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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée Question : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros ? Liste des textes 1. TEXTE 1 / STENDHAL, Le rouge et le noir (1830) Le héros démuni et spectateur - Lecture analytique - Connaissances : Focalisations / Présence du narrateur - Connaissance : Les registres (Le Comique, l’ironie) - Connaissances : figures de Style -> module ? - Bac : Le paragraphe de commentaire : complexité du comique dans une scène de guerre - Bac : L’écriture d’invention (sujet p.253) 1.b Textes complémentaires : - Victor HUGO, Les Misérables (1862), La charge des cuirassiers à Waterloo - Connaissances : Le registre épique TEXTE 2 / CHATEAUBRIAND, Mémoires d’outre-tombe (1849) Le héros témoin de son temps - Connaissances : Le registre épique - Connaissances : Le texte argumentatif - > DELIBERER 2. TEXTE 2 / Victor HUGO, Les Misérables (1862), La barricade Le héros acteur et héroïque - Lecture analytique : un texte réaliste ? - Connaissances : Focalisations / Présence du narrateur - Connaissance : Les registres (épique)

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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée

Question  : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros   ?

Liste des textes

1. TEXTE 1 / STENDHAL, Le rouge et le noir (1830) Le héros démuni et spectateur

- Lecture analytique

- Connaissances : Focalisations / Présence du narrateur- Connaissance : Les registres (Le Comique, l’ironie)- Connaissances : figures de Style -> module ?

- Bac : Le paragraphe de commentaire : complexité du comique dans une scène de guerre- Bac : L’écriture d’invention (sujet p.253)

1.b Textes complémentaires :

- Victor HUGO, Les Misérables (1862), La charge des cuirassiers à Waterloo - Connaissances : Le registre épique

TEXTE 2 / CHATEAUBRIAND, Mémoires d’outre-tombe (1849)Le héros témoin de son temps

- Connaissances : Le registre épique- Connaissances : Le texte argumentatif - > DELIBERER

2. TEXTE 2 / Victor HUGO, Les Misérables (1862), La barricade Le héros acteur et héroïque

- Lecture analytique : un texte réaliste ?

- Connaissances : Focalisations / Présence du narrateur- Connaissance : Les registres (épique)

2.b analyse filmique : La question de l’adaptation d’une grande page de littérature : La mort de Gavroche

- Les Misérables de Robert Hossein, 1982- Les Misérables de Josée Dayan, 2000- Les Misérables de Tom Hooper, 2013

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- Connaissances : Le romantisme

- Analysez une image : les 3 temps de l’analyse : Décrire / etc.

3. CELINE, Voyage au bout de la nuit (1932), Bardamu au frontLe anti héros

- Lecture analytique : comique et satire- Les registres de langue - Bac : un paragraphe de commentaire composé

4. MALRAUX, La Condition humaine (1892) Le héros et l’héroïsme en question

- Connaissances : Focalisations / Présence du narrateur- Connaissances : figures de Style -> module ?

- Bac : La question sur corpus

2.b Iconographie complémentaire :

- DELACROIX, La Liberté guidant le peuplehttps://www.histoire-image.org/etudes/liberte-guidant-peuple-eugene-delacroix

- TARDI, Putain de guerre, Tome 2, p.20

- Clément Auguste ANDRIEUX, La bataille de Waterloo, 18 Juin 1815https://www.histoire-image.org/etudes/bataille-waterloo-18-juin-1815?i=462

- TURNER, The field of Waterloo

Transversal : Les mouvements littéraires du XIX° siècle

Œuvre intégrale Lecture obligatoire : une œuvre au choix

Au choix

- Hugo, Les Misérables, Tome II, livre 1 (1862)

- Malraux, La condition humaine (1933)

- Céline, Voyage au bout de la nuit (1932)

-

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GT 1- Texte 1 : STENDHAL, La chartreuse de Parme (1839)

Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles. L'escorte prit le galop; on traversait une grande pièce de terre labourée, située au-delà du canal, et ce champ était jonché de cadavres.

-- Les habits rouges ! Les habits rouges ! Criaient avec joie les hussards de l'escorte, et d'abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin il remarqua qu'en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge. Une circonstance lui donna un frisson d'horreur ; il remarqua que beaucoup de ces malheureux habits rouges vivaient encore, ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s'arrêtait pour leur en donner. Notre héros, fort humain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L'escorte s'arrêta ; Fabrice, qui ne faisait pas assez d'attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé.

-- Veux-tu bien t'arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal des logis. Fabrice s'aperçut qu'il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant se ranger à la queue des autres hussards restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi, d'un air d'autorité et presque de réprimande ; il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie la geôlière, il arrangea une petite phrase bien française, bien correcte, et dit à son voisin:

-- Quel est-il ce général qui gourmande son voisin ?

-- Pardi, c'est le maréchal !

-- Quel maréchal?

-- Le maréchal Ney, bêta ! Ah çà! Où as-tu servi jusqu'ici ?

Fabrice, quoique fort susceptible, ne songea point à se fâcher de l'injure ; il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskova, le brave des braves.

Tout à coup on partit au grand galop. Quelques instants après, Fabrice vit, à vingt pas en avant, une terre labourée qui était remuée d'une façon singulière. Le fond des sillons était plein d'eau, et la terre fort humide, qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri sec auprès de lui : c'étaient deux hussards qui tombaient atteints par des boulets ; et, lorsqu'il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l'escorte. Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrailles ; il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue.

Ah ! M’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J'ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. A ce moment, l'escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c'étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts. Il avait beau regarder du côté d'où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n'y comprenait rien du tout.

A ce moment, les généraux et l'escorte descendirent dans un petit chemin plein d'eau, qui était à cinq pieds en contre-bas.

Le maréchal s'arrêta, et regarda de nouveau avec sa lorgnette. Fabrice, cette fois, put le voir tout à son aise ; il le trouva très blond, avec une grosse tête rouge. Nous n'avons point des figures comme celle-là en Italie, se dit-il. Jamais, moi qui suis si pâle et qui ai des cheveux châtains, je ne serai comme ça, ajoutait-il avec tristesse. Pour lui ces paroles voulaient dire : Jamais je ne serai un héros. Il regarda les hussards ; à l'exception d'un seul, tous avaient

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des moustaches jaunes. Si Fabrice regardait les hussards de l'escorte, tous le regardaient aussi. Ce regard le fit rougir, et, pour finir son embarras, il tourna la tête vers l'ennemi.

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GT 1- Texte 1 : STENDHAL, La chartreuse de Parme (1839)

Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles. L'escorte prit le galop; on traversait une grande pièce de terre labourée, située au-delà du canal, et ce champ était jonché de cadavres.

-- Les habits rouges ! Les habits rouges ! Criaient avec joie les hussards de l'escorte, et d'abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin il remarqua qu'en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge. Une circonstance lui donna un frisson d'horreur ; il remarqua que beaucoup de ces malheureux habits rouges vivaient encore, ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s'arrêtait pour leur en donner. Notre héros, fort humain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L'escorte s'arrêta ; Fabrice, qui ne faisait pas assez d'attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé.

-- Veux-tu bien t'arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal des logis. Fabrice s'aperçut qu'il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant se ranger à la queue des autres hussards restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi, d'un air d'autorité et presque de réprimande ; il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie la geôlière, il arrangea une petite phrase bien française, bien correcte, et dit à son voisin:

-- Quel est-il ce général qui gourmande son voisin ?

-- Pardi, c'est le maréchal !

-- Quel maréchal?

-- Le maréchal Ney, bêta ! Ah çà! Où as-tu servi jusqu'ici ?

Fabrice, quoique fort susceptible, ne songea point à se fâcher de l'injure ; il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskova, le brave des braves.

Tout à coup on partit au grand galop. Quelques instants après, Fabrice vit, à vingt pas en avant, une terre labourée qui était remuée d'une façon singulière. Le fond des sillons était plein d'eau, et la terre fort humide, qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri sec auprès de lui : c'étaient deux hussards qui tombaient atteints par des boulets ; et, lorsqu'il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l'escorte. Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrailles ; il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue.

Ah ! M’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J'ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. A ce moment, l'escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c'étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts. Il avait beau regarder du côté d'où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n'y comprenait rien du tout.

A ce moment, les généraux et l'escorte descendirent dans un petit chemin plein d'eau, qui était à cinq pieds en contre-bas.

Le maréchal s'arrêta, et regarda de nouveau avec sa lorgnette. Fabrice, cette fois, put le voir tout à son aise ; il le trouva très blond, avec une grosse tête rouge. Nous n'avons point des figures comme celle-là en Italie, se dit-il. Jamais, moi qui suis si pâle et qui ai des cheveux châtains, je ne serai comme ça, ajoutait-il avec tristesse. Pour lui ces paroles voulaient dire : Jamais je ne serai un héros. Il regarda les hussards ; à l'exception d'un seul, tous avaient

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des moustaches jaunes. Si Fabrice regardait les hussards de l'escorte, tous le regardaient aussi. Ce regard le fit rougir, et, pour finir son embarras, il tourna la tête vers l'ennemi.

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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée

Question : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros ?

Texte 1

La bataille de Waterloo Stendhal, La Chartreuse de Parme (1839)

➔ Objectif : analyser le rapport entre l’Histoire et l’histoire d’un antihéros.

Texte 1 STENDHAL

QUESTIONS

Première Lecture

Quelle vision de la guerre ce texte donne-t-il ?

Lecture analytique

Un point de vue limité

1. Quel est le type de focalisation adopté ? Analysez les différentes perceptions de Fabrice ainsi que les occurrences du verbe « comprendre » : quelle est la situation du personnage ?

2. Étudiez les passages de discours direct et justifiez l'écriture italique de « gourmande » : que révèlent-ils du caractère du personnage ?

L’auteur et son personnage

3. Analysez la façon dont le narrateur désigne Fabrice. Comment manifeste-t-il sa présence dans ce récit ?

4. Quelle est l'attitude de l'auteur à l'égard de son personnage ?

5. Montrez qu’en dépit du comique de situation / caractère Stendhal développe une critique de la guerre

ÉCRITURE D'INVENTION

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Racontez un incident ou un événement contemporain (historique, social, etc.) à travers le point de vue limité d'un témoin qui ne comprend pas ce qui se passe.

➔ Réponses aux questions

Lecture analytique

I. Un point de vue limité

1. Le point de vue adopté est interne, il s’agit de celui de Fabrice. Nous suivons la bataille à travers son regard naïf. Ainsi, on peut relever de nombreux verbes de perception visuelle

- « s’apercevoir » (l. 14), - « voir » (l. 16, 29, 40), - « contempler » (l. 26), - « remarquer » (l. 7, 32), - « regarder » (l. 34, 40).

Mais il y a toujours un temps de décalage entre la perception et la compréhension de ce qui se passe. Ainsi Fabrice ne comprend-il pas (l. 7) l’exclamation « Les habits rouges ! » (l. 6) jusqu’à ce qu’il remarque les cadavres. À la fin de l’extrait, Fabrice parvient à analyser ce qui arrive, il comprend « que c’étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts » (l. 54 à 56). Mais ses perceptions se brouillent et il finit par ne plus rien comprendre du tout (l. 61-62).

Perceptions auditives aussi qui traduisent le bruit et la fureur de la bataille (l. 2, 33, 43).- Les qualificatifs traduisent les sentiments du personnage: - pitié (« malheureux », l. 8 et 12), - admiration (« fameux », l. 27), - effroi (« horrible », l. 34). -

La modalisation accentue cette focalisation interne

« Composante du procès d'énonciation permettant d'estimer le degré d'adhésion du locuteur à son énoncé. »

- emploi du « on » (L.29 : «tout à coup on partit au grand galop »),- « d’une façon singulière » (donc surprenante) L.30- « il avait beau regarder » (l. 40), - modalisateur (l. 43 : « il lui semblait que… »), - enfin « il ne comprenait rien du tout. » L43-44

L’emploi de la focalisation interne est une mise en œuvre du « réalisme subjectif » stendhalien. (Réalisme de l’action vu par le petit bout de la lorgnette)

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2. Le discours direct et la définition du personnage par ses paroles

On peut relever quatre passages au discours direct. L.6 : Le premier rapporte les cris des soldats, tels que Fabrice les entend, sans les comprendre : « Les habits rouges ! les habits rouges ! » (l. 6).

L.14 : Le deuxième rapporte les paroles du maréchal des logis au héros, lui demandant de s’arrêter car il gêne les généraux : cette réplique participe au registre comique du texte.

L.19 – 24 : S’ensuit un dialogue entre un soldat et Fabrice. Ce dernier étant italien, il ne maîtrise pas les niveaux de langue du français, d’où l’emploi du verbe « gourmander », trop soutenu et précieux par rapport au contexte de la bataille (l. 26 à 29). DECLAGE COMIQUE

L.36 : « Ah ! M’y voilà donc enfin au feu ! » Fabrice y exprime sa satisfaction d’avoir vécu une bataille. Le discours direct a donc pour fonction de souligner la naïveté du personnage.

II. L’auteur et son personnage

1. Notre héros

Le narrateur désigne Fabrice par le groupe nominal « notre héros » (l. 1, 12, 54) qui exprime une forme de complicité entre le narrateur et le lecteur. La formule est ironique, et remise immédiatement en question à la première ligne : « Notre héros était fort peu héros en ce moment. »

L.14 : Blanc-bec : « Jeune homme sans expérience et prétentieux. »

Stendhal décrit avec humour et tendresse le jeune idéaliste admirateur de Ney (l. 16), qualifiant sa pose d’« enfantine ». Il rappelle au passage la susceptibilité du jeune homme

2. Ironie de Stendhal

L’expression « notre héros » connote l’ambivalence de l’auteur, partagé entre sympathie et ironie à l’égard de son personnage.

Fabrice n’est pas acteur mais spectateur de l’action (donc bien peu héros : expliquer la notion de héros), transformée par son regard naïf de beta

Héros

- Personne qui se distingue par sa bravoure, ses mérites exceptionnels: Des soldats morts en héros.- Principal personnage d'une œuvre littéraire, dramatique, cinématographique : Les héroïnes de Racine.- Personne à qui est arrivée une aventure, qui a joué le principal rôle dans une certaine situation.

3. La critique implicite du massacre

Parti pris stendhalien : ôter tout caractère héroïque à la guerre

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- La présence de Ney, vu de loin, démystifié et presque péjorativement / comiquement introduit – il est présenté comme « le plus gros de ces généraux »(L.16-17)

- souligner la cruauté de la bataille (vision symbolique du cheval agonisant L.35 qui devient une allégorie des horreurs de la guerre, on pourra faire un rapprochement avec Guernica),

- horreur entrevue en passant (« cri sec » des deux hussards, l. 33), sans appuyer mais évoquée en quelques termes réalistes et crus ramenant la mort à sa sèche brutalité et à son horreur (l. 25 à 27). Vivants un instant – morts l’instant d’après

PREPARATION BAC

Objectifs• Comprendre l’importance du point de vue choisi pour relater un événement.• Transposer des procédés réalistes dans un récit relatant un événement contemporain.

Pour lancer l’exercice• Demander quelles situations pourraient être semblables à celle de Fabrice aujourd’hui.• Rappeler les procédés inhérents au choix d’un point de vue interne.

PROLONGEMENT :- Registre comique -> Relever les différents types de comiques dans le passage (caractère / situation /

mots / gestes)- Focalisation interne / externe / zéro- Discours direct et indirect + indirect libre

ÉCRITURE D’INVENTION

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Partie de commentaire rédigée :

L’opinion développée par Stendhal sur la bataille dans ce passage

Stendhal offre une vision bien peu glorieuse de la bataille afin de dénoncer les méfaits de la guerre.

D’une part, l’auteur ne campe aucun « héros » dans ce passage. [Idée directrice sous paragraphe]. Les généraux sont représentés de manière dépréciative et en quelque sorte infantilisés par le regard de Fabrice. [Argument 1] Le Maréchal Ney, dont l’importance de grade est soulignée… par l’embonpoint puisqu’il est « le plus gros de ces généraux » (Ligne 16), « très blond, avec une grosse tête rouge » a tout du clown… En outre, la scène de stratégie à laquelle assiste Fabrice est narrée comme une dispute de cour de récré : le général, « d’un air […] de réprimande » (Ligne 17), jur[e] » (ligne 17) et « gourmande son voisin » (ligne 21). La minoration comique des acteurs (null besoin de rappeler le caractère d’antihéros de Fabrice démontré dans la première partie…) aboutit donc à la destruction de tout héroïsme puisqu’il n’y a pas de figure réellement héroïque présente.

Par ailleurs, il ressort de cette bataille tout à la fois l’idée du chaos et de l’horreur. [Idée directrice sous paragraphe] Ainsi, Fabrice le héros fort peu héros souligne par son attitude que la guerre c’est avant tout le chacun pour soi [Argument 1]. Les blessés « cri[ent] évidemment pour demander du secours, et personne ne s'arrêt[e] pour leur en donner. (ligne 9) La guerre, c’est aussi le règne du hasard, de la loterie de la grande faucheuse [Argument 2], à l’image de ces deux hussards vivants à un instant… et morts à l’instant suivants le temps d’un « un cri sec […) atteints par des boulets » et qui sont « déjà à vingt pas de l'escorte » (ligne 32) quand Fabrice se retourne. Aucune logique dans cette mort soudaine. Partant aucun héroïsme. [Argument 3] La guerre, c’est aussi des visions d’horreur, du sang et des entrailles. L’auteur insiste par ailleurs sur l’horreur du sang et des corps mutilés par le spectacle de ce « cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrailles ». Cette seule image, d’un animal et non d’un homme mutilé, symbolise l’ensemble des êtres tombés aux champs d’honneur…

Nulle gloire donc dans ce massacre désordonnée. Stendhal développe un point de vue critique sur la célèbre bataille de Waterloo et lui ôte toute grandeur.

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TEXTE COMPLÉMENTAIRE

L a c h a r g e d e s c u i r a s s i e r s à W a t e r l o o

Dans la deuxième partie des Misérables, le premier livre est consacré à la bataille de Waterloo, défaite française qui entraîna la chute de l'empereur Napoléon en 1815. L'extrait suivant montre la charge des cuirassiers, soldats de la cavalerie lourde, contre les Anglais.

Il semblait que cette masse était devenue monstre et n'eût qu'une âme. Chaque escadron ondulait et se gonflait comme un anneau du polype'. On les apercevait à travers une vaste fumée déchirée çà et là. Pêle-mêle de casques, de cris, de sabres, bondissement orageux des croupes des chevaux dans le canon et la fanfare, tumulte discipliné et terrible ; là-dessus les cuirasses, comme les écailles sur l'hydre.

Ces récits semblent d'un autre âge. Quelque chose de pareil à cette vision apparaissait sans doute dans les vieilles épopées orphiques3 racontant les hommes-chevaux, les antiques hippanthropes4, ces titans à face humaine et à poitrail équestre dont le galop escalada l'Olympe', horribles, invulnérables, sublimes ; dieux et bêtes.

10 Bizarre coïncidence numérique, vingt-six bataillons allaient recevoir ces vingt-six escadrons. Derrière la crête du plateau, à l'ombre de la batterie masquée, l'infanterie anglaise, formée en treize carrés, deux bataillons par carré, et sur deux lignes, sept sur la première, six sur la seconde, la crosse à l'épaule, couchant en joue ce qui allait venir, calme, muette, immobile, attendait. Elle ne voyait pas les cuirassiers et les cuirassiers ne la voyaient pas.

15 Elle écoutait monter cette marée d'hommes. Elle entendait le grossissement du bruit des trois mille chevaux, le frappement alternatif et symétrique des sabots au grand trot, le froissement des cuirasses, le cliquetis des sabres, et une sorte de grand souffle farouche. Il y eut un silence redoutable, puis, subitement, une longue file de bras levés bran dissant des sabres apparut au-dessus de la crête, et les casques, et les trompettes, et les

20 étendards, et trois mille têtes à moustaches grises criant : Vive l'empereur ! Toute cette cavalerie déboucha sur le plateau, et ce fut comme l'entrée d'un tremblement de terre.

Tout à coup, chose tragique, à la gauche des Anglais, à notre droite, la tête de colonne des cuirassiers se cabra avec une clameur effroyable. Parvenus au point culminant de la crête, effrénés, tout à leur furie et à leur course d'extermination sur les carrés et les canons,

25 les cuirassiers venaient d'apercevoir entre eux et les Anglais un fossé, une fosse. C'était le chemin creux d'Ohain.

VICTOR HUGO, Les Misérables, II' partie, livre I, chapitre IX, 1862.

1.Polype : monstre à tentacules, pieuvre.2.L'hydre : animal mythologique, serpent d'eau.3.Orphiques : chantées par le poète Orphée.4.Hippanthropes : les hommes-chevaux, c'est-à-dire les Centaures.5. Olympe : montagne grecque, lieu de séjour des dieux

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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée

Question : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros ?

Texte 1B HUGO

1. Comparez le récit de la bataille de Waterloo dans les romans de Stendhal et de Victor Hugo.

De quelle façon la situation est-elle présentée au lecteur ? Quel est le type de focalisation adopté ? Quel est l'effet sur le lecteur de ces choix des romanciers ?

2. Relevez les marques (lexique, dimension collective de l'action, agrandissement, éléments hyperboliques) du registre épique dans le texte de Victor Hugo.

Texte Complémentaire

La charge des cuirassiers à Waterloo Victor Hugo, Les Misérables (1862)

➔ Réponses aux questions1. Stendhal vs Hugo

Victor Hugo a recours au registre épique pour raconter la bataille de Waterloo. De plus, de nombreuses métaphores donnent à ce texte une dimension poétique. Le point de vue adopté est externe, bien qu’on relève une marque de la 2e personne du pluriel (l. 22, « notre droite »).

Le narrateur ne participe pas à la bataille, mais veut donner l’impression au lecteur d’y être plongé.

Exacte antithèse du texte de stendhal orienté comique et minoration de la bravoure guerrière

2. Le registre épique se caractérise par plusieurs procédés. On peut relever : Amplifications, comme l’accumulation des lignes 3 à 5 ou 15 à 18. Le lexique est celui de la guerre : « casques », « sabres », « canon », « cuirasses », « bataillons », « trompettes », « étendards ». On trouve des hyperboles (numériques), comme « trois mille chevaux » et « trois mille têtes ». La métaphore du « monstre » donne à l’action une dimension collective et effrayante : les soldats ne sont pas des individus.

Victor Hugo offre donc une vision très différente de celle de Stendhal.

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GT 1- Texte 2 : Chateaubriand, Mémoires d'Outre-tombe (1849)

Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand par la porte de Bruxelles ; j'allai seul achever ma promenade sur la grande route. J'avais emporté les Commentaires de César et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture. J'étais déjà à plus d'une lieue de la ville, lorsque je crus ouïr un roulement sourd : je m'arrêtai, regardai le ciel assez chargé de nuées, délibérant en moi-même si je continuerais d'aller en avant, ou si je me rapprocherais de Gand dans la crainte d'un orage. Je prêtai l'oreille ; je n'entendis plus que le cri d'une poule d'eau dans des joncs et le son d'une horloge de village. Je poursuivis ma route : je n'avais pas fait trente pas que le roulement recommença, tantôt bref, tantôt long et à intervalles inégaux ; quelquefois il n'était sensible que par une trépidation de l'air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses, tant il était éloigné. Ces détonations moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble que celles de la foudre, firent naître dans mon esprit l'idée d'un combat. Je me trouvais devant un peuplier planté à l'angle d'un champ de houblon. Je traversai le chemin et je m'appuyai debout contre le tronc de l'arbre, le visage tourné du côté de Bruxelles. Un vent du sud s'étant levé m'apporta plus distinctement le bruit de l'artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j'écoutais les échos au pied d'un peuplier, et dont une horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo !

Auditeur silencieux et solitaire du formidable arrêt des destinées, j'aurais été moins ému si je m'étais trouvé dans la mêlée : le péril, le feu, la cohue de la mort ne m'eussent pas laissé le temps de méditer ; mais seul sous un arbre, dans la campagne de Gand, comme le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi, le poids des réflexions m'accablait : Quel était ce combat ? Etait-il définitif ? Napoléon était-il là en personne ? Le monde comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? Succès ou revers de l'une ou de l'autre armée, quelle serait la conséquence de l'événement pour les peuples, liberté ou esclavage ? Mais quel sang coulait ! chaque bruit parvenu à mon oreille n'était-il pas le dernier soupir d'un Français ? Etait-ce un nouveau Crécy, un nouveau Poitiers, un nouvel Azincourt, dont allaient jouir les plus implacables ennemis de la France ? S'ils triomphaient, notre gloire n'était-elle pas perdue ? Si Napoléon l'emportait que devenait notre liberté ? Bien qu'un succès de Napoléon m'ouvrit un exil éternel, la patrie l'emportait dans ce moment dans mon coeur ; mes voeux étaient pour l'oppresseur de la France, s'il devait, en sauvant notre honneur, nous arracher à la domination étrangère.

Wellington triomphait-il ? La légitimité rentrerait donc dans Paris derrière ces uniformes rouges qui venaient de reteindre leur pourpre au sang des Français ! La royauté aurait donc pour carrosses de son sacre les chariots d'ambulance remplis de nos grenadiers mutilés ! Que sera-ce qu'une restauration accomplie sous de tels auspices ?... Ce n'est là qu'une bien petite partie des idées qui me tourmentaient. Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon coeur. A quelques lieues d'une catastrophe immense, je ne la voyais pas ; je ne pouvais toucher le vaste monument funèbre croissant de minute en minute à Waterloo comme du rivage de Boulaq, au bord du Nil, j'étendais vainement mes mains vers les Pyramides.

Mémoires d'Outre-tombe, IIIe partie, Ière époque, livre VI, ch. 16

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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée

Question : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros ?

Texte 2

La bataille de WaterlooChateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (1849)

➔ Objectif : analyser le rapport entre l’Histoire et le récit autobiographique du héros.

Texte 2 Chateaubriand

QUESTIONS

Première Lecture

Quel est l’intérêt de ce texte ? (en clair l’angle d’attaque possible pour un commentaire)

Lecture analytique

Un point de vue subjectif

1. Quelle est la personne dominante ? Quel est le type de focalisation adopté ? Quelle vision est proposée par l’auteur ?

2. Etudiez le suspense à l’œuvre dans le premier paragraphe

Un moment … romantique

3. En quoi peut-on parler de passage romantique, quelles en sont les constantes ?

4. Montrez que la diversité des registres participe de la dramatisation du récit

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➔ Réponses aux questions

Lecture analytique

I. Un point de vue subjectif

1. Un point de vue original sur Waterloo. - Le cadre spatio temporel est très précisément défini dès la première ligne

« Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand »- La première personne domine :

o « j'allai seul » (L.1)

o « J'avais emporté …. et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture » (L.2)

o « J'étais déjà à plus d'une lieue de la ville, lorsque je crus » L.3)

- TOUT le récit est autocentré sur le JE qui domine et même se trouve omniprésent (bcp d’occurrences)

- Personnage = Narrateur = Auteur : autobiographie -> un fait historique majeur vu à travers un point de vue subjectif / personnel : là réside la première originalité du passage

2. Le suspense du premier paragraphe : un témoin… sans vision (auditeur silencieux L.17)

- La révélation du fait historique majeur dont il est question est reportée au dernier mot du premier paragraphe : gradation du texte

- Mise en attente : l’auteur approche la vérité par touches successiveso « je crus ouïr » : modalisationo « quelquefois il n'était sensible que par une trépidation de l'air » : idem minoration (L.8)o Erreur même sur l’interprétation : les premiers sons liés à la guerre sont attribués à l’orage

(ciel chargé de nuages (L.5) => comparaison symbolique) confirmée à la l.10 par le mot « foudre »

o Ces détonations moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble : idem (L.9.10)- Progression dans la perception et l’identification à la toute fin puisque L.13 : « Un vent du sud

s'étant levé m'apporta plus distinctement le bruit de l'artillerie »

Il faut souligner l’originalité du traitement : l’auteur est témoin partiel de l’événement monstrueux par l’audition seule !! Cela donne à la scène un aspect presque fantastique (L.4 : « le ciel assez chargé de nuées » / L.8/9 : « une trépidation de l'air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses »

- Le rythme de la phrase participe au suspense : ex L.13 / 15 qui débute par une périphrase (« cette grande bataille » L.13) accentuée par connotation du mot « funérailles » (mort : L/15)

3 / 3 / 9 / 12 / 5 (chute)

Soulignons la sincérité de l’auteur : témoin mais évoqué avec le terme lointain de « échos » (L.14) (sincérité de l’auteur)

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3. Un moment paradoxal

- Il faut souligner dans ce paragraphe une très forte opposition entre paix et guerre : paix soulignée par la description de la nature avec plusieurs notations réalistes (champ de houblon, peuplier, plaines immenses) : impression de calme / paix

- « le cri d’une poule d’eau (l.6) : le son d’une horloge (l.6)- notations de bruits s’opposent aux bruits de guerre (roulements (L.3/7), détonations (L.9), artilleries

(L13), bataille (L.15)).

II. La beauté du moment… romantique1. Chateaubriand : une vision romantique

- La première personne omniprésente et solitaire ( L.2 / 3 / …)- La nature : « promenade, route, ciel, nuées, orage, poule d’eau, joncs, air, plaines, peuplier, champ

de houblon, chemin, tronc de l’arbre, vent du sud, peuplier… »- L’amplification, la vision grandissante : « plaines immenses » (L.9) « ciel assez chargé de nuées »

(L.4) / « exil éternel » (L.26) / « catastrophe immense » : les superlatifs

- Les sentiments : « ému » L.17 / «le poids des réflexions m'accablait » (L.20) / « la patrie l'emportait dans ce moment dans mon cœur » (L27) / «Ce n'est là qu'une bien petite partie des idées qui me tourmentaient. Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon cœur » (L.34)

2. La réflexion prophétique

- Série d’hypothèses sur le mode interrogatif de la ligne 20 à 26- Réflexions sont souvent sur le mode binaire. Elle repose souvent sur des antithèses : - L.21 : « succès ou revers » - L.22-23 « liberté ou esclavage »- Le témoin est ici partagé entre 2 positions contradictoires qui ont valeur de dilemme : choisir

l’intérêt personnel ou choisir l’intérêt publique. Ce qui permet d’opposer Bonaparte à Chateaubriand et ainsi de grandir l’importance du témoin.

- Cette opposition se voit dans certaines phrases (entre Napoléon et « je ») comme à la l.26. Cette mise en valeur du témoin se voit aussi dans certaines hyperboles (l.26 : « exil éternel »). Le témoin placé devant un choix capital va choisir l’intérêt publique, il efface ses propres opinions politiques pour préférer la liberté nationale.

3. L’amplification dramatique par la diversité des registres : pathétique et épique

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- L.25 On relève ainsi le passage de la première personne du singulier à la première personne du pluriel. : « S'ils triomphaient, notre gloire n'était-elle pas perdue ? » -> la nation, le destin collectif prime

- L’évocation des 3 grandes batailles historiques montre que Chateaubriand a pleinement conscience de l’importance de l’évènement dont il entend seulement les échos.

- Mais dans ce passage, il ne se contente pas de réfléchir, il montre aussi son attachement affectif à la nation. Il a recourt ainsi au registre pathétique (l.27). La remarque de la l.33 : « l’emportait dans mon cœur » confirme cet attachement affectif

- Recours aussi à un autre registre qui est épique qui confirme l’importance du moment, le vocabulaire utilisé est noble : liberté (L.26), honneur (L.28). Et on retrouve l’exagération épique « catastrophe immense » (L.35) / formidable arrêt des destinées (L.17)

- Les deux registres fusionnent dans la phrase finale : « Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon cœur » (L.34-35)

- Le tragique présent aussi dans la présence symbolique de la mort : « funérailles inconnues » (L.15) / « cohue de la mort » (L.17) / « dernier soupir d'un Français » (L.23-24) / « reteindre leur pourpre au sang des » (L.31) / « chariots d'ambulance remplis de nos grenadiers mutilés » (L.32) / « vaste monument funèbre » (L.36)

PREPARATION BAC

Rédaction d’une introduction et Conclusion de Commentaire composé

Objectifs• Revoir les 3 temps de l’introduction.• Varier les liens logiques pour le plan• Trouver un point d’élargissement (romantisme ?)

Pour lancer l’exercice• Lire l’article de wikipedia sur Chateaubriand pour avoir la mise en situation de l’introduction (Temps 1) et

l’article sur le romantisme pour l’élargissement (Temps 2) de la CCL• Rappeler les procédés inhérents au choix d’un point de vue interne.

PROLONGEMENT :- Registre épique / tragique / pathétique- Ecouter Azincourt par Cabrel

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GT 1- Texte 2 : HUGO, Les Misérables (1862)

Il rampait à plat ventre, galopait à quatre pattes, prenait son panier aux dents, se tordait, glissait, ondulait, serpentait d’un mort à l’autre, et vidait la giberne ou la cartouchière comme un singe ouvre une noix.

De la barricade, dont il était encore assez près, on n’osait lui crier de revenir, de peur d’appeler l’attention sur lui.

Sur un cadavre, qui était un caporal, il trouva une poire à poudre.

– Pour la soif, dit-il, en la mettant dans sa poche.

À force d’aller en avant, il parvint au point où le brouillard de la fusillade devenait transparent.

Si bien que les tirailleurs de la ligne rangés et à l’affût derrière leur levée de pavés, et les tirailleurs de la banlieue massés à l’angle de la rue, se montrèrent soudainement quelque chose qui remuait dans la fumée.

Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d’une borne, une balle frappa le cadavre.

– Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts.

Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier.

Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue.

Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’oeil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta :

On est laid à Nanterre,

C’est la faute à Voltaire,

Et bête à Palaiseau,

C’est la faute à Rousseau.

Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées, et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne. Là une quatrième balle le manqua encore. Gavroche chanta :

Je ne suis pas notaire,

C’est la faute à Voltaire,

Je suis petit oiseau,

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C’est la faute à Rousseau.

Une cinquième balle ne réussit qu’à tirer de lui un troisième couplet :

Joie est mon caractère,

C’est la faute à Voltaire,

Misère est mon trousseau,

C’est la faute à Rousseau.

Cela continua ainsi quelque temps.

Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air de s’amuser beaucoup. C’était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l’ajustant. Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants d’anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce n’était pas un enfant, ce n’était pas un homme ; c’était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus leste qu’elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de cache-cache avec la mort ; chaque fois que la face camarde du spectre s’approchait, le gamin lui donnait une pichenette.

Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l’enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la barricade poussa un cri ; mais il y avait de l’Antée dans ce pygmée ; pour le gamin toucher le pavé, c’est comme pour le géant toucher la terre ; Gavroche n’était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter.

Je suis tombé par terre,

C’est la faute à Voltaire,

Le nez dans le ruisseau,

C’est la faute à...

Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler.

Victor Hugo, Les Misérables, Ve partie, Livre I, chapitre XV, 1862

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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée

Question : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros ?

t ex te 2 La barricade Victor Hugo, Les Misérables (1862)

➔ Objectif : percevoir la dimension politique d’un récit dramatique et pathétique.

QUESTIONS

La chanson de Gavroche

1. Mettez en évidence la composition dramatique de ce texte. Comment les couplets de la chanson le structurent-ils ?

2. Quelles correspondances pouvez-vous établir entre les paroles de la chanson, la situation historique et celle de l'enfant ?

Un spectacle «charmant» ?

3. Quel est le point de vue adopté ? Quel est l'effet produit ?

4. Quel est ici le sens de l'adjectif (‹ charmant » ?

L'implication du narrateur

5. Relevez tous les indices de la présence et du jugement du narrateur. Quel regard porte-t-il sur la scène racontée ?

6. Étudiez les registres qui sous-tendent la narration. Quel effet cherchent-ils à produire sur le lecteur ? Montrez qu'ils soutiennent un discours implicite.

DissertationOn a défini le romancier comme « l'historien du présent ». En quoi cette formule, appliquée aux romanciers réalistes, vous paraît-elle exacte ?

Vous classerez vos remarques et les illustrerez d'exemples empruntés aux textes de ce groupement.

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➔ Réponses aux questions

I. La chanson de Gavroche

1. Un récit à Suspense

Ce texte est construit selon une progression dramatique scandée par les couplets de la chanson de Gavroche.

Aux lignes 1 à 9, Gavroche n’est pas visible par les soldats. Puis il se rapproche : des lignes 9 à 18, il continue de dépouiller les cadavres avec insouciance, tout en étant visé par trois balles successives. Gavroche y répond par la provocation, en chantant son refrain.

« Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’oeil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient… »

À chaque couplet, une nouvelle balle le vise (l. 18 à 56). Puis le narrateur accélère le récit : les lignes 41 à 56 narrent la danse de l’enfant pour éviter les balles.

Mais une balle le touche : Gavroche entame un dernier couplet, qu’il ne peut finir.

2. Critique sociale

Voltaire et Rousseau sont les deux plus grandes figures des Lumières françaises. Ils ont notamment lutté contre les injustices sociales, et leur idéal fut l’un des moteurs de la Révolution française. Pourtant, la chanson est ironique à leur égard et remet en cause leur héritage : ils sont accusés d’être à l’origine des malheurs dont il est question dans les couplets : « Je ne suis pas notaire, / C’est la faute à Voltaire, / Je suis petit oiseau, / C’est la faute à Rousseau. » L’idéal révolutionnaire est donc mis à mal : le peuple est toujours victime de la misère ; les émeutes et la mort de Gavroche n’y changeront rien.

II. Un spectacle « charmant » ?

3. Une scène vue par les émeutiers

Le point de vue adopté est celui des émeutiers restés derrière les barricades, qui tremblent pour la vie de l’enfant.

L. 42 : Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air de s’amuser beaucoup. C’était le moineau becquetant les chasseurs

L. 49 : Les insurgés, haletants d’anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait

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4. Le « charme »

L’adjectif « charmant » signifie « fascinant » et implique l’idée de magie (en latin, carmen désigne une incantation magique) : en effet, Gavroche est comparé à un « gamin fée » (l. 52).

III. L’implication du narrateur

5. Valorisation et dépréciation : Hugo choisit son camp

La présence du narrateur s’exprime par les jugements axiologiques portés sur la scène. Ainsi le narrateur qualifie-t-il le spectacle d’épouvantable et charmant (l. 43). La vision donnée de Gavroche est positive, voire exaltée : il se dresse « tout droit, debout, les cheveux au vent » (l. 18), a l’air d’un « étrange gamin fée » (l. 51).

À l’inverse, le narrateur donne une image négative des soldats, qui jouent par cruauté. La balle qui touche Gavroche est « plus traître que les autres » (l. 56) et s’oppose au courage inconscient de l’enfant. Mais c’est dans la dernière phrase que le jugement du narrateur est le plus évident, puisqu’il emploie la périphrase laudative et oxymorique« cette petite grande âme » (l. 68) pour désigner l’enfant.

6. Drama et PathosLe registre le plus évident est le registre dramatique (suspense et action): Hugo cherche à susciter l’appréhension, l’angoisse du spectateur, qui redoute la mort de l’enfant. Celle-ci est d’ailleurs inévitable : on peut donc parler également d’un registre tragique, qui cause la pitié et la crainte du lecteur.

À l’opposé, on peut parler de registre comique quand Gavroche plaisante à propos des balles qui frappent les cadavres autour de lui.

L.15 : Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts

Enfin l’exaltation de cet enfant relève du registre lyrique. L’association de tous ces registres contribue à faire ressentir de l’empathie pour cet enfant. Ainsi Hugo dénonce-t-il la cruauté des hommes, les injustices sociales et politiques, dont des innocents sont les victimes. Gavroche appartient au camp des républicains, qui s’oppose à la monarchie : on peut voir dans ce texte une critique implicite de la violence du pouvoir de Napoléon III en 1862.

Hugo clôt cette séquence sur la pathétique

Prolongement : Visionnage de la séquence cinématographique ?

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VERS LE BAC

REDIGER UNE REPONSE DE QUESTION SUR CORPUS à partir de la question 6

Introduction / Développement / ccl

Objectifs• Composer un plan de dissertation.• Utiliser les textes d’un corpus.

Pour lancer l’exercice• Relire les textes du corpus.

Proposition de corrigéI. Le romancier peut être le témoin des événements de son tempsA. Le roman peut décrire la situation sociale de son époqueEx. : Germinal de ZolaB. Il peut également rapporter des événements historiques récentsEx. : La Débâcle de Zola

II. Mais le romancier n’adopte pas la démarche objective et surplombante de l’historien

A. Il donne une vision poétique des événementsEx. : la bataille de Waterloo dans Les MisérablesB. Il porte des jugements de valeur sur les personnagesEx. : Zola, bien qu’il dénonce la misère, donne une image négative des mineurs dans Germinal.C. Le roman raconte le destin d’individus dépassés par l’HistoireEx. : Fabrice est pris dans la bataille de Waterloo, mais ne comprend pas ce qui lui arrive

III. Le roman permet de réfléchir à la situation contemporaine par le détour

A. Un roman parle toujours de faits passésEx. : Zola décrit le second Empire qui n’existe plus, Stendhal narre une bataille qui a eu lieu

vingt-quatre ans plus tôt, il y a toujours un décalage.B. Mais ce décalage permet une réflexion sur le présentEx. : la mort de Gavroche, qui se passe en 1832, permet de dénoncer l’autoritarisme du

régime de Napoléon III, trente ans plus tard.

PROLONGEMENT :- Registres dramatique, tragique, pathétique, lyrique, comique- Valorisation (adjectifs mélioratifs) Vs dépréciation

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Complément : Deux séquences filmées

- Les Misérables de Robert Hossein, 1982- Les Misérables de Josée Dayan, 2000- Les Misérables de Tom Hooper, 2013

A COMPLETER PAR PRISE DE NOTE ELEVE

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Le personnage de roman: Le Héros dans la tourmente historique : Entre réalisme et épopée

Question : Le héros dans l’Histoire est-il toujours un héros ?

Document complémentaire B DELACROIX, La liberté guidant le peuple

http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=234

Titre : La Liberté guidant le peuple.

Auteur : Eugène DELACROIX (1798-1863)Date de création : 1830

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Date représentée : juillet 1830Dimensions : Hauteur 260 cm - Largeur 325 cmTechnique et autres indications : Huile sur toileLieu de Conservation : Musée du Louvre -

Contexte historique

Charles X, et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution. L’opposition libérale, par le biais du journal Le National, prépare son remplacement par le duc Louis-Philippe d’Orléans.

A la session de la Chambre le 2 mars 1830, Charles X menace de sévir. Les députés, par l’“ adresse des 221 ”, refusent de collaborer. Le roi signe et publie dans Le Moniteur quatre ordonnances tendant à supprimer la liberté de la presse et à modifier la loi électorale. C’est une violation de la Constitution. Et c’est la révolution à Paris. En trois jours dits “ Trois Glorieuses ” – les 27, 28 et 29 juillet –, les Bourbons sont renversés.

Analyse de l'image

Achevé en décembre, le tableau est exposé au Salon de mai 1831. Il semble né d’un seul élan. Mais il découle des études faites pour les œuvres philhellénistes et d’une recherche nouvelle de détails et d’attitudes.

C’est l’assaut final. La foule converge vers le spectateur, dans un nuage de poussière, brandissant des armes. Elle franchit les barricades et éclate dans le camp adverse. A sa tête, quatre personnages debout, au centre une femme. Déesse mythique, elle les mène à la Liberté. A leurs pieds gisent des soldats.

L’action s’élève en pyramide, selon deux plans : figures horizontales à la base et verticales, gros plan faisant saillie sur le fond flou. L’image s’érige en monument. La touche emportée et le rythme impétueux sont contenus, équilibrés.

Delacroix réunit accessoires et symboles, histoire et fiction, réalité et allégorie.

La liberté

Elle remplace d’Arcole. Vision nouvelle de l’allégorie de la Liberté, c'est une fille du peuple, vivante et fougueuse, qui incarne la révolte et la victoire. Coiffée du bonnet phrygien, les mèches flottant sur la nuque, elle évoque la Révolution de 1789, les sans-culottes et la souveraineté du peuple. Le drapeau, symbole de lutte, faisant un avec son bras droit, se déploie en ondulant vers l’arrière, bleu, blanc, rouge. Du sombre au lumineux, comme une flamme.

La pilosité de son aisselle a été jugée vulgaire, la peau devant être lisse aux yeux des rhétoriciens de la peinture.

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Son habit jaune, dont la double ceinture flotte au vent, glisse au-dessous des seins et n’est pas sans rappeler les drapés antiques. La nudité relève du réalisme érotique et l’associe aux victoires ailées. Le profil est grec, le nez droit, la bouche généreuse, le menton délicat, le regard de braise. Femme exceptionnelle parmi les hommes, déterminée et noble, la tête tournée vers eux, elle les entraîne vers la victoire finale. Le corps profilé est éclairé à droite. Son flanc droit sombre se détache sur un panache de fumée. Appuyée sur son pied gauche nu qui dépasse de sa robe, le feu de l’action la transfigure. L’allégorie est la vraie protagoniste du combat. Le fusil qu’elle tient à la main gauche, modèle 1816, la rend réelle, actuelle et moderne.

Les gamins de Paris

Ils se sont engagés spontanément dans le combat. L'un d'entre eux, à gauche, agrippé aux pavés, les yeux dilatés, porte le bonnet de police des voltigeurs de la garde.

A droite, devant la Liberté, figure un garçon. Symbole de la jeunesse révoltée par l’injustice et du sacrifice pour les nobles causes, il évoque, avec son béret de velours noir d’étudiant, le personnage de Gavroche que l’on découvrira dans Les Misérables trente ans plus tard. La giberne, trop grande, en bandoulière, les pistolets de cavalerie aux mains, il avance de face, le pied droit en avant, le bras levé, un cri de guerre à la bouche. Il exhorte au combat les insurgés.

L’homme au béret

Il porte la cocarde blanche des monarchistes et le nœud de ruban rouge des libéraux. C’est un ouvrier avec une banderolle porte-sabre et un sabre des compagnies d’élite d’infanterie, modèle 1816, ou briquet. L’habit – tablier et pantalon à pont – est celui d’un manufacturier.

Le foulard qui retient son pistolet sur son ventre évoque le mouchoir de Cholet, signe de ralliement de Charette et des Vendéens.

L’homme au chapeau haut de forme, à genoux

Est-ce un bourgeois ou un citadin à la mode ? Le pantalon large et la ceinture de flanelle rouge sont ceux d’un artisan. L’arme, tromblon à deux canons parallèles, est une arme de chasse. A-t-il le visage de Delacroix ou d’un de ses amis ?

L’homme au foulard noué sur la tête

Avec sa blouse bleue et sa ceinture de flanelle rouge de paysan, il est temporairement employé à Paris. Il saigne sur le pavé. Il se redresse à la vue de la Liberté. Le gilet bleu, l’écharpe rouge et sa chemise répondent aux couleurs du drapeau. Cet écho est une prouesse.

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Les soldats

Au premier plan, à gauche, le cadavre d'un homme dépouillé de son pantalon, les bras étendus et la tunique retroussée. C’est, avec la Liberté, la deuxième figure mythique tirée d’une académie d’atelier, d’après l’antique, appelée Hector, héros d’Homère, héroïsé et réel.

A droite, sur le dos, le cadavre d’un suisse, en tenue de campagne : capote gris-bleu, décoration rouge au collet, guêtres blanches, chaussures basses, shako au sol.

L’autre, la face contre terre, a l’épaulette blanche d’un cuirassier.

Au fond, les étudiants, dont le polytechnicien au bicorne bonapartiste, et un détachement de grenadiers en tenue de campagne et capote grise.

Le paysage

Les tours de Notre-Dame, symbole de la liberté et du romantisme comme chez Victor Hugo, situent l’action à Paris. Leur orientation sur la rive gauche de la Seine est inexacte. Les maisons entre la cathédrale et la Seine sont imaginaires.

Les barricades, symboles du combat, différencient les niveaux du premier plan à droite. La cathédrale paraît loin et petite par rapport aux figures.

La lumière du soleil couchant se mêle à la fumée des canons. Révélant le mouvement baroque des corps, elle éclate au fond à droite et sert d’aura à la Liberté, au gamin et au drapeau.

La couleur unifie le tableau. Les bleus, blancs et rouges ont des contrepoints. Les bandoulières parallèles de buffleterie blanche répondent au blanc des guêtres et de la chemise du cadavre de gauche. La tonalité grise exalte le rouge de l’étendard.

Interprétation

Le tableau glorifie le peuple citoyen “ noble, beau et grand ”. Historique et politique, il témoigne du dernier sursaut de l’Ancien Régime et symbolise la Liberté et la révolution picturale.

Réaliste et novateur, le tableau fut rejeté par la critique, habituée à voir célébrer le réel par des concepts. Le régime de Louis-Philippe dont elle saluait l’avènement, le cacha au public.

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Elle entra en 1863 au musée du Luxembourg et en 1874 au Louvre. Image de l’enthousiasme romantique et révolutionnaire, continuant la peinture historique du XVIIIe siècle et devançant Guernica de Picasso, elle est universelle.

Bibliographie

- Jean-Louis BORY, La Révolution de Juillet (29 juillet 1830), Paris, Gallimard, coll. « Les trente journées qui ont fait la France », 1972.

- François FURET, La Révolution 1770-1880, Paris, Hachette, 1988, rééd. coll. « Pluriel », 1992.- Barthélemy JOBERT, Delacroix, Paris, Gallimard, 1997.- Hélène TOUSSAINT, La Liberté guidant le peuple, les dossiers du Département du Louvre n° 26,

RMN, 1982.- Philippe VIGIER, « Paris Barricades (1830-1968) », Les Collections de L’Histoire n° 9, octobre

2000

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Texte 4 : Céline, Voyage au bout de la nuit (1932)

Lecture analytique

1) Dans le 1er paragraphe, identifiez les modalités affectives ; repérez les oppositions présentes dans l’énumération et dites quels effets elles produisent.

2) Relevez tous les termes qui appartiennent à un registre de langue familier, puis ceux qui témoignent d’un langage plus châtié.

3) Identifiez tous les qualificatifs associés à la guerre.

4) Quels sentiments le narrateur-acteur, Ferdinand Bardamu, éprouve-t-il ? Ont-ils quelque chose de commun avec ce que vous imaginiez du héros au combat ? Justifiez votre réponse.

5) Y-a-t-il, d’après ce texte, une raison quelconque qui puisse amener les hommes à faire la guerre ?

6) De qui, de quoi, d’après Ferdinand, faut-il avoir peur ? Partagez-vous cette conception ?

INTRODUCTION

[AUTEUR] Louis Ferdinand Céline (1894-1961) a marqué le XXème Siècle de son œuvre si particulière : la publication de Voyage au bout de la nuit a été un événement. En rompant avec la tradition romanesque, il a permis le développement du genre en 1950. En effet, ce premier roman est représentatif d’un style insolite, reposant notamment sur la langue populaire.

[ŒUVRE] Cette œuvre évoque les tribulations de Ferdinand Bardamu, le narrateur, qui nous livre, dans une 1ère partie, ses peines face à la guerre, la détresse, la maladie, ou nous conte, dans la seconde partie, son expérience de médecin.

[LE TEXTE] L’extrait suivant relate l’épisode où le personnage est confronté à la guerre, après s’être engagé sur un coup de tête. Personnage ordinaire, Bardamu transmet toutes ses émotions, loin de toute considération héroïque. [PROBLEMATIQUE] On peut donc se demander quelle représentation de la guerre peut être traduite par un tel narrateur ? [PLAN] Nous verrons tout d’abord que Bardamu, anti-héros, est le premier témoin des combats ; ensuite, nous montrerons que ce regard de l’humanité bafouée est un moyen de dénoncer la guerre.

I. Bardamu :Anti-héros et témoin principal :

1. A l’intérieur du chaos : focalisation interne

Ce texte est extrait de la 1ère partie du roman. Bardamu s’est engagé sur un coup de tête dans l’armée, simplement parce qu’il avait été séduit par une parade militaire. Ici, il découvre l’horreur d’être au front et comme il est le narrateur interne, il nous livre ses réflexions.

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Ainsi le texte comprend de nombreux modalisateurs :

- « lâche » (l.1),

- « fous héroïques et déchaînés » (l. 2),

- « plus enragés » (l. 5 et 6),

- « tellement plus vicieux » (l. 7),

- « croisade apocalyptique » (l. 8),

- « foireux » (l.21),

- « crétin » (l.34).

Le narrateur nous fait part également de ses sentiments :

- « effroi » (l.1),

- « perdu » (l.1),

- « mon frère peureux » (l. 21),

- « j’étais dépucelé » (l. 27).

Bardamu se révèle être le contraire du soldat courageux : l’auteur nous expose avec réalisme les émotions d’un être humain en proie à l’horreur.

L’engagement de Bardamu est absurde, comme le souligne le paratexte, puisqu’il s’est engagé sur un coup de tête. Absurde aussi l’agitation frénétique sur le front que décrit le narrateur au début du passage (l. 2 à 8).

De plus, chez Céline, il y a des amitiés ou des amours précaires. Devant la menace du fort, deux faibles se sentent solidaires : l. 21 et 22, le narrateur aurait souhaité sympathiser avec « son frère peureux » mais ils n’ont aucun moyen de s’opposer aux nécessités qui les séparent. Dans le choix des pronoms, la solidarité se distingue aussi : « Nous » (l. 7) et « on » (l.9).

La Sagesse du lache

Bardamu se dit « lâche » dès la première ligne, il préférerait être ailleurs mais ne peut fuir ces lieux où il est insupportable de rester. Il aurait préféré « voler » pour échapper à ça (l. 33 à 36).

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Le texte proclame qu’il faut avoir peur de la mort : « de la prison, on en sort vivant, pas de la guerre » (l.36). Premier témoin, Bardamu nous livre ainsi de nombreuses maximes, avec du présent de vérité générale, qui relèvent du bon-sens populaire : « Tout le reste, c’est des mots » (l. 36), « Il y a bien des façons d’être condamnés à mort » (l. 36).

Le langage délirant : jeu sur les registres de langue

En outre, la simplicité du narrateur est exprimée aussi par le langage employé, sorte de langue parlée populaire. Céline a créé une langue littéraire fondée sur ce qu’on pouvait saisir à l’époque à Paris et sa banlieue. Ici se mêlent habilement registre familier et langage plus châtié.

Pour le registre familier, on peut citer :

- « armés jusqu’aux cheveux » (l. 2),

- « comploteurs » (l.3),

- « caracolant » (l.4),

- « foireux » (l.21),

- « mariole » (l.30),

- « carne » (l.31).

On peut y ajouter les formes emphatiques empruntées aussi au langage parlé :

« Et il n’était pas près de s’éteindre le charbon ! » (l.29 et 30) ou les phrases raccourcies propres à l’oral: « faut être » (l.27).

En ce qui concerne le langage soutenu, on peut relever :

- « apocalyptique » (l.8),

- « menu » (l. 15),

- « abomination » (l.15),

- « méprise » ( l. 17) etc.

Il s’agit de jouer avec la langue, de créer un délire verbal qui rejoint le délire sur le front. De plus, ça prouve aussi qu’un roman de Céline n’est pas une narration mais un cri : la distance entre l’émotion

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et le mot est abolie. On le voit aux points de suspension, éléments d’un dialogue rapporté et signes d’émotion dans le parlé (l. 1, 12, 26).

Bardamu se retrouve donc prisonnier sur le front, victime d’une horreur qu’il n’avait pas soupçonnée ; dans sa description, il nous avoue sa peur, ose se présenter en anti-héros, finalement humain et lucide, pour mieux dénoncer l’inacceptable : la guerre.

II Dénoncer la guerre :

Critique : une épopée réduite à rien

Les qualificatifs employés par Bardamu pour désigner la guerre sont nombreux et négatifs, par conséquent, ils ont pour effet de la dénoncer :

- « croisade apocalyptique » (l. 8),

- « horreur » (l.9),

- « fuite en masse, le meurtre en commun, vers le feu » (l. 12),

- « abomination » (l. 16),

- « abominable erreur » (l.17),

- « Maldonne » (l17),

- « la vache » (l.28).

L’absurde à l’état pur

En outre, aucune explication historique ne paraît dans le texte, il semble n’y avoir aucune raison pour faire la guerre : Bardamu parle de « Maldonne » (l. 17) et « d’abominable erreur » (l. 17). L. 23-24, « se tirer dessus n’est pas défendu, c’est même encouragé ». L. 25 et 26, la guerre est mise sur le même plan que « les fiançailles ou la chasse à courre ». (L.26)

La phrase qui suit « rien à dire » souligne l’absurdité de tout cela.

Dans ce passage, Bardamu pose la question : « de qui, de quoi faut-il avoir peur ? » : de la guerre ? De la folie des hommes qui se battent sans raison ? Il faut avoir peur de ceux qui n’ont pas peur justement : « Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? (…) Perdu parmi deux millions de fous héroïques » : « fous héroïques » ressemble à un oxymore mais ici, le narrateur souligne qu’il faut avoir peur des héros. Ce pseudo- oxymore est renforcé par « et » repris deux fois pour « déchaînés »

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et « armés » L’idée est reprise dans l’expression « la sale âme héroïque et fainéante » (l. 11). Il est signifié aussi que l’héroïsme mène à l’aveuglement (L.14 à 22), il empêche de voir l’horreur en face. « Le colonel ne bronchait toujours pas » : son calme contraste étrangement avec l’horreur qui l’entoure.

En même temps, le texte montre qu’il y a deux catégories d’individus pour l’auteur : les puissants et les opprimés : comme ici, dans la hiérarchie militaire, le Général n’est pas sur le front, il est à l’abri et c’est surtout l’agent de liaison qui risque sa vie pour transmettre le lettres du premier. La guerre est banalisée pour y envoyer les opprimés. L. 25 et 26, elle est décrite comme un passage obligé, on fait la guerre pour être un homme, l’idée était déjà évoquée l. 9 (« On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté »). Cette idée est également ridiculisée puisque mise sur le même plan que « la chasse à courre ».

De plus, «la chasse à courre » montre la déshumanisation des soldats, considérée plus mal que des animaux : « plus enragés que les chiens, adorant leur rage » (l. 6), « sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne » (l. 31). Dans le 1er paragraphe, la déshumanisation est amplifiée par les superlatifs : « plus enragés que les chiens (…) cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! » (l.6 et 7).

Céline présente donc un monde en guerre, un monde où il n’y a aucune valeur de sorte qu’il en souligne l’absurdité avec ironie, il s’agit de rire de la guerre, aussi pour mettre l’horreur à distance : l. 7, après la longue énumération d’attaque délirante, le narrateur ironiquement constate « Nous étions jolis ! ». L. 14 à 22, le comportement du Colonel est étonnant « entre les balles ». Le narrateur s’interroge sur le contenu des lettres envoyées par le général, ne comprend pas qu’on cautionne une telle horreur et arrive à cette conclusion ironique aussi: « Continuez, colonel, vous êtes sur la bonne voie ! ». Les militaires sont ridiculisés puisque c’est le moins gradé, l’agent de liaison, qui risque sa vie, le général n’étant pas sur le front. L’auteur s’interroge ici sur le pouvoir des mots : les lettres que reçoit le colonel envoient des humains à la mort.

Puisqu’il s’agit de rire de la guerre, la mort devient « drôle » avec les descriptions de Céline qui relèvent du grandguignol : l. 30 à 32. L. 2 à 7, la longue énumération montre le côté foisonnant de la guerre, du combat. La guerre devient comique, c’est une farce. On a l’impression que les gens sont amassés, les verbes d’actions sont accumulés (« creusant, se défilant, caracolant… »), tous les moyens pour se déplacer sont mentionnés (« sans chevaux, sur motos (…), en autos (…), volants, à genoux »). Céline nous décrit un véritable délire guerrier à ne pas prendre au sérieux.

Conclusion :

En définitive, loin de toute description héroïque et épique, Céline se sert Bardamu, narrateur simple, mais lucide pour nous livrer une vision « vraie » de la guerre. Bardamu se peint comme un anti-héros, l’inverse du soldat courageux, perdu au milieu d’une guerre dont il ne saisit aucun enjeu et perçoit toutes les absurdités. L’humour et le style de l’auteur permettent à la fois de rendre compte de la réalité crue et de la mettre à distance.

Bardamu est un anti-héros vivant dans une anti-société. Le voyage au bout de la nuit est ici un voyage au bout de l’horreur. Dépouillé de toute fioriture héroïque, le personnage prend une nouvelle dimension, plus humaine, plus proche de la vie, tout comme la langue de Céline.

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Texte 2 : Malraux, La condition humaine (1933)

Incipit  : «    Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire   ? (…)c’était toujours à lui d’agir»

Table des matièresPremière lecture..........................................................................................................................................

PLAN............................................................................................................................................................

Lecture analytique.......................................................................................................................................

I. Une entrée dans le roman in medias res..............................................................................................

1. Les repères temporels.....................................................................................................................

2. Les repères spatiaux........................................................................................................................

II. Un personnage confronté à la mort.....................................................................................................

1. Angoisse...........................................................................................................................................

2. Fascination de la mort (cause de l’angoisse)...................................................................................

3. Le rôle des objets.............................................................................................................................

III. Une atmosphère symbolique..............................................................................................................

1. L’ombre et la lumière..........................................................................................................................

2. Un héros confronté à lui-même...........................................................................................................

Conclusion...................................................................................................................................................

Questions1. Examiner le cadre spatio temporel et la situation initiale : qu’ne déduisez-vous ?

2. Quelle focalisation, pour quel dessein ?

3. Repérer trois types de DISCOURS dans le passage dans le texte : quel dessein ?

4. Analyser la symbolique de ce moment

Première lectureDébut du livre = surprise car le titre annonce une réflexion sur la CH or le roman débute par le récit d’un meurtre. Cela présente l’homme confronté à la mort et c’est la thématique centrale de l’œuvre.

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PLANLe lecteur est tout de suite plongé dans l’action : in medias res. Or on attend du début d’un livre qu’il situe le contexte spatio-temporel, les personnages et les enjeux de l’action (partie I). L’auteur choisit plutôt ici d’intriguer son lecteur, de susciter sa curiosité. Le lecteur est projeté dans les pensées du personnage de Tchen (partie II) et plongé dans une atmosphère étrange et angoissante (partie III).

Lecture analytique1. Une entrée dans le roman in medias res

2. Un personnage confronté à la mort

3. Une atmosphère symbolique

I. Une entrée dans le roman in medias res

1. Les repères temporels « 21 mars 1927. Minuit et demi. » : précision qui donne à l’événement une importance capitale.

Le minutage accompagne l’angoisse devant ce qui est imminent. Apparemment le cadre temporel est vraisemblable.

Pas de situation initiale : on est plongé dans l’action dont on découvre ici une péripétie (cf. schéma narratif)=> le lecteur est amené à s’interroger sur ce qui s’est passé avant, les raisons de ce meurtre….

Passé simple et imparfait : système des temps traditionnel pour la narration mais la durée du récit est plus longue que celle de l’action (on met plus de temps à lire la page que l’action ne met de temps à se dérouler.) Il y a donc une impression de ralenti (cf. technique cinématographique) qui intensifie l’effet d’attente confirmé par la perception du temps qu’a Tchen : « dans cette nuit où le temps n’existait plus » (Ligne 13) ; « c’était toujours à lui d’agir » (Ligne 30).

2. Les repères spatiaux Le lieu nous est signifié indirectement : le prénom du personnage (premier mot du texte) renvoie

à l’Asie, la « mousseline »/ « moustiquaire » (Ligne 2 et 4) indique un pays chaud, le « building » (L.6) et les « klaxons » (L.8) des « voitures » (L.12) suggèrent un pays moderne/européanisé.

« là-bas, dans le monde des hommes » (Lignes 11-12) : ce lieu du crime n’est pas celui de la réalité, il est donc romanesque ou intérieur… Lieu à part, étrangeté de cette parenthèse

« le lit » (L.7) cela se passe donc dans une chambre, la victime est endormie et pas considérée comme un semblable par le héros : « de la chair d’homme », « un corps moins visible qu’une ombre », « ce pied à demi incliné » (Lignes 4 à 6). Il s’agit plus d’une cible que d’une victime humaine.

DONC l’objet de cet incipit n’est pas de fournir un socle à la narration mais de plonger le lecteur dans le récit focalisé sur Tchen.

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II. Un personnage confronté à la mortFocalisation interne : le narrateur n’apparaît pas mais situe le lecteur dans la pensée du personnage : on voit par les yeux de Tchen, on s’interroge et on ressent l’angoisse avec lui, on médite avec lui car tout est exprimé de l’ « intérieur »

soit en style direct (« Assassiner n’est pas seulement tuer… »: Ligne 23

soit indirect («Il se répétait que cet homme devait mourir ») : Ligne 15

soit indirect libre « Pris ou non, exécuté ou non, peu importait ».

Cela favorise l’identification au personnage : le lecteur se sent concerné.

1. Angoisse Modalité interrogative : deux premières phrases + « Découvert ? »

« l’angoisse lui tordait l’estomac » : hésitation et incapacité devant le meurtre « n’était capable(…) que d’y songer avec hébétude» paralysie => Contradiction interne : à la fois déterminé « et incapable d’agir »

2. Fascination de la mort (cause de l’angoisse) : des gros plans cinématographiques « fasciné par ce tas de mousseline blanche» (L.4) : Tchen ne parvient pas à agir à cause de cette

fascination qui le paralyse, devant l’homme « vivant quand-même » ou plutôt devant le crime, l’acte qu’il doit accomplir.

« rien n’existait que ce pied, cet homme » (L.18) : comme une obsession : Tchen ne voit que cela (tournure exceptive)

Devant la mort, le personnage est surpris de ce qu’il découvre en lui : « Tchen découvrait en lui, non le combattant qu’il attendait, mais le sacrificateur ». dimension sacrée de l’acte : sacrifice « aux dieux » de la révolution

3. Le rôle des objets Ils manifestent son hésitation : « mains hésitantes » qui tiennent « un rasoir fermé », « un court

poignard ». Tchen réfléchit à la manière de tuer sa victime. Il y a donc à la fois action et paralysie qui produit comme un arrêt sur image => suspense

Tchen préfère le poignard qui « lui répugnait moins » : Le rasoir est plus sanglant ?

Geste avec le poignard qui crée pour lui la surprise : « stupéfait du silence» « comme si son geste eut dû déclencher quelque chute » (L.29) => contraste entre la réalité calme (rien ne se passe) et le tourbillon de ses pensées. La syntaxe heurtée traduit d’ailleurs le désordre intérieur de Tchen

=> Il se passe plus de choses à l’intérieur du héros que dans la « réalité » extérieure. Alors qu’il va tuer un homme sans défense, Tchen se heurte à l’interdit immémorial du meurtre en même temps qu’il est fasciné par la mort.

Le passage agit sur un plan symbolique

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III. Une atmosphère symbolique

1. L’ombre et la lumière Le contraste entre le clair

«la seule lumière (…) grand rectangle d’électricité pâle » (L.6),

« rectangle de lumière » (L.13)

et l’obscur « minuit et demi », « cette nuit » (L.13) marque l’atmosphère de cet extrait.

Encore une fois aspect cinématographique de cette SCENE

La chambre est plongée dans la nuit mis à part le rectangle de lumière qui vient du building voisin (extérieur) et qui éclaire le lit(intérieur). Ce contraste est renforcé par le contexte sonore : le « silence » de la chambre s’oppose au bruit de la rue la nuit (klaxons…). Ainsi Tchen est-il dans un autre monde ou du moins dans une autre dimension plus symbolique et plus intérieure.

Il doit tuer un homme qu’il compare à « une ombre », et découvre en lui les ténèbres : « sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeurs auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté ». Ainsi Malraux présente-t-il un homme face à la mort dont la réflexion sur lui-même révèle une grande obscurité intérieure / noirceur.

2. Un héros confronté à lui-même Tchen est seul au moment d’exécuter le meurtre et pourtant il a l’impression d’être confronté à

une série d’obstacles : les barreaux dessinés par la lumière renforcent le malaise qu’il ressent face à la vision du pied de sa victime : « comme pour en accentuer le volume et la vie », la mousseline blanche prend une importance démesurée (couleur symbolique !), la nuit est à la fois protectrice (cache) et troublante « écrasée d’angoisse ».

Par deux fois son imaginaire lui joue des tours : « Découvert ? », « comme si son geste eut dû déclencher… » alors qu’il est fermement décidé : « Pris ou non, exécuté ou non »

Nostalgie du combat et solitude, dégout devant l’acte à accomplir, sens du devoir politique => torture intérieure du personnage manifestée par l’angoisse. Le meurtre lui révèle sa personnalité véritable.

Tchen se découvre en même temps que le lecteur le découvre notamment dans sa prise de conscience transcrite au discours direct « « assassiner n’est pas seulement tuer… » » car c’est donner la mort lâchement, dans l’ombre et par derrière, en ayant prémédité son acte. L’ambiguïté du « il » montre qu’on peut considérer Tchen à la fois comme le bourreau et la victime : il est l’assassin mais deviendra la victime de son propre meurtre (autodestruction). En découvrant l’instinct du meurtre, il prépare son avenir de terroriste et sa véritable identité se dévoile ainsi : assassin.

Obstacle que rencontre Tchen est en fait lui-même : rien dans le réel ne s’oppose à son acte. Il se découvre meurtrier, attiré par la mort et partagé entre la culpabilité et l’héroïsme.

Réflexion sur la condition humaine

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Conclusion :

Pour le lecteur, outre la surprise de l’entrée dans l’action in medias res et l’effet de ralenti et de suspense, il y a la découverte d’un personnage de l’intérieur. La narration favorise l’identification mais l’immoralité de l’acte crée aussi un effet de rejet qui s’y oppose. Aucun portrait physique n’est dressé, il ne viendra que plus tard.

En montrant la fascination que Tchen éprouve devant l’homme qu’il va tuer, Malraux suggère une réflexion sur le sens et la valeur de la vie et sur le respect qu’un homme a pour autrui.

Roman moderne par la forme de l’écriture (technique cinématographique, entrée par une approche psychologique du personnage en focalisation interne) et par le sujet traité (révolution en Chine) avec une portée symbolique (par le thème du meurtre, réflexion sur la condition humaine)

Annonce déjà tous les thèmes du roman : angoisse, Chine et histoire, violence, mort, nuit, affrontement.