blpc 50 pp 149-155 panet

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M. PANET Ingénieur civil des mines Chef de la section "Mécanique des roches" et R. STRUILLOU Chargé de recherche Laboratoire central Méthodes d'études de la stabilité de déblais rocheux pour les projets de routes et d'autoroutes L ES caractéristiques géométriques actuellement admises en France pour les tracés des routes et plus particulièrement des autoroutes, l'ac- croissement du rendement des travaux de terrasse- ment au rocher, l'appréhension des ingénieurs vis-à- vis des travaux souterrains souvent sujets à bien des aléas, conduisent à projeter des déblais de plus en plus hauts. En rase campagne la limite actuelle semble être voisine de 50 m. Au-delà, la solution en tunnel devient en général plus écono- mique. Ces déblais importants doivent faire l'objet d'études préliminaires soigneuses. La définition du meilleur profil transversal doit résulter d'un bilan économique prenant en compte les coûts d'acquisition des empri- ses nécessaires, celui des terrassements, des mé- thodes de stabilisation éventuelles et des frais d'en- tretien ultérieurs. D'autre part sur les routes dont les caractéristiques géométriques permettent des vitesses de base élevées, on ne peut pas admettre le risque de chutes de pierres ou de blocs sur la chaussée. Les laboratoires des Ponts et Chaussées ont entre- pris un recensement de très nombreux glissements dans les talus routiers qui se sont produits en France entre 1963 et 1967 [1]. Cette étude montre que les glissements sont évidemment plus fréquents dans les sols que dans les massifs rocheux ; mais les désor- dres dans les déblais rocheux sont souvent impor- tants et obligent à des méthodes de traitement oné- reuses. On peut classer en deux grandes catégories les désordres observés dans les talus rocheux : a) des glissements en masse, le long de surfaces de discontinuités qui préexistent dans le massif rocheux entaillé par le déblai. .L'importance de ces glissements est variable et dépend de la structure du massif rocheux et des conditions hydrologiques ; b) des éboulements dus à une évolution superfi- cielle de certaines roches affleurant sur la paroi du talus. Cette évolution est liée à la nature pétrogra- phique des roches. L'eau et le gel sont en France les deux principaux facteurs qui conduisent à une altération rapide de certaines roches. Ces phéno- mènes conduisent souvent en quelques années à la mise en porte à faux de certains bancs, puis à des éboulements plus ou moins Importants. Cette classification est évidemment trop schématique et bien souvent l'un et l'autre mécanismes intervien- nent simultanément. Un certain nombre de méthodes se développent peu à peu dans les laboratoires des Ponts et Chaussées pour apprécier a priori la stabilité des talus rocheux. Cet article reproduit le texte de la communication présentée par les auteurs au II e Congrès International de Mécanique des Roches à Belgrade, en septembre 1970. 149 Bull. Liaison Labo. P. et Ch. 50 (Janv.-Fév. 1971) - Réf. 1000

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  • M. PANET Ingnieur civil des mines

    Chef de la section "Mcanique des roches"

    et R. STRUILLOU Charg de recherche

    Laboratoire central

    Mthodes d'tudes de la stabilit de dblais rocheux pour les projets de routes et d'autoroutes

    L ES caractristiques gomtriques actuellement admises en France pour les tracs des routes et plus particulirement des autoroutes, l'ac-

    croissement du rendement des travaux de terrasse-ment au rocher, l 'apprhension des ingnieurs vis--vis des travaux souterrains souvent sujets bien des alas, conduisent projeter des dblais de plus en plus hauts. En rase campagne la limite actuelle semble tre voisine de 50 m. Au-del, la solution en tunnel devient en gnral plus cono-mique.

    C e s dblais importants doivent faire l'objet d'tudes prliminaires soigneuses. La dfinition du meilleur profil transversal doit rsulter d'un bilan conomique prenant en compte les cots d'acquisit ion des empri-ses ncessaires, celui des terrassements, des m-thodes de stabil isation ventuelles et des frais d'en-tretien ultrieurs. D'autre part sur les routes dont les caractristiques gomtriques permettent des vi tesses de base leves, on ne peut pas admettre le risque de chutes de pierres ou de blocs sur la chausse.

    Les laboratoires des Ponts et Chausses ont entre-pris un recensement de trs nombreux gl issements dans les talus routiers qui se sont produits en France entre 1963 et 1967 [1]. Cette tude montre que les gl issements sont videmment plus frquents dans les

    sols que dans les massifs rocheux ; mais les dsor-dres dans les dblais rocheux sont souvent impor-tants et obligent des mthodes de traitement on-reuses.

    On peut c lasser en deux grandes catgories les dsordres observs dans les talus rocheux :

    a) des gl issements en masse, le long de surfaces de discontinuits qui prexistent dans le massif rocheux entaill par le dblai. .L' importance de ces gl issements est variable et dpend de la structure du massif rocheux et des conditions hydrologiques ;

    b) des boulements dus une volution superfi-cielle de certaines roches affleurant sur la paroi du talus. Cette volution est lie la nature ptrogra-phique des roches. L'eau et le gel sont en France les deux principaux facteurs qui conduisent une altration rapide de certaines roches. C e s phno-mnes conduisent souvent en quelques annes la mise en porte faux de certains bancs, puis des boulements plus ou moins Importants.

    Cette classif ication est videmment trop schmatique et bien souvent l'un et l'autre mcanismes intervien-nent simultanment. Un certain nombre de mthodes se dveloppent peu peu dans les laboratoires des Ponts et Chausses pour apprcier a priori la stabilit des talus rocheux.

    C e t a r t i c l e r e p r o d u i t le texte de l a c o m m u n i c a t i o n prsente p a r les auteurs a u I I e Congrs I n t e r n a t i o n a l de Mcanique des R o c h e s B e l g r a d e , en septembre 1970.

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    Bul l . Liaison Labo. P. et Ch . 50 (Janv.-Fv. 1971) - Rf. 1000

  • ETUDE DES GLISSEMENTS SUIVANT DES SURFACES DE DISCONTINUITES

    A u cours de la reconnaissance et de l'tude du trac, le gologue doit s'efforcer de mettre en vi-dence, dans les zones en dblai, la structure du massif rocheux, avec les surfaces de discontinuits qui l'affectent, c'est--dire, les fail les, les plans de stratification, la schistosit, les diaclases. Nous n'in-sisterons pas sur les mthodes d'tude de la struc-ture qui ont t dveloppes ail leurs. Il faut cepen-dant soul igner que les techniques dont d ispose le gologue, depuis le relev sur les affleurements, jusqu'aux sondages et mthodes gophysiques, ne lui permettent que de donner des valeurs indicatives sur la continuit, l 'espacement, l'ouverture, le rem-pl issage des diffrentes familles de discontinuits. Il est vident que pour des dblais le long des routes, on ne peut pas consentir faire des recon-naissances aussi approfondies, ni des essais aussi coteux que pour l'tude de la stabilit des rives d'une valle qui doivent recevoir les appuis d'un barrage-vote, les risques n'tant pas du mme ordre ; aussi les mthodes d'analyse utilises sont plus sommaires que cel les qui ont t proposes par exemple par Londe P. [4]. Elles permettent, nanmoins une apprciation des r isques de gl isse-ments de blocs limits par la surface du talus, par les plans de discontinuit et ventuellement la sur-face topographique. Cel le-c i peut tre assimile un ou plusieurs plans, suivant sa complexit ; pour des raisons de clart, nous l 'avons assimile un seul plan dans la suite de l'expos.

    Pour l 'analyse on utilise la projection strographi-que des surfaces de discontinuit assimiles des plans. On ne considre que l'hmisphre suprieur de la sphre de rfrence et la projection est faite partir du point infrieur.

    Un plan P| est repr par la ligne de plus grande pente L, oriente dans le sens descendant, a, est l'azimuth magntique de la projection horizontale de Li et B\ est l'angle aigu que fait L-, avec le plan horizontal. N, reprsente la normale au plan P, et lij l'Intersection de deux plans P, et Pj . J,j est la perpendiculaire lij dans le plan vertical contenant li j. Les plans reprsentant la surface topographique et la surface du talus sont respectivement dsigns par P N et PT .

    1 - Glissements cinmatiquement possibles sous l'action des forces de pesanteur

    Le cas le plus frquent est l 'analyse de la stabilit de blocs limits par deux plans de discontinuit P1 et P 2 et par les plans P N et P T . Lorsqu' i l y a plus de deux directions de plans de discontinuit, on analyse successivement chaque couple de plans possib le.

    Comme dans toutes les analyses de ce type, on suppose que le bloc et les surfaces d'appui sont indformables. Les gl issements peuvent avoir lieu avec le bloc restant en contact avec une ou deux surfaces d'appui. Lorsque le bloc reste en contact avec une seule face d'appui, P1 par exemple, le bloc se dtachant de la face P 2 , la direction du gl issement se fait suivant la ligne de plus grande pente L,. Lorsque le bloc reste au cours du gl isse-

    ment en contact avec les deux surfaces d'appui P1 et P 2 , la seule direction possible de glissement est l 1 2 .

    Sur la projection strographique, les proposit ions suivantes permettent trs facilement d'analyser les gl issements cinmatiquement possibles sous la seule action des forces de pesanteur (fig. i) :

    Un bloc ou un ensemble de blocs dont les surfaces d'appui sont P x , P 2 Pn, pourra gl isser suivant la ligne de plus grande pente L; d'un plan P, o l' intersection lij des plans d'appui P, et Pj , s i , sur le strogramme, le segment OL, ou Olij recoupe toutes les projections des intersections des plans P T , P i , P 2 Pn avec l'hmisphre suprieur de la sphre de rfrence (on rappelle que la projection strographique est faite sur le cerc le diamtral horizontal de centre O, partir du ple infrieur).

    F i g . 1 - Etude des glissements cinmatiquement possibles. a) glissement sur la face d'appui P, dans la direction de la

    l igne de plus grande pente L i b) glissement sur les deux faces d'appui Pi et Pa dans la

    direction de leur intersection Ii 2

    2 - Analyse de la stabilit vis--vis des glissements cinmatiquement possibles sous l'action de la pe-santeur

    Dans l 'analyse de la stabilit on ne tient pas compte des moments et des distributions des contraintes sur les faces P1 et P 2 . On suppose ainsi que le long des faces Px et P 2 , la rsistance au cisai l le-ment est due au frottement et qu'il n'y a pas de cohsion ; soit ? , et ? 2 les angles de frottement respectivement sur P, et sur P 2 .

    150

  • Lorsqu'un glissement dans la direction de la ligne de plus grande pente du plan P1 est cinmatique-ment possible, le bloc est stable si le pendage /?, est infrieur l'angle de frottement ? j ; si on dfinit le coefficient de scurit F comme le rapport entre la force motrice et la force de frottement qu'on peut mobiliser, il est donn par l 'expression :

    F = tg , tg 3,

    Lorsque le gl issement a lieu sur les deux faces d'appui Pt et P 2 dans la direction I1Z, la force mo-trice est proportionnelle la projection de l'acc-lration de la pesanteur g suivant l 1 2 soit :

    g cos (g, l 1 2)

    et les forces rsistantes mobil isables par frottement sur les plans P t et P 2 sont respectivement propor-tionnelles

    sin (N 2 , J r j ) tg ? ,

    et

    g sin (g, l 1 2)

    g sin (g, l 1 2)

    sin (N, , N 2 )

    sin ( N t , J 1 2 ) sin ( N N 2 ) t g

    et dans ce cas le coefficient de scurit F s'crit

    F _ tg (g, l l 2 ) - sin (N, , IM2)

    ^sin (N 2 , J 1 2 ) tg

  • Si l'on connat la distribution du potentiel hydrau-lique, on peut calculer la rsultante des actions mcaniques de l'eau et par consquent la rsul-tante R des diffrentes forces volumiques. On peut alors faire le mme type d'analyse que cel le qui a t faite dans le paragraphe prcdent. Il suffit de remplacer g par R, L a et L 2 par les intersections G ! et G 2 des plans F\ et P 2 avec les plans qui contiennent R et sont respectivement orthogonaux Pt et P, (fig. 3).

    Cependant pour dterminer le potentiel hydraulique, il faudrait avoir une connaissance parfaite de la structure du massif rocheux. Auss i il est difficile d'introduire les forces dues aux coulements. On s'efforce en gnral liminer les coulements proximit des talus par des drainages, qui de plus orientent plus favorablement les pousses hydro-dynamiques. L'implantation judicieuse des drains se fait en tenant compte de la structure du massif, afin de recouper le maximum de discontinuits.

    F i g . 3 - Etude de la stabilit au glissement lorsque la rsul-tante gnrale des forces massiques n'est pas verticale.

    4 - Les dformations lentes dans la stabilit des talus rocheux

    Les analyses prcdentes supposent la masse rocheuse et les surfaces de discontinuit indfor-mables. Cependant de nombreux dblais sont creu-ss dans des roches plus ou moins altres, ou dans des formations mtamorphiques ou sdimen-taires prsentant des bancs suscept ib les de fluer lorsqu'on annule les contraintes de confinements lors de l 'excavation. Aprs la fin des travaux, ces talus sont alors le sige de dformations lentes qui peuvent compromettre leur stabilit gnrale.

    A titre d'exemple, la figure 4 montre la coupe d'un dblai excut prs de Chateaul in dans des forma-tions du Dinantien Suprieur comprenant des alter-nances de schistes ardoisiers et de grs durs. Aprs

    F i g . 4 - Dformations lentes affectant un talus de dblais creus dans des formations grso-schisteuses. Les couches sont fauches et les bancs de schistes sont extrudes entre

    les bancs de grs plus rigides.

    excution du talus taill 1/1, des dsordres sont apparus avec de larges f issures situes environ 10 m en arrire de la crte du talus coupant un chemin vicinal. On a pu observer un fauchage des couches suprieures dans la zone altre et une extrusion des bancs schisteux les plus tendres entre les bancs de grs compacts.

    Des phnomnes analogues ont compromis la sta-bilit d'ensemble de talus autoroutiers dans le f lysch priabonien du bassin de Menton constitu par des alternances de marnes et de bancs de grs plus rigides mais diaclass. Le pendage des couches orient vers l' intrieur du talus tait a priori favorable. Le fluage des marnes et la convergence des bancs de grs ont pu tre suivis par des me-sures extensomtriques. Il fallut avoir recours un mur de soutnement.

    Dans des cas semblables, nous ne disposons pas actuellement de mthodes d'analyse satisfaisantes

    EBOULEMENTS DUS A L'ALTERATION DES PAROIS ROCHEUSES

    L'analyse des paramtres gomtriques et mcani-ques permet de se faire une ide satisfaisante des conditions de stabilit des talus si les caractris-tiques des bancs rocheux ne risquent pas d'voluer dans le temps. Dans le cas contraire, elle est insuf-fisante pour la prvision de certains boulements parfois trs graves. Il est alors ncessaire de tenir compte de l'altrabilit des matriaux.

    1 - Conditions gnrales des boulements dus aux altrations rapides

    Les phnomnes d'altration rapide conduisent l'affaiblissement ou la dsagrgation des roches volutives. Mme si les produits peu rsistants ou meubles ainsi forms restent en place, ils peuvent fluer sous le poids des blocs rocheux sus-jacents. Mais trs souvent ils sont emports par les eaux de pluie et de ruissellement mesure qu'ils pren-nent naissance, ou gl issent simplement vers la base du talus si la pente de celui-ci est suprieure leur pente d'quilibre. Il se forme alors une cavit

    152

  • leur place originelle. L'altration diffrentielle conduit donc progressivement la mise en porte faux des bancs les plus rsistants jusqu' ce que certains de leurs blocs puissent basculer ou gl isser. Les mouvements de ces derniers sont favoriss ven-tuellement par une certaine plasticit des produits altrs sur lesquels ils s'appuient, par un pendage dfavorable, ou par la mise en charge de la nappe du talus, par exemple l 'occasion d'une forte pluie ou en priode de gel-dgel. L'boulement d'un bloc peut mettre en position de dsquil ibre un bloc sus-jacent plus gros que lui-mme, qui risque de bas-culer son tour. A ins i , de proche en proche, partir de l'altration d'un banc rocheux mme peu pais (d'une dizaine de centimtres par exemple), on peut voir se dclencher un gros boulement en marches d'escalier caractristique des milieux rocheux fissurs, suivant le schma de la figure 5. Le danger s'accrot avec la hauteur des talus.

    T e r r a i n s s u p e r f i c i e l s m e u b l e s

    l B )

    Pour prvoir de tels phnomnes, une tude dtail-le des divers niveaux rocheux est indispensable. En effet, on ne doit ngliger aucun banc car mme peu pais, il peut mettre en danger la stabilit gnrale du talus.

    2 - Mcanismes des altrations rapides dans les talus rocheux

    L'affaiblissement et la dsagrgation des matriaux rocheux peuvent tre causs, dans les talus, par des phnomnes de gonflement, de dissolution, de gel ou de dlitage.

    a) Gonflements

    Dans leur gisement naturel, avant la ralisation des dblais, les roches frettes dans toutes les direc-tions par les matriaux sus-jacents, voisins et sous-jacents, ne peuvent pas gonfler au contact de l'eau.

    Dans les matriaux suscept ibles de gonfler, des contraintes internes se dveloppent ainsi. Par contre, dans un talus, l 'expansion peut s'effectuer perpen-diculairement sa surface. S i les roches qui le constituent contiennent des produits capables d'ad-sorber ou d'absorber de l'eau (montmorillonites, ver-miculites, chlorites ou illites gonflantes, hydroxydes, etc.), un gonflement ventuel n'est contrari que par la rsistance mcanique de leur squelette. S i cel le-ci est insuffisante pour s 'opposer aux pres-sions de gonflement ainsi dveloppes, les roches augmentent de volume et, en gnral, se dsagr-gent progressivement. C 'est souvent le cas des marnes, des grs argileux ou hydroxydes de fer, des schistes, des micaschistes, gneiss et granits micas altrs, etc.

    La prvision des dgradations peut se faire en tenant compte des conditions locales, de la composit ion minralogique et des rsultats obtenus en immer-geant des granulats 10-20 mm de la roche tudie dans de l'eau oxygne 110 volumes, pendant une nuit, 110C. On mesure, en fin d 'essai , le pourcentage de produits passant au tamis de 8 mm. En rgle gnrale, un rsultat suprieur 2 !% indique une sensibil it certaine aux gonflements, les r isques d'volution rapide tant importants partir de 5 % si les conditions locales y sont favorables (venues d'eau, etc.).

    A titre d'exemple, la figure 6 met en parallle les rsultats obtenus sur divers bancs de grs ferru-gineux des Vosges et les profondeurs des cavits formes en une cinquantaine d'annes au droit des bancs correspondants dans des fronts de taille ver-ticaux de carrires abandonnes.

    ^ \ B a n c a l t r a b I e

    Fig. 5 - Schma de principe d'un boulement par bascule-ments de blocs la suite de l'volution d'un banc rocheux

    altrable A ) situation avant boulement B) situation aprs boulement

    b) Dissolutions

    Mis part le cas des roches salines dont on se mfie instinctivement, les dissolutions ne paraissent pouvoir tre dangereuses, dans les talus, qu'avec les roches silicates feldspaths acides (feldspaths potassiques, albite, ol igoclase), c'est--dire les roches composit ion de granits ou de synites. Cette particularit tient au fait que le lessivage subi par ces feldspaths acides, au cours des temps go-logiques, en dehors de la zone d'influence de la couche de terre arable, semble avoir t incomplet. Les zones lessives de ces minraux gardent donc

    153

  • Y

    100

    5 0

    1 0

    5

    0 , 5

    0,1

    <

    m

    i i 1

    <

    S i i 4

    % >

    * g

    1 9

    40 ao 140 200 p P r o f o n d e u r d e s ca v i t e s ( e n cm)

    F i g . 6 - Relat ion observe entre les pourcentages (Y) de dsagrgation obtenus par immers ion de granulats dans l 'eau oxygne pendant une nuit et les profondeurs p (en cm) des cavits formes en 50 ans environ au droit des bancs cor-respondants dans des fronts de tail le de carrires abandon-

    nes.

    une certaine rsistance mcanique et continuent cimenter entre el les les zones saines vois ines. Mais dans certaines condit ions de milieu chimique, impo-ses par les travaux de gnie civil et diffrentes des condit ions naturelles avec lesquel les les min-raux taient en quilibre, ces rsidus du lessivage fossi le des feldspaths acides paraissent pouvoir tre d issous rapidement.

    En climat tempr, leur attaque, favorise par leur forme caniculaire qui permet une diffusion facile des ions en leur sein, est particulirement craindre dans les talus : - lorsque les feldspaths, directement exposs la pluie acide (cas des talus non revtus) contiennent du fer (feldspaths roses, ocres ou verdtres) ; - quand les roches subissent l'action d'eaux conta-mines soit par des produits basiques (chaux, ciment, etc., par exemple proximit des ouvrages en bton) soit par des matires organiques com-plexantes.

    La prvision des effets mcaniques, que pourraient avoir sur les roches des dissolut ions ventuelles, peut s 'appuyer sur l 'examen des condit ions locales des ouvrages, et sur les rsultats d'un essai bas sur l'action d'un chauffage 700C. On mesure la variation de rsistance mcanique (rsistance au vibrobroyage, la compression simple, etc.) que subit la roche lorsqu'on remplace un chauffage d'une heure 450C par un chauffage d'une heure 700C.

    Cet essai est bas sur le fait qu'entre 450"C et 700C, les rsidus de l'altration fossi le des felds-paths subissent une forte dshydroxylation accom-pagne d'une contraction suffisante pour diminuer fortement l' importance de leur rle mcanique. Il a donc des effets comparables ceux qu'aurait une attaque chimique qui toucherait prfrentiellement les mmes difices cristall ins rsiduels.

    c) Gel

    Le gel peut tre la cause directe de la dsagrga-tion de certains matriaux poreux et pratiquement saturs d'eau. Mais il intervient aussi , souvent, comme agent supplmentaire dans la dsagrgation des roches sensibles, par ail leurs soit aux gonfle-ments soit aux dissolut ions. En effet, ces phno-mnes conduisent des produits affaiblis et poreux qui se pulvrisent facilement en priodes de gel-dgel pour donner des matriaux meubles et satu-rs d'eau, trs favorables aux boulements. Par ail-leurs, le gel favorise la mise en charge des nappes des talus par formation de masques de glace imper-mables leur surface. En priode de dgel, cela favorise les mouvements horizontaux des blocs brus-quement librs de leur ciment de glace. Tout cela explique qu'une grande partie des boulements de talus se produisent en priode de dgel.

    La prvision des effets du gel-dgel se fait en tenant compte des conditions locales, des caractristiques particulires des matriaux (sensibilit aux gonfle-ments et aux dissolutions, etc.) et de leur sensibilit intrinsque au gel. Pour cette dernire proprit, on doit d'ail leurs distinguer la sensibilit la glivit de masse (formation de lentilles de glace, par exem-ple dans les matriaux meubles plus ou moins riches en argiles et en hydroxydes) et la sensibilit des chantillons l'affaiblissement et la dsagr-gation par le gel. Cel le-c i peut tre dtermine en faisant subir aux matriaux une srie de cycles gel-dgel en atmosphre sature ou en bain de kro-sne, et en mesurant les dsagrgations et les varia-tions de rsistance mcanique observes.

    d ) Dlitage

    Les roches lites ont souvent tendance s'exfolier et se dsagrger en fines plaquettes la surface des talus. Ce la se rencontre par exemple assez souvent dans les schistes. Tout se passe comme si ces roches surcompactes avaient tendance aug-menter de volume la faveur de la suppression du frettage conscutif au creusement de la tranche. Les lits de ces roches se comportent ainsi comme les feuil les d'un livre qu'on aurait comprimes sous une presse et qui retrouvent progressivement leur cartement normal aprs suppression de la pression.

    154

  • La prvision du dlitage peut se faire facilement en chauffant au four 700C pendant une demi-heure la roche, sous forme d'une couche de granulats 20/25 mm saturs d'eau, dans une bote mtallique plate recouverte d'une toile d'acier. Le pourcentage d'lments passant au tamis de 20 mm en fin d'essai donne la sensibilit de la roche au dlitage.

    Dans cette preuve, on acclre les phnomnes en crant une lgre surpression l'intrieur des gra-nulats par suite de la vaporisation brusque de leur eau interne.

    C O N C L U S I O N

    Les mthodes dveloppes c i -dessus permettent d'apprcier les risques de dsordres au cours des tudes.

    Il n'est pas toujours possible d'adoucir suffisamment les pentes des talus pour viter tout dsordre, car le volume des terrassements ou la hauteur des talus deviendraient prohibitifs. Il faut alors prvoir des mthodes de stabilisation qui sont chois ies en fonc-tion du type de dsordres qui peuvent survenir. Pour un massif trs fractur ou un massif qui est le sige de dformations lentes, le mur de soutne-ment ancr ou non reste la solution la plus rpan-due. Lorsque les familles de discontinuit dlimitent des b locs bien dfinis dont la stabilit est prcaire, la technique des soutnements ponctuels est bien adapte, en particulier on utilise de plus en plus des boulons scells la rsine sur toute leur longueur dont on espre une longvit suprieure aux bou-lons ancrage ponctuel. Le cas de couches alt-rables qui risquent d'voluer rapidement en mettant les couches sus-jacentes en porte faux mrite un examen particulier.

    Il est parfaitement possible de tailler des talus voi-sins de la verticale si on peut empcher l'volution des niveaux altrables par des protections locales. La dfinition des zones traiter doit se faire en cours de chantier et de faon permettre une inter-vention ventuelle au niveau des bancs altrables avant que les blocs sus-jacents n'aient commenc basculer.

    La mise au point d 'essais d'altrabilit susceptibles de donner rapidement une rponse est cet gard extrmement intressant.

    Enfin les mthodes de prdcoupage l'explosif qui connaissent un grand dveloppement en France permettent d'obtenir un talus o les roches n'auront pas t trop fissures comme c'est trop souvent le cas avec les mthodes d'abattage c lassiques.

    Exemple de mise en porte faux de blocs calcaires par altration d'un banc marneux sous-jacent, environ 5 ans

    aprs l'excution du talus (dviation d'Etampes).

    BIBL IOGRAPHIE

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