chapitre iii digestion, absorption et métabolisme des
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CHAPITRE III
Digestion, absorption et métabolisme des lipides chez
l’homme
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I- Caractéristiques des lipides
Les lipides sont présents dans l’alimentation tels que le beurre, l’huile, les matières grasses, mais
aussi le chocolat et bon nombre de produits manufacturés. Les lipides ingérés sont constitués à 98%
de triglycérides (TG), le reste étant représenté par le cholestérol (CT), les phospholipides (PL) et
les esters des vitamines liposolubles (A, D, E, K). Les lipides alimentaires peuvent être cachés:
lipides de constitution des aliments comme les viandes, poissons, charcuteries, œufs, lait, fromages,
fruits tels que les noix, amandes, cacahuètes ou ceux qui sont incorporés pour la préparation des
plats cuisinés, biscuits, pâtisseries, confiseries chocolatées ou visibles: tous les corps gras servant à
assaisonner, tartiner ou cuisiner comme les huiles végétales, vinaigrettes, mayonnaises et sauces,
beurre, pâtes à tartiner, margarines. Les TG sont des triesters de glycérol et d’acides gras, lesquels
peuvent être des:
- acides gras saturés (AGS), qui ne contiennent pas de double liaison. Ex: acide palmitique (16:0);
acide stéarique (18:0)
- acides gras mono- insaturés (AGMI), contenant une seule double liaison. Ex: acide
palmitoléique (16:1); acide oléique (18:1)
- acides gras polyinsaturés (AGPI), contenant deux, trois (ou plus) de doubles liaisons. Il existe 2
familles d’AGPI, nommés respectivement: n-6 et n-3 sans transformation métabolique de l’une à
l’autre et sans substitution fonctionnelle possible de l’une à l’autre. Les précurseurs de ces 2
familles d’AGPI sont des acides gras indispensables ou essentiels: soit l’acide linoléique (C18: n-6
ou ω6) et l’acide linolénique (C18: n-3 ou ω3). L’acide linoléique donne naissance à l’acide
arachidonique (20:4 n-6) et l’acide linolénique donne naissance à l’acide eicosapentaénoïque (EPA,
20:5 n-3) et à l’acide docosahexaénoïque (DHA, 22: 6 n-3).
Les constituants mineurs comprennent essentiellement les PL, lipides complexes, et constituants
non glycéridiques tels que la vitamine E (α-tocophérol), les phytostérols (matières grasses
végétales) ou le Cholestérol (matières grasses d’origine animale), les caroténoïdes, les phénols.
II-Apports nutritionnels conseillés en lipides
Les nutritionnistes recommandent que 30 à 35 % de la ration énergétique globale soient apportés
par les lipides. Les besoins globaux sont d’environ 80 g/j chez l’homme adulte dont l’apport
énergétique total (AET) est de l’ordre de 2200 Kcal/J et de 66 -70 g/j chez la femme adulte, dont
l’AET est de l’ordre de 1800 Kcal/J.
Chez l’homme adulte, les besoins en :
- AGS: 19,5 g/j soit 8 % de l’AET
- AGMI: 49 g/j soit 20 % de l’AET
- Acide linoléique (C18: 2 n-6): 10 g/j, soit 4 % de l’AET
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- Acide linolénique (C18: 3 n-3): 2 g/j soit 0,8 % de l’AET
- Acides Gras Polyinsaturés Longue Chaine: 0,5 g/j soit 0,2 % de l’AET dont DHA = 0,12 g/j soit
0,05 %.
Chez la femme adulte, les besoins en :
- Acides gras saturés (AGS) sont de 16 g/j soit 8 % de l’AET
- Acides gras mono-insaturés (AGMI) sont de 40 g/j soit 20 % de l’AET
- Acide Linoléique est de 8 g/j soit 4 % de l’AET
- Acide Linolénique est de 1,6 g/j soit 8 % AET
- Acides Gras Polyinsaturés –Longue Chaine: 0,4 g/j soit 0,2 % dont DHA 0,1 g/j soit 0,05 %.
Plus globalement, ces recommandations peuvent s’exprimer comme suit :
AGS : 25 % de l’apport lipidique total
AGMI : 60 % de l’apport lipidique total
AGPI : 15 % de l’apport lipidique total
Le rapport optimal n-6/n-3 est d’environ 5
Apport en Cholestérol : La cholestérolémie est peu influencée par le cholestérol exogène. C’est
seulement entre 100 et 300 mg/jr de cholestérol alimentaire (1 jaune d’œuf apporte 300mg), en
association avec d’autres mesures diététiques (avec notamment la limitation des AGS) que l’on
obtient une diminution significative et linéaire (au maximum de 10-15%) de la cholestérolémie. Les
recommandations limitant l’apport de cholestérol exogène ne sont donc justifiées que pour la
population présentant une hypercholestérolémie.
III-Rôle physiologique des lipides
Les corps gras alimentaires ont plusieurs rôles physiologiques :
1- Sources d’énergie (1g de lipides apporte 9 kcal, 37,6 kJ) ; les huiles végétales ont toutes la même
valeur énergétique. Parmi les acides gras (AG), ce sont principalement les AGS et secondairement
les AGMI qui assurent ce rôle énergétique.
2- Rôle structural important: constituants des membranes de nos cellules sous forme de
phospholipides.
3- Précurseurs de prostaglandines et de leukotriènes : Ces composés jouent un rôle important dans
la coagulation du sang, l’agrégation plaquettaire, la fonction rénale, les phénomènes inflammatoires
et immunitaires.
4- Certains AG comme l’acide linoléique (C18: 2 n-6) et l’acide α-Linolénique (C18: 3 n-3) ont une
place essentielle car ils sont indispensables et l’homme est incapable de les synthétiser. Il doit donc
les trouver en quantité suffisante dans son alimentation. Ces deux acides gras appartiennent à la
classe des AGPI, étant chacun respectivement chef de fil des séries d’AGPI dites (n-6 ou ω6, oméga
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6) et (n-3 ou ω3, oméga 3). Ces acides gras précurseurs sont transformés par le métabolisme en
dérivés actifs à longue chaîne, plus insaturés : l’acide arachidonique (C20:4 ω6) à partir de l’acide
linoléique et les acides eicosapentaénoïque (EPA, C20:5 ω3) et docosahexaénoïque (DHA, C22 :6
ω3) à partir de l’acide α-linolénique.
IV- Digestion des lipides
Les TG alimentaires ne sont pas absorbés tels qu’ils sont. Ils doivent être dégradés durant le
processus de digestion. La dégradation et l’absorption des lipides dans le tube digestif (salive,
estomac et surtout intestin) se déroulent en 3 étapes:
- Emulsification des lipides, c’est - à- dire leur dispersion sous forme de gouttelettes dans un milieu
aqueux grâce aux sels biliaires (SB).
- Hydrolyse des lipides à l’interface lipides/eau par des lipases dans l’estomac et dans le duodénum.
- Solubilisation des produits de lipolyse sous forme de micelles mixtes de sels biliaires et de
vésicules pour favoriser l’absorption par l’entérocyte.
- Transport des nutriments lipidiques vers les différentes cellules utilisatrices sous forme de
lipoprotéines.
IV-1-Emulsification des graisses
L’arrivée des lipides dans l’intestin induit la sécrétion d’une hormone intestinale, la
cholécystokinine-pancréatozymine (CCK-PZ) qui à son tour stimule la contraction de la vésicule
biliaire et la sécrétion de la bile. Les SB permettent l’émulsification des graisses ce qui rend les
lipides plus accessibles à la lipase pancréatique. Il est à noter que les SB sont issus de la
conjugaison des acides biliaires avec les sels de Na+, K
+ et les acides aminés. Les SB vont jouer le
rôle de détergents (agent de surface) pour solubiliser les lipides dans la phase aqueuse du chyle.
Les SB sont amphiphiles avec un domaine hydrophile (acide aminé conjugué) et un domaine
lipophile (cholestérol). Ils vont devoir rompre les gouttelettes lipidiques. Une émulsion est un
mélange hétérogène de deux substances liquides non miscible comme l’eau et l’huile.
L’émulsification consiste à disperser l’une des substances (ici les lipides) dans l’autre (la phase
aqueuse) sous forme de petites gouttelettes. Le mélange reste stable grâce à un troisième analyte
appelé émulsifiant qui joue un rôle de tensioactif (ici les sels biliaires). Certaines lipides
alimentaires sont naturellement émulsionnés (lait).
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Figure 36: Formation de l’interface Eau-huile en présence des SB et Emulsification des TG
IV-2- Dégradation des lipides alimentaires
Il y a au moins 3 lipases qui interviennent dans la digestion des lipides. La lipase salivaire est la
première enzyme hydrolysant les TG en milieu salivaire. Ensuite les TG sont hydrolysées par la
lipase gastrique. Environ 10-30 % de la digestion des lipides se fait dans l’estomac en présence
de la lipase gastrique qui hydrolyse les TG à chaîne courte (moins de 10-12 atomes de
carbone) présents surtout dans le lait et les produits lactés. Il semble que son rôle soit assez
important dans l’initiation de la lipolyse pancréatique. La lipase gastrique est plus active chez le
nourrisson et le petit enfant dont les organes comme le pancréas et la vésicule biliaire ne sont pas
encore suffisamment matures. Le reste soit 70 à 90 % se fait dans l’intestin sous l’action de la
lipase pancréatique (LP).
IV-2-1- La lipolyse pancréatique
Le pancréas exocrine est l’organe majeur impliqué dans la digestion des lipides. Le suc
pancréatique contient trois enzymes lipolytiques différentes ayant chacune leur spécificité:
– la lipase pancréatique est l’enzyme principale. Elle hydrolyse les triglycérides à chaine longue
(TGCL) qui sont largement majoritaires dans l’alimentation.
– la colipase qui active la lipase pancréatique
– le cholestérol estérase qui hydrolyse les esters du cholestérol
– les phospholipases A1, A2 qui hydrolysent les phospholipides
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La LP libère 2 AG et 1 monoglycéride (MG) à partir d’une molécule de TG. Elle agit à l’interface
huile-eau créée par une émulsification préalable des TG. Cette émulsification est obtenue d’abord
par la motricité antropylorique puis de façon beaucoup plus fine par les SB qui vont solubiliser les
lipides de l’alimentation afin de pouvoir être efficace, son activité est alors multipliée par 1000.
Outre la nécessité de l’émulsification, la LP requiert l’action de la colipase. La colipase forme avec
les SB et la LP un complexe ternaire dans lequel la colipase ancre la LP dans l’interface tapissé de
SB en lui permettant l’accès à son substrat, les TG. Le pH optimal d’activité de la lipase
pancréatique est entre 6 et 8 en présence des SB. In vivo, on estime que la LP permet d’hydrolyser
70 à 80 % des TG de l’alimentation (Figure 37). Il faut une destruction ou une amputation de plus
de 80 % du pancréas pour voir apparaître une stéatorrhée par maldigestion des graisses. Le
cholestérol estérase n’agit pas à l’interface huile-eau mais sur des substrats en solution. Les esters
de cholestérol (CE) sont hydrolysés par le cholestérol estérase pancréatique en libérant les AG.
Elle a une action préférentielle sur les CE et les esters des vitamines A et E en présence de SB.
Figure 37: Action de la lipase pancréatique et absorption des lipides
IV-2-2-Digestion des Phospholipides par les phospholipases A1 et A2
Les phospholipases A1 et A2 hydrolysent les PL en libérant les AG et le lysophospholipide. Les SB
dispersent les produits de l’hydrolyse des lipides qui vont former les micelles. La phospholipase A2
est la plus active donnant principalement des «lyso-phospholipides» (AG en C2 libéré). La
phospholipase A2 est sécrétée sous forme de pro enzyme, et est activée dans le duodénum par la
trypsine. Tout comme la LP, elle requiert l’interface huile-eau pour être active, et est donc
dépendante de l’action préalable des SB. Elle catalyse spécifiquement l’hydrolyse de la liaison ester
d’AG située en position 2 (interne) sur la molécule de phospholipide (Figure 22).
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Figure 38: Action de la phospholipase A2 au C2 et Phospholipase A1 au C1
IV-2-3-Propriétés de la lipase pancréatique
La LP est directement sécrétée sous forme active
Son activité optimale est observée lorsque le pH est entre (6-7) dans la région duodéno-
jéjunale
Enzyme d’interface; spécificité de position
Ne peut pas rester accrochée sur son substrat sans la colipase à cause de l’action détergente
des sels biliaires
Hydrolyse les graisses très rapidement et se trouve secrétée en excès
Détruite à pH acide (pH<3)
Protégée par les sels biliaires d’une inactivation protéolytique
V-Absorption et métabolisme des lipides
Les micelles permettent le passage en milieu hydrophile de substances lipophiles vers la bordure
en brosse par endocytose. Au niveau structural, la fraction polaire des molécules les plus solubles
est tournée vers l'extérieur et forme, avec les SB une "enveloppe" contenant les composés les plus
insolubles. Une vue générale sur la digestion et l’absorption des TG, PL et CT est présentée à la
figure 39.
Chaque jour, environ 80 g de lipides sont absorbés à partir de l’intestin grêle, principalement au
niveau du jéjunum. Les AG, les MG, le CT, les PL (lysolécithine) et les vitamines liposolubles
quittent les micelles pour entrer dans les entérocytes. Ces composés libérés de micelle diffusent
alors passivement à l’intérieur des entérocytes sauf pour les SB qui restent dans la lumière
intestinale où ils participent à la formation de nouvelles micelles ou être réabsorbés dans l’iléon
pour subir un recyclage entéro-hépatique. Toute perturbation du métabolisme des acides biliaires
(cholestase, pullulation microbienne, etc.) aboutit à une malabsorption des graisses, soulignant leur
importance dans la digestion et l’absorption des lipides. Les constituants lipidiques et les vitamines
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liposolubles diffusés dans l’entérocyte sont alors recomposés en grosse molécule hétérogène
appelée chylomicrons (1ère
des lipoprotéines). Les chylomicrons (CM) sont composés en grande
partie de TG résynthétisés dans les entérocytes. Les AGL sont pris en charge dès leur entrée dans
l’entérocyte par deux protéines spécifiques liant les acides gras appelées liver fatty acid binding
protein (L-FABP) et intestine-fatty acid binding protein (I-FABP). L’I-FABP assure le transport
intra-entérocytaire des AGL de plus de 12 C. La L-FABP sert de « réservoir » d’AGL en attendant
leur transport. Les AGL de plus de 12 C sont réestérifiés en TG dans le réticulum endoplasmique
par l’acyl-CoA-synthétase.
Figure 39 : vue générale de la digestion et de l’absorption des Triglycérides, phospholipides et
cholestérol
V-1-Formation des CM et sortie de l’entérocyte
Dans le réticulum endoplasmique lisse, les TG sont reformés par réestérification des MG, les PL
sont résynthétisés et le cholestérol est ré estérifie en bonne partie. Les TG résynthétisés sont
rejointes par les PL, les EC, le cholestérol libre (CL), les vitamines liposolubles et les protéines
(Apoprotéines) pour former les CM dans l’entérocyte. Les CM vont quitter les cellules intestinales
par exocytose à l’intérieur des espaces intercellulaires latéraux. De là, ils pénètrent dans les
chylifères des villosités et quittent l’intestin par voie lymphatique pour rejoindre la circulation
veineuse par le canal thoracique. La composition des CM est présentée dans la Figure 40.
– Cas particulier des triglycérides à chaîne moyenne (TGCM) : les TGCM diffèrent fortement
des TG à chaîne longue (TGCL). En effet, ils sont beaucoup plus hydrosolubles que les TGCL. Ils
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n’ont donc pas besoin des sels biliaires pour diffuser à travers la membrane entérocytaire,
expliquant pourquoi ils peuvent être donnés en cas de malabsorption par carence en acides biliaires.
Ils sont par ailleurs hydrolysés beaucoup plus rapidement par la lipase pancréatique que les TGCL.
En intra-entérocytaire, les AGCM ne sont pas ré-estérifiés en TG, l’acyl-CoA-synthétase n’ayant
pas d’affinité pour les acides gras de moins de 12 C. Ils n’entrent pas dans la composition des
CM et quittent l’entérocyte par le système porte (sang capillaire). Cette dernière caractéristique
explique que les TGCM soient les seuls lipides autorisés en nutrition orale ou entérale en cas de
dysfonctionnement du canal thoracique (chirurgie de l’aorte). Les AGCC et AGCM sont absorbés
directement à partir des entérocytes vers le sang capillaire par diffusion passive sans passer par
les CM.
Figure 40 : Composition et métabolisme des Chylomicrons
V-2-Devenir des CM et des lipoprotéines
Les CM ont une durée de vie très courte dans la circulation sanguine. Ils sont des lipoprotéines de
grande taille composées surtout de TG et initialement de l’apoprotéine (apo B48). L’apo A-I et
l’apo A-IV sont également associées aux CM. Dans la circulation, les CM captent des apoprotéines
complémentaires, l’apo E et les apo C, à partir d’autres lipoprotéines, notamment les HDL. Les TG
des CM sont hydrolysées en MG et AGL sous l’action de la lipoprotéine lipase (LPL) qui est
localisée à la surface de l’endothélium des capillaires sanguins, essentiellement du tissu adipeux,
du cœur, des muscles et de la mamelle en période de lactation. Les CM se transforment alors en
particules de plus petites tailles, plus denses, relativement plus riches en protéine, cholestérol et
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phospholipides donnant un résidu appelé chylomicrons résiduels “chylomicrons remnants ”. Au
cours de ce processus d’hydrolyse, les PL qui sont libérés s’associent à l’apo A-I pour former des
HDL naissantes. Les CM résiduels “chylomicron remnants ” sont rapidement épurés par le foie
mais également par d’autres tissus tels que la moelle osseuse ou le muscle. Leur épuration se fait
par le biais de récepteur. Après modification par la LPL, les CM remnants sont absorbés dans le
foie. A ce niveau, tous les esters sont hydrolysés, les composés restants constituent avec des
substances synthétisées de manière endogène par le foie (ex: acides gras à partir du glucose) une
réserve disponible. Ainsi les lipides du foie inutiles dans l’immédiat sont assemblés avec des Apo et
forme le VLDL (very low density lipoprotein, lipoprotéine pré-ß à l’électrophorèse). Les VLDL
subissent par ailleurs, une hydrolyse continue par la LPL. Cependant, les VLDL ont une demi-vie
de 1 à 3 h, plus longue que les CM. La plupart des AG libérés à partir des VLDL servent de TG de
réserve au niveau du tissu adipeux ou de source d’énergie dans le muscle (Figures 41, 42).
Figure 41: Formation des VLDL, LDL et redistribution des Apoprotéines
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Figure 42: Interaction et échanges entre CM, VLDL, HDL et LDL
Les résidus restants des VLDL appelé IDL (Intermediary Density Lipoprotein) seront transformés
en LDL (Low density lipoprotein, lipoprotéine ß à l’électrophorèse) riche en CE qui le transporte
du foie vers tous les tissus. Le CT est essentiellement estérifié d’un AG insaturé décroché des PL
par une enzyme appelée " Lécithine-Cholestérol-Acyl-Transférase (LCAT), synthétisée par le foie
(Figure 43).
Figure 43: Estérification du cholestérol par un AGPI décroché de PL sous l’action de LCAT
et libération de lysolécithine.
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Grâce à une endocytose médiée par un récepteur, les LDL sont absorbées dans la plupart des tissus
et servent de fournisseur de CE pour répondre aux besoins cellulaires en CT. Le LDL véhiculent
alors le CE du foie vers les autres tissus. Les HDL synthétisées par le foie reçoivent le CE et les
lysolécithine en excès et assurent ainsi le retour du CE vers le foie (voie de retour) et son
élimination par voie biliaire. Les HDL naissantes ont une structure discoïdale composée d’une
couche unique repliée sur elle-même, de molécules de phospholipides, de cholestérol et
d’apolipoprotéines. L’origine des HDL est mixte, tissulaire et plasmatique : - le foie sécrète des
HDL discoïdales essentiellement composées d’apo E ; dans la circulation les replis formés à partir
des éléments de surface des chylomicrons et des VLDL, lors de l’hydrolyse des triglycérides,
représentent une source importante d’HDL discoïdales contenant principalement des apoA-I et
apoC. Les HDL discoïdales riches en phospholipides peuvent s’enrichir en molécules de cholestérol
qu’elles soustraient aux cellules périphériques. Une enzyme plasmatique la Lécithine Cholestérol
Acyl-Transférase (LCAT) estérifie ces molécules excédentaires de cholestérol qui cessent
d’appartenir à l’enveloppe périphérique des HDL et migrent au centre des édifices, transformant les
HDL discoïdales en HDL3 sphériques. Les HDL3 à leur tour sont capables de capter des molécules
de cholestérol membranaire et après nouvelle action de la LCAT se transforment en édifices de plus
en plus riches en esters de cholestérol. Les HDL2 ainsi obtenues ont une densité plus légère et un
diamètre plus grand que les HDL3. La captation du cholestérol membranaire par les HDL réalise ce
que l’on appelle le transport « reverse » du cholestérol car les HDL2 ainsi formées sont en grande
partie reconnues et dégradées dans les cellules hépatiques par l’intermédiaire de récepteurs qui
reconnaissent les apoA-I présentes dans la structure des HDL. Le cholestérol ainsi retourné au foie
est éliminé dans la bile ou dégradé en acides biliaires. Dans ce transport « reverse » de cholestérol,
seules certaines HDL ne contenant pas d’apoA-II mais constituées d’apoA-I, appelées lipoparticules
LpA-I, sont capables d’induire ce mouvement du cholestérol hors des cellules (Figure 44).
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Figure 44 : Formation et métabolisme des HDL : noter le rôle important de LCAT dans
l’estérification du CT.
Sur le plan structural, les CM sont les plus grands (75 à 1200 nm) et les moins denses (d<0.93). Les
TG représentent 86% de leur masse, les protéines 2%, le CT et les PL formant le reste. L’apo B48
est leur principale apoprotéine. Les VLDL transportent les TG hépatiques. Elles sont plus petites
(30 à 80 nm) que les CM et un peu plus dense (0.93 à 1.006). Elles contiennent 92% de lipides
répartis en 55% de TG, 18% de PL et 19% de CT. Les protéines représentent 8% de leur masse. Les
IDL qui sont formées au cours de la lipolyse des VLDL et les LDL sont plus petites (25 à 35 nm et
18 à 25 nm) et plus denses (1.006 – 1.019 et 1.019 – 1.063) que les VLDL. Les protéines
représentent 19 et 22% de leur masse totale. Le CT et CE représente 40 à 50 % de la masse des
lipides. L’apo B100 est la principale protéine des VLDL, IDL et LDL. Les HDL sont les plus
petites (5 à 12 nm) et les plus denses (1.063 à 1.21). Les protéines constituent 40 à 55% de leur
masse totale, les PL (lysolécithine principalement) et le CE forment le reste. Les apos A-I et A-II
sont les principaux apos des HDL. L’apo A-I est indispensable à la formation des HDL. L’apo A-II
est quantitativement le second apo des HDL (Figures 45, 46). La Lp(a) représente une classe
particulière composée d’une molécule de LDL complexée par un pont disulfure à l’apo(a).
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Figure 45 : Nomenclature des lipoprotéines
Figure 46 : Fonction de différentes lipoprotéines
V-3-Les enzymes
En définitive, 3 enzymes jouent un rôle central dans le métabolisme des lipoprotéines plasmatiques:
- La Lipoprotéine lipase (LPL) est synthétisée dans de nombreux tissus mais plus particulièrement
dans le tissu adipeux et les muscles striés. Elle se fixe à la surface des cellules endothéliales d’où
elle exerce ces effets métaboliques. La principale fonction de la LPL est d’hydrolyser les
triglycérides des VLDL et des chylomicrons. Les acides gras libérés au cours de ce processus sont
captés par les tissus pour leur besoin métabolique. L’apolipoprotéine CII est un cofacteur
indispensable à cette réaction. Inversement, l’apolipoprotéine CIII aurait une action inhibitrice. Dans
le tissu adipeux, la synthèse de la LPL est stimulée par l’insuline. Des mutations ou invalidations de
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son gène sont responsables d’une accumulation massive de CMs dans le compartiment sanguin
(dyslipémie de Type I).
-La lipase hépatique (LH) : la structure de la LH est proche de celle de la LPL. Elle est synthétisée
par le foie et reste localisée dans cet organe à la surface des cellules endothéliales des capillaires.
Elle assure l’hydrolyse des IDL en LDL et celles HDL2 en HDL3 ou pré-ß1 de taille plus réduite.
- La LCAT: elle est synthétisée par le foie. Dans le compartiment sanguin, elle s’associe aux HDL
où elle catalyse l’estérification du cholestérol libre, capté à la surface des cellules, avec les AGPI
décrochés des PL (lécithine). Le CE formé au cours de cette réaction est incorporé dans le corps de
la lipoprotéine. Les apoprotéines A-I, A-IV et CI activent cette réaction.
V-4-Les récepteurs
Plusieurs récepteurs membranaires interviennent dans le métabolisme des lipoprotéines.
• Le LDL-récepteur (ou récepteur B/E) est synthétisé dans la cellule et après une glycosylation, il
migre au niveau membranaire dans des zones spécialisées appelées “ puits recouverts ” (Figure 47).
Le LDL-récepteur (ou récepteur B/E) reconnaît l’apo B100 et l’apo E des LDL et IDL. L’apo B48
n’est pas reconnu par ce récepteur. L’interaction du récepteur avec le LDL stimule l’internalisation
du complexe ainsi formé. Les lipoprotéines captées par le récepteur sont dégradées et leurs
différents composants sont recyclés. Le CE ainsi libéré est hydrolysé en CL libre dont le niveau
intracellulaire provoque une série de réaction de régulation :
- Il bloque l’activité de l’HMG-CoA reductase, l’enzyme limitante de la synthèse endogène du
cholestérol à partir de l’acétate.
- Il active l’ACAT (Acétyl Coenzyme A Cholesterol Transferase) permettant ainsi de stocker
l’excès de cholestérol libre sous forme d’esters et il réprime l’expression du gène du LDL-
récepteur. L’ensemble de ces mécanismes assure l’homéostasie du cholestérol intracellulaire. Les
mutations du gène de ce récepteur sont responsables de l’hypercholestérolémie familiale.
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Figure 47 : LDL Récepteur et régulation de l’homéostasie du Cholestérol
- Les récepteurs « scavenger » de classe A sont essentiellement présents sur les macrophages. Il en
existe différents types qui peuvent capter les LDL essentiellement lorsqu’elles sont modifiées par
des phénomènes d’oxydation. Ces récepteurs présentent la particularité, contrairement aux LDL-
récepteurs, de ne pas être régulés par le contenu intracellulaire de CT. Ils sont ainsi toujours
présents et fonctionnels à la surface des cellules, ce qui peut conduire à un excès d’accumulation
lipidique à l’origine des cellules spumeuses, point de départ de l’athérosclérose.
- Les lipoprotéines résultant du catabolisme des CM et des VLDL par la LPL sont rapidement
captées par le foie par l’intermédiaire de l’apo E et de récepteurs cellulaires spécifiques (LRP, LDL-
Receptor Related Protein) qui reconnaît l’apo E mais pas l’apo B100 qui ne contribue pas à cette
épuration (Figure 48).
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Figure 48: Récepteurs Scavenger et phénomènes d’oxydation
V-5-Les protéines de transfert
Dans le compartiment sanguin, les lipides des lipoprotéines sont échangés entre les différentes
lipoprotéines. Des protéines de transfert assurent ces échanges.
- La CETP (Cholesterol Ester-Transfer Protein) catalyse le transfert réciproque des molécules des
TG et de CE entre les HDL et les CM ou les VLDL. Les CE sont transférés des HDL vers les
VLDL et les TG dans le sens inverse. La synthèse a lieu principalement au niveau hépatique mais
également dans l’intestin, le tissu adipeux et les surrénales.
- La PLTP (Phophoslipid Transfer Protein) assure le transfert rapide et spécifique des PL entre les
lipoprotéines. Son expression est ubiquitaire suggérant des fonctions dans de nombreuses voies
métaboliques.
- Contrairement à la CETP et à la PLTP qui sont présente dans le compartiment sanguin, la MTP
(Microsomial Triglyceride Transfert Protein) est une protéine intracellulaire. Elle assure, dans les
tissus de synthèse des lipoprotéines (foie et intestin) la formation intracellulaire des lipoprotéines.
Elle catalyse la formation des VLDL en réunissant l’apo B sécrétée par le réticulum endoplasmique,
les TG endogènes et des CE. Dans les déficits congénitaux de cette protéine (abetalipoprotéinémie)
les concentrations de VLDL, LDL et d’apolipoprotéine B plasmatiques sont effondrées.
VI-Absorption des vitamines liposolubles
Les vitamines A, D, E et K
diffusion dans les micelles et les lipides
absorption augmentée par la présence d’acides biliaires et de lipides
diffusion passive à travers la bordure en brosse de l’épithélium
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accumulation dans les chylomicrons
transport par la lymphe vers le sang
VII-Malabsorption des graisses
Déficience biliaire : Absorption des triglycérides moins touchée
Insuffisance pancréatique : Absorption de l’ensemble des lipides est touchée
Atrophie intestinale : Malabsorption des graisses: Stéatorrhée
La Stéatorrhée est la présence de graisses non digérées dans les fèces. Elle est associée à
une augmentation de la motricité et des modifications de la muqueuse intestinale.