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La biodynamie, née en 1924 en Allemagne, est la première en date des méthodes d’agriculture dites biologiques. Sa spécificité réside dans les liens qu’elle établit entre les différents règnes de la nature : le minéral, le végétal, l’animal, l'être humain et le cosmos. Sa pratique peut être certifiée via le label Demeter. Les fondements de l'agriculture biodyna- mique ont été posés, en 1924, par Rudolf Steiner (1861-1925), philosophe autrichien. Ses conférences, destinées à un public d’agri- culteurs, sont considérées comme fonda- trices de l’agriculture biologique. En 2016, le label Demeter est présent dans une cin- quantaine de pays avec 5 276 producteurs sur une surface de 180 000 hectares (environ 40 % des surfaces sont en Allemagne). En France, la biodynamie s’est surtout dévelop- pée dans la viticulture. En 2017, parmi les 600 producteurs certifiés Demeter, 418 sont des viticulteurs. Pour être certifiée Demeter, une ferme doit obligatoirement être certifiée bio. La recherche d’un accord entre l’agriculture et la nature Un des principes de base de l'agriculture bio- dynamique est l'autonomie (et non l'autar- cie), avec une recherche d’équilibre entre la surface de terres cultivées, les prairies et les animaux. Les productions de fourrage, des semences et de fumure sont réalisées au maximum sur la ferme. Une ferme est un "organisme agricole", soit une unité vivante, intégrée dans une structure plus vaste et complexe. La biodiversité doit y être dévelop- pée car c’est un gage d’équilibre, de stabilité et de santé sur la ferme. Le lien de l’homme à l’animal "domestiqué", "élevé" est un lien de responsabilité et non de culpabilité. Le concept de dynamisation Dès 1924, avec l’apparition des engrais chimiques, la biodynamie considère que la terre est malade de toutes les pollutions. Des préparations d'origine minérale, végétale et animale visent à rendre le sol et la plante à nouveau sensibles, réceptifs aux nombreuses influences subtiles de la terre et du ciel. La bouse de corne et la silice sont dynamisées une heure avant d'être épandues : la première au sol, la seconde sur la végétation. Découvrir la biodynamie en élévage, bio mais énergie volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin agrobiologie culture 19 janvier 2018 30 herbivores Louis Michel Élu à la chambre d’agriculture de la Mayenne et a été vice-président de l’institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) Quand et comment vous êtes-vous intéressé aux concepts de la biodynamie ? Louis Michel. J’ai découvert la biodynamie en 1976 et travaillé avec le calendrier de Maria Thun pendant 41 ans. Pourquoi sensibiliser les agriculteurs à la biodynamie ? L.M. Les essais du FIBL ont permis de légitimer la biodynamie : des résultats ont montré que ces pratiques avaient des effets mesurables, distinguables des pratiques bio, notamment sur les sols. Depuis ma retraite, j’ai aussi du temps et le recul nécessaire pour expliquer ma pratique biodynamique avec des mots simples. Pourquoi insistez-vous dans votre formation sur le calendrier de Maria Thu ? L.M. L’enjeu du calendrier bio-dynamique est de respecter les rythmes de la Terre. Pourquoi ? Parce que cela donne du sens à la vie et à la vie de la terre. Les animaux et les plantes ont un corps de vie, ils sont reliés aux rythmes de la terre, de la lune, du soleil, des autres pla- nètes. La lecture du calendrier demande de l’investissement – par la formation, on peut mettre des mots derrière les signes. L’astronomie n’est pas de l’astrologie. En biodynamie on prend en compte les posi- tions réelles des constellations dans le ciel et non simplement les signes (= astrologie). Faut-il suivre ce calendrier à la lettre ? L.M. On se soucie d’abord de la météo et de l’agronomie (sol suffisam- ment ressuyés pour intervenir par exemple). Les rythmes lunaires et planétaires arrivent ensuite. Dans tous les cas cependant, j’essaie d’éviter les jours défavorables du calendrier. Passeur de biodynamie Louis Michel est une figure connue du monde de l’agriculture biologique française. Sa ferme a été certifiée en bio dès 1979 et transmise en bio en 2014. Aujourd’hui retraité actif, il consacre un peu de son temps à faire découvrir la biodynamie à ses pairs en Mayenne. (Sources : sites internet Demeter France et international) En biodynamie, toutes les vaches gardent leurs cornes.

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Page 1: 19 janvier 2018 herbivores Découvrir la biodynamie en ... · de la Terre. Pourquoi ? Parce que cela donne du sens à la vie et à la vie de la terre. Les animaux et les plantes ont

La biodynamie, née en 1924 en Allemagne, est la première en date des méthodes d’agriculture dites biologiques. Sa spécificité réside dans les liens qu’elle établit entre lesdifférents règnes de la nature : le minéral,le végétal, l’animal, l'être humain et le cosmos. Sa pratique peut être certifiée via le label Demeter.

Les fondements de l'agriculture biodyna-mique ont été posés, en 1924, par Rudolf Steiner (1861-1925), philosophe autrichien. Ses conférences, destinées à un public d’agri-culteurs, sont considérées comme fonda-trices de l’agriculture biologique. En 2016, le label Demeter est présent dans une cin-quantaine de pays avec 5 276 producteurs sur une surface de 180 000 hectares (environ 40 % des surfaces sont en Allemagne). En France, la biodynamie s’est surtout dévelop-pée dans la viticulture. En 2017, parmi les 600 producteurs certifi és Demeter, 418 sont

des viticulteurs. Pour être certifi ée Demeter, une ferme doit obligatoirement être certifi ée bio.

La recherche d’un accord entre l’agriculture et la natureUn des principes de base de l'agriculture bio-dynamique est l'autonomie (et non l'autar-cie), avec une recherche d’équilibre entre la

surface de terres cultivées, les prairies et les animaux. Les productions de fourrage, des semences et de fumure sont réalisées au maximum sur la ferme. Une ferme est un "organisme agricole", soit une unité vivante, intégrée dans une structure plus vaste et complexe. La biodiversité doit y être dévelop-pée car c’est un gage d’équilibre, de stabilité et de santé sur la ferme. Le lien de l’homme à l’animal "domestiqué", "élevé" est un lien de responsabilité et non de culpabilité.

Le concept de dynamisationDès 1924, avec l’apparition des engrais chimiques, la biodynamie considère que la terre est malade de toutes les pollutions. Des préparations d'origine minérale, végétale et animale visent à rendre le sol et la plante à nouveau sensibles, réceptifs aux nombreuses infl uences subtiles de la terre et du ciel. La bouse de corne et la silice sont dynamisées une heure avant d'être épandues : la première au sol, la seconde sur la végétation.

Découvrir la biodynamie en élévage, bio mais pas seulement

énergie volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin agrobiologie culture

19 janvier 2018

19 janvier 201830 énergie volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin agrobiologie culture herbivores

Louis Michel

Élu à la chambre d’agriculture de la Mayenne et a été vice-président de l’institut technique de l’agriculture biologique (ITAB)

Quand et comment vous êtes-vous intéressé aux concepts de la biodynamie ? Louis Michel. J’ai découvert la biodynamie en 1976 et travaillé avec le calendrier de Maria Thun pendant 41 ans.

Pourquoi sensibiliser les agriculteurs à la biodynamie ? L.M. Les essais du FIBL ont permis de légitimer la biodynamie : des résultats ont montré que ces pratiques avaient des effets mesurables, distinguables des pratiques bio, notamment sur les sols. Depuis ma retraite, j’ai aussi du temps et le recul nécessaire pour expliquer ma pratique biodynamique avec des mots simples.

Pourquoi insistez-vous dans votre formation sur le calendrier de Maria Thu ? L.M. L’enjeu du calendrier bio-dynamique est de respecter les rythmes de la Terre. Pourquoi ? Parce que cela donne du sens à la vie et à la

vie de la terre. Les animaux et les plantes ont un corps de vie, ils sont reliés aux rythmes de la terre, de la lune, du soleil, des autres pla-nètes. La lecture du calendrier demande de l’investissement – par la formation, on peut mettre des mots derrière les signes. L’astronomie n’est pas de l’astrologie. En biodynamie on prend en compte les posi-tions réelles des constellations dans le ciel et non simplement les signes (= astrologie).

Faut-il suivre ce calendrier à la lettre ? L.M. On se soucie d’abord de la météo et de l’agronomie (sol suffi sam-ment ressuyés pour intervenir par exemple). Les rythmes lunaires et planétaires arrivent ensuite. Dans tous les cas cependant, j’essaie d’éviter les jours défavorables du calendrier.

Passeur de biodynamie Louis Michel est une figure connue du monde de l’agriculture biologique française. Sa ferme a été certifiée en bio dès 1979 et transmise en bio en 2014. Aujourd’hui retraité actif, il consacre un peu de son temps à faire découvrir la biodynamie à ses pairs en Mayenne.

(Sources : sites internet Demeter France et international)

En biodynamie, toutes les vaches gardent leurs cornes.

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volaille légumes lait porc bovin-viande environnement observatoire pondeuse ovin-caprin agrobiologie culture nouveaux marchés vie des stations 31 19 janvier 2018

19 janvier 2018

Les périodes de travaux et d'emploi des pré-parations sont choisies en fonction des cycles lunaires, de la position des constellations mais aussi du moment de la journée, en lien avec les conditions agronomiques et météo-rologiques. L’objectif est la production d’une nourriture de qualité vivifi ante, favorable au vivant.

Une approche controversée mais pratiquéeLa véracité scientifi que des concepts biody-namiques fait l’objet de nombreuses contro-verses – il ne s’agit pas ici de prendre posi-tion mais de relater l’expérience et l’approche

d’agriculteurs qui la pratiquent sur notre ter-ritoire. Un des essais, incontesté dans ses méthodes et les résultats, est l’expérimen-tation sur 21 ans de l’institut technique FIBL Suisse. Cette comparaison de différentes méthodes agricoles, bio et conventionnelles, a montré que les pratiques biodynamiques avaient un impact particulier et positif sur les sols.

Découvrir la biodynamie en élévage, bio mais pas seulement

Soazig PercheConseillère en agriculture biologique

Dominique FourmontÉleveur et maraîcher bio à Erbrée (35)

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?Dominique Fourmont. J’ai fait ma formation agricole à l’école de Beaujeu. Cette école d’agrobiologie, en plein cœur du Beaujolais, a été un des fers de lance de l’agriculture biologique en France. J’ai ensuite voyagé et travaillé au Québec dans une ferme biodynamique. Je me suis installé en bio en 1993 en production laitière avec des normandes. La biodynamie n’a pas été présente dès le début sur la ferme. En 2005, suite à des problèmes sur le troupeau laitier, j’ai fait appel à Jean-Claude Poëncet, conseiller spécialisé en biodynamie. Il m’a amené à repenser mon mode d’élevage, à travailler plus "en conscience".

Concrètement, qu’est ce qui a changé sur votre métier d’éleveur ?D. F. La mise en route de la biodynamie passe par la revitalisation des sols et des animaux. Quand on démarre cette aventure, ce sont alors mille portes qui s’ouvrent. C’est aussi un changement majeur qui demande de la réfl exion et du temps avant de s’y engager pleinement.En biodynamie comme en agriculture traditionnelle, il faut des résul-tats probants. Si quelque chose ne marche pas, on s’est trompé. La diffi culté réside dans le délai requis pour des résultats pratiques : deux à trois ans pour le végétal et cinq à sept ans pour les animaux.En termes d’élevage, le troupeau laitier, tel qu’il est ce jour, n’a rien à voir avec celui d’il y a 15 ans. Ce troupeau me correspond mieux. Les animaux ont été sélectionnés selon leurs formes, leurs sensibilités aux maladies. Ils sont aujourd’hui mieux structurés, avec de meilleurs aplombs. L’enjeu de l’éleveur biodynamiste est d’anticiper les sources des pathologies, par la qualité des fourrages et par une meilleure gestion du sol. Les sols tassés sont des sources d’anaérobie et ces défauts se retrouveront dans les fourrages produits.

Depuis le passage du bio à la biodynamie, je suis plus attentif à la qua-lité des aliments. La betterave est distribuée en plus petite quantité car mieux formée grâce aux apports de silice dynamisée. Des "alicaments" contribuent à la prévention des pathologies : lin, tisane de miel… Les dates de fauches ont évolué pour donner du foin avec plus de fl eurs. Les dates et heures de récoltes sont faites selon le calendrier lunaire. Le bovin reconnaît des foins qui ont été dynamisés par les préparats de bouse de corne et silice. L’homéopathie fait partie de l’arsenal thérapeutique. Je n’utilise plus de produit de synthèse. Les vaches produisent en moyenne 3 800 l de lait, autant qu’en bio auparavant… mais sans les problèmes de santé ou de fertilité que j’ai pu avoir par le passé !

En biodynamie, la ferme devient un "organisme agricole ", qu’est-ce que cela signifi e pour vous ?D. F. Pour un biodynamiste, la qualité de la bouse et des composts est aussi importante que celle du lait de la ferme. J’ai ré-appris à observer ma ferme, à aiguiser mes sens pour observer et appréhender les infl uences multiples, notamment celle du soleil, de la lune et des autres planètes. La prise en compte de cette infl uence cosmique fait aussi partie de mon lien avec la nature.

Qu’est-ce que vous retenez aujourd’hui de cette expérience ?D. F. La biodynamie m’a permis de retrouver un sens à mon métier d’éleveur. Elle m’a redonné confi ance en moi dans un environnement où on a de moins en moins de repères. Se repositionner dans un monde où on suit les cycles et leurs infl uences m’a aidé à développer ma capacité d’observation et de travail "en conscience".

La biodynamie en pratique Dominique Fourmont est installé depuis 1993 sur une ferme laitière de 32 hectares à Erbrée. Odette son épouse, l’a rejoint en 2001 et mis en place un atelier de légumes en vente directe. Depuis 2005, ils ont adopté les préceptes de la biodynamie. Rencontre avec un passionné.

7- 8 FÉVRIER, DEUX JOURSPOUR DÉCOUVRIR LES PRATIQUES BIODYNAMIQUES

La chambre régionale de Bretagne organise une formation de deux jours en lien avec le mouvement de la biodynamie (MABD) les 7 et 8 février prochains à Rennes. Elisabeth Jacquin, formatrice à la MABD, assurera cette introduction aux concepts et pratiques de la biodynamie dans une ferme de polyculture-élevage. La ferme d’Odette et de Dominique Fourmont, certifi ée Demeter, fera l’objet d’une visite en 2e journée. Contact et inscription : Soazig Perche, conseillère bio 02.23.48.27.38