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NEWSLETTER N°19-20 SEPTEMBRE 2002 BULLETIN D’INFORMATION DU BUREAU TECHNIQUE SYNDICAL EUROPEEN POUR LA SANTE ET LA SECURITE Numéro spécial Le stress au travail ISSN: 1027 - 4685 BTS

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Page 1: BULLETIN D’INFORMATION DU BUREAU TECHNIQUE SYNDICAL ... · et syndicales ainsi que les débats nationaux sur le stress, par Owen Tudor du TUC, pour la Grande-Bretagne, et le professeur

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Le stress au travail

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alLe stress lié au travail est très répandu en Europe et coûte cher aux entreprises et à la société.Le stress arrive en deuxième position des problèmes de santé les plus courants chez les travailleurseuropéens (3ème Enquête européenne, Fondation de Dublin)1. Un rapport du BIT2 estime que lespays de l’Union européenne consacreraient entre 3 et 4% de leur PIB aux problèmes de santé mentale.

Le stress lié au travail est provoqué par un type d’organisation du travail qui impose le contenudu travail et son contexte, les méthodes de travail ainsi que les contraintes horaires.L’intensification du travail et la course à la productivité, qui se propagent en Europe dans une quêtede compétitivité sur les marchés mondiaux, modifient les conditions de travail en alourdissantles contraintes horaires, les charges de travail et le stress ressenti par les travailleurs. Qui plus est,la croissante insécurité d’emploi aggrave la situation des travailleurs et les rend plus vulnérables.Le stress qui en résulte, et ses effets sur la santé des travailleurs, ne s’arrête pas aux portes dulieu de travail – il constitue de plus en plus un problème d’envergure européenne devant êtrepris en charge par des politiques européennes.

Les syndicats de toute l’Europe ont tiré la sonnette d’alarme et appelé à organiser un débatsur ce thème après l’entrée en vigueur de la directive-cadre il y a plus de dix ans.

En 1998, le BTS avait publié un rapport sur l’impact de l’application de la directive-cadre enmatière de stress et de bien-être au travail aux Pays-Bas. Le rapport, élaboré dans le cadre deson Observatoire sur l’application des directives européennes, démontrait clairement que lestress et l’incapacité de travail due à des troubles psychologiques sont étroitement liés auxconditions de travail et à la charge de travail.

Alertées par les syndicats, les institutions européennes (notamment la Commissioneuropéenne, le Parlement européen et l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail)ont entrepris plusieurs initiatives au cours des six dernières années. Le Comité consultatif deLuxembourg avait créé, en 1996, un groupe de travail consacré au stress et avait rendu un avisauquel la Commission européenne a répondu, en l’an 2000, avec la publication d’un Manueld’orientation sur le stress lié au travail. Le Parlement européen a publié un rapport sur le harcèlementau travail en juillet 2001 et le Comité consultatif a adopté un avis sur la violence au travailen novembre de la même année. Cette année, en octobre 2002, la Semaine européenne del’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail est consacrée à la prévention du stress.

Il est maintenant nécessaire de se tourner vers des actions pratiques de prévention du stress auniveau européen. La nouvelle stratégie de la Commission en matière de santé et de sécuritéau travail reconnaît heureusement la nécessité d’entreprendre de nouvelles actions au niveaueuropéen pour prévenir le stress lié au travail et invite les partenaires sociaux à entamer uneprocédure de consultation – mais cela ne suffit pas. Le fait est qu’aujourd’hui encore, plus de dixans après l’adoption de la directive-cadre, les évaluations des risques et les mesures de préventionsur les lieux de travail européens ne tiennent pratiquement pas compte des facteurs de stress. Lalégislation européenne n’exclut pas la prévention du stress mais ne la mentionne pas expressément.

La publication d’un numéro spécial de notre Newsletter sur le stress au travail offre l’occasionde formuler des propositions de nouvelles politiques européennes en la matière pour le prochainprogramme de santé et de sécurité de la Commission, et d’ouvrir la voie à un débat avec lesemployeurs. Il devrait aussi contribuer à sensibiliser nos membres à ce sujet et à brosser unaperçu plus précis du stress en Europe aujourd’hui.

Ce numéro ne se veut pas une étude encyclopédique des multiples facettes du stress lié autravail, il vise à donner un aperçu des thèmes traités actuellement par les politiques de préventiondu stress en Europe, à situer le contexte et à ouvrir un débat sur les futures actions européennes.

Ce numéro spécial s’ouvre sur un état des lieux de la prévention du stress en Europe dressé parle BTS. Celui-ci aborde le cadre juridique, la reconnaissance du stress, les initiatives syndicales

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1 Pascal Paoli et Damien Merllié,3ème Enquête européenne sur lesconditions de travail, Fondationeuropéenne pour l’amélioration desconditions de vie et de travail, 2000.

2 Mental health in the workplace:Introduction (en anglais uniquement),préparé par Phyllis Gabriel et Marjo-Riitta Liimatainen, Genève, Bureauinternational du Travail, octobre 2000.

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et les obstacles à la prévention en Europe et formule des propositionsde politiques européennes. L’analyse de la situation actuelle reposesur une étude européenne menée auprès des affiliés du BTS, ainsique sur l’enquête européenne sur le stress lié au travail et les relationssociales de la Fondation de Dublin.

La deuxième partie se penche sur les initiatives européennes en matièrede stress. L’auteur du Manuel d’orientation sur le stress lié au travail, leprofesseur Levi, nous expose les concepts de base du stress, présente lesdiverses parties du manuel et suggère trois initiatives complémentairesd’action en matière de prévention du stress en Europe. La présidente dugroupe de travail sur la violence au travail du Comité consultatif, RailiPerimäki, examine les principales recommandations de l’avis rendu en 2001.

La troisième partie du rapport débute par un aperçu des initiativeslégislatives nationales sur le harcèlement moral en France, enBelgique et en Suède, sur base des travaux de l’Observatoire du BTS.Cette partie contient également deux analyses d’initiatives nationales deprévention du stress. Y sont passés en revue de manière approfondie lesstatistiques nationales, les sondages, les initiatives gouvernementaleset syndicales ainsi que les débats nationaux sur le stress, par OwenTudor du TUC, pour la Grande-Bretagne, et le professeur W.B.Schaufeli de l’Université d’Utrecht, pour les Pays-Bas.

Nous avons pensé qu’il serait intéressant de compléter ce numérospécial par quelques-unes des récentes méthodes d’évaluation des facteurspsychosociaux, à savoir QUEST (méthode élaborée par QUEST etl’Institut national de recherche sur les conditions de travail (INRCT) enBelgique), le questionnaire WOCCQ, mis au point par l’Université deLiège avec le soutien du ministère belge du Travail, le Questionnairepsychosocial de Copenhague de l’institut de recherche danois AMI,et enfin une méthode nordique d’évaluation des facteurs psychoso-ciaux et sociaux au travail, publiée par le Conseil des ministresnordique. Il est important que les méthodes d’évaluation du stress seconcentrent sur le diagnostic des problèmes organisationnels et ne secantonnent pas à des actions individuelles. Ce qui signifie que les tra-vailleurs et leurs représentants doivent être associés à ces initiativessi l’on ne veut pas qu’elles restent vaines, les employés se contentantde noircir des cases, et les données obtenues étant mal utilisées.

Enfin, nous montrons que le stress peut affecter l’organisme de multiplesfaçons, comme l’illustrent deux articles de l’INRS et d’ANACT, quifournissent de nouvelles informations sur les liens et corrélationspathogènes entre le stress et les troubles musculo-squelettiques, etproposent des actions à prendre.

En résumé, dans ce numéro, nous entendons pointer du doigt leslacunes des politiques européennes, soumettre des propositionsd’actions en matière d’obligations patronales, formuler une approchede prévention proactive, attirer l’attention sur les différents facteursde stress devant être reconnus et mettre en lumière le rôle joué parles syndicats et les représentants des travailleurs.

Marc Sapir,Directeur du BTS

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SOMMAIRE

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EDITORIAL

Marc Sapir

La prévention du stress au travail enEurope : aperçu des activités syndicales –obstacles et stratégies futuresTheoni Koukoulaki

INITIATIVES EUROPEENNES

Le Manuel d'orientation sur le stress liéau travail de la Commission européenne :des mots aux actesLennart Levi

La violence sur le lieu de travailRaili Perimäki-Dietrich

INITIATIVES NATIONALES

Harcèlement moral et législation Laurent Vogel

Le stress en Grande-BretagneOwen Tudor

La gestion du stress lié au travail auxPays-BasWilmar B. Schaufeli and Michiel A.J. Kompier

METHODES POUR L'EVALUATION

DES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX

La mesure de la charge psychosociale surle lieu de travail en BelgiqueHugo D'Hertefelt

Le WOCCQ : WOrking Conditions andControl QuestionnaireStéphanie Péters

Un nouvel outil d'évaluation des facteurspsychosociaux au travail : leQuestionnaire Psychosocial de CopenhagueT. S. Kristensen

Une méthode nordique d'évaluation desfacteurs psychosociaux et sociaux au travailKari Lindström

STRESS ET TMS

Liens entre les Troubles Musculo-Squelettiquesdu membre supérieur et le stressMichel Aptel et Jean Claude Cnockaert

TMS, stress : gagner des marges de manoeuvrePhilippe Douillet et Jean-Michel Schweitzer

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La prévention du stress au travail en Europe : aperçu des activités syndicales - obstacles et stratégies futures

1 Pascal Paoli, Damien Merllié, 3ème

enquête européenne sur les condi-tions de travail, Dublin, Fondationeuropéenne pour l'amélioration desconditions de vie et de travail, 2000.

2 Données fondées sur des rapportsde 2001 émanant des services de lasanté professionnelle.

3 Stichting van de Arbeid, Nota : Beperk-ing ziekteverzuim en instroom in deWAO (Rapport : Réduction de l'ab-sentéisme et du risque d'incapacitéde travail), La Haye, Stichting van deArbeid, numéro (5/99), 1999.

4 Etats généraux pour une améliorationdes conditions de santé et de sécuritéau travail aux Pays-Bas, ministère desAffaires sociales et de l'Emploi,Direction de l'information, bibliothèqueet documentation, La Haye, 2000.

Theoni Koukoulaki*

Travaille continuellement à des cadences

élevées

Ne travaillejamais

à des cadencesélevées

Travaille continuellement dans de courts

délais d'exécution

Ne travaillejamais

dans de courtsdélais d'exécution

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Plaintes pourcause de stress

Des enquêtes nationales, réalisées par des pouvoirslocaux, des instituts de recherche et des syndicats,

permettent d'établir l'existence de liens étroitsentre le stress et l'organisation du travail.

L’impact socio-économique du stress dans les Etats membres

■ Autriche: 13,9% d'hommes et 22,6% de femmes ont pris leur retraite pour cause d'invaliditéprovoquée par des troubles psychiatriques et neurologiques (ministère fédéral du Travail, de laSanté et des Affaires sociales, 1998).

■ Luxembourg2: dans les secteurs des services et du commerce de détail, 17% des journées d'ab-sence sont imputables à des problèmes psychosomatiques.

■ Pays-Bas: en 1998, les troubles mentaux ont été la principale cause d'incapacité de travail (32%)3.Le coût des troubles psychologiques liés au travail y est estimé à 2,26 millions d'euros par an4.

■ Lors d'une enquête nationale menée en Grande-Bretagne (HSE, 2000), il est apparu qu'un travailleursur cinq était extrêmement ou très stressé par des facteurs professionnels. Les maladies liées au stresscausent chaque année la perte de 6,5 millions de journées de travail, qui coûtent aux employeursenviron 571 millions d'euros et jusqu'à 5,7 milliards d'euros à l'ensemble de la société.

■ En Suède, en 1999, 14% des 15.000 travailleurs en congé de maladie de longue durée ontindiqué que la cause était imputable au stress et à la tension mentale (le taux correspondant pour1998 était de 11,7%). Le coût total, assumé par l'Etat, des absences pour cause de maladie s'estélevé à 2,7 milliards d'euros en 1999. On prévoit que ce chiffre double en 2003 (Conseil nationaldes assurances sociales, 1999).

■ Au plan européen, on estime que les coûts annuels s'élèvent au moins à 20 milliards d'euros.

Graphique 1Taux de plaintes enregistrées pour cause de stress

* Chargée de recherches au BTS

Les antécédents

Pour les travailleurs européens, le stress est la secondecause de problèmes de santé liés au travail (3ème

enquête européenne, Fondation de Dublin)1.L'existence d'une corrélation entre le stress et certaines

caractéristiques de l'organisation du travail - entreautres les cadences, les délais imposés et le caractèrerépétitif du travail - a été établie. Par exemple, là oùles cadences de travail sont élevées et les délaistrès courts, le nombre de personnes se plaignant destress est deux fois plus élevé (voir graphique 1).

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Ces dernières années, les institutions européennesse sont activement intéressées au stress et à dessujets connexes tels que le harcèlement. En 1997,le Comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène etla santé au travail adoptait un avis sur le stress etappelait la Commission à rédiger un manueld'orientation. Celui-ci a été publié en 2000 (voirnotre article en page 13). En juillet 2001, leParlement européen a publié un rapport sur leharcèlement au travail et, en novembre de lamême année, le Comité consultatif adoptait unavis sur la violence sur les lieux de travail. Dansses récentes Conclusions5 (2001), le Conseileuropéen des ministres de la Santé invitait lesEtats membres de l'UE à "accorder une attentionparticulière au problème croissant du stress et dela dépression au travail" et la Commission à agir dansle contexte de programmes de santé publique.Cette année (2002), le stress est le thème de lasemaine européenne de l'Agence Européennepour la Sécurité et la Santé au Travail, à Bilbao.

Dans sa nouvelle stratégie communautaire desanté et de sécurité6, la Commission européennedéclare qu'elle compte entamer des consultationsavec les partenaires sociaux sur le stress et ses effetssur la santé et la sécurité au travail, conformémentà la procédure prévue dans l'article 138 du traité.Le 19 juin 2002, une audition du Parlement

Délais trop courts et stress vont de pair

■ Autriche: 1.255.000 travailleurs ont déclaré souffrir du stress dû à des délais d'exécution tropcourts (Chambre fédérale du Travail et Fédération des syndicats autrichiens, 2000).

■ Danemark: 8,2% d'un échantillon représentatif de travailleurs signalent souffrir souvent et 31,6 %parfois d'épuisement nerveux (Etude PUMA, Institut national pour l'environnement de travail, AMI, 2001).

■ Allemagne: 98% des comités d'entreprise affirment que le stress et les pressions liés au travailont augmenté ces dernières années, et 85% d'entre eux font état d'un allongement des heures detravail (IG Metall 2000).

■ Espagne: 31,8% des travailleurs jugent que leur travail est stressant (enquête sur la qualité dela vie sur le lieu de travail, ministère de l'Emploi et des Affaires sociales, 2001).

■ Suède: 9 employés de bureau sur 10 se disent engagés dans une course contre la montre dansleurs tâches quotidiennes, et 40% sautent le déjeuner (rapport d'enquête : Stressed out, committedto work and burn out, or bored and healthy – must one choose ?, TCO, 2000).

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Le cadre légal

La législation européenne ne fait pas mention dustress en tant que tel. La directive-cadre 89/391/CEEprécise que l'employeur est "obligé d'assurer lasécurité et la santé des travailleurs dans tous lesaspects liés au travail". Plus particulièrement,

obligation lui est faite "d'adapter le travail àl'homme, en particulier en ce qui concerne (…) lechoix des équipements de travail et des méthodesde travail et de production, en vue notammentd'atténuer le travail monotone et le travailcadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur lasanté" (art. 6, point 2 d.).

5 Conclusions du Conseil du 15novembre 2001 relatives à la luttecontre les problèmes liés au stress età la dépression.

6 Communication de la Commission :S'adapter aux changements du travailet de la société: une nouvelle stratégiecommunautaire de santé et de sécurité2002-2006, 2002.

7 Clara Llorens, ISTAS/QUIT-UAB etDaniel Ortiz de Villacian, QUIT-UAB,Le stress lié au travail et les relationsindustrielles, Fondation européennepour l'amélioration des conditionsde vie et de travail, 2001. Les résultatsdes comptes rendus nationaux sontdisponibles sur le site : http://www.eiro.eurofound.eu.int/2001/11/study/index.html

Pour plus d'informations sur laSemaine européenne 2002,consultez le site internet del'Agence de Bilbao :osha.eu.int/ew2002

européen intégrait, elle aussi, un débat sur lesproblèmes du stress.

Le BTS estime que le stress est un problèmesérieux en Europe, principalement en raison del'intensification incessante du travail et de sa pré-carisation due aux restructurations des entrepriseset à la flexibilisation de l'organisation du travail.La dernière enquête européenne démontre clairementque le stress lié au travail n'est pas suffisamment prisen compte en Europe, ou du moins dans certainsEtats membres, et qu'il convient d'appliquer despolitiques plus strictes en matière de prévention.

En mars 2002, le BTS a demandé aux organisationsaffiliées à la CES et aux fédérations syndicaleseuropéennes de répondre à une enquête sur lestress destinée à établir le bilan des initiativescommunautaires sur la prévention du stress et àdéterminer les besoins d’actions futures. Ennovembre 2001, la Fondation européenne pourl'amélioration des conditions de vie et de travail aréalisé une enquête européenne sur "le stress lié autravail et les relations industrielles"7 dans le cadre deson Observatoire européen des relations industrielles.C'est sur base des données et des analyses de cesdeux études que nous décrivons et définissons icila situation actuelle et les besoins pour les futuresstratégies de prévention en Europe.

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■ Directive cadre 89/391/CEE Article 6, Obligations générales des employeurs :

§ 2 (d)"d'adapter le travail à l'homme, en particulieren ce qui concerne la conception des postesde travail ainsi que le choix des équipementsde travail et des méthodes de travail et de pro-duction, en vue notamment d'atténuer le tra-vail monotone et le travail cadencé et deréduire les effets de ceux-ci sur la santé."

§ 3 (c)"faire en sorte que la planification et l'intro-duction de nouvelles technologies fassent l'ob-jet de consultations avec les travailleurs et/ouleurs représentants en ce qui concerne les con-séquences sur la sécurité et la santé des tra-vailleurs, liées au choix des équipements, àl'aménagement des conditions de travail et àl'impact des facteurs ambiants au travail."

■ Directive 90/270/CEE (travail sur deséquipements à écran de visualisation) Article 3, § 1 : Analyse des postes de travail"Les employeurs sont tenus de faire une analysedes postes de travail afin d'évaluer les conditionsde sécurité et de santé qu'ils présentent pourleurs travailleurs, notamment en ce qui con-cerne les risques éventuels pour la vue et lesproblèmes physiques et de charge mentale."

■ Directive 93/104/CE sur l'aménagement dutemps de travail - Article 13 : Rythme de travail"Les Etats membres prennent les mesures néces-saires pour que l'employeur qui envisage d'organiserle travail selon un certain rythme tienne comptedu principe général de l'adaptation du travail àl'homme, notamment en vue d'atténuer le travailmonotone et le travail cadencé en fonction dutype d'activité et des exigences en matière desécurité et de santé, particulièrement en ce quiconcerne les pauses pendant le temps de travail."

Le manuel d'orientation de la Commissioneuropéenne

Le manuel d'orientation sur le stress lié au travail9a été écrit suite à un avis du Comité consultatif deLuxembourg. Il présente les différents conceptsdu stress, fournit une liste des facteurs de stress surle lieu de travail et donne une série d’exemplesde prévention.

Le manuel d'orientation de la Commissioneuropéenne définit le stress comme "un état faitde réactions émotionnelles, cognitives, com-portementales et physiologiques aux aspectsnéfastes et nocifs de la nature du travail, de sonorganisation et de son environnement. Cet étatest caractérisé par des degrés élevés d'éveil et desouffrance et, souvent, par le sentiment de ne pass'en sortir”10. Le document reconnaît l'existence

Aucun pays européen ne mentionne expressémentle stress dans ses réglementations. Deux régle-mentations assez récentes imposent aux employeursdes obligations plus spécifiques pour éviter lesrisques psychosociaux. En Suède, avant d'introduiredes changements organisationnels, les employeursont l'obligation de réaliser une évaluation desimpacts sur la santé et la sécurité. Il y a été égalementreconnu que des lésions mentales pouvaientaccompagner tout type d'accident (Suède, 20018).Les employeurs autrichiens ont à présent l'obli-gation d'engager des psychologues, ainsi que desmédecins du travail et des responsables de lasécurité au sein de leurs services de prévention,pendant une durée pouvant aller jusqu'à 25% dutemps consacré à la prévention en fonction de lacharge de travail de l'entreprise (Autriche, 2002). Une réglementation, qui entrera en vigueur enFinlande à l'automne prochain, traitera du bien-être au travail en général.

Dans leurs réglementations nationales, d'autrespays (Belgique, Danemark, Allemagne et Pays-Bas)ont étendu les dispositions de la directive-cadrepour imposer à l'employeur une obligationgénérale d'agir contre les facteurs psychosociauxpouvant avoir des effets nocifs sur la santé mentaledes travailleurs.

Trois pays – la France, la Suède et la Belgique –ont pris des initiatives législatives sur un autreaspect du stress : le harcèlement moral.

Dans sa stratégie communautaire de santé et desécurité, la Commission européenne reconnaîtqu'il y a une recrudescence de maladies et detroubles psychosociaux ayant un impact négatifsur la santé, la sécurité et le bien-être des travailleurs. Elle estime que les diverses formes deharcèlement moral et de violence au travailnécessitent une action législative.

8 La traduction anglaise du nouveaurèglement AFS 2001:1 Systematicwork environment management estdisponible sur le site : http://www.av.se/English/legislation/afs/eng0101.pdf.

9 Levi, L et I, Manuel d'orientationsur le stress lié au travail - piment dela vie … ou coup fatal ?, Luxembourg,Office des publications officiellesdes Communautés européennes, 2000.

10 Une définition similaire avait étéadoptée dans l'avis du Comité con-sultatif.

Dispositions indirectes relatives à différents aspects du stress dans la législation européenne

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de deux types de stress : le stress positif (sain) quistimule la personne et la prépare à faire face auxexigences du travail, qui sont considérées commeun 'défi', et le stress négatif (excessif, manque demaîtrise sur le travail), qui peut avoir des effetsnocifs sur la santé humaine. Bien que l'ouvrage soitcentré sur les mesures à adopter par l'entreprise,il fait également état de mesures orientées vers lapersonne, entre autres l'éducation physique, lapromotion de la santé, les techniques de rela-xation et la gestion personnelle du stress. Cesdeux références du manuel (entreprise – person-nes) pourraient conduire l'employeur à inter-préter de manière incorrecte les problèmes destress au travail et, par conséquent, à déplacer lecentre d'attention sur les individus.

Le texte fait également référence à la productivitéqu’il présente comme un motif d’action préventivedu stress et comme critère essentiel pour évaluerl'efficacité des interventions. S’il est certain quela productivité n'est pas un élément à négliger,elle ne doit pas pour autant être l'objectif premierdes mesures préventives du stress ni constituer unparamètre pour l'évaluation critique. La préservationde la santé physique et mentale ainsi que dubien-être au travail doit constamment primer etfigurer au cœur des priorités.

Le manuel ne propose pas une méthode d'évaluationexhaustive. Il fait plutôt référence à des outils d'évaluation des risques, notamment des listes decontrôle et des questionnaires relatifs aux facteursde stress et à la gestion du stress. Il contient aussiune liste des facteurs de stress au travail et suggèrequelques principes de prévention organisationnelletels que la gestion participative, la redéfinition duposte de travail, l'assouplissement des horaires detravail et l'évolution de la carrière. Ces propositionset ces exemples ne prennent toutefois pas suffisamment en compte les préoccupationssoulevées par les chercheurs et les syndicats ence qui concerne les effets sur la santé et la sécuritédes nouvelles formes d'organisation du travail.

A vrai dire, le manuel d'orientation n'a eu que defaibles répercussions au niveau national. Son apportprincipal est surtout de donner une dimensioneuropéenne au problème et de fournir une basescientifique sur les questions liées au stress auxexperts en prévention. Il est difficile d'évaluer soninfluence sur les interventions de prévention dustress sur les lieux de travail ou au niveau national.On peut douter de sa réelle contribution à desinitiatives pratiques de prévention en Europe.Mais là n'est pas son objectif, puisqu'il est davantageorienté vers des conseils sur le stress au travail quesur sa prévention. C'est ce qui ressort clairement

de l'introduction, qui affirme que le document seveut un cadre général d'action (lequel représenteen réalité moins de 15% de l'ouvrage).

Signalons encore que sa distribution est restéelimitée et qu'il a été traduit en peu de langues, cequi peut expliquer en partie sa difficile propagationet son faible impact au niveau national.

La reconnaissance des troubles liés austress au travail en Europe : rendez-vousau tribunal !

Tant le manuel d'orientation de la Commissionque le rapport sur le stress au travail11 édité parl'Agence de Bilbao font référence à des manifes-tations morbides et à des troubles particuliersassociés au stress, parmi lesquels l'insuffisancecoronarienne, les troubles musculo-squelettiques,les affections gastro-intestinales, les angoisses etla dépression, voire le suicide.

Aucun pays européen ne reprend les maladiesimputables au stress dans sa liste officielle desmaladies professionnelles. En Italie, une nouvellelégislation, promulguée en 2000 afin de réformerl'INAIL12, prévoit que la protection contre lesaccidents du travail et les maladies professionnellesdoit s'étendre aux "dommages biologiques", c'est-à-dire aux effets psychiques et physiques sur lestravailleurs. Dans les pays disposant d'un systèmemixte de reconnaissance, une indemnité sera verséepour une maladie non répertoriée s'il est possibled'établir un lien de cause à effet entre le travail etla maladie. Dans d'autres pays, le seul moyend'obtenir la reconnaissance du stress imputable àdes facteurs psychosociaux, compte tenu égale-ment des disparités entre les systèmes nationauxd'indemnisation, consiste à faire appel à des tribunaux (par ex. en GB, en Italie et en Irlande)ou à introduire une demande d'indemnisation pourinvalidité auprès de la sécurité sociale (Pays-Bas).

Deux affaires judiciaires récentes illustrent notrepropos. En octobre 2000, un tribunal italienaccordait à un travailleur une compensation à lasuite d'une crise cardiaque provoquée par unesurcharge de travail qu'il a considérée comme unaccident de travail. En mai 2001, deux travailleursmunicipaux britanniques ont obtenu un dédom-magement de 174.000 euros (£111.000) pourcause de maladie provoquée par le stress dû à unmanque de personnel, à une formation insuffisanteet à l'absence de pauses au travail.

La recommandation communautaire concernantl'adoption d'une liste européenne des maladies

11 Tom Cox, Amanda Griffiths et al.,Research on work-related stress,Institute of Work, Health & Organi-sations, University of Nottingham,Office des Publications officiellesdes Communautés européennes, 2000.

12 Institut national des assurancespour les accidents du travail (InstitutoNazionale per l’Assicurazione degliInfortuni sul Lavoro), http://www.inail.it.La législation en cours de révision peutêtre consultée en italien sur le site :http://www.minlavoro.it/norme/13.

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professionnelles ne fait aucune mention des ma-ladies liées au stress. Dans sa récente propositionde modification13, la Commission préconise depromouvoir la recherche en matière de troublespsychosociaux plutôt que d'inclure ces maladiesdans la liste.

La prévention du stress : une prioritésyndicale

Les syndicats ont activement tenté de prévenir lestress bien longtemps avant la publication du manueld'orientation de la Commission. Dans certains pays,en particulier en Europe méridionale, les syndicatscontinuent de considérer les risques conventionnels,notamment les dangers chimiques et ceux liés àla sécurité, comme leurs priorités fondamentales.Toutefois, il est de plus en plus communémentadmis que le stress contribue à la survenue d'ac-cidents du travail et de maladies professionnelles,de sorte que le stress et les facteurs de stressacquièrent une importance croissante dans lesprogrammes syndicaux.

En Europe, les initiatives syndicales ont princi-palement consisté en la diffusion d'informations,avec la publication de documents et de CD-ROM,des programmes de formation, des journées d'information et des campagnes régionales.

Les syndicats, en collaboration avec des experts,ont mis au point des manuels et des procéduresde détection des risques psychosociaux visant àdes interventions sur les lieux de travail (enEspagne, en Autriche, au Danemark). Ils ont réalisédes études sectorielles et intersectorielles (en France,en Belgique, au Danemark, en Allemagne, enSuède, en Espagne, en Finlande, en Grèce, auPortugal). En Belgique, par exemple, la FGTB amené, en 1999, une importante enquête inter-sectorielle14 qui portait sur 214 entreprises et 13secteurs. Elle a reçu près de 10.000 réponses. Lesdix principales causes de stress identifiées étaientles suivantes: le manque de personnel, le hautniveau d’exigences, le non-remplacement desemployés en congé-maladie, les contrôles médicauxsystématiques sur les travailleurs en congé-maladiequi démontrent un manque de confiance, le peude possibilités d'intervenir sur les méthodes deproduction, l'absence de perspectives de promotionet un avenir en général incertain.

D'autres initiatives plus novatrices ont porté surl'élaboration de logiciels, sur le ‘baromètre de lacharge de travail’ (Quick Scan Werkdruk 3.015),fondé sur une méthode d'évaluation de la chargede travail reconnue par le monde scientifique

(Pays-Bas). Des observatoires ont également étémis en place (en Italie, en France) afin de surveillerles cas de stress et de harcèlements sur les lieuxde travail. Enfin, des syndicats ont instauré desservices de conseils et d'appuis aux travailleursvictimes de harcèlement moral en particulier (enAutriche, aux Pays-Bas, au Luxembourg).

En matière de prévention du stress, très peu desyndicats ont adopté une approche holistique; laplupart se sont concentrés sur le harcèlementmoral et sur la charge de travail dans le cadre deleurs législations nationales respectives enmatière de prévention.

Le stress frappe indifféremment les travailleurs detous les secteurs industriels. Les syndicats d'employésont traditionnellement été plus actifs dans laprévention du stress. Les enquêtes sectorielles menéespar les syndicats européens ont principalement portésur les secteurs des soins de santé, de l'administration,des banques, des transports, du commerce de détailet de l'enseignement. Cependant, l'intensificationdes pressions inhérentes aux délais d'exécutiondans un large éventail de secteurs a incité les syndicatsde différents secteurs industriels à s'intéresser deplus près à la prévention du stress. Par exemple, lesyndicat allemand des travailleurs de la métallurgie(IG Metall) a mené, deux années durant, unecampagne percutante sur un thème très parlant :“L'entreprise : un lieu de criminalité - chargespsychologiques - une terreur pour l'âme”. EnEspagne, l'ISTAS, l'institut de recherches rattachéaux CC.OO, a réalisé voici deux ans une enquêtequalitative16 sur le stress au travail et ses facteurspsychosociaux. Ce projet a permis d'identifier neufsecteurs et/ou métiers particulièrement stressants,à savoir les travailleurs du commerce de détail etdes transports, les infirmières et aides infirmières,les enseignants, le personnel des établissementsd'accueil, les travailleurs de la production "auplus juste", les encodeurs sur ordinateur, lescaissiers et le personnel de surveillance. AuxPays-Bas, une enquête17 (thèse de doctorat : Lestress, un nouveau thème syndical. Exemplesd’initiatives syndicales dans le secteur des serviceshollandais) sur l'intensification du travail et de lacharge de travail, réalisée par un expert syndical,passe en revue huit secteurs de services : banques,commerce de détail, pharmacie, tourisme, ateliersd'imprimerie et audiovisuel, dont certains, telcelui de la pharmacie, n'avaient jamais jusque làfait réellement l'objet d'une étude. En Autriche,l'Association fédérale des travailleurs salariés (BAK)a mis à disposition des syndicats des chemins de ferun organe consultatif permanent d'experts inter-venant en matière de conception des postes de travail,du temps de travail et de santé psychologique.

13 Révision de la liste européenne desmaladies professionnelles(Recommandation 90/326/CEE du 22mai 1990). Proposition de laCommission (DG EMPL/D/5).

14 Guide de campagne: Comment lacharge de travail se transforme-t-elleen stress ?, Octobre 1999, La Centralegénérale FGTB.

15 Ouvrages de référence : H. Pennock,E. Brouwer, Werkdruk : van plan vanaanpak tot implementatie.V. Vrooland, M. Wilders, Werkdrukvoor ondernemingsraden : succes enfaalfactoren.

16 Identificación de factores de riesgopsicosocial en distintos colectivos,ISTAS, 2000.

17 J. Warning, Werkdruk nieuw vak-bondsthema (Le stress, un nouveauthème syndical), Zeist, UitgeverijKerckebosch, 2000. (Documents deréférences : résumé en anglais parl'auteur, rapport belge sur l'étude,traduit en français par Marianne DeTroyer, ULB.)

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Belgique■ Harcèlement au travail. Une réponse syndi-cale, Bruxelles, FGTB, 2002, 48 p.■ Stress, agir pour le bien-être au travail,Bruxelles, FGTB, 1999, 80 p.

Allemagne■ Runter mit dem Dauerstress !, Frankfurt-am-Main, IGM, 2000, 38 p.■ Pickshaus, K., Schmitthenner, H., Urben, H.,Arbeiten ohne Ende, IGM, 2001.

Pays-Bas■ Popma, J., Stress, well-being and theFramework Directive. The Dutch Experience,Bruxelles, BTS, 1998, 32 p. ■ Warning, J., Werkdruk nieuw vakbondsthema,Zeist, Uitgeverij Kerckebosch, 2000, 354 p.

Italie■ Salerno, S., Tartaglia, R., Maremmani, R.,Pesare il carico mentale per prevenire la faticamentale, IIMS, INAIL, ISPESL, CGIL, CISL, UGL,UNIONQUADRI et CONFAGRICOLATURA,2000, 27 p.

Irlande■ Armstrong, J., Workplace stress in Ireland,Dublin, ICTU, 2001, 32 p.

Espagne■ Estrés ocupacional, édité et publié par UGT-País Valenciano.

■ Estrés laboral : guía para la prevención deriesgos laborales, publié par le Comité exécutifconfédéral de l'UGT.

Grande-Bretagne■ Preventing stress at work: an MSF guide,Herts, MSF, 1995, 24 p.■ Cox, T., Griffiths, A., Barlow, C., Work–related stress in manual workers : a heavy load,Londres, UNISON, 1996, 43 p.■ Tackling stress at work: a UNISON/TUCguide for safety reps and union negotiators,Londres, TUC, 1998, 20 p.■ What makes bus driving stressful? : a surveyof Sheffield bus drivers, Londres, T&G, 1998,61 p.■ Work-related stress : an introduction, Manchester,Union of Shop, Distributive and Allied workers(USDAW), 1999, 41 p.■ Stress at work: a guide for UNISON safetyrepresentatives on prevention members, Londres,UNISON, 2000, 21 p.■ Working alone. A health and safety guide onlone working for safety representatives, Londres,UNISON, 2000, 30 p.■ Getting action on work related stress : aguide for GMB safety representatives, Londres,GMB, 2001, 37 p.

International■ Prévention du stress au travail. Lutte contrele stress au travail et stratégies syndicales,Genève, FIET, 1994, 74 p.

Publications syndicales sur la prévention du stress

Quant aux fédérations syndicales européennes,l'ETF (Fédération européenne des transports) alancé une campagne européenne "La fatigue tue"dans le cadre d'une campagne internationale surles heures de travail et de conduite dans les trans-ports routiers. Les pressions engendrées par lesdélais et l'obligation de livrer ‘juste à temps’,imputables à la concurrence acharnée que selivre ce secteur, sont considérées comme unesource importante de stress et l'une des princi-pales cause d'accidents. Une campagne spécialea également été lancée sur le harcèlement et lesmauvais traitements subis par les femmes, souventminoritaires dans le secteur des transports. Unecampagne menée dans l'aviation commercialeavec pour slogan “La Rage de l'air” a été lancéeen 2000 à l'encontre de passagers agressifs etdangereux. La Fédération européenne des syndi-cats des services publics (EPSU) a lancé une cam-

pagne sur la mise en oeuvre de la directive sur letemps de travail dans le domaine des soins desanté, en accordant une attention particulière auxmédecins en formation. Selon la campagneStrengthen the EU Working Time Directive : Stopdangerous operations in the workplace18, delongues heures de travail se traduisent souventpar des maladies liées au stress, ce qui met égale-ment les patients en danger.

Dans certains pays, notamment en Belgique, auDanemark, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suèdeet en GB, le stress est intégré dans des conventionscollectives. La plupart des clauses relatives au stresssont davantage centrées sur des aspects procéduraux(identification des facteurs de stress, réalisationd'enquêtes) que sur l'imposition aux employeursd'obligations précises ou sur la fixation d'objectifsvisant à réduire le stress (sauf quelques exceptions,

18 Renforcer la directive européennesur le temps de travail : Mettre unterme aux activités dangereuses surles lieux de travail.

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Questionnaire du BTS sur la prévention du stress en Europe

Le questionnaire a été adressé, en mars 2002, aux membres du Groupe Travailleurs du Comitéconsultatif de Luxembourg et aux fédérations syndicales européennes, en juin 2002. Il avait pourbut de collecter des informations sur : • l’impact, au niveau national, du manuel d'orientation européen sur le stress ; • les activités syndicales dans le domaine du stress ; et • les aspects et les besoins en matière de prévention à incorporer dans de futures stratégies, ycompris en ce qui concerne les difficultés affrontées par les syndicats quand ils abordent le problèmedu stress sur les lieux de travail. Des réponses nous sont parvenues des organisations nationales suivantes : ÖGB et BAK(Autriche), FGTB (Belgique), CGT (France), IG Metall (Allemagne), FNV (Pays-Bas), CC.OO(Espagne), UGT (Espagne), SIF (Suède) et TUC (RU) ; et des fédérations européennes ESF et EPSU.

Faire face au stress en Europe - les obstaclesà la prévention

Dans l'UE d'aujourd'hui, la plupart des approchesrelatives à la prévention du stress s'orientent versla prévention secondaire (diminution des effetsdu stress sur la santé) ou tertiaire (traitement desmaladies causées par le stress). En Europe, laprévention primaire est rare.

Même si divers facteurs de stress, parmi lesquels lesfacteurs organisationnels, physiques, psychologiqueset psychosociaux, ne sont pas exclus du champd'application de l'évaluation des risques imposéepar la directive cadre 89/391/CEE, le fait est queces facteurs ne sont pas encore systématiquementincorporés dans les évaluations de risques menéespar les comités de santé et de sécurité et par lesspécialistes en prévention. Publié en 1996, le

Activités internationales - le BIT et ‘SOLVE’

Le BIT vient de lancer la formation 'SOLVE' dans le cadre de son programme SafeWork, dans le butde résoudre les problèmes psychosociaux au travail. SOLVE traite du stress, du tabac, de l'alcoolet des drogues, du SIDA et de la violence au travail en tant qu'éléments interdépendants pouvantinfluer sur la santé des travailleurs. L'objectif de SOLVE est d'inciter les entreprises à adopter une politique globale pour répondre àces questions. Le BIT affirme que la diminution ou l'élimination de l'une d'elles permettra dediminuer l'incidence et la gravité des autres. Des modules spéciaux d'actions préventives('Microsolves') vont être mis au point pour chacun des cinq domaines de SOLVE. A ce jour, sept modules ont été prévus; ils concernent la prévention du harcèlement sexuel, dustress négatif et celle de la discrimination à l'égard des travailleurs séropositifs dans l'industriemanufacturière. Des modules relatifs à d'autres secteurs et domaines seront élaborés au cours des années à venir. Le projet du BIT ne définit pas clairement l'interdépendance existant entre ces domaines. Celapourrait conduire à des erreurs d'interprétation et à l'adoption d'une politique centrée sur l'individupour la résolution des problèmes psychosociaux liés à l'organisation du travail.

Pour plus de détails, prenez contact avec le Bureau international du Travail, InFocus Safework,1211 Genève 22, Suisse, Tél. : +41-22-7996715, Fax : +41-22-799-6878, http://www.ilo.org/safework

comme aux Pays-Bas). Les quelques conventionscollectives existantes portent sur des aspects qui sontdéjà couverts par des réglementations nationales.Les syndicats visent à des agir sur les facteurs de

risques psychosociaux par l'insertion de clausesse rapportant à certains aspects de l'organisationdu travail (charge et intensité du travail, temps detravail, interruptions et périodes de repos).

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Mémento pour l'évaluation des risques profes-sionnels19 de la CE a pour vocation de donner desconseils sur les aspects pratiques de l’évaluation desrisques prévue dans la directive-cadre et abordebrièvement (à son annexe 1A) les facteurs psy-chosociaux. Cette liste est cependant limitée et lemanuel en soi ne présente aucun contenu minimalà caractère obligatoire pour l'évaluation des risques.Il ne s'agit que d'une publication de la Commissioneuropéenne, qui ne reflète même pas l'avis decette dernière.

Par le biais de conventions collectives nationales,les syndicats espagnols ont exigé l'insertion desfacteurs psychosociaux dans les évaluations derisques. Des réglementations adoptées récemmenten Suède et en Autriche, encouragent les syndicatsà insister sur une intégration du stress dans lesévaluations de risques.

A de rares exceptions près, les inspecteurs du travaild'Europe ne s'occupent généralement pas de cesfacteurs, ceci faute d'effectifs et/ou d'une formationsuffisante. Et même lorsque c'est le cas, très peude pays se servent véritablement d'instrumentsparticuliers ou incluent des données sur le stressdans leurs rapports annuels.

Sur le terrain, il est rare que les autorités chargéesde la santé et de la sécurité mettent en œuvre debonnes pratiques. Un exemple nous vient de Suède,où les autorités ont, de manière anticipative,commencé à se fonder sur les nouvelles régle-mentations sur la lutte contre le stress pour bloquerles réductions de personnel d'un établissementpublic de soins jusqu'à ce que la réalisationd'une évaluation des risques permette de démontrerl'acceptabilité de leurs conséquences pour lasanté et la sécurité. Aux Pays-Bas, les inspecteursutilisent, depuis l'année dernière, un document'd'instructions internes' qui porte sur les aspectsélémentaires du stress. Des instructions similairesexistent pour les agressions, la violence et le har-cèlement sexuel au travail. Un amendementapporté au système des pénalités financières leurpermet de condamner les entreprises non conformesà une amende. Au Danemark, l'inspection se sertd'outils spéciaux d'évaluation des aspects psy-chosociaux dans les secteurs de l'enseignementet des soins de santé.

Certains pouvoirs publics nationaux ont fixé desobjectifs concernant la prévention du stress. AuxPays-Bas par exemple, des conventions nationales(accords tripartites) ont été conclues dans le butde diminuer de 10%, d'ici à 2003, le nombre depersonnes confrontées à de fortes pressions liéesà leur travail. Le Portugal a fait de la diminution de

la dépression et d'autres problèmes psychologiquesinhérents à l'organisation du travail son tout premierobjectif. Dans son plan sur l'environnement detravail 2000–2002, l'inspection du travail suédoiseprévoit d'instaurer des mesures de surveillance sur5% des lieux de travail où le stress est le plus intense.

En Finlande, un programme national de recherche-action intitulé Bien-être au travail (2000-2003) aété lancé par quatre ministères, les partenairessociaux et d'autres groupes intéressés. Le projet apour vocation de favoriser le bien-être au travail etla qualité de la vie, et vise à assurer la satisfactiontirée du travail et le bien-être mental. Il fonctionnesur quatre volets : la fourniture d'informations, larecherche et la mise en pratique de ses résultats, lesoutien et le financement de projets, l’élaborationet la surveillance de la législation.

Les problèmes que rencontrent les syndicatseuropéens face au stress lié au travail sont nombreuxet divers. En bref, ils manquent de connaissanceset d'experts qualifiés, les travailleurs maîtrisent demoins en moins l'organisation du travail tandisque les restructurations et le chômage se répandentpartout en Europe et, enfin, la tendance est à l'in-dividualisation des problèmes de stress et àl’adoption d’approches réactives après un accidentde travail. Les syndicats ont aussi le sentiment queles nouvelles formes d'organisation du travail etles nouvelles technologies, en ce qu'elles portentatteinte à la vie privée et aux droits fondamentauxdes travailleurs, sont de nature à leur faire perdreprogressivement leur dignité. D’autant que lesemployeurs veulent conserver l'entière maîtrisesur tous les aspects de l'organisation du travail.

Les syndicats considèrent le stress et la santémentale comme des sujets extrêmement complexesà traiter. Ils ne disposent pas de l'appui officieldont ils ont besoin pour élaborer des stratégies de

19 Mémento pour l'évaluation desrisques professionnels, Luxembourg,Office des publications officielles desCommunautés européennes, 1996.

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prévention. Il existe également un manque deméthodes scientifiques pour identifier les facteurs destress et l'action à leur encontre sur le lieu de travail.

En Europe, le manque de reconnaissance de troublespsychologiques comme maladies professionnellesentrave les actions de prévention. A l'heure actuelle,le stress est encore considéré comme un problèmeindividuel imputable à la personne et à sa per-sonnalité. Quand elles existent, les stratégies enmatière de prévention en Europe sont centréessur l'individu, et portent rarement sur une détectionsystématique des risques sur les lieux de travail.

Les syndicats ont, pour l'essentiel, défini troissortes de stratégies pour l'avenir en vue d'améliorerla prévention du stress en Europe. La premièreconcerne les initiatives visant à améliorer lesconnaissances sur le stress : les connaissancesdes experts, dont l'acquisition nécessitera le suivid'une formation intensive par les spécialistes enprévention, les travailleurs et les inspecteurs, lamise au point de méthodologies valables ; et uneconnaissance des effets du stress, pour laquelle desrecherches plus approfondies sont indispensables.

La deuxième porte sur des initiatives ayant pour butd'obtenir un cadre européen plus contraignantconcernant la prévention et la reconnaissance dustress. Il pourrait s’agir de lignes directrices com-munautaires, obligatoires, pratiques et plus détail-lées sur les aspects de la prévention (Autriche),d’une clarification des obligations légales desemployeurs (GB), voire une directive particulièreportant sur la prévention du stress (Grèce). Lessyndicats veulent également inclure dans la listeeuropéenne des maladies professionnelles(France, Portugal, Espagne) celles induites par lestress lié au travail, ce qui permettrait de reconnaîtreaux travailleurs le droit de bénéficier d'un congéde maladie et de soins médicaux.

La troisième se rapporte à des initiatives destinéesà élargir les activités en matière de prévention desdélégués des travailleurs pour la santé et la sécurité,en leur permettant d'avoir davantage voix auchapitre quant à l'organisation du travail et de disposerde moyens d'action contre les pressions (par ex. :cessation du travail quand la santé mentale destravailleurs est mise en danger, facilitation desindemnisations des victimes quand leur employeurn'a pas mené une évaluation suffisante des risques),etc. Ce qui pourrait nécessiter la modification de ladirective-cadre.

Enfin, les syndicats ont proposé des initiatives denature à refléter un engagement plus marqué dela part des institutions européennes afin de lutter

contre le stress, notamment la mise en place degroupes de travail permanents au sein du Comitéconsultatif, de la Fondation de Dublin et del'Agence de Bilbao. Améliorer la vie communautairesur le lieu de travail peut aussi contribuer à fairesortir les travailleurs de leur isolement et à mettre finà l'individualisation subséquente des problèmesengendrés par le stress.

Les propositions du BTS au plan européen

En résumé, les objectifs-clefs des syndicats pourla prévention du stress au niveau européendevraient être les suivants :

■ Imposer aux employeurs des obligations concrètesen matière de prévention du stress.■ Clarifier le contenu de l'évaluation des risques(insertion de divers facteurs de stress).■ Améliorer la législation sur l'ergonomie et yintégrer la charge psychique ainsi que des aspectspsychologiques et psychosociaux (cadences detravail, liberté de prise de décision, autonomie,etc.) susceptibles d'induire le stress, des troublesmusculo-squelettiques et une augmentation desrisques d'accidents.■ Renforcer le rôle et l'influence des syndicats etdes représentants des travailleurs sur l'organisationdu travail, en particulier lorsque des changementssont en passe d'y être apportés (par ex. : réductiondes effectifs, accélération du travail, etc.).■ Promouvoir la formation et la sensibilisationdes travailleurs aux risques engendrés par le stresssur le lieu de travail.■ Promouvoir les services pluridisciplinaires deprévention, qui doivent également comprendredes psychologues. ■ Mettre en place un cadre d'évaluation et detraitement des facteurs de risques, qui soit destinéavant tout à leur prévention primaire, et non êtrecentré sur l’individu.■ Mettre en œuvre des procédures pour l'enre-gistrement de plaintes relatives au stress sur lelieu de travail. ■ Veiller à ce que les travailleurs puissent bénéficierd'un congé de maladie pour cause de stress etfavoriser leur réinsertion.

Certains de ces objectifs pourraient être atteintsen apportant des modifications à la législationactuelle ou en adoptant de nouvelles réglemen-tations au niveau européen. ■

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Le Manuel d'orientation sur le stress lié au travail de laCommission européenne : des mots aux actes

INITIATIVES EUROPEENNES

Introduction - Historique

Le préambule de la Constitution de l'Organisationmondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme"un état de complet bien-être physique, mental etsocial, et (qui) ne consiste pas seulement en une absencede maladie ou d'infirmité". Il ne fait absolumentaucun doute que la vie professionnelle et ses conditionssont de puissants facteurs déterminants de la santé,pour le meilleur comme pour le pire. La relation vadans les deux sens. Le travail a des répercussions surla santé. Mais plus souvent qu'à son tour, la santé aégalement des effets sur la productivité et la capacitéd'une personne à gagner sa vie ainsi que sur ses relationssociales et familiales. Il va sans dire que cela vautpour tous les aspects de la santé, à la fois physique etmentale.

En 2000, la Commission européenne publiait sonManuel d'orientation sur le stress lié au travail –Piment de la vie … ou coup fatal1, en anglais, enfrançais, en allemand, en italien et en espagnol.Cette publication faisait suite à une importante con-férence européenne qui s'était tenue les 9 et 10novembre 1993 à Bruxelles sur le thème du "stress liéau travail - un appel à l'action", organisée conjointementpar la Fondation européenne de Dublin, laCommission européenne et le ministère belge del'Emploi, avec l'appui de la présidence belge duConseil des ministres. Cette conférence avait permisde mettre l'accent sur l'impact de plus en plus fort dustress sur la qualité de la vie professionnelle, la santédes travailleurs et les performances des entreprises.Une attention particulière avait été accordée à la sur-veillance et à la prévention du stress aux niveauxnational, européen et des entreprises. Des instrumentset des politiques destinés à mieux prévenir le stress yavaient été présentés et avaient fait l'objet de discussions.Enfin, une table ronde sur les "futures perspectivesrelatives au stress lié au travail dans la Communautéeuropéenne" avait rassemblé des représentants desgouvernements nationaux, de la Commissioneuropéenne, de l'UNICE, du CEEP, de la CES et de laFondation de Dublin.

Suite à ces débats, un groupe de travail a été mis enplace au sein du Comité consultatif pour la santé etla sécurité, chargé plus particulièrement du "stress liéau travail". Ce groupe ad hoc avait proposé à laCommission européenne, avec l'aval du Comité con-sultatif, de rédiger un "manuel d'orientation" dans cedomaine. L'auteur de cet article a eu l’honneur departiciper activement à son élaboration.

La situation actuelle

Les nombreuses causes et conséquences du stress liéau travail sont largement répandues dans les 15 Etatsmembres de l'Union européenne. Plus de la moitiédes 160 millions de travailleurs de l'UE travaillent àdes cadences infernales (56%) et dans des délais trèscourts (60%). Plus d'un tiers n'ont aucune possibilitéd'influer sur l'ordre des tâches. 40% signalentaccomplir des tâches monotones. Il est probable queces facteurs de stress liés au travail sont responsablesdes troubles de santé actuels : 15% des travailleursse plaignent de maux de tête, 23% de douleurs aucou et aux épaules, 23% de fatigue, 28% de “stress“et 33% de maux de dos (Fondation européenne,2001), en plus d'un large éventail d'autres maladies,dont certaines sont mortelles.

Un stress prolongé au travail peut devenir une causeimportante de troubles dépressifs. Ces troubles con-stituent la quatrième cause la plus importante demaladies au niveau mondial. D'ici 2020, ils pourraientse classer en deuxième position derrière les insuffisancescoronariennes, et précéder toutes les autres maladies(Organisation mondiale de la Santé, 2001). Dans les15 Etats membres de l'UE, on estime que le coût deces troubles et d'autres problèmes mentaux connexespourrait représenter en moyenne 3 à 4% du PIB(OIT, 2000), et s'élever à 265 milliards d'euros paran (1998).

Il semblerait également que le stress prolongé au travailsoit une cause importante du syndrome métabolique(Folkow, 2001; Björntorp, 2001). Ces troubles setraduisent par une accumulation de graisse abdominale,une diminution de la sensibilité cellulaire à l'insuline,une dyslipidémie (élévation des taux de LDL-cholesterolet de triglycérides, et abaissement des taux de HDL-cholesterol), ainsi qu'une élévation de la tensionartérielle, cause probable d'insuffisances coronarienneset de diabètes de type 2.

On touche donc à pratiquement tous les aspects de lasanté et des maladies liées au travail. Ces manifestationspeuvent être provoquées par une interprétationerronée, qu'elle soit émotionnelle et/ou cognitive,de conditions de travail que l'individu jugemenaçantes, même lorsqu'elles ne le sont pas, et/oupar des symptômes et des signes anodins qui se pro-duisent dans son organisme et qu'il perçoit commeles manifestations d'une maladie grave. Tout celapeut se traduire par les troubles les plus variés, uneperte de bien-être et une perte de productivité. Les

1 Levi, L et I : Manuel d'orientation surle stress lié au travail – Piment de lavie … ou coup fatal ?, Luxembourg,Office des Publications officiellesdes Communautés européennes, 2000.URL : http://www.europa.eu.int/comm/employment_social/h&s/publicat/stress_fr.pdf.

* Karolinska Institutet,Stockholm, Suède

Lennart Levi*

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exemples étudiés de façon assez détaillée dans le manueld'orientation de la CE comprennent l'insuffisancecoronarienne, l'accident vasculaire cérébral, les affectionsmusculo-squelettiques, les affections gastro-intestinales,les angoisses et la dépression, les accidents et le suicide.

Le Manuel d'orientation de la Commissioneuropéenne

Qu'est-ce que le stress ?Selon le manuel, le stress consiste en un état réactionnel"d'homme des cavernes" qui prépare l'organismehumain à la lutte ou à la fuite, autrement dit à l'activitéphysique, en réaction à des facteurs de stress,autrement dit à des exigences et des influences quientravent la capacité d'adaptation de l'organisme.Le "stress" comporte des points communs dans unschéma d'adaptation réactionnelle de l'organismevis-à-vis de plusieurs de ces influences et de ces exigences.Si cette réaction était la bonne lorsque l'homme descavernes se trouvait face à une bande de loups, cen'est plus le cas aujourd'hui lorsque des travailleurss'efforcent de s'adapter au travail posté tournant, àdes tâches extrêmement monotones et fragmentairesou à des clients menaçants ou trop exigeants. Ons’adapte souvent mal à un stress soutenu et il peutêtre susceptible d'induire des maladies.

Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, le travail peutavoir des répercussions positives (le piment de la vie)et négatives (le coup fatal) sur la santé et le bien-être.Le travail peut donner un but et un sens à la vie. Il peutstructurer et densifier la journée, la semaine, l'annéeet toute la vie. Il peut apporter une identité, le respectde soi, le soutien social et la récompense matérielle.C'est ce qui est susceptible de se produire lorsque lesexigences professionnelles sont optimales (et nonmaximales), lorsque les travailleurs jouissent d'un degrénormal d'autonomie, lorsque le "climat" de l'entrepriseest sympathique et favorable, et lorsque le travailleurperçoit la juste rétribution de ses efforts. Dans cecas, le travail peut être l'un des facteurs de bonnesanté ("salutogènes") les plus importants de la vie.

En revanche, si les conditions de travail présententles caractéristiques inverses, elles sont susceptibles -à longue échéance en tout cas - de provoquer desproblèmes de santé, d'en accélérer le cours ou d'endéclencher les symptômes. Les mécanismes pathogènescomprennent des réactions émotionnelles (anxiété,dépression, hypochondrie et aliénation), des réactionscognitives (diminution de la concentration et de lamémoire, incapacité d'apprendre de nouvelles choses,incapacité à prendre des décisions, perte de créativité),des réactions comportementales (abus de drogues,

d'alcool et de tabac, comportement destructeur ouautodestructeur, refus de se soigner ou d'accepterun traitement ou des mesures de prévention et deréhabilitation) et des réactions physiologiques (dys-fonctionnements neuroendocriniens et immunologiques,notamment une sympathicotonie persistante et/ouun dysfonctionnement de l'hypothalamus ainsi quedes glandes pituitaires et surrénales2).

Peut-on prévenir le stress lié au travail ?Le stress lié au travail peut être abordé sur quatre plans :le travailleur individuel, l'entreprise, la nation et l'Unioneuropéenne. Quelle que soit la cible, les conditions sonthabituellement créées par l'homme et sont ouvertesaux interventions de toutes les parties.

Selon le manuel d'orientation, il faut dans tous les casdéterminer les facteurs de stress lié au travail, les réactionsdues au stress et les problèmes de santé liés au stress,et ce pour plusieurs raisons : le stress est un problèmepour le travailleur et son entreprise et pour la société; lesproblèmes de stress au travail sont en augmentation;leur prise en compte est une obligation imposée par ladirective-cadre sur la santé et la sécurité; enfin, de nombreuxfacteurs de stress et leurs conséquences sont évitableset peuvent être adaptés par les trois parties en présence surle marché du travail, dès lors qu'elles agissent de concertdans leur intérêt propre comme dans leur intérêt mutuel.

Selon la directive-cadre européenne, "l'employeur estobligé d'assurer la sécurité et la santé du travailleurdans tous les aspects liés au travail". Les principes deprévention contenus dans la directive consistent à"éviter les risques", à "combattre les risques à la source"et à "adapter le travail à l'homme". Elle fait, en outre,mention de l'obligation pour l'employeur "de planifierla prévention en visant un ensemble cohérent". Le manueld'orientation de la Commission européenne n'a d'autreambition que de proposer les bases de ces principes.

A partir d’une surveillance des lieux de travail et d’uneobservation menée aux niveaux national et régional,on peut prévenir ou neutraliser le stress lié au travail parla reconception des postes (par exemple en donnantplus d'autonomie aux salariés et en évitant une chargede travail excessive ou insuffisante), en améliorant lesoutien social, en récompensant normalement les effortsdéployés et, bien entendu, en adaptant les conditionsprofessionnelles physiques, chimiques et psychosocialesaux capacités, aux besoins et aux attentes normales destravailleurs. Tout ceci concorde avec les exigences de ladirective-cadre communautaire et de l'article 152 du traitéd'Amsterdam, selon lequel "un niveau élevé de protectionde la santé humaine est assuré dans la définition et lamise en œuvre de toutes les politiques et actions de laCommunauté".

2 Hypothalamus : partie du cerveauqui règle la température corporelleet assure d'autres activités de façonautonome; glande pituitaire : petiteglande endocrine dont les sécrétionscontrôlent d'autres glandes endocrines;glandes surrénales : deux petitesglandes endocrines qui sécrètent ducortisol, de l'adrénaline, de lanoradrénaline et d'autres hormones.

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Pour atteindre ces objectifs, les actions de soutien devronts'étendre non seulement à la recherche, mais aussi à lamise en adéquation des programmes des écoles de ges-tion, des instituts de technologie, de la médecine et dessciences comportementales et sociales, de la formationet du recyclage des inspecteurs du travail, des responsablesde la santé du travail, des cadres et des surveillants d'entreprise.

Les outils de prévention du stressPour déterminer le stress lié au travail, ses causes et sesconséquences, il faut analyser le contenu du poste,les conditions de travail, les clauses du contrat detravail, les rapports sociaux au travail, la santé, lebien-être et la productivité du travailleur. Le manueld'orientation de la CE prévoit de nombreux renvoisà des listes et questionnaires qui apporteront uneaide aux différentes parties prenantes. Dès lors que lesacteurs du marché du travail savent "où le bât blesse",ils peuvent prendre des mesures pour "adapter lebât" à la forme du "dos", c'est-à-dire pour améliorerles conditions génératrices de stress au travail.

Pour ce faire, le manuel d'orientation propose deschangements d'organisation assez simples, dont voiciquelques exemples :■ accorder suffisamment de temps au travailleur pourqu'il accomplisse son travail de façon satisfaisante;■ donner au travailleur une description de poste précise;■ récompenser le travailleur pour le travail bien fait; ■ prévoir un système permettant au travailleur d'exprimerses doléances et de les voir prises en compte vite et bien;■ harmoniser la responsabilité et l'autorité du travailleur;■ expliciter les buts et les valeurs de l'entreprise et,autant que faire se peut, les adapter aux buts et auxvaleurs du travailleur; ■ favoriser la maîtrise par le travailleur du produitfinal de son travail, et sa fierté de ce produit; ■ favoriser la tolérance, la sécurité et la justice sur lelieu de travail; ■ supprimer les expositions physiques nocives; ■ recenser les échecs et les réussites des mesuressanitaires prises antérieurement et ultérieurementsur le lieu de travail, ainsi que leurs causes et con-séquences; apprendre à éviter les échecs et à favoriserles réussites, en vue de l'amélioration progressive del'environnement professionnel et de la santé au travail(contrôle interne, voir ci-dessous).

Au niveau de l'entreprise ou du pays, les trois parties enprésence sur le marché du travail peuvent souhaiter,pour prévenir le stress lié au travail et les problèmes desanté, envisager des améliorations de l'organisation surles plans suivants : ■ Horaire de travail. Concevoir des horaires de travailpermettant d'éviter le conflit avec les impératifs et lesresponsabilités non liés au travail. Les horaires du travail

posté tournant devraient être stables et prévisibles,avec une rotation vers l'avant (matin - après-midi - nuit).■ Participation et maîtrise. Permettre aux travailleurs departiciper aux décisions ou aux mesures qui concernentleur travail.■ Charge de travail. Veiller à ce que les affectationssoient compatibles avec les capacités et les moyens dutravailleur et permettre à celui-ci de récupérer après destâches physiques ou intellectuelles particulièrementéprouvantes.■ Contenu. Concevoir les tâches de manière à ce quele travailleur y trouve un sens, une stimulation, unépanouissement et la possibilité d'utiliser ses compétences.■ Rôles.Définir clairement les rôles et les responsabilitésdu travail.■ Environnement social.Créer des occasions d'interactionsociale, y compris le soutien affectif et social et l'entraidedes collègues.■ Avenir. Eviter toute ambiguïté en matière de sécuritéd'emploi et d'évolution de carrière, et promouvoirl'apprentissage à vie et l'employabilité.

Le contrôle interneSelon le manuel d'orientation, il n'est pas indispensableque les mesures destinées à réduire le stress nocif liéau travail soient compliquées, prennent beaucoup detemps ou aient un coût prohibitif. L'une des démarchesles plus sensées, réalistes et économiques est cellequ'on appelle le contrôle interne. Il s'agit d'un processusautorégulateur exécuté par tous les intéressés, en étroitecollaboration. Sa coordination peut être assurée, parexemple, par le service interne de médecine du travail,l'inspecteur du travail, une infirmière du travail ou dela santé publique, une assistante sociale, un physio-thérapeute ou le chef du personnel.

Sa première étape consiste à déterminer la fréquence,la prévalence, la gravité et les tendances des exposi-tions aux facteurs de stress lié au travail, ainsi queleurs causes et leurs conséquences pour la santé, parexemple en utilisant quelques-uns des nombreuxoutils d'enquête indiqués dans le manuel d'orientation.Il s'agit ensuite d'analyser les caractéristiques de cesexpositions, telles qu'elles se dégagent du contenu,de l'organisation et des conditions du travail, parrapport aux résultats obtenus. Sont-elles nécessaires,suffisantes ou accessoires à la création d'un stress etdes problèmes de santé qui lui sont connexes ? Sont-elles modifiables ? Et les modifications sont-ellesacceptables pour les intéressés ? Durant la troisièmeétape, les parties prenantes conçoivent un train d'in-terventions intégré et le mettent en application afinde prévenir le stress lié au travail et de promouvoirà la fois le bien-être et la productivité, de préférenceen conjuguant une démarche du sommet à la baseet une démarche de la base au sommet.

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Les résultats à court et à long terme de ces interventionsdoivent être ensuite évalués sur le plan (a) des expositionsaux facteurs de stress, (b) des réactions dues au stress,(c) de la fréquence et de la prévalence des problèmes desanté, (d) des indicateurs de bien-être et (e) de productivitéen ce qui concerne la qualité et la quantité de biens oude services. Il faut également considérer (f) les coûts et lesavantages sur le plan économique. Si les interventionsrestent sans effets ou ont des effets négatifs sur un ouplusieurs plans, les parties prenantes voudront peut-être reconsidérer ce qu'il faudrait faire, et comment, quand,par qui et pour qui. Si, en revanche, les résultats sontglobalement positifs, elles souhaiteront sans doutepoursuivre ou étendre leurs efforts dans une optiqueanalogue. Il s'agit tout bonnement de l'apprentissagesystématique par l'expérience. Si le processus sedéroule dans une perspective plus longue, le lieu de travaildevient un exemple d'apprentissage organisationnel.

En général, les expériences avec ces interventions sonttrès positives, non seulement pour les salariés et en termesde stress, de santé et de bien-être, mais aussi pour lerôle et la réussite des entreprises et pour la collectivité.Si le processus est mené comme proposé, il y a de forteschances qu'il crée une situation où les trois partiesconcernées sont gagnantes.

Initiatives récentes

L'approche globale contenue dans le manuel d'orientationa été reprise dans les conclusions de la présidencesuédoise (mars 2001 - point 26) : "rétablir le pleinemploi signifie qu'il importe d'axer notre action surune amélioration non seulement quantitative, maiségalement qualitative de l'emploi. Il convient dedéployer des efforts accrus pour promouvoir un bonenvironnement de travail pour tous, y compris l'égalitédes chances pour les personnes handicapées, l'égalitéentre les hommes et les femmes, une organisationde travail satisfaisante et souple permettant de mieuxconcilier vie professionnelle et vie privée, l'éducationet la formation tout au long de la vie, la santé et lasécurité sur le lieu de travail, la participation des tra-vailleurs et la diversité dans la vie professionnelle".

La présidence belge qui lui a succédé a organiséune autre conférence européenne, qui s'estdéroulée à Bruxelles du 25 au 27 octobre 2001 :Problèmes liés au stress et à la dépression : approcheseuropéennes. Le Conseil européen des ministres dela Santé s’est inspiré des résultats de cette con-férence et a invité, dans ses Conclusions (2001), lesEtats membres de l'UE à "accorder une attentionparticulière au problème croissant du stress et de ladépression au travail".

Dans son rapport sur la santé mentale en Europe,l'Organisation mondiale de la Santé (2001) soulignede façon similaire que "les problèmes de santé mentaleet les troubles liés au stress sont la principale causede décès prématurés en Europe. Trouver les moyensde diminuer cette charge constitue une priorité".Plus récemment encore, le Comité exécutif de l'OMS(2002) décrétait que "les problèmes de santé mondialerevêtent une grande importance pour toutes lessociétés et toutes les tranches d'âge en ce qu'ils con-tribuent fortement à induire des maladies et une pertede qualité de vie; ils sont communs à tous les pays,sont à l'origine d'une grande souffrance humaine etde handicaps, accroissent les risques d'exclusionsociale, augmentent les taux de mortalité et entraînentd'énormes coûts économiques et sociaux".

Trois approches communautaires complé-mentaires en matière de maladies provoquéespar le stress au travail

La question qui se pose tout naturellement est de savoircomment il sera possible d'atteindre ces objectifs.La réponse à cette question est contenue dans troisdocuments récents : ■ Le Manuel d'orientation sur le stress lié au travail de laCommission européenne (2000), sur lequel nous venonsde nous étendre longuement; ■ La norme européenne (EN ISO 10075-1 et 2) sur Lesprincipes ergonomiques concernant la charge de travailmental (Comité européen de Normalisation, 2000); et■ Le Livre vert de la Commission européenne :Promouvoir un cadre européen pour la responsabilitésociale des entreprises (2001).

Analysons à présent les deux derniers et comparonsleurs implications pour la protection et la promotionde la santé et du bien-être au travail.

La norme européenne sur la charge de travail mentalLes parties 13 et 24 de la norme internationale ISO10075 concernant la charge de travail mental ont étéadoptées et publiées comme normes européennespar le CEN en juillet et mars 2000. Les membres duCEN ont ainsi attribué, sans modification, le statutde norme nationale à la norme européenne.

Cette norme utilise le terme contrainte mentale pourdésigner "l'ensemble des influences exercées par desfacteurs externes sur un être humain et l'affectantmentalement". L'astreinte mentale désigne "l'effetimmédiat de la contrainte mentale chez l'individu(et non l'effet à long terme) selon son précondition-nement individuel habituel ou ponctuel, y compristous les styles de réaction". La norme spécifie

3 EN ISO 10075-1 : Principes ergonomiquesconcernant la charge de travail mental –Partie 1 : Termes généraux et leurs définitions.

4 EN ISO 10075-2 : Principes ergonomiquesrelatifs à la charge de travail mental –Partie 2 : Principes de conception.

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quelques effets "facilitants" et "néfastes" (à court terme)de l'astreinte mentale. Les effets facilitants comprennentles "effets d'échauffement" et "l'activation", alors queles effets néfastes comprennent la "fatigue mentale" etles "états similaires à la fatigue", tels que la "monotonie","l'hypovigilance" et la "saturation mentale".

Outres les conséquences mentionnées dans la norme,l'astreinte mentale en entraîne d'autres, par exemplel'ennui, le sentiment d'être surchargé, qui ne sontpas traités dans la norme "à cause de l'importantevariabilité individuelle, ou parce qu'on ne disposepas encore de résultats de recherche concluants".Cela s'applique également aux "éventuels effetsdéfavorables à long terme de l'exposition répétée àune astreinte mentale, soit trop forte, soit trop faible".

Dans ses principes généraux de conception, lanorme insiste sur la nécessité d'adapter le systèmede travail à son utilisateur et, ce faisant, de se baser surses expériences et ses compétences, notamment parl'adoption de méthodes de participation. Il conviendraitd'appliquer ces principes afin de pouvoir influer sur(a) l'intensité de la charge de travail et (b) sur ladurée de l'exposition à la charge de travail. Certainsfacteurs personnels, notamment les capacités, lesperformances et la motivation, influeront sur lacharge de travail qui en découle. Par conséquent, laconception de l'organisation du travail commencepar une analyse fonctionnelle du système, suivied'une attribution des tâches entre les opérateurs etles machines ainsi que d'une analyse des tâches,pour aboutir à une conceptualisation de cesdernières et à leur attribution à l'opérateur.

La norme fait ressortir que la charge de travail mentaln'est pas un concept unidimensionnel, car il revêtdivers aspects qualitatifs qui engendrent différentseffets qualitatifs. La norme fournit quelques indicationsconcernant la fatigue, la monotonie, la baisse devigilance et la saturation. Elle fournit une multitudede détails et d'exemples quant à leurs causes.

La responsabilité sociale des entreprises en EuropeLa table ronde des industriels européens (ERT, 2001),réunie pour commenter le Livre vert de la Commissioneuropéenne (2001a) sur la responsabilité sociale desentreprises (RSE), avait conclu que les entreprisessaines, rentables et tournées vers l'avenir ont unecontribution importante à apporter à l'objectif deLisbonne qui veut que l'Europe devienne d'ici 2010l'économie de la connaissance la plus compétitiveet la plus dynamique du monde. Ces entreprises ont admisle fait que si elles voulaient réussir, elles devaienttenir compte des trois composantes - financière,

environnementale et sociale - du développementdurable. Selon l'ERT, il s'agit de la définition la plusexacte de ce que devrait être un comportementresponsable de la part des entreprises, plutôt que deparler de "responsabilité sociale des entreprises", selonl'expression utilisée par la Commission européenne.Le défaut de satisfaire aux trois éléments conduirait,au fil du temps, à une faiblesse sans rémission entermes de crédibilité et de confiance aux yeux desparties prenantes et des ressources organisationnellesinternes. La reconnaissance par les entreprises de leurresponsabilité sociale est essentielle si elles souhaitentconstruire un avenir sain pour leurs salariés, leursactionnaires et plus généralement toutes les partiesprenantes (ERT 2001).

Selon la Commission européenne (2001-b), le conceptde RSE implique qu'une entreprise mène ses activitésd'une manière socialement responsable et doit rendrecompte de leurs effets auprès de toutes les partiesprenantes. Dès lors, la RSE soulève la question del'ensemble des répercussions d'une activité sur lavie des personnes, à l'intérieur comme à l'extérieurde l'entreprise : ■ A l'intérieur : embauche et maintien en place dessalariés, salaires et avantages, investissement dans laformation, environnement de travail, santé et sécurité,droits du travail, etc.■ A l'extérieur : droits de l'homme, commerceéquitable, impact sur la santé humaine et la qualitéde la vie, équilibre acceptable entre les avantages et lesinconvénients pour les personnes les plus concernées,développement durable, etc.

D'après le Livre vert de la Commission européenne(2001-a), le message fondamental inhérent à cettestratégie est qu'à long terme, la croissanceéconomique, la cohésion sociale et la protection de

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Sur base de ces considérations, les entreprises pour-raient publier des rapports annuels fondés sur latriple approche, en traitant des questions financières,environnementales et sociales (y compris la santé).Pour élaborer un tel document, elles pourraientenvisager d'utiliser l'index social (de 0 à 100 points),mis au point par le ministère danois des Affairessociales afin de mesurer jusqu'où une entrepriseassume ses responsabilités sociales.

Comparaison entre les trois approches

Les concepts de stress, des facteurs de stress et d’astreinteLa norme européenne définit la contrainte mentalecomme un stimulus, ce qui correspond à la définitionqui lui est donnée en physique de "force qui tend àétirer ou à déformer un corps". Le manuel d'orientationa opté pour le concept actuel de stress psycho-

socio-biologique, introduit par Selye (1936), quicomprend les dénominateurs communs du schémaréactionnel d'adaptation de l'organisme à diversesinfluences et exigences.

Selon la norme européenne, la contrainte (= le stimulus)induit une astreinte mentale (= la réaction). Lemanuel d'orientation qualifie de stress les aspectsnon spécifiques de cette astreinte. Le concept decontrainte de la norme européenne correspond àcelui de facteur de stress du manuel d'orientation.Afin d'éviter toute confusion, il est important defaire ressortir les différences fondamentales entre lesdeux séries de définitions.

Connotations négatives, positives ou neutresLa norme européenne souligne que sa conceptiondu stress n'est intrinsèquement ni négative ni positive.En fonction du contexte, elle peut être les deux

l'environnement doivent aller de pair. Ceci entraînede nombreuses implications dans les relations entrel'entreprise et ses salariés, et sous-entend la prise d'unengagement notamment envers la santé et la sécurité,un meilleur équilibre entre vie professionnelle, viefamiliale et loisirs, l'apprentissage tout au long de lavie, une plus grande diversité parmi les effectifs, l'é-galité entre les hommes et les femmes sur le plandes rémunérations et des perspectives de carrière,des plans relatifs à la redistribution des bénéfices et àla détention de parts sociales. Ces pratiques peuventavoir des conséquences directes sur les bénéficesgrâce à une augmentation de la productivité, unediminution des rotations de personnel, une plusgrande aptitude à accepter le changement, davantaged'innovations et, mieux encore, une production plusfiable. En effet, un important fil conducteur de cedocument porte sur le fait que les entreprises ontsouvent intérêt à dépasser les prescriptions légalesminimales dans leurs relations avec les partiesprenantes. En jouissant du respect de leur entourage

et d'une bonne réputation, l'employeur et la firmedisposent ainsi d'atouts hautement commercialisables.

Un certain nombre d'autres initiatives ont pour butde promouvoir la RSE au niveau mondial, entreautres le "Global compact" des Nations Unies, la"Déclaration tripartite sur les principes concernantles entreprises multinationales et la politiquesociale" de l'OIT, ainsi que les "Principes directeursà l'intention des sociétés multinationales" del'OCDE. Bien que ces initiatives ne soient pasjuridiquement contraignantes, elles sont appuyées,dans le cas des principes directeurs de l'OCDE, parla volonté des gouvernements y ayant souscrit depromouvoir leur respect par les entreprises.

Dans son invitation à débattre de ces thèmes, laprésidence belge de l'UE (2001) avait fourni unschéma destiné à expliciter les trois sortes deresponsabilités et les quatre catégories d'inter-venants impliqués.

Dirigeants Travailleurs Consommateurs Investisseurs

Qualité Compétences Attente des Services Index,et formation travailleurs économiques Disclosure,

d’intérêt général SIF

Convergence Codes de Rapport sur la Labels sociaux Critères deConduite gestion des reporting et

ressources de ratinghumaines

Partenariat Petites et Dialogue social Clauses sociales et Fonds de Moyennes éthiques dans la pensionEntreprises passation de

marchés publics

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choses à la fois ou aucune d'elles. De façon similaire,le manuel d'orientation mentionne que le stress peutêtre positif (le piment de la vie) ou négatif (le coupfatal), en fonction du contexte et des variations d'unindividu à l'autre.

Des effets défavorables à long terme ?La norme européenne ne prend pas en compte leséventuels effets négatifs à long terme en raison "ducaractère non encore conclusif de la recherche".Rédigé près d'une décennie plus tard, le manueld'orientation va dans le sens contraire et présente,documents à l'appui, un large éventail d'effetsnégatifs (sur la santé) d'une exposition à long termeà des facteurs de stress. Cette dernière évaluationcorrespond à la formulation de l'Organisation mondialede la Santé selon laquelle "les problèmes de santémentale et les troubles liés au stress sont la premièrecause de décès prématurés en Europe".

Il est clair que ces trois approches se fondent sur desparadigmes différents mais liés entre eux. Le manueld'orientation de la Commission européenne trouveses racines dans la protection des travailleurs, lamédecine du stress et la psychologie, ainsi que dansune approche écologique ou systémique. La normeeuropéenne est fondée sur l'ergonomie, qui est unescience appliquée de la conception d'équipements etde procédés de travail visant à améliorer la perfor-mance d'ensemble du système par une diminutionde la fatigue et de l'inconfort de l'opérateur, tout enveillant à sa santé, à sa sécurité et à son bien-être.Tandis que la RSE trouve sa raison d'être dans laprise en compte de l'éthique et des droits humains.

Le manuel d'orientation a été élaboré en considérant"qu'une seule taille ne sied pas à tout le monde". Ilest fait pour que chacun choisisse ce qui lui convient,et invite tous les intéressés à opter pour les interven-tions qu'ils estiment optimales dans leur contexteparticulier, en vue d'une évaluation subséquente. Ils'accorde à la directive-cadre communautaire et n'ad'autre but que de prévenir les maladies liées au travailet de favoriser le bien-être et la productivité.

La norme est, quant à elle, plus précise sur les élémentsà intégrer et sur la manière de les promouvoir. Elleporte sur les différents types d'activités des travailleurs,avec pour objectif principal "d'adapter le dispositifde travail à l'utilisateur". Sans aller ouvertementjusque-là, elle donne l'impression que la productivité(et non la santé ou le bien-être) est à considérer commele principal aboutissement. Le manuel d'orientationet la norme se chevauchent en de nombreux points, tanten termes d'objectifs que de moyens pour les atteindre.

L'approche de la RSE est beaucoup plus large, elleenglobe à la fois la santé, le bien-être du travailleuret la productivité, et le développement économiqueet écologique durable. Bien que l'on ait tenté d'in-strumentaliser le concept de RSE par l'apport demesures quantitatives et qualitatives des objectifs,des interventions et des résultats, le risque de voircertaines des parties prenantes se prétendre enfaveur de la RSE sans toutefois dépasser le stade del'action symbolique est bien réel.

Même ainsi, les trois initiatives forment les basesimportantes d’une triple approche tendant à uneproductivité élevée, une bonne santé professionnelleet publique et une qualité de vie élevée.

En conclusion, il est indispensable de prendre rapide-ment des mesures préventives dans tous les secteurset à tous les niveaux de la société, afin de promouvoirle concept de l'emploi sain et de prendre en comptel’impact humain des restructurations organisationnelles.Le défi posé ici à la science consiste à découvrir ce qu'ily a lieu de faire, pour qui et comment, et à combler leslacunes en matière de politique scientifique. Pour lesautres acteurs du marché de l'emploi, le défi consisteà mettre en œuvre ce qui est devenu évident dans lecadre de programmes coordonnés et durables quiferont l'objet d'une évaluation subséquente. ■

Références■ Présidence belge de l'UE, La responsabilitésociale des entreprises à l'agenda de lapolitique sociale européenne, Bruxelles,les 27 et 28 novembre 2001.■ Björntorp, P., "Heart and Soul: Stressand the Metabolic Syndrome", ScandCardiovasc J, 35, 172-177, 2001.■ Ministère danois des Affaires sociales,L'index social - mesure de la responsabilitésociale d'une entreprise, Copenhague,Auteur, 2000.■ Commission européenne, Promouvoirun cadre européen pour la responsabilitésociale des entreprises, Livre vert,Luxembourg, Office des Publicationsofficielles des Communautés europé-ennes, 2001.■ Commission européenne, Corporatesocial responsability – General infor-mation, Bruxelles, Auteur, 2001-b.

■ Comité européen de Normalisation,Principes ergonomiques concernant la chargede travail mental – Partie 1 :Termes générauxet leurs définitions (EN ISO 10075-1) etPartie 2 :Principes de conception, Bruxelles,CEN, 2000.■ Conseil européen des ministres de laSanté, Lutte contre les problèmes liés austress et à la dépression, Bruxelles, con-clusions du Conseil du 15 novembre 2001.■ Fondation européenne, Paoli, P.,Merllié, D., Troisième enquête euro-péenne sur les conditions de travail,Dublin, Fondation européenne, 2001.■ Table ronde des industriels européens,ERT position on corporate socialresponsability, 20 novembre 2001.■ Folkow, B., "Mental Stress and itsImportance for Cardiovascular Disorders;Physiological Aspects, "from-mice-to-man'",Scand Cardiovasc J, 35:165-172, 2001.■ OIT, Mental Health in the Workplace,Genève, Bureau international duTravail, 2000.■ Levi, L and I, Manuel d'orientationsur le stress lié au travail. "Piment de lavie… ou coup fatal ?", Luxembourg,Office des Publications officielles desCommunautés européennes, 2000. ■ OECD, Corporate Social Responsibility:Partners for Progress, Paris, Auteur, 2001.■ Comité exécutif de l'OMS, Strengtheningmental health, Resolution EB109.R8,17 janvier 2002.■ Organisation mondiale de la Santé,Rapport sur la santé dans le monde2001, Genève, Organisation mondialede la Santé, 2001.■ Organisation mondiale de la Santé,Mental Health in Europe, Copenhague,Auteur, 2001.

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La violence sur le lieu de travail

INITIATIVES EUROPEENNES

Les rapports de recherche indiquent que les multiples formes de violence au travail - quiont longtemps été minimisées - constituent un problème croissant dans la vie professionnelle.Les statistiques et les procédures d'enregistrement fiables font toutefois défaut. Ce constatfigurait déjà dans les lignes directrices de la Commission sur la violence au travail1 de1996, lesquelles se fondaient sur des enquêtes menées dans plusieurs Etats membres. Lesrelevés d'Eurostat font en outre ressortir que peu de victimes rapportent les faits de violence,en particulier lorsqu'il s'agit de formes de violence psychologique telles que les menacesou le harcèlement. Les problèmes culturels et linguistiques, le manque de conscience etde connaissances spécialisées et les préjugés compliquent encore l'approche duphénomène. Il est temps de s'attaquer à toutes les formes de violence et d'agir afin deprévenir les conséquences négatives pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Raili Perimäki-Dietrich*

Les activités de la Commission et duParlement

A la demande du Comité consultatif de laCommission, un avis sur la violence au travail a étérédigé au sein d'un groupe de travail et adopté enplénière en novembre 2001. Dans cet avis, toutesles parties s'accordent à dire que la violence sur lelieu de travail, sous toutes ses formes, représente unrisque pour la santé et la sécurité. Ces situations àrisques sont comparables à celles induites par lesrisques chimiques et sont, de ce fait, couvertes parla directive-cadre 89/391/CEE. Les employeurs sontainsi tenus d'évaluer, d'analyser et de prévenir cesfacteurs de risques afin de protéger les travailleursen toutes circonstances. Il est, dès lors, essentield’élaborer des dispositions légales appropriées etadaptées aux mutations de la vie professionnelle etde faire ensorte qu’elles soient transposées en droitnational, appliquées et contrôlées.

Le groupe de travail du Comité consultatif a défini laviolence comme "une forme de comportementnégatif ou d'action, dans les relations entre deuxpersonnes ou plus, caractérisée par une agressivité,parfois répétée, parfois sporadique, qui a des effetsnégatifs sur la sécurité, la santé et le bien-être destravailleurs sur le lieu de travail".

Dans son avis, le groupe de travail demande à laCommission "d'élaborer une ligne directrice quiparte de la définition du phénomène sous toutes sesdiverses manifestations et de la détermination desfacteurs de risque que l'employeur est tenus d'évaluerconformément aux dispositions de la directive-cadre.A cet égard, il serait utile de proposer un modèlepour l'évaluation de ce risque spécifique qui intègre

le modèle d'évaluation général. Cette ligne directricedevrait être basée sur une approche essentiellementpréventive, et indiquer, par conséquent, des mesuresvisant à prévenir le phénomène (...). Il conviendraitpar conséquent de prendre en compte les conditionsde travail, l'organisation du travail, la promotion d'unbon climat de travail et d'une collaboration étroiteentre les partenaires sociaux. Il serait particulièrementutile de mettre au point des programmes de formationà l'intention des dirigeants et des travailleurs afin deles sensibiliser au phénomène et de définir les com-portements à adopter à l'égard des victimes de laviolence. En fait, même s'il convient de privilégier lesmesures préventives, celles-ci devraient égalements'accompagner d'une forme d'assistance psychologiqueou autre aux victimes".

Parallèlement au travail du Comité consultatif, leParlement européen a adopté, en septembre 2001, unerésolution2 fondée sur un rapport sur le harcèlementau travail3. Le rapport signale que le problème duharcèlement au travail n'est pas traité avec le sérieuxnécessaire, qu'il est souvent sous-estimé et que desdispositions légales n'existent que dans quelques Etatsmembres. Il faut développer davantage la préventionsystématique et à long terme et vérifier si des initiativesjuridiques sont nécessaires en matière de préventiondes risques pour protéger les conditions de travail, ycompris contre le harcèlement moral. Le Parlementdemande à la Commission de mettre au point unevéritable stratégie communautaire pour la protectionde la santé et de la sécurité au travail et de clarifier,voire d’étendre le champ d'application de la directive-cadre. Les risques tels que le harcèlement moraldoivent être couverts, les obligations des employeursdoivent être précisées et étendues. La Commission estinvitée à présenter, dans un Livre vert, une analyse

1 R. Wynne, N. Clarkin, T. Cox, A.Griffiths, Guidance on the preventionof violence at work, Commissioneuropéenne, DG V, Emploi etaffaires sociales, Luxembourg, 1997.

2 Résolution du Parlement européensur le harcèlement au travail(2001/2339/(INI)).

3 Rapport sur le harcèlement au travail,16 juillet 2001, (A5-0283/2001),Rapporteur: Jan Andersson.

* SAK, FinlandeRaili Perimäki a présidé le Groupe detravail ad hoc du Comité consultatifsur la violence au travail

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détaillée de la situation en matière de harcèlementsur le lieu de travail ainsi qu'un programme d'actionfondé sur cette analyse.

Dans sa stratégie sur la santé et la sécurité publiée enmars 2002, la Commission européenne constate quel’augmentation des maladies et des problèmes psy-chosociaux menace la santé, la sécurité et le bien-êtredes travailleurs. Elle reconnaît que les diverses formesde harcèlement moral et de violence sur le lieu detravail nécessitent une action législative. Dans sonprogramme d’action pour mettre en œuvre la stratégie,il faudrait que la Commission établisse des mesuresconcrètes accompagnées d’un plan de mise en exécutionafin de prévenir la violence sur le lieu de travail.

Les formes d'apparition de la violence

La violence se manifeste sous des formes multiples :agression physique exercée par des personnes àl'extérieur ou à l'intérieur de l'environnement detravail, violence psychique et harcèlement sexuel.Toutes ces formes exigent des approches, des méthodes,des actions et des interventions différentes et ce, tantpour prévenir que pour régler les problèmes qui seposent concrètement sur le lieu de travail, tant entermes de politiques et de procédures d’applicationque de dispositions législatives.

Il est aisé de s'accorder sur la définition et la nécessitéd'agir quand il est question de violence physique etcorporelle de la part de personnes externes à l'en-treprise. On peut identifier les professions et activitésà risques. Les obligations des employeurs sont facilesà déterminer et à appliquer. Par exemple, il est pos-sible de mettre en oeuvre des mesures techniques,de réduire les risques inhérents à l'organisation dutravail, de former les collaborateurs ou de limiter austrict minimum le travail isolé.

Les enquêtes révèlent toutefois d'importants man-quements dans la pratique et de grandes différencesentre les Etats membres. La probabilité de la violenceest très rarement, voire jamais, incluse dans les analysesdes risques. Le devoir d'information et de formation destravailleurs est fortement négligé par les employeurs.Une enquête finlandaise fait état de plaintesémanant des travailleurs de l'industrie hôtelièreselon lesquelles leurs droits fondamentaux seraientbafoués, comme par exemples :■ pouvoir fuir en cas de violence grave;■ rechercher de la protection;■ donner l'alerte et appeler à l'aide;■ enregistrer les incidents sur vidéo;■ suivre une formation continue (exercices pratiques).

Les conséquences sanitaires d'une exposition à laviolence au travail ne peuvent en aucun cas êtrenégligées. De nombreux travailleurs sont soumischaque jour à un stress énorme dû à la peur et sontsouvent exposés à des menaces. Cet état de peurpermanent et d’exposition au danger peut mener lestravailleurs à ne trouver d’issue que dans la démission.Les sentiments de crainte mènent à long terme à desproblèmes physiques et psychosomatiques, qui peuvententraîner une incapacité de travail. Les menaces deviolence constituent en soi déjà un risque pour lasanté, elles devraient être prises en considérationdans les analyses. Les contrats de travail temporaireset la précarité empêchent les travailleurs de revendiquerleurs droits et de s’exprimer par crainte pour leuremploi. Tous les travailleurs devraient, en outre,avoir droit à un debriefing (gestion de crises) aprèsavoir été exposés à des menaces ou à une situationde violence.

La violence psychique sur le lieu de travail peutprendre la forme d’intimidation, de harcèlementmoral ou de comportements négatifs. Ces situationssont encore niées ou qualifiées de problèmes per-sonnels. Le rapport du Parlement sur le harcèlementau travail et l’avis du Comité consultatif montrent quede nombreuses actions sont encore nécessaires pouridentifier et traiter correctement ce phénomène.

Il est certain que les bouleversements constants dans lavie professionnelle favorisent les cas de harcèlementmoral. Comme l'indiquent les enquêtes, on peutciter parmi les facteurs favorisant le développementdu harcèlement : le stress, le manque de personnel,les contrats de travail atypiques, l'amoncellement dutravail, la mauvaise gestion et les structures hiérar-chiques inadaptées, ainsi que la méconnaissance dudéroulement des formes que revêt le harcèlement.D'après la dernière étude de la Fondation de Dublinmenée à l'échelon communautaire, 9% des travailleurs(12 millions de personnes) sont victimes de harcèlement.Il y a de grandes différences entre les Etats membreset entre les secteurs. Il faut en tenir compte pour lesmesures préventives pratiques.

L'imagination ne connaît pas de limites dès qu'il estquestion de formes de harcèlement. Celui-ci n'estpas seulement moral; il peut aussi être physique ousexuel, ou le tout ensemble. Il n'est donc pas possiblede décrire une fois pour toutes les situations, nid'exclure des comportements. Ce qui est décisif,c'est l'effet sur l'individu.

De bonnes connaissances spécialisées sont nécessairespour aborder les situations concrètes de harcèlementsur le lieu de travail. De nombreux documents

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décrivent le processus d’intimidation sur le lieu detravail mais ne sont pas d’une grande aide pourrégler les problèmes sur le terrain. Il nous faut disposerde méthodologies précises. Des lignes directricessont nécessaires pour prévenir mais aussi résoudreles cas de harcèlement. Afin de se donner les moyensde faire face efficacement à ces situations, la colla-boration multidisciplinaire entre les différents acteurs(employeurs, syndicats, instituts de protection de lasanté au travail et organismes d'inspection) est indis-pensable. Elaborer des règles internes représenteaussi une avancée.

L'inspection du travail et la médecine du travailjouent souvent un rôle clé dans l'aide aux travailleurs.De nombreuses erreurs peuvent être commises lorsde la résolution des cas de harcèlement. La victimepeut être marquée pour le reste de sa vie profes-sionnelle et le harceleur peut devenir la prochainevictime. Il est préoccupant de voir que les inspecteursdu travail ne disposent pas des connaissances spé-cialisées suffisantes et que tous les travailleurs nesont pas pris en charge par la médecine du travail. Laformation à la protection de la santé et de la sécuritéau travail dans l'UE affiche de très grandes différencesentre les Etats membres. Les connaissances techniquesne permettent pas d'aborder les cas de harcèlementde manière satisfaisante.

La résolution des cas de harcèlement sexuel estencore plus difficile. On ne peut toutefois pas fermerles yeux devant ce phénomène. C'est un problèmegrave qui concerne les deux sexes. Cette situation estbien décrite et définie dans la directive sur l'égalitédes chances entre hommes et femmes (2000/78/EC).Le rapport du Parlement européen prend lui aussi cesproblèmes en considération et invite la Commissionà tirer les conséquences qui s'imposent.

Les missions des autorités de contrôle

Les obligations légales des employeurs doivent êtremieux contrôlées, et des sanctions doivent être prisesen cas de négligence. Les employeurs doivent agirde façon préventive, comme la directive-cadre lestipule. Ils jouent un rôle de premier plan.

Les responsabilités des autorités de protection dutravail sont les suivantes :■ développer des méthodes d'action sur le lieu de travail;■ développer des lignes directrices;■ contrôler l'application des lois; ■ apporter une aide consultative et un soutien auxemployeurs, aux entreprises et aux victimes de laviolence;

■ diffuser les bonnes pratiques;■ développer des méthodes d'enregistrement et collecterdes statistiques fiables;■ appliquer les sanctions.

Conclusion

Il est nécessaire de développer des lignes directricescommunes pour traiter la violence au travail et d'exa-miner la situation juridique tant au niveau nationalqu'à l'échelon communautaire. Les travailleurs detous les Etats membres doivent jouir des mêmesdroits et d'une même protection.

Il reste encore beaucoup à faire pour résoudre lesproblèmes créés par les diverses formes que revêt laviolence au travail. A mon avis, une étroite collabo-ration est nécessaire au niveau national avec lespartenaires sociaux afin de résoudre les problèmessur le terrain. De leur côté, les autorités chargées dela protection sur le lieu de travail doivent développerla coopération avec la médecine du travail.

La violence sur le lieu de travail représente unemenace croissante pour laquelle on paie un lourdtribut économique et social. C’est un problème quidoit être traité à la source à l’aide de mesurespréventives dont l’UE doit prendre l’initiative. ■

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Harcèlement moral et législation Pour une approche collective intégrée dans la politique de santé au travail

L’adoption d’une législation sur le harcèlement moral dans les rapports de travail est à l’ordredu jour dans plusieurs pays de l’Union européenne. La Suède a joué un rôle de pionnieren se dotant d’une réglementation dès 1993. Le mouvement a été suivi par la France et laBelgique qui viennent d’adopter des législations pour combattre le harcèlement moral.Des propositions parlementaires sont discutées dans différents pays comme l’Espagne, leRoyaume-Uni, le Portugal et l’Italie. En septembre 2001, le Parlement européen a adoptéune résolution sur cette question. Il s’est prononcé, à la fois, pour des mesures nationalesde lutte contre le harcèlement moral et pour des initiatives communautaires soit à traversune clarification ou une extension du champ d’application de la directive-cadre de 1989soit à travers l’adoption d’une directive spécifique.

INITIATIVES NATIONALES

Laurent Vogel*

moral peut comporter des violences physiques et s’ilpeut avoir des répercussions importantes aussi auplan de la santé physique.

Le succès de plusieurs livres, la création dans certainspays d'associations de victimes, le déclenchementd'actions collectives comme des grèves explicite-ment dirigées contre le harcèlement moral indiquentdeux tendances qu'il serait vain de vouloir séparer :une extension de pratiques qui déshumanisent lesrapports de travail et qui sont incompatibles à terme

La notion de "harcèlement moral" est difficile à cerner.Elle indique, d'une part, un phénomène qui s'inscritdans la durée : harceler, c'est revenir à la charge,provoquer des dommages qui résultent d'un effetcumulatif et dont la gravité peut surprendre si l'on selimite à observer chaque action ponctuelle. La qua-lification "moral" permet, d'une part, de tenterd'établir une démarcation parfois difficile avec leharcèlement sexuel et, d'autre part, d'indiquer queles dommages n’affectent pas principalement la santéphysique des personnes même si le harcèlement

Hamid a été victime d'un grave accident du travail- une chute avec fracture et ligaments déchirés -qui a nécessité une interruption d'un an. "Amon retour, je me suis retrouvé en No Division.A mon grand étonnement, je n'ai pas retrouvémon poste de mécanicien, mais j'ai été affectéaux tâches subalternes où je suis toujours. Mesnouveaux secteurs : les espaces verts, la zonedéchets ou encore rien, des journées à ne rienfaire, à attendre." Ces journées-là, interminables,Hamid les passe "dans le grand bureau descadres et de la maîtrise. On me met à une table,sur une chaise, on fait comme si je n'étais paslà, sauf quand on a besoin de ma place. Ce qu'ily a de plus humiliant, c'est que même alors on neme parle pas. On me pince à la manche. C'estpour me faire comprendre que je dois me mettreailleurs". Comme "plusieurs dizaines de salariésqui sont déjà passés par No Division", depuisque le système - dont le principal acquis de lagrève, jusqu'à présent, est d'avoir obtenu lasuppression - a été institué.

Reportage du Journal d'Alsace sur la grève à l'usine Daewooà Mont-Saint-Martin près de Longwy, 24 juin 1999.

* Chargé de recherches au BTS

Eloge patronal du harcèlement

En Italie, la proposition d’adopter uneloi contre le mobbing s’est heurtée àune opposition violente dans les milieuxpatronaux. Le directeur des ressourceshumaines de l’entreprise Zanussi (filialedu groupe suédois Ericson) a déclaré le17 janvier 2000 au cours d’un débatorganisé par la chaîne de télévision Rai 2 :"Bien qu’il soit désagréable, stressant,douloureux et malodorant, le harcèlementest un extraordinaire instrument desélection, le jugement de Dieu médiéval,qui rend forts et sélectionne les meilleurs.C’est la dure voie de l’apprentissage, dela fatigue, de la rage. En quelque sorte,le harcèlement est la vie même d’unlieu de travail (...). Il n’existe pas de per-sonne ayant connu le succès qui n’aitrencontré et dépassé le harcèlement etqui, en le subissant, ne se soit forgée..."

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Le harcèlement moral : un problème collectiflié à l'organisation du travail

Assiste-t-on à une explosion soudaine de perversitésur les lieux de travail ou peut-on déceler dans l'orga-nisation du travail des caractéristiques qui accueillent,favorisent voire instrumentalisent les perversités indi-viduelles ? La deuxième hypothèse semble plus solide.

Des situations de harcèlement peuvent se présenterdans des contextes autres que le travail : entre membresd’une même famille, entre voisins, à l’école (entreélèves ou entre élèves et enseignants), dans uneassociation, un club sportif ou encore entre desartistes et leurs "fans". Ces situations s’inscrivent dansune dynamique profondément différente de celledes rapports de travail.

Trois éléments méritent d’être considérés à cet égard :

■ Le rôle essentiel de la subordination propre aucontrat de travail : les rapports de travail ne constituentpas un espace de liberté. La contrainte y joue un

rôle important mais cette contrainte ne s’exercegénéralement pas de façon brutale. Elle se combinedans une large mesure avec une certaine adhésiondes travailleurs qui trouvent dans le travail un sens, unedignité, des possibilités de réalisation personnelle.Le harcèlement moral se situe souvent dans unezone grise située entre la contrainte pure et simpleexercée par la hiérarchie et l’appel à l’adhésion auxobjectifs de la hiérarchie du collectif de travail et dechacun des travailleurs qui le composent.■ Par sa durée : la relation de travail constitue un cadreprivilégié pour l’exposition à des actes répétés.■ L’investissement psychologique et affectif du sujetdans le travail est important et il marque fortementles rapports entre les personnes sur un même lieu detravail. Cela contribue à expliquer la gravité de ladéstabilisation subie lorsque des atteintes sontportées à la dignité.

D’autre part, une observation empirique permet dedégager une typologie des finalités du harcèlementmoral propres aux rapports de travail. Outre la satisfaction de pulsions individuelles qui, dans

1 Voir : "Un constat lucide, des moyensinsuffisants", Newsletter du BTS, n° 18,mars 2002, pp. 3-6.

Vers des initiatives législatives communautaires ?

Le Parlement européen a consacré des débats au harcèlement moral sur la base d’un rapportprésenté par M. Jan Andersson rédigé en juillet 2001. Les conclusions de ce rapport soulevaientl’ampleur prise par le harcèlement moral au cours de ces dernières années. Elles mettaient enavant sa dimension de genre et son rapport avec la multiplication des contrats à durée déterminéeet l’aggravation de la précarité de l’emploi. Elles soulignaient notamment le fait que les femmesétaient majoritairement victimes de situations de harcèlement moral.Dans sa résolution de septembre 2001, le Parlement européen invitait la Commission à présenterau plus tard en mars 2002, dans un livre vert, une analyse détaillée de la situation concernant leharcèlement moral au travail dans les Etats membres respectifs et à présenter ensuite, en octobre2002 au plus tard, sur la base de cette analyse, un programme d'action concernant des mesuresde dimension communautaire contre le harcèlement moral au travail. Le programme d'actiondevrait inclure un calendrier.Dans sa communication de mars 2002 sur la stratégie communautaire pour la santé et la sécurité(2002-2006)1, la Commission reconnaît que le harcèlement moral et la violence au travail sontdes problèmes particuliers qui justifient une action législative. Elle ne précise pas quelle formeprendra cette initiative ni quel est le calendrier proposé.

avec l'équilibre mental des travailleurs concernés etavec leur dignité, d'une part, et la perception qu'enont les travailleurs, d'autre part. Sans entrer dans lesdébats terminologiques, la notion de harcèlementmoral a permis de désigner un phénomène fréquent,de nommer une souffrance particulière qui se singu-larise d'autres formes de souffrance psychique autravail et de créer une catégorie qui permet d'unifierdes situations apparemment très diverses.

Une multitude d'explications ont été proposées.Dans une perspective d’action syndicale et deprévention, le harcèlement moral est étroitement liéà l'évolution de l'organisation du travail. Toute réponselégislative doit tenir compte de cette dimension col-lective pour être efficace. En bref, avant de discuterdes "harceleurs" et des "harcelés", il est nécessairede se pencher sur l'évolution de l'organisation dutravail.

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2 Pour une analyse de l’évolution del’organisation du travail, voir : T.Coutrot, L'entreprise néo-libérale,nouvelle utopie capitaliste ?, Paris,La Découverte, 1998 et T. Coutrot,Critique de l'organisation du travail,Paris, La Découverte, 1999.

3 V. Daubas-Letourneux et A. Thébaud,Organisation du travail et santé dansl’Union européenne, Dublin, 2002.Le texte intégral du rapport peut êtreconsulté sur le site : www.eurofound.ie/publications/files/EF0206FR.pdf.

4 Les données suédoises qui ne por-tent pas sur la perception du har-cèlement moral mais sur les seulscas ayant donné lieu à une incapacitéde travail mettent en évidence qu’ilsconcernent surtout des femmes(autour de 75% en 1997-1998). Voir :E. Menckel, "Threats, Violence andHarassment in School and Work-life", in S. Marklund (ed.) Worklifeand Health in Sweden 2000,Stockholm, National Institute forWorking Life, 2001.

5 Voir pour la France : C. Daumas,"Au bureau pour vivre gay, vivonscachés", Libération, 22 novembre1999. Pour l'Italie, voir les docu-ments du bureau "Nuovi Diritti" dela CGIL qui peuvent être consultés surle site http://www.cgil.it/org.diritti/home-page/index.htm.

certains cas, peut apparaître comme la finalité princi-pale, l'on relève plus fréquemment d'autres finalités :

■ La volonté de contraindre des travailleurs à démis-sionner sans devoir passer par une procédure delicenciement.■ La volonté de combattre un travailleur considérécomme un élément perturbateur de l'ordre hiérarchiquede l'entreprise. Aujourd’hui la répression anti-syndicalepasse souvent par le harcèlement moral.■ Une stratégie de gestion de l'ensemble du personnel(gestion par la peur, la destruction des identités col-lectives des collectifs de travail et la constitution d'unesorte de meute qui s'attaquera à tous les individusremettant en cause, d'une manière ou d'une autre,les contraintes de l'organisation du travail).

Harcèlement moral et organisation du travail

Tout ce qui a été mentionné plus haut ne suffit pas àexpliquer l'actualité du thème. L'émergence rapidedu harcèlement moral en tant que problème desanté au travail s'explique par les transformations del'organisation du travail. Un des effets pernicieux del'idéologie de la compétitivité est la mise en con-currence entre travailleurs, entre services. Dans unclimat de "guerre de tous contre tous", l'on comprendque les pires dérives soient possibles voire stimulées.Sans entrer dans une analyse détaillée de celles-ci2,nous voudrions souligner certains éléments.

■ Autonomie contrôlée et destruction des solidaritéscollectives : une partie des contraintes est exercéedirectement dans les collectifs de travail.■ L'investissement dans le travail qui est exigé dansla plupart des entreprises implique une sorte de sub-ordination sans limites des besoins individuels auximpératifs de la production (au sens large).■ L'intensification du travail passe par une chasseaux "temps morts" (du point de vue de la rentabilitéimmédiate du capital) qui sont aussi les temps sociauxindispensables à une maîtrise réelle de l'activité parles collectifs de travail.■ L'intensification du travail produit des pathologiestrès différenciées selon les individus. Lorsque certainsd’entre eux "craquent", il peut se produire une sorted’effet "repoussoir" parmi leurs collègues qui se sententmenacés eux-mêmes et cherchent à nier les problèmes.

Sur la base des données de l’enquête sur les conditionsde travail de la Fondation de Dublin, l’on peut observerune forte corrélation entre les nouveaux modes degestion du travail et le phénomène du harcèlementmoral. Véronique Daubas-Letourneux et AnnieThébaud ont dégagé une typologie des organisations

du travail sur la base des principaux paramètres couvertspar l’enquête3. C’est, tant pour les femmes que pourles hommes, dans l’ensemble qu’elles caractérisentcomme "le travail flexible" que le harcèlement moralest le plus répandu et est lié à des niveaux de stresstrès élevés. Cet ensemble est caractérisé à la fois parune forte flexibilité des temps de travail, un rythmede type marchand (qui est fonction de la demandede clients ou d’usagers) et la mise en place deprocédures de contrôle de la qualité.

Harcèlement moral et déterminants sociaux

L'organisation du travail est liée à des déterminantssociaux plus généraux qu'elle intègre dans le fonc-tionnement des entreprises. Il existe souvent de fortescorrélations entre le harcèlement moral et ces déterminants.

■ Division sexuelle du travail : le harcèlement moralest souvent sexiste même s'il n'est pas nécessairementsexuel (dans sa finalité). D'après certains auteurs, ils'inscrit dans le cadre de la construction sociale dupouvoir masculin sur les lieux de travail. Empiriquement,l’on observe que les femmes sont plus souvent victimesde harcèlement moral que les hommes (9% contre7% d’après les données de l’enquête sur les conditionsde travail de la Fondation de Dublin4). Il y a une cer-taine corrélation entre les secteurs les plus affectés(administration publique, commerce, banque, etc.)et la division sexuelle du travail.■ Précarisation : comme pour toutes les autres questionsde santé au travail, il apparaît que les travailleursprécarisés (intérimaires, contrats à durée déterminée,etc.) peuvent moins facilement mettre en place desstratégies de défense et sont vraisemblablement desvictimes privilégiées. La question est sans doute moinsliée au statut juridique qu’à la difficulté d’intégrationou à la peur du chômage. ■ Autres facteurs de discrimination. En France, 50%des cas de racisme signalés au service national d'aide(numéro 114) concernent les rapports de travail contre10% qui concernent la police et l'école. Les servicesd'aide concernant les actes d'homophobie signalentégalement que le travail reste le principal lieu dediscrimination contre les homosexuel(le)s5. Certes,toute discrimination ne passe pas par du harcèlementmoral mais celui-ci reste une technique privilégiéepour affaiblir la position de la personne discriminéeet porter atteinte à sa dignité.

La législation suédoise

La Suède a joué un rôle de pionnier en adoptant la premièreréglementation consacrée au harcèlement moral dès 1993.

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Cette réglementation inscrit la lutte contre le har-cèlement moral dans le cadre de l'obligationgénérale de prévention de l'employeur. Sur la basede la loi de 1977 sur le milieu de travail, l'inspectiondu travail dispose d'un pouvoir réglementaire propre.Elle a adopté le 21 septembre 1993, une ordonnancesur le harcèlement moral (Victimization at work).

Cette ordonnance (AFS 1993 :17) extrêmement concisecomprend 6 articles6 :

■ définition du harcèlement moral comme "desactions répréhensibles ou clairement négatives quisont dirigées contre des travailleurs individuels defaçon offensive et peuvent avoir pour résultat de mettreces travailleurs hors de la communauté de travail"; ■ obligation de l'employeur d'organiser le travail demanière à prévenir le harcèlement moral;■ adoption d'une politique explicite sur ce point;■ nécessité de procéder à une détection précoce etd'intervenir en rectifiant "les conditions de travailinsatisfaisantes, les problèmes de l'organisation dutravail ou les déficiences concernant la coopération" quipeuvent constituer la base du harcèlement moral;■ adoption de mesures si le harcèlement moraldevient apparent (sorte de "prévention secondaire");■ soutien aux victimes et procédures spécifiques àcet effet.

Conformément à la pratique suédoise, cette ordonnanceest complétée par une recommandation générale quiva aider les différents intervenants à comprendre lecontenu de la réglementation et qui servira de base àune action homogène de l'inspection du travail. La recom-mandation générale est toute entière axée sur l'analysedes facteurs collectifs liés à l'organisation du travail.

La législation française

Une proposition de loi sur le harcèlement moral autravail avait été déposée le 14 décembre 1999 par legroupe communiste à l'Assemblée nationale. L'origineimmédiate de cette proposition se trouvait dans ledébat parlementaire sur le conflit social à l'usineDaewoo en Lorraine. Celui-ci avait révélé des pratiquesde gestion incompatibles avec la dignité humaine.En particulier, des membres du personnel étaientcontraints de passer des journées entières dans deschambres de sanction, sans rien faire ou étaientaffectés à des tâches dévalorisantes tel que le ramas-sage de mégots de cigarettes (on appelait cela "passerà la No Division" !). Ces brimades frappaient toutparticulièrement les travailleuses et travailleurs quirevenaient d'un congé de maternité, de congéspayés ou d'un arrêt maladie7. La Commission Nationale

Consultative des Droits de l'Homme avait adopté le29 juin 2000 un avis sur le harcèlement moral dansles relations de travail qui pressait le législateur àintervenir. En avril 2001, le Conseil Economique etSocial avait adopté un avis qui a exercé une influenceimportante sur l’élaboration de la législation. Celle-cia vu le jour dans le cadre de la loi de modernisationsociale du 17 janvier 2002.

Cette loi introduit de nouvelles dispositions dans leCode du travail qui font entrer la lutte contre le har-cèlement moral dans le cadre général des obligationsde l’employeur en matière de santé et de sécurité.

La définition du harcèlement moral a donné lieu à undébat important. Le nouvel article L 122-49 indique"(qu’) aucun salarié ne doit subir les agissements répétésde harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effetune dégradation des conditions de travail susceptiblede porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérersa santé physique ou mentale ou de compromettreson avenir professionnel". L’Assemblée nationale avaitadopté un texte différent qui faisait référence à "desagissements d’un employeur, de son représentant oude toute personne abusant de l’autorité que lui con-fèrent ses fonctions". A la suite des amendementsvotés par le Sénat, la notion d’abus d’autorité n’a pasété retenue et le harcèlement moral peut égalements’appliquer à des relations entre collègues ou êtreimputé à une personne se trouvant dans une positionhiérarchique inférieure à celle de la victime.

Le dispositif de prévention mis en place privilégieune approche collective. C’est dans le cadre de sapolitique générale de prévention que l’employeurdoit combattre les risques liés au harcèlementmoral. Le Code du travail a été modifié de manièreà indiquer explicitement que l’obligation de sécuritéde l’employeur couvrait la santé "physique et mentale".

6 Cette ordonnance et la recom-mandation qui lui est liée peuventêtre consultées en anglais sur le siteinternet : http://www.av.se/english/leg-islation/afs/eng9317.pdf.

7 La révélation des méthodes de gestionde Daewoo avait particulièrementchoqué l'opinion en raison des aidespubliques très importantes dontcette entreprise avait bénéficié pours'installer dans une région durementfrappée par les restructurations.

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Les Comités de Sécurité et Hygiène sont compétentspour traiter du harcèlement moral et proposer desactions de prévention dans ce domaine. Par contre,l’intervention des services de prévention n’a pas faitl’objet de développements importants dans la législationfrançaise qui se borne à préciser que le médecin dutravail peut proposer au chef d’entreprise desmesures individuelles telles que mutations ou trans-formations de postes justifiées par des considérationsrelatives à la santé physique et mentale des travailleurs.Une telle concision s’explique certainement par lefait que le débat sur l’évolution des services deprévention se poursuit et que la composition multi-disciplinaire des services de santé au travail n’a pasencore fait l’objet d’une réglementation précise.

L’approche collective est complétée par un ensemblede procédures destinées à traiter des cas individuels.D’une part, la procédure d’alerte dont disposent lesdélégués du personnel en cas d’atteinte aux droits despersonnes et des libertés individuelles a été étendueaux cas d’atteinte "à la santé physique et mentale"des travailleurs. Dès que l’employeur a été saisi par undélégué du personnel, il est tenu de procéder sansdélai à une enquête avec le délégué et de prendre toutesles dispositions nécessaires pour remédier à la situation.En cas de carence de la part de l’employeur ou de diver-gence entre l’employeur et le délégué sur la réalitédu problème, le délégué peut saisir, suivant une procédured’urgence, une juridiction du travail. Le juge peutordonner toutes les mesures propres à faire cesserl’atteinte à la santé et assortir sa décision d’une astreinte.

Une procédure de médiation est également mise enplace tant pour les victimes de harcèlement sexuel quede harcèlement moral. Le médiateur doit être choisien dehors de l’entreprise sur une liste de personnalitésétablie par l’autorité publique.

Des procédures judiciaires peuvent être intentées parla victime ou, avec son accord, par les organisationssyndicales. Des sanctions pénales ont été instaurées.Le tribunal peut ajourner le prononcé de la peine enenjoignant à l’employeur d’adopter des mesuresdéfinies par le tribunal ou de définir lui-même, aprèsconsultation des représentants des travailleurs, desmesures propres à mettre fin au harcèlement.

La charge de la preuve a été aménagée sur le modèledes dispositions concernant la lutte contre les dis-criminations. Le travailleur doit présenter des élémentsde fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.Il appartient alors à la partie défenderesse de prouverque ses agissements ne sont pas constitutifs de har-cèlement et que sa décision est justifiée par des élémentsobjectifs étrangers à tout harcèlement. Cet aménagement

de la charge de la preuve ne s’applique pas enmatière pénale.

La nouvelle législation organise également la protectiondes victimes et des témoins contre les licenciementsou contre toute mesure discriminatoire.

Des mesures spécifiques ont été adoptées pour lafonction publique.

La législation belge

La loi du 11 juin 2002 concerne la violence, le har-cèlement moral et le harcèlement sexuel au travail.Dès lors, elle est appelée à intervenir dans des situ-ations assez différentes. Dans certains domaines, lesfaits visés concernent des rapports entre les personnesau sein d’une même entreprise ou d’un même lieu detravail. Dans d’autres, notamment en ce qui concernela violence physique, ils se rapporteront plus souventaux rapports entre des travailleurs et des usagers, desclients ou tout simplement des personnes qui ontaccès aux lieux de travail. Le champ d’applicationpersonnel de la loi est également très vaste. Il englobel’ensemble des travailleurs (y compris la fonctionpublique), une partie de la population scolaire etétudiante, les travailleurs volontaires dès lors qu’ils setrouvent sous l’autorité de quelqu’un, etc. La loi s’appliquepartiellement aux travailleurs domestiques qui, enBelgique, continuent à être exclus des dispositionsgénérales concernant la santé au travail.

Cette loi intègre l’ensemble des nouvelles dispositionsdans le cadre de la loi du 4 août 1996 sur le bien-être des travailleurs. Cela signifie que l’ensemble desdispositifs de prévention redéfinis à l’occasion de latransposition de la directive-cadre en Belgique inter-viendront dans le domaine du harcèlement moral(ainsi que du harcèlement sexuel et de la préventionde la violence). Une telle approche constitue unerupture par rapport à la politique suivie en matièrede harcèlement sexuel qui favorisait une approcheindividuelle centrée sur la victime. Il semble bien quel’expérience a montré les graves limites de ce genred’approche. Si on la compare à la législation française,la législation présente d’importantes ressemblances;mais elle est beaucoup plus précise en ce qui concernele rôle des services de prévention et les procéduresde médiation.

Le harcèlement moral est défini comme les conduitesabusives et répétées de toute origine, externe ouinterne à l'entreprise ou l'institution, qui se manifestentnotamment par des comportements, des paroles,des intimidations, des actes, des gestes et des écrits

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8 L’avant-projet de loi préparé par leministère du Travail mentionnaitexplicitement les modes d’organisa-tion du travail.

9 En Belgique, toute entreprise d’aumoins 20 travailleurs, quel que soitson secteur d’activité, doit disposerd’un service interne de prévention.Les entreprises de moins de 20 tra-vailleurs qui ne disposent pas d’un telservice et les entreprises dont le serviceinterne n’est pas à même de remplirl’ensemble des missions prévues parla législation doivent être affiliées à unservice externe de prévention inter-entreprises regroupant des spécialistesde cinq disciplines (médecine du travail,sécurité, hygiène industrielle, ergonomie,charge psychosociale).

unilatéraux8, ayant pour objet ou pour effet deporter atteinte à la personnalité, la dignité ou l'in-tégrité physique ou psychique d'un travailleur lorsde l'exécution de son travail, de mettre en péril sonemploi ou de créer un environnement intimidant,hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’employeur est tenu de mettre en place des dis-positifs de prévention concernant la violence, le har-cèlement moral et le harcèlement sexuel qui portenten tout cas sur les éléments suivants : ■ les aménagements matériels des lieux de travail;■ la définition des moyens mis à la disposition desvictimes (notamment ses rapports avec la personnede confiance et le conseiller spécialisé au sein duservice de prévention);■ l'investigation rapide et impartiale des faits;

■ l'accueil et l'aide à donner aux victimes;■ les mesures de prise en charge et de remise au travaildes victimes;■ les obligations de la ligne hiérarchique dans laprévention des situations envisagées;■ l'information et la formation des travailleurs;■ l'information du comité de prévention et de pro-tection au travail (CPPT).

L’employeur doit désigner un conseiller en préventionspécialisé dans les aspects psychosociaux et de laviolence au travail, le harcèlement moral et le har-cèlement sexuel au sein de son service interne deprévention. A défaut, cette fonction doit être assuréepar un conseiller en prévention du service externede prévention9. Ce conseiller en prévention spécialiséne peut pas être un médecin du travail.

Toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit doncdisposer d’un conseiller en prévention spécialisé.Par ailleurs, l’employeur peut également désignerune ou plusieurs personnes de confiance qui joue lerôle de "première ligne" d’intervention dans l’accueildes victimes et tente une conciliation informelle.

L’ensemble de ces mesures (prévention planifiée,désignation d’un conseiller en prévention spécialiséet désignation des personnes de confiance) requiertl’accord préalable des représentants des travailleursqui exercent donc, dans ce domaine, un pouvoir decodécision.

Les procédures mises en place sont de différentsordres. Les victimes peuvent recourir à des procédures

Harcèlement moral et harcèlement sexuel

La nouvelle législation traite les deux questions dans un même contexte et avec les mêmes procédures.Il s’agit là d’une innovation importante. Une des graves limites des législations actuelles sur le harcèlement sexuel est de l'avoir considéréde façon trop exclusive comme un harcèlement dont les finalités se situent dans un rapport entredeux individus dont l'un cherche à contraindre l'autre à des rapports sexuels. Le harcèlement sexuelest aussi l'expression de rapports de genre dans le travail, ce qui implique qu'une approchepréventive ne peut se limiter à l'écoute et au soutien des victimes et à la sanction des abuseurs.Jusqu’à présent, les dispositions dans le domaine du harcèlement sexuel n’abordent généralementpas l’organisation du travail et les déterminants collectifs liés au pouvoir masculin dans l’entreprise.Il y a certainement une différence entre harcèlement moral et harcèlement sexuel. Le harcèlementsexuel a généralement une finalité individuelle de nature sexuelle. Cependant, il peut aussirelever du harcèlement moral notamment en consacrant la division sexuelle du travail, ce quiapparaît très clairement dans l'intensité toute particulière du harcèlement sexuel dans des situationsde domination masculine marquée - par exemple, vis-à-vis du personnel domestique ou dans dessecteurs et professions traditionnellement réservés aux hommes - comme l'armée ou la police, lebâtiment ou certaines professions techniques presque exclusivement masculines.

internes dans l’entreprise en s’adressant à la personnede confiance ou au conseiller en prévention spécialisé(du service interne quand il y en a un ou du serviceexterne). Des recours sont également prévus auprèsde l’inspection médicale du travail soit parce que lesprocédures internes n’ont pas abouti soit parce quela victime n’a pas confiance dans celles-ci. A défaut demédiation, des procédures judiciaires sont égalementprévues. Elles peuvent être intentées directement parla victime ou par des organisations syndicales ou desassociations. La législation belge a également prévudes mesures de protection contre le licenciement etcontre des modifications unilatérales des conditions detravail en faveur des victimes qui déposent une plaintemotivée. La charge de la preuve a été aménagée de façontrès comparable à la nouvelle législation française. ■

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La situation au Royaume-Uni

Le droit anglais offre actuellement des réponses très limitées parce qu’ellessont centrées sur les dimensions individuelles du harcèlement moral.

Il porte sur trois aspects.

■ Le Protection from Harassment Act 1997 crée à la fois une action civile(réparation d'un "tort") et deux actions pénales avec possibilité pour le jugede procéder à des injonctions adressées aux auteurs du harcèlement. La loine vise pas spécifiquement le harcèlement dans les rapports de travailmême si elle n’exclut pas cette situation. Elle procède à une définition cir-culaire du harcèlement qui incrimine toute conduite répétée (course ofconduct) qui équivaut à du harcèlement ou dont on sait ou devrait savoirqu'elle équivaut à du harcèlement La détermination des faits constitutifs duharcèlement est laissée aux tribunaux. Les poursuites pour harcèlement ontété assez nombreuses depuis l'adoption de la loi (près d'un millier de con-damnations en 1998 d'après les statistiques citées par von Heussen). Maisun examen de la jurisprudence montre que la loi n’a pratiquement euaucune utilité dans le cadre des rapports de travail. D’après une étude por-tant sur 168 cas en 199810, la majorité des plaintes concernent la ruptured’une relation sentimentale (43%), des disputes personnelles (25%) ou desdisputes portant sur des questions de propriété ou d’argent (14%). Les rap-ports de travail n’apparaissent pas en tant que tels (même si le lieu de tra-vail peut être cité notamment dans l’hypothèse d’une rupture sentimentaleentre deux collègues de travail).■ L'Employment Rights Act 1996 contient une définition du licenciement(s95(1)) qui assimile au licenciement la démission d'un travailleur, avec ousans préavis, motivée par la conduite de l'employeur.■ L'arrêt Walker v. Northumberland CC de 1976 constitue le point dedépart d'une importante jurisprudence concernant la responsabilité civiledes employeurs en cas de troubles psychiques liés à l'organisation du travail.

Pour remédier à ces insuffisances, une proposition parlementaire, le Dignityat Work Bill est actuellement en discussion. Cette initiative remonte à 1997.Elle avait été bloquée par le gouvernement conservateur de l’époque. Ladiscussion a repris en décembre 2001 à la Chambre des Lords. Le projetn’examine pas les dimensions collectives ou liées à l’organisation du travaildu harcèlement moral mais il préconise l’adoption par l’employeur d’unepolitique destinée à prévenir le harcèlement moral qui devrait être soumiseà la consultation des représentants syndicaux et des délégués pour la sécurité.

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10 Jessica Harris, An evaluation of theuse and effectiveness of the Protectionfrom Harassment Act 1997, HomeOffice Research Study 203, Londres,2000.

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Le stress en Grande-Bretagne

INITIATIVES NATIONALES

1 Peter Kirby, Twenty-one years ofsaving lives : 1998 TUC survey ofsafety reps, TUC, 1998.

2 Peter Kirby, Trade union trends :focus on health and safety, TUC,2000.

* Expert en santé et sécurité auTUC et membre de la HSC(Commission pour la Santé et laSécurité)

Le contexte – La Grande-Bretagne sous pression

Le temps de travail des Britanniques est le plus longde l’Union européenne, et de nombreux salariés tra-vaillent même plus que les 48 heures prescrites parla directive sur le temps de travail. Alors que le tempsde travail est à la baisse partout en Europe, il a augmentéen Grande-Bretagne, bien que la situation se soitstabilisée depuis la transposition de la directive.Durant les années 80 et 90, en période de crise commed’essor économique, les employeurs ont diminué lenombre de salariés, ce qui a eu pour effet d’augmenterla charge de travail individuelle. Dans le secteur public,l'importance accordée aux droits des consommateurs,clients et utilisateurs, à une époque d’allègementsfiscaux, de licenciements et d’augmentation de laproductivité, vaut aux salariés en contact avec le publicd’être rudoyés et harcelés (et, trop souvent, agressés).

Le monde du travail est incontestablement passé à lavitesse supérieure. L’effervescence et la pression sesont accrues. Les salariés sont incités à rester au tra-vail plus longtemps et à exploiter davantage letemps qu’ils y passent, sous peine de voir surgir lespectre du licenciement ou de "l’oubli" de promo-tion. Une culture dominante qui confond longuesheures de travail et engagement s’est implantée,surtout dans le secteur financier; la réplique évoca-trice du film américain Wall Street, "… déjeuner,c’est pour les feignants", la résume parfaitement.

Même les travailleurs à temps partiel, dont leshoraires sont souvent restreints par la nécessité dequitter le travail pour aller chercher les enfants à l’école,sont confrontés à des contraintes de temps parce qu’ilsdoivent effectuer leur travail dans une période déterminée.

Ce qui a été fait contre le stress

Tout ceci a incité les employeurs, les syndicats et legouvernement à étudier plus attentivement la questiondu stress au travail et les maladies qu’il occasionne.

Le TUC organise tous les deux ans un sondageauprès des délégués à la sécurité en leur demandantd’indiquer les principaux risques présents sur le lieude travail. Dans chaque sondage mené jusqu’à cejour (1996, 19981 et 20002), le stress est arrivé entête de liste. La proportion de délégués à la sécuritécitant le stress comme l’un des principaux pro-blèmes présents sur le lieu de travail (ils peuvent enmentionner jusqu’à cinq) varie au fil des ans, avecune pointe de 77% en 1998 (l’échantillon étaitréduit cette année-là), mais atteint toujours au minimumla barre des deux tiers (68% en 1996, 66% en 2000).

Dans l’étude menée en l’an 2000, le stress arrivait enpremière position pour toutes les entreprises, quelle quesoit leur taille, et dans pratiquement tous les secteursde l’économie (à l’exception de la construction, de

Owen Tudor*

Dessin de Peter Greenwood paru dans TacklingStress at Work, UNISON/TUC, 1998

Les maladies provoquées par le stress lié au travail viennent en deuxième position des maladiesprofessionnelles en Grande-Bretagne. Chaque année, un demi-million de travailleurs (2%de la main-d’œuvre totale) souffrent de troubles qu’ils estiment imputables au stress au travail.Avec les troubles musculo-squelettiques, les glissades et les faux pas, les chutes de hauteur etle transport sur le lieu de travail, le stress fait désormais partie des cinq risques prioritairesqu’étudie la Commission pour la Santé et la Sécurité.Les études menées par les syndicats révèlent que le stress figure en tête des préoccupations desdélégués à la sécurité. Les études des employeurs indiquent quant à elles que le stress lié autravail est la principale cause d’absences pour maladie. Les recherches du Health and SafetyExecutive (instance gouvernementale chargée de la politique de santé et de sécurité et de sonapplication) démontrent qu’un salarié sur cinq (soit cinq millions de travailleurs) souffre régulièrementde troubles liés au stress, les fonctionnaires subissant les niveaux de stress les plus élevés.Le stress est pourtant l’un des thèmes les plus controversés de la santé et de la sécurité en Grande-Bretagne : les demandes d’indemnisation portées devant les tribunaux sont vivement contestées,les experts sont divisés à propos de ses causes et de son évaluation et, dans les cas les plusextrêmes, certains vont jusqu’à se demander si le concept de "stress" est bel et bien pertinent !

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la distribution et de la fabrication). Il était le plusperceptible dans le secteur financier (86%) et lesservices publics (éducation : 82%, gouvernementcentral : 81% et gouvernement local : 73%). Lesprincipales causes de stress identifiées étaient lacharge de travail (pour 74% des délégués à la sécu-rité), suivie des réductions d’effectifs (53%), deschangements (44%) et des longues heures de travail(39%) – particulièrement problématiques dans lesecteur du transport où la directive sur le temps detravail n’est pas encore en vigueur.

Une autre source d’information syndicale sur le stressest l’étude annuelle des recours en indemnisationque les syndicats intentent aux employeurs au nom demembres souffrant d’une maladie ou d’une blessureliée au travail. Au cours des quatre dernières études(couvrant les années civiles 1997 à 2000), le nombrede procédures concernant le stress a progressé con-sidérablement, passant de 459 en 1997 à 783 en19983, 516 en 19994, pour ensuite connaître uneaugmentation spectaculaire jusqu’à 6.428 en 20005

(sur un total de 50.000 recours en indemnisation).

Ces chiffres sont étayés par une recherche plus étofféemenée par le Health and Safety Executive. Deuxrecherches récentes attestent clairement de l’étenduedu problème.

L’étendue du stress au travail : l’étude de Bristol surle stress et la santé au travail6

Cette recherche se fonde sur les réponses de près de8.000 habitants de la région de Bristol ayant réagi àdeux questionnaires envoyés par la poste à un and’intervalle. Les principaux résultats de ce projet de3 ans sont les suivants : ■ Environ un travailleur sur cinq a indiqué être trèsstressé ou extrêmement stressé par son travail. Leschercheurs estiment qu’environ 5 millions de tra-vailleurs britanniques seraient dans le même cas.■ Il existe un lien entre le fait d’être très stressé etune série de caractéristiques de l’emploi, par exempleune charge de travail excessive ou l’absence de soutiende la part des supérieurs.■ Il existe un lien entre le fait d’être très stressé etune série de problèmes de santé, par exemple lestroubles mentaux et les lombalgies, et de comportementsnuisant à la santé, par exemple la consommationd’alcool et de tabac.

Les facteurs liés au travail et les problèmes de santé :l’étude Whitehall II7

Cette étude est axée sur la manière dont la concep-tion du travail affecte le bien-être mental des salariéset occasionne des problèmes de santé. En voici lesprincipaux résultats :

■ Ne pas avoir réellement voix au chapitre à propos desprocédures de travail entraîne des troubles psychiqueschez les hommes et un risque accru d’alcoolismechez les femmes.■ Le travail à rythme soutenu et la nécessité derésoudre des priorités conflictuelles engendrent unrisque accru de troubles psychiatriques chez lesfemmes comme chez les hommes, ainsi qu’une piètrecondition physique ou résistance chez ces derniers.■ Le fait que les énormes efforts consacrés au travailne soient pas reconnus à leur juste valeur par lessupérieurs entraîne un risque accru d’alcoolismechez les hommes, des troubles psychiques chez leshommes et les femmes, et une piètre conditionphysique ou résistance chez ces dernières. ■ Le manque de compréhension et de soutien dessupérieurs et des collègues augmente le risque detroubles psychiatriques. Un bon soutien social au travail,en particulier de la part des supérieurs, procure uneffet de protection. ■ Une mauvaise conception du travail entraîne uneaugmentation du taux d’absentéisme.

Enfin, les études menées par les employeurs, parexemple l’enquête annuelle de la CBI (Confederationof British Industries – la principale organisationpatronale) portant sur les absences pour maladie,identifient le stress comme l’une des principales causesd’absentéisme parmi les employés de bureau. Le TUC acollaboré avec les organisations patronales (par exemple,la Engineering Employers’ Federation) pour concevoirune nouvelle méthode de gestion du stress au travailmettant l’accent sur les liens entre la santé et la sécuritéet la gestion de qualité8. Cette expérience sera intégréedans le dialogue social que la Commission européenneprévoit d’entamer courant 2002.

Les revendications syndicales

Face à ces chiffres alarmants, le TUC et ses syndicatsaffiliés ont accordé une grande attention à la questiondu stress. Chaque syndicat compte dans ses rangsdes membres particulièrement à risque, raison pourlaquelle le problème du stress ressort si nettementdans les études menées auprès des délégués à lasécurité. Les syndicats se penchent non seulementsur le stress en général, mais également sur les facteursde risques spécifiques (les facteurs de stress) qui peuventsouvent être identifiés – par exemple la violence, lesintimidations et le temps de travail (voir certainesévolutions juridiques ci-dessous).

Les syndicats ont réagi par des campagnes de sensi-bilisation, principalement pour attirer l’attention desemployeurs sur ce problème et pour veiller à ce que

3 Owen Tudor, Trade union trends :focus on legal services 1999, TUC,1999.

4 Julia Gallagher, Trade union trends :focus on services for injury victims2000, TUC, 2000.

5 Rachel Oliver, Trade union trends :focus on services for injury victims2001, TUC, 2002.

6 The Scale of Occupational Stress :the Bristol Stress and Health at WorkStudy, HSE Contract ResearchReport 265, 2000.(http://www.hse.gov.uk/research/crr_pdf/2000/crr00265.pdf)

7 Work related factors and ill health :the Whitehall II Study, HSE ContractResearch Report 266, 2001.

8 Le 23 avril 2002, une conférenceintitulée "Stress Essentials: PracticalSolutions that Work" a été organiséeconjointement par le NationalOccupational Health Forum et le UKWork Organisation Network, etsoutenue par les organisations TUC,CBI, EEF, le HSE et l’Agenceeuropéenne pour la sécurité et lasanté au travail. Le communiqué depresse est disponible sur le site del’EEF (http://www.eef.org.uk/fed/fed-news/fedpressrel/fed2001/fedpr_020507), et un rapport peut être obtenuà l’adresse [email protected].

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leurs membres soient conscients que les causes dustress sont souvent liées au travail et devraient êtreprévenues par des mesures prises par la direction.Ces campagnes aident également les syndicats àmieux percevoir les difficultés que rencontrent leursmembres potentiels et favorisent donc le recrutement.

La plupart des syndicats ont abordé la question dansleurs revues, par exemple en évoquant l’histoirepoignante d’un membre ayant vu sa vie et sa carrièreruinées, ou en relatant un recours en indemnisationintenté par le syndicat pour obtenir le versement dedommages et intérêts au travailleur lésé.

De nombreux syndicats ont publié des guides, destinésplus particulièrement aux délégués à la sécurité, surla manière de gérer cette problématique sur le lieu detravail. Certains ont élaboré des listes de vérificationpermettant d’identifier, d'une part, les niveaux destress (ils ont conseillé aux délégués à la sécuritéd’utiliser les outils d’audit du stress disponibles dansle commerce) et, d'autre part, les principales causes destress au travail et les mesures que les responsablespeuvent être invités à prendre. Il est également pos-sible de suivre des formations, par exemple les courssur le stress et le traumatisme au travail organisés parle syndicat GMB.

Certains syndicats ont par ailleurs exhorté laCommission pour la Santé et la Sécurité à prendredes mesures en adoptant des dispositions traitantspécifiquement du stress (voir ci-dessous). Amicus,le deuxième syndicat de Grande-Bretagne, créédébut 2002, mène une campagne depuis plusieursannées (initialement par l’intermédiaire de sonorganisation membre représentant essentiellementles employés de bureau, MSF) pour qu’un projet deloi sur la dignité au travail interdise les intimidations

et offre des recours aux victimes. Dernièrement, leprojet de loi a été présenté à la Chambre haute duParlement britannique (la Chambre des Lords), quil’a accepté. Cependant, sans le soutien actif du gou-vernement, ce projet de loi a peu de chance dedevenir un jour une loi à part entière9.

Les procédures judiciaires : poursuivre les employeursdevant les tribunauxLes syndicats ont fait monter la mise en mettant àprofit leurs services juridiques qui se sont engagésactivement dans des procédures qu’ils avaient deschances raisonnables de remporter et en publiantleurs résultats10.

La procédure qui a fait le plus de bruit a été engagée parle premier syndicat de Grande-Bretagne, UNISON, etconcernait un chef de service du secteur de l’assis-tance sociale, John Walker. Celui-ci se voyait contraintde travailler chaque jour davantage, avec de moinsen moins de ressources. Il avait fini par faire unedépression nerveuse. Son médecin avait signalé àl’employeur que si rien n’était fait pour remédier à sesproblèmes, il ferait une nouvelle dépression. Il étaitretourné travailler mais sa charge de travail n’avait pasété revue à la baisse par les employeurs et l'inévitables'est produit avec pour conséquence une retraiteanticipée et des allocations astronomiques à chargedes autorités locales.

Même si le nombre d'affaires portées devant les tri-bunaux demeure modeste (une constatation quis’applique à toutes les demandes d’indemnisation –90% d’entre elles sont réglées à l’amiable avant deparvenir aux tribunaux), les syndicats enregistrentbien plus de victoires que les avocats qui défendentdes cas similaires pour des non-syndicalistes, princi-palement parce que les syndicats ne s’impliquentpas dans des procès ayant peu de chances d’êtreremportés.

Plus récemment, les assureurs des employeurs ontvoulu riposter au nombre croissant de procès intentéspour stress en allant jusque devant la Cour d’appel(dernière étape avant que ne soit saisie la plus hauteinstance du pays). La Cour a rendu un jugement por-tant sur quatre affaires; elle n'a maintenu la décisionque dans un seul cas mais elle a énoncé plusieursprincipes devant régir les affaires ultérieures11. Cesprincipes sont discutables car certains ne tiennentpas compte du rôle que devrait jouer la préventionet d’autres sont ambigus. Mais dans l’ensemble, ilsprécisent clairement que les maladies liées au stressne sont en rien différentes des autres maladies pro-fessionnelles et qu’elles peuvent être évitées par desmesures de prévention prises par l’employeur.

9 Le site Internet d’Amicus présenteles dernières évolutions de la cam-pagne en faveur de la loi :h t t p : / / w w w. m s f . o r g . u k / c g i -bin/news/db.cgi?db=default&uid=default&ID=200&view_records=1&ww=1

10 Des indemnités peuvent égale-ment être sollicitées auprès de l’Etaten vertu du Programme desblessures professionnelles, maiscelui-ci indemnise surtout les cas destress lié à un ou plusieurs faits plusdiscrets, et s’applique donc davan-tage au stress post-traumatique.

11 Une analyse du jugement et de sesimplications, Stress – the Court ofAppeal decides par Owen Tudor, estdisponible sur le site :http://www.shpmags.com/mfwt/parse.html?page=NewsArticle&ald=1460761&magContext=shp

Dessin de Peter Greenwood paru dans TacklingStress at Work, UNISON/TUC, 1998

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Les procédures judiciaires : poursuivre le gouvernementdevant les tribunauxLes syndicats ont également eu recours aux tribunauxpour persuader le gouvernement britannique, et lesemployeurs avec lesquels il traite, d’adopter uneposition plus ferme concernant le temps de travail.Deux exemples de cette année illustrent les actionsque peuvent prendre les syndicats.

Dans la première affaire, un syndicat a porté plainteauprès de la Commission européenne pour mise enœuvre incorrecte de la directive sur le temps de travailpar le gouvernement britannique. La Commission adonné raison à Amicus12, dont le Secrétaire général,Roger Lyons, a déclaré : "Le temps de travail desBritanniques est le plus long d’Europe – cette décisionréduira considérablement le temps de travail excessifet le stress, et nous rapprochera du nombre d’heuresde travail dont bénéficient déjà les salariés desautres pays d’Europe". La plainte portait sur troisaspects : l’obligation des employeurs de veiller à ce queleurs salariés prennent des pauses et des vacances,la mesure du temps de travail effectué volontairementen plus des heures habituelles et l’exclusion desheures supplémentaires de nuit, de celles qui sontprises en compte pour les heures normales.

Dans la deuxième affaire, le syndicat représentantles gérants de pubs, le Transport and GeneralWorkers Union, a annoncé qu’il entamerait uneprocédure contre une chaîne de pubs dirigée par legroupe Spirit qui considère que les gérants de pubssont exclus de la réglementation sur le temps de travail.Le syndicat a gagné une procédure similaire contreles tavernes Bass en 2000.

La réponse du législateur

En Grande-Bretagne, la Commission pour la Santé etla Sécurité est responsable de la législation relativeà la santé et à la sécurité (officiellement, les décisionssont prises par les ministres, mais ils approuventgénéralement sans discussion celles de la Commission).La Commission est un organe tripartite regroupant troisemployeurs, trois syndicalistes et trois indépendants.Elle est régie par la Loi de 1974 sur la santé et la sécuritéau travail, qui impose entre autres aux employeursde protéger la santé de leurs salariés. Cette exigencetrès générale constitue le fondement de la majeurepartie des dispositions légales concernant le stress.

Les règlements (Regulations) se situent juste un niveauen-dessous des lois du Parlement (Act of Parliament);la plupart d'entre eux servent à transposer des directiveseuropéennes. Les règlements fixent des objectifs aux

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employeurs mais ne prescrivent pas les moyens deles atteindre. Selon les règlements de 1992 relatifs àla gestion de la santé et de la sécurité au travail (qui, engros, transposent la directive-cadre), les employeurssont tenus de mener des évaluations des risques et deconsulter les délégués à la sécurité, deux démarchesessentielles à la prévention des maladies liées au stress.

En avril 1999, la Commission pour la Santé et laSécurité a publié un document de discussion intituléManaging Stress at Work (gérer le stress au travail)afin de lancer un débat sur la réglementation du stressau travail13. A une majorité écrasante (près de 98%),les personnes interrogées ont indiqué que davantagede mesures devaient être prises pour remédier austress, et environ 94% ont reconnu que le stress autravail était un problème de santé publique, de sécuritéet de bien-être, devant être géré par le HSC/E et lesautorités locales en vertu de la loi sur la santé et lasécurité. Les personnes interrogées ont adhéré en masseau concept de prévention du stress par le biais d’uneconception adéquate du travail et de l’adoption depratiques de bonne gestion. Il pourrait être contrôlépar le biais d’une série de mesures organisationnelles.

Pour la majorité des personnes interrogées (69%),des ACoP14 (Approved Codes of Practice) seraientnécessaires, et environ 87% d’entre elles ont estiméque l’ébauche des ACoP présentée dans le documentde discussion était pertinente. Les employeurs etemployés en faveur des ACoP étaient plus ou moinsen nombre égal. La Commission pour la Santé et laSécurité a conclu que : ■ le stress lié au travail est un problème sérieux; ■ le stress lié au travail relève du domaine de lasécurité et de la santé; ■ l’application de législations sur la santé et la sécuritéest un des moyens de lutter contre le stress.

Cependant, pour que les exigences réglementairesportent leurs fruits, la Commission a décidé qu’ellesdevaient reposer sur un fondement solide et donc,que des normes claires devaient être formulées pourrégir les pratiques des employeurs en matière decontrôle des facteurs de stress lié au travail. LaCommission a demandé au HSE de soumettre despropositions détaillées pour élaborer ces normes eta donc décidé de continuer à examiner la nécessitéde l'adoption d’un ACoP.

Les éléments essentiels de l’approche adoptée par leHSC/E pour remédier au stress lié au travail sont lessuivants : ■ élaborer des normes claires de pratiques debonne gestion pour plusieurs facteurs de stress; ■ améliorer le matériel des inspecteurs du HSE et

12 Un compte rendu de l'Amicus estdisponible sur son site internet :http://www.msf.org.uk/cgi-bin/news/db.cgi?db=default&uid=default&ID=190&view_records=1&ww=1

13 Managing stress at work, HSE, 1999.Le résumé des réponses est disponiblesur le site internet du HSE : http://www.hse.gov.uk/hthdir/noframes/stressdd.htm

14 Les "Codes de pratiques approuvés"(Approved Codes of Practice) se situentà un niveau en-dessous des règlementsdans la hiérarchie législative. Ils éta-blissent des mesures spécifiques pouvantêtre prises par les employeurs pouratteindre les objectifs fixés dans lesrèglements. Les employeurs doiventsoit se conformer aux prescriptionsdes ACoP, soit prouver que lesmesures qu’ils mettent en œuvreatteignent les mêmes objectifs.

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des agents des autorités locales pour qu’ils puissentremédier au problème du stress dans leur travail quo-tidien, par exemple en fournissant des informations surles bonnes pratiques et des avis concernant l’évalua-tion des risques et la consultation (voir le point 1);■ former les employeurs par une campagne d'informationprodiguant des conseils détaillés15, en se fondant sur lesconclusions des études du HSE et en se concentranttout particulièrement sur l’évaluation des risques.

Les syndicats privilégient l’élaboration d’un ACoP maisadhèrent également aux trois éléments de l’approchedu HSC/E. Ils collaborent à l’élaboration des normesde gestion de divers facteurs de stress (14 ont étéidentifiés) en diffusant des guides de conseils auxemployeurs et employés et en soutenant les projetsd’inspections ciblés sur le stress.

Les évolutions ultérieures

La Semaine européenne de la santé et de la sécuritéau travail d'octobre 2002 sera consacrée à la luttecontre le stress. A cette occasion, le TUC et les syndicatslanceront un Stress MOT (un "contrôle technique dustress", en référence au contrôle technique que lesvéhicules d’un certain âge doivent passer pour pouvoirrester en circulation) afin que les délégués à la sécuritépuissent déterminer si leur lieu de travail enregistredes taux élevés de stress et identifier les principauxproblèmes à résoudre (notamment en posant la questionau personnel et en élaborant la "cartographie du stress"sur le lieu de travail). Cette initiative sera soutenuepar de nouveaux guides de conseils à destination desdélégués à la sécurité, ainsi que par la publicationd'une liste d’actions qu’ils peuvent entreprendre.

En outre, le TUC plaidera en faveur d’un accès plusouvert à la réintégration pour les personnes blesséesou ayant contracté une maladie au travail, y comprispour celles souffrant de troubles psychiques occa-sionnés par le stress au travail.

Enfin, les syndicats défendront également un nouveauconcept, celui de "travailleurs durables". Ce conceptenglobe notamment des questions telles que l’équilibreentre travail et vie privée, temps de travail et pro-ductivité, et s’inspire de la théorie du mouvementenvironnementaliste selon laquelle nos ressources(humaines) s'épuisent à force d'être surexploitées.Les conséquences de cette surexploitation serontcatastrophiques non seulement pour l’économie etla société mais également pour les individus quenous sommes. ■

15 Les publications du HSE sontlistées sur le site :http://www.hse.gov.uk/pubns/stresspk.htm(à partir duquel il est possible d’ac-céder à chaque publication par voieélectronique).

Sites internetwww.tuc.org.uk

www.hazards.org

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Une étude critique des mesures des risques psychosociaux1

Le HSE a récemment édité une étude critique des différentes méthodes de mesure des facteurs destress sur les lieux de travail, qu'il qualifie de risques psychosociaux. Il utilise cette expressionpour désigner un large éventail de risques, à savoir tout ce qui peut potentiellement porteratteinte au bien-être des travailleurs sur leur lieu de travail. Cette étude fait état des méthodes demesure actuellement disponibles, évalue leur fiabilité et leur validité et, enfin, analyse ces dif-férentes méthodes sous l'angle de leur utilité.

Cinq méthodes, reconnues comme valables et fiables, font l'objet d'un examen approfondi. Elles sontprincipalement issues de la tradition anglo-américaine : la Job Diagnostic Surve2, la Job Stress Survey3,les Karasek Demands and Control4, le Job content questionnaire5, les Occupational Stress Indicatorsources of pressure scale6 et les Rizzo and House measures of role conflict and role ambiguity7.D'autres méthodes, pour lesquelles on dispose de moins d'informations, sont examinées plus brièvement.

Les principaux résultats de cette étude critique sont les suivants :■ Comparé au nombre d'articles publiés sur le stress et sur la mesure des risques, fort peu depreuves ont été établies.■ Les types de risques mesurés sont en nombre limité.■ Une quantité substantielle de preuves n’ont pu être établies que pour une seule forme de fiabilité,la cohérence intrinsèque, qui était raisonnablement bonne.■ Davantage de preuves sont disponibles pour la plupart des types de validité, à l'exception dela validité prévisionnelle.

Dans l'ensemble, peu de preuves significatives sur la fiabilité et la validité de ces mesures ressortentde l'étude. Toutefois, même si les faiblesses des méthodes examinées sont reconnues, il est admisqu'il n'est pas possible d'arrêter purement et simplement l'évaluation des risques psychosociauxen attendant que les recherches nécessaires soient terminées.

C'est pourquoi des recommandations sont formulées dans les domaines de la pratique et de larecherche. Il est conseillé aux entreprises de définir le but de l'évaluation, de développer leurspropres mesures, centrées sur leurs caractéristiques particulières et, enfin, d'élaborer d'autresmoyens d'évaluer les risques en plus des questionnaires basés sur l’auto-déclaration, en utilisant,entre autres, des observations, des analyses de tâches et des rapports sur les effets nocifs. En règlegénérale, l'étude propose de prendre davantage de mesures préventives.

Pour ce qui est des recommandations destinées à la recherche, l'ouvrage propose d'approfondir larecherche fondamentale sur la validation des méthodes existantes. Il recommande aussi d'élaborerde nouvelles méthodes et de tester de nouveaux types innovants de mesures. Il insiste sur lanécessité d'examiner les mesures des effets nocifs utilisées, qui sont étroitement liées à l'évaluationdes risques susceptibles de provoquer ces effets nocifs. Enfin, il souligne que les risques psy-chosociaux ne doivent pas être mesurés isolément et qu'ils doivent faire partie d'une gestionélargie des risques. La valeur ultime de l'information collectée sur les risques et leurs effets nocifsne peut donc être déterminée que dans ce contexte élargi.

http://www.hsebooks.co.uk

1 Rick, J., Briner, R. B., Daniels, K.,Perryman, S., Guppy, A., A criticalreview of psychosocial hazard mea-sures, The Institute for EmploymentStudies, University of Sussex, HSEbooks, 2001.

2 Hackman, J. R., Oldham, G.R., (1975),“Development of the Job Diagnosticsurvey”, Journal of applied psychology,Vol 60, pp. 159-170.

3 Spielberger, C. D., (1994), Profes-sional manual for the job stress survey, Odessa, FL, Psychologicalassessment survey.

4 Karasek, R.A., (1979), “Job demands,job decision latitudes and mentalstrain : Implications for job redesign”,Administrative Science Quarterly,Vol 24, pp. 285-308.

5 Karasek, R. A., (1985), Job contentquestionnaire and users’ guide, LosAngeles, University of Southern Cali-fornia, Department of Industrial andSystems Engineering.

6 Cooper, C. L., Sloan, S. J., Williams,S., (1988), Occupational stress indi-cator management guide, Oxford,Grande-Bretagne, NFER-Nelson.

7 House, R. J., Rizzo, R., (1972a),“Towards the measurement of orga-nizational practices : Scale develop-ment and validation”, Journal ofApplied psychology, Vol 56, 5, pp.388-396.

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La gestion du stress lié au travail aux Pays-Bas

INITIATIVES NATIONALES

Wilmar B. Schaufeli* et Michiel A.J. Kompier**

* Département de psychologieet Institut de recherchePsychologie & Santé,Université d’Utrecht, Pays-Bas

** Département de psychologiedu travail et des organisations,Université de Nijmegen, Pays-Bas

Introduction

Cet article vise à présenter et à apprécier les dernièresévolutions et expériences néerlandaises en matièred’évaluation des risques psychosociaux au travail etde prévention du stress lié au travail. Il poursuit plusprécisément l’objectif de répondre à six questions : 1. Quels sont les faits et chiffres du stress lié au travailaux Pays-Bas ? 2. Quelles sont les caractéristiques du cadre légal etde l’infrastructure nationale mis en place pour évaluerles risques psychosociaux et prévenir le stress ? 3. Quels sont les points de vue des organisationspatronales et des syndicats concernant le stress autravail ?4. Quels sont les instruments utilisés pour évaluer lestress au travail et les risques psychosociaux ?5. Quelles sont les mesures préventives prises parles entreprises pour réduire le stress au travail ? 6. Quels sont les enseignements des expériencesnéerlandaises ?

Pour tenter de répondre à ces questions, des informationsont été puisées dans les statistiques du travail auxniveaux national et international, les ouvrages etpublications scientifiques, les quotidiens et journauxspécialisés, les rapports journalistiques et les documentspolitiques, provenant principalement du ministèrenéerlandais des Affaires sociales et de l’Emploi.

Faits et chiffres du stress lié au travail auxPays-Bas

Rythme de travailRécemment, une étude parrainée par la Commissioneuropéenne et menée auprès d’environ 16.000 tra-vailleurs dans les 15 Etats membres a révélé que lessalariés néerlandais subissaient la plus importantepression professionnelle (Paoli, 1997). Plus précisé-ment, 58% des salariés néerlandais indiquent queleur rythme de travail est élevé pendant plus de lamoitié de leur temps de travail, contre une moyenneeuropéenne de 42%. Une comparaison avec uneétude similaire (Paoli, 1992) menée quatre ans plustôt révèle que la pression professionnelle en Europe aaugmenté de 7% entre 1991 et 1995, cette progressionétant encore plus marquée aux Pays-Bas : 11%. Ceschiffres s’apparentent étroitement aux résultats del’Enquête nationale sur les conditions de vie et detravail qui, entre 1977 et 1989, était menée tous lestrois ans auprès d’un échantillon représentatif de lapopulation active néerlandaise (Houtman & Kompier,1995). Le pourcentage de salariés indiquant travaillerà un rythme extrêmement soutenu avait connu uneprogression constante : de 38% en 1977 à 51% en1989, soit une augmentation de 13% en 12 ans.

Incapacité de travail Globalement, les taux d’incapacité de travail enre-gistrés aux Pays-Bas sont deux fois plus élevés queceux d’autres pays européens comme la Norvège, la

Article paru en anglais dans leInternational Journal of StressManagement, n° 8, pp. 15-34,Kluwer Academic Publishers, 2001.Nous publions la traduction françaisede cet article avec l'autorisation deKluwer Academic/Plenum Publishers.

Wilmar B. Schaufeli, PhDUniversité d’UtrechtDépartement de psychologieB.P. 801403508 TC Utrecht, Pays-Bas [email protected]

Michiel Kompier, PhDDépartement de psychologie du travail et des organisationsUniversité de NijmegenB.P. 91046500 HE Nijmegen, Pays-Bas [email protected]

Par rapport à d’autres Etats, les Pays-Bas enregistrent des taux relativement élevés d’inca-pacité de travail et d’absence pour cause de problèmes psychiques liés au travail. La pres-sion professionnelle y est considérable. Il y a dix ans environ, l’adoption d’une nouvelleloi sur les conditions de travail (LCT) a entraîné d’importantes répercussions sur la manièredont les entreprises gèrent le stress au travail. La LCT met l’accent sur le rôle central devantêtre joué par les Services de santé et de sécurité au travail (SSST), apparentés à des orga-nismes privés, et définit une nouvelle fonction, le spécialiste du travail et des organisations,principalement chargé d’évaluer et de prévenir le stress au travail. Plusieurs instrumentsrécents d’évaluation des risques psychosociaux sont désormais largement utilisés au quo-tidien de la manière prescrite par la LCT. Les entreprises prennent de plus en plus demesures préventives pour réduire le stress au travail et l’absentéisme. Certains "enseigne-ments" peuvent être tirés de l’approche néerlandaise : des recommandations se rapportant(1) au rôle du gouvernement, (2) à la reconnaissance juridique de facteurs psychosociauxau travail, (3) à la privatisation du secteur de la santé et de la sécurité au travail, et (4) àl’évaluation des programmes de prévention du stress lié au travail.

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Belgique, l’Allemagne, le Danemark, laSuède et la Grande-Bretagne (Stichting van deArbeid, 1999). Ces comparaisons doivent toute-fois être interprétées avec une extrême pru-dence car les législations, réglementations etsystèmes de sécurité sociale diffèrent forte-ment selon les pays (aperçu présenté dansGründemann & Van Vuuren, 1997). Lesemployeurs néerlandais doivent par exemplerémunérer la première année d’absence,quelle qu’en soit la cause. Dans la plupart desconventions collectives conclues entre employeurset employés, 100% de la rémunération estassurée. Après un an de maladie, un systèmenational d’indemnisation intervient jusqu’aurétablissement, quel que soit le secteur. Lesindemnités sont versées par un fonds de sécuritésociale alimenté par des cotisations et, danscertaines limites budgétaires, leur plafond estfixé à 70% du dernier salaire perçu.

Caractéristique propre aux Pays-Bas : près d’untiers des bénéficiaires d’indemnités d’incapacitésont déclarés en incapacité de travail pourraisons psychiques. En 1998, les troubles mentauxreprésentaient la première cause diagnostiquéed’incapacité de travail (32%), suivis des troublesmusculo-squelettiques (19%) (Stichting van deArbeid, 1999). En outre, l’ampleur des troublesmentaux a fortement augmenté. En 1967,année de l’adoption de la loi néerlandaise surla sécurité en cas d’incapacité, 11% desbénéficiaires de cette nouvelle allocationd’incapacité souffraient de troubles mentaux.Dix ans plus tard, ils atteignaient 20%.Depuis le début des années 90, le pourcentageannuel s’est stabilisé aux alentours de 30%.Une comparaison avec d’autres pays européensrévèle qu’aux Pays-Bas, le pourcentage debénéficiaires d’indemnités d’incapacité pourraisons psychiques est nettement plus élevéqu’ailleurs : deux fois plus élevé qu’enNorvège et jusqu’à cinq fois supérieur à celuide la Grande-Bretagne (LISV, 1998).

A y regarder de plus près, nous découvrons quela majeure partie des bénéficiaires – environ80% – ne souffrent pas de graves affectionspsychopathologiques comme les psychoses,névroses ou troubles de la personnalité, maisbien de troubles d’adaptation (LISV, 1998 ;Van Engers, 1995). Selon la Classificationinternationale des maladies (CIM-10), ces cassont fonction de la situation ou représentent uneréaction exogène, et incluent majoritairement unstress et un épuisement professionnels chroniques.

Au cours d’une étude néerlandaise menéeauprès de plus de 7.000 salariés en incapacitédepuis peu, 53% des personnes interrogéesont fait état d’un lien tangible entre certainsaspects de leur travail et les problèmes de santéà l’origine de leur incapacité (Gründemann &Nijboer, 1998). Les aspects du travail les plusfréquemment cités comme étant les principalescauses d’incapacité étaient la charge physique(43% des personnes interrogées), la chargepsychique (26%) et les conditions de travail engénéral (29%). Parmi les personnes déclaréesen incapacité de travail pour raisons psychiques,56% établissaient un lien direct entre leur travailet leur incapacité. Une autre étude néerlandaisecomparant les caractéristiques de travail deplus de 3.000 salariés en incapacité, absentsdepuis au moins 12 mois, aux caractéristiquesde travail de l’ensemble de la populationactive a identifié cinq facteurs de risque dont laprésence est de trois à quatre fois plus fréquentedans le premier groupe : rythme de travailsoutenu, faible autonomie, charge physiqueimportante, climat social défavorable et faiblerémunération (LISV, 1998).

Absence pour maladieUne comparaison minutieuse a révélé que l’absencepour maladie aux Pays-Bas était 50% plus élevéequ’en Allemagne et même 100% plus élevéequ’en Belgique (Prins, 1990). Autre indicationattestant des niveaux relativement élevés de stresslié au travail aux Pays-Bas : 12% des jours d’absencesont imputables aux troubles mentaux ou psy-chologiques qui, avec les troubles musculo-squelettiques (13%), représentent les diagnosticsles plus fréquents (Houtman, 1997). Pour lesabsences de longue durée, de six semaines etplus, ce pourcentage de troubles mentaux estplus de deux fois supérieur (27%). Ici encore,l’écrasante majorité (85%) ne souffre pas detroubles psychiatriques graves mais d’une"réaction exogène" (Van Engers, 1995).

CoûtsEn 1998, le taux d’absence pour maladie était de5,6%. Actuellement, le pays compte environ880.000 bénéficiaires d’indemnités d’incapacitéde travail, soit 12,8% de la main-d’œuvre totale(CBS, 1999). D’un point de vue économique,les absences pour maladie et les incapacitésde travail représentent des frais d’indemnisationcolossaux, qui s’élevaient à 25 milliards dedollars en 1995, autrement dit près de 8% duProduit intérieur brut néerlandais (Gründemann& Van Vuuren, 1997).

Sélection sur base de l’état de santéD’une part, comme l’indiquent les taux d’in-capacité de travail et d’absence due aux troublespsychiques, le stress lié au travail est relativementélevé aux Pays-Bas. En outre, la grande pressionressentie au travail est une caractéristiquemajeure de la vie professionnelle néerlandaiseet semble à l’origine de sérieux problèmes desanté. D’autre part, la productivité du travail estélevée par rapport à d’autres pays européens.Sur une échelle de productivité horaire néer-landaise de 100 points, la France, l’Allemagneet la Grande-Bretagne enregistrent respectivementdes scores de 82%, 78% et 62% (ministèredes Affaires sociales et de l’Emploi, 1997). Lespourcentages du Japon et des Etats-Unis sontinférieurs à ceux de ces pays européens.

Ces deux aspects semblent refléter une mêmeréalité, à savoir que le marché du travail néer-landais applique des processus de sélectionfondés sur l’état de santé. Selon Houtman etKompier (1995), le cas typiquement néerlandais"d’effet de travailleur en bonne santé" résultede l’éviction des travailleurs moins vigoureuxde la population active – près de 20% de lamain-d’œuvre néerlandaise bénéficie d’in-demnités de maladie ou d’incapacité. Certainssignes laissent supposer que les employeurssont désireux de sélectionner les travailleursles plus résistants et motivés pour réduire leursrisques financiers futurs – ce qu’on appelle la"sélection à la porte d’entrée" (Houtman, Smulders& Klein Hesselink, 1999). Par conséquent, lamain-d’œuvre engagée est relativement robusteet motivée et, donc, productive.

Caractéristiques du cadre juridique etde l’infrastructure nationale

La loi sur les conditions de travail (LCT)Après 10 ans d’introduction progressive, la loinéerlandaise sur les conditions de travail(LCT) a finalement été adoptée le 1er octobre1990 pour succéder à la loi obsolète de 1934sur la sécurité. Suite à la mise en œuvre de ladirective-cadre européenne en 1994, d’im-portants amendements y ont été apportés. Le1er novembre 1999, une toute nouvelle versionde la LCT est entrée en vigueur (Staatsblad1999, p. 184). La LCT s’inspire d’une loi suédoisesimilaire et définit le rôle des employeurs, desemployés, des comités d’entreprise, de l’Inspectiondu Travail et du ministère des Affaires socialeset de l’Emploi. En outre, la LCT établit la base

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légale des activités et de l’homologation desServices de santé et de sécurité au travail(SSST). La LCT vise à renforcer le niveau desécurité sur le lieu de travail et préserver, voireaméliorer, la santé physique et mentale ainsique le bien-être des travailleurs. La loi s’appliqueà tous les salariés, du secteur public commedu secteur privé, et à toutes les entreprisesquelle que soit leur taille. La LCT va au-delàde la simple protection de la santé et de lasécurité des salariés en promouvant leur bien-être au sein de l’entreprise. En d’autres termes,la loi ne repose pas sur une définition négativede la santé (à savoir, l’absence de maladie),mais sur une définition positive (la présenced’un bien-être physique et psychologique).Enfin, la LCT encourage vivement les mesurespréventives et collectives prises par l’entrepriseplutôt que les mesures curatives individuelles.

Sur le plan des aspects psychosociaux du travail,la LCT stipule que : ■ Le lieu de travail, les méthodes de travail,les outils utilisés, les machines, les appareilset autres supports ainsi que le contenu du tra-vail, devraient – aussi raisonnablement quepossible – être conformes aux caractéristiquespersonnelles des salariés.■ Le travail monotone et répétitif devrait êtreévité, aussi raisonnablement que possible.

Sur le plan des obligations revenant auxemployeurs, la LCT stipule, entre autres, que :■ La promotion active de la santé, de la sécuritéet du bien-être mise en œuvre par les employeursdoit reposer sur l'inventaire et l’évaluationécrits, complets et réguliers de tous les risquesliés au travail, y compris des facteurs de risquespsychosociaux. L'inventaire et l’évaluation desrisques, qui devraient également s’accompagnerd’un plan d’action de réduction des risques,doivent être soumis à l’approbation des SSST.■ Les employeurs doivent engager des spécialistesdes SSST, qui les aideront à : (1) approuver – ouréaliser – les inventaires et évaluations des risquesainsi que le plan d’action ; (2) fournir une orientationmédico-sociale aux salariés malades (y comprisl’élaboration d’un plan de reprise) ; (3) menerdes examens médicaux réguliers ; (4) organiserdes consultations sur les conditions de travail.

La LCT est gérée par l’Inspection du Travail,qui dépend du ministère des Affaires socialeset de l’Emploi. L'Inspection peut imposer desamendes administratives lorsque les employeursenfreignent la LCT. En cas d’infractions graves,

les employeurs peuvent être poursuivis aupénal. Cependant, la politique gouvernementaleofficielle de maintien et de mise en œuvre dela LCT et de prévention du stress lié au travailprivilégie une approche positive plutôt qu'uneapproche négative fondée sur l'imposition desanctions. Par exemple, par la diffusion d'in-formations (brochures, dépliants, magazines,vidéos, programmes télévisés), l’élaborationd’instruments d’évaluation des risques psy-chosociaux et du stress lié au travail (listes decontrôle et questionnaires), l'instaurationd'un programme politique et de recherche"Stress au travail" pour inciter les employeursà faire de la prévention du stress une partieintégrante de leurs pratiques d’entreprise, enstimulant des programmes de prévention dansdes entreprises données (les dénommésexemples de bonnes pratiques) et en diffusantles connaissances par le biais de conférences,d’ateliers, de programmes de formation, d’ou-vrages, d’articles et d’Internet.

Les autres lois en vigueurDes dispositions législatives supplémentairessont entrées en vigueur dans la seconde moitiédes années 90 afin de réduire les taux d’absencepour maladie et d’incapacité de travail et lescoûts financiers qu’ils entraînent. Par exemple,afin de stimuler des politiques de conditionsde travail actives et préventives, les employeursd’une branche donnée sont tenus de verserdes cotisations sociales plus élevées en casd’augmentation du taux d’absence pour maladieou d’incapacité de travail. Par ailleurs, le modede calcul des indemnités d’incapacité a étémodifié. Dans la plupart des cas, cette modi-fication entraîne une révision à la baisse. Tantles employeurs que les employés doivent doncassumer les coûts astronomiques qu’entraînentles taux élevés d’absence et d’incapacité detravail. Cependant, il est devenu plus attrayantfinancièrement pour les employeurs d’engagerdes personnes handicapées ou bénéficiantd’une prestation d’incapacité de travail.

Services de santé et de sécurité au travail(SSST)Les SSST sont des entreprises commercialesindépendantes qui opèrent sur le marché privéen proposant leurs services aux entreprises.En 1998, 95% des entreprises néerlandaisesavaient conclu un contrat avec un SSST ; les5% restants représentaient exclusivement depetites entreprises comptant moins de 10salariés (Arbeidsinspectie, 1999).

Les SSST doivent recevoir un certificat pourêtre en ordre juridiquement. Ce certificat peutêtre obtenu auprès de sociétés de certificationprivées si le SSST satisfait à certains critèresjuridiques et qualitatifs. Chaque SSST doitemployer au moins un professionnel certifiépour chacun des quatre domaines suivants :(1) médecine du travail ; (2) sécurité au travail ;(3) hygiène au travail ; et (4) travail et organisation.Ces professionnels doivent travailler en équipe.En outre, de nombreux SSST emploient desspécialistes des facteurs humains et des psychologues du travail et des organisations,respectivement pour les consultations ergo-nomiques et le traitement et les conseils per-sonnalisés aux travailleurs.

Le spécialiste du travail et des organisationsLe spécialiste T&O est une nouvelle professionexclusivement exercée dans les SSST. La for-mation des spécialistes T&O se déroule danstrois établissements post-universitaires accréditéspar le ministère des Affaires sociales et del’Emploi. En 1996, environ 195 spécialistesT&O étaient employés par les SSST, soit àl’époque un spécialiste pour 25.200 travailleurs(Van Wieringen & Langenhuysen, 1997). En1999, le nombre de spécialistes T&O (équivalentstemps plein) employés dans les SSST néerlandaisétait de près de 280, soit approximativementun spécialiste pour 17.500 travailleurs.

Plutôt que de travailler individuellement avecles salariés, le spécialiste T&O est censé conseillerla direction en vue d’améliorer l’organisationdu travail. Le spécialiste T&O se charge dequatre missions essentielles : (1) il formuledes avis organisationnels et recommande desmesures ; (2) il évalue les risques psychosociaux ;(3) il met en œuvre des mesures de réductiondu stress et des absences pour maladie ; (4) ilassure la coordination et l’intégration de cesmesures – il est le chaînon entre l’entrepriseet l’équipe SSST.

Le point de vue des organisationspatronales et syndicales

Les organisations patronalesLes employeurs avancent en général que si lasemaine de travail est plus courte que dans lepassé les salariés subissent maintenant desexigences externes auto-imposées (par exemple,les activités récréatives, les obligations familiales,le sport). Pour préciser leur point de vue, ils

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Theorell, 1990), a été activement soutenue parle ministère des Affaires sociales et de l’Emploi.Il s’agit essentiellement d’une méthoded’analyse des postes fondée sur des indicateursindépendants et plus ou moins objectifs (parexemple, des descriptions de postes, des cotationsde spécialistes) et non sur le propre jugementsubjectif du salarié. Cette méthode évalue lesrisques au niveau du poste et non de la personne.

L’une des qualités de la méthode WEBA estque l’évaluation des risques d’un poste donnéest suivie d’interventions spécifiques, parexemple la rotation des tâches, la régulationde la charge de travail, la création de réactionsen boucle, l’élimination de l’isolement social,la modification de l’ordre de travail et l’aug-mentation de la participation au processusdécisionnel. Cet instrument jouit d’une popularitéconsidérable : une étude menée au début desannées 90 a révélé que plus d’un quart de toutesles grandes entreprises y avaient fait appel(Goudswaard & Mossink, 1995). Cependant,la méthode WEBA a également été critiquéeparce qu'elle prend beaucoup de temps etque la fiabilité entre les évaluateurs est faible.

Questionnaires d’auto-rapportComme dans d’autres pays, les questionnairessur le stress au travail sont assez courants auxPays-Bas, probablement parce qu’ils permettentd’obtenir facilement des informations détailléesauprès de groupes de travailleurs relativementvastes (Evers, 1995). La plupart des questionnairesnéerlandais à ce sujet contiennent des groupesde questions portant sur différents aspects dutravail, dont les facteurs de risques psychosociauxet leurs éventuelles conséquences sur la santé(mentale) et le bien-être. Il est possible d’évaluerles risques relatifs en additionnant les scoresobtenus pour chaque salarié, au niveau duservice ou du poste, et en les comparant auxautres services ou postes similaires (étalonnage).Plusieurs questionnaires existent, mais le plusprometteur et le plus couramment utilisé estl’inventaire VBBA2 (Van Veldhoven, Meijman,Broersen & Fortuin, 1997). Celui-ci a étéminutieusement construit sur le plan psy-chométrique et est activement soutenu parune fondation faisant office de centre de R&D

ont inventé le concept de "stress de la vie" (oupression de la vie), par opposition au stress dutravail (ou pression professionnelle). Lesemployeurs souhaiteraient donc que soitétablie une distinction systématique entre ledénommé "risque professionnel" (dont lescauses sont liées au travail) et le "risquesocial" (les autres causes) d’absence pourmaladie et d’incapacité de travail.

Les employeurs ont généralement tendance àrejeter les problèmes de santé, la maladie etl’incapacité de travail sur la situation extra-professionnelle (stress de la vie) ou à accusercertains facteurs individuels (médicalisation).Les organisations patronales demandent égalementque les ayants droit aux indemnités d’incapacitéde travail subissent des examens médicauxplus sévères.

Les syndicats Au cours des dix dernières années, les syndicatsnéerlandais se sont davantage impliqués dansla lutte contre le stress au travail. Le premiersyndicat du pays (FNV) vient de lancer unecampagne à ce sujet, et distribue à ses affiliésdes brochures d’information sur le stress liéau travail et la pression au travail. Les syndicatsnéerlandais ont également mené plusieursétudes d’envergure sur le stress dans diverssecteurs, non seulement pour évaluer l’ampleurdu problème et étudier les facteurs déclencheurs,mais aussi pour prendre connaissance dessolutions proposées par leurs membres (Warning,2000). En outre, un instrument conviviald’analyse du stress lié au travail baptisé QuickScan Werkdruk (Scan rapide de la pression autravail) a été mis sur pied (Nelemans, 1997).Généralement, les syndicats pointent du doigtle rôle joué par les facteurs liés au travail dansl’apparition de problèmes de santé, l’absen-téisme et l’incapacité de travail des salariés.Ils soulignent l’importance d’une réintégrationrapide car il a été démontré, qu’après quelquessemaines de maladie, les perspectives de reprise dutravail se réduisent considérablement (Schroer, 1993).

Les syndicats voient plutôt d’un mauvais œilla privatisation des SSST, et arrivent à la con-clusion que les intervenants du marché privé(les employeurs et les SSST) n’ont pas réussi àremédier de manière adéquate au stress, àl’absentéisme et à l’incapacité de travail. Ils sedemandent également si les SSST disposentde connaissances suffisantes pour fournir desconseils médico-sociaux aux salariés malades,

puisque l’approche habituelle est strictementmédicale et met l’accent sur les facteurs indi-viduels et non sur ceux du lieu de travail.

Les instruments d’évaluation desrisques psychosociaux

L’évaluation des facteurs de risques psychosociauxest l’une des missions essentielles du spécialisteT&O. De nombreux instruments ont été élaborésau cours des vingt dernières années et sontmaintenant utilisés par les SSST. Les plus importantssont examinés ci-dessous.

Listes de contrôle Quatre listes de contrôle ont été établies dansle but de cerner rapidement l’environnementpsychosocial du travail. Celles-ci concernent :(1) le contenu du travail ; (2) les conditions detravail ; (3) les conditions d’emploi ; et (4) lesrelations sociales au travail. Exemples de ques-tions auxquelles il faut simplement répondrepar oui ou non : "De nombreuses tâchesdoivent-elles être effectuées selon un cycle detravail court, de moins de 1,5 minutes ?" (contenudu travail) ; "Des situations dangereuses seprésentent-elles sur le lieu de travail ?" (conditionsde travail) ; "Les salariés sont-ils remplacés encas d’absence pour maladie ?" (conditionsd’emploi) ; "Les salariés sont-ils victimes dediscrimination fondée sur le sexe, l’âge oul’origine raciale ?" (relations sociales au travail).Ces listes de contrôle gérées au niveau del’entreprise ou de l’équipe de travail comptententre dix et vingt questions cotées individu-ellement. En l’absence de données statis-tiques, la prévalence de facteurs de risquespsychosociaux ne peut être évaluée valablement.

L’un des syndicats néerlandais a égalementcréé une liste de contrôle des facteurs derisques psychosociaux au travail, le QuickScan Werkdruk (Nelemans, 1997), qui viseplus particulièrement à évaluer la charge detravail quantitative et qualitative. Cet instrument,qui existe également en version informatisée,a été distribué aux membres du syndicat afind’être utilisé par les comités d’entreprise locaux.

L’instrument WEBA1 (Vaas, Dhondt, Peeters &Middendorp, 1995) est un exemple d’approchespécialisée ou de second niveau. Son élaboration,fortement influencée par la théorie allemandede l’action (Frese & Zapf, 1994) et le modèleDemande-Autonomie du travail (Karasek &

1 Acronyme du néerlandais WElzijn Bij de Arbeid("Bien-être au travail").

2 Acronyme du néerlandais Vragenlijst Beleving enBeoordeling van de Arbeid ("Questionnaire surl’expérience et l’évaluation du travail").

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pour la plupart des SSST néerlandais. Parexemple, le traitement informatisé des donnéescomprend des comparaisons avec des groupesde référence pertinents. Une vaste base dedonnées est disponible ; elle comprend à cejour plus de 80.000 salariés néerlandais, soitplus d’1% de l’ensemble de la populationactive (Van Veldhoven, Broersen & Fortuin,1999). Le VBBA comporte quatre sectionsincluant chacune plusieurs échelles multidi-mensionnelles : (1) caractéristiques du poste(par exemple, charge de travail mentale,charge de travail émotionnelle, cadence, effortphysique, variété des tâches, autonomie) ; (2)organisation du travail et relations sociales(par exemple, imprécision des tâches, com-munication, relations avec les collègues et lessupérieurs, apport d’informations) ; (3) conditionsd’emploi (par exemple, salaire, sécurité del’emploi) ; (4) tension du poste (par exemple,engagement, objectifs chiffrés, épuisement,tracas, qualité du sommeil, réactions émo-tionnelles, désengagement). Les trois premièressections portent sur les déclencheurs du stresslié au travail ou les facteurs de risques psy-chosociaux ; la dernière traite quant à elle desréactions au stress ou tensions.

Il existe une version néerlandaise du BurnoutInventory (Inventaire de l’épuisement) de Maslach(Schaufeli & van Dierendonck, 2000), uninstrument d'évaluation de l'épuisement mentallié au travail. Le manuel de test se présentesous trois versions, utilisées pour : (1) les pro-fessions orientées vers les personnes ; (2) l’en-seignement ; (3) toutes les autres professions.En fonction de scores limites validés cliniquement,il est possible d’identifier les salariés aux niveauxd’épuisement élevés (autrement dit, cliniques).

Mesures psychophysiologiquesAu milieu des années 80, un projet ambitieuxa été mis sur pied par le ministère des Affairessociales. Son objectif : la création d’un Stressomat,une boîte à outils permettant de mesurer objec-tivement les réactions psychophysiologiques austress, principalement les réactions cardiovasculaireset respiratoires dévoilées par des tests en labo-ratoire informatisés et standardisés. Il a été misun terme à ce programme après quelquesannées en raison de problèmes de fiabilité, devalidité et de praticabilité des tests.

Données administrativesStimulées par les dispositions relatives aux

conditions de travail et aux absences pourmaladie, toutes les entreprises – parfois secondéespar les SSST – analysent leurs taux d’absentéismeet d’incapacité de travail. Pour leur faciliter latâche, des normes nationales d’analyse de ladurée des maladies et de leur fréquence – parexemple, des tableaux simples pouvant êtreutilisés pour mesurer leur importance – ontété élaborées (Projectgroep UniformeringVerzuimgegevens, 1996). Par ailleurs, des guideset manuels d’instruction ont été rédigés ; ilsallient listes de contrôle, questionnaires etanalyses des données administratives(Kompier & Marcelissen, 1990) (voir égalementparagraphe suivant).

Les mesures préventives

Initiatives gouvernementales : un guide, unmanuel d’instruction et des bonnes pratiquesLe gouvernement néerlandais a activementencouragé la mise sur pied de programmes deprévention du stress au travail et de l’absen-téisme dans les entreprises. A la fin des années80, le ministère des Affaires sociales et del’Emploi a lancé un vaste programme de recherchesur le stress au travail afin de développer desinstruments et outils, de définir des stratégiespréventives, de présenter les meilleures pratiqueset de diffuser les connaissances et l’expérience.L’une des premières étapes a été l’élaborationd’un Guide du stress au travail (Kompier &Marcelissen, 1990). Cet ouvrage propose uncadre à la fois théorique et pratique de préventiondu stress au travail au niveau de l’entreprise.Il préconise une approche systématique et parétapes ainsi qu’un audit du stress (diagnostic)pour jeter les bases d’éventuelles mesurespréventives. Plusieurs instruments (voir ci-dessus)sont introduits pour mesurer les facteurs derisque dans l’environnement psychosocial dutravail et pour identifier les groupes à risque.Une grande attention est accordée à la plani-fication et à la mise en œuvre des processus dechangement dans les entreprises. Une deuxièmeinitiative gouvernementale a pris la formed’un manuel d’instruction plus pratique sur laprévention du stress pour les salariés de trois grandssyndicats (Kompier, Vaas & Marcelissen, 1990).

Un financement a été accordé à la recherche surle stress lié au travail et une étude nationalesur l’identification des facteurs de risque etdes groupes à risque a été réalisée (Houtman& Kompier, 1995). Un instrument national de

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contrôle du stress au travail et de la chargephysique a également été mis en œuvre(Houtman, Goudzwaard, Dhondt, Van derGrinten, Hildebrandt & Van der Poel, 1998).Cet instrument a été appliqué en 1993 et ànouveau en 1995-1996, auprès d’un vasteéchantillon représentatif de la main-d’œuvreet des entreprises néerlandaises.

Enfin, des projets d’intervention en entrepriseont été subventionnés pour développer desexemples de bonnes pratiques préventives.L’objectif était avant tout de concevoir, à partird’expériences concrètes, des guides pratiquespour mettre sur pied de tels programmes.L’objectif étant d’encourager d’autres entrepriseset secteurs à prendre des initiatives similaires.Entre 1989 et 1995, quatre projets de ce typeont été menés pour développer, mettre enœuvre et évaluer des programmes de réductiondu stress dans une usine de production (Maes,Verhoeven, Kittel & Scholten, 1998), un hôpital(Lourijsen, Houtman, Kompier & Gründemann,1999), une société de construction (Cooper,Liukkonen & Cartwright, 1996 ; pp. 25-48) etdans trois centres communautaires de santémentale (Van Gorp & Schaufeli, 1996). C’estsur la base de ces quatre projets, et en diffusantles connaissances et les expériences, qu’a étéélaboré un manuel contenant des lignes directricesdétaillées pour la mise en place de programmesde réduction du stress et de promotion de lasanté des salariés dans les entreprises (Janssen,Nijhuis, Lourijsen & Schaufeli, 1996). Ce manuelprésente une approche en cinq étapes : (1)préparation et introduction du projet ; (2)identification des problèmes et évaluation desrisques ; (3) choix de mesures et planificationdes interventions ; (4) mise en œuvre desinterventions ; (5) évaluation des interventions.Les étapes de cette approche correspondent àcelles présentées dans le Guide du stress autravail – mentionné plus haut- et sont similairesà celles du ‘cycle de contrôle’ de Cox et Cox (1993).

Une étude récente portant sur les mesurespréventives prises par les entreprises pourréduire la charge de travail et le stress lié autravail révèle que la formation (la gestion dustress et l’acquisition de compétences) et l’é-ducation (gestion didactique du stress) sontles mesures les plus fréquentes – plus de 9%des entreprises interrogées les mettent enapplication (Houtman, Zuidhof & Van denHeuvel, 1998). D’autres mesures figurent enbonne place : l’introduction de réunions d’équipe

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applicable car elle se démarque résolumentde l’approche traditionnelle de la santé et dela sécurité au travail, plutôt technique etthérapeutique, axée sur la personne et nonsur l’environnement socio-technique intégrédans lequel évolue le salarié. Les professionnelsde la santé tout comme les employeurs – maispour des raisons fort éloignées – éprouvent desdifficultés à penser et agir selon cette nouvelleapproche. D’une certaine manière, la législationnéerlandaise moderne sur les conditions detravail représente la victoire d’une approchemultidisciplinaire de la santé et de la sécuritéau travail qui reconnaît la contribution excep-tionnelle des sciences comportementales.L’illustration la plus éloquente étant l’apparitiond’un nouveau type de professionnel – le spé-cialiste du travail et des organisations – censéjouer un rôle crucial dans la réduction dustress au travail. Pourtant, les spécialistes T&O– membres d’une profession récente et désormaisreconnue – en sont toujours à définir leur rôle auquotidien. Une tâche difficile dans l’environnementquasi-commercial dans lequel leurs employeurs,les SSST privatisés, doivent évoluer.

Divergences entre employeurs et syndicatsD’entrée de jeu, la législation a fait l’objet devives controverses, notamment à l’égard desfacteurs psychosociaux et, ce, pas seulemententre parlementaires, mais également entreemployeurs et employés. Les employeursavancent que la législation actuelle est injustecar ils sont tenus (financièrement) responsablesde comportements de l’employé sur lesquelsils n’ont aucune maîtrise – les dénommés"risques sociaux" comme l’absence pour maladiedue à des problèmes personnels ou familiauxou pour blessure subie pendant les loisirs sportifs.Généralement, les employeurs reconnaissentque les facteurs de risques psychosociaux autravail peuvent effectivement se révéler pro-blématiques, et se montrent désireux de prendreleurs responsabilités pour les "risques profes-sionnels" (Houtman et al., 1998). Ces dernièresannées, les syndicats néerlandais ont, quant àeux, fait de la pression professionnelle et dustress au travail les grands enjeux des conventionscollectives conclues avec les employeurs(Warning, 2000).

L’évaluation des risques psychosociaux ennette progression Près de 90% des entreprises de plus de 100salariés se plient à l’obligation légale d'inventaireet d’évaluation régulière des risques psychosociaux

(8%), l’allègement de la charge de travail(7%), la formation de superviseurs en leadershipsocial (7%), la rotation des tâches (5%) etl’enrichissement des tâches (5%). Par rapportaux mesures visant à prévenir la tensionphysique, celles destinées à prévenir le stress autravail sont moins fréquentes dans les entreprisesnéerlandaises. Les entreprises ont indiqué queles principales raisons pour lesquelles ellesprenaient des mesures préventives étaient derenforcer la motivation et la participation dessalariés (70%) et de réduire l’absentéisme(62%). Le respect des obligations légales étaitmentionné par 31% des employeurs seulement.

Même si les recherches empiriques sur lesinterventions menées au niveau de l’entre-prise pour prévenir et réduire le stress sonttoujours relativement peu nombreuses (Kompier& Kristensen, dans la presse), des progrèsconsidérables ont été accomplis au cours desdix dernières années. Non seulement en matièred’études de conception quasi-expérimentale(voir Bamberg & Busch, 1996), mais égalementavec des expériences sur le terrain (Naturalexperiments) (par exemple, Cooper, Liukkonen& Cartwright, 1996). Dix expériences ont étéanalysées aux Pays-Bas selon une approched’études de cas multiples (Kompier, Geurts,Gründemann, Vink & Smulders, 1998). Lesrésultats ont démontré que dans la plupart descas, les taux d’absentéisme diminuaient et quesouvent, les indemnités financières étaientsupérieures au coût des interventions. Ces résultatssuggèrent que la prévention du stress pourraitêtre bénéfique tant à l’employé qu’à l’entreprise.L’auteur conclut que la réussite de l’approchesemble être fonction de cinq facteurs : (1) sonorganisation en étapes et son caractère systé-matique ; (2) l’adéquation du diagnostic oude l’analyse des risques ; (3) la conjugaison dedifférentes mesures (à la fois centrées sur le travailet sur la personne) ; (4) une approche participative(la participation des travailleurs) ; et (5) l’appuide la direction. Plus récemment, des étudesportant sur l’intervention des entreprises menéesdans un contexte européen ont donné desrésultats comparables (Kompier & Cooper, 1999).

Le débat

Ce document vise à dépeindre et à apprécierles dernières évolutions et expériences néer-landaises en matière d’évaluation et deprévention du stress au travail. En introduction,

nous posions six questions étroitement liéesauxquelles nous avons répondu ci-dessus, àl’exception de la sixième. Dans cette dernièresection, nous commenterons chacun des cinqpoints soulevés précédemment, avant de répondreà la sixième question, qui porte sur les enseignementsque nous pouvons tirer de la manière dont lestress au travail est géré aux Pays-Bas.

Le stress au travail est un problème majeuraux Pays-BasPar rapport à d’autres pays, le stress au travailsemble représenter un sérieux problème socialaux Pays-Bas. La pression ressentie au travailest élevée, tout comme les taux d’absentéismeet d’incapacité de travail, en particulier lesproblèmes mentaux liés au travail. Il sembleraitque cela soit le prix qu’une économie extrême-ment compétitive et florissante ait à payer entermes de coûts humains. Ces dernières années,toutefois, le prix de "l’éviction" des moinsrobustes, des moins productifs et des moinsmotivés a pris de telles proportions que legouvernement s’est vu contraint de prendredes mesures draconiennes. D’une part, dessanctions financières ont été imposées auxemployeurs pour réduire les taux d’absentéismeet d’incapacité de travail, tandis que de l’autre,la prévention du stress dans les entreprisesétait encouragée.

Il est encore trop tôt pour juger de l’efficacitéde ces mesures, même si les effets positifs initiauxde réduction des taux d’absentéisme et d’in-capacité de travail commencent à s’atténuer(Stichting van de Arbeid, 1999 ; Geurts, Kompier& Gründemann, dans la presse). De même, ilest extrêmement difficile d’évaluer l’impactde la législation (et de ses modifications) surles taux d’absentéisme et d’incapacité de travailpuisque la société néerlandaise est un systèmeouvert dynamique.

Le cadre juridique global est difficilementapplicableLe nouveau cadre juridique relatif aux conditionsde travail, introduit progressivement dans lesannées 90, repose sur des principes plutôtmodernes comme la participation active desemployeurs et employés et la prévention desrisques à la source au lieu du simple traitementa posteriori. En outre, la législation néer-landaise recouvre un concept sanitaire positifet global tourné vers l’amélioration de la santéphysique et du bien-être des travailleurs.Cette législation s’est révélée difficilement

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et, ce, moins de cinq ans après son introduction(Arbeidsinspectie, 1999). En revanche, seulementun tiers environ des entreprises de moins de10 salariés remplissent cette obligation.Malgré l’existence de divers instruments d’é-valuation des risques psychosociaux, un gouletd’étranglement semble entraver leur utilisation,en particulier dans les petites et moyennesentreprises. Le gouvernement néerlandais aadopté une position proactive en encourageantl’élaboration de divers instruments ainsi que leurmise en œuvre dans la pratique. Un consensussemble se faire jour entre les SSST concernantl’utilisation d’un instrument en particulier – lequestionnaire d’auto-rapport VBBA. Celui-ci faitl’objet d’une publication récente dans laquellesont analysées les données VBBA sur les risquespsychosociaux et le stress lié au travail recueilliesentre 1995 et 1999 auprès de 70.000 travailleurs(Van Veldhoven, Broersen & Fortuin, 1999).

La prévention du stress lié au travail estencore peu courante mais gagne en importanceA l’instar de l’évaluation des risques psy-chosociaux, la prévention du stress lié au travailest surtout l’affaire des entreprises de 500 salariésou plus. Une étude récente a révélé que le nombrede mesures prises était directement propor-tionnel à la taille de l’entreprise (Goudswaard& Mossink, 1995). Les petites entreprises employantmoins de 10 salariés sont nettement moinsimpliquées. Le gouvernement a joué un rôleactif en subventionnant des projets d’élabora-tion de "meilleures pratiques" et en diffusantles connaissances sur la prévention du stress autravail. Les employeurs et les syndicats s’ac-cordent à identifier la pression professionnellecomme un risque majeur de stress au travail.Si le nombre de mesures prises par les entreprisespour réduire le stress – principalement enallégeant la charge de travail – reste relativementréduit, on constate néanmoins une augmentationau fil des ans.

Quels enseignements tirer de cetteexpérience ?

Peut-on tirer des enseignements de la situationnéerlandaise, pour les Pays-Bas, eux-mêmes,et pour d'autres pays ? Dans une certainemesure, la situation néerlandaise est uniqueen son genre. Les relations industrielles sontplutôt harmonieuses et misent avant tout sur leconsensus et la coopération entre les parte-naires sociaux et le gouvernement national.

Le système social, administratif et juridiqueest fortement ancré dans l’histoire et la culturenationales et ne peut donc être "transplanté"dans d’autres pays. Néanmoins, les recomman-dations formulées à partir des expériencesnéerlandaises pourraient se révéler utiles auxautres Etats membres de l’Union européennepour appliquer la directive-cadre sur la santéet la sécurité (1994).

Le rôle du gouvernementAu fil des ans, le gouvernement néerlandais apoursuivi une politique active de préventiondu stress au travail : non seulement, en adoptantune législation moderne mais également enencourageant sa mise en œuvre par des mesuresincitatives, en facilitant les initiatives et enévitant la voie répressive. Cette politiquedynamique a, non seulement, sensibilisél’opinion publique et les entreprises à la questiondu stress au travail, mais a également permisde mettre sur pied les inventaires d’évaluationdes risques, les "meilleures pratiques préventives"ainsi que de vastes bases de données statistiquespermettant d’identifier les risques psychosociauxet les groupes à risque. Même s’il convient dene pas surestimer l’impact immédiat des poli-tiques gouvernementales sur l’évolution actuelleconstatée au sein des entreprises, le stress liéau travail est de plus en plus considérécomme un problème national par toutes lesparties concernées (employeurs, employés,professionnels de la santé, scientifiques etgouvernement). En outre, la réduction et laprévention du stress lié au travail sont devenuesune nécessité commune à tous.

Enseignement 1 : Une politique gouvernementaleactive peut mettre fin au tabou du stress autravail et inscrire ce point à l’ordre du jour dugouvernement et des entreprises.

Législation et reconnaissance légale des fac-teurs psychosociaux du travailDans la loi néerlandaise sur les conditions detravail, les facteurs psychosociaux sont reconnusau même titre que d’autres troubles profes-sionnels tels que les agents physiques,biologiques ou toxiques.

Enseignement 2 : Une législation moderne surles conditions de travail ne devrait pasuniquement aborder les questions de santé etde sécurité traditionnelles, mais également lescaractéristiques psychosociales du travail(contenu, relations sociales au travail). Cette

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législation est cruciale pour garantir une pro-tection moderne des travailleurs.

Enseignement 3 : Cette législation et l’infra-structure administrative nationale des conditionsde travail qui l’accompagne (SSST) sont vitalespour inciter les entreprises à prendre desmesures.

Une telle infrastructure légale et administrativeest nécessaire mais ne suffit pas à garantir lasanté et le bien-être des salariés. La théorie etla pratique peuvent diverger, et des effets se-condaires néfastes ne sont pas à exclure (parexemple, sélection en fonction de l’état desanté, emploi non permanent pour les salariéssouffrant d’une maladie chronique). Ces effetsindésirables sont sans doute imputables aufait que les employeurs sont tenus de supporterles coûts financiers de l’absence pour maladieet de l’incapacité de travail, indépendammentde leurs causes. Comme nous l’avons vu, lesPays-Bas ne font aucune distinction entre le"risque professionnel" et le "risque social".

Enseignement 4 : Une attention particulièredoit être accordée aux petites et moyennesentreprises, qui manquent souvent de compé-tences spécialisées en matière d’évaluation etde prévention des risques. Les organisationssectorielles peuvent probablement jouer unrôle d’aiguillon dans ce domaine.

Privatisation du secteur de la santé et de lasécurité au travailLes principaux intervenants de l’infrastructurenationale – les SSST – sont des entreprisesprivées opérant sur un marché extrêmementcompétitif. Les SSST se retrouvent dans uneposition délicate car comme toute entreprisecommerciale, ils dépendent de leurs clients.Ces clients – les employeurs – ont tendance às’adresser aux SSST exclusivement pour lesobligations que la loi leur impose. Ce qui signifieque, dans la pratique, les activités des SSST seréduisent souvent à réintégrer des travailleursmalades, et non à traiter le mal à la racine,autrement dit au niveau de l’entreprise,comme le préconise la LCT.

Enseignement 5 : La privatisation des servicesde santé et de sécurité au travail peut entraînerdes effets secondaires négatifs comme la fourniturede programmes de services minimaux auxemployeurs, la primauté donnée à la préventionsecondaire plutôt qu’à la prévention primaire.

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Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier JanHarmen Kwantes, Sabine Geurts et CharlesEngelen pour leurs précieux commentairessur une version antérieure de cet article.

La recherche sur le stress lié au travail et sapréventionComme nous l’avons vu, plusieurs études ontporté sur la prévention du stress au travail.Même si la nécessité de mener d’autres étudessur les effets de la prévention du stress ne faitaucun doute, il apparaît de plus en plus clairementque les exemples de bonnes pratiques préventivesdonnent des résultats intéressants, aussi bien pourl’employeur que pour l’employé. Ces étudescontribuent également à identifier les facteursgarantissant la réussite des interventions, tant surle plan de leur contenu que de leur mise en œuvre.

Enseignement 6 : Pour des raisons à la foisthéoriques et pratiques, il est nécessaire demener davantage de projets d’intervention dansles entreprises et de les évaluer systématiquement.

Enfin, nous souhaiterions attirer l’attention surune conséquence positive de l’intérêt queportent les Pays-Bas au stress lié au travail, àsavoir le climat de recherche favorable dansce domaine. La psychologie de la santé autravail fait aujourd’hui de nombreux adeptes.Beaucoup d’universités proposent des pro-grammes de psychologie de la santé au travailet nombre d’étudiants suivent des cours post-universitaires dans ce domaine. Au cours desvingt dernières années, une communauté derecherche active s’est forgée et opère dansune infrastructure regroupant universités etinstituts de recherche privés. Les données surl’évaluation des risques et le stress lié au travailsont compilées plus ou moins systématiquementet les effets des mesures politiques sont con-trôlées quantitativement.

Enseignement 7 : La recherche et la pratiquesemblent se renforcer mutuellement puisquela recherche scientifique peut bénéficier del’intérêt porté par le gouvernement et lasociété en général au stress lié au travail. Parailleurs, les politiques gouvernementales – etdans une moindre mesure, les politiques desentreprises – ont été influencées par lesrecherches en la matière.

Il reste à découvrir dans quelle mesure la ges-tion du stress au travail aux Pays-Bas, quirepose principalement sur un consensus entreles employeurs, les employés et le gouverne-ment, contient des éléments utiles – entreautres les sept enseignements – susceptiblesd’être appliqués dans d’autres contextesnationaux. ■

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Stress, well-being and the Framework Directive.The Dutch Experience / Jan Popma

BTS, Bruxelles, 1998 / ISBN : 2-930003-26-x32 pages, 210 x 295 mm / 14,87 €

Publié en anglais

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Législation et réglementation

En Belgique, la législation sociale dans le domaine dubien-être sur le lieu de travail a fortement évolué.La nouvelle loi sur le bien-être fut adoptée en 1996.L'exposé des motifs de la loi demande que l'onprête attention aux nouveaux risques pour la santétels que le stress au travail. La loi, elle-même, cite lacharge psychosociale sur le lieu de travail commeun des sept aspects du bien-être.

Dans l'Arrêté royal de mars 1998, la charge psy-chosociale sur le lieu de travail constitue un desdomaines de risques devant faire l'objet d'uneanalyse. C'est d'ailleurs une mission et une com-pétence exigée des services de prévention interneset externes. Le texte dit, au sujet des missions :"contribuer et collaborer à l’étude de la charge detravail, à l’adaptation des techniques et des con-ditions de travail à la physiologie de l’homme ainsiqu’à la prévention de la fatigue professionnelle,physique et mentale et participer à l’analyse descauses d’affections liées à la charge de travail etaux autres facteurs psychosociaux liés au travail".

En mars 1999, les organisations patronales et syndicalesdu secteur privé ont conclu une convention collectiverelative à une politique de prévention du stress autravail. On y cite quatre domaines de risques pourle stress : le contenu de la tâche, les circonstances detravail, les relations de travail et les conditions detravail. La convention envisage judicieusement lapossibilité de questionner les travailleurs afin de détecterles risques collectifs de stress par la comparaisonmutuelle des résultats des groupes de travailleurs.

Une dernière étape dans la législation et la réglemen-tation fut franchie avec l'adoption en février 2002 parle Parlement d'un complément à la loi sur le bien-être intégrant, dans la politique de prévention, laprotection des travailleurs contre la violence, le har-cèlement moral et le harcèlement sexuel au travail.

Les acteurs de terrain

Jusqu'il y a peu, la politique de sécurité et de santé dansle milieu du travail reposait sur deux piliers : l’ingénieurou le technicien de sécurité et le médecin du travail. Cesystème est remis en question avec l’émergence desdomaines liés au bien-être que sont l'ergonomie et la chargepsychosociale sur le lieu de travail auxquels d'autresdisciplines peuvent apporter une contribution spécialisée.

En Belgique, l'inspection du travail est encoreorganisée autour des deux piliers de base - l’inspectiontechnique et l’inspection médicale - qui toutes deuxcontrôlent essentiellement, sinon exclusivement,les aspects techniques et hygiéniques des risquessur les lieux de travail.

Les conseillers en prévention internes ont généralementune formation technique et s'intéressent donc plusaux risques techniques. L'ergonomie, les aspectspsychosociaux et, plus encore, le harcèlementmoral sur les lieux de travail sont des sujets auxquelsils sont moins familiarisés.

Les services de prévention externes doivent doncà présent posséder, outre une section chargée de lasurveillance médicale, une section responsable dela gestion des risques. Cinq disciplines ou spécialitésdoivent y être représentées, dont un conseiller enprévention spécialisé dans les aspects sociaux. À cejour, quelque trente services externes sont reconnus.Ils assistent les entreprises dans toutes les missions ettâches de prévention prévues par la loi sur le bien-être.

Interviennent également des consultants dans ledomaine de l'analyse de la charge psychosocialesur le lieu de travail et de sa remédiation. Denouveaux besoins et demandes de contributionsspécialisées génèrent l’apparition d’un marchéoù se développent des offres émanant du privé.

Les questions qui se posent

Ces dernières années, un grand nombre de congrès,journées d'étude, séminaires, sessions d'informa-tions, ateliers et publications ont été consacrésaux aspects psychosociaux et au stress lié au travail.Si le sujet fait maintenant partie des débats, nom-bre de questions essentielles restent encore sansréponse :■ Quelle est la nature et l'ampleur du problème ?■ Comment peut-on le mesurer ?■ Que peut-on faire ?

Dans cet article, nous allons aborder les deuxpremières questions et surtout illustrer le projetque l'Institut National de Recherches sur lesConditions de Travail (INRCT) a mis au point encollaboration avec Quest Europe, une associationsans but lucratif qui a pour objectif d'accompagnerles entreprises dans l'évaluation et la remédiationdu stress au travail.

* Institut National deRecherches sur les Conditionsde Travail (INRCT/NOVA)Bruxelles

La mesure de la charge psychosociale sur le lieu de travail en Belgique

METHODES POUR L'EVALUATION DES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX

Hugo D’Hertefelt*

Institut National de Recherchessur les Conditions de Travail(INRCT)Rue de la Concorde 60B - 1050 BruxellesTél. : +32 (0)2/511 81 55Fax : +32 (0)2/511 24 [email protected] www.nova.inrct.be

Quest Europe asblRue de la Concorde 60B - 1050 BruxellesTél. : +32 (0)2/503 34 46Fax : +32 (0)2/511 24 01Portable : +32 (0)478/22 05 [email protected]

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Nature et ampleur du risque

La nature du risqueLa charge psychosociale sur le lieu de travail estun concept global dont nous allons brièvementexaminer les différents éléments.

La satisfaction et la motivation au travail (ou leurabsence) constituent un premier élément, il s’agit desavoir si les besoins psychosociaux sont ou nonsatisfaits. Ceux-ci ne sont comblés que si certainescaractéristiques sont présentes dans le travail. Onpeut distinguer deux sortes de besoins. Les premiersconsistent à éviter les facteurs déplaisants telsque des conditions de travail défavorables, l'in-sécurité de l'emploi, la rémunération inéquitable,une charge de travail trop élevée, etc. On lesappelle également "facteurs extrinsèques à latâche". Si ces besoins sont comblés, ils mènent àla satisfaction; au contraire, s'ils ne le sont pas, lamorosité s'installe. Une certaine dose de satisfactionconstitue une condition nécessaire - mais passuffisante - pour assurer la motivation. Ce sont lesfacteurs intrinsèques à la tâche qui déterminent lamotivation au travail. Ces facteurs englobent, entreautres, les possibilités d'apprendre, de prendre desinitiatives ou de pouvoir traiter soi-même certainsaspects du travail. Si ces éléments sont présents, ily a une bonne base pour la motivation; leur absencepeut, par contre, être une source de démotivation.Bien que l'on sache que le manque de satisfactionet de motivation a également une influence sur lasanté psychique et le bien-être, la recherche tradi-tionnelle n’a pas suffisamment accordé d'attentionaux risques qu’ils peuvent avoir pour la santé.

Les effets du stress lié au travail sur la santé ontfait l'objet de plus d'études. Il constitue le deuxièmeélément de la charge psychosociale sur le lieu detravail. La définition du stress lié au travail, reprisedans la convention collective belge relative à la

politique en matière de stress dans les entreprises,s’inspire de la définition de l'Organisation Mondialede la Santé. Elle fait explicitement référence à "un étatperçu comme négatif par un groupe de travailleurs,qui s'accompagne de plaintes ou dysfonctionnementsau niveau physique et/ou social...". Cette partiede la définition reflète ce qui se passe du côté dutravailleur. La fin de la définition considère le stresscomme un (dés)équilibre entre les exigences etles attentes : "(état) qui est la conséquence du faitque les travailleurs ne sont pas en mesure derépondre aux exigences et attentes qui leur sontposées par leur situation de travail". Ces exigenceset attentes ont été précisées par plusieurs recherchesen sciences sociales. Des exigences élevées et unemarge de décision réduite sont les principalescauses des effets négatifs sur la santé, surtoutquand elles sont associées à un manque de soutiensocial. C'est souvent le cas auprès des personnesbénéficiant d'un niveau de formation insuffisantou occupant une position subordonnée. Celles-ciont moins de "prise" sur leur activité et conditionsde travail et tirent généralement de leur travailmoins de stimulants positifs tels que l'estime, leprestige ou la reconnaissance. Cependant, tropd'autonomie peut aussi susciter des problèmes,ce qui peut être le cas dans certaines fonctionsoccupées par des personnes disposant d'une édu-cation supérieure et/ou certains postes de gestion.Jouir d’une grande autonomie au travail peutdevenir une charge supplémentaire.

La charge mentale et la charge émotionnelle cons-tituent les deux autres domaines de risque. Ils présententdes types de problèmes plus spécifiques.

La charge mentale fait référence au processus deperception et de traitement des informations lorsde l’exécution de l’activité. Elle est déterminée parles exigences inhérentes à la tâche et (les limitationsde) la capacité de traitement de la personne chargéede l'exécuter. On retrouve clairement ici des pointscommuns avec l'ergonomie cognitive. Le traitementde l'information est primordial dans de nombreusesprofessions et fonctions liées aux technologies del'information et de la communication. Par contre,il est sous-estimé dans le travail manuel répétitifoù l'action senso-motrice demande de traiter desinformations (parfois nombreuses) en très peu detemps, alors que ces activités exigent, elles aussi,une activité mentale considérable.

La charge émotionnelle concerne les réactionsémotionnelles subies quand on travaille dans descirconstances et conditions non idéales ou perçuescomme inadaptées. Elle fait également partie du

Por experiencia, N° 4, Avril 1999, ISTAS

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travail "relationnel", où la perception des émotionsdes autres et la maîtrise des siennes sont essen-tielles pour mener à bien le travail (avec le client,l’élève, le patient, etc.). Ce travail est appelé "travailémotionnel". Il est inhérent à de nombreuses pro-fessions dans l'enseignement, les soins de santé,l'assistance sociale, le secteur commercial et lesfonctions dirigeantes. Le milieu de travail a, en effet,connu de profonds bouleversements : on assiste àun glissement d’une production industrielle versla prestation de services. La nature du travail etles risques qui y sont liés ont de fait été modifiés.

L’ampleur du risque On ne dispose pas encore de beaucoup d'infor-mations dans ce domaine. En 1994, l'INRCT etles Mutualités chrétiennes ont mené une enquêtesur la part occupée par le stress dans l'absentéismede longue durée (>1 mois). Quelque 10% despersonnes concernées semblaient souffrir destress "pur". Il s'agit de cas graves d'incapacité defonctionner comme il se doit sans qu'il soit questionde maladies physiques bien identifiées. Il y avaitproportionnellement davantage de travailleurs defaible niveau de formation dans ce groupe quedans un groupe témoin de personnes en bonnesanté. En règle générale, on admet que le stressjoue également un rôle dans bien d’autres affectionstelles que les maladies cardiovasculaires, lesinfections, les maladies gastriques, les lombalgies,etc. On peut donc dire que, s'il n'en est pas la causeprincipale, le stress est coresponsable d'environun tiers de l'absentéisme de longue durée.

Cette constatation est corroborée par les donnéesrelatives à l'incapacité de travail ou l'invalidité. Ils'agit de travailleurs malades depuis plus d'un an.En Belgique, on en compte 175.000, à savoir 5%de la population active totale dans le secteur privé.Environ un tiers de ce groupe, soit 50.000 personnessont incapables de travailler suite à des affectionspsychiques. C'est la catégorie la plus importante,devant les troubles de l'appareil moteur, comportant44.000 personnes. Les affections psychiquesvisées ici ne sont pas des cas psychiatriquesgraves, mais des travailleurs qui ne se sentent pasen état de fonctionner correctement et qui ont étéjugés comme tels par les instances de contrôle.

D'expérience, nous aurions envie de formuler larègle générale suivante. Environ 10% des travailleursconnaissent des difficultés majeures. Ils éprouventdes problèmes aigus liés au stress au travail ettombent régulièrement en dépression parce qu'ilsne s'en sortent plus et qu'ils ne peuvent plusrépondre aux exigences du travail et a fortiori de

la vie. Quelque 30% des travailleurs sont fragilesmais s'en sortent encore. En l'absence de mesuresde prévention, le danger existe qu'ils rejoignenttôt ou tard la classe de risque grave. Pour le groupede stress aigu, la prévention doit tout d'abordconsister en des mesures permettant de limiter lesdommages déjà causés (prévention tertiaire), parexemple l'accompagnement et l'accueil individuels.Pour le second groupe de risque, cette démarchen’est pas suffisante. Il faut des mesures visant àprévenir le risque (prévention primaire) et/ou lesdommages (prévention secondaire). Il est évidentque de telles mesures ne peuvent être uniquementaxées sur l’individu mais qu'elles doivent aussis'intéresser aux facteurs de stress liés au travail.

Comment mesurer le stress ?

Il existe diverses possibilités d'analyse selon que l'onprend la personne ou le milieu comme sujet et selonque l'on utilise des paramètres objectifs ou subjectifs.Il y a une controverse sur la valeur des méthodes"objectives" d'une part et des méthodes "subjectives"fondées sur le jugement du travailleur d'autre part.

Les méthodes objectives fiables pour l'analyse dela charge psychosociale du travail ne sont pas légion.Mesurer des réactions physiologiques et biochimiquesdes individus coûte cher et prend du temps. Lesrésultats sont difficiles à interpréter et, surtout, lelien avec le stress n'est pas toujours univoque.Avant tout, une telle approche n'est pas applicableà grande échelle dans le milieu de travail. Lesméthodes d'expertise et d'évaluation, même si ellesapportent une aide évidente en mettant à jour uneliste de points à problèmes, doivent être considéréesavec prudence du fait de différences d’interprétationqui peuvent exister entre les observateurs.

La collecte d'avis individuels au niveau du groupeassure une certaine objectivité. Les questionnaires seprêtent parfaitement à une telle opération. Plusieursquestionnaires standardisés ont été développéspour mesurer la charge psychosociale sur le lieude travail et le stress au travail. En Belgique, outrecertains modèles belges, on utilise également desquestionnaires néerlandais et américains.

Des méthodes participatives pour analyser le risquesont souvent utilisées, entre autres, pour évaluer etaméliorer la qualité de production. Un groupe detravailleurs dresse la liste, évalue les points pro-blématiques et cherche des solutions. Cette méthodeest également adaptée pour déterminer et jugerles risques de la charge psychosociale du travail.

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C'est souvent un mélange des méthodes qui donnele meilleur résultat. Ainsi, un questionnaire permetd'évaluer uniformément et relativement vite l'expérienced’un grand nombre de travailleurs, mais ce n'est qu'uninstrument de diagnostic qui n'apporte pas directementde solutions. Avec la discussion de groupe, par exemplepar division ou fonction, les résultats d'une enquêtepeuvent être concrétisés et transformés en prioritéset mesures à adopter. Il ne s'agit donc pas seulementde chercher la meilleure façon de collecter les données,mais aussi d'accorder de l'attention à la manièredont celles-ci sont transposées en mesures concrètes.

Le projet Quest Europe-INRCT

En 1998, l'association Quest Europe et l'organismepublic INRCT ont décidé de mener conjointementune enquête sur la charge psychosociale du travailau moyen d'un questionnaire. Quest Europe disposaitde la licence d'exploitation pour la Belgique duquestionnaire sur le Vécu du Travail (VT)1. L'INRCT,de son côté, a pris en charge le traitement desquestionnaires ainsi que la création et la gestiond'une banque de données.

Le VT avait été développé quelques annéesauparavant par Marc van Veldhoven dans le cadred'un projet commun entre un service de préventionexterne, deux universités et l'ancien Institut néer-landais des conditions de travail (maintenantTNO/Arbeid). Marc van Veldhoven a passé en revue50 instruments néerlandais et internationauxdans le domaine de la charge psychosociale dutravail et du stress lié au travail. Il a mis en évidenceune sorte de "plus grand commun dénominateur"des facettes étudiées et des items utilisés dans ces50 check-lists et questionnaires. Ensuite, lors d'unephase de développement, il a mené des enquêtespour tester la fiabilité et le caractère uni-dimen-sionnel des échelles créées. Cela a débouché sur unquestionnaire qui, sur le plan psychométrique,offre une valeur ajoutée substantielle par rapportaux instruments développés auparavant. Il s'estégalement penché sur la validité des échellesentre elles et vis-à-vis de critères externes tel quel'absentéisme. En outre, l'instrument a été soumisà un test pratique étendu dans des entreprises etservices de prévention aux Pays-Bas.

Pour l'INRCT, c'étaient autant de raisons pour travaillerà l'aide de cet instrument. Il est suffisamment étayédu point de vue scientifique et a prouvé sa valeuret son utilité sur le terrain. En effet, aux Pays-Bas,plus de 100.000 travailleurs de plus de 1.000organisations y ont déjà répondu.

Le questionnaire utilisé : le VTIl existe deux versions du VT : une version condenséede 108 questions divisées en 14 échelles et uneversion étendue de 232 questions réparties en 27échelles et 42 questions supplémentaires. Une échelleest constituée d’une série de questions mesurant unedimension déterminée de la charge psychosocialedu travail et du stress au travail. Ci-après suit unaperçu de la structure sous-jacente et des échellesde la version étendue. Les chiffres entre parenthèsesindiquent le nombre d’items dans l'échelle concernée.Les échelles sont mentionnées en italique.

■ Caractéristiques du travail : rythme et quantitéde travail (11), charge émotionnelle (7), chargementale (7), charge physique (7)■ Variation : diversité dans le travail (6), possibilitésd'apprentissage (4)■ Autonomie : autonomie dans le travail (11),participation (8)■ Relations et communication : relations avec lescollègues (9), relations avec le chef direct (9),possibilités de contact (4), communication (4)■ Problèmes liés au travail : manque de précisiondans le travail (5), changements dans les tâches(5), information (7), problèmes avec le travail (6)■ Conditions de travail : rémunération (5), possi-bilités de carrière (4), incertitude quant à l'avenir (4)■ Satisfaction : plaisir au travail (9), implication dansl'organisation (8), possibilité de changer d'emploi (4)■ Contrainte : besoin de récupération (11),inquiétude (4), qualité du sommeil (14), réactionsémotionnelles au travail (12), fatigue au travail (16)

Toutes les échelles en relation avec les caractéris-tiques du travail, la variation, l’autonomie, lesrelations et la communication, les problèmes liésau travail et les conditions de travail peuvent êtreconsidérées comme des facteurs liés au travail.Ce sont les causes potentielles de stress au travail.Les échelles en relation avec la satisfaction et latension sont les facteurs liés à la personne. Cesont les réactions possibles au stress. Puisquel'accent est mis sur le travail, toute une séried'aspects liés au stress n'ont pas été repriscomme les caractéristiques psychologiques de lapersonnalité, la capacité de gérer son travail, lesplaintes concernant la santé, la vie privée.

Le temps de réponse au questionnaire est relative-ment court : environ 15 minutes pour la versioncondensée et 30 minutes pour la version étendue.Pour certains, cela peut encore sembler (trop)long, mais il faut aussi penser à la quantité d'infor-mation reçue. Toutes les questions sur les facteursliés au travail peuvent avoir comme réponse toujours -

Por experiencia, N° 4, Avril 1999, ISTAS

1 En néerlandais VBBA – VragenlijstBeleving en Beoordeling van de Arbeid.

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souvent - parfois - jamais. La plupart des questions surles facteurs liés à la personne ont pour réponse oui - non.

L'approcheUn certain nombre de sessions d'information, deformations et de congrès ont été organisés entre1998 et 2000 afin de familiariser les conseillersen prévention internes et externes avec le sujet etavec le VT en tant qu'instrument de mesure.

Depuis début 1998, le soutien logistique est étendu.Les questionnaires sont mis au point à la demandedu client : version étendue ou condensée ou uncomposé des deux, données spécifiques à l’entreprise(par exemple département, fonction), questionssupplémentaires éventuelles, nombre d'exemplairessouhaités, etc. Les questionnaires sont conçus afinde pouvoir être déchiffrés et traités par lectureoptique. L'analyse se fait à l'aide d’un programmestatistique pour la recherche en sciences sociales(SPSS). Il en ressort un rapport chiffré dans lequelles scores moyens sont indiqués pour les diverseséchelles. Les scores moyens de l'organisationdans son ensemble sont comparés avec ceux dufichier de référence. Les sous-groupes de l'orga-nisation (divisions, fonctions, etc.) sont comparésà la moyenne générale.

L'accompagnement tout au long du processuss'est rapidement révélé indispensable. A l'origine,il était essentiellement orienté sur la démarchepréalable, à savoir sur la manière de commencer.A un stade suivant, l'attention s'est déplacée versla clarté et l’accessibilité du rapport statistique.Plus tard encore, elle s’est orientée vers le suivi,c'est-à-dire comment restituer les résultats et surtoutqu'en faire. Des mesures ont été prises sur tousces points pour améliorer la qualité de l'accom-pagnement. Par exemple, un groupe de travailnommé "InterVisie" a été créé pour les spécialistesen matière de charge psychosociale issus desdivers services de prévention externes. Ce groupeéchange des idées tout au long du processus :introduction d'une enquête, analyse et restitutiondes résultats, suivi et remédiation.

La banque de donnéesActuellement, le fichier de référence belge contientquelque 18.000 observations (questionnaires remplis)collectées dans 200 organisations environ. Cesorganisations appartiennent à différents secteurs.Les observations dans les secteurs industrielsreprésentent la majorité du fichier (environ untiers). Les secteurs des services (marchands) et dessoins comptent chacun pour environ un quart desobservations. Les autres observations proviennent

du secteur public et du bâtiment. Plus de la moitiédes observations proviennent d'organisations de100 à 500 travailleurs. Les autres observationsproviennent de manière égale d'organisations deplus de 500 travailleurs et d'organisations demoins de 100 travailleurs.

On peut trier le fichier selon la fonction. La majoritédes observations concernent des employés et ouvriersselon une répartition assez équitable. Déjà plus de1.000 cadres et un peu moins de 2.000 personnesoccupant des fonctions de la santé ont répondu au VT.

D’autres critères d’analyse sont l'âge, le niveau deformation, le type de service (de jour, par pauses,de nuit, irrégulier), le type de contrat (permanent,temporaire) et le sexe.

Le benchmarkingLa restitution des résultats aux entreprises etorganisations fait partie des prestations de serviceà fournir dans le cadre des obligations légales enmatière d'analyse des risques. L'analyse des risquesdoit en principe se faire à trois niveaux : au niveaude l'organisation dans son ensemble, au niveaud'un groupe de postes ou de fonctions et au niveaude l'individu. L'enquête avec le questionnaire VTrépond parfaitement à cette exigence. Les résultatsde chaque organisation, pris séparément sur lesdifférentes échelles du VT, peuvent être comparésà des valeurs de référence du fichier complet oud'une partie importante de celui-ci. Les écartspeuvent ainsi être identifiés, qu’ils soient positifsou négatifs. Les positions des divers sous-groupespeuvent être comparées entre elles en fonctionde la moyenne de l'organisation. On peut ainsiidentifier quelles fonctions, divisions, catégoriesd'âge, etc. sont aux prises avec certains aspectsde la charge psychosociale du travail. Enfin, il estégalement possible de restituer les résultats auniveau individuel. Cela se pratique exclusivementà la demande de l’individu et se réalise par unepersonne de confiance, en général le médecin dutravail. L’anonymat et le traitement confidentielne sont donc aucunement menacés.

L'enquête scientifiqueEn plus de la possibilité offerte aux organisationsde se comparer à d’autres, un fichier de référencesétendu offre des possibilités de recherche scientifique.

Au départ, une grande attention fut accordée à laqualité de l'instrument de mesure et des possibilitésd'analyse. Une enquête de validité fut menée sur labase des versions francophone et néerlandophonedu questionnaire afin de vérifier si les concepts

Références■ Bryunooghe, R., & Opdebeeck, S.,“Travail émotionnel, charge émotion-nelle et vécu du travail des femmes”,inMoors, S., (Ed.), Stress et travail :origineset approches, Bruxelles, INRCT, 1994.■ D'Hertefelt, H., “La mesure de la chargementale”, in Bulletin de l'IACT, no. 4,pp. 1-5, 1984.■ D'Hertefelt, H., “La mesure du stressau travail : un long cheminement”,in Moors, S., (Ed.), op. cit.■ D'Hertefelt, H., Psychosocialearbeidsbelasting. Wet- en regelgeving,begrippen, analysemogelijkheden,Bruxelles, INRCT (texte de cours pourconseillers en prévention).■ D'Hertefelt, H., du Bus, A.,Hoedemakers, C., Moors, S., Notelaers,G., & Vervisch, T., Le vécu du travaildu personnel de l'entreprise Alpha.Rapport statistique, Bruxelles, INRCT-Quest Europe (document interne), 2001.■ Karnas, G., Nouvelles formes d'orga-nisation du travail et adaptation dutravail à l'homme, Bruxelles, BES (exposéà la journée d’étude de la BelgianErgonomics Society), 26 mars 2002.■ Notelaers, G., & van Veldhoven,M.J.P., Validering van de Kern-VBBAin Vlaanderen, Bruxelles-Amsterdam,INRCT-SKB (document interne), 1999.■ Notelaers, G., & van Veldhoven, M.J.P.,Bruikbaarheid en psychometrischekwaliteit van de Vécu du Travail alsvertaling van de Kern-VBBA, Bruxelles,INRCT (rapport d’enquête), 2001.■ Notelaers, G., & van Veldhoven,M.J.P., Interroger le “vécu du travail” :présentation d'un outil spécifiqued'analyse de la charge psychosocialedu travail, 2002.■ Notelaers, G., van Veldhoven,M.J.P., & Vermunt, J., Towards amethodology for counteracting stressat work.Risk analysis with a standardisedquestionnaire and the implications forbenchmarking, XVIe Congrès mondialsur la sécurité et la santé sur le lieude travail, 2002.■ Swinnen, L., Moors, S., & Govaert,C., “Stress : cause d'absentéisme”, inMoors, S., (Ed.), op.cit.■ van Veldhoven, M.J.P., & Meijman,

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sous-jacents étaient bien évalués. Les résultats de cetteenquête de validité indiquent que c'est le cas pourles deux versions. Quand des observations suffisantesauront été collectées pour les versions anglaise etallemande, une telle étude sera également effectuée.

L'affinement des possibilités d'analyse a, lui aussi,fait l'objet de recherches. Sans entrer trop dansles détails, on peut dire que le résultat de cettedémarche permet la répartition des individus dansdifférents groupes selon une gradation du risque :risque aigu, risque indicateur, risque réduit etrisque nul. L'accueil personnel et l'aide aux tra-vailleurs peuvent être améliorés et des signauxenvoyés à l'organisation dans son ensemblequant à l'ampleur et la gravité des risques.

Avec un fichier d'une telle taille, il existe d’autrespossibilités de travailler sur les données. Il ne s'agitpas seulement de mettre à l'épreuve des modèlesplus ou moins anciens portant sur la charge psy-chosociale sur le lieu de travail en général, lestress au travail et le burnout (l'épuisement) enparticulier, mais aussi d'enquêter sur certains groupesà risques, comme par exemple les travailleurs plusâgés. On pourrait s’attacher aussi à des thématiquestelles que la qualité de la communication et desrelations sur le lieu de travail et leurs formesextrêmement négatives que sont la violence ou leharcèlement moral.

Conclusion

La charge psychosociale du travail constitue unnouveau type de problèmes à traiter par la politiqueen matière de bien-être dans les entreprises belges.Si une attention significative est accordée auxeffets sur la santé des facteurs psychosociaux surles travailleurs, elle reste encore insuffisante pourarriver à une véritable politique de préventiondans ce domaine. Plusieurs étapes ont déjà étéfranchies. La charge psychosociale sur le lieu detravail est un des aspects du bien-être et la récentemodification de la loi demande d'accorder une plusgrande attention à la prévention et à la protectioncontre les formes extrêmes de comportementsindésirables (tracasseries, violence, etc.). Les nouveauxservices de prévention externes agréés ont engagéou nommé des spécialistes de la charge psychoso-ciale sur le lieu de travail. Une nouvelle approchespécialisée, celle du psychologue, se fera une placedans le milieu de la prévention. Les organisationspatronales et syndicales ont conclu une conventioncollective concernant la gestion de la préventiondu stress dans les entreprises. Les chercheurs et

consultants offrent des services afin d'analyser lephénomène de la charge psychosociale sur lelieu de travail et d'y remédier. Le projet communQuest Europe-INRCT cadre bien dans ce contexte.Il fournit une aide pour l'analyse des risques dansle domaine de la charge psychosociale sur le lieude travail aux services de préventions internes etexternes, aux services des ressources humaines,aux directions et aux syndicats. La base de don-nées, qui a été créée et ensuite étendue, permeten outre d'approfondir les connaissances de cetteproblématique. Ces connaissances peuvent con-tribuer et contribueront à la compréhension et àla résolution des nombreux problèmes en matièrede charge psychosociale sur le lieu de travail engénéral et du stress au travail en particulier. ■

T., Het meten van de psychosocialearbeidsbelasting met een vragenlijst :de Vragenlijst Beleving en Beoordelingvan de Arbeid (VBBA), Amsterdam,NIA, 1994.■ van Veldhoven, M.J.P., Psychosocialearbeidsbelasting en werkstress, Lisse,Swets & Zeitlinger (thèse de doctoratsoutenue à RU Groningen), 1996.■ van Veldhoven, M.J.P., & Broersen,J., Psychosociale arbeidsbelasting enwerkstress in Nederland.Een verkenninggebaseerd op gegevens verzamelddoor Arbodiensten met de VragenlijstBeleving en Beoordeling van de Arbeid(VBBA) in de periode 1995 t/m 1998,Amsterdam, SKB, 1999.

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Le WOCCQ : WOrking Conditions and Control Questionnaire

Le WOCCQ - WOrking Conditions and Control Questionnaire (I. Hansez) - est une méthode belge de diagnostic desrisques psychosociaux développée dans le Service de Psychologie du Travail et des Entreprises de l’Université deLiège (Prof. V. De Keyser). Il permet de réaliser un état des lieux du niveau de stress existant, mais aussi de préparerune politique de prévention en repérant les aspects générateurs de stress dans les conditions de travail. S’agissantd’une méthode par questionnaire, il s’applique en particulier à des entreprises de taille moyenne ou grande. L’outilest composé d’un volet de base constitué d’un questionnaire mesurant le contrôle sur les conditions de travail (leWOCCQ), d’une mesure standardisée du stress et d’un relevé de situations à problèmes. D’autres questionnairespeuvent être ajoutés en fonction des spécificités de l’entreprise pour affiner le diagnostic.

Des recherches en psychologie du travail montrent que le stress apparaît dès que le travailleur estime manquer desressources nécessaires pour faire face à des exigences professionnelles auxquelles il ne peut se soustraire. On imagineen effet aisément que ce sentiment de manque de contrôle sur certaines facettes du travail est propice à l’apparition dustress. Conformément à cette conception théorique, le WOCCQ évalue le sentiment de contrôle qu’ont les travailleurssur différents aspects de leur travail : les ressources, l’avenir, la planification du travail, la gestion de la tâche, lesrisques et la gestion du temps. Les résultats obtenus permettent alors de suggérer des pistes de solution appropriées,orientées vers la réduction des agents stresseurs.

Une démarche d’accompagnement qui tient compte des spécificités de l’entreprise est également mise en œuvre.L’implication directe des différents acteurs de l’entreprise est au cœur de cette démarche, dont l’élément central estle Comité de pilotage. Composé de personnes ressources de l’entreprise (directeur du personnel ou des ressourceshumaines, représentants des travailleurs, médecin du travail, etc.), il assiste le processus d’enquête, l’adapte à l’en-treprise et met notamment en place un plan de communication à destination des travailleurs, en vue d’assurer leurparticipation maximale.

Une base de données (comportant à l’heure actuelle plus de 8.000 sujets) s’étoffe au fil des enquêtes. Elle permetde situer chaque nouvelle entreprise qui y fait appel par rapport à un ensemble de référence.

Notons encore que cette méthode a bénéficié du soutien des autorités publiques, tant dans sa phase de conception(financée par les Services fédéraux des Affaires scientifiques, techniques et culturelles) que dans sa phase de pro-motion (financée conjointement par le ministère fédéral de l’Emploi et du Travail et du Fonds Social Européen). Laqualité de cet outil est aujourd’hui reconnue tant en Belgique qu’à l’étranger, et notamment en France et en Suisse.

Pour tout renseignement concernant le WOCCQ, vous pouvez vous adresser à :

Stéphanie Péters - Université de Liège

Service de Psychologie du Travail et des Entreprises

Bd du Rectorat, 5 bat B 32 - 4000 Sart Tilman - Liège

Tél. : + 32 4 366 20 91 - Fax : + 32 4 366 29 44

E-mail : [email protected] - www.woccq.be

Le questionnaire est disponible en français et en néerlandais sur le site :www.woccq.be/index.jsp

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Un nouvel outil d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail : le Questionnaire Psychosocial de Copenhague

T. S. Kristensen*

* Institut national de santé au travail, Copenhague, Danemark [email protected]

de travail et une version abrégée pour les lieux detravail. Ce système a été baptisé "concept à trois niveaux".

Plusieurs objectifs ont été fixés lors de l’élaborationdu COPSOQ :■ concevoir des instruments adaptés pouvant êtreutilisés à différents niveaux;■ améliorer la communication entre les chercheurs,les professionnels de l’environnement de travail etles lieux de travail;■ permettre des comparaisons nationales et internationales;■ améliorer les études de l’environnement psychosocialdu travail;■ améliorer et faciliter les évaluations des actionsmenées sur les lieux de travail;■ faciliter la mise en pratique de théories et conceptscomplexes.

Les méthodes

Le projet s’est déroulé en plusieurs phases. Au coursde la première phase, des questionnaires psychosociauxde plusieurs pays ont été rassemblés pour étudier lesdifférents modèles, concepts et questions. Seize question-naires ont été examinés (utilisés en Finlande, Suède,Royaume-Uni, Etats-Unis, Danemark et Pays-Bas).Plusieurs de ces questionnaires étaient instructifs et debonne qualité, mais aucun ne répondait parfaitementaux attentes. Au cours de la deuxième phase, 145questions de ces 16 questionnaires ont été sélectionnées,et nous y avons ajouté 20 nouvelles questions. Ces165 questions ont été testées empiriquement lors dusondage d’un échantillon représentatif de 1.858 salariésdanois (entre 20 et 60 ans, 49% de femmes, taux deréponse : 62%). Les réponses ont ensuite été analyséespour en rechercher la cohérence intrinsèque et identifierla validité factorielle, les valeurs manquantes et lescanevas de réponse. L’objectif était de concevoir diverseséchelles, toutes fondées sur plusieurs questions pouraméliorer la fiabilité et la validité des appréciations.Le résultat final se présente sous la forme d'un ques-tionnaire de recherche de 141 questions comprenant30 dimensions – échelles - différentes (voir figure 1).Les échelles ont ensuite été réduites à un maximumde 4 questions par échelle (5 dans certains cas), etplusieurs échelles relatives aux caractéristiques indi-viduelles ont été supprimées. La version moyennecomporte ainsi 95 questions et 26 dimensions. Dansla version longue comme dans la moyenne, toutesles échelles du COPSOQ vont de 0 à 100 points.Enfin, la version courte résulte d’une diminution dunombre de dimensions et de questions. Elle comporte

Figure 1 : Dimensions et nombre de questions du Questionnaire Psychosocial deCopenhague – Ensemble des versions (longue, moyenne et courte)

Nombre de questions

Dimensions Questionnaire Version Versionde recherche moyenne courte

Questions quantitatives 7 4 3Questions cognitives 8 4Questions émotionnelles 3 3 2 6Questions de dissimulation des émotions 2 2 1Questions sensorielles 5 4

Influence au travail 10 4 3Possibilités d’évolution 7 4 2Etendue de la maîtrise au travail 4 4 1 10Utilité du travail 3 3 2Engagement envers le lieu de travail 4 4 2

Prévisibilité 2 2 2Clarté des attributions 4 4Conflits d’attributions 4 4Qualité du leadership 8 4 2 10Soutien social 4 4 2Feed-back au travail 2 2 2Relations sociales 2 2Sens de la communauté 3 3 2

Insécurité au travail 4 4 4

Satisfaction au travail 7 4 4

Etat de santé général 5 5 1Santé mentale 5 5 5Vitalité 4 4 4

Stress comportemental 8 4Stress somatique 7 4Stress cognitif 4 4Sens de la cohérence 9

Gestion active des problèmes 2Gestion sélective 2Gestion résignée 2

Nombre de questions 141 95 44Nombre d’échelles 30 26 8

METHODES POUR L'EVALUATION DES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX

Le contexte

Il est tout aussi nécessaire de disposer d'instrumentsvalables et fiables d'évaluation de l’exposition dansle domaine psychosocial que dans les autres domainesde la recherche et de la pratique de l'environnementde travail. L’Institut national de santé au travail (NIOH)danois l’a bien compris et a élaboré le QuestionnairePsychosocial de Copenhague (COPSOQ), qui permetd’évaluer les facteurs psychosociaux de l’environnementde travail. Celui-ci existe en trois versions : une versionlongue pour les chercheurs, une variante de longueurmoyenne pour les professionnels de l’environnement

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Figure 2 : Illustration de la répartition des professions pour l’une des dimensions COPSOQ : l’influence au travail(Au moins 20 personnes ont été interrogées pour chacun de ces 32 emplois)

Directeurs de magasins

Directeurs

Enseignants d'école technique

Aides-soignants

Enseignants d'école primaire

Chefs de service

Contremaîtres

Architectes

Enseignants d'école secondaire

Représentants de commerce

Parents d'accueil

Manutentionnaires

Infirmiers

Employés de maison

Mécaniciens

Electriciens

Informaticiens

Instituteurs de maternelle

Employés de banque

Ouvriers du bâtiment

Cuisiniers

Techniciens

Vendeurs

Secrétaires

Employés de maison

Comptables

Ouvriers de la métallurgie

Employés de magasin

Nettoyeurs

Chauffeurs

Employés de bureau

Ouvriers de l'industrie alimentaire

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Le questionnaire abrégé peut être utilisé sur les lieuxde travail non équipés d’ordinateurs ni même de cal-culatrices. Les points de chacune des huit dimensionspeuvent être additionnés manuellement pour calculerles scores moyens des services ou lieux de travail. Un

dépliant permet d’effectuer facilement des comparaisonsavec les valeurs de la moyenne nationale. Pour obtenirune évaluation plus précise et plus complète sur un lieude travail, il est conseillé de prendre contact avec desprofessionnels de l’environnement de travail, qui pourront

est utilisé pour évaluer l’environnement psychosociald’un lieu de travail, chaque service, et l’ensemble dulieu de travail, peut être comparé à la moyennenationale pour les 26 dimensions. Il est égalementpossible de comparer les emplois, les tranches d’âge,les systèmes de rémunération etc. Cette version duquestionnaire est utilisée par les services de santé autravail (SST), les cliniques de santé au travail et lesconsultants privés. Tous ces professionnels ont puacquérir le système (logiciel compris) pour la modiquesomme de 150 USD. La figure 2 présente la répartitiondes professions de l’échantillon national pour l’unedes dimensions essentielles : l’influence au travail.

44 questions et seulement 8 dimensions, dont certainesenglobent plusieurs dimensions des versions pluslongues (voir figure 1).

La version moyenne destinée aux professionnels del’environnement de travail se présente sous formeinformatisée. Toutes les dimensions y ont une moyennenationale de 50. Les valeurs supérieures à 60 etinférieures à 40 sont considérées comme statistiquementdivergentes de la moyenne nationale. Les scores moyenssont affichés en jaune, les scores supérieurs à lamoyenne nationale en vert, et les scores inférieurs à lamoyenne nationale en rouge. Lorsque le questionnaire

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Les résultats

Ces trois questionnaires sont utilisés depuis maintenantprès de deux ans. La quasi-totalité des praticiens dela santé au travail et de nombreux autres professionnelsdanois de l’environnement de travail les utilisent déjà.Plus de 6.000 exemplaires du questionnaire abrégé ontété distribués gratuitement, et des centaines d’utilisa-teurs l’ont téléchargé depuis Internet. Nous ne recueillonspas de données et ne disposons d’aucun système decontrôle des utilisateurs. Ce concept a pour vocationd’être utilisé en tant qu’outil de dialogue et dedéveloppement au travail.

Les chercheurs du NIOH ne peuvent ni ne souhaitentrégir l’utilisation des questionnaires dans la pratique.Ils ont toutefois élaboré quelques "consignes flexibles"d’utilisation du COPSOQ : ■ Une étude de l’environnement de travail ne serajamais menée sans la ferme intention de prendre desmesures si les résultats en démontrent la nécessité.■ Tous les résultats seront anonymes et la participationsera totalement volontaire.■ Les travailleurs auront le droit de consulter et dediscuter des résultats.■ Les résultats de l’enquête menée sur le lieu de travailseront considérés comme un outil commun de dialogueet de développement ultérieur – pas comme un carnetde notes ou une liste noire !■ Toutes les parties – ouvriers, employés, cadres moyenset supérieurs – devront y participer et s’engagerdurant la totalité du processus.

L’Institut national de Copenhague reçoit des réactions,commentaires et questions sur le concept presquequotidiennement, et de nombreux utilisateurs ontparachevé le système pour l’adapter à des lieux detravail précis. Nous avons la nette impression que cesystème rencontre un succès sans précédent. Leschercheurs du NIOH danois et d’autres institutionsdanoises ont appliqué les dimensions du COPSOQdans de nombreuses études, ce qui facilite les com-paraisons entre elles.

La base de données des valeurs de comparaisonnationales devrait être mise à jour en 2002 après unenouvelle étude nationale, afin d’assurer le maintien dela validité et de la fiabilité du système. Dans ce cadre,nous envisagerons la possibilité de concevoir des valeursd’étalonnage pour des industries et branches spécifiques.

Toutes les questions du COPSOQ ont été traduites

en anglais et, certaines, en japonais. Les versionsespagnole, allemande et néerlandaise sont en cours.

Conclusions

Le concept à trois niveaux du COPSOQ a permisd’améliorer la communication entre les chercheurs,les professionnels de l’environnement de travail etles lieux de travail. Le questionnaire semble permettreune évaluation valable d’une vaste gamme de facteurspsychosociaux de l’environnement de travail. Le NIOHprévoit de concevoir des instruments similaires pourd’autres domaines de recherche au Danemark. ■

Références■ AMI’s spørgeskema om psykisk arbejdsmiljø [QuestionnaireNIOH sur l’environnement psychosocial du travail),Arbejdsmiljøinstituttet, 2000.■ Kristensen, TS., Borg, V., Hannerz, H., “Socioeconomic statusand psychosocial work environment. Results from a nationalDanish study”, Scand J Public Health, 2001.

www.ami.dk/apss : présente la version danoiseet les valeurs moyennes pour plus de 30 professions.La version anglaise du questionnaire estdisponible sur le site internet du BTS : www.etuc.org/tutb/fr/newsletter-stress.html

brosser un panorama plus détaillé de l’environnementde travail à l’aide de la version moyenne du questionnaire.

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Une méthode nordique d’évaluation des facteurs psychosociaux et sociaux au travail

Kari Lindström*

* Institut national de santé autravail, Helsinki, Finlande

Pourquoi une méthode nordique ?

Depuis plusieurs années, les pays nordiques surveillentet améliorent l’environnement psychologique et socialau travail. Ils disposent des législations et de la margede manœuvre nécessaires pour mener des études etdes actions sur le travail et l’organisation du travail.Depuis les années 60-70, les recherches menées enmatière de facteurs psychologiques et sociaux autravail ont joué un rôle important tant dans laréforme des lieux de travail que dans le domaine dela santé et de la sécurité au travail. Les recherchesnordiques en matière d’environnement de travail secaractérisent, en outre, par une approche orientéesur les problèmes rencontrés et par l'importancequ'elles accordent à la participation des salariés. Ace jour toutefois, les expériences pratiques et lesdonnées scientifiques relatives à la prévention dustress lié au travail ont été limitées du fait que lesméthodes de mesure utilisées sont spécifiques au"lieu de travail" ou au "groupe professionnel" .

Objectif du QPSNordic

Entre 1995 et 2001, les pays nordiques ont œuvré deconcert pour élaborer et valider un questionnaire permet-tant d’évaluer les principaux facteurs psychologiqueset sociaux du travail. Les facteurs psychologiques etsociaux du travail, l’organisation du travail et l’envi-ronnement de travail contribuent potentiellement àla motivation, à la santé et au bien-être de chaquesalarié, des groupes de salariés et de l’ensemble del’entreprise. Le questionnaire avait pour objectifprincipal de pouvoir être utilisé tant dans les étudeset actions pratiques menées sur le lieu de travail quedans la recherche portant sur le stress au travail.

Conception de la méthode

Le QPSNordic a été conçu par un groupe de spé-cialistes originaires de quatre pays nordiques sur basede l’évaluation de 19 méthodes utilisées antérieurementdans ces pays. Un questionnaire pilote a été élaboré

à partir de 2.600 questions de ces questionnairesprécédents, ainsi que de l’analyse des tendancesrécentes et des perspectives de la vie professionnelle.Après avoir vérifié la compréhensibilité des questions,la version pilote a été validée auprès de deux échan-tillons de salariés des quatre pays nordiques aucours de deux phases d’étude. La première consistaità tester la structure factorielle des questions et àconstruire les échelles du questionnaire, la deuxièmevisait à éprouver la construction et la validité prédictivedu QPSNordic pour les diverses mesures de bien-être.

Teneur du questionnaire

Le questionnaire complet compte au total 123 questions;sa version condensée, le QPSNordic 34+, destinéeaux lieux de travail, en contient 34. Toutes les questionsse rapportent à des échelles de réponse à cinq points.

Pour construire les échelles du questionnaire, lesquestions ont d’abord été classées en trois niveaux :niveau de la tâche, niveau social et organisationnel,et niveau individuel. Ensuite, les questions associéesà ces niveaux ont fait l’objet de trois analyses facto-rielles exploratoires séparées pour construire leséchelles globales. Vingt-six échelles globales ont étécréées. Elles ont permis d’établir une distinction préciseentre les différents types de postes et ont attesté dela sensibilité des échelles.

Validité de la méthode

Les critères du QPSNordic concordent avec lesrésultats de recherches antérieures menées sur lesrapports entre les facteurs psychologiques et sociauxau travail et le bien-être des travailleurs. Les échellescentrales du QPSNordic ont prédit précisémentl’épuisement émotionnel des salariés, leurs symptômesde détresse et leur implication professionnelle. Parexemple, l’épuisement émotionnel est expliqué parles mêmes facteurs professionnels et organisationnelsque ceux ressortis des études antérieures.

Le stress lié au travail est un problème de santé d’origine professionnelle très répandu. Lesfacteurs psychosociaux du travail en sont les causes les plus fréquentes. Le QuestionnaireNordique Général (QPSNordic) constitue à la fois un outil de recherche et un instrumentpratique permettant de contrôler les facteurs psychologiques et sociaux au travail lors de laplanification ou de l’évaluation d’une action organisationnelle ou d’un processus de changement.

METHODES POUR L'EVALUATION DES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX

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Applicabilité de la méthode

L’applicabilité du QPSNordic au changement orga-nisationnel en tant qu’outil d’enquête avec retourd’information a été testée dans la pratique. Cette étude decas devait également permettre d’évaluer la procédured’enquête avec retour d’information lorsque le QPS-Nordic est utilisé avec pour objectif : (1) de renforcerles connaissances des travailleurs sur les facteurspsychologiques et sociaux au travail au niveau dudépartement et (2) d’établir des plans d’action appropriés.

Lorsque le questionnaire est utilisé comme méthodede sondage et que le retour d’information sur lesrésultats est transmis à des services spécifiques, lafranchise et la confiance nécessaires doivent êtreétablies en respectant les principes éthiques et sociaux.Les préalables à la franchise et à la confiance sont laconfidentialité, le fait de tenir les participants pleinementinformés et de leur donner un feed-back sur lesrésultats. Ces principes constituent un point de départobligé du changement organisationnel, et le processuslui-même commence par des réunions de feed-back.

L’accomplissement des objectifs de changement dela méthode d’enquête avec feed-back dépendra del’implication des salariés aux réunions de feed-back.Elles sont réellement productives quand les participantsont le temps et la possibilité de discuter des résultatset priorités en petits groupes et de présenter leursévaluations et priorités en séances plénières. Pour être réussie, une réunion de feed-back doit : ■ suivre un ordre du jour structuré;■ se diviser en petits groupes traitant des questions/problèmes du service; ■ s’adjoindre les services d’un consultant indépendantchargé de sélectionner les résultats pertinents et d'endonner un feed-back, de contrôler la réunion et dedonner des orientations si nécessaire.

Un psychologue des organisations, consultantextérieur, est la personne la mieux placée pour donnerle feed-back et animer les débats sur l'interprétationdes résultats du questionnaire. Aussi valide que puisseêtre la méthode du questionnaire, les ressources etla volonté des groupes de salariés et des services desanté au travail à mettre en œuvre les projets dedéveloppement au travail varient du tout au tout. Lesattributions du psychologue consultant, d’autresspécialistes de la santé au travail et des superviseursdans le processus d’enquête avec feed-back doiventêtre précisées pour chaque projet. Les superviseurset la direction jouent un rôle crucial dans la mise enœuvre des plans de développement formulés suiteaux réunions de feed-back.

Le questionnaire de la méthode et le guide de l’utilisateursont désormais disponibles en anglais, suédois, danois,norvégien et finnois. Une version islandaise est enpréparation. La méthode a été utilisée dans diversprojets de recherche nordiques et plusieurs servicesde santé au travail. ■

Références■ Lindström, K., Elo, A-L., Skogstad,A., Dallner, M., Gamberale, F.,Hottinen, V., Knardahl, S., Ørhede, E.,User’s Guide for QPSNordic. GeneralNordic questionnaire for psychologicaland social factors at work, TemaNord2000:603, Conseil des ministresnordique, Copenhague , 2000.■ Dallner, M., Elo, A-L., Gamberale, F.,Hottinen, V., Knardahl, S., Lindström,K., Skogstad, A., Ørhede, E., Validationof the General Nordic Questionnaire(QPSNordic) for psychological andsocial factors at work, Nord 2000:12,Conseil des ministres nordique,Copenhagen, 2000.■ Lindström, K., Dallner, M., Elo, A-L.,Gamberale, F., Knardahl, S., Skogstad,A., Ørhede, E. (eds.), Review of psy-chological and social factors at workand suggestions for the GeneralNordic Questionnaire (QPSNordic),Nord 1997:15, Conseil des ministresnordique, Copenhagen, 2000.

Niveau de la tâche

Exigences du poste

Maîtrise au travail

Attentes liées au poste

Prévisibilité au travail

Niveau social et organisationnel

Interaction sociale

Leadership

Communication

Culture de l’entreprise et climat ambiant

Travail de groupe

Niveau individuel

Engagement envers l’entreprise

Compétences

Goût du défi

Prévisibilité individuelle

Motivation professionnelle

Place donnée au travail

Interaction entre travail et vie privée

Classification des échelles du questionnaire QPSNordic

La version anglaise du questionnaire estincluse dans Lindström, User’s Guide forQPSNordic, 2000.La version suédoise du questionnaire estdisponible sur le site : www.niwl.se/arb/2000-19.html

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Liens entre les Troubles Musculo-Squelettiques du membresupérieur et le stress

STRESS ET TMS

Michel Aptel et Jean Claude Cnockaert*

* Laboratoire deBiomécanique et d’ErgonomieInstitut National de Rechercheet de Sécurité, France

Les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur (TMS-MS) représentent une despremières causes de maladies professionnelles en Europe. Cette expression parapluiedésigne à la fois de nombreuses pathologies et le fait que des sollicitations liées au travailfavorisent leur développement. Ainsi, des facteurs de risque biomécaniques (répétitivité,efforts, postures articulaires extrêmes) et psychosociaux ont été mis en évidence. Le rôledu stress et des facteurs psychosociaux d'origine professionnelle dans la survenue desTMS-MS est encore mal établi et les données épidémiologiques sont encore discutées. Ilsemble néanmoins plausible que la réponse de l'organisme face aux facteurs de stressmette en jeu quatre systèmes : nerveux central, nerveux végétatif, endocrine et immunitairequi interagissent constamment selon un fonctionnement en réseau. Quoiqu'il en soit, l'absencede compréhension fine des relations entre le stress et les TMS-MS ne doit pas empêcher lamise en place d'actions de prévention prenant en compte les facteurs organisationnels etpsychosociaux car les données scientifiques sont suffisamment établies pour justifier del'efficacité d'une approche globale des situations de travail.

Une enquête réalisée en 2000 auprès de la populationactive de l'Union européenne [1] montre que parmiles problèmes de santé les plus répandus figurent : ■ les douleurs dorsales citées par 33 % des tra-vailleurs;■ le stress cité par 28 % des travailleurs;■ les douleurs musculaires (cou et épaules) citéespar 23 % des travailleurs.

Selon les auteurs de l'enquête, ces problèmes desanté qui sont en augmentation, sont liés à de mau-vaises conditions de travail, notamment des posi-tions de travail pénibles, le port de charges lourdes,une intensification du travail… Il apparaît donc à lalecture des résultats de cette enquête que les TMS ducorps entier et le stress sont les plaintes les plusfréquemment rencontrées chez les travailleurs interrogés.

Les troubles musculo-squelettiques du membresupérieur (TMS-MS) liés au travail affectent les tissusmous associés à l’appareil locomoteur. Pour de mul-tiples auteurs [2,3], le sigle TMS-MS n’est pas undiagnostic mais "une expression parapluie" quienglobe différentes maladies (syndrome du canalcarpien, épicondylite, tendinopathie de la coiffe desrotateurs, myalgie etc.) consécutives à des activitésphysiques sollicitant l’appareil locomoteur. Les TMSde l'appareil locomoteur dans son entier sont con-sidérés comme la cause principale de demande desoin, de handicap et d'absentéisme au travail [4].

Aux Etats-Unis et au Canada, les TMS-MS sont lacause de handicap dont la croissance est la plusélevée depuis le milieu des années 90 [5]. Il estmaintenant admis que le travail est un facteur derisque incontestable de TMS-MS [5,6].

Le stress fait l'objet de multiples travaux scien-tifiques. Un document de synthèse rédigé à lademande de l'Agence européenne pour la sécuritéet la santé au travail [7] définit le stress comme "apsychological state which is part of and reflects awider process of interaction between the person andtheir work environment… stress may be experiencedas a result of exposure to a wide range of workdemands and, in turn, contribute to an equally widerange of health outcomes1".

La question d'un lien entre les TMS-MS et le stressest soulevée depuis quelques années suite à desétudes épidémiologiques [8,9] qui ont montré uneassociation entre ces deux pathologies. Dès lors laquestion d'une relation entre stress et TMS-MS estposée tant du point de vue des phénomènes decausalité : "quoi favorise quoi", que d'un point vue deplausibilité biologique : "comment est ce possible ?".

Il s'agit dans cet article de rappeler brièvement ceque sont les TMS-MS et le stress puis de présenterdes arguments justifiant du bien fondé d'une rela-tion entre le stress et les TMS-MS.

INRSBP 27 F-54501 Vandoeuvre CedexTél. : +33-3-83 50 21 94Fax : +33-3-83 50 21 [email protected]

1 Un état psychologique qui fait partieet qui reflète un large processus d'in-teractions entre la personne et sonenvironnement de travail... le stresspeut être vécu comme le résultat d'uneexposition à un large éventail d'exi-gences professionnelles et, en retour,contribuer à un éventail tout aussilarge de conséquences sur la santé.

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Un modèle général de compréhension desTMS-MS

En 1999, l'Agence européenne pour la sécurité et lasanté au travail a édité un rapport sur le les TMS-MS[6]. Les auteurs de ce rapport indiquent que "there isa substancial evidence within the EU member statesthat neck and upper limb musculoskeletal disordersare a significant problem with respect of ill healthand associated costs within the workplace. It is likelythat the size of the problem will increase as exposureto work-related risk factors for these conditions isincreasing within the European Union2". Ils considèrentque "the scientific reports, using defined criteria forcausality, established a strong positive relationshipbetween the occurrence of some neck and upperlimb musculoskeletal disorders and the performanceof work, especially where high levels of exposure towork risk factors were present3". Le NIOSH [5](National Institute for Occupational Safety and Health)a publié en 1997 un rapport qui détaille les preuvesépidémiologiques justifiant d'une relation entre lesTMS-MS et le travail. Les auteurs affirment "A substantialbody of credible epidemiologic research providesstrong evidence of an association between MSDsand certain work-related physical factors…4". Letableau 1 présente la pertinence de la relation entreles facteurs de risque biomécaniques et le risque deTMS-MS [5]. Pour autant, seules les preuves d'unerelation entre les facteurs de risque biomécaniquesou physiques et les TMS du corps entier sont pris encompte dans le tableau 1. Enfin, Plusieurs modèlesont été proposés qui permettent de comprendre lesrelations complexes entre les facteurs de risque pro-fessionnels et les TMS-MS [6].

L'INRS [10] a proposé un modèle de compréhension(cf. figure 1, p. 59) qui vise d'abord à organiser les liensentre les classes de facteurs de risque et les TMS-MS.Il convient donc de considérer que les TMS-MS liésau travail sont des affections multi-factorielles. Lerisque d'en être atteint résulte de l'intrication insécablede facteurs de risque que l'examen clinique ne permetpas d'identifier.

Stress

Les recherches sur le stress lié au travail sont trèsnombreuses5 et le corpus de connaissance est relativementstabilisé. Le stress est un ensemble de manifestationsphysiologiques comportementales et émotionnellesprovoquées par des situations qui menacent l’intégritéphysique ou psychique de l’individu. Un modèle proposépar Cooper et modifié par Fox [7] (cf. figure 2, p. 59)permet de manière synthétique de représenter les

Région anatomique Forte Preuve PreuveFacteur de risque preuve épidémiologique insuffisante

(+++) (++) (+/0)

Cervicale et cervico-brachiale

Répétitivité ✘Effort ✘Amplitude articulaire ✘Vibration ✘

Epaule

Répétitivité ✘Effort ✘Amplitude articulaire ✘Vibration ✘

Coude

Répétitivité ✘Effort ✘Amplitude articulaire ✘Combinaison* ✘

Main/Poignet

Syndrome du Canal CarpienRépétitivité ✘Effort ✘Amplitude articulaire ✘Vibration ✘Combinaison ✘

TendiniteRépétitivité ✘Effort ✘Amplitude articulaire ✘Combinaison ✘

* Combinaison = Présence d’au moins 2 facteurs de risque

Tableau 1 : Pertinence de la relation entre les facteurs de risque biomécaniques et des TMS-MS [5]

Dans la conception moderne du stress, les événements stressants prennent en compte la contrôlabilité,la prédicabilité, la perte de contrôle, les menaces... de l’environnement social. Dans ce contexte, il estpossible de lister (liste non exhaustive et sans ordre de priorité) les principaux facteurs psychosociauxde stress chronique dans la vie professionnelle.

Tableau 2 : Facteurs psychosociaux de stress dans la vie professionnelle

■ Perte d’emploi■ Réaménagement dans la vie professionnelle(changement, recyclage, évolution du contenu / exi-gences du travail, retraite....)■ Modification des responsabilités professionnelles■ Début ou fin d’emploi du conjoint■ Problèmes relationnels avec les responsables hiérar-chiques, les collègues (conflit / ambiguïté du rôle)■ Variations dans les horaires de travail (travail enéquipes alternantes, travail posté)

■ Durée et mode des transports domicile / lieu de travail■ Conditions de travail (travail social, aide auxmalades et handicapés...)■ Autonomie / contrôle dans l’exécution du travail■ Contraintes temporelles fortes■ Contenu du travail (pauvre —> sous charge, tropriche —> surcharge mentale)■ Organisation (structures rigides, absence de com-munication entre échelons de la hiérarchie)

2 Il a été démontré que, dans l'ensemble desEtats membres de l'UE, les troubles musculo-squelettiques du cou et du membre supérieurreprésentent un problème conséquent pour lasanté qui entraîne des coûts sur les lieux de travail.Il faut s’attendre à ce que ce problème prennede l'ampleur étant donné l’augmentation del'exposition à ce type de facteurs de risquesprofessionnels dans l'Union européenne.

3 Les études scientifiques, utilisant des critères de causalitéétablis, ont démontré qu'il existe une forte corrélation

positive entre l'apparition de certains troubles musculo-squelettiques du cou et du membresupérieur et les cadencesde travail, particulièrement là où les niveaux d’expositionaux facteurs de risques professionnels sont élevés.

4 De nombreuses recherches épidémiologiquesfiables démontrent clairement une corrélation entreles TMS et certains facteurs physiques liés au travail...

5 Le document édité par l'Agence européenne deBilbao fait une synthèse détaillée et argumentée desconnaissances disponibles [7].

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Figure 1 : Facteurs de risque de TMS-MS : un modèle dynamique

Figure 2 : Modèle de Cooper de la dynamique du stress au travail*

Facteurs psychosociaux

Organisation du travail

Equation personnelle

Stress

TMS-MS

SOURCES DU STRESS

Intrinsèques au travail

Structure organisationnelle

et climat

Rôle dans l'organisation

Relations au travail

Evolution professionnelle

Jonction maison-travail

MALADIES

Maladiescorona-riennes

Maladiesmentales

Grèves prolongées

Accidentsgraves etfréquents

Apathie

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SYMPTOMES DU STRESS

Symptômes chez l'individu> Hypertension> Humeur dépressive> Excès de boisson> Irritabilité> Douleurs de poitrine

Symptômes dans l'organisation> Absentéisme élevé> Fréquents change-ments de personnel> Relations socialesdifficiles> Contrôle de qualitéinsuffisant

Individu

Figure 3 : Incidence des facteurs de stress sur l'état de stress

Changement durable de lasituation professionnelle

Evaluationcognitivepar l'individu

Pas de stress Stimulation,motivation, défi relevé

Stress chronique >Risque pour la santé et la sécurité

La notion de stress “aigu” n'est pas considérée dans cette figure car elle correspond à un changement transitoirede la situation professionnelle.

Sollicitations biomécaniques

*Adapté de Cooper &Marshall (1976), de Fox, inResearch on work-relatedstress (2000) [7]

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relations entre les facteurs de stress dénommés aussifacteurs psychosociaux (tableau 2, p. 58), les symptômes destress et les conséquences morbides éventuelles consécu-tives à un état de stress. En situation professionnelle,c'est un stress chronique qui est le plus souvent ren-contré. Ainsi, l’organisme d’un individu soumis àdes changements de son environnement physique,organisationnel, psychosocial... au travail mobiliseses énergies métabolique et “psychique” pour faireface à ce nouvel environnement. Deux situationspeuvent alors se présenter selon que le défi peut, ounon, être relevé de façon satisfaisante (figure 3, p. 59).

Dans la première situation, l’individu est stimulé etmotivé; le défi constitue alors un ingrédient importantd’un travail productif de qualité qui satisfait celuiqui l'exécute. Cette situation est souvent qualifiée, àtort, de “bon stress”, contribuant ainsi à entretenir laconfusion autour de la définition du stress. Dans ladeuxième situation, l’individu estime (évaluation co-gnitive) que ses ressources physiques, psychologiqueset psychiques sont insuffisantes pour relever le défi;l’individu est stressé. L’organisme est alors déséquilibré,sa réactivité diminue et ses défenses immunitairessont moins efficaces. Ainsi se créent des conditionsfavorables à l'apparition de maladies organiques ou àcaractère psychosomatique (hypertension artérielle,troubles gastro-intestinaux, troubles du sommeil,infections…) ou d'accidents et de troubles neuro-psychiques (dépression, névrose, anorexie…).

Au travail, l’origine du stress est multi-factorielle; àce titre, la problématique du stress professionnelrelève du domaine probabiliste, au même titre queles TMS-MS. Parmi les facteurs de risque de stressidentifiés, il est convenu de distinguer les facteursphysiques de l’environnement de travail (bruit, froid,chaleur, vibrations...), les facteurs psychosociaux(tableau 2) et les facteurs organisationnels.

Le cadre général dans lequel s’inscrit le concept destress comprend à la fois :■ la situation considérée comme menaçante par l’individu;■ la personne stressée (manifestations et symptômesde stress);■ le processus d’interaction entre un ou plusieursstresseurs et la résistance opposée par l’individu.

Relations entre le stress et les TMS-MS

Le rôle du stress et des facteurs psychosociaux d'origineprofessionnelle dans la survenue des TMS-MS est encoremal établi et les données épidémiologiques sontencore discutées [7,8,9,11]. Ainsi, selon le NIOSH[5], “the epidemiologic studies of upper extremity

disorders suggest that certain psychosocial factorshave a positive association with these disorders6”.Les auteurs ajoutent toutefois que “these factors,while statistically significant in some studies, generallyhave only modest strength7”.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce constat :■ la relation entre facteurs psychosociaux, stress etTMS-MS est difficile à montrer car le nombre de facteursde risque est illimité;■ l'absence de consensus scientifique sur les méthodesou les outils d'investigation peut expliquer la diversitédes résultats. De plus, les mesures objectives desfacteurs psychosociaux font défaut rendant encore plusdifficile l'objectivation des phénomènes et leurs relations.

Il s'ensuit que l'établissement de liens de causalitérelatifs à la chaîne d'événements qui lie les facteurspsychosociaux, les symptômes de stress et des patholo-gies, selon le modèle proposé par Cooper et coll. (cf.figure 2) ou celui proposé par l'académie des sciencesdes Etats-Unis [voir 6, page 32], doit encore fairel'objet de nombreux travaux de recherche. Cependant,des découvertes récentes sur les mécanismes mis enjeu par l’organisme d’un individu stressé permettentde formuler des hypothèses plausibles sur les liensentre stress et TMS-MS (figure 4, p. 62).

Ces hypothèses sont énumérées sans ordre de prioritécar il est encore impossible de préciser la part relativede chacune d’elles dans l’étio-pathologie des TMS-MSet du stress. La figure 4 doit être appréciée commeune illustration de la complexité des mécanismes encause. Elle est aussi un témoignage du nombre defonctions physiologiques en jeu; enfin, elle rappellel'unité psycho-sensori-sensitivo-motrice du vivant.La réponse au stress met en jeu quatre systèmes : lesystème nerveux central, le système nerveux végétatif,le "système endocrine" et le système immunitaire.Ces systèmes interagissent constamment selon unfonctionnement en réseau. Ce mode de fonction-nement doit permettre à l’organisme de conserverson intégrité et son homéostasie. Les mécanismesréactionnels que la psycho-neuro-immunologie [12]s’attache à mettre en évidence sont constitués deréactions nerveuses, hormonales et humorales enchaîne qui sont généralement contrôlées par desboucles de rétroaction (feed-back). Ces rétroactionsne seront pas décrites dans ce qui suit pour éviter decomplexifier le tableau physio-pathologique; néan-moins, il importe de garder à l’esprit leur existence.

Activation du système nerveux centralLe stress active le système nerveux central qui accroîtle niveau d’activité (“tonus”) de la formation réticulée,laquelle à son tour augmente le tonus musculaire.

6 Les études épidémiologiques surles troubles du membre supérieursuggèrent que certains facteurs psy-chosociaux ont une corrélation po-sitive avec ces troubles.

7 Bien que statistiquement significatifsdans certaines études, ces facteursn'ont, en général, qu'une portée limitée.

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SynthèseIl existe donc des données scientifiques suffisammentétablies pour justifier d'une relation biologiqueplausible entre le stress et les TMS-MS. Cette relations'inscrit dans un modèle biologique cohérent, sefondant sur l'unicité et la complexité du vivant. Cesdonnées scientifiques s'intègrent naturellement dansune perspective psychosociale où l'être humaininteragit en permanence avec son environnement,notamment professionnel. Loin de remettre en causela dimension sociale de la vie au travail, elles enrenforcent la valeur et autorisent, plus que jamais,une prise en compte systémique de l'action deprévention en milieu de travail.

La figure 5, proposée par Claudon et Cnockaert [14],synthétise (et complète sur certains points) leshypothèses évoquées ci-dessus. Au-delà de la visionvolontairement simplificatrice, voire réductionnistede la relation stress/TMS-MS qu'elle schématise, ellepermet d’entrevoir la complexité des mécanismes enjeu. Elle permet également de comprendre voired’expliquer la variabilité inter-individuelle (placées dansune même situation certaines personnes sont stressées,d’autres non) et intra-individuelle (placée dans unemême situation une même personne pourra être stresséeou non selon l’instant d’apparition de cette situation).

Ainsi, il convient de retenir que :■ le stress est un facteur de risque de TMS-MS dansla mesure où il fragilise le salarié en réduisant sescapacités fonctionnelles. Ce constat est partagé parSmith et Carayon [15]. Selon ces auteurs, le stress etles sollicitations biomécaniques (efforts, répétitivité desgestes et postures articulaires extrêmes) apparaissentcomme des “variables intermédiaires” entre facteursde risque organisationnels, ergonomiques et psy-chosociaux (cf. figure 1);■ le stress est aussi, potentiellement, une forme d'at-teinte morbide en soi;■ agir sur les facteurs organisationnels et psychosociauxpermet de prévenir à la fois le stress mais aussi lesTMS-MS. En effet, l'examen de la figure 1 montre quele stress et les TMS-MS sont consécutifs à de nouvellesmodalités d'organisation du travail (cf. rapport de laFondation européenne pour l'amélioration des con-ditions de vie et de travail). Il s'agit donc bien d'uneproblématique commune qui doit concerner tousles acteurs de la prévention.

Incidence de ces connaissances sur laprévention des TMS-MS et du stress

Une étude rapportée par la Fondation européennepour l’amélioration des conditions de vie au travail de

Cette augmentation de tonus musculaire accroît la“charge biomécanique” des muscles et des tendonset contribue ainsi à augmenter le risque de TMS-MS.

Activation de la voie catécholaminergiqueLe stress active le système nerveux végétatif quidéclenche la sécrétion des catécholamines (adrénalineet noradrénaline). Ces substances sont libérées dansle sang et provoquent, entre autres, une augmentationdu tonus réticulaire (voir ci-dessus), de la fréquencecardiaque et une vasoconstriction des artérioles. Ils’ensuit une augmentation de la tension artérielle avec,à terme, des risques d’affections cardiovasculaires.Pour ce qui concerne les TMS-MS, la restriction dela micro-circulation dans le muscle et au voisinagedes tendons, dont la vascularisation est par ailleurspauvre, a les effets suivants : d’une part, elle réduitl’apport de nutriments aux tendons et ainsi entraveles processus d'auto-réparation des micro-lésionsdes fibres tendineuses consécutives aux contraintesbiomécaniques excessives (facteurs “ergonomiques”)et d’autre part, elle favorise l’apparition de la fatiguemusculaire chronique et de myalgies.

Activation du cortex surrénalienLe stress active le système nerveux central qui, parl’intermédiaire de l’hypothalamus, active à son tourl’hypophyse, laquelle déclenche entre autres lalibération de corticoïdes par la glande cortico-surrénale.Ces corticoïdes (corticostérone, cortisol) agissent surle rein et peuvent perturber l’équilibre hydrominéralde l’organisme dont la conséquence la plus visible estl’œdème. Pour ce qui concerne les TMS-MS,l’œdème peut déclencher des “syndromes canalaires”par compression locale des nerfs par les tissus adja-cents (tendons....) œdématiés.

Activation de la sécrétion des cytockinesLe stress active le système nerveux central qui active àson tour la production/libération de cytokines (sub-stances sécrétées par diverses cellules du systèmeimmunitaire). Certaines de ces cytokines, telles que lesinterleukines (IL-1, IL-2, IL-10...) sont pro-inflammatoires.Pour ce qui concerne les TMS-MS, ces interleukinesfavoriseraient voire provoqueraient des TMS-MS (inflam-mation des tendons). Cette dernière hypothèse a étéconfirmée indirectement par les résultats d’une étudesur les effets secondaires d’une trithérapie cancéreuse[13] qui associe deux médicaments spécifiques etl’IL-2. Les patients ainsi traités ont été victimes d’unsyndrome du canal carpien trois semaines seulementaprès le début du traitement. Des essais croisés chezdes patients au repos complet, dont les poignets nesubissaient donc pas de contraintes biomécaniquesparticulières, ont confirmé que l’IL-2 était bien laseule responsable du syndrome du canal carpien.

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STRESS

SYSTEME NERVEUX

catécholamines

diminution de lamicro-circulation

diminution de lavitesse de réparation

des micro-lésions

douleursmusculaires

VEGETATIF CENTRAL

glandesurrénale

formationréticulée

corticoïdes augmentation du tonus

musculaire

cytokines pro-

inflammatoires

oedème

syndromescanalaires

Augmentation de la charge

biomécanique

inflammationdes tendons

+

Figure 4 : Relations entre le stress et les TMS-MS (hypothèses)

Figure 5 : Modèle explicatif simplifié reliant les facteurs de risque et les TMS-MS

DUREE (Contrainte de temps)

Effort Répétitivité Postures extrêmes

SOLLICITATIONS

CAPACITES FONCTIONNELLES

Condition physique Vieillissement Facteurs personnels

RISQUE deTMS-MS =

Stress

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8 Le rapport conclut que les con-naissances scientifiques actuellespourraient servir à développer desstratégies préventives des TMS-MS.Elles pourront être acceptées parnombre de personnes impliquéesdans la prévention, et faciliter lamise en pratique.

Références1) Merllié, D., Paoli, P., Dix ans de conditions de travail dansl'Union Européenne; résumé, Fondation européenne pourl'amélioration des conditions de vie et de travail, Dublin,2000, 12 p.2) Miller, MH., Topliss, DJ., Chronic upper limb pain syn-drome (Repetitive Strain Injury) in the Australian workforce: asystematic cross sectional rheumatological study of 229patients, J. Rhum, 1988 ; 15(11): 1705-1712.3) Yassi, A., Repetitive Strain injuries, Lancet 1997; 349: 943-947.4) Sluter, et al., Case definitions and criteria for upper extremitymusculoskeletal disorders, Scand. J. Environ. Health, 2001 ;27 suppl. 1 : 3-73.5) Bernard, BP., et al., Musculoskeletal disorders and work-place factors: a critical review of epidemiologic evidence forwork-related musculoskeletal disorders of the neck, upperextremity, and low back, Cincinnati (OH): United StatesDepartment services: 1997.6) Buckle, P., Devereux, J., Work-related neck and uppermuskuloskeletal disorders, European Agency for Safety andHealth at Work, Office d'édition de l'UE, Luxembourg, 1999.7) Fox, T., Griffiths, A., Rial-Gonzalez, E., Research on work-related stress, European Agency for Safety and Health at Work,Office d'édition de l'UE, Luxembourg, 2000.8) Bongers, PM., Winter, CR., Kompier, MAJ., Hildebrandt,VH., Psychosocial factor at work and musculoskeletal dis-ease, Scand. J. Work Environ. Health, 1993; 19: 297–312.9) Hootman, ILD., Bonger, PM., Smulders, PGW., Kompier,MAJ., Psychosocial stressors at work and musculoskeletalproblems, Scand. J. Work Environ., 1994; 20 : 139-145.10) Aublet-Cuvelier, A., “Evaluation des facteurs de risquedirects et indirects de TMS dans une blanchisserie hospitalière”,Notes Scientifiques 195, INRS éditeur; Paris:2000.11) Vergracht, S., Cock, N., Malchaire, J., Troubles muscu-losquelettiques des membres supérieurs et de la nuque : rôledes caractères psychologiques des travailleurs, Arch. Mal.Prof. 2000; 7: 499-505.12) Adler, R., Fleten, D.L., Cohen, N., Psycho-Neuro-immunology, 2ed., Academic Press, San Diego, 1996.13) Puduvalli, VK., Sella, A., Austin, SG., Forman, AD., Carpaltunnel syndrome associated with interleukin-2 theraphy,Cancer 1996, Mar 15:77(6): 1189-1192.14) Claudon, L., Cnockaert. JC., “Biomécanique des tissusmous : modèles biomécaniques d'analyse des contraintes auposte de travail dans le contexte des troubles muscu-losquelettiques”, Document pour le médecin du travail,1994; 58(tc49): 140-148.15) Smith, M., Carayon, P., “Work organization, stress andcumulative disorders”, in Moon, S., and Sauter, S., Beyondbiomechanics - Psychosocial aspects of musculoskeletal disordersin office work, Taylor & Francis, New York, 1996, pp. 23-42.16) Aptel, M., Gerling, A., “Démarche de prévention des TMS etoutils”, Document pour le Médecin du Travail, 2000; 65: 14-31.

Dublin a été menée dans un grand groupe industrielsuédois (>30 000 employés) qui fabrique des équipementsélectriques. Elle a montré que les actions sur les fac-teurs psychosociaux ont eu des effets positifs nonseulement sur le plan financier, sur le turn-over, l’ab-sentéisme, la productivité..., mais aussi ont diminuétrès significativement le nombre des TMS-MS (de 255cas par an en 1988 à 10 en 1994). Ce dernier résultatconforte l’hypothèse selon laquelle la préventiondes TMS-MS passe aussi par la prise en compte et lamaîtrise des facteurs psychosociaux et du stress quijouent un rôle dans la genèse des TMS-MS.

La prise en compte globale au poste de travail, dansl'atelier, dans l'établissement des facteurs de risque deTMS-MS au moyen d'une intervention ergonomiqueparticipative, globale, transparente menée dans lecadre d'une démarche projet sous la responsabilitédu chef d'entreprise et qui associe des experts(ergonome, agent des méthodes, infirmière du travail,médecin du travail…), des représentants des salariésest la réponse adéquate de prévention [16]. Elle estfondamentalement compatible avec les données scien-tifiques disponibles et apparaît comme le passageobligé en vue de la réduction du risque de TMS-MS.Face aux conséquences économiques, financières,sanitaires et sociales que les TMS génèrent pour lesentreprises, il n'y a pas d'autres solutions que d'yconduire des actions de prévention. C'est aussi laconviction des auteurs du rapport européen sur lesTMS-MS [6] qui indiquent "the report concludesthat existing scientific knowledge could be used inthe development of preventative strategies forWRMSDue. These will be acceptable to many ofthose interested in prevention and are practical forimplementation8". ■

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TMS, stress : gagner des marges de manoeuvre

Philippe Douillet et Jean-Michel Schweitzer*

Des développements simultanés

En France, comme dans la plupart des pays européens,les questions de stress sont très présentes dans lesdébats des partenaires sociaux et les échanges entrepréventeurs. De nombreuses enquêtes confirment laprogression chez les salariés de symptômes habituelle-ment liés au stress, même s'il n’existe pas, à ce jour,de reconnaissance légale de pathologie professionnellespécifique. Parallèlement, les troubles musculo-squelettiques progressent de façon exponentielle :en France, ils constituent 70% des maladies profes-sionnelles reconnues, et leur nombre a été multipliépar dix en dix ans. Au-delà des statistiques, les inter-ventions menées par le réseau ANACT, au plus prèsdes situations de travail, conduisent à constatersimultanément l’expression de plaintes d'ordrephysique issues de pathologies péri-articulaires etl'expression de troubles physiques ou psy-chologiques qu'on a l'habitude de lier au stress.

Un contexte commun : l’intensification du travail

Le contexte commun au développement du stress et àl’installation des TMS est bien celui de l'intensificationdu travail. Dès 1995, une enquête épidémiologiqueconduite à l'initiative de l'ANACT a mis en évidencele lien entre TMS et certaines situations de "juste àtemps", conduisant à une plus grande "dépendanceorganisationnelle" des salariés. Les enquêtes récentesde la Fondation de Dublin1 ou de la DARES2 enFrance confirment d'ailleurs la forte progression descontraintes de temps et des délais “à tenir” pour lesopérateurs. Dans le contexte français de réductiongénéralisée du temps de travail, on a pu voir se ren-forcer des phénomènes de "densification du travail",notamment lorsque la réduction du temps travailléentraînait la réduction des pauses, la suppressiondes “temps morts” utiles à la récupération, ou destemps de régulation collective. Des études sont d'ailleursen cours sur l'évaluation de ces transformations del'organisation du temps de travail sur la santé.

Des modèles de compréhension prochesqui nécessitent de repenser la prévention

Des recherches scientifiques ont mis en évidence lesliens physiologiques entre des phénomènes endocriniensliés au stress et le déclenchement de lésions péri-articulaires3. Nous nous attacherons plutôt ici àidentifier les mécanismes et les contextes similaires

de travail qui conduisent au développement d’unstress pathologique ou de TMS. Ce constat nousinvite à renouveler profondément notre conceptionde la santé au travail et à élargir le champ de laprévention. En effet, l'analyse des TMS comme celledu stress pathologique mettent en évidence la placecentrale tenue par l'organisation du travail. Au-delàdes facteurs de risques, l'organisation du travail"détermine" les caractéristiques des situations de travailet peut aboutir à leur donner des effets pathogènes.La prévention est appelée alors à s'orienter vers desdomaines plus larges que ceux habituellement viséspour la protection de la santé.

Tant pour les TMS que pour les pathologies liées austress, les modèles explicatifs sont nécessairementcomplexes et mettent en lumière le caractère multi-factoriel des facteurs de risques. C’est une spécificitépar rapport à d’autres pathologies bénéficiantaujourd’hui de modèles d’identification et deprévention simples, plutôt de type uni-causal. Ainsi,il n’existe pas de relation systématique entre les fac-teurs de risques et l’apparition des pathologies TMSou liées au stress, contrairement aux risques dits"traditionnels". Par exemple, une activité répétitiveavec des cycles courts ne constitue pas automa-tiquement une situation pathogène. De même, uneactivité de relation avec une clientèle ayant de fortesexigences ne conduira pas systématiquement à despathologies liées au stress. Dans ces deux illustra-tions, la préservation de la santé de l’individu estpossible s’il bénéficie, dans l'organisation de sontravail et à partir de son potentiel de compétences, deressources suffisantes pour échapper aux contraintes :relations avec ses collègues, possibilités d'entraide etde coopération, disponibilité de temps lorsque survien-nent les aléas, anticipation possible des incidents…

Chaque situation pathogène résulte, en réalité,d'une combinaison singulière d'une pluralité de fac-teurs personnels et collectifs, matériels et psychoso-ciaux, fortement en lien avec l’organisation concrètedu travail. Les relations entre ces facteurs et lespathologies sont de nature probabiliste. Ainsi, lacomplexité des modèles de compréhension rendnécessaire l’adaptation des actions de prévention.Pour les préventeurs, il est nécessaire d’aider l’en-treprise à comprendre, dans chaque situation spéci-fique, ce qui est une contrainte vécue par sessalariés. L’action sur un seul facteur de cause, s’ap-puyant sur une représentation unique des situationsde travail, est généralement vouée à l’échec (cf. lapolyvalence, l'aménagement des postes, par exemple).

STRESS ET TMS

* Chargés de mission duréseau de l'Agence Nationalepour l'Amélioration desConditions de Travail (ANACT),Lyon, France

1 P. Paoli et D. Merllié, Dix ans deconditions de travail dans l'Unioneuropéenne, Dublin, Fondationeuropéenne pour l'amélioration desconditions de vie et de travail, 2000.

2 "L'organisation du travail : résultatdes enquêtes conditions de travail",in Dossier de la DARES, 4/2000,ministère de l'Emploi et de laSolidarité, Documentation Française.

3 Cf. notamment les travaux del'I.N.R.S. et l’apport de la psy-choneuroimmunologie.

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La forte présence de facteurs dits “psychosociaux”composant le travail et participant à la genèse desTMS est constatée aussi dans les mécanismes despathologies liées au stress. Les études européennesrécentes sur chacun de ces phénomènes mettent enlumière la proximité, voire la similitude des facteursen cause4. Ceci nous oblige, en amont de nos actionsde prévention, à une attention particulière au "vécu"des salariés, à leur perception des contraintes liées à leurtravail. Le diagnostic implique des capacités importantesd’aide à l’expression des salariés et à l’écoute desparoles données. Il exige aussi de favoriser la parti-cipation des salariés à l’analyse de leur travail, à lacompréhension des systèmes de contraintes et,enfin, à la recherche et la mise en œuvre de solutions.

Des constats bien posés permettent alors la mise enœuvre d’actions de prévention concertées. Bien queleurs effets soient attendus dans la situation de travaildu salarié, les actions de prévention devront toucherun périmètre élargi et ne pas se limiter à des actionscorrectives au poste de travail ou liées à la personne(apprendre à gérer le stress ou apprendre les bonsgestes, notamment). A côté des actions visant plutôt leposte de travail et son environnement, les solutionsseront aussi largement du côté de la conception duprocessus de travail, du produit, et également ducôté du développement de la compétence des salariéset du management, de la mise en place d'une poly-valence bien maîtrisée, de l'aménagement du tempsde travail, de l’organisation des collectifs de travailpermettant l'entraide, de l'amélioration des relationsdans le travail entre les personnes et les services...Ainsi, la prévention amène l’entreprise et ses conseillersà travailler à plusieurs niveaux : du poste de travailaux stratégies industrielles, entraînant une exigencede coopération entre les services de l'entreprise.

Enfin, rien ne semble définitivement acquis dans laprévention des pathologies évoquées. En effet, lesévolutions permanentes de l’entreprise, de sesstratégies et de son organisation bousculent leséquilibres fragiles construits par les salariés pouréchapper aux contraintes. L’enjeu pour les direc-tions est certainement de développer des capacitésde veille et d’anticipation, par exemple par lerecueil très précoce des plaintes, mais aussi depréserver les salariés des “cercles vicieux”5 quiauront été identifiés dans des phases de diagnostic.

La limitation des marges de manœuvre :dénominateur commun des situations de travail

En ce qui concerne les TMS, le réseau de l’ANACT,s’appuyant sur les travaux de diverses disciplines6, a

montré que le geste se déploie dans trois dimensions :une dimension biomécanique (les mouvements etleurs caractéristiques visibles : force, angulation, etc.),une dimension cognitive (le mouvement est le résultatd'une stratégie cognitive...), et une dimension psychique(le sens donné au geste…). Ainsi, dans son geste, lapersonne mobilise ses capacités créatrices pourassurer la production en gérant les multiples aléas.Si les conditions de production (pas de possibilitéd'anticiper les incidents, de réguler son activité…)conduisent à un geste qui ne permet plus de tenir lesexigences simultanées de rapidité et de qualité, legeste sera alors davantage contraint sur le planphysique (plus de force, plus de vitesse…); parailleurs, le travail deviendra source d'insatisfaction.La souffrance liée à ce travail, vidé de sens, pourrase traduire, en retour, par une hyper-sollicitationmusculaire et des phénomènes de somatisation.

De même, la plupart des modèles explicatifs dustress7 mettent en évidence des mécanismes prochesde ceux décrits pour la genèse des TMS : uneinéquation entre le système de contraintes vécu parle salarié et l’évaluation des possibilités d’en échapper,une contradiction entre les attentes des salariés etles possibilités réduites, ou perçues comme telles,offertes par l'organisation, ou encore une limitationde l'autonomie des personnes au travail en contra-diction avec le niveau d'exigences perçu.

Dossier stress et travail, Bulletin No. 208, Liège : Fondation André Renard, 1995

4 Cf. le rapport des professeurs P.Buckle et J. Davereux sur les TMSpour l'Agence de Bilbao en 2000 et lerapport du professeur Cox sur le stress.

5 Cf. F. Bourgeois et al., TMS et travail,quand la santé interroge l'organisa-tion, ANACT, 2000. Voir aussi : www.anact.fr/sante/tms

6 Notamment les apports de la psycho-dynamique du travail.

7 Modèles de Karaseck, Siegrist...

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En ce sens, tant les TMS que les pathologies liées austress révèlent des situations de travail qui limitentles marges de manœuvre des salariés. Elles resserrentles contraintes dans l'activité, démobilisent lescapacités créatrices et empêchent ainsi de construiredu sens au travail, condition essentielle à l’équilibrepsychique des individus. Permettre le développementdes marges de manœuvre des salariés devient doncun axe fort de prévention : non seulement pour lalimitation des contraintes physiques et psychologiques,mais aussi comme moyen de reconnaissance descapacités créatrices des personnes au travail.

La prévention : enjeu pour le dialogue social

Au travers de la question des “marges de manœuvre”permises au salarié dans son activité de travail, lasanté au travail est interrogée dans toutes ses dimen-sions. C'est sur le terrain de l'organisation du travailque les préventeurs sont alors impliqués pourdévelopper les conditions favorables à la mobilisa-tion physique et subjective des personnes. On voitque cette question dépasse le cadre restrictif de laprévention pour mobiliser tous ceux impliqués dansl'organisation du travail et la négociation sociale. ■

Le BTS recherche

Deux expert(e)s dans les domaines de l’ergonomie et des substances dangereuses

Un(e) expert(e) chargé(e) de l’ergonomie et de l’envi-ronnement du travail (I)

Profil■ Formation universitaire scientifique ou technique■ Bonne connaissance (parlée et écrite) de l'anglais, notions de français■ Expérience en matière d’intervention dans le processusd’amélioration du milieu de travail■ Expérience professionnelle en matière d’ergonomie et d’évaluationdes risques des équipements et des lieux de travail■ Intérêt pour les questions syndicales liées à l’environnement du travail■ Capacité d’élaborer ou de collaborer à des projets de recherchetransnationaux

Fonctions■ Assurer un suivi et contribuer aux travaux communautairesd'harmonisation en matière d’environnement du travail (ergonomie,troubles musculo-squelettiques, facteurs psychosociaux, évaluationdes risques des équipements de travail)■ Participer, à titre d’expert syndical, aux travaux du Comité Consultatifde Luxembourg, de l’Agence européenne pour la santé et la sécuritéau travail, de Bilbao, et du Comité européen de normalisation■ Organiser et coordonner les travaux du réseau d’experts syndicauxen matière de normalisation technique (ergonomie, conception etsécurité des machines)■ Participer à des séminaires et conférences dans les divers pays de l'UE■ Contribuer au système d’information du BTS par la rédaction derapports et d’articles

Un(e) expert(e) chargé(e) de la protection des travailleurscontre les substances dangereuses (II)

Profil■ Formation universitaire scientifique ou technique■ Bonne connaissance (parlée et écrite) de l'anglais, notions de français■ Expérience en matière d’intervention dans le processusd’amélioration du milieu de travail■ Expérience professionnelle en matière d’évaluation des risquesdes substances chimiques■ Intérêt pour les questions syndicales liées à l’environnement du travail■ Capacité d’élaborer ou de collaborer à des projets de recherchetransnationaux

Fonctions■ Assurer un suivi et contribuer aux travaux communautairesd’harmonisation en matière de substances dangereuses (classification,restriction à la mise sur le marché, valeurs limites d’exposition,évaluation des risques)■ Participer, à titre d’expert syndical, aux travaux du ComitéConsultatif de Luxembourg et de l’Agence européenne pour lasanté et la sécurité au travail, de Bilbao■ Organiser et coordonner les travaux du réseau d’experts syndicauxen matière de substances chimiques■ Participer à des séminaires et conférences dans les divers pays de l'UE■ Contribuer au système d’information du BTS par la rédaction derapports et d’articles

Veuillez adresser votre candidature, accompagnée d’un curriculum vitae, ainsi que d’une liste de vos travaux ayant fait l’objet de publicationavant le 20 décembre 2002, à Marc Sapir, Directeur du BTS – Bd du Roi Albert II, 5 B-1210 Bruxelles. E-mail : [email protected]

Information sur les activités et projets du BTS : www.etuc.org/tutb

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Les syndicats européens –

Acteurs du développement durable

Contribution de la CES au Sommet de la Terre de Johannesburg 2002

Le mouvement syndical européen s’est rendu au sommet de Johannesburgpour transmettre un message : la situation actuelle d’inégalité entreles pays du Nord et du Sud tant en termes de revenu que d’utilisationdes ressources naturelles n’est pas durable. Elle est même alarmante.Les syndicats demandent aux gouvernements l’adoption d’un plan globalpour le développement durable qui assure l’éradication de la pauvreté,la protection de l’environnement et le respect des droits humains et sociaux.

Pour le mouvement syndical européen, ce plan doit permettre d’agird’urgence sur la dimension sociale du développement durable enreconnaissant comme facteurs fondamentaux de la lutte contre lapauvreté : les droits sociaux fondamentaux, l’emploi et la formation, etl’importance de l’accès aux biens collectifs tels que l’eau, l’énergie,l’éducation, la santé, les infrastructures de communication, au traversdes services publics. La CES attend de l’Union européenne qu’ellejoue un rôle d’avant-garde pour assurer la mise en œuvre de cesprincipes et de ces objectifs.

Notre brochure, publiée conjointement par la CES et le BTS, a pourobjectif de mettre en lumière le rôle que jouent les syndicatseuropéens en matière de développement durable. Elle commencepar une description de la place qu’ils occupent actuellement dansla vie économique et politique. Elle démontre qu’ils sont au cœurde la réalisation du modèle social européen au travers des négociationssur les questions sociales et juridiques avec les employeurs et l’Etat.Pour les syndicats européens, le défi de la durabilité consiste surtout enl’intégration des questions environnementales dans leurs positionset actions politiques. Puisqu’il est manifeste qu’à l’avenir, les questionsenvironnementales seront de plus en plus connectées aux intérêtsfondamentaux des travailleurs et des syndicats, l’adoption d’uneapproche équilibrée et coordonnée, fondée sur des plans d’actionmondiaux et européens, s’impose clairement.

En résumé, les syndicats européens reconnaissent que la coordinationdes politiques sociales, économiques et envi-ronnementales est essentielle à l’obtentiond’un développement réellement durable. Cedéfi appelle des actions urgentes dans troisdomaines qui constituent des priorités absolues :l’alimentation et l’agriculture, les changementsclimatiques et l’énergie, et les risques chimiques.

Nouveau sur le site internet du BTS

TUTB LabourlineUne base de références en santé et sécurité

Labourline est le résultat d'un projet développéen commun par les centres de documentation del'ISE (Institut Syndical Européen) et du BTS dansle domaine des relations sociales européennes.

La base de données bibliographiques consolidéecontient deux orientations principales. Actuellement,elle comprend plus de 12.000 références dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail- TUTB Labourline - et plus de 18.000 référencesdans le domaine des relations sociales - ETUILabourline.

www.labourline.org/tutb

CES-BTS, Bruxelles, juillet 2002 , ISBN : 2-930003-42-144 pages, 145 x 210 mm, 7 €

Disponible en français sur le site internet du BTS :www.etuc.org/tutb/uk/sustainable-development.html

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Bd du Roi Albert II, 5 bte 5

B-1210 Bruxelles

Tél. : +32-(0)2-224 05 60

Fax : +32-(0)2-224 05 61

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www.etuc.org/tutb

LE BUREAU TECHNIQUE SYNDICAL EUROPÉEN POUR

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ a été fondé en 1989 par la

Confédération européenne des syndicats. Il assure des

missions de support et d’expertise pour la Confédération

et le groupe Travailleurs du Comité consultatif pour la

sécurité, l’hygiène et la protection de la santé sur le lieu

de travail. Le BTS est membre associé du Comité

européen de normalisation (CEN). Il anime des réseaux

d’experts syndicaux dans les domaines de la normalisation

(sécurité des machines) et des substances chimiques

(classification des substances dangereuses et établissement

des valeurs limites d’exposition). Il représente également

la CES au sein de l’Agence européenne pour la santé et

la sécurité, à Bilbao.

Le BTS bénéficie du soutien financier de la Commission

européenne.

Numéro spécial de la Newsletter du BTS N° 19-20

Septembre 2002.

Les informations contenues dans ce numéro ont été clô-

turées pour la plupart au 30 juin 2002.

La Newsletter du BTS est éditée trois fois par an en

français et en anglais.

Editeur responsable : Marc Sapir,

directeur du BTS

Bd du Roi Albert II, 5 bte 5, B-1210 Bruxelles

Secrétaire de rédaction : Janine Delahaut ([email protected])

Assistante à la production : Géraldine Hofmann

Ont participé à la rédaction de ce numéro : Michel Aptel,

Jean Claude Cnockaert, Janine Delahaut, Hugo D'Hertefelt,

Philippe Douillet, Michiel A.J. Kompier, Theoni Koukoulaki,

T. S. Kristensen, Lennart Levi, Kari Lindström, Raili Perimäki-

Dietrich, Stéphanie Péters, Marc Sapir, Wilmar B. Schaufeli,

Jean-Michel Schweitzer, Owen Tudor, Laurent Vogel

Traduction : Virginie Ernould et Linguanet

Documentation : Jacqueline Rotty

Diffusion : Géraldine Hofmann

Réalisation graphique : Karakas s.a.

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