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Éditorial Bimestriel N° 10 - Mai-juin 2017 Page 1 Éditorial Page 3 Page 4 Page 7 Page 7 Page 8 Déclaration de l’Académie française (14 juin 1984) Sujets de réflexion Programme à venir Lecture recommandée Ce bulletin paraît alors que l’Institut de la Maison de Bourbon tient son assemblée générale annuelle. Voici l’occasion de faire le point sur ce que nous sommes, notre mission et les perspectives de l’IMB. Ce que nous sommes se résume en deux idées : la première, et c’est notre raison d’être, est contenue dans les objectifs de notre association. Il s’agit de faire mieux connaître l’œuvre de la royauté française à travers ses trois dynasties de 496 à 1830. Le champ est vaste ! La seconde est d’inscrire cette œuvre de reconnais- sance et de diffusion dans l’action que mène le Chef de la Maison de Bourbon, Monseigneur le duc d’Anjou. Héritier légitime de cette tradition plus que millé- naire, il a la mission de l’exalter, et des associations comme la nôtre sont là pour y contribuer. C’est d’ailleurs pour cela que l’IMB a été créé, il y a plus de quarante ans, par le grand-père du Prince. Il convient donc, pour notre institut, d’aider le Chef de Maison et de le sou- tenir dans l’immense devoir de transmission et de témoignage qui est le sien et dont nous voyons combien il est primordial. La France, notre cher pays, donne parfois l’impression de ne plus bien savoir qui elle est ; de ne plus bien savoir quelle est sa destinée et sa mission de fille aînée de l’Église ; de renier plus ou moins son identité pourtant puisée aux sources de l’héritage gréco-romain trans- cendé par le christianisme totalement consubstantiel à notre pays et fondement de sa culture. Nous voyons combien tout cela est difficile à maintenir. La culture, non pas celle d’une certaine élite qu’une part de l’Université parvient à sauver, mais la culture partagée, celle qui donne des racines à tous, se porte mal. (Suite page 2) In memoriam La Révolution française et le travail

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Éditorial

Bimestriel N° 10 - Mai-juin 2017

Page 1

Éditorial

Page 3 Page 4 Page 7 Page 7 Page 8

Déclaration de l’Académie

française (14 juin 1984) Sujets de réflexion

Programme à venir

Lecture recommandée

Ce bulletin paraît alors que l’Institut de la Maison de Bourbon tient son assemblée générale annuelle. Voici l’occasion de faire le point sur ce que nous sommes, notre mission et les perspectives de l’IMB.

Ce que nous sommes se résume en deux idées : la première, et c’est notre raison d’être, est contenue dans les objectifs de notre association. Il s’agit de faire mieux connaître l’œuvre de la royauté française à travers ses trois dynasties de 496 à 1830. Le champ est vaste ! La seconde est d’inscrire cette œuvre de reconnais-sance et de diffusion dans l’action que mène le Chef de la Maison de Bourbon, Monseigneur le duc d’Anjou. Héritier légitime de cette tradition plus que millé-naire, il a la mission de l’exalter, et des associations comme la nôtre sont là pour y contribuer. C’est d’ailleurs pour cela que l’IMB a été créé, il y a plus de quarante ans, par le grand-père du Prince.

Il convient donc, pour notre institut, d’aider le Chef de Maison et de le sou-tenir dans l’immense devoir de transmission et de témoignage qui est le sien et dont nous voyons combien il est primordial. La France, notre cher pays, donne parfois l’impression de ne plus bien savoir qui elle est ; de ne plus bien savoir quelle est sa destinée et sa mission de fille aînée de l’Église ; de renier plus ou moins son identité pourtant puisée aux sources de l’héritage gréco-romain trans-

cendé par le christianisme totalement consubstantiel à notre pays et fondement de sa culture.

Nous voyons combien tout cela est difficile à maintenir. La culture, non pas celle d’une certaine élite qu’une part de l’Université parvient à sauver, mais la culture partagée, celle qui donne des racines à tous, se porte mal.

(Suite page 2)

In memoriam La Révolution française

et le travail

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Certes, il y a parfois de beaux exemples du contraire, mais trop rares et surtout exceptionnels, alors qu’ils devraient être la règle. La reconstruction du clocher de Saint-Denis ne peut, à elle seule, compenser l’état de délabrement, d’abandon de tant d’églises rurales, voire le van-dalisme qui frappe de plus en plus de cimetières et de calvaires.

Dans ce contexte, toute œuvre culturelle comme celle que nous menons par nos conférences et nos visites (mieux connaître), par nos actions de mécénat (préserver et transmettre), par les événements que nous suscitons autour des grandes commémorations nationales et auxquels, dans la mesure du possible, le Prince est associé, est importante et d’utilité publique.

Ainsi, nous savons quelle est notre mission. Développer nos actions et mieux témoigner de l’œuvre et de la grandeur de nos rois. Être fiers de ces quinze siècle d’histoire que tant et tant de touristes viennent contempler car pour eux, la France est, avant tout, son histoire et sa culture prestigieuse. C’est par son identité propre et sa culture spécifique que la France peut apporter au reste du monde. Et ce dernier, en proie à de nombreux bouleversements, en a bien besoin !

Parfois, nous entendons des critiques : nous n’en ferions pas assez… Bien évidemment, nous sommes les premiers à le regretter. Mais une association n’est pas un corps abstrait. Sa force, avant tout, vient de ses membres. Pour en faire plus, il faudrait que nous soyons plus nombreux, ce qui démultiplierait nos moyens ; il faudrait aussi des membres plus actifs. Nous comptons sur chacun d’entre vous pour susciter des manifes-tations dans vos provinces, pour faire savoir que telle ou telle commémoration se met en place. Cette information est très importante car nous avons souvent les moyens de la coupler avec d’autres, de bâtir un déplacement que le Prince peut venir

présider, occasion, pour lui, de rencontrer les forces vives du pays.

Ainsi, tous ensemble, nous pourrons être dans une dynamique de projet et de développement. L’IMB s’en portera mieux, la culture trouvera un relais plus actif et l’histoire de nos trois dynasties sera mieux connue et appré-ciée, tout en donnant au Chef de Maison l’occasion d’être plus présent et d’apporter le message de son identité, celui de quinze siècles d’histoire, gage de notre avenir.

Prince de Bauffremont

Président

(Suite de la page 1)

Éditions - Librairie - Papeterie LACOUR-OLLÉ

25, boulevard Amiral Courbet 30000 Nîmes

� : [email protected]

�: 04 66 67 30 - 04 66 29 74 91

Site Internet : www.editions-lacour.com

Nombreuses rééditions d’ouvrages introuvables… Catalogue sur demande

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1) Source : http://www.academie-francaise.fr. 2) Georges Dumézil (1898-1986), reçu à dix-huit ans à l’École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, il enseigne au Collège de France de 1949 à 1968 et entre à l’Académie en 1978. 3) Claude Lévi-Strauss (1908-2009), agrégé de philosophie, il enseigne au Collège de France de 1959 à 1982 et entre à l’Académie en 1973.

Déclaration de l’Académie française en date du 14 juin 1984 :

« Féminisation des titres et des fonctions »1.

L’Académie a appris par la presse l’existence d’une Commission de terminologie, créée à l’initiative du Gou-vernement (décret du 29 Février 1984), « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une ma-nière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ». Le décret précise que « la féminisation des noms de professions et des titres vise à combler certaines lacunes de l’usage de la langue française ». On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette commission ne procède d’un contresens sur la notion de genre grammatical, et qu’elle ne débouche sur des propositions contraires à l’esprit de la langue. Il convient en effet de rappeler qu’en fran- çais, comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel. Le français connaît deux genres, tra- ditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l’an- cienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respecti- vement marqué et non marqué. Le genre dit couramment « masculin » est le genre non marqué qu’on peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a la capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l’examen », etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l’opposition des sexes n’est pas perti-nente et qu’on peut donc les confondre. En revanche, le genre dit couramment « féminin » est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est priva-tive. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation. Il en résulte que pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de com-plète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit « féminin » - en français, genre discriminatoire au premier chef - soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué. Seul maître en la matière, l’usage ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Quand on a maladroitement forgé des noms de métier au féminin, parce qu’on s’imaginait qu’ils manquaient, leur faible rendement (dû au fait que le cas non mar-qué contenait déjà dans ses emplois ceux du cas marqué) les a très vite empreints d’une nuance dépréciative : chef-fesse, doctoresse, poétesse, etc. On peut s’attendre à ce que d’autres créations non moins artificielles subissent le même sort, et que le résultat aille directement à l’encontre du but visé. Il convient enfin de rappeler qu’en français la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinc-tion entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un prin-cipe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes diffé-rentes, de classer des suffixes, d’indiquer des variétés des constructions nominales… Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de modifier.

Georges Dumézil2 et Claude Lévi-Strauss3

de l’Académie française

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1) Mgr Freppel, La Révolution française À propos du centenaire de 1789, Éditions Roger et Chernoviz, 1889. 2) Mgr Freppel, op. cit., p. 98 et sq. 3) Édit du 12 mars 1776. 4) « Aussi la grandeur dans une monarchie n’est-elle pas l’affaire des grands, mais de tous. Le petit, pourvu qu’il serve, est égal en dignité au grand. Le grand, s’il ne sert plus, sort du jeu », in Un Roi Immédiatement, par Martin de Viry, Pierre-Guillaume de Roux, 2017, p. 131. 5) « La royauté a toujours été la patronne de la classe ouvrière. Les établissements de saint Louis, les règlements des métiers, le système des corporations en sont des preuves manifestes. C’est sous cette égide que l’industrie française a grandi, et qu’elle est parvenue à un degré de prospérité et de juste renommée qui, en 1789, ne l’a laissée inférieure à aucune autre », in Lettre sur les ouvriers, par M. le comte de Chambord - 20 avril 1865, Imp. St-Generosus, Paris.

La Révolution française et le travail.

À l’heure où l’on parle de « réforme du travail », il nous a paru pertinent de reproduire les réflexions d’un évêque du XIXe siècle quant au changement apporté par la Révolution dans le domaine du travail. Les lignes qui suivent sont extraites de La révolution française À propos du centenaire de 17891 par Mgr Charles-Émile Freppel (1827-1891), théologien consulteur au concile Vatican I, évêque d’Angers de 1869 à sa mort et fondateur de l’Université Catholique de l’Ouest (1875).

L’idée fondamentale2 de la Révolution française en matière économique est contenue dans cette maxime de Turgot, tant applaudie à la fin du siècle dernier : « La source du mal est dans la fa-culté même accordée aux arti-sans d’un même métier de s’assembler et de se réunir en corps »3. On croit rêver en lisant aujourd’hui de pareilles inepties tombées de la plume d’un homme d’esprit. Ce que Turgot, fidèle interprète des opinions de son temps, appelait la source du mal n’est autre chose qu’un principe rigoureux du droit na-turel. Car il est dans la nature des choses que les arti-sans d’un même métier et les ouvriers d’une même pro-fession aient la faculté de s’assembler pour débattre et sauvegarder leurs intérêts ; ou bien il faut renoncer à toutes les notions de la solidarité et de la sociabilité hu-maines. C’est ce qu’on avait parfaitement compris jusqu’à la veille de 1789. Après avoir proclamé les principes qui devaient amener graduellement l’esclavage au colonat et au servage, puis enfin à l’affranchissement complet du travailleur, l’Église avait fini par faire triompher dans la classe ouvrière, comme ailleurs, la loi si éminemment féconde de l’association. Sous l’influence des idées de rapprochement et de charité fraternelle qu’elle répan-dait dans le monde, il s’était opéré, pour chaque métier, pour chaque profession, un groupement des forces et des volontés individuelles autour d’un seul et même centre d’action. L’on avait senti que pour être fort, il fallait s’unir, et que, dans cette union morale des travail-

leurs d’un même ordre, il y avait une garantie et une protection pour tous : Vincit Concordia fratrum, selon l’an-tique devise des arts et métiers de Paris. Sans absorber l’indi-vidu dans le corps social et tout en lui laissant la liberté de se mouvoir et d’agir à son gré, le travail devenait plus ou moins une chose commune à laquelle chacun apportait son énergie propre, en même

temps qu’il y trouvait sa fortune et son honneur. Des hommes aussi étroitement unis par les liens profession-nels ne pouvaient qu’être solidaires les uns des autres, soit que leur intérêt fût en jeu ou leur réputation. Dans un tel état de choses, il y avait place pour les faibles à côté des forts4 ; et la richesse ou l’intelligence, au lieu de n’être une cause de ruine pour personne, tournait au profit de tout le monde. Bref, le même métier était dans une même ville, pour ceux qui l’exerçaient, un signe de ralliement et le principe d’une association où tous se rencontraient, se respectaient et s’aimaient. Tel a été, six siècles durant, l’aspect de cette grande et belle insti-tution qui s’est appelée, dans l’histoire de l’économie politique et sociale, la corporation ouvrière5. Que des abus s’y soient glissés à la longue, qu’il y ait eu nécessité d’introduire plus d’air, plus de jour, plus de mouvement, dans ces institutions devenues trop étroites, et faire une plus large part à la liberté du tra-vail, personne ne le conteste. Là encore, il s’agissait d’opérer l’une de ces réformes justifiées par la marche du temps et par les progrès de l’industrie. Car nous ne

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6) « Louis XVI, un de nos rois qui ont le plus aimé le peuple, avait porté ses vues sur les améliorations nécessaires », in Lettre sur les ouvriers, op. cit.. 7) Et Marin de Viry de confirmer au XXIe siècle :« … force est de constater que la lévitation universelle des esprits au-dessus de la réalité, loin de la vérité, à distance du concret et se tenant dans l’ignorance de l’autre, que la démocratisation de l’irénisme et l’hallucination généralisée ont fini par rendre les fictions non seulement plus intéressantes mais aussi plus naturelles et puissantes que le réel », in Un Roi Immédiatement, op. cit., pp. 107-108.

cesserons de distinguer sur tous les points, - c’est l’idée mère de cet opuscule, - le mouvement réformateur et le mouvement révolutionnaire de 1789. Améliorer6, à la bonne heure ; mais détruire sans rien mettre à la place,

c’est de la folie. On ne déracine pas un arbre encore vigou-reux uniquement pour le débarrasser d ’ u n e b r a n c h e morte. On ne ren-verse pas une mai-son à cause de quelques mauvaises herbes qui croissent le long de ses murs. On ne démolit pas une cathédrale parce

qu’avec le temps il s’est amassé sous ses voûtes de la poussière et des toiles d’araignées. C’est le bon sens qui dit cela, et le bon sens est le maître de la vie humaine pour les peuples comme pour les individus. Mais les hommes de 1789, - car c’est d’eux qu’il s’agit et non pas des énergumènes de 1793, - ne comprenaient pas ce langage ; détruire, détruire encore, détruire toujours, c’était leur devise. Sur ce point, comme sur toutes choses, ils n’avaient qu’une idée, qu’une passion, ne rien laisser debout de tout ce qui existait jusqu’alors. Cette organisation du travail, qui était l’œuvre du temps, de l’expérience et de la raison ; qui avait valu au pays de longs siècles de paix et de prospérité ; qui avait réussi à maintenir la concorde entre les travailleurs d’un même ordre ; qui avait tant contribué au bon renom et à la gloire de l’industrie française ; cette organisation, qu’il eût fallu rajeunir, améliorer, mettre en rapport avec les besoins et les intérêts de l’époque, les disciples de Turgot et de Rousseau la brisèrent en un jour d’aveugle fureur, au risque7 de léguer à l’âge suivant, sans aucun élément de solution, le plus redoutable des problèmes. À vrai dire, - et c’est la condamnation la plus formelle des doctrines de la Révolution française, - ils ne pouvaient agir autrement sans renoncer à tout ce qui fait le fond du système. Appliquant avec une rigueur de

logique que je suis loin de méconnaître, les idées du Contrat social de Rousseau, la Révolution française ne conçoit que deux facteurs dans l’ordre économique comme dans tout le reste : l’individu et l’État. Pas de corps intermédiaire entre l’un et l’autre, pas de groupes particuliers possédant leur autonomie, pas d’organismes sociaux vivant de leur vie propre, pas d’associations autres que celles qui émanent de la volonté générale envisagée comme la source de tout droit et de tout pouvoir ; en d’autres termes, une masse d’individus ayant des droits absolument égaux, en dehors de toute hiérarchie naturelle ou sociale, et l’État leur imposant à tous sa volonté : voilà toute la théorie imaginée et for-mulée en 1789 et 1791. Les conséquences allaient en découler d’elles-mêmes ; et nous les avons sous les yeux. Oubliant que le principe de la liberté du travail, appliqué d’une façon absolue, sans le complément et le correctif de l’associa-tion, dans laquelle Turgot plaçait « toute la source du mal », ne saurait avoir d’autre résultat que de mettre les pauvres et les faibles à la discrétion des riches et des forts, les théoriciens de 1789 s’étaient absolument mé-pris sur les conditions du problème social. Sous une apparence de liberté, c’est l’isolement qu’on apportait à l’ouvrier, et, avec l’isolement, la fai-blesse. L’individu restait seul en face de lui-même, n’ayant plus aucune des res-sources matérielles ou morales qu’il ti-rait auparavant d’un corps dont il était le membre. Dès lors, plus une ombre de hiérarchie ; plus de paternité sociale ; plus de charge d’âmes ; plus de fra-ternité profession-nelle ; plus de règles communes ; plus de solidarité d’intérêt, d’honneur et de réputation ; plus de rappro-chement entre les maîtres, les ouvriers et les apprentis ; plus de garanties pour les faibles contre les forts ; plus

(Suite de la page 4)

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de protection des grands à l’égard des petits. Une con-currence effrénée, une lutte pour la vie où chacun, réduit à ses seules forces, cherche à l’emporter sur les autres, au risque d’entraîner leur ruine ; une mê-lée où l’on se cou-doie , où l ’on s’écrase, où l’on se foule aux pieds, c’est-à-dire, en résumé, l’oppression en haut,

la servitude en bas, l’antagonisme partout et l’union nulle part : telle est la situation que la Révolution fran-çaise est venue créer à la classe ouvrière. Sans doute, on a cherché depuis lors à réagir contre un pareil état de choses ; et cette réaction a été couronnée de succès sur plus d’un point. Mais la ques-tion est de savoir si, pour obtenir ces résultats encore très incomplets, il n’a pas fallu rompre en visière avec la Révolution française. Oui, malgré les anathèmes de Turgot et des autres économistes de 1789 contre le ré-gime corporatif, nous avons vu se former successive-ment des sociétés de secours mutuels, des caisses de pension de retraite, des banques populaires, des asso-ciations coopératives, et même des syndicats profes-sionnels, forçant, pour ainsi dire, la tolérance des pou-voirs publics en attendant la sanction légale. Puis, enfin, nous avons vu un parlement obligé, sous la pression de l’opinion publique, d’abroger la loi du 27 juin 1791 et de rétablir le principe de l’association dans la loi du 21 mars 1884. Mais toutes ces réactions en faveur du principe d’association si étrangement méconnu en 1789 sont autant de conquêtes sur la Révolution française, dont c’est l’erreur fondamentale de ne concevoir et de n’ad-mettre aucun organisme intermédiaire entre l’individu et l’État. Et que l’on ne vienne pas se rabattre sur un sophisme grossier pour attribuer au mouvement révo-lutionnaire de 1789 la moindre part d’influence dans les progrès économiques qui ont pu s’accomplir depuis cent ans. Ce sophisme qui ne tient pas contre une mi-nute de réflexion, nous nous attendons bien à l’en-tendre sous peu répéter à l’envi par les panégyristes de la Révolution. Voyez, nous dira-t-on, quel progrès économique

s’est réalisé depuis la fin du siècle dernier : l’ouvrier est mieux vêtu, mieux nourri, mieux logé que par le passé : pur bienfait de la Révolution française. Pur sophisme, dirons-nous à notre tour ! Si les conditions écono-miques du temps actuel sont meilleures à certains égards que celles de l’âge précédent, cela est dû à des causes toutes différentes : cela est dû au progrès des sciences naturelles, physiques et chimiques, aux inven-tions et découvertes de l’industrie, à l’application de la vapeur et de l’électricité aux diverses catégories du tra-vail humain, à une plus grande facilité dans les moyens de communication, à la multiplication des relations commerciales, à l’amélioration des routes, à la création des chemins de fer, au mouvement général de l’art et de la pensée. Mais tout cela n’a rien de commun avec les doctrines ni avec les pratiques de la Révolution fran-çaise. Autant vaudrait faire bénéficier des recherches du docteur Jenner la révolution anglaise de 1688, ou bien mettre au profit de la constitution française de 1875 la découverte de la vaccination antirabique par M. Pas-teur. Il n’y a aucune espèce de rapport entre des choses d’ordre si différent. Et la preuve que la Révolution française n’est absolument pour rien dans les améliora-tions dont je viens de parler, c’est que dans les pays les plus réfractaires à ses doctrines, comme l’Angleterre, par exemple, le progrès économique est à tout le moins aussi considérable que dans le nôtre. Par conséquent, une pareille déduction ne serait pas légitime, alors même qu’on l’agrémenterait de la phrase si connue de La Bruyère, à laquelle l’auteur de Germinal n’a pas eu de peine à trouver un pendant bien autre-ment pittoresque, en décrivant la condi-tion des mineurs de nos jours. Laissons donc là ce sophisme et disons ce qui est l’évidence même : la Révolution française n’a rien fait pour améliorer la condi-tion des classes labo-rieuses ; bien au contraire, elle a jeté le trouble et la confusion dans le monde du travail ; elle a détruit, sans y rien substituer, ces corporations ouvrières, où petits et grands, faibles et forts, pauvres et riches étaient unis entre eux par les mêmes liens professionnels, dans une vaste hiérarchie de services et de fonctions ; elle n’a pas

(Suite de la page 5)

(Suite page 7)

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su donner à la liberté du travail, dans la liberté d’asso-ciation, un correctif et un complément indispensables ; elle a désagrégé les masses ouvrières, en les soustrayant à la direction de leurs chefs naturels, pour les livrer sans défense à l’action des sociétés secrètes, de ces ligues ténébreuses où elles deviennent la proie de politiciens

sans aveu et sans scrupule ; elle a créé l’antagonisme du capital et du travail, cette grande plaie des temps mo-dernes ; et chaque fois qu’il est question de remédier à un état de choses si lamentable, on est obligé de re-monter le courant de la Révolution, pour reprendre une à une les œuvres qu’elle a détruites, et pour corriger les erreurs de son symbole économique et social.

(Suite de la page 6)

In memoriam

François de Quiqueran-Beaujeu nous a quittés le 19 mai dernier.

Ce fut une grande tristesse et beaucoup d’émotion qui nous étreignit lorsque la baronne de Quiqueran-Beaujeu nous a fait part du décès de son mari. Tous les deux, encore plus que des fidèles, étaient des amis du duc et de la duchesse d’Anjou.

Ils avaient fait connaissance aux Cincinnati, mais ce fut lors du séjour princier à New-York que les relations s’accen-tuèrent. Depuis, François de Quiqueran était régulièrement en relation avec nous tous, donnant des informations et des con-seils avisés. L’un et l’autre assurèrent un diligent Service d’honneur lorsque le Prince et la Princesse se rendirent à Aigues-Mortes le 25 avril 2014, à l’occasion du huitième centenaire de la naissance de saint Louis. La cité commémo-rait le saint Roi et ce fut son successeur légitime qui remit, au Père Lombard, curé de la paroisse, le reliquaire qui ve-nait d’être restauré par les soins de l’IMB. Par la suite, ils se retrouvèrent régulièrement, comme encore à Reims le 8 octobre dernier lors de la pose de la plaque commémorant les trente et un rois de France sacrés en la cathédrale.

À cette occasion, des projets d’avenir furent évoqués, notamment la venue du Prince à une prochaine manifestation des Cincinnati de France.

François de Quiqueran, d’une ancienne famille, très attaché aux souvenirs de l’épopée américaine, était heureux de pouvoir servir le successeur de Louis XVI comme son ancêtre l’avait fait il y a un peu plus de deux siècles. La fidélité dure au-delà du temps, au-delà de la mort. Le souvenir de François de Quiqueran-Beaujeu restera présent dans la mémoire du Prince et de la Princesse et aussi dans celle de l’IMB qu’il a toujours assuré d’un soutien inconditionnel et généreux puisqu’il comptait au nombre des bienfaiteurs. Puisse cet in memoriam apaiser quelque peu la tristesse de la baronne de Quiqueran-Beaujeu et de ceux qu’il laisse.

Sujets de réflexion…

« L’idée du roi en France – ou de la reine, d’ailleurs, car la monarchie est indépendante du sexe du monarque et gagne à être incarnée par les deux – est consubstantielle à une conception chrétienne de l’homme » (Marin de Viry, Un Roi Immédiatement, Pierre-Guillaume de Roux, 2017, p.20).

« Le Panthéon est fait pour des gens qui font n’importe quoi pourvu que ça les amène au Panthéon… » (Marin de Viry, op. cit., p. 77).

« Je veux un roi parce que c’est le portier du royaume, parce qu’il incarne ce que je trouve beau et grand chez l’homme… » (Marin de Viry, op cit., p. 116).

« La laïcité ne tient que parce que le matérialisme le plus plat a envahi les esprits, et que la religion est perçue comme un obstacle ar-chaïque à la consommation. C’est aller à la messe ou feuilleter un catalogue de spas » (Marin de Viry, op. cit., p. 130).

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Institut de la Maison de Bourbon Association régie par la loi de 1901 et reconnue d’utilité publique

Programme à venir.

Conférences organisées par l’IMB, à Paris : • 2 octobre - « Tronchet, l’avocat de Louis XVI », par Me Philippe Tessier, avocat à la Cour. Événements organisés par l’IMB : • 24 et 25 août - Fête de la Saint-Louis en Saintonge et Aunis : Visite de « La Corderie Royale » et de

« l’Hermione » à Rochefort - Visite du port de Brouage d’où, en 1608, Samuel de Champlain est parti pour le Canada - Visite du centre historique de La Rochelle - Messe à Port-des-Barques célébrée par S. Exc. Mgr Georges Colomb, évêque de La Rochelle - Pèlerinage à l’île Madame - Visite du château de La Roche-Courbon…

• 18 septembre - À Versailles, au Grand Trianon, visite de l’exposition sur « Le Tsar Pierre Ier de Russie ». • 13, 14 et 15 octobre - Voyage à Goritz (Slovénie) sur la tombe du roi Charles X. • À retenir dès maintenant : 16 octobre 2018 - Messe de Requiem organisée à Vienne (Autriche) pour le repos

de l’âme de la Reine Marie-Antoinette. Événements recommandés par l’IMB : • 14 juillet - Promenade guidée dans la « Division Châteauneuf » (région de Pontmain), organisée par Souvenir de

la chouannerie du Maine. • 17 au 23 juillet - Université Saint-Louis organisée par l’UCLF. • 5 septembre - « Le cheval blanc d’Henri IV : couleurs, symboles, religions et politique de la royauté », causerie program-

mée à Nice par PSB en Côte d’Azur. • 23 et 25 septembre - 105e Pèlerinage légitimiste à Ste-Anne d’Auray en Bretagne.

Siège social : 81, avenue de la Bourdonnais 75007 Paris � : 01 45 50 20 70 - � : [email protected]

Site Internet : www.royaute.info

Les Nouvelles de l’Institut Directeur de la publication : Prince de Bauffremont

Rédacteur en chef : Dominique Coudé Dépôt légal à parution

I.S.S.N. : 2490-6700 - CPPAP : 0121 G 92953 Le numéro : 5 euros - Abonnement : 20 euros

Lecture recommandée.

• Un Roi Immédiatement, par Marin de Viry, Pierre-Guillaume de Roux, 2017. D’excellents moments, vraiment excellents (essentiellement à partir du quatrième chapitre) !

Dons en faveur de l’IMB Votre don ouvre droit à une réduction d’impôt (impôt sur le revenu) selon le barème fiscal en vigueur : • Votre chèque bancaire doit être libellé à l’ordre de l’Institut de la Maison de Bourbon, • Un reçu fiscal vous sera envoyé pour tout don reçu. Votre don ouvre droit à une réduction d’impôt (ISF) selon le barème fiscal en vigueur.

Legs Vous souhaitez faire un legs à l’Institut de la Maison de Bourbon. Vous devrez donc le nommer précisément dans votre testament :

Institut de la Maison de Bourbon 81, avenue de la Bourdonnais 75007 Paris