil,comme l’explique le directeur général de la Caisse, Christian Champagne,dans une entrevue qu’il accordait au journal Le Soleil en mars 1999:

Depuis deux ans, nous avons mis en place avec les autres caisses de laRive-Sud un centre de financement automobile où le vendeur chezun concessionnaire peut demander un prêt auto et obtenir uneréponse en dedans d’une heure. C’est un service semblable pour leprêt hypothécaire. Un agent d’immeuble peut présenter unedemande d’emprunt hypothécaire pour son client et obtenir uneréponse dans les 24 heures les jours de semaine54.

Au-delà de la très grande rapidité de ces mécanismes de prêts, cequi éveille la curiosité dans cet extrait, c’est la mention que ces services

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sont offerts en collaboration « avec les autres caisses de la Rive-Sud ».À quelles institutions M. Champagne fait-il allusion ? Et quelle est lastructure qui chapeaute cette collaboration? Les caisses en question sontla Caisse populaire de Lévis, la Caisse populaire Desjardins de Lauzon, laCaisse populaire Desjardins de Bienville, la Caisse populaire Desjardins deSaint-David, la Caisse populaire Desjardins de Pintendre, la Caisse popu-laire de Saint-Henri, la Caisse populaire Desjardins du Collège de Lévis, laCaisse des travailleurs de l’enseignement de Louis-Fréchette. Ce regrou-pement est connu sous l’appellation suivante : Caisses de la CitéDesjardins.

La genèse de cette démarche d’intercoopération remonte au com-mencement des années 1970. Le 27 novembre 1971, une assemblée géné-rale spéciale de l’Union régionale de Québec est convoquée pour discuter,entre autres choses, «de l’uniformisation des taux d’intérêt sur les épargnestant ordinaires que stables et des dépôts à terme ». L’entente entre lescaisses étant difficile à réaliser pour l’ensemble du territoire de l’Union, onpropose «en dernier ressort» de tenir des réunions de secteurs «afin de dis-cuter plus à fond cette question55». D’ailleurs, les années 1970 sont ponc-tuées de ces rencontres entre la Caisse populaire de Lévis et ses voisines dela Rive-Sud. Par contre, les résultats sont minces. Au mois de mai 1979, leprésident de la Caisse, Gilles Demers, admet aux autres administrateurs, àla suite d’une réunion avec les caisses de Lauzon, Sainte-Bernadette,Bienville, Christ-Roi et Saint-David, «qu’il y a beaucoup de travail à faireafin que ces caisses en arrivent à jouer un rôle d’intercoopération entreelles». Toutefois, il se dit «quand même optimiste pour l’avenir56».

Le déblocage attendu et espéré survient l’année suivante. Deux fac-teurs sont à l’origine de ces progrès vers une plus grande intercoopérationentre les caisses de la Rive-Sud : la concurrence « ruineuse » entre lescaisses qui profite aux succursales bancaires installées à Lévis et un cycleéconomique difficile. Le 25 février 1980, sept caisses populaires des envi-rons annoncent une entente au sujet d’un «service commun» concernantle financement automobile. Les sept coopératives sont la Caisse populairede Lévis (initiatrice du projet), la Caisse populaire de Sainte-Bernadette,la Caisse populaire de Lauzon, la Caisse populaire de Bienville, la Caissepopulaire de Christ-Roi, la Caisse populaire de Saint-David et la Caissepopulaire de Pintendre. Cet accord sectoriel entre les caisses du grandLévis pave la voie à d’autres démarches. En effet, l’année 1980 est jalon-née de nombreuses réunions qui conduisent à deux journées d’étude, les

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LA CAISSE POPULAIRE DE LÉVIS

17 et 18 octobre, auxquelles participent plusieurs dirigeants de six caissespopulaires de la Rive-Sud (Lévis, Lauzon, Bienville, Christ-Roi, Saint-David et Sainte-Bernadette). Cette grande rencontre a pour but principald’étudier les avantages de l’intercoopération57.

Le 9 mars 1981, on annonce officiellement la naissance du«Comité des Caisses populaires de la Cité Desjardins» qui regroupe, dansune association aux contours assez lâches, les six institutions qui avaientparticipé aux journées d’étude des 17 et 18 octobre 1980. Les débuts del’affiliation sont timides au point où, en 1986, le conseil d’administrationde la Caisse populaire de Lévis adopte, le 15 décembre, une résolution quiévoque les cinq principaux buts du Comité des Caisses populaires de laCité Desjardins :

1. De s’organiser ensemble pour affronter l’avenir avec le plus d’ef-ficacité possible, de la façon la plus profitable pour tous nosmembres.

2. De renforcer notre image au niveau régional par la communica-tion et la participation à des événements spéciaux.

3. D’échanger entre directeurs sur des idées ou des prises de posi-tions communes.

4. D’offrir à nos sociétaires des services uniformes dans la mesuredu possible.

5. De pratiquer l’intercoopération dans les faits58.

« Voilà le plan. Maintenant comment le faire accepter par lesCaisses […]?» Cette vieille question que se posaient Alphonse Desjardinset son collègue l’abbé Grondin, lorsqu’ils élaboraient leur projet de fédéra-tion59, aurait pu être ajoutée intégralement à la fin de cette résolution du15 décembre 1986. Mais, depuis 1986, des progrès sensibles vers cet idéalont été accomplis : quelques commandites intégrées, certaines publicitéscommunes, uniformisation des frais d’utilisation des services, ajoutd’autres caisses populaires au groupe, publication de bulletins d’informa-tion, achats de groupe, changement de nom en Caisses de la CitéDesjardins et, peut-être, une nouvelle fusion60…

* * *

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Telle est la situation à la veille des célébrations entourant le centenairede la fondation de la première coopérative d’épargne et de crédit enAmérique du Nord. Au terme de ce dernier chapitre, on constate quel’œuvre de l’illustre Alphonse Desjardins continue toujours de fasciner etd’attirer des personnes qui ont à cœur le développement matériel et moralde leur localité. «Il ne me reste plus qu’à exprimer le désir et l’espoir quevos enfants de la génération qui se lève marchent sur les nobles traces deleurs pères et de leurs aïeux […]61.» Que ce souhait général énoncé par lecuré de Notre-Dame de Lévis, François-Xavier Gosselin, lors des fêtes deson cinquantième anniversaire de prêtrise en 1919, trouve toujours unécho auprès des futurs dirigeants, employés et sociétaires de la Caissepopulaire de Lévis.

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