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Thème 4 – étudier les divisions politiques du monde AXE 1 – Tracer des frontières, approche géopolitique. INTRODUCTION En 1988, Michel Foucher, géographe spécialiste des frontières a écrit l’ouvrage « Fronts et frontières » dans lequel il explique que le concept de frontière a évolué de l’idée de « front », c’est-à-dire là où il y a un ennemi à affronter, apparaît une frontière plus ou moins pacifiée et ouverte entre deux territoires étatiques. Il existe actuellement 252 000 kilomètres de frontières terrestres dans le monde qui séparent politiquement des Etats. Ces frontières sont plus ou moins marquées, plus ou moins reconnues et conflictuelles et partiellement effacées avec le phénomène de mondialisation. Le tracé des frontières est le résultat de nombreux facteurs historiques, géographiques et géopolitiques. L’Homme les a progressivement tracées dans différents buts comme se protéger d’ennemis, se partager un territoire avec un autre Etat ou encore montrer la séparation entre deux systèmes, deux organisations politiques. Souvent, les frontières ont plusieurs de ces fonctions. PROBLEMATIQUE Quelles sont les finalités et les usages des frontières politiques d’hier et d’aujourd’hui ? Rappel : Il faut avoir travaillé les trois jalons / répondre aux questions. Maîtriser les mots-clés ou expressions (voir fiche-guide). I. Tracer des frontières pour se protéger, se défendre. 1) Comme l’explique Michel Foucher, la fonction première des frontières a toujours été de protéger un territoire contre un ennemi (l’idée de front). Ainsi, dès l’Antiquité (sans doute même avant mais il n’en reste pas de traces), les empires ou cités-Etats ont voulu protéger leur territoire. La première trace d’un règlement de frontière date de 2400 avant J.C. avec le cône d’Enmetana ! Le texte relate l'histoire d'un règlement

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Page 1: histoiregeraudfumel.files.wordpress.com  · Web viewMaîtriser les mots-clés ou expressions (voir fiche-guide). I. Tracer des frontières pour se protéger, se défendre. 1) Comme

Thème 4 – étudier les divisions politiques du mondeAXE 1 – Tracer des frontières, approche géopolitique.

INTRODUCTIONEn 1988, Michel Foucher, géographe spécialiste des frontières a écrit l’ouvrage

« Fronts et frontières » dans lequel il explique que le concept de frontière a évolué de l’idée de « front », c’est-à-dire là où il y a un ennemi à affronter, apparaît une frontière plus ou moins pacifiée et ouverte entre deux territoires étatiques.Il existe actuellement 252 000 kilomètres de frontières terrestres dans le monde qui séparent politiquement des Etats. Ces frontières sont plus ou moins marquées, plus ou moins reconnues et conflictuelles et partiellement effacées avec le phénomène de mondialisation.Le tracé des frontières est le résultat de nombreux facteurs historiques, géographiques et géopolitiques. L’Homme les a progressivement tracées dans différents buts comme se protéger d’ennemis, se partager un territoire avec un autre Etat ou encore montrer la séparation entre deux systèmes, deux organisations politiques. Souvent, les frontières ont plusieurs de ces fonctions.

PROBLEMATIQUEQuelles sont les finalités et les usages des frontières politiques d’hier et d’aujourd’hui ?

Rappel :Il faut avoir travaillé les trois jalons / répondre aux questions.Maîtriser les mots-clés ou expressions (voir fiche-guide).

I. Tracer des frontières pour se protéger, se défendre.1) Comme l’explique Michel Foucher, la fonction première des frontières a toujours été de protéger un territoire contre un ennemi (l’idée de front). Ainsi, dès l’Antiquité (sans doute même avant mais il n’en reste pas de traces), les empires ou cités-Etats ont voulu protéger leur territoire. La première trace d’un règlement de frontière date de 2400 avant J.C. avec le cône d’Enmetana ! Le texte relate l'histoire d'un règlement de frontières entre les Etats sumériens de Lagash et d'Umma (Basse-Mésopotamie).

2) C’est cette fonction première qu’ont voulu donner les Romains au limes du Ier au Vème siècles après J.C.. Le limes, c’est le nom donné à la frontière de l’Empire romain par les historiens (voir étude du dossier documentaire Jalon 1).Au IIème siècle, au moment de l’extension maximale de l’Empire romain, le limes s’étend de la Calédonie (ancien nom de l’Ecosse) à la Mer Noire et Mer Rouge et en Afrique du Nord. Il faut imaginer une ligne discontinue, pas forcément fortifiée partout.

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Il existe des limes fermés comme ceux de la Bretagne (ancien nom donné à l’Angleterre) avec le mur d’Hadrien (édifié entre 122 et 127 après J.C.) de 120 km de long et 3 à 6 m de haut. Ce mur est encore visible aujourd’hui et marque la limite administrative entre l’Angleterre et l’Ecosse ! Mais aussi des limes non fortifiés comme au Sud du territoire de l’Afrique du Nord.

3) D’autres exemples historiques montrent aussi cette volonté de tracer une frontière de protection. C’est l’exemple de la grande muraille de Chine séparant la Chine sédentaire des non-chinois (donc barbares) nomades (Huns puis Mongols). La construction de cette « muraille » (en fait il s’agit de plusieurs murs) s’étend du Vème siècle avant J.C. au XVIIème

siècle après J.C.. Les parties encore visibles au Nord de Pékin datent de la dynastie des Ming (1368-1644).

Si la ligne a permis de ralentir l’invasion un moment, les Allemands ont fini par la contourner et attaquer ses points faibles en 1940 pour les résultats qu’on connaît.- Les frontières actuelles se veulent parfois des protections contre le terrorisme, les migrations illégales ou encore les trafics en tout genre (drogues, armes, contrefaçons…). C’est la raison pour laquelle on assiste à une barriérisation des frontières ou encore une matérialisation (voir exemple de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique – doc.1 p. 148).Par exemple, l’Inde est le pays qui a le plus de barrières au monde. L’Inde a érigé des barrières depuis son indépendance en 1947. Avec le Bangladesh, elle a lancé en 1993 l’un des plus ambitieux programme de « barriérisation » au monde – doc.1 p. 144.

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Le limes rhénan a été fortifié à la suite de l’échec de la conquête de la Germanie (c’est-à-dire le nom donné par les Romains à la région située au Nord du Rhin et du Danube). Cette tentative de conquête a commencé avec Jules César en 58 avant J.C. et s’est poursuivie jusqu’à la défaite des Romains à Teutoburg en 9 après J.C.. Dès lors, les Romains ont fortifié une partie du limes pour protéger leur territoire. Ce limes est une frontière juridique, politique mais aussi symbolique. Toutefois, elle ne se résume pas à une barrière défensive. C’est aussi un espace d’échanges commerciaux.

4) Pour la période contemporaine, plusieurs exemples montrent que les frontières sont considérées comme des protections face à un ennemi réel ou supposé.- Par exemple, la ligne Maginot (du nom du Ministre de la Guerre qui l’a faite voter le 14 janvier 1930) est un réseau de fortifications défensives semi-enterrées situé le long de la frontière italienne et jusqu’en Belgique. Toute la ligne n’est pas fortifiée. La partie la plus fortifiée est située au Nord-Est de la France (une partie de la frontière belge et allemande). L’objectif était de se protéger d’une éventuelle nouvelle invasion de l’Allemagne et de l’Italie.

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Composé de briques et d'une double rangée de barbelés, le mur-frontière de 200 km de long a été établi entre 1993 et 2013 pour un coût total de 4 milliards de dollars. Son but est de « lutter contre l'infiltration terroriste, l'immigration clandestine et la contrebande ». Il est gardé par 220 000 gardes-frontière et 60 000 à 80 000 soldats indiens. Le Bangladesh considère ce mur comme légal, car construit côté indien à 150 mètres de la frontière. Les migrants bengalis sont maltraités ou tués par les gardes-frontière.Nous observons aussi depuis quelques années une barriérisation de la frontière entre le France et le Royaume-Uni au niveau de l’embarquement maritime de Calais. Il s’agit d’un réseau de murs bétonnés et de barbelés empêchant les migrants de monter dans les camions à destination du Royaume-Uni.

Ainsi, depuis l’Antiquité, tracer des frontières a une fonction de protection contre un ennemi réel ou supposé et cet usage des frontières est toujours d’actualité.

II. Tracer des frontières pour s’approprier un territoire.1) En traçant une frontière, un acteur, généralement un Etat, ne fait pas que se protéger d’un ennemi, il délimite un territoire sur lequel il exerce son pouvoir, sa souveraineté.Bien que les frontières puissent parfois s’appuyer sur des éléments physiques (montagnes, fleuves, rivières …), aucune frontière n’est naturelle. Il s’agit toujours d’une délimitation faite par l’Homme, d’une construction sociale, mentale. Chaque tracé est matérialisé symboliquement sur des cartes ou physiquement sur le terrain et le plus souvent concrétisé par un traité. Ce tracé peut être reconnu ou dénoncé par d’autres acteurs, notamment les Etats voisins, qui peuvent le rejeter s’ils s’estiment lésés.

2) Dans le cas de l’Afrique, les frontières actuelles des 54 Etats africains représentent environ 83 500 km (2020). Ces frontières sont majoritairement le résultat du tracé des frontières par les colonisateurs à partir du XIXème siècle. Si des limites ont toujours existé avant la période coloniale comme en Egypte pharaonique ou avec les différents royaumes africains, celles-ci n’étaient pas linéaires. Il s’agissait plutôt de zones avec un pouvoir décroissant qui s’exerce plus ou moins de façon concentrique (voir schéma explicatif ci-dessous).

Construction d'un mur “anti-intrusions” de migrants autour d'une station-service Total pour empêcher les migrants de grimper clandestinement dans des camions à destination de la Grande-Bretagne (24 janvier 2019).

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Les Européens ont imposé en Afrique un concept linéaire de la frontière (voir Jalon 2). La plupart des frontières ont été tracées sur le papier sans connaître véritablement le terrain, sans l’avoir exploré et souvent sans tenir compte des populations autochtones déjà sur place. Après l’accès à l’indépendance de la majorité des pays africains (décolonisation) entre 1954 et 1975, ils décident en 1964 au moment de la réunion de l’OUA (Organisation de l’Unité africaine) du principe de l’intangibilité des frontières. Cela signifie que les Etats reconnaissent les frontières existantes comme non modifiables pour éviter les conflits.

Au cours du XXème siècle de nombreuses frontières ont été tracées en raison de guerres, de la décolonisation ou encore de l’effondrement soviétique dès 1989. La dernière frontière tracée en date et reconnue internationalement est celle séparant le Soudan du Nord du Soudan du Sud (Etat créé en 2011). Mais en mars 2014, la Russie a annexé la Crimée élargissant donc ses frontières. Ce territoire appartenait à l’Ukraine. Vous pouvez aller voir cette émission d’Arte : tapez … Arte Casus Boloss annexion de la Crimée (6 min complètement loufoques !) pour comprendre les origines, les circonstances et les enjeux de cette annexion.

Tracer des frontières permet donc également de s’approprier un territoire par la négociation ou par la force pour y exercer son pouvoir.

III. Tracer des frontières pour séparer deux systèmes, une action source de tensions.Dès qu’elle est tracée, la frontière devient une ligne que d’autres acteurs essaient de remettre en cause, de traverser ou de transgresser. Au XIXème siècle, le géographe allemand Friedrich Ratzel (1844-1904, premier géographe à avoir formulé la notion de Lebensraum / concept de l’espace vital) définit la frontière comme une réalité mouvante, dont le tracé évolue en fonction des rapports de force entre différents acteurs. Ainsi, tracer des frontières peut générer des tensions, voire des conflits.L’exemple de la frontière entre Corée du Nord et Corée du Sud (Jalon 3) est à cet égard très illustrant pour montrer qu’une frontière peut séparer deux systèmes différents et créer d’importantes tensions. En effet, la frontière entre les deux Corées est un vestige de la guerre de Corée qui s’est déroulée dans le contexte de la Guerre froide opposant deux systèmes idéologiques différents (Les Etats-Unis libéraux et les Soviétiques communistes).

1. Le contexte.La Corée était avant la Seconde Guerre mondiale une colonie japonaise (depuis 1910). Lorsque la guerre se termine pour le Japon, les deux grandes puissances (EU/URSS) s’étaient entendues pour se partager la reddition (le fait de se rendre, de capituler) du Japon et de son empire : à l’URSS au Nord du 38ème parallèle, aux Etats-Unis au Sud du 38ème

parallèle. Cette ligne passe précisément au milieu du territoire de la Corée. De ce fait, le pays est divisé en deux. Au Nord, les résistants communistes menés par Kim Il Sung contrôlent le pays avec le soutien de l’URSS. Au Sud, les Américains installent un gouvernement militaire. L’objectif en 1945 était de réunifier le pays mais chacun voulant le réunifier à son avantage (un peu comme l’Allemagne en fait).

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La Corée devient alors un enjeu important de la Guerre froide – doc. p. 160 et p. 161. En 1948, les Américains organisent des élections libres alors que la même année, au Nord, est proclamée la République populaire démocratique de Corée dirigée par Kim Il Sung. En 1950, les Nord-Coréens déclenchent une offensive marquant le début de la Guerre de Corée. Evidemment, le Nord est soutenu par l’URSS (et la Chine) et le Sud est soutenu par les Etats-Unis. La guerre prend fin par la signature d’un accord de cessez-le-feu de Panmunjom le 27 juillet 1953. Le bilan de la guerre est de plus de deux millions de morts (le nombre de victimes collatérales, famine, maladie, n’est pas précisément connu).

2. Une frontière hautement symbolique qui sépare deux idéologies.Cet accord de 1953 prévoit la mise en place de la DMZ (DeMilitarized Zone, zone démilitarisée) au niveau du 38ème parallèle. La frontière tracée en 1953 sépare un peuple en deux Etats. Mais surtout, elle sépare symboliquement deux systèmes, deux idéologies et donc deux mondes qui prétendent étendre leur organisation à l’échelle mondiale. Elle est le symbole de la bipolarisation du monde – c’est la division du monde en deux (bi) pôles (polarisation) entre l’URSS et ses alliés (bloc soviétique) et les Etats-Unis et leurs alliés (bloc occidental) … comme le mur de Berlin entre 1961 et 1989.La frontière est également matérialisée : il y a d’abord une ligne de démarcation militaire (clôture avec barbelées – doc.3 p. 161 + doc.3 p. 159) qui correspond à la ligne de front en 1953 surveillée par des militaires qui se font face (au niveau de Panmunjom). De part et d’autre de cette ligne s’étend la DMZ (2 km au Nord et au Sud). La DMZ fait donc 4 km en tout sur plus de 248 km de long. Dans cette zone, les armements lourds sont interdits même si les patrouilles y sont autorisées.Elle est complètement désertée de présence humaine, si bien qu’aujourd’hui, elle est un refuge pour les espèces rares de faune et de flore. Aujourd’hui, cette frontière est toujours la même, l’un des héritages les plus visibles de la Guerre froide. Toutefois, on note des rapprochements récents entre Corée du Nord et Corée du Sud – doc. p. 153.Pour compléter, lecture d’une vidéo :https://www.youtube.com/watch?v=55LqU6THN-M (Reportage de France 24 – 2’17).

Cette frontière est le témoin que tracer une frontière a également pour objectif de marquer visiblement et symboliquement la séparation entre deux systèmes politiques, deux idéologiques, deux visions du monde différentes et que cela peut créer des tensions voire des guerres.

CONCLUSIONEn conclusion, tracer des frontières est un acte politique qui a plusieurs finalités qui

peuvent se superposer. Historiquement, tracer une frontière avait pour objectif de défendre son territoire contre un ennemi venant de l’extérieur (faire front). Dans l’Antiquité, les Romains tracent le limes pour montrer la limite symbolique, politique, culturelle et juridique avec les autres peuples, qualifiés de Barbares. Cette finalité existe toujours aujourd’hui face à des ennemis réels ou supposés. Tracer une frontière sert également à s’approprier un territoire, le marquer comme un espace dominé, contrôlé.

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C’est ce qu’ont fait les Européens en Afrique dès la fin du XIXème siècle. C’est ce que font encore certains Etats comme la Russie avec la Crimée. Enfin, tracer une frontière sert à marquer la différence entre deux conceptions politiques, économiques et juridiques. C’est le cas de la frontière entre les deux Corées, vestige de la Guerre froide qui a vu s’affronter deux blocs idéologiques et qui existe encore aujourd’hui. Les usages et les finalités des frontières sont donc très variés et peuvent se combiner. La fermeture actuelle des frontières pour lutter contre le Coronavirus montre à quel point aujourd’hui la frontière est encore considérée comme un lieu de défense (face à un ennemi si invisible soit-il) et un lieu d’appropriation (dans ses limites, des règles de confinement différentes s’appliquent).

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