bulletin mensuel de l’institut musulman - n° 5 - mars 2016 · colloque de l’uoif - m.amar...

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1 A fin de nous sauver et de sauver le pays du radicalisme, l’appel à la religion, au bon sens et à la volonté divine ne sont pas de trop pour nous aider. La réflexion sur la Réforme attendue depuis des décennies par de nombreux régimes (par exemple, le sultanat d’Abdulhamid) et de nombreux penseurs récents et anciens ( Al Kawakibi, Al-Afghani, Mohamed Abuh, les Ulamas de l’Islam, Mohammed Arkoun etc.) attendent, selon la formule consacrée, leur « luther ». Une simple réflexion, tirée du Coran lui-même, peut montrer la voie : « La Piété ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Elle consiste à croire en Dieu, au jour dernier. » (Coran II-127) « Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Seuls ceux qui sont doués d’intelligence se souviennent. » (Coran 39-9) « Ceci est un message (Le Coran) afin qu’ils se souviennent qu’il n’y a qu’un Dieu unique et afin que ceux qui sont doués d’intelligence s’exhortent. » (Coran 14-52) « Hâ-Mim ! Par le Livre explicite, nous avons fait un Coran arabe afin que vous raisonniez. » (Coran 43-123) La raison humaine, invoquée souvent dans le Coran en même temps que l’intelligence, la croyance et la foi occupent une place majeure dans la pensée religieuse de l’Islam. Maintes fois invoquée comme soutien de la foi par Averroès et bien d’autres auteurs depuis le calife abbasside Al Mamoun qui favorisa tant le mouvement mutazilite rationaliste du IX e siècle, le recours à la raison fut souvent à l’origine de renaissance (Nahda), d’éveils sociaux (révolutions dans le monde) et de l’acquisition de droits nouveaux pour l’homme comme pour la femme, assurant toujours plus d’harmonie et de tolérance entre les peuples. « La raison peut parler de la foi en suivant ses propres lois. La théologie devient alors l’Intelligence de la foi. » Cette définition de l’harmonie entre la foi et la raison - ou thomisme – décrit dans le Larousse des Religions de 2005 par Dominique Chivot, n’est pas sans rappeler la consécration de la Double Vérité d’Averroès (Ibn Rushd) dans son Fasl al Maqal dont nous trouverons plus loin un résumé. De nombreux penseurs musulmans persistent aujourd’hui à oublier le lien ténu entre raison et Islam. Combien reprochent aux Musulmans de ne pas vivre avec leur temps ? Combien de nos Frères pensent que l’Islam et la modernité ne peuvent s’unir ? Or, le jugement n’a pas de valeur s’il se trouve hâtif, sans une connaissance approfondie du sujet qu’il traite hic et nunc. Dans l’Evangile, Saint Mathieu interroge : « Ne jugez point afin de n’être point jugé et l’on se servira de vous comme vous aurez jugé. D’où vient que tu vois la paille qui est dans l’œil de ton frère tandis que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil ? » La providence divine nous a fait tels que l’on est, différents et pourtant si semblables les uns des autres. « Si Dieu l’avait voulu il aurait fait de vous une seule et même communauté. Mais par le don qu’il vous a fait, il a voulu vous éprouver. » (Coran V-44) En effet , l’un des éléments qui constituent le propre de l’espèce humaine est la capacité à raisonner et à toujours chercher la perfectibilité du jugement ainsi que de la connaissance du monde. On retrouve cet appel à la lumière et la clairvoyance dans les trois grandes religions monothéistes, qui tissent leur message commun à destination des Hommes. « Quiconque fut aveugle dans ce monde sera aveugle dans l’autre ». (Coran 17-72) Ainsi, l’illumination divine concerne toutes les prophéties, toutes les croyances révélées et l’ensemble des âmes pures : « Nous avons en vérité révélé la Thora où se trouvent une direction et une lumière. « Nous avons envoyé à la suite du prophète Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qui était avant lui dans la Torah. Nous lui avons donné l’Evangile où se trouvent une direction et une lumière. Nous t’avons ( ô Muhammed) révélé le Coran pour confirmer ce qui existait du Livre avant lui en le préservant de toute altération. » (Coran, X, La Table) Nos lecteurs pourraient trouver profit à s’interroger sur cet appel des religions à la raison humaine, tout comme ils trouveront bénéfice à s’ouvrir à la pensée des auteurs précédemment cités qui jalonnent toute la démarche des religions et celle des musulmans en particulier afin de ne pas avoir peur de l’avenir, ni le progrès humain ni la modernité. C’est en effet le but que nous poursuivons au sein de la Grande Mosquée et de l’Institut Al Ghazali. En l’honneur de ce mystique et grand théologien, auteur de la Reviviscence des sciences de la religion – ouvrage qui vante le privilège de la raison dans l’étude théologique –, nous tenons à éveiller notre communauté et plus particulièrement les jeunes. La Raison est un don de Dieu. Grâce à notre capacité à raisonner, l’Homme dispose de la « préférence divine » par rapport à toutes les autres créatures, hormis les anges. C’est refuser ce don exceptionnel que de ne pas en faire usage. Recteur Dalil Boubakeur Bulletin mensuel de l’Institut Musulman - n° 5 - Mars 2016 Editorial : La nécessité de Réforme SOMMAIRE Actualités de la Mosquée p 2 Point de vue p 3 Prèches du vendredi p 4 Histoire et civilisation p 6 Textes et contes arabes p 11

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Afin de nous sauver et de sauver le pays du radicalisme, l’appel à la religion, au bon sens et à la volonté divine ne sont pas de trop pour nous aider. La réflexion sur la Réforme attendue depuis des décennies par de nombreux régimes (par

exemple, le sultanat d’Abdulhamid) et de nombreux penseurs récents et anciens ( Al Kawakibi, Al-Afghani, Mohamed Abuh, les Ulamas de l’Islam, Mohammed Arkoun etc.) attendent, selon la formule consacrée, leur « luther ». Une simple réflexion, tirée du Coran lui-même, peut montrer la voie : « La Piété ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Elle consiste à croire en Dieu, au jour dernier. » (Coran II-127)« Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Seuls ceux qui sont doués d’intelligence se souviennent. » (Coran 39-9)« Ceci est un message (Le Coran) afin qu’ils se souviennent qu’il n’y a qu’un Dieu unique et afin que ceux qui sont doués d’intelligence s’exhortent. » (Coran 14-52)« Hâ-Mim ! Par le Livre explicite, nous avons fait un Coran arabe afin que vous raisonniez. » (Coran 43-123)

La raison humaine, invoquée souvent dans le Coran en même temps que l’intelligence, la croyance et la foi occupent une place majeure dans la pensée religieuse de l’Islam. Maintes fois invoquée comme soutien de la foi par Averroès et bien d’autres auteurs depuis le calife abbasside Al Mamoun qui favorisa tant le mouvement mutazilite rationaliste du IX e siècle, le recours à la raison fut souvent à l’origine de renaissance (Nahda), d’éveils sociaux (révolutions dans le monde) et de l’acquisition de droits nouveaux pour l’homme comme pour la femme, assurant toujours plus d’harmonie et de tolérance entre les peuples.« La raison peut parler de la foi en suivant ses propres lois. La théologie devient alors l’Intelligence de la foi. » Cette définition de l’harmonie entre la foi et la raison - ou thomisme – décrit dans le Larousse des Religions de 2005 par Dominique Chivot, n’est pas sans rappeler la consécration de la Double Vérité d’Averroès (Ibn Rushd) dans son Fasl al Maqal dont nous trouverons plus loin un résumé.

De nombreux penseurs musulmans persistent aujourd’hui à oublier le lien ténu entre raison et Islam. Combien reprochent aux Musulmans de ne pas vivre avec leur temps ? Combien de nos Frères pensent que l’Islam et la modernité ne peuvent s’unir ? Or, le jugement n’a pas de valeur s’il se trouve hâtif, sans une connaissance approfondie du sujet qu’il traite hic et nunc.Dans l’Evangile, Saint Mathieu interroge : « Ne jugez point afin de n’être point jugé et l’on se servira de vous comme vous aurez jugé. D’où vient que tu vois la paille qui est dans l’œil de ton frère tandis que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil ? »

La providence divine nous a fait tels que l’on est, différents et pourtant si semblables les uns des autres. « Si Dieu l’avait voulu il aurait fait de vous une seule et même communauté. Mais par le don qu’il vous a fait, il a voulu vous éprouver. » (Coran V-44)

En effet , l’un des éléments qui constituent le propre de l’espèce humaine est la capacité à raisonner et à toujours chercher la perfectibilité du jugement ainsi que de la connaissance du monde. On retrouve cet appel à la lumière et la clairvoyance dans les trois grandes religions monothéistes, qui tissent leur message commun à destination des Hommes.« Quiconque fut aveugle dans ce monde sera aveugle dans l’autre ». (Coran 17-72)Ainsi, l’illumination divine concerne toutes les prophéties, toutes les croyances révélées et l’ensemble des âmes pures :« Nous avons en vérité révélé la Thora où se trouvent une direction et une lumière. « Nous avons envoyé à la suite du prophète Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qui était avant lui dans la Torah. Nous lui avons donné l’Evangile où se trouvent une direction et une lumière.Nous t’avons ( ô Muhammed) révélé le Coran pour confirmer ce qui existait du Livre avant lui en le préservant de toute altération. » (Coran, X, La Table)Nos lecteurs pourraient trouver profit à s’interroger sur cet appel des religions à la raison humaine, tout comme ils trouveront bénéfice à s’ouvrir à la pensée des auteurs précédemment cités qui jalonnent toute la démarche des religions et celle des musulmans en particulier afin de ne pas avoir peur de l’avenir, ni le progrès humain ni la modernité. C’est en effet le but que nous poursuivons au sein de la Grande Mosquée et de l’Institut Al Ghazali. En l’honneur de ce mystique et grand théologien, auteur de la Reviviscence des sciences de la religion – ouvrage qui vante le privilège de la raison dans l’étude théologique –, nous tenons à éveiller notre communauté et plus particulièrement les jeunes. La Raison est un don de Dieu. Grâce à notre capacité à raisonner, l’Homme dispose de la « préférence divine » par rapport à toutes les autres créatures, hormis les anges. C’est refuser ce don exceptionnel que de ne pas en faire usage.

Recteur Dalil Boubakeur

Bulletin mensuel de l’Institut Musulman - n° 5 - Mars 2016

Editorial : La nécessité de Réforme

SOMMAIREActualités de la Mosquée p 2Point de vue p 3Prèches du vendredi p 4Histoire et civilisation p 6Textes et contes arabes p 11

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1er février 2016 : Rencontre avec Cheikh Moussa Touré, Président de la Fédération Française des Associations Islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA)

4 fevrier 2016 : Dans un souci constant de cohésion et de progrès dans tout ce qui touche à la vie des musulmans, les représentants des trois grandes mosquées de France, Kamel Kaptan, Recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Khalie Merroun, Recteur de la Grande Mosquée d’Evry Courcouronne, Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris et le président du CFCM, Anouar Kbibech se sont réunis ce 4 février à la Grande Mosquée de Paris.

9 février 2016 : Déjeuner avec M. David de Rothschild qui fut l’occasion d’assurer et d’affirmer le lien fraternel entre les communautés juives et musulmanes de France.

6 février 2016 : Participation au Colloque annuel de l’UOIF au Palais des Congrès à Paris sur le thème : « Crises : Quelles Alternatives face aux peurs ?». Le Recteur et les représentants d’institution ont réaffirmé leur engagement dans la lutte contre le terrorisme et le radicalisme.

24 février 2016: Visite de courtoisie de M. Arnaud Schaumasse, nouveau chef du Bureau central des cultes au Ministère de l’Intérieur qui remplace M. Pascal Courtade appelé à d’autres fonctions.

Colloque de l’UOIF - M.Amar Lasfar, Dr. Djeloul Sedikki (représentant du Recteur Dalil Boubakeur)

Grande Mosquée de Lyon

Grande Mosquée d’Evry Courcouronne

Grande Mosquée de Paris

Actualités de la Mosquée

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Le traité décisif

Dans l’objectif de réforme de la pensée du culte musulman, nous souhaitons porter à la connaissance de nos lecteurs un texte du XIIe siècle résolument moderne : Le traité décisif d’Averroès et particulièrement sa loi de double vérité.

Cette somme philosophique a été portée à la connaissance des membres du Collège de France, peu aux faits de la pensée musulmane, au XIX par Ernest Renan. L’Orientaliste ayant consacré sa thèse aux travaux d’Averroès expose les travaux de celui qu’il nomme « l’Aristote arabe » devant le docte public du Collège de France et en exalte la modernité ainsi que l’originalité qui valurent au philosophe andalou une longue postérité au sein de la pensée théologique de son temps. On l’ignore souvent mais Saint Thomas d’Aquin, Siger de Barbant, Boèce, Michael Scott se réclament de l’averroïsme.

Loin de tout obscurantisme, Averroès fait de la science et de la foi deux entités parfaitement compatibles puisque toutes deux sont l’œuvre de Dieu. La connaissance rationnelle, scientifique, la quête de la Vérité n’est en rien opposée à la foi car toutes deux s’entre nourrissent dans la pensée humaine. La religion musulmane, qu’Averroès pratiquait, est particulièrement représentative de ce lien entre spiritualité et raison. Il énonce cette complémentarité en ces termes :

« Les uns donnent leur assentiment à la démonstration ; l’assentiment que ceux-ci donnent à la démonstration, d’autres l’accordent aux arguments dialectiques, leur caractère ne comportant rien de plus ; enfin, l’assentiment que les premiers donnent aux arguments démonstratifs, d’autres l’accordent aux arguments oratoires. Donc, puisque notre divine Loi religieuse appelle les hommes par ces trois méthodes, elle doit obtenir l’assentiment général de tous les hommes, excepté ceux qui la désavouent de bouche, par obstination, ou qui, par insouciance, n’offrent pas prise aux méthodes par lesquelles la Loi religieuse appelle au Dieu Très-Haut. C’est pour cela qu’il a été spécifié au sujet du Prophète (sur lui soit le salut !), qu’il était envoyé vers le blanc et le noir, je veux dire parce que sa Loi contient les diverses méthodes pour appeler au Dieu Très-Haut. C’est ce qu’exprime clairement cette parole du Très Haut : « Appelle dans la voie de ton Seigneur par la sagesse (hikma) et les exhortations bienveillantes et, en discutant avec eux, emploie les moyens les plus convenables. »SI ces préceptes religieux sont de bon aloi, et s’ils invitent à la spéculation qui conduit à la connaissance de l’Etre Veritable, nous savons donc, nous, musulmans, d’une façon décisive, que la spéculation fondée sur la démonstration ne conduit point à contredire les enseignements donnés par la Loi divine. Car la vérité ne saurait être contraire à la vérité : elle s’accorde avec elle et témoigne en sa faveur. »

Nous encourageons nos frères et nos sœurs à méditer ces quelques lignes, porteuses d’une foi éclairée et savante, digne de la Raison que Dieu a offert aux Hommes pour satisfaire leur soif de Vérité et de spiritualité.

Point de vue

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Histoire et civilisationHistoire et civilisationLa reconnaissance

Parmi les devoirs du cœur, il y a lieu de remercier Allah pour Ses bienfaits. La reconnaissance repré-sente la moitié de la foi. Comme dit le hadith : « La foi est moitié patience (sabr) et reconnaissance (shûkr) »Allah nous a ordonné la reconnaissance en disant : « remerciez-moi et ne soyez pas ingrats envers moi »La reconnaissance est un devoir pour deux motifs :

1-La continuité des grâces. De par la reconnaissance les bienfaits s’accroissent. Si l’on n’est pas recon-naissants, les bienfaits divins diminuent.2-Comme dit le Coran : « Et lorsque votre Seigneur proclama si vous êtes reconnaissants, très certaine-ment j’augmenterai mes bienfaits pour vous » Il faut savoir que le Diable a juréde de détourner les gens de la reconnaissance. Comme dit le Coran : « Puis je les assaillirai de devant de derrière de leur droite et de leur gauche et pour la plupart tu ne les trouveras pas reconnaissants »

On peut réaliser la reconnaissance avec :

1-La satisfaction qui rapporte le bonheur dans les deux demeures. C’est la belle vie qui est mention-née dans le verset coranique : « Quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne œuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie. Et Nous les récompenserons, certes, en fonction des meilleures de leurs actions ». Et d’après Abou Houreira (qu’Allah l’agrée), le Prophète (que la prière d’Allah et son salut soient sur lui) a dit: « Ô Abou Houreira fait preuve de wara’ (*) tu sera ainsi le plus adorateur des gens. Sois satisfait de ce qu’Allah t’a donné, tu seras ainsi le plus riche des gens. Aime pour les musulmans et les croyants ce que tu aimes pour toi et pour les membres de ta famille et déteste pour eux ce que tu détestes pour toi et pour les gens de ta famille tu seras ainsi un croyant. Pratique un bon voisinage ainsi tu seras un musulman. Et fais attention à ne pas trop rire car l’excès de rire tue le cœur » .2-La méditation sur les vraies grâces d’Allah, telles que la santé et la paix selon le hadîth rapporté par Al-Tirmidhî : « Celui qui est en bonne santé, qui est en bonne sécurité chez lui, qui a les moyens de sub-sistance, a récolté tous les bien de ce bas monde »Il faut comprendre que cette vie n’est pas éternelle. Elle est la demeure d’épreuves. Elle est mêlée de bonheur et de malheur, du mal et du bien

3 - Il faut toujours regarder les gens qui se trouvent dans des situations plus graves. Ceci apaise les cœurs et procure de la quiétude. D’après Abou Houreira (qu’Allah l’agrée), le Prophète (que la prière d’Allah et son salut soient sur lui) a dit: « Regardez ceux qui sont au dessous de vous et ne regardez pas ceux qui sont au dessus de vous. Ceci afin que vous ne minimisiez pas les bienfaits d’Allah sur vous ».»

L’amour d’Allah

Nous vivons dans un champ d’épreuve. Allah dit « Celui qui a créé la mort et la vie afin de vous éprouver (et de savoir) qui de vous est le meilleur en œuvre ». Notre vie est courte on doit la remplir par les adorations et les actes de religion et surtout progresser dans les degrés suprême de la religion. Ces degrés sont les étapes les plus hautes dans l’ado-ration Ils consistent à : se fier à Allah, à croire en la crainte et l’espérance, l’ascèse, la satisfaction, la patience et la reconnaissance, le repentir et l’amour. Tous ces degrés avec lesquels Allah a éprouvé les prophètes comme Ibrahim a été éprouvé par la confiance en Allah, Moïse par la patience, Jésus par l’ascèse...L’amour d’Allah, c’est l’attachement du cœur et l’in-clinaison du cœur envers celui qu’on aime Allah dit : « Dis : “Si vos pères, vos enfants, vos frères, vos épouses, vos clans, les biens que vous gagnez, le négoce dont vous craignez le déclin et les demeures qui vous sont agréables, vous sont plus chers qu’Allah, Son messager et la lutte dans le sen-tier d’Allah, alors attendez qu’Allah fasse venir Son ordre. Et Allah ne guide pas les gens pervers ”. »

Les raisons qui poussent instinctivement à aimer de Dieu :

1- L'amour de Dieu ne peut se réaliser que par la connaissance. En effet, quiconque connait Son Seigneur comme il se doit ne peut que l’aimer, et quiconque l’aime ne peut que lui obéir et l’adorer. 2- L’Homme par nature aime sa propre personne, ce qui devrait impliquer l’amour de Celui qui est la cause de son existence. Celui qui nous a sorti de la non-existence du néant et mené à l’existence, de l’incapacité impuissante à la puissance et la vigueur, de l’ignorance à la connaissance « Comment pou-vez-vous renier Allah alors qu’Il vous a donné la vie, quand vous en étiez privés ? Puis Il vous fera mourir ; puis Il vous fera revivre et enfin c’est à Lui que

Histoire et civilisationHistoire et civilisationRésumé des prônes du vendrediRésumé des prônes du vendredi

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vous retournerez . »« Et Allah vous a fait sortir des ventres de vos mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, les yeux et les cœurs (l’intelligence), afin que vous ; soyez reconnaissants . » Mais au lieu d’être humble et reconnaissant, l’homme devient arrogant et défie son seigneur, comme dit le Coran : « L’homme ne voit-il pas que nous l’avons créé d’une goutte de sperme et le voilà devenu un adversaire déclaré, il cite pour nous un exemple tandis qu’il oublie sa propre création, il dit qui va redonner la vie à des ossements une fois réduits en poussière, dis celui qui les a créés une pre-mière fois leur redonnera la vie il se connait parfaite-ment à toute création » C’est lui le pourvoyeur qui a distribué les moyens de subsistance, les vivres, selon sa sagesse non selon les désirs de l’homme. Allah dit : 32. « Est-ce eux qui distribuent la miséricorde de ton Seigneur ? C’est Nous qui avons réparti entre eux leur subsistance dans la vie présente . »3-L’Homme aime la bienfaisance. Or tous les bien-faits qui le comblent proviennent de Dieu. Allah dit « Et tout ce que vous avez comme bienfaits provient d’Allah puis quand le malheur vous touche c’est lui que vous implorez à haute voix . »4- L’homme aime la beauté et la perfection. Or Dieu est la source de la beauté et de la perfection.

Les signes de l’amour d’AllahCertains prétendent aimer Dieu, mais la prétention est chose facile, en revanche, la concrétisation du sens est beaucoup plus compliquée.L’amour n’est pas une simple parole que l’on pro-nonce. L’amour est un sentiment qui envahit le cœur et dont les effets se traduisent - par la suite -à travers les actions de l’être ; ses dires et ses faits. Cet amour se manifeste à travers sa relation à Son Seigneur, à travers sa relation avec les créatures de Dieu.

1-Le premier signe de l’amour de Dieu se manifeste dans son invocation et évocation avec abondance « dhikr ». En effet, quiconque aime quelque chose l’évoque nécessairement souvent et évoque tout ce qui s’y rattache. Ainsi, le signe de l’amour de Dieu réside dans l’amour de Son évocation, dans l’amour du Coran qui est Sa parole.2-Le deuxième signe consiste à ce que le musulman aime ceux que Dieu aime, et fasse preuve de loyauté à leur égard. Aussi, quiconque aime vraiment Dieu doit aimer Ses prophètes, Ses bien-aimés, doit aimer les savants et les étudiants de la religion pour l’héri-

tage du Prophète (saws) qu’ils portent en eux.Et c’est dans ce sens que les musulmans aiment les Prophètes (saws), comme le Prophète (saws) nous dit : « Aimez Dieu pour les bienfaits dont Il vous comble, et aimez-moi pour l’amour que Dieu me porte » Donc il y a dans l’amour d’Allah des échelles qui commencent par l’amour des pauvres qui va nous élever vers l’amour des gens pieux 3-le troisième consiste à suivre la voie tracée par Dieu. Quiconque prétend aimer vraiment Dieu se doit de se conformer aux prescriptions divines, si-non, il s’agit là d’une simple prétention vide de sens. C’est dans ce sens que Dieu dit : « Dis : “Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi alors, et Allah vous aimera » ». Aussi, le signe de l’amour de Dieu consiste à se tenir sur la voie de Dieu et à laquelle Son Messager (saws) appela. 4-le quatrième consiste à accorder la primauté à ce que Dieu aime sur ce pourquoi mon égo « nafs 5- le désir de rencontrer le bien-aimé. En effet, lorsque le cœur éprouve de l’amour pour un bien-ai-mé, il éprouve instinctivement le désir de le rencon-trer. Ainsi, quiconque aime Dieu comme il se doit, doit éprouver le désir de Le rencontrer, Le Prophète (saws) dit : « Quiconque aime la rencontre de Dieu, Dieu aimera sa rencontre » .

Histoire et civilisationHistoire et civilisationRésumé des prônes du vendredi Résumé des prônes du vendredi

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Histoire et civilisation

« On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd’hui, des sociétés humaines qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. Mais il n’y a jamais eu de sociétés sans religion. » (Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932)La religion est un fait anthropologique qui, de par les réponses qu’elle aborde et les thèmes qu’elle évoque, traduit la spécificité de l’Homme par rapport aux autres espèces : le besoin de Vérité et la conscience de sa propre mort.On le sait, les premières civilisations trouvèrent en des dieux multiples les réponses aux faits naturels et questions métaphysiques que la contemplation de la nature pouvait susciter. Ainsi plusieurs cosmogonies, plusieurs conceptions du divin, virent le jour participant à la fondation même des sociétés antiques en regroupant les individus sous un même système de valeurs et de conceptualisation du monde. Honorer le temple du dieu local garantissait la prospérité et la protection de la cité, offrir des sacrifices et des offrandes permettaient de mettre le dieu dans de bonnes dispositions pour assurer à la communauté de bonnes récoltes… autant de rites qui participaient à la vie civique et spirituelle de sociétés tout entières. Or, force est de constater que près de 2000 ans avant notre ère, ce polythéisme qui, somme toute, paraissait prospère et n’entrainait quasiment aucun conflit religieux s’est effacé au profit d’un autre modèle, le monothéisme.Allons au-delà de la problématique purement religieuse et demandons nous comment et surtout pourquoi un tel glissement s’est opéré ? Quels vecteurs sociaux, politiques et spirituels ont favorisé l’émergence des premiers prophètes et la naissance du monothéisme judaïque ?C’est une histoire fort longue et fort ancienne que nous entamons ici, en commençant par nous rendre en Mésopotamie, à Sumer plus précisément.

Sumer, berceau du monothéisme

Le polythéisme sumerien.

Avant d’évoquer la naissance du monothéisme et ses circonstances, il nous faut remonter aux sources du

polythéisme sumérien et de son application dans la cité.Sumer est une région située au sud de la Mésopotamie (Irak actuel), irriguée par le Tigre et l’Euphrate.

Bien qu’on ne connaisse pas encore précisément les origines du peuple sumérien, on sait que durant le 3eme millénaire avant notre ère, la civilisation sumérienne a grandement influencé les autres groupes antiques, notamment sur le plan des innovations parmi lesquelles on compte les premières traces d’écriture cunéiforme.La religion sumerienne compte plusieurs divinités. Les principales constituent la triade des dieux créateurs : An, le dieu du ciel, Enlil, considéré comme le roi des dieux, créateur des végétaux et des animaux, et Enki, le dieu des eaux souterraines (qu’on peut relier à la conception grecque des enfers). Ce sont eux qui ont créé le monde et Enki, en particulier, s’est chargé de concevoir les hommes. Ces derniers ont été sculptés à partir d’argile dans le seul but de nourrir et servir les dieux. Ils n’ont aucun espoir de vie après la mort car une fois trépassé, les êtres se transforment en spectres qui rejoignent les enfers pour se nourrir d’eau sale et de terre, sans aucune évolution possible vers une forme de paradis ou de divin. Viennent ensuite des dieux dits « astraux », il s’agit de Nanna, le dieu de la lune, Utu, dieu du soleil et Inanna, la déesse de l’amour et reine du ciel. Autour de ces divinités gravitent multitude d’autres dieux, comme Asarluhi, le dieu de la magie, Ningirsu, le dieu de la guerre, etc. On remarque, avec des dieux tels que Dumuzi le dieu éleveur ou Emugi, le

Une sagesse sémitique

Situation géographique de Sumer

Histoire et civilisation

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Histoire et civilisation

dieu de l’entretien des canaux, que les activités quotidiennes essentielles à la vie de la cité ont chacune leur divinité.Il en va de même avec les cités états

qui composent l’organisation sumérienne. Chaque ville appartient à un Dieu principal qui gouverne en déléguant quelques responsabilités à une série de dieux secondaires. Cette organisation suit le même modèle que l’administration humaine : les cités états sumérienne sont chacune gouvernées par un prince qui administre, via des conseillers, les provinces qui sont les siennes. Ainsi, chaque ville dispose de son propre panthéon. On ne néglige pas les autres divinités, mais on rend un culte plus fervent à celles qui règnent sur la ville. Pour cela, des temples sont érigés et gérés par des grands prêtres, prêtresses, serviteurs, tous dévoués à satisfaire leur protecteur divin. Le Prince de la ville occupe un rôle fondamental dans le service divin et doit veiller à remplir un rôle spirituel fort, émaillé de rituels et d’offrandes qui rythment la vie de la cité. C’est une conception très collective de la religion qui participe non seulement à la cosmogonie et à la compréhension du monde, mais assure également la fondation et le bon déroulement de la vie en société.

Evolution sociétale et mutations religieuses

A partir du IIe millénaire avant notre ère, la Mésopotamie connait ce qu’on pourrait appeler « le temps des empires ». L’empire d’Akkad et celui de Ur II règnent sur la Basse Mésopotamie à partir du IIe millénaire. Plusieurs transformations culturelles et spirituelles sont engendrées par ce changement de système politique. Tout d’abord, l’empereur est glorifié et déifié, si bien qu’il voisine avec le divin. A la puissance des empires, s’adjoint le goût pour un culte beaucoup plus élaboré et grandiose. C’est à cette époque que sont construites les premières statues à l’image des divinités vénérées. Selon certains spécialistes, cette période marquerait le début de l’idolâtrie car on passait plus de temps à entretenir les statues et les idoles qu’à prier le dieu qu’elles représentaient. Certaines communautés sumériennes mêlent leurs

traditions religieuses à celles venant du Nord de la Mésopotamie. Certains Dieux fusionnent pour n’en créer qu’un seul, c’est le cas par exemple de la déesse Ishtar qui se fond en la divinité Shausgha. Avec la naissance et le règne des empires, les dieux des cités états sont devenus plus monumentaux, ont perdu de leur proximité et le lien entre l’individu et le divin s’en est trouvé distendu. La mutation de la pratique religieuse est encore plus stupéfiante à partir de la seconde moitié du IIe millénaire. Cette période marque le règne de Babylone, qui domine le Sud de la Mésopotamie, et celui du royaume d’Assyrie, qui gouverne le Nord. La dynastie babylonienne au pouvoir adopte les croyances mésopotamiennes et la religion locale. Toutefois, les babyloniens inaugurent un vaste programme de réforme du culte qui

vise à glorifier le panthéon mésopotamien. De nombreux manuels de rituels sont produits à cette période, on canonise certains textes anciens et autres récits de la sagesse antique mésopotamienne sont soigneusement archivés afin d’être conserver. Babylone et ses prêtres deviennent le centre religieux de

l’empire et rayonne sur tout le Moyen Orient. Leur rivaux du Nord, les Assyriens, ne comptent pas rester à la traine et se lancent également dans la réforme du culte. Il se produit alors un évènement fort intéressant pour notre étude. Babylone hiérarchise son panthéon et fait de Marduk le dieu suprême et de Babylone, la cité sacrée. Le Dieu a choisi cette ville pour domicile et garantit sa puissance. C’est ce qu’on appelle l’hénothéisme qui constitue à se constituer un dieu collectif, sytnhèse de plusieurs autres, et qui rejettent les dieux étrangers à la communauté. . On sent poindre, timidement, le lien exclusif d’un peuple envers un seul Dieu, comme allait s’élaborer le pacte entre Yahvé et le peuple d’Israël. A la même période, et sans doute parce que la

Statuette sumerienne

écriture cuneiforme sumerienne

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Histoire et civilisation

figure du dieu devient de plus en plus présente et toute puissante, commence à apparaitre l’idée de faute individuelle et de punition. On estime que l’épisode du Déluge – la punition des dieux contre les Hommes devenus trop agités et bruyants qui raya l’espèce humaine de la Terre, à l’exception du sage Ziousoudra qui se vit confier la mission de construire un immense bateau pour y embarquer deux représentants mâles et femelles de chaque espèce - que l’on retrouve dans l’Epopée de Gilgamesh – et bien plus tard dans la Bible-, a été rédigé à cette période. Au Nord, chez les Assyriens, un phénomène

semblable se produit pour pouvoir rivaliser avec la puissance babylonienne : Assur, leur dieu national, est érigé en divinité suprême. Les autres dieux sont considérés comme les faces multiples de cette seule et unique divinité. On ne peut pas réellement parler de monothéisme mais le fait de hiérarchiser les divinités et de faire de l’une d’elle le Dieu d’un Empire, d’une communauté, annonce les prémices d’une forme de dieu unique affilié à un groupe propre.Un autre événement politique constitue un fait marquant dans la genèse du monothéisme judaïque des origines. Il s’agit de la déportation des Judéens, défaits par Nabuchodonosor II. Le royaume de Juda attire la convoitise des Egyptiens qui, constatant le déclin des Assyriens, veulent se saisir de la région pour ensuite gagner la Syrie. A l’origine, les tribus hébraïques vivant sur le sol de Judée vivaient selon un modèle nomade et tribal et s’est petit à petit constitué en royauté autour du mythique roi David. Il observe eux aussi une forme d’hénothéisme, vénérant particulièrement Baal autour de – 840, avant de lentement s’orienter vers le monothéisme. Mais ce peuple peinera à conserver son indépendance, pris dans le jeu des empires et des conquêtes.

A l’époque babylonienne, le royaume est défendu par le roi Joachaz, placé au pouvoir par l’Egypte. Or, la Judée est défaite lors de la bataille de Karkemish contre les forces babyloniennes qui ne comptent pas céder ce territoire à leurs rivaux égyptiens. Le royaume de Juda passe aux mains de Babylone, ce qui opère une véritable scission entre les citoyens pros babyloniens et pros égyptiens. Le Temple de Jérusalem est détruit en -586 et le royaume de Juda est définitivement perdu en -601. Joaquim, qui a pris la succession de Joachaz, est forcé par l’Egypte de cesser de payer tout tribut à Babylone victorieuse. Les représailles ne tardent pas. Le roi Joaquim, ainsi que l’élite judéenne s’exilent alors en Egypte, amputant la population de près de 10% de ses habitants. Ceux qui résistent sont déportés par les Babyloniens. Il s’agit d’asservir totalement la région, y compris culturellement, et de tuer dans l’œuf toutes formes de rébellion portée par les élites. La communauté judéenne se constitue alors en Egypte et exalte une forme d’identité nationale forte en opposition avec la civilisation babylonienne. Là où la culture israélite aurait pu péricliter, elle se renforce et petit à petit ; les judéens d’alors deviennent lentement les premiers juifs de l’histoire. « Le monothéisme est une création de l›exil, de la déportation babylonienne qui est bien plus tardive. », résume Regis Debray dans son Traité de Médiologie générale.

A suivre ...

Sumer et la Mesopotamie en - 35000

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Histoire et civilisation

On retrouve des traces de civilisation en Algérie datant du paléolithique, soit deux millions d’années avant notre ère. C’est au Sahara que l’on découvre le plus de vestiges datant de l’Algérie préhistorique. Outils perfectionnés, poteries, peintures sont autant de trésors que déterrèrent les archéologues. Parmi ces ruines, les fresques de Tassili représentent des gazelles, des crocodiles, des bovins, attestant non seulement du sentiment artistique naissant chez ces populations mais également de l’existence d’un Sahara qui n’avait rien de la plaine aride que l’on connait aujourd’hui.

Vestiges arrachés au désert

Ces hommes du paléolithique qui découvriront petit à petit l’agriculture, la maîtrise du fer, la domestication d’animaux sauvages sont appelés Capsiens. Ils sont les ancêtres les plus anciens des Berbères.

Difficile d’affirmer avec exactitude l’origine de ce peuple occupant une large partie de l’Afrique du Nord. Anthropologiquement parlant, on estime qu’ils sont originaires d’Orient, plus particulièrement de Jordanie et de Palestine. Chasseurs, cueilleurs, ils ont sans doute entamé une migration vers l’ouest et se sont établis en Afrique du Nord, aux abords de la Tunisie, du Sahara et de l’Algérie. En 2000 avant Jésus-Christ, ce peuple maghrébin se divise en trois grands royaumes : Les Gétules au Sud, les Garamantes du Fezzan, à l’Est près des Libyques et enfin les Numides au nord des

plaines de l’Afrique septentrionale.

Dans un premier temps, ce sont aux Gétules et aux Garamantes, cavaliers redoutables qui conquirent une vaste partie du Sahara, que les auteurs grecs donnent le nom de Berbères. Par la suite, on estime que cette dénomination s’est étendue à tous les peuples d’Afrique du Nord. Berbère, serait une déformation du mot « barbaros », c’est à dire « barbare», qui signifiait, en Grèce et à Rome, « étrangers ». Anthropologie, archéologie et étymologie nous permettent de déterminer une origine « scientifique » du peuple berbère — encore qu’il subsiste de nombreuses zones d’ombre— mais l’histoire ne serait pas ce qu’elle est sans sa part de légende. Héritage de légende

Le destin singulier des peuples berbères, leur identité, leurs origines passionnent toujours les historiens de l’Afrique du Nord.Ces origines se réfèrent à des récits liés aux traditions les plus diverses de l’Antiquité, des légendes grecques en passant par l’histoire pharaonique jusqu’aux travaux les plus sérieux d’historiens de renoms tels Hérodote (484-420), Salluste (86-35), Strabon (58-25), Pline (23-79), Polype, Ptolémée (100-170)…

Strabon, grand historien de l’époque grecque, avance l’hypothèse que les Berbères étaient originaires d’Inde, en particulier de Perse, d’Arménie et de Mède. C’est le héros grec Hercule qui les aurait conduits en Lybie et jusqu’à l’extrême pointe du Maroc. C’est ici que sont situées les colonnes d’Hercule. Ce ne sont pas des colonnes à proprement parler mais des montagnes qui bordent le détroit de Gibraltar. Elles représentent les limites les plus éloignées que Hercule aurait atteintes lors de l’accomplissement de ses douze travaux. Le dixième consistait à trouver les boeufs de Géryon, des monstres résidants dans ces montagnes, pour les ramener à Eurysthée.C’est également à la pointe du Maroc que se situerait le fabuleux jardin des Hespérides, où a lieu la onzième épreuve d’Hercule chargé de récupérer trois pommes d’or dont le pommier est jalousement gardé par un dragon à cent têtes. Pour l’aider dans cette mission, le héros doit faire appel au géant Atlas, père des Hespérides et familier des lieux. Atlas est un titan qui s’est rebellé contre les Dieux et a été condamné à porter la voute céleste sur ses épaules

L’origine des Berbères, de la préhistoire à l’histoire en passant par la légende

Fragments des fresques de Tassili

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Histoire et civilisationpour l’éternité. Atlas accepte d’aider Hercule, non content de se délester de son fardeau qu’il confie au héro le temps de sa mission. Hercule craint de s’être fait duper mais le géant revient et reprend sa place de pilier soutenant le ciel. C’est à ce tyran mythique que le massif de l’Atlas, qui s’étend de l’Algérie à la Tunisie, doit son nom.

Salluste, autre historien grec, affirme lui aussi l’origine orientale des Berbères. Ils seraient descendants du fils de Goliath, le géant de la Bible qui est vaincu par David d’un coup de fronde. Selon lui, la tribu de Goliath aurait été chassée par celle de David et se

serait établie en Afrique. Le mot Afrique découlerait d’ailleurs d’Ifricos, le prénom du fils de Goliath.

L’avènement des « Hommes libres »

Les tribus Mesh-Wesh, descendants des Medes iraniens que nous avons évoqués plus haut, auraient transformé leur nom en Imazighen ou Amazigh qui signifie « hommes libres ». Selon Ibn Khaldun (1332-1408) le peuple Amazigh aurait pour ancêtre commun Mazigh, qui, dans la Bible est le fils de Canaan, lui-même fils de Cham, deuxième fils de Noë. Cette dénomination emblématique d’« hommes libres », on la retrouvera tout au long de cette histoire algérienne, témoignage, dès les premiers siècles de leur histoire, d’une identité fortement tournée vers l’indépendance et la soif de liberté.Dans leurs étapes nord-africaines, les Mèdes et les Perses se seraient mêlés aux peuples autochtones comme les Libyens, formant le peuple des Maures, aux Gétules, d’où descendraient les Numides et aux peuples éthiopiens qui permirent l’avènement des Garamantes.Si à l’origine, il s’agit de familles, elles se regroupent

autour de – 450 pour former de véritables tribus, où le patriarcat et l’endogamie dominent. La plupart de ces tribus seront nomades puis se trouveront séduites par la vie sédentaire des villes alors qu’une partie d’entre elles résistera longtemps à la sédentarisation en repoussant sans cesse les menaces pesant sur leur mode de vie.

L’histoire berbère se construit durant des millénaires, émaillée de conquêtes, d’innovations sociales, de bouleversements culturels et religieux qui participent à la construction de l’identité algérienne actuelle.

Situation géographique de l’Afrique du Nord au Néolithique

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Le lion, le loup, et le renard. Par IBN AL-AWZÎ (1186-1256, XII°-XIII° Siècle).

Le lion tomba malade. Tous les animaux sauvages vinrent lui rendre visite, sauf le renard ; le loup en profita pour

le calomnier et raconter des propos mensongers sur son compte. S’adressant au loup, le lion lui dit : -« Si le renard se présente, préviens-moi. » Entre-temps, le renard fut mis au courant des agissements du loup. Lorsque le renard arriva, le loup avertit le lion. Ce dernier demanda au renard : -« Où étais-tu, brave cavalier? » Le renard répondit : -« J’étais parti en quête d’un remède pour Sa Majesté. » -« Et qu’as-tu trouvé ? » demanda le lion, intéressé. -« On m’a conseillé le remède suivant : un osselet de la patte du loup. » Le lion asséna alors un coup de griffe qui mit en sang la patte du loup, mais ne trouva rien. Le renard s’éclipsa, puis il vit le loup, les pattes couvertes de sang, il lui dit : -« Ô toi, le loup à la patte rouge de sang, tu ferais mieux, lorsque tu t’assieds chez les rois, de retenir ta langue. »

Traduit par Fahd TOUMA`

Par JEAN DE LA FONTAINE (XVIII° Siècle).

Un lion, décrépit, goutteux, n’en pouvant plus, Voulait que l’on trouvât remède à la

vieillesse. Alléguer l’impossible aux rois, c’est un abus. Celui-ci parmi chaque espèce Manda des médecins: il en est de tous arts. Médecins, au lion, viennent de toutes parts ; De tous côtés lui vient des donneurs de recettes. Dans les visites qui sont faites, Le renard se dispense, et se tient clos et coi. Le loup en fait sa cour, daube, au coucher du roi, Son camarade absent. Le prince tout à l’heure

Veut qu’on aille enfumer renard dans sa demeure, Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté ; Et sachant que le loup lui faisait cette affaire : « Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère Ne m’ait, à mépris, imputé D’avoir différé cet hommage ; Mais j’étais en pèlerinage, Et m’acquittais d’un vœu fait pour votre santé. Même j’ai vu dans mon voyage Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur Dont votre majesté craint à bon droit la suite. Vous ne manquez que de chaleur ; Le long âge, en vous, l’a détruite : D’un loup écorché vif, appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante : Le secret, sans doute, en est beau Pour la nature défaillante. Messire loup vous servira, S’il vous plaît, de robe de chambre . » Le roi goûte cet avis-là. On écorche, on taille, on démembre Messire loup. Le monarque en soupa, Et de sa peau s’enveloppa. Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire ; Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire : Le mal se rend chez vous au quadruple du bien. Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière : Vous êtes dans une carrière Où l’on ne se pardonne rien.

Contes et textes arabes

Illustration par GUSTAVE DORÈ