au fil du goût chocolat: À vos plaques, prÊts… croquez! · tranche marc-andré cartier, de la...

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HIVER 2017 D e plus en plus, le vocabulaire des chocolatiers emprunte les codes du luxe ou de l’œnologie: «Haute chocolaterie», «Maître chocolatier», «assemblages», «créations sur mesure»... Ce langage reflète une montée en gamme continue pour satisfaire une clientèle plus exi- geante, mais aussi pour se démarquer. Si la consommation individuelle de chocolat en Suisse stagne en volume (autour de 11 kg par an), les particuliers autant que les entreprises sont prêts à payer davantage pour des «grands crus», des provenances rares, des visites d’atelier ou des personnalisations. En pleine période de préparation des Fêtes, nous sommes allés à la rencontre des chocolatiers de Suisse romande pour qu’ils nous parlent des tendances. Le noir revient en force La Suisse est connue pour être le ber- ceau du chocolat au lait. Mais les habi- tudes locales changent. Selon la fédéra- tion Chocosuisse, qui regroupe une vingtaine de sociétés familiales et industrielles, le chocolat au lait possède actuellement une part de marché d’environ 70%. «Aujourd’hui en Suisse romande, nous sommes plutôt à un ratio de deux tiers de chocolat noir, alors que les Suisses allemands ont toujours une préférence majoritaire pour le chocolat au lait», précise Nicolas Humair, à la tête de Jacot Chocolatier, à Noiraigue (NE). «Nous allons clairement de plus en plus vers le chocolat noir, d’ailleurs nous ne proposons plus de chocolat blanc, tranche Marc-André Cartier, de la chocolaterie éponyme à Versoix (GE). Pour autant, il ne faut pas uniquement se fier au pourcentage sur une tablette de chocolat, car il indique la part totale de cacao et de beurre de cacao. Or, c’est uniquement le cacao qui donne tout le goût et les arômes, donc la qualité et les origines sont primordiales.» CHOCOLAT: À VOS PLAQUES, PAR MARJORIE THÉRY TOUR D’HORIZON DES TENDANCES EN SUISSE ROMANDE. Au fil du goût 4 Adrien Fankhauser personnalise ses créations avec le logo des entreprises. Philippe Pascoët collabore avec une marque de gin haut de gamme. Spécialités de Marc-André Cartier, à Versoix (GE).

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CHOCOLAT: À VOS PLAQUES, PRÊTS… CROQUEZ!

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présents, au détriment des arômes.C’est pour cela que j’incorpore lente-ment l’alcool à une ganache quand elle a refroidi.» Au-delà des chocolats alcooli-sés déjà présents dans l’assortiment, comme ceux au rhum, à l’absinthe, ou plus récemment à l’abricotine du Valais, Philippe Pascoët collabore aussi avec une marque de gin haut de gamme. Pour les fêtes de fi n d’année, il prépare égale-ment des coff rets spéciaux avec des chocolats contenant diff érents whiskys pour un club d’amateurs international.

Traçabilité et «grands crus»Attaché à ses racines, Marc-André Cartier représente la sixième génération de la famille fondatrice. C’est aussi un chocolatier qui aime faire voyager ses clients. «Le chocolat est exotique par défi nition, comme le café. Tout comme le vin, il y a des terroirs et des cépages très diff érents en fonction des régions. Pas étonnant quand on sait qu’il y a sept fois plus d’arômes dans le chocolat que dans le vin!»

Nicolas Humair explique que 80% de la production mondiale de chocolat provient d’Afrique, notamment des cacaoyers Forastero. Seule 6% de la production mondiale provient d’Amé-rique centrale, Madagascar et Java, où le Criolo est cultivé. «Il s’agit de la variété la plus rare et la plus recherchée. Nous avons fait le choix de travailler essen-tiellement avec cette seconde variété.»

Il y a clairement une demande des clients pour acquérir la connaissanceet les clés pour mieux consommer du chocolat, souligne Marc-André Cartier. «Nous organisons des cours tous les jeudis soir et nous sommes pleins! Nous faisons déguster nos 18 tablettes pour permettre aux clients d’identifi er les provenances et les arômes et trouverce qui leur correspond le mieux.»

Dégustations, atelier et séminaires rencontrent aussi de plus en plus de succès chez Jacot Chocolatier, dans les deux espaces de Noiraigue et d’Aproz (VS). Ce sont tous les mois une trentaine de groupes qui organisent une visite autour du chocolat en présence d’un

LA NAISSANCE D’UNE MANUFACTURE ARTISANALEORFÈVE La première manufacture artisanale de chocolat de Suisse romande s’est établie depuis quelques mois à Thônex (GE). «De la fève à la tablette», Orfève maîtrise l’ensemble du processus de fabrication de chocolat. Son fondateur, François Xavier Mousin, a convaincu sa compagne Caroline Buechler de lancer le pari un peu fou de passer de l’horlogerie à la fabrication de chocolat: «Nous avons fait énormément de recherches car il n’y a plus de formation. Nous avons aussi beaucoup voyagé.» Le processus de fabrication est complexe, comprenant huit étapes techniques, entre la torréfac-tion, le vannage, l’affinage, le conchage ou encore le tempérage. Orfève ne produit que des tablettes pure origine, basées sur une sélection de variétés de cacaoyers et de terroirs d’exception. Avec au final un goût incomparable… Pour l’heure, quatre épiceries fines distribuent leurs créations à Genève et Lausanne.

Chez Philippe Pascoët à Carouge,80% de la production est composée de chocolats noirs, avec une demande en hausse pour les grands crus. «Quand je me suis lancé au début des années 2000 en voulant faire essentiellement du chocolat noir au pays du chocolat au lait, on m’a pris pour un fou! Mais au-jourd’hui, c’est clairement la tendance qui s’impose en Suisse romande.»

Une autre tendance forte depuis quelques mois selon le chocolatier:les chocolats à l’alcool. Oubliez pourtant l’image et le goût d’une simple coque de chocolat contenant de l’alcool liquide. «L’inconvénient de ce type de formule est que l’alcool et le sucre sont trop

chocolatier et avec la possibilité de faire un atelier. «Nos clients adorent, et cela nous permet de nous rapprocher d’eux. Nous avons beaucoup d’entreprises qui viennent également pour des séminaires.»

Autre tendance forte, la personnalisa-tion et les créations originales. Une tendance qui n’est plus uniquement réservée aux grands comptes, grâcepar exemple à l’entreprise Go-Chocoà Lausanne. «Les PME ne veulent plus off rir de calendrier ou d’agendas que plus personne n’utilise, mais elles souhaitent toujours un produit avec l’identité de leur entreprise», précise Adrien Fankhauser. Le jeune entrepre-neur a développé une technique de production rapide et abordable, permet-tant de personnaliser des tablettes de chocolat avec le logo de l’entreprise. Créée au printemps, Go-Choco a déjà conquis une trentaine d’entreprises.

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De plus en plus, le vocabulairedes chocolatiers emprunte les codes du luxe ou de l’œnologie:«Haute chocolaterie»,

«Maître chocolatier», «assemblages», «créations sur mesure»... Ce langage refl ète une montée en gamme continue pour satisfaire une clientèle plus exi-geante, mais aussi pour se démarquer.

Si la consommation individuelle de chocolat en Suisse stagne en volume (autour de 11 kg par an), les particuliers autant que les entreprises sont prêtsà payer davantage pour des «grands crus», des provenances rares, des visites d’atelier ou des personnalisations. En pleine période de préparation des Fêtes, nous sommes allés à la rencontre des chocolatiers de Suisse romande pour qu’ils nous parlent des tendances.

Le noir revient en forceLa Suisse est connue pour être le ber-ceau du chocolat au lait. Mais les habi-tudes locales changent. Selon la fédéra-tion Chocosuisse, qui regroupe une vingtaine de sociétés familiales et industrielles, le chocolat au lait possède actuellement une part de marché d’environ 70%. «Aujourd’hui en Suisse romande, nous sommes plutôt à un ratio de deux tiers de chocolat noir, alors que les Suisses allemands ont toujours une préférence majoritaire pour le chocolat au lait», précise Nicolas Humair, à la tête de Jacot Chocolatier, à Noiraigue (NE). «Nous allons clairement de plus en plus vers le chocolat noir, d’ailleurs nousne proposons plus de chocolat blanc, tranche Marc-André Cartier, de la chocolaterie éponyme à Versoix (GE). Pour autant, il ne faut pas uniquement se fi er au pourcentage sur une tablette de chocolat, car il indique la part totale de cacao et de beurre de cacao. Or, c’est uniquement le cacao qui donne toutle goût et les arômes, donc la qualitéet les origines sont primordiales.»

CHOCOLAT: À VOS PLAQUES, PRÊTS… CROQUEZ! PAR MARJORIE THÉRY TOUR D’HORIZON DES TENDANCES EN SUISSE ROMANDE.

Au fil du goût4

Adrien Fankhauser personnalise ses

créations avec le logo des entreprises.

Philippe Pascoët collabore avec

une marque de gin haut de gamme.

Spécialités

de Marc-André

Cartier,

à Versoix (GE).

CHOCOLAT: À VOS PLAQUES, PRÊTS… CROQUEZ!

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présents, au détriment des arômes.C’est pour cela que j’incorpore lente-ment l’alcool à une ganache quand elle a refroidi.» Au-delà des chocolats alcooli-sés déjà présents dans l’assortiment, comme ceux au rhum, à l’absinthe, ou plus récemment à l’abricotine du Valais, Philippe Pascoët collabore aussi avec une marque de gin haut de gamme. Pour les fêtes de fi n d’année, il prépare égale-ment des coff rets spéciaux avec des chocolats contenant diff érents whiskys pour un club d’amateurs international.

Traçabilité et «grands crus»Attaché à ses racines, Marc-André Cartier représente la sixième génération de la famille fondatrice. C’est aussi un chocolatier qui aime faire voyager ses clients. «Le chocolat est exotique par défi nition, comme le café. Tout comme le vin, il y a des terroirs et des cépages très diff érents en fonction des régions. Pas étonnant quand on sait qu’il y a sept fois plus d’arômes dans le chocolat que dans le vin!»

Nicolas Humair explique que 80% de la production mondiale de chocolat provient d’Afrique, notamment des cacaoyers Forastero. Seule 6% de la production mondiale provient d’Amé-rique centrale, Madagascar et Java, où le Criolo est cultivé. «Il s’agit de la variété la plus rare et la plus recherchée. Nous avons fait le choix de travailler essen-tiellement avec cette seconde variété.»

Il y a clairement une demande des clients pour acquérir la connaissanceet les clés pour mieux consommer du chocolat, souligne Marc-André Cartier. «Nous organisons des cours tous les jeudis soir et nous sommes pleins! Nous faisons déguster nos 18 tablettes pour permettre aux clients d’identifi er les provenances et les arômes et trouverce qui leur correspond le mieux.»

Dégustations, atelier et séminaires rencontrent aussi de plus en plus de succès chez Jacot Chocolatier, dans les deux espaces de Noiraigue et d’Aproz (VS). Ce sont tous les mois une trentaine de groupes qui organisent une visite autour du chocolat en présence d’un

LA NAISSANCE D’UNE MANUFACTURE ARTISANALEORFÈVE La première manufacture artisanale de chocolat de Suisse romande s’est établie depuis quelques mois à Thônex (GE). «De la fève à la tablette», Orfève maîtrise l’ensemble du processus de fabrication de chocolat. Son fondateur, François Xavier Mousin, a convaincu sa compagne Caroline Buechler de lancer le pari un peu fou de passer de l’horlogerie à la fabrication de chocolat: «Nous avons fait énormément de recherches car il n’y a plus de formation. Nous avons aussi beaucoup voyagé.» Le processus de fabrication est complexe, comprenant huit étapes techniques, entre la torréfac-tion, le vannage, l’affinage, le conchage ou encore le tempérage. Orfève ne produit que des tablettes pure origine, basées sur une sélection de variétés de cacaoyers et de terroirs d’exception. Avec au final un goût incomparable… Pour l’heure, quatre épiceries fines distribuent leurs créations à Genève et Lausanne.

Chez Philippe Pascoët à Carouge,80% de la production est composée de chocolats noirs, avec une demande en hausse pour les grands crus. «Quand je me suis lancé au début des années 2000 en voulant faire essentiellement du chocolat noir au pays du chocolat au lait, on m’a pris pour un fou! Mais au-jourd’hui, c’est clairement la tendance qui s’impose en Suisse romande.»

Une autre tendance forte depuis quelques mois selon le chocolatier:les chocolats à l’alcool. Oubliez pourtant l’image et le goût d’une simple coque de chocolat contenant de l’alcool liquide. «L’inconvénient de ce type de formule est que l’alcool et le sucre sont trop

chocolatier et avec la possibilité de faire un atelier. «Nos clients adorent, et cela nous permet de nous rapprocher d’eux. Nous avons beaucoup d’entreprises qui viennent également pour des séminaires.»

Autre tendance forte, la personnalisa-tion et les créations originales. Une tendance qui n’est plus uniquement réservée aux grands comptes, grâcepar exemple à l’entreprise Go-Chocoà Lausanne. «Les PME ne veulent plus off rir de calendrier ou d’agendas que plus personne n’utilise, mais elles souhaitent toujours un produit avec l’identité de leur entreprise», précise Adrien Fankhauser. Le jeune entrepre-neur a développé une technique de production rapide et abordable, permet-tant de personnaliser des tablettes de chocolat avec le logo de l’entreprise. Créée au printemps, Go-Choco a déjà conquis une trentaine d’entreprises.

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De plus en plus, le vocabulairedes chocolatiers emprunte les codes du luxe ou de l’œnologie:«Haute chocolaterie»,

«Maître chocolatier», «assemblages», «créations sur mesure»... Ce langage refl ète une montée en gamme continue pour satisfaire une clientèle plus exi-geante, mais aussi pour se démarquer.

Si la consommation individuelle de chocolat en Suisse stagne en volume (autour de 11 kg par an), les particuliers autant que les entreprises sont prêtsà payer davantage pour des «grands crus», des provenances rares, des visites d’atelier ou des personnalisations. En pleine période de préparation des Fêtes, nous sommes allés à la rencontre des chocolatiers de Suisse romande pour qu’ils nous parlent des tendances.

Le noir revient en forceLa Suisse est connue pour être le ber-ceau du chocolat au lait. Mais les habi-tudes locales changent. Selon la fédéra-tion Chocosuisse, qui regroupe une vingtaine de sociétés familiales et industrielles, le chocolat au lait possède actuellement une part de marché d’environ 70%. «Aujourd’hui en Suisse romande, nous sommes plutôt à un ratio de deux tiers de chocolat noir, alors que les Suisses allemands ont toujours une préférence majoritaire pour le chocolat au lait», précise Nicolas Humair, à la tête de Jacot Chocolatier, à Noiraigue (NE). «Nous allons clairement de plus en plus vers le chocolat noir, d’ailleurs nousne proposons plus de chocolat blanc, tranche Marc-André Cartier, de la chocolaterie éponyme à Versoix (GE). Pour autant, il ne faut pas uniquement se fi er au pourcentage sur une tablette de chocolat, car il indique la part totale de cacao et de beurre de cacao. Or, c’est uniquement le cacao qui donne toutle goût et les arômes, donc la qualitéet les origines sont primordiales.»

CHOCOLAT: À VOS PLAQUES, PRÊTS… CROQUEZ! PAR MARJORIE THÉRY TOUR D’HORIZON DES TENDANCES EN SUISSE ROMANDE.

Au fil du goût4

Adrien Fankhauser personnalise ses

créations avec le logo des entreprises.

Philippe Pascoët collabore avec

une marque de gin haut de gamme.

Spécialités

de Marc-André

Cartier,

à Versoix (GE).