avortement - archives royalistes

8
la nouvelle ACTION FRANÇAISE avortement HEBDOMADAIRE ROYALISTE TROISIEME ANNEE 6-6-1973 110 - 1F

Upload: others

Post on 23-Jun-2022

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: avortement - Archives royalistes

la nouvelleACTION FRANÇAISE

avortement

HEBDOMADAIRE ROYALISTE TROISIEME ANNEE 6-6-1973 N° 110 - 1F

Page 2: avortement - Archives royalistes

médecins contredéclaration du comité directeur

La N.A.F., prenant connaissance du pro-jet du gouvernement, constate qu'il sup-prime pratiquement toute interdiction del'avorte ment.

On prétend que cette autorisation « n'obli-gera personne à avorter », que les conscien-ces seront libres. Curieux argument ? Pour-quoi ne pas autoriser la suppression desvieux parents passé l'âge de soixante-dixans ? Personne bien entendu ne serait obli-gé de le faire...

Quant à aligner le droit sur la pratique,pourquoi pas pour les chèques sans provi-sion ?

Il y a pire : la loi, qu'on le veuille ounon, et même appliquée de façon très indul-gente, garde son aspect pédagogique. Com-ment ceux qui hésitent à consommer cedrame pourront-il résister si la loi le déclarepermis ?

Sur le plan de la réforme législative, laM.A.F. observe que cette loi intervient sousla pression d'un groupe déterminé qui s'im-pose faussement comme reflétant la volontégénérale.

Il n'est pas admissible que la loi puisseêtre le résultat d'un groupe de pression.

Il n'est pas admissible que la loi puissemême être le résultat d'une opinion passa-gère de la majorité, et déterminer la vie dela nation sans référence à ce qui est fon-damentalement en cause.

A plus forte raison, lorsqu'il s'agit d'au-toriser ou d'interdire la suppression physi-que d'un être vivant, seule la considérationde cet être vivant doit dicter la loi, et nonl'opinion.

La législation sur l'avortement pose doncun problème politique, sur le plan le plusélevé. Il s'agit de savoir si la société doitou non protéger l'existence de ses membres,spécialement les plus faibles, contre lesmenées et les désirs meurtriers des plusforts qui prétendent établir leur liberté surla suppression d'un faible.

Le nazisme avait choisi d'exalter les fortset de supprimer les mal-formés. Au nom dela volonté de puissance, de la race et dela sélection biologique d'un homme nou-veau.

La France aujourd'hui choisirait-elle, aunom de la liberté que réclament certainesfemmes, de supprimer l'être qui a com-mencé de vivre en elles et qui les dérange ?

Choisira-t-on, au nom d'une sélection eugé-nique, d'autoriser la suppression avant qu'ilsne soient trop voyants, des êtres difformes ?

Ce retour à la barbarie serait en mêmetemps une grave erreur politique :

— parce qu'il réintroduirait dans la socié-té le droit du plus fort, attaquant ainsi lanotion même du droit, sans lequel il n'exis-te pas de paix sociale, et même pas de viesociale du tout ;

— parce qu'il serait le pire des malthu-sianismes, avec toutes ses conséquences.

Le remède à la misère des femmes quel'attente d'un enfant met dans une situationdramatique n'est pas dans l'avortement, maisdans un ensemble de mesures sociales.

Mais instaurer l'autorisation légale del'avortement c'est appeler à l'insurrection.

Car si l'Etat ne remplit plus son rôle deprotecteur de la vie des êtres qu'il régit,si petits, si humbles qu'il soient, s'il inter-dit de s'attaquer à un chien et autorise dedétruire un petit d'homme, rien ne légitimeplus son pouvoir ni ses ordres.

Le Comité Directeurde la Nouvelle Action Française.

le sacré devient fouLes appétits violents, les instincts pri-

maires, la jouissance immédiate sont de-venus les nouveaux dieux et c'est au nomde ce sacré-là que l'on consommera tousnos crimes.

Qu'il faille aujourd'hui démontrer, à l'aide dessciences médicales et avec toute la froide ri-gueur des raisonnements mathématiques, quel'homme s'enracine dans les profondeurs de sonêtre dès l'instant de sa conception, prouve laterrible surdité d'un siècle qui s'étant fermé ausacré, crève sous le plomb de sa réthoriquevaniteuse.

L'avortement pose la question fondamentale,celle de la vie jointe au droit de tuer et, faceà cela, toute dérobade logomachique, toute mo-rale alimentaire, sont à la fois impuissantes etscandaleuses. Il est scandaleux de circonscrireune interrogation à ce point essentielle dans lechamp inerte du numérique ou des statistiques.Il est scandaleux de mettre en équations, courbeset graphiques, ce bien inestimable qui nous aété confié plus que nous n'en sommes proprié-taires, et qui s'appelle la Vie.

Enfin, est-ce de chiffres qu'il s'agit ? Et quiprétendrait faire le bilan de sa vie en termescomptables, avec recettes, dépenses et solde ?Personne, à l'évidence, tant le pressentiment d'unordre supérieur fait échapper l'humain au mondeaveugle du quantifiable. Personne ne se risque-rait à réduire la vie d'un être cher et disparuà la trajectoire folle d'un composé azoté qui,un jour, s'est dissout dans l'élémentaire parceque telle est la loi.

La seule idée de cette réduction est intolé-rable. Car d'où viendrait alors cette crispationintime du cœur au simple souvenir du visage

aimé, du sourire une fois entrevu ? Elle n'auraitpas de sens et tout serait vain.

Tous s'accordent sur la présence de l'invio-lable et du sacré en chaque être vivant, fût-ille plus misérable, tous ont vu au moins une foisbriller l'étincelle divine dans un regard ami, maishélas tous ne veulent pas reconnaître que celales dépasse et qu'ils n'y peuvent rien changer.

Trouver juste de laisser la vie à la merci despassions ou des égoïsmes est plus que criminel.Il faudrait que chacun comprenne qu'il ne peutse décider sur ce point sans s'impliquer tota-lement, et qua prenant le parti de tuer dans legerme ce Dieu que tout homme porte en soi,c'est plus que lui-même qu'il tue, c'est l'existencetoute entière.

Ce débat ne sera pas confié aux généticienscar ils n'en savent pas plus que les autres.Toutes les disputes sur l'évolution organique del'être sont absolument vaines. Enfin qu'importéle stade d'encéphalisation au regard du principequi produit ce merveilleux mouvement ?... Que-relles idiotes ! Jamais l'on ne pourra délimiterun seuil biologique nécessaire à l'apparition dela psyché ou de l'âme.

Dire à quel moment « est » l'homme, c'estdire qui « est » homme et qui ne l'est pas,c'est opérer une césure arbitraire entre la viehumaine et l'humain, partageant le monde entrece qui doit y prospérer et le monstrueux quel'on doit détruire.

Pour les nazis ce monstrueux était la raceélue, le peuple juif, mais demain qui désigne-ra-t-on ? Les fous, les anormaux sexuels, leshandicapés, les chevelus ?... Qui donnera le cri-tère intangible et quel sera ce « label » d'huma-nité ?

Ce critère n'a pas encore été défini, maisc'est une question de temps. Tout concourtmaintenant à sa mise à jour, car rien ne s'op-pose plus au simple fait qu'il y ait un critère :la vie n'est plus sacrée. Ce sont les appétitsviolents, les instincts primaires, la jouissanceimmédiate qui sont devenus les nouveaux dieuxet c'est au nom de ce sacré-là, véritablementdiabolique, que l'on consommera tous noscrimes.

Mai 1968: la jeunesse se découvre «vivre»en mêlant aux vociférations et aux injures, lesclameurs de la fête. A Dieu plaise que ce nesoit le macabre qui prévale maintenant et qu'ilne reste plus de ces cortèges printaniers quele deuil d'un Absolu avorté.

C'est la porte ouverte au meurtre rituel..., lesacrifice humain rejailli des tréfonds de l'his-toire. Mais c'est encore pire que cela, car autre-fois il y avait des Dieux et le sang ne coulaitpas en vain.

L'avortement public qui devait avoir lieu àGrenoble est comme une illustration terrifiantede la renaissance de ce sacré sauvage et san-guinaire. Au festival pop d'Altamont ou d'At-lanta, je ne sais plus, les Rolling Stones, nou-veaux dieux barbares, payent en caisses debière une horde de Hell's Angels, à moitié ivreet droguée, pour faire le service d'ordre. Lesidoles bardées de violence célèbrent l'officepaïen quand, au plus fort de l'extase collective,un homme s'écroule frappé à mort. Jl avait voulualler toucher le manteau d'un dieu, un mauvaisange l'a abattu comme un chien. Laisserons-nous le sang couler encore longtemps ?

Philippe DUC-MADGE.

naf 1 1 0 - 6 juin 1973 - p. 2

10000

Page 3: avortement - Archives royalistes

la vertementdéclaration des médecins de france

A chaque instant de son développement, lefruit de la conception est un être vivant,essentiellement distinct de l'organisme mater-nel qui l'accueille et le nourrit.

De la fécondation à la sénescence, c'est cemême être vivant qui s'épanouit, mûrit etmeurt. Ses particularités le rendent unique etdonc irremplaçable.

De même que la médecine reste au servicede la vie finissante, de même elle la protègedès son commencement. Le respect absolu dûaux patients ne dépend ni de leur âge, ni dela maladie ou de l'infirmité qui pourrait lesaccabler.

Devant les détresses que peuvent provoquerdes circonstances tragiques, le devoir du méde-cin est de tout mettre en œuvre pour secourirensemble la mère et son enfant.

C'est pourquoi l'interruption délibérée d'unegrossesse pour des raisons d'eugénisme, oupour résoudre un conflit moral,,économique ou

social, n'est pas l'acte d'un médecin.Docteurs :Abadie André, dermat., 64 - Pau.Abbatucci Séverin, cancérol., 14 - Caen.Abbou-Sydney, chir., 75-Paris.Abeille Jean-Pierre, gyn.-acc. 94 - Charenton.Abeille Joseph, biol., 13 - Marseille.Abitbol Paul, gén., 53 - Lassey.Abos Claude, O.R.L., 17 - Rochefort.Aboudaram Robert, stom., 75 - Paris.Abram Guy, gén., 13 - Marseille.Accar Roger, chir., 27 - Pont-Audemer.Accarion Jean, gén., 14 - Caen.Achard Jack, prof, agr., 49 - Angers.Achard Pierre, gén., 92 - Asnières.Achard Michel, O.R.L., 92 - Bois-Colombes.Achard François, cardiol., 78 - Vésinet.Acné Jean, gén., Grenade 31 - Garonne.Acnés-Dubois Xavier, phtis., 35-Rennes.d'Acremont Jean, gén., 45 - Chalette.Adam Henri, prof, neuro-chir., 14 - Caen.Adam Jean-Paul, gén., 16 - Cognac,

et 10.000 autres médecins...

une protection nécessaireRéclamer l'interdiction de l'avortement,

ce n'est pas s'acharner à la répressionde malheureuses, c'est exiger la sauve-garde de la vie des plus petits.

Dans cette question de l'avortement, le pro-blème législatif ne peut être éludé.

Il n'y a pas de position moyenne. Ou la loiautorise l'avortement, ou elle l'interdit.

Si elle l'autorise, elle permet la suppressionphysique d'êtres de l'espèce humaine. Si ellel'interdit, elle protège ces êtres.

Réclamer l'interdiction de l'avortement ce n'estdonc pas s'acharner à la répression de mal-heureuses, c'est exiger la sauvegarde de la viedes plus petits. On l'oublie trop, et du côté deceux qui ne pensent qu'à la mère, et du côtéde ceux qui peut-être n'ont pas grande pitiépour la mère.

Le problème est-il donc insoluble ? Non, sil'on veut bien y réfléchir avec intelligence — etsans autre passion que l'amour.

INTERDICTION ET REPRESSION

Une loi peut déclarer un acte criminel sansque les juges envoient tous les contrevenantsà la guillotine, et que l'opinion soit obligée d'yajouter une réprobation sans pardon.

La loi interdit un acte, de façon générale. Lestribunaux jugent un homme déterminé. La peinerachète.

La répression peut donc — doit donc êtremodérée, adaptée au délinquant, humaine, sanspour cela remettre en cause le principe quiédicté l'interdiction.

Il est possible de juger celles qui ont enfreintl'interdiction de l'avortement avec une indul-gence proportionnée à la dégradation de l'opi-nion et à la dureté des temps sans remettreen cause la protection générale que la loi doità l'être humain dès sa conception.

CONTRE LA MORT : TOUS LES MOYENS

Si la loi d'interdiction apparaît comme uneprotection nécessaire de l'être humain de la

conception à la naissance, bien d'autres lois,et bien d'autres moyens sont indispensablespour éviter l'avortement.

Le programme défini à Strasbourg par l'asso-ciation « Laissez-les vivre » montre la voie : sup-primer l'iniquité des charges familiales devantl'impôt ; organiser l'indépendance matérielle desfilles-mères ; réduire le travail maternel sansdiminution du revenu familial ; prévoir des loge-ments pour les familles de plus de quatre enfants(cela n'existe pas en H.L.M. !) ; allocations pourla charge des handicapés.

Voilà en tout cas pour le côté matériel. Et lasociété n'y perdra rien. Quand les enfants neseront plus assez nombreux pour entretenir lesvieux, il sera trop tard. Et juste retour deschoses, ils proposeront peut-être de faire monterau cocotier des vieillards inutiles.

Mais il y aurait encore bien d'autres mesuresque sociales et économiques pour apporterremède à l'avortement. La recherche médicale,qui réduit les catégories d'inadaptés et les casde grossesse dangereuse pour la mère.

Education ? Oui aussi bien sûr, mais éduca-tion à,1 la vie, et non à une mentalité suicidairecomme cette façon générale d'envisager lacontraception.

Développement de l'adoption. Sait-on combiende milliers de foyers attendent depuis desannées de pouvoir adopter un enfant (et beau-coup en adopteraient plusieurs), alors qu'onjette des fœtus à la poubelle ?

Mais la lutte pour la vie n'est pas seulementaffaire de lois, affaire d'Etat. A chacun notreresponsabilité, qui n'est plus du domaine poli-tique. Envers cette mère affolée par les diffi-cultés, révoltée contre l'irréversible, qui refusede porter à terme un enfant, nous qui vivonstranquilles, quel geste d'amour aurons-nous pourl'aider à retrouver le sens de cette espéranceincarnée ?

Hervé CATTA.

C'est donc décidé. M. Messmer a tenului-même à en avertir le pays : désormais,on pourra se faire avorter gratis,- tous fraisremboursés par la Sécurité sociale. Onpourra. Le Premier ministre a eu le mérite,reconnaissons-le, de préciser que ce neserait pas obligatoire. Le cher homme !

Retenons son nom : Messmer. Pour lapostérité, ce sera Messmer-avortement.

Retenons cet autre nom : Poniatowski. Leprince Poniatowski, ministre de la Santé,fleuron de l'aristocratie. L'homme des répu-blicains indépendants, de Giscard d'Estaing,chef de file de la droite française. Ponia-towski se vante dans les dîners fins où seretrouve le gratin de la bourgeoisie, d'êtrele véritable auteur de la loi, d'avoir passéoutre à tous les scrupules de conscience deses collaborateurs.

Je n'oublie évidemment pas M. Pompidou.Que l'on ne nous parle plus des nanas

hystériques du M.L.F., ou de quelques intel-lectuels de gauche qui se sont excités cestemps derniers. Il n'y a de ce côté que menufretin, comparaison faite avec les hauts etpuissants personnages qui ont pris leur res-ponsabilité en connaissance de cause.

Ah ! le gauchisme avait bon dos. On allaitlui régler son compte à cette charogne.L'ordre moral reprendrait le dessus. Foi deMarcellin-Galley-Druon-Royer. Eh bien c'estle ministère de l'ordre moral qui aura per-pétré le crime.

Ça vous étonne ? Moi pas.Un certain M. Thiers s'indignait aussi des

crimes des gauchistes de son temps. Il n'enfut pas moins cent fois plus criminel qu'eux.

Notre grande bourgeoisie ne se montrepas indigne de ce glorieux prédécesseur.

Elle montre ce qu'elle a dans les entrailles,dans le cœur. Il y a une vocation au meur-tre perpétuel chez ces gens.

Leur dieu. C'est leur ventre, aurait ditsaint Paul.

Et puis, cela fait beau temps que nous ledisons : la société de consommation dontces messieurs sont les gestionnaires éclai-rés a sa propre philosophie : l'hédonisme leplus méprisable. Empiffrez-vous dans vosgrandes bouffes à en crever, forniquez partous les moyens, tout le reste vous seradonné par surcroît.

Classe basse, classe lâche, disait déjàMaurras.

Société maudite.

Etat assassin.

Un certain nombre d'entre nous ont laferme conviction que pour venir à bout detout cela, il faudra beaucoup moins descrupules qu'ils n'en ont pour tuer lesenfants.

Gérard LECLERC.

Ce numéro définit la position officielle dela N.A.F. sur l'avortement : il doit être diffuséle plus largement possible. Il est disponibleau siège de la N.A.F.

Pour ceux qui commanderont plus de 10exemplaires, le numéro sera facturé à 50 cen-times.

naf 1 1 0 - 6 juin 1973 - p. 3

Page 4: avortement - Archives royalistes

La semaine dernière, Bertrand Renouvina rappelé l'histoire de l'Action française sousl'angle stratégique, c'est-à-dire celui de laconquête de l'Etat et du chemin qui y mène(La N.A.F. et l'héritage de l'A.F., N.A.F.n° 109).

Des différentes leçons de cette histoire,retenons surtout celle-ci : élaborer une voievers la prise du pouvoir suppose avant toutune étude très scrupuleuse de la sociétéde son temps.

Fidèle à cet enseignement, Gérard Leclerctrace ici les grandes lignes de la sociétéfrançaise en 1973 et tire de cette analyseles premières conclusions pour la NouvelleAction française.

Etudier la société dans laquelle nous vivonsreste une tâche complexe parce qu'il n'est paspossible de le faire sans se référer à une his-toire dont le moment présent n'est que le pro-duit, mais aussi parce que le corps socialcomporte plusieurs niveaux d'analyse qu'il fauttoujours avoir présents à l'esprit sous peinede ne pas saisir le réel.

Empruntons le schéma d'Althusser qui peutnous donner ici une indication : toute sociétés'étudie à la fois au niveau économique (pro-duction - consommation), politique (ies institu-tions) et idéologique (lutte des idées). Il estdonc nécessaire de procéder à une étude his-torique pour savoir comment la France de1973 en est arrivée là dans ces trois dimen-sions.

TRANSFORMATIONS POLITIQUES

Une société ne se comprend que dans unenvironnement international, et les annéesd'après-guerre sont particulièrement importan-tes pour appréhender l'évolution du monde.

D'abord l'imperium dyarchique (Etats-Unis-U.R.S.S.) dessiné à Yalta fait place à un mondequi tend à éclater : la Chine a rompu avecf'U.R.S.S., le Japon et l'Allemagne reprennentun rôle que l'on croyait effacé. Il se crée unnouveau centre de gravité du monde dansl'Océan Pacifique et le jeu politique et diplo-matique s'y fait à quatre entre Chinois, Russes,Américains et Japonais. Ensuite la multiplicationdes nouvelles nations issues de la décoloni-sation donne naissance au Tiers-Monde dont lacaractéristique est le sous-développement etdont les problèmes sont voisins, quelles quesoient les différences de civilisation. Enfin,le décollage économique de l'Europe occidentaleatteint successivement l'Allemagne, l'Italie etaujourd'hui la France, sans compter les liensétablis par le Marché commun. L'Allemagneretrouve également sa puissance politique, cequi n'est pas sans conséquence pour l'avenir.

La France vit dans ce contexte-là. L'économie,la politique, les mentalités françaises ont pro-fondément réagi à tous ces événements.Evidemment la perte de notre Empire colonialchange notre politique internationale commeelle nous crée de nombreux problèmes intérieurs.La négociation internationale se modifie en cesens que l'Allemagne ou le Japon sont pournous des interlocuteurs privilégiés, de mêmeque les pays du Tiers-monde qui s'opposentaux prétentions hégémoniques des Grands.

En politique intérieure, les changements sontparticulièrement profonds. A la Libération, DeGaulle ramène les partis qu'il pensait pou-voir brider mais sa tentative échoue et laisseplace à l'incohérence de la IV* République,elle-même à l'origine du 13 mai 1958 qui verrale retour de De Gaulle au pouvoir et la nais-sance de la V République. Il cristallise autourde lui un parti qui lui permettra d'instaurerun régime de type présidentiel qui subsisteaujourd'hui du fait de l'existence d'un syndicatélectoral et d'un nouveau jeu politique qui im-plique pour celui qui veut « percer » de rentrerdans le jeu majoritaire. Car la classe politiquea bien évolué !

analyse stratégique :

la société frai

LE PROJET INDUSTRIEL

La France, à la suite des Etats-Unis et enmême temps que certains pays d'Europe occi-dentale, est entrée dans une ère économiqued'abondance au milieu des années 50. Sortantde la pénurie consécutive à la guerre, elle s'in-sère progressivement dans la société de con-sommation. D'où de profonds changements dansles domaines économiques et politiques.

Vichy avait déjà, au milieu d'aspects trèscontrastés, présenté ce visage nouveau qui estcelui de nos Etats modernes : le pouvoir desspécialistes ou technocratie. La Libération a ac-centué le phénomène grâce au Plan qui, sansêtre aussi rigoureux qu'en U.R.S.S., va trans-former sous l'impulsion des techniciens levisage même de l'Etat. Déjà l'incohérence parle-mentaire avait donné le pouvoir aux bureauxet aux cabinets ministériels. La Ve Républiquerenforce la tendance en donnant des postesministériels à des technocrates issus del'E.N.A. et la classe politique va s'en trouverprofondément modifiée. Les technocrates con-quièrent en partie les vieux appareils.

Le système Pompidou, de Gilles Martinet,explique très bien la Ve République par la con-jonction entre les technocrates et le phéno-mène majoritaire. Le gaullisme, puis le pompi-dolisme, permettent aux technocrates de mettreen place un projet industriel qui donne desrésultats puisque la France atteint aujourd'huiun rang honorable vis-à-vis des grandes puis-sances industrielles.

Parallèlement à cette évolution des structuresde l'Etat, celles de l'économie changent beau-coup. La grande entreprise joue un rôledéterminant. De la même façon que lestechniciens se sont substitués aux vieux rou-tiers de la politique, les « managers » ont rem-placé les patrons héréditaires. Passé par lesgrandes écoles d'administration et de commer-ce, un personnel aux préoccupations identiques,attaché à la réussite du système industriel,s'impose aux leviers de l'Etat et de l'économie,travaille de concert.

CHANGEMENT DES MENTALITES

Cet essor de l'économie française changeprofondément les mœurs et les mentalités dela société. L'abondance donne beaucoup de faci-lité, même si elle crée de nouvelles contraintesdans l'ordre de l'urbanisme, des transports oude la pollution. Elle est d'abord source derichesses, de loisirs à travers les vacances oules « week-ends » prolongés qui remodèlententièrement les mentalités des Français. Elleest aussi facteur d'une certaine libéralisationdes mœurs commune aux sociétés prospères.

Sans compter la révolution des mass-media !Mac Luhan nous montre comment la radio et latélévision ont resserré les limites du monde àun « village planétaire » avec les mêmes préoc-cupations, une unification et un modelage desmentalités. Les Français reçoivent chaque jourcette culture par la télévision et discutent lelendemain des mêmes thèmes. On ne peutcomprendre la mentalité de l'homme d'aujour-d'hui sans y faire référence.

Il existe des terrains privilégiés pourNous pourrons faire des royalistes c

si le projet royaliste leur apparaît commtaies.

QU'EST-CE QUE LE SYSTEME ?

Tous ces éléments politiques, économiques,ce qui concerne l'évolution des mœurs s'im-briquent dans un même système. Pourquoi ?Parce que nous avons franchi une étape deplus dans le sens de ce qui avait été prévu parMaurras dans L'Avenir de l'Intelligence.

Avec l'avènement de l'industrie, un nouveaumonde se crée, pas seulement dans l'ordredes structures économiques et des boulever-sements sociaux mais aussi dans celui desmœurs et des idées. Par exemple la littératurerentre dans le moule de la société industrielleen se mettant au service de l'éditeur qui lui-même a des impératifs d'argent et rentre dansla rationalité économique.

La même analyse s'applique aujourd'hui àla société post-industrielle : c'est l'entrepreneur,marchand des temps modernes, qui a pris lepouvoir. L'ancien régime connaissait une sociétéd'ordres : les « oratores », qui priaient, les« bellatores » qui faisaient la guerre et défen-daient le pays, les « laboratores « qui travail-laient, et la société ne pouvait s'expliquer quepar l'ensemble de ces ordres couronnés parune autorité arbitrale dont l'origine était certesféodale, mais qui s'était dégagée de la féoda-lité pour assurer l'arbitrage monarchique. Toutcela a éclaté en 1789 avec la chute du roi. Lasociété est devenue une jungle dominée parl'« or » c'est-à-dire les grands capitaines d'in-dustrie efles banquiers du XIXe siècle qui ontremodelé entièrement la planète. Aujourd'hui,ce sont les technocrates et les nouveaux hom-mes d'affaires qui refaçonnent le monde. AuXIXe siècle et au début du XXe, l'« or » tenaittoute la société, l'Etat et l'Intelligence. Aujour-d'hui les auteurs du projet industriel tiennentle pouvoir en subordonnant à leur tour l'Etatet l'Intelligence.

Dans la société d'ancien régime, le pouvoir« magistériel », qui consiste à éclairer les intel-ligences sur le monde, sur l'homme et surson destin, appartenait aux « clercs ». Aujour-d'hui encore ! C'est le philosophe, le religieux,Lévi-Strauss ou Michel Foucault, Jean Danielou Françoise Giroud. Mais quelle est la grandedifférence? L'intelligence est désormais entiè-rement sous la férule de l'« or ». Pour se faireéditer, pour passer par les médias, il faut êtreaccepté par le système.

Ce système, heureusement, a ses contradic-tions : entre les hommes quj sont au pouvoir,entre le pouvoir et fa société industrielle, ausein même de la société industrielle.

Bien sûr, mais ce système est très fort parcequ'il recèle un dynamisme extraordinaire, parcequ'en dépit de toutes les contestations, detous les mouvements et grèves sauvages, lamachine tourne très bien, aux Etats-Unis com-me en France.

Pourquoi ? Parce que ce système s'est subor-donné des personnes qui jouent d'autant plusfacilement le jeu de l'expansion qu'on les aconditionnées pour y dépenser toutes leurs éner-gies, toutes leurs qualités et que, servant l'ex-pansion, elles se fassent plaisir, elles affirment

naf 1 1 0 - 6 juin 1973 - p. 4 HHH

Page 5: avortement - Archives royalistes

CONQUETE DE L'INTELLIGENCE

içaise en 1973la stratégie royaliste.ez les cadres, les techniciens et les jeunes

la réponse à leurs aspirations fondamen-

toute leur volonté de puissance. Cela donne ausystème une puissance prodigieuse.

On ne peut s'abstraire de ces données pourcomprendre la société de 1973. Mais cette so-ciété comporte des faiblesses qu'il nous fautconnaître pour indiquer la voie la plus facilevers la prise du pouvoir.

LES CONTRADICTIONSDU SYSTEME INDUSTRIEL

Cette société recèle un certain nombre decontradictions, d'abord au niveau de l'Etat puis-que le pouvoir politique, soumis à l'élection,peut être renversé par un mouvement d'opi-nion.

Puis, au niveau économique. La sociétéd'abondance satisfait de moins en moins lesgens parce qu'ils se découvrent des besoinsplus fondamentaux et qu'ils se rebellent contreles aliénations nouvelles de la société indus-trielle. C'est le phénomène du « ras-le-bol » au-quel i! faut pourtant donner un correctif. Peut-il de ses propres forces venir à bout du sys-tème ? Cela paraît très douteux.

Les « managers », habiles et intelligents, ontparfaitement compris comment la machine pour-rait se gripper si par exemple ils n'étudiaientpas sérieusement le problème de la pollution,de l'urbanisme, des transports, mais aussi, dumoins dans les grandes entreprises françaiseset multinationales, le problème de l'art de vivre.Cela signifie que le pouvoir du « manager » estd'un totalitarisme effréné et qu'il prétend mê-me régir la vie quotidienne, personnelle, desemployés et des cadres pour que l'entreprisedevienne la cellule fondamentale de la société,la providence universelle au sein de laquelleon travaillera mais aussi où par exemple seprendront les loisirs. Ce despotisme est d'au-tant plus fort que loin d'être grossier, il utilisetoutes les ressources de la psychologie et de lasociologie modernes.

Autre faiblesse : ce système est incapablede résoudre le problème de l'enseignement, dela formation des esprits. C'est l'immense ques-tion de' la faillite de l'université moderne etde la production d'un prolétariat intellectuelde « mendiants lettrés », de l'extension folled'un enseignement conduisant à des voies degarage y compris par le chômage des diplômés.

Le système, et ceci est une faiblesse grave,est aussi incapable de donner une finalité glo-bale à la société. Il est très beau de vouloirque tout le monde participe au banquet desrichesses, mais si la société n'a pas d'autrebut, elle risque de se précipiter vers d'autresvoies. Les marchands ayant refoulé le pouvoirdes « clercs » et des grandes forces spirituelles,l'ésotérisme, la magie renaissent sous la formed'un nouveau sacré y compris celui des reli-gions séculières du XXe siècle, hitlérisme, sta-linisme ou maoïsme, avec un dogme, une mo-rale, des rites, une liturgie. C'est Nurembergou les revues de la Place Rouge. Tout cela si-gnifie d'une certaine façon le rejet de la so-ciété industrielle. D'ailleurs il y a un parallèlesaisissant entre la jeunesse allemande des an-

nées 30 et la jeunesse française de 1973 :retour à la nature, refus des contraintes, libé-ralisation des mœurs, mouvement communau-tariste, départ à l'aventure sur les routes,même phénomène d'anarchisme. Cela s'expliquepar le fait que la société industrielle n'estpas capable par ses propres énergies de donnerune finalité, un sens, un sacré nécessaire àtoute vie sociale.

Il existe d'autre part au sein de notre sociétédes contestataires non gauchistes, par exempleà la C.F.D.T., qui sont à la recherche de pou-voirs. Le sens et le succès du slogan « auto-gestion » est là : on veut des responsabilitésdans le cadre de l'entreprise, dans le cadre dela production. C'est vrai aussi au niveau des« cadres », réalité complexe comprenant aussibien les hommes proches des décisions, auplus haut niveau que les cadres subalternes :mais s'ils sont enfants chéris du système dufait des salaires quelquefois élevés, ils sontmécontents parce que dans l'ordre des respon-sabilités, du pouvoir effectif, de la propriétéet de la considération sociale, ils ont l'impres-sion d'être lésés. Le technocrate, lui, a le pou-voir, le prestige, et souvent les plus-values quelui donne son titre de propriété.

Ce mécontentement est également vrai auniveau de la « nouvelle classe ouvrière » com-posée des techniciens, qui ont la compétencetechnique perdue par les O.S. et qui veulentavoir une responsabilité à la mesure de leurcompétence. Mais là aussi le système se dé-fend bien dans la mesure où les méthodesdu « management » et de la direction partici-pative par objectifs récupèrent un certain nom-bre d'aspirations à la responsabilité et au pou-voir. *

PREMIERES CONCLUSIONS

Nous nous opposons à un système qui donnele pouvoir aux marchands modernes, c'est-à-direaux entrepreneurs et aux technocrates qui mo-dèlent la société selon le profit et la rationalitééconomique. Nous sommes monarchistes parceque la monarchie est l'institution qui subor-donne la richesse du marchand et le pouvoirdu technicien à une autorité politique, maisaussi parce qu'elle a permis la civilisationfrançaise avec une société d'ordres qui voyaitles richesses se produire et en même tempsl'intelligence s'épanouir, ce qui n'est plus lecas aujourd'hui. Face à cette société, que nouscontestons radicalement, nous proposons unealternative : la société monarchique.

Toute stratégie repose d'abord sur des moti-vations essentielles qui constitueront le res-sort de notre combat : détruire la société tech-nocratique pour reconstruire une France monar-chique où pourra s'épanouir une véritable civili-sation. Si nous entraînons des Français actifs,ce sera pour leur faire partager cette convic-tion révolutionnaire qu'il faut changer la sociétéactuelle pour parvenir à recréer un art de vivre.

Mais quels seront nos alliés ? Qui sont aujuste ces Français actifs dans la France de1973?

Si, comme nous l'avons vu, la société post-industrielle se caractérise par une carence fon-damentale au niveau des finalités proprementhumaines, il sera primordial pour l'Intelligencede reconnaître la nature de cette carence, sescauses, de les dénoncer tout en développant uncontre-projet éclairé par les vraies finalitéshumaines. L'Intelligence nous paraît ainsi com-me la principale force contestataire, la pluspuissante, la plus irréductible.

D'où notre option conquête de l'Intelligence,qui ne signifie pas seulement conquête desmass-media, mais aussi élaboration d'un corvpus doctrinal, d'un projet capables d'entraînerles convictions. Il s'agit d'être suffisammentfort pour lutter contre les religions séculièresnouvelles qui risquent de combler le vide desesprits et des cœurs, d'entraîner la révoltesur des voies terriblement périlleuses. C'esttout l'enjeu de la conquête des esprits pourque se forme cette indispensable minorité dyna-mique ayant fait sa réforme intellectuelle etmorale.

COUCHES NOUVELLES

II nous faut également nous tourner vers cescouches nouvelles qui sont au plein cœur dela société post-industrielle, tout en contestantles structures, les pouvoirs et la rationalitétechnocratiques.

— Les cadres sont à la fois les enfants ché-ris du système et ceux qui en ressentent leplus fortement les faiblesses. Leurs salairesélevés, ils les paient au prix fort avec le sur-menage, les heures supplémentaires. Leurs res-ponsabilités ? Elles sont très limitées. De mêmeleur participation au capital de l'entreprise.

— La nouvelle classe ouvrière, formée detechniciens de haute compétence, fait préva-loir des revendications qualitatives et auto-gestionnaires comme les cadres.

— La jeunesse des années soixante-dix, parcequ'elle n'est pas encore engagée dans les res-ponsabilités familiales et professionnelles etgarde intactes sa sensibilité et ses facultés derévolte. Et puis la faillite de la machine uni-versitaire ne peut manquer de provoquer pério-diquement de véritables frondes lycéennes etétudiantes.

Il y a donc des terrains privilégiés pour lastratégie royaliste. Nous pourrons faire desroyalistes chez les cadres, les techniciens etres jeunes si le projet royaliste leur apparaîtcomme la réponse à leurs aspirations fonda-mentales. Il s'agit de conquérir les plus actifs,ceux qui pourront acquérir une volonté authert-tiquement révolutionnaire.

Nous y parviendrons pourvu que nous sa-chions nous tenir sur le bon terrain, fairepreuve de persévérance et employer les moyensadaptés.

Propos recueillispar Michel GIRAUD.

[la nouvelleACTION FRANÇAISE

RESTAURATION NATIONALEEdité par la S.N.P.F.

17. rue des Petits-Champ* - Parié <1")Téléphone: 742-21-93

Abonnement un an : 45 FAbonnement de soutien : 100 F

C.C.P. N.A.F. 642-31Directeur de la Publication :

Yvan AUMONT

imprimerie abexpress72, rue du chàteau-d'eau paris 10*

naf 110 - 6 juin 1973 - p. 5

Page 6: avortement - Archives royalistes

la bataille de parisLe rapport de la D.AT.A.R. condamne

le gigantisme parisien comme désastreuxpour la capitale elle-même.

La querelle autour du poids écrasant de Parisdans l'ensemble national, pendante depuis plusd'un siècle, vient d'être relancée par un rapportexplosif, rédigé à l'initiative de la D.AT.A.R. (1)par un groupe de travail. Mais ce rapport n'atta-que pas seulement le gigantisme de Paris parceque nuisible au développement de la province,il l'estime désastreux avant tout pour la capitaleelle-même.

DECLIN DE PARIS

Les auteurs ne mâchent pas leurs mots : « Parisfut la capitale de l'Europe, et peut-être du monde.Elle n'est plus ni l'une ni l'autre. Au début dusiècle encore, la primauté de sa vocation inter-nationale n'était pas contestée. Elle l'est aujour-d'hui. »

Notre capitale n'a plus son pouvoir de fasci-nation. En matière de création culturelle toutd'abord, elle a perdu son rôle prédominant auprofit de Londres. De même les grandes ban-ques, les assurances, les firmes multinationaless'installent plus volontiers à Bruxelles, Londres,Francfort ou Dùsseldorf qu'à Paris. Il en va demême pour les sociétés soviétiques de commer-cialisation, malgré la politique française d'ouver-ture à l'Est. Ainsi le rêve de faire de la régionparisienne une grande région à l'échelle duMarché Commun, cher à M. Delouvrier, débouchesur une cruelle désillusion.

Pourquoi cet échec ? Les auteurs l'expliquenten déclarant : « Ce qui fait l'attraction interna-tionale d'une ville, ce n'est plus seulement, nimême précisément, sa puissance économique,sa taille ou sa situation géographique, mais lecadre de vie qui lui est attaché... Or Paris achoisi de sacrifier ce cadre de vie. »

Sous'prétexte de faire de Paris une ville fonc-tionnelle, on en a fait une cité inhabitable. C'estainsi que les arrondissements centraux de Parisintra-muros, voués quasi exclusivement aux bu-reaux, prennent l'allure d'une ville morte le soiret les dimanches. C'est ainsi que le Front deSeine est peu à peu défiguré par les immeubles-tours qui y sont construits. C'est ainsi que lenombre des ouvriers, commerçants et artisans,parce qu'ils sont chassés vers la banlieue, adiminué de 20% entre 1954 et 1968. Et le pro-che avenir est sombre. Grâce à l'interconnnectiondes réseaux S.N.C.F. et R.A.T.P., avec plaquetournante du Châtelet et par le biais du projetde cité financière qui est lié à cette opération,la déstructuration de Paris va s'accentuer.

Dans le même temps la "concentration de bu-

reaux au cœur de la capitale pose des problèmesde circulation inextricables. Si Paris-ville n'aplus que 2,5 millions de résidents contre 3 mil-lions voici vingt ans, elle a 5 millions de per-sonnes aux jours et heures ouvrables ! Quant àl'engorgement téléphonique, il est devenu légen-daire.

QUELS REMEDES ?

Pour enrayer le « déclin » de Paris, les mem-bres du groupe de travail proposent donc de» réduire impérativement la surface globale occu-pée par des bureaux intra-muros », de régle-menter l'occupation des sols avec rigueur. Enfin,ils demandent que l'espace soit mieux aménagé.Ce qui revient à « cesser de construire à Pariscomme à Détroit, protéger la ville contre tous lesexcès, y compris ceux de l'automobile ; sauve-garder chacun de ses traits dignes de respect ;promouvoir des expériences architecturales ;faire place aux sports, aux arbres, aux fleurs. Etmême aux enfants ! »

Mais surtout, le rapport propose que soitbloqué le développement de la région parisienne.Proposition explosive !

ARRETER LA CROISSANCE DE PARIS

On comprend dès lors que le préfet de larégion parisienne, M. Doublet, ait violemmentréagi en lisant le rapport. Contrairement à sonprédécesseur, M. Delouvrier, M. Doublet ne sou-haite pas forcer la croissance du grand Paris.Il souhaite simplement aménager la croissancenaturelle (excédent des naissances sur lesdécès) en organisant des conditions de travailet de vie supportables pour les habitants. Maisà partir du moment où l'on choisit d'arrêtercomplètement cette croissance, on ne peut lefaire qu'au prix de mesures draconiennes etsouvent douloureuses.

Comme M. Doublet le déclarait au Monde (2) :« Ce/a veut dire qu'il faut arrêter totalement lesimmigrations d'étrangers au risque inéluctablede bloquer le fonctionnement de certains ser-vices publics et de certaines professions. Celaveut dire la remise en cause totale des objectifséconomiques et sociaux du VT Plan qui suppo-sent la croissance raisonnée de la région pari-sienne. Cela suppose un coup d'arrêt violentaux investissements des entreprises avec toutesles répercussions qu'un tel état implique. Celaveut dire l'arrêt presque total des constructionsde logements, ce qui entraîne des conséquencesincalculables, notamment sur le plan social. »

Nul n'ignore en effet qu'arrêter la croissancede Paris signifie une véritable révolution qui meten jeu les habitudes, l'accueil de la province,

la fin du rêve insensé qui voudrait résoudre leproblème posé par le monstre parisien en utili-sant de simples remèdes techniques, dans lecadre d'une politique draconienne en matière detransports par exemple. Non ! Le mal est pro-fond.

La faiblesse des pôles d'attraction provinciauxfait que l'on continue de « monter » à Parismême si l'on souffre ensuite de la démesure dela vie parisienne. D'ailleurs, chaque fois que l'ontente de développer de nouvelles infrastructuresparisiennes pour améliorer le confort des habi-tants, on crée un appel d'air qui engorge larégion : il n'y a qu'à voir comment les grandsensembles ont proliféré à Sucy-en-Brie et àBoissy-Saint-Léger dès que ces villes ont « bé-néficié » du R.E.R.

Mais les remèdes nécessaires et douloureuxque suppose une politique de réduction àl'échelle humaine de Paris pourront-ils être ap-pliqués par un pouvoir fondé sur l'élection ? Unetelle médication ferait trop de mécontents dansl'immédiat, léserait trop de situations acquises,dérangerait trop d'habitudes pour qu'un régimequi a toujours à l'horizon une élection législativeou présidentielle se risque à l'essayer.

Arnaud FABRE.

(1) Délégation à l'Aménagement du Territoire et àl'Action Régionale.

(2) In Le Monde du 29 mai 1973.

naf an 03L'opération se termine dans dix jours.

Très nombreux sont encore les lecteursqui ne nous ont fait parvenir aucun abon-nement nouveau. Leur aide et leur par-ticipation est indispensable pour quenous puissions atteindre l'objectif fixé.Chaque lecteur de ces lignes doit dansla semaine qui vient nous faire parvenirun abonnement. Il est capital pour l'équi-libre de notre journal de remplir cetteobligation.

Je m'adresse également aux lecteursde la N.A.F. qui ne sont pas eux-mêmesabonnés pour leur demander de le faire,participant par là-même à l'effort généralqui est demandé à tous ceux qui sontattachés et intéressés par la N.A.F. L'en-semble de l'équipe dirigeante compte survous. Merci.

Yvan AUMONT.

naf 1 1 0 - 6 juin 1973 - p. 6

Page 7: avortement - Archives royalistes

congrès c.f .d.tLe 36e congrès de la C.F.D.T. qui s'est achevé

dimanche dernier, va faire grincer à gauche uncertain nombre de dents.

Edmond Maire, secrétaire général (dont lerapport a été adopté par 87,62% des mandats),a nettement pris ses distances à l'égard du P.C.en déclarant : « Notre but est de faire accédernos adhérents, et à travers eux la majorité dela population, à la conscience de l'émancipationcollective. Le rôle de l'adhérent est donc essen-tiel. Notre ambition est à l'opposé de celle desorganisations de type léniniste. Celles-ci visentavant tout à construire une avant-garde qui guidela masse dans la voie de la révolution. »

Quant aux gauchistes de la Ligue communiste,ils se sont vus reprocher de vouloir minimiserle rôle syndical durant les actions ouvrières.

On se croirait revenu au temps de la Charted'Amiens lorsque la C.G.T. dénonçait alors le jeuparlementaire des partis de gauche. Visiblement,Edmond Maire n'aime pas les appareils despartis politiques.

P.S. et P.S.U. trouvent cependant grâce à sesyeux : « Notre évolution, ce que l'on peut savoirdu prochain congrès du P.S., montrent que laconvergence des forces autogestionnaires n'estplus une fiction. Des possibilités existent qu'ilfaut saisir, la confrontation que nous envisageonsdans des colloques entre toutes les forces quise réclament de l'autogestion devrait permettred'avancer vers la définition d'un projet socialistecommun à toutes ces forces. »

Maire est en l'occurrence bien imprudent,car on peut être sceptique sur l'autogestion àla sauce du P.S. Maire a certes rappelé quele socialisme autoritaire et centralisé avait tou-jours coexisté avec le socialisme autogestion-naire, mais il s'abuse en parlant de l'alliancenécessaire entre les deux socialismes pour rem-porter toute victoire.

Si le P.S. fait une mainmise sur les forcesvives du syndicalisme, nous aurons une C.F.D.T.satellite d'une social-démocratie rénovée et mo-derniste, sorte de parti travailliste à la française.Dès lors le courant cédétiste sera intégré ausystème.

Mais si le P.S. rate sa tentative, il restera alorsà savoir ce que la C.F.D.T. mettra dans sonprojet autogestionnaire qui, formulé en termespour le moment très vagues, tient beaucoup desmythes égalitaires de l'anarcho-syndicalisme.

Il n'en reste pas moins que la résurgence del'anarcho-syndicalisme au sein de la C.F.D.T. estun phénomène capital. Ce courant à mi-cheminentre l'utopie et la redécouverte des réalités dutravail intéressait déjè Maurras lorsqu'il décla-rait : « Expliquons le syndicalisme à ceux quidéfendent la nation, expliquons la nation ausyndicalisme. » Ce projet avorta avant la guerrede 1914. A nous de faire en sorte qu'il en soitautrement aujourd'hui.

Michel MAXENCE.

guide des relais routiersLe Guide des relais routiers n'est pas le

plus célèbre des guides, mais c'est un des plussympathiques. Il ne bouleverse pas la hiérar-chie des grands de la Restauration, mais iloffre plus simplement et plus pratiquement lerépertoire des quelques 4.000 établissementstitulaires du « Panonceau bleu et rouge », sym-bole de cuisine simple à prix modéré (de 8à 13 F). En ces temps d'inflation, voilà quin'est pas négligeable. Cent-vingt d'entre eux,que je vous recommande plus particulièrement,ont reçu la « casserole », signe distinctif des

Relais qui proposent des spécialités régionalesou de vieilles recettes familiales.

En cette curieuse époque où M. Borel nousimpose sa loi et son quasi-monopole au longdes autoroutes, je crois qu'il est d'une saineréaction de fréquenter ces relais où l'accueil,la qualité et le prix ne doivent rien à 1' « ame-rican way of life ».

P. V.Guide des relais routiers : 12 F.En vente librairies Hachette et dans de nom-

breux relais.

ARSENAL - JUIN 1973

(Sommaire)

CIBLE

Des révoltes qui marquent notre sociétédepuis cinq ans constituent manifestementl'indice d'une crise profonde. Peuvent-ellesapporter une quelconque solution ou sont-elles appelées à n'être que des explosionsde colère sans lendemain ?

THEME

Défense nationale une expression qui a faitcarrière, une réalité contestée tant dans saforme que dans son principe. Pourtant del'analyse de la situation internationale, desbouleversements entraînés par la guerremoderne, de la place de la France dans lemonde surgit une idée-force, l'obligation dedéfense. De même est-il indispensable dedécrire, sans passion la conception actuellede défense nationale, c'est-à-dire la défenseen action. Enfin, l'examen de l'actuel Servicenational peut amener à prendre position surla contestation dont il a été récemmentl'objet.

IDEES

« Les biologistes devant la faillite du réduc-tionnisme » par un jeune philosophe quidresse avec objectivité le constat d'un écheclourd de conséquences.

TENDANCE

Jacques Maritain : l'analyse de l'œuvre dugrand philosophe catholique récemment dis-paru.

ENTRETIEN

Le général Baudoin, secrétaire-général de la« Commission Armées-jeunesse », parle durôle et de la condition de l'officier dans l'ar-mée d'aujourd'hui.

LIBRES-PROPOS

Par un spécialiste de la lutte pour la pro-tection de la nature, une étude sur les« nuisances et la pollution » et les moyensd'y faire obstacle.

mouvement royaliste

REUNIONSI.P.N.

Vendredi 8 juin à 17 h 45, dansles locaux de la N.A.F., réunion-dé-bat avec Arnaud Fabre sur le thè-me : « Faillite des idéologies, deMarx à Nietzsche ». Cet enseigne-ment s'adresse en priorité aux ca-dres et aux militants parisiens. Ils'inscrit dans un cycle de cinqconférences dont les thèmes sontdonnés chaque semaine dans lejournal.

LYCEENS DE PARISTous les mercredis une perma-nence est assurée à l'intentiondes lycéens de 15 h à 17 h. Ellese tient dans les locaux de laN.A.F.Le mercredi à 20 h 45 : cercled'études. Pour tout renseigne-ment concernant ce cercle,s'adresser à la permanence.

NANTESVendredi 15 juin, à 21 h, confé-rence de Gérard Leclerc au Central-Hôtel, 4, rue du Couédic.

SAINT-GERMAIN - SECTIONSDE BANLIEUE-OUEST

Mercredi 6 juin à 21 h, chezM. Marc Fillol, 27, rue de Lor-raine, Saint-Germain, 3' étage, es-calier dans la cour. Réunion surle thème : « Quelle action localeet municipale ? ». Avec Y. Aumontet J. Broquet.

VAL-D'OISEL'arrivée de cadres nouveaux

permet aujourd'hui de réorganiserles sections du Val-dOise. Tousceux qui désirent participer auxactions en cours sont priés de ve-nir à la réunion d'organisation levendredi 15 juin, à 21 heures, 8,av. Schaeffer à DeuM-la-Barre.

GAZETTE DU VAL-DE-LOIRELe numéro 2 de cette revue bi-

mestrielle régionaliste est paru. Au

sommaire : dossier avortementavec des interviews de Mgr Goupy,évëque de Blois, de médecins, deprêtres — Jeanne d'Arc : héroïnepour demain ? articles de MlleM.-M. Martin et de Gérard Leclerc.

Abonnement 10 F, soutien 25 F.Spécimen sur demande (se récla-

mer de la N.A.F.) contre 1 F entimbre. B.P. 49, Rïves-du-Cher,37004 Tours, Cedex.

CAMP NATIONAL 1973Le camp national se tiendra dans

la deuxième quinzaine de juillet.Il a pour but de donner une for-mation de base aux nouveaux adhé-rents et d'enrichir la formation desplus anciens. Il s'adresse surtoutaux 15-25 ans, sans toutefois quecette « fourchette » constitue unelimite impérative, en particulierpour les militants isolés et pourl'encadrement.

Les dates du camp sont les sui-vantes : du vendredi 20 juillet ausoir au lundi 30 juillet au matin,il se tiendra dans l'ouest de laFrance. Retenez ces dates.

Prix du camp : pour les inscrip-tions parvenues avant le 10 juillet,150 F; passé cette date, 170 F.

MIDI-PYRENEESLa Fédération Languedoc Mi-

di-Pyrénées organise un campde propagande dans la régionsétoise du 2 juillet au 8 juilletinclus. Ce camp quelque peuinnovateur aura pour but defaire connaître notre mouve-ment dans la région par desactions appropriées. Les fraisde séjour sont de 140 F pourles inscriptions nous parvenantavant le 20 juin. Passé cettedate, les frais sont de 180 F:M est possible de ne participerqu'à une partie du camp. Nousespérons que les militants detoutes les régions seront nom-breux à s'inscrire à Marc Van-dessende, 9, rue Dalayrac, 31000Toulouse, ou Philippe Ricalens,2, rue Benjamin-Constant, 31400Toulouse.

naf 110 - 6 juin 1973 - p. 7

Page 8: avortement - Archives royalistes

le déclin financier des états-unisLa chute libre du dollar traduit davantage une

crise grave de l'économie américaine qu'elle nemanifeste les manoeuvres des spéculateurs. Cesphénomènes résultent de causes extrêmementnombreuses qui pourraient se résumer en uneseule:, les Etats-Unis dépensent beaucoup plusqu'ils ne produisent. Ce genre de vie, ils lepratiquent depuis longtemps en payant le restedu monde en monnaie de singe, c'est-à-dire endollar-assignat (1). Aujourd'hui les échéances serapprochent : les gouvernements américains vou-draient les fuir en niant la réalité. Une illusionaussi malsaine que malhonnête les pousse àvouloir faire cesser leur fièvre en cassant lethermomètre, en bref à tenter de détruire l'éco-nomie du Marché Commun qui leur remontre,de façon cuisante, tout Je retard qu'ils ont pris.

Pour aboutir dans cette besogne de sabotage,ils disposent d'une aide non négligeable, celledes larbins (2). Mais l'expérience montre que leslarbins sont beaucoup moins dangereux à partirdu moment où leur livrée apparaît sous leurveston. Leur race se divise en deux grandesvariétés : les larbins continentaux et les larbinsinsulaires.

On se souvient du bon M. Spaak qui offrit,aux « larbins » du continent, leur plus belleillustration : dans sa longue carrière, ce social-démocrate donna souvent l'impression de repré-senter en Belgique des intérêts étrangers à sonpays.

Appartiennent eux aussi à cette catégorie bienpatibulaire l'excellent M. Luns, des Pays-Bas (àqui l'on reprocherait moins ses réactions sys-tématiquement anti-françaises que son indiffé-rence permanente à l'égard des réalités) etquelques honorables journalistes de France quisoutiennent toutes les thèses américaines, indé-pendamment des faits, sans le moindre examen.

LES LARBINS INSULAIRES

Quant aux larbins insulaires — et nous enten-dons ici tes îles britanniques — ils ressemblentaux continentaux dans la mesure où ils sont,eux aussi, plus remuants que nombreux. On lesrencontre souvent dans les feuilles financièresqui se prétendent « internationales », c'est-à-direqui représentent, au sens strict du terme, lesintérêts nationaux américains. Pour ces bravesgens, la France indépendante n'existe plus. Enconséquence, la Grande-Bretagne n'a désormaisde vraie représentation diplomatique, sur lecontinent, qu'à Bruxelles. Le proconsul senomme Sir Christopher Soames.

Les observateurs ont vite compris que SirChristopher ne représentait guère la Grande-Bretagne, encore moins l'Europe. Pour l'ambi-tion, le personnage rêve d'être le maître d'hôtelde la valetaille européenne ; pour la voix, ils'agit simplement d'un ventre, celui du ventri-loque américain qui feindrait le dialogue enéchangeant des répliques avec lui-même (3).

Si les larbins aiment d'ordinaire aller ausecours de la victoire, ils doivent être aujour-d'hui bien contrits, tant les Etats-Unis étalent defaiblesses : au déficit commercial, à l'effritementdu dollar, s'ajoute depuis un mois ce que larevue Newsweek (4) nomme « l'érosion de l'in-fluence présidentielle». Il y a plus, le mêmehebdomadaire rapporte que les Soviétiques s'in-quiètent : si M. Nixon continue de s'affaiblirpolitiquement, il ne pourra s'entendre avec eux,comme ils l'entendaient, au détriment des paysdu monde libre. Il n'est pas déplaisant de voirces calculs cyniques si rapidement déjoués.

LE DECLIN

Dans un article plein de Mélancolie, M. HenryC. Wallich envisage le jour où les Etats-Uniscesseraient d'être le pays le plus riche dumonde :

» (...) Nous exigerons des hausses de salairesplus importantes que ne le permettront les gainsen productivité. Nous essayerons d'élever notreniveau de consommation en faisant des coupessombres dans nos réserves, rendant ainsi lacroissance encore plus lente. Nous nous oppo-serons à l'augmentation des impôts avec plusde ténacité et nous priverons le secteur publicdes fonds qu'il requiert pour agir sur la misère,l'environnement, l'instruction et la défense (...)Notre rôle international déclinera (...) » (5). Cons-tatons que l'auteur emploie le futur pour desprocessus déjà entamés.

« L'Etat le plus protectionniste du mondefait la guerre à nos défenses industrielles,commerciales et agricoles. L'Etat le plusnationaliste du monde enseigne non moinsévidemment le nécessaire dépassement des(autres) nations. Enfin, le système politiquele plus canaille qui soit, et d'autant pluscanaille qu'il fait la morale à l'univers éton-né, réussit encore à se donner pour modèleà quelques Européens ou Français, d'aven-ture moins désireux de rester eux-mêmesqu'envieux de singer une vigueur si démo-cratique. »

Philippe de Saint-Robert,(Le Point, du 14 mai 1973.)

Il faut bien dire que ces faiblesses indiscu-tables s'accompagnent d'une impudence décon-certante : car enfin M. Nixon, comme la Perrettede la fable, suppute tous les avantages du potau lait européen. Si par la trahison des parte-naires de la France il parvenait à annuler lesavantages commerciaux européens, il infligeraità l'Europe des « traités inégaux » comme l'An-gleterre et la Russie en imposèrent à la Chineau XIXe siècle. Du même coup — et comme

auparavant — les Etats-Unis seraient d'autantplus riches qu'ils ruineraient plus de monde.En effet ils prêteraient généreusement des flo-rins hollandais aux Soviétiques ; ils avanceraientdes francs belges et luxembourgeois à la Chine ;ils répandraient des francs français pour réparerles destructions causées par leurs armes auVietnam du Nord ; ils rafleraient les intérêts dotous ces prêts généreux consentis avec les res-sources qu'ils ne possèdent pas, et ils se réser-veraient bien entendu un droit de regard surle principal. Le tout permettrait joliment de per-pétuer l'imposture au prix d'une collection d'es-croqueries.

Mais, dira-t-on, en compensation de cet agréa-ble « hold-up », les Etats-Unis assurent la défensede l'Europe. Ce qui est clair, si cela était vrai,c'est qu'ils assureraient leur propre défense.L'Europe toute entière esclave du monde com-muniste, on n'imagine guère ce qu'il resteraitde liberté américaine. On sait d'autre part,selon les plus hautes autorités américaines, quela riposte atomique massive n'interviendraitqu'après bien des coups reçus.

En outre, il faudrait être amnésique pouroublier que les Etats-Unis ont combattu les inté-rêts des Pays-Bas, de la Belgique, de la Grande-Bretagne et de la France dans toutes les partiesdu monde — et même en Europe. A la thèsearrogante et somnambulesque de M. Kissinger,selon qui l'Europe est une région livrée auximpérialistes, la thèse française doit être — souspeine de trahison — que les impérialismes trou-veront leurs limites en se heurtant à l'Europedes patries.

PERCEVAL.

(1) Que l'on nomme parfois, curieusement, « euro-dollar ».

(2) Nous ne nourrissons aucune hostilité de principecontre une alliance américaine, à condition qu'elle soitconclue dans l'indépendance et qu'elle stipule et pratiquela réciprocité.

(3) Quand le communiqué Heath-Pompidou parle d'ac-croître l'importance de la Commission de Bruxelles, onpeut craindre le pire : il n'est question de rien d'autreque de grossir Sir Christopher.

(4) Newsweek du 28 mai 1973.(5) Ibid.

après reykjavikM. Pompidou gère la France comme

une banque c'est-à-dire avec pragma-tisme mais sans imagination.

un Président américain a accepté de rencontreren territoire neutre un Chef d'Etat français, Chefd'Etat qui fait figure — malgré les cris de ragede la presse anglaise — de leader européen.L'Allemagne s'est mise en effet « sur la touche »à cause de son ostpolitik ; l'Italie est en pleineanarchie parlementaire ; quant à l'Angleterre, ellen'est pas parvenue à se dégager de la tutelleaméricaine.

Voici seize ans, le Président Eisenhowervenait directement à Paris dicter au gouverne-ment de la IVe République ce qu'il devait faire.M. Nixon est maintenant obligé de prendre desformes car la France n'est pius, reconnaissons-le, le 51e Etat américain. Ce n'est pas nous quinous en plaindrons.

La négociation a débouché sur une impasse :c'était prévisible. L'Amérique ne songeait qu'àune chose : obtenir le désarmement commercialde l'Europe en faisant un chantage à la protec-tion militaire. Autrement dit les Américains, dé-

barrassés du boulet vietnamien, veulent pouvoirnous livrer à leur aise ta guerre économique.

Face à cela la réaction de M. Pompidou aété saine mais trop étriquée.

Saine : en bon banquier, M. Pompidou saitcompter. Il n'admet pas que leur dominationsur le système monétaire international fassepayer aux autres les conséquences de leur infla-tion. Il a donc mis comme préalable à toutereprise du Nixon Round un accord monétaire.

Trop étriquée : M. Pompidou gère la Francecomme une banque, c'est-à-dire avec pragma-tisme mais sans imagination. Il est bien en peinede préparer une contre-offensive d'envergure enfaisant de la France, sur tous les plans, le mo-dèle et le phare des petites et moyennes nationsface à l'U.R.S.S., aux U.S.A. et à la Chine. Ilest peut-être utile de vendre des armes ou desConcorde aux pays d'Europe et du Tiers-Monde,mais cela ne suffit pas.

Il manque à la diplomatie française un des-sein global hardi ; il lui manque aussi le pres-tige que le « charisme » du général lui avait untemps conféré et que seule une monarchie dotéede la durée pourrait lui rendre.

Paul MA1SONBLANCHE.