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Thème 3 – la 3ème République avant 1914 : un régime politique, un empire colonialLeçon 6 – La mise en œuvre du projet républicain.
INTRODUCTIONEntre 1870 et 1914, la France se dote progressivement d’un nouveau régime politique : la IIIème République. Proclamée après la chute du Second Empire, elle s’impose dans le pays. Les républicains réalisent un projet dont les racines remontent à la Révolution française. Ce projet s’appuie sur les libertés, la démocratie parlementaire, l’égalité ou encore la laïcité. Sa mise en œuvre s’effectue au fil des événements politiques : les contestations sont nombreuses. Mais la République résiste. Livre p. 166 et p. 167.
PROBLEMATIQUEComment la IIIème République s’enracine-t-elle entre 1870 et 1914 ?
I. L’instauration de la République dans l’urgence entre 1870 et 1879.A. Une naissance dans la douleur.
1. Une République fragilisée par la guerre. Rappels : en 1870, Napoléon III (1851 – 1870) déclare la guerre à la Prusse. L’Empereur français est obligé de déposer les armes après la bataille de Sedan, le 2 septembre 1870. Les opposants au régime (les républicains) proclament le 4 septembre 1870, devant l’Hôtel de ville de Paris et forment un gouvernement de Défense nationale (le général Trochu, Léon Gambetta, Jules Ferry). Ainsi débute la IIIème République. Ce gouvernement de Défense nationale veut poursuivre la lutte contre les Prussiens. Mais, il doit renoncer car les Allemands envahissent une large partie du Nord de la France et encerclent Paris.
La guerre de 1870 – 1871.
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Inquiet de l’agitation révolutionnaire qui gagne les grandes villes dont Paris, le gouvernement en place décide de signer l’armistice le 28 janvier 1871 au prix de conditions de paix très dures et …une assemblée nationale constituante doit être élue dans les délais les plus brefs afin de pouvoir signer la paix. Lors des élections législatives (Assemblée constituante) le 8 février 1871, les royalistes (ou monarchistes) remportent les élections : ils sont favorables à la paix et hostiles à la République. La nouvelle Assemblée nationale installée à Bordeaux puis à Versailles nomme le conservateur Adolphe Thiers chef du pouvoir Exécutif. Attention ! Le nouveau régime ne possède pas encore d’institutions – doc.2 p. 169.
2. Très vite la Commune de Paris s’exprime ! Assiégée par les Prussiens + l’armistice + la volonté d’Adolphe Thiers (gouvernement installé à Versailles) de retirer les canons de la Garde nationale installés sur la butte Montmartre = les Parisiens s’estiment humiliés et trahis par le pouvoir !Les Parisiens se révoltent le 18 mars 1871 et élisent un Conseil général de la Commune de Paris. Ce gouvernement insurrectionnel s’oppose au gouvernement de Versailles et veut instaurer une République démocratique et sociale (lutter contre les inégalités). Mais la Commune est divisée, isolée par l’indifférence de la campagne et discréditée par la propagande de Thiers. Celui-ci décide d’en finir ! C’est la Semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871 – doc.1 p. 168.Les Versaillais passent à l’attaque le 21 mai dans Paris. Ils doivent conquérir les barricades l'une après l'autre. Les combats de rue font au total 4 000 tués (877 du côté des troupes versaillaises). S'ajoutent à ce bilan les victimes de la répression car, à l'arrière, des liquidateurs tuent méthodiquement les suspects. Les Communards ripostent en faisant fusiller environ 80 otages. Ils allument aussi des foyers d'incendie – plusieurs monuments illustres partent en fumée : le palais des Tuileries, le palais de Justice gothique, l'Hôtel de Ville hérité de la Renaissance, le Palais-Royal et le palais d'Orsay – doc.4 p. 173.Le bilan total de la Semaine sanglante est d'environ 20 000 victimes, sans compter 38 000 arrestations. C'est à peu près autant que la guillotine sous la Révolution. À cela s'ajoutent les sanctions judiciaires. Les tribunaux prononceront jusqu'en 1877 un total d'environ 50 000 jugements. Il y a quelques condamnations à mort et près de 10 000 déportations (parmi les déportées qui rejoindront les bagnes de Nouvelle-Calédonie figurent une célèbre institutrice révolutionnaire, Louise Michel) – Point de passage et d’ouverture p. 172 et p. 173.Répondre aux Q° 1 à 6.Q°1 – L’expression « semaine sanglante » désigne les journées au cours desquelles les troupes gouvernementales envoyées par Adolphe Thiers reprennent le contrôle de Paris en révolution. Entre les 21 et 28 mai 1871, les soldats du gouvernement de Versailles réduisent une à une les barricades dressées par les Communards procédant, à des exécutions de masse. De leur côté, les Communards fusillent une centaine d’otages et mettent le feu à un tiers de la ville – doc.4 p. 173.Q°2 – Louise Michel s’engage fortement dans l’expérience de démocratie directe qu’est la Commune. Elle continue de faire classe à des élèves, est secrétaire de la société de moralisation des ouvrières par le travail, organise le Comité central de l’Union des femmes et anime des comités de vigilance. 2
Partout, elle exprime ses idées sur la révolution sociale. Le tribunal, au moment de son procès, lui attribue la responsabilité du vote sur la suppression de la magistrature. Elle est proche de Jules Vallès, le rédacteur en chef du Cri du peuple et rédige des articles pour ce journal. Dès l’automne 1870, elle participe à la défense de Paris assiégée par les Prussiens. Louise Michel prend également part aux combats sur les barricades lors de la « semaine sanglante » – doc.3 p. 172.Q° 3 – La Gazette des tribunaux du 17 décembre 1871 se montre critique vis-à-vis de Louise Michel. Les termes « exciter » et « discours incendiaire » participent à la présenter comme une agitatrice dangereuse. Le texte l’accuse de chercher à se faire aimer du peuple, donnant à son action des motifs peu nobles. La peinture de Jules Girardet, qui date de la même année, présente au contraire Louise Michel comme une héroïne tragique. Placée au centre de la foule, le visage baigné de lumière, elle est calme et apparaît décidée à affronter ses juges. Les soldats qui semblent l’accompagner, lui témoignent un grand respect. Ces documents montrent combien se développent très tôt des mémoires contradictoires de la Commune et de Louise Michel en particulier.Q°4 – Dans son histoire de la Commune publiée en 1898, Louise Michel présente le peuple comme victime de la violence de ceux qui possèdent les richesses et le pouvoir politique. Elle reprend dans cet extrait les propos des membres de l’Internationale jugés à la fin du Second Empire. La révolution est le résultat d’une juste indignation qui a pour but la véritable liberté. Lors de son procès, elle présente la révolution comme un affranchissement inéluctable et rejette la responsabilité des violences et des incendies sur les troupes du gouvernement de Versailles. Louise Michel participe ainsi à renforcer le clivage entre le pouvoir républicain et le mouvement social.Q°5 – Tableau :
L’analyse du sort du peuple La conception de la révolution Les circonstances de l’affrontement en mai 1871
Pour Louise Michel, les prolétaires vivent dans une situation de soumission et d’exploitation. Le pouvoir répond systématiquement à leurs aspirations par la répression. Elle estime que le peuple ne pourra s’affranchir de cette domination qu’en se gouvernant lui-même. Louise Michel fait le lien entre son analyse du sort du peuple et l’expérience de démocratie directe qu’a été la Commune. Lors de ses années d’exil en Nouvelle-Calédonie, elle a embrassé la cause anarchiste.
Pour Louise Michel, la révolution doit être une révolution sociale. Il ne suffit pas de proclamer la République. Le gouvernement de Versailles, pourtant issu des élections de février 1871, est considéré comme illégitime. Elle évoque les « envahisseurs de Versailles ». En se disant appartenir « tout entière » à la révolution sociale, Louise Michel rejette toute autre forme de gouvernement que le gouvernement des ouvriers.
Les affrontements de la « Semaine sanglante » ont été particulièrement dramatiques, faisant plusieurs milliers de morts dans la capitale. Louise Michel, lors de son procès, mais également dans son histoire de la Commune publiée en 1898, a insisté sur la violence déployée par les troupes versaillaises. Elle a participé à la construction d’une mémoire communarde des événements, allant jusqu’à rejeter la responsabilité des incendies sur les soldats du gouvernement.
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Q°6 – Louise Michel est considérée comme l’une des figures majeures de la Commune, si ce n’est la principale. Elle a donné un visage au mouvement. Une véritable légende s’est construite autour d’elle. Cela tient en partie à son attitude lors de son procès, au mois de décembre 1871. Les journaux, comme la Gazette des tribunaux du 17 décembre, ont largement relaté la manière dont elle a apostrophé ses juges, demandant à être condamnée et mettant le gouvernement de Versailles en accusation. Même les publications les plus conservatrices, qui voient en elle une extrémiste des plus dangereuses, se montrent impressionnées. Elle est présentée comme une combattante, prête au sacrifice : « je ne veux pas être défendue ». Elle est tout entière vouée à la cause de « la révolution sociale » et entend être la porte-parole de tous les morts des barricades, de tous les fusillés. Cet extrait montre à quel point Louise Michel est parvenue à utiliser ce procès pour défendre ses idées. La peinture de Jules Girardet, qui est contemporaine des événements, consacre la dimension d’héroïne tragique de Louise Michel. Elle vient de se rendre aux troupes versaillaises et est accompagnée par le peuple de Paris, une mère avec son enfant dans les bras, un jeune garçon qui rappelle le Gavroche des Misérables, une vieille femme... Elle semble guider ces Parisiens qui sortent à peine des affrontements de la « Semaine sanglante », tout en les protégeant. Alors que le ciel est encore chargé des nuages des incendies, des rayons de lumière éclairent son visage, accentuant sa nature héroïque. Cette peinture montre que Louise Michel a immédiatement occupé une place à part dans les événements de la Commune. Elle fait écho au poème de Victor Hugo « Viro major » rédigé au même moment. Dès la fin de l’année 1871 se mettent en placent les éléments du mythe de la « vierge rouge », surnom donné à Louise Michel par les tenants d’une révolution sociale.
Vidéos à lire :1) Louise Michel / Quelle histoire / TV5 Monde – 7’02.2) Louise Michel / une anarchiste en Nouvelle-Calédonie / Arte – 12’30.
B. La construction d’un nouveau modèle politique. Finalement, Adolphe Thiers devenu président de la République le 31 août 1871, opposé à une restauration monarchique et rallié à la République inquiète les monarchistes qui le forcent à démissionner. Le 24 mai 1873, l'Assemblée, constatant son manque d'empressement à restaurer la monarchie, lui retire sa confiance et porte à la présidence le maréchal Patrice de Mac Mahon, un royaliste.Mais les monarchistes sont divisés et ne parviennent pas à s’entendre sur les conditions du rétablissement monarchique. Et, pour ne pas précipiter les choses … l’Assemblée nationale (à forte majorité monarchiste) vote la loi sur le Septennat le 20 novembre 1873 : cette loi décide que Mac-Mahon, le président en exercice, dont la durée du mandat n'est pas précisée, « garderait la place » en attendant que les négociations aient avancé / elle institue le septennat pour le président de la IIIème République.La République est entre les mains des royalistes mais … un compromis est établi entre républicains et monarchistes pour adopter les lois constitutionnelles : plusieurs étapes.
1- Le 30 janvier 1875 l'Assemblée nationale adopte l'amendement proposé par Henri Wallon (député républicain du Nord) qui établit la forme républicaine du régime et l’élection d’un président de la République.
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2- La Loi du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat.3- La Loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics (la Chambre
des députés, le Sénat, le président de la République, le gouvernement …).4- La Loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics.
Schéma p. 171 – les institutions de la IIIème République.
Les élections de 1876 portent au pouvoir les Républicains et Mac Mahon tente un coup d’Etat en 1877 qui échoue. Finalement, il doit se démettre de ses fonctions en janvier 1879. L’élection du président de Jules Grévy (1879 – 1887) consacre le triomphe des républicains.
II. Une IIIème République source d’unité et source d’exclusion. A. Elle enracine ses valeurs dans le pays.
1. Jules Ferry et les lois scolaires (1880 – 1882). La période de 1879 à 1887 met en avant les libertés fondamentales. Ainsi, l’école permet d’inculquer les valeurs républicaines car elle touche des générations successives de Français – doc. p. 175. Sous l’influence du ministre de l’Instruction publique, Jules Ferry, fait voter en 1881 – 1882, des lois scolaires rendant l’école primaire laïque, obligatoire et gratuite pour les enfants de 6 à 13 ans. Les personnels des établissements publics sont laïcisés en 1886 (loi Goblet du 30 octobre 1886 / ministre de l’Instruction publique de 1885 à 1886 – achève la laïcisation de l’enseignement). 5
1) Le Parlement est tout puissant. Les députés, élus au SU masculin, peuvent renverser le gouvernement. L’Assemblée est le cœur de la vie politique : le lieu de débats souvent enflammés. L’éloquence devient essentielle : par leurs discours, les députés peuvent faire tomber un ministère ou s’opposer à une loi. 2) Le président n’est qu’un symbole. Par peur d’une répétition du coup d’Etat de 1851, le monde politique décide que le président sera élu par le Parlement et non au SU direct. Le régime est parlementaire : le président n’a que peu de pouvoirs réels. 3) Les gouvernements sont souvent de courte durée. Le Conseil des ministres change donc régulièrement, ce qui est source d’instabilité politique.
2. De nouveaux droits accordés. La IIIème République contribue aussi à la mis en place de la liberté de la presse (loi du 29 juillet 1881), de la liberté syndicale (loi du 21 mars 1884) – elle affirme que les syndicats « pourront se constituer librement sans l'autorisation du Gouvernement ».Met en place également la loi sur le divorce (loi Alfred Naquet du 27 juillet 1884 – député et sénateur du Vaucluse et partisan de l'amour libre / le divorce est possible uniquement pour faute et à condition d’en apporter la preuve). Cette loi permet à une société plus libre d’apparaître. La loi du 1er juillet 1901 / mise en place par Waldeck-Rousseau (alors président du Conseil et ministre de l'Intérieur et des Cultes) – introduit la liberté d’association laïque non professionnelle. Cette loi permet la constitution des premiers partis politiques : le Parti républicain radical dès 1901 / un rassemblement hétéroclite de personnalités : Emile Combes, Camille Pelletan.Un mouvement socialiste et ouvrier en pleine structuration s’unit autour d’un parti politique de gauche : la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) / création à Paris, salle du Globe, boulevard de Strasbourg (10ème arrondissement) – Jean Jaurès, Jules Guesde.
3. Multiplication des symboles républicains. La République diffuse ses valeurs de diverses façons. Villes et villages se couvrent de places de la République comme celle inaugurée à Paris en 1879. De plus, les symboles ont souvent pour origine la Révolution française de 1789 :
- le drapeau, officiellement instauré en France en 1830,- la Marseillaise composée en 1792 mais adoptée officiellement comme hymne
national en 1879.- la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » est inscrite sur le fronton des édifices publics
à partir de 1880.- à cette même date Marianne devient la représentation de la République (sur les
places, les timbres, son buste orne toutes les mairies de France). - en célébration de la prise de la Bastille en 1789 et de la fête de la fédération en 1790,
la IIIème République adopte, en 1880, le 14 juillet comme fête nationale. Le centenaire de la RF est fêté avec faste en 1889.
De plus, les grands hommes de la patrie et de la République sont honorés par des obsèques nationales, tels Adolphe Thiers ou Victor Hugo panthéonisé le 1er juin 1885. Point de passage et d’ouverture – livre p. 178 et p. 179 / répondre aux Q°.Q°1 – Le gouvernement entend faire des funérailles de Victor Hugo un grand moment de communion républicaine et nationale. Une loi du 24 mai 1885 accorde au poète des funérailles nationales. Le président de la République Jules Grévy prend ensuite par décret la décision de nationaliser l’église Sainte Geneviève pour en faire un panthéon où seront déposés « les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance de la patrie ». Un second décret prévoit que le corps de Victor Hugo sera déposé au Panthéon. L’État républicain est le grand ordonnateur et orchestrateur de cet événement.Q°2 – Sur la peinture de Georges François Guiaud datant de 1885, les drapeaux tricolores qui flottent dans le vent, ainsi que le quadrige (char) de la révolution qui surmontait à l’époque l’Arc de triomphe, rappellent la dimension républicaine d’une cérémonie 6
Décidée et organisée par le gouvernement. Les funérailles de Victor Hugo sont l’occasion d’une véritable mise en scène du régime, avec son décor et ses figurants. La lithographie intitulée « Liqueur de l’immortel Victor Hugo » montre la foule présente autour de l’Arc de triomphe la veille de la cérémonie, ainsi que devant le Panthéon le 1er juin. Cette foule, ainsi que les loueurs d’échelles, les vendeurs de souvenirs et les affiches ou cartes postales éditées pour l’occasion montrent qu’il s’agit d’un événement populaire, d’une fête qui réunit les Français. L’Arc de triomphe renvoie aux victoires napoléoniennes et à la grandeur du pays. Il donne à l’événement une dimension nationaliste. Victor Hugo, considéré comme le poète national, incarne la grandeur de la France dont il est censé rassembler les habitants par-delà les clivages politiques.Q°3 – L’extrait du journal La Croix du 24 mai 1885 montre que le consensus national n’a pas été total. Victor Hugo, qui a mené une carrière politique, siège à l’Assemblée nationale comme député sous la IIème République. En 1850, il prend la tête d’un combat pour la laïcité, notamment dans le domaine de l’enseignement. Ce combat explique en partie l’attachement des républicains à la figure de Victor Hugo, mais également l’hostilité de certains catholiques. Le fait que le gouvernement entende faire de ses funérailles une grande cérémonie laïque aggrave cette hostilité. La nationalisation de l’église Sainte-Geneviève, décrétée deux jours plus tard, est perçue comme une nouvelle manifestation de l’anticléricalisme républicain.Q°4 – Ces funérailles sont des funérailles nationales, décidées sur décret du président de la République. L’État républicain ordonne l’événement et prend en charge son organisation. Il s’agit de célébrer le grand poète et écrivain, ainsi que le républicain, opposant à Napoléon III et défenseur de nombreuses causes, dans une grande cérémonie laïque. Les jours qui précèdent les funérailles, alors que le cercueil est exposé sur un catafalque sous l’Arc de triomphe, la foule se presse pour rendre un dernier hommage au poète national. L’événement prend la forme d’une grande fête populaire. C’est aussi un moment d’exaltation nationale, voire patriotique. La procession qui relie l’Arc de triomphe au Panthéon est un geste de reconnaissance de l’ensemble de la patrie, censé réunir tous les Français. Mais il y a tout de même des résistances. Celle des milieux catholiques par exemple. Ils s’opposent à la nationalisation du Panthéon et ne se reconnaissent pas dans la figure de Victor Hugo qui a combattu pour un État laïque et manifestait son athéisme. Les documents proposés n’évoquent pas l’opposition de la gauche révolutionnaire qui ne se reconnaît pas non plus dans cette cérémonie organisée par un gouvernement républicain considéré comme un ennemi. Les funérailles de Victor ont donc bien été un événement à portée nationale mais il faut relativiser la notion de communion qui masque les divisions et oppositions.Q°5 – Les documents proposés sont deux représentations iconographiques des funérailles de Victor Hugo. La peinture de Georges François Guiaud, datant de 1885, représente la foule parisienne rendant hommage au poète sous l’Arc de triomphe dans les jours qui précèdent la cérémonie. La lithographie colorisée de 1885 représente également l’Arc de triomphe ainsi que le Panthéon, avec au 1er plan, le couronnement de Victor Hugo par une Marianne drapée dans le drapeau tricolore. Ce drapeau national, omniprésent autour de l’Arc de triomphe, renvoie à la révolution parisienne de l’été 1789. Il pavoise les rues des villes et villages lors de nombreuses occasions, en particulier le 14 juillet, fête nationale depuis 1880. 7
La Révolution de 1789 est riche en symboles réinvestis lors des premières années de la IIIème
République. Le bonnet phrygien connaît un grand succès. Les deux documents nous permettent de comprendre combien le nouveau régime s’est approprie des œuvres monumentales existantes pour leur donner une dimension proprement républicaine. L’Arc de triomphe est un monument d’une autre époque. Voulu par Napoléon 1er, il célèbre des victoires militaires, la grandeur d’un empire français conquérant. En le surmontant du quadrige intitulé « Triomphe de la révolution », les républicains revendiquent les valeurs de patriotisme et s’inscrivent dans une quête de grandeur nationale. La personnification de la République, principalement sous la forme de Marianne, est autant la manifestation que l’instrument de la diffusion d’une culture républicaine. Maurice Agulhon, dans Marianne au pouvoir, a travaillé sur l’imagerie et la symbolique républicaine entre 1880 et 1914.Le Panthéon, représenté sur la lithographie colorisée, correspond à une autre forme de réappropriation. Son histoire a été tumultueuse : une première fois nationalisé pendant la Révolution, puis rendu à l’exercice du culte sous la Restauration, le président Jules Grévy décide d’en faire à nouveau un monument dédié à la « mémoire des grands hommes ». Le bâtiment a désormais une double dimension patriotique et républicaine. La République marque de son empreinte la ville de Paris et l’ensemble du territoire français. Les écoles et les mairies, construites à travers tout le pays, sont des bâtiments beaucoup plus modestes mais qui peuvent être également considérés comme des monuments républicains avec la devise de la République inscrite sur leur fronton.
Lecture vidéo : Les funérailles de Victor Hugo – visites privées /dailymotion / 2 nov. 2016 / 14’05 – France 2.
B. Des Français inégaux devant la République. Des préjugés tenaces tiennent les Françaises écartées du droit de vote. L’accès à la pleine citoyenneté permettant l’usage des droits politiques est réservé aux hommes âgés d’au moins 21 ans. Ainsi, plus de la moitié de la population française est écartée de la vie politique. Des militantes, soutenues par des hommes comme Victor Hugo, s’organisent pour demander le droit de vote et d’être élues. Ces féministes (personnes militant pour l’égalité entre les femmes et les hommes) utilisent les libertés d’expression, de réunion et d’association pour fonder : 1) des mouvements comme l’Union française pour le suffrage des femmes (= regroupe 12 000 adhérentes en 1914 derrière Cécile Brunschvicg – issue d’une famille bourgeoise républicaine alsacienne / épouse le philosophe féministe Léon Brunschvicg / son engagement social et féministe débute en 1908 : elle crée les Réchauds de midi qui permettent aux travailleuses de disposer d'un repas chaud le midi) 2) ou des journaux : La Fronde (journal français fondé par Marguerite Durand, journaliste, actrice, femme politique – le 9 décembre 1897, diffusé jusqu’en 1905. Il est le premier à être entièrement conçu et dirigé par des femmes) – écouter l’émission France culture « C’était à la Une » 5’ / 11 janvier 2019. ou La Française : est créé en 1906 par la féministe Jane Misme (Jeanne Marie Joséphine Maurice épouse l'architecte lyonnais Louis Misme et s’installent à Paris en 1893). De manière plus spectaculaire, certaines femmes présentent leur candidature lors d’élections municipales ou législatives. 8
III. Une République contestée mais consolidée entre 1885 et 1914. A. Des oppositions ou des crises multiples.
Dans les années 1880, la France connaît une crise économique et sociale. Cela provoque un ralentissement marqué de la croissance, une agriculture sérieusement touchée (les prix chutent de 40 % entre 1880 et 1900). L’exode rural devient massif. La métallurgie, le textile, les industries du bois, et du bâtiment piétinent. Les faillites se multiplient et le chômage s’étend. Ce contexte difficile accroît les tensions sociales : multiplication des grèves.Le régime parlementaire est discrédité. 1. La crise boulangiste. Le général Boulanger, ministre de la Guerre de janvier 1886 à mai 1887, devient en quelques mois très populaire. En avril 1887, son soutien à l’espion français Guillaume Schnæbelé, capturé par les Allemands, le fait apparaître comme « le général La Revanche ». Alors écarté du gouvernement, il fonde un Comité républicain national financé secrètement par les monarchistes et rassemble les mécontents du régime.Il propose un programme antiparlementaire et national, fondé sur la révision constitutionnelle : il remporte des élections – il est élu député de Paris, le 27 janvier 1889. Dans la soirée, les partisans du général, au comble de l'excitation, et la foule des Parisiens, répètent d'une seule voix : « À l'Elysée ! », « À l'Elysée ! ». Certains de ses partisans, dont Alfred Naquet, lui suggérèrent alors d'effectuer un coup d'État en marchant sur l'Élysée mais il se refuse à les suivre sur cette voie.La menace d'un mandat d'arrêt est lancée contre lui le 1er avril 1889 pour complot contre la sûreté de l'État, et il s'enfuit en Belgique. Mais, les modérés et les radicaux se réunissent pour défendre la République qui fête en grande pompe le centenaire de la Révolution française : ils font bloc et remportent les élections législatives d’octobre 1889.Le général Boulanger s’installe à Bruxelles … sa maîtresse meurt le 16 juillet 1891 et … deux mois après, le général Boulanger se suicide le 30 septembre 1891 sur sa tombe au cimetière d’Ixelles, dans le quartier sud de Bruxelles.La menace est passée !
2. Le scandale de Panama. La découverte en novembre 1892 d’un scandale concernant une centaine de députés et plusieurs ministres corrompus par la Compagnie de Panama en charge de réaliser le canal (créée le 20 octobre 1880 par Ferdinand de Lesseps pour construire le canal de Panama), renforce le discrédit du système. Ce scandale est révélé par le polémiste antisémite Edouard Drumont.
Les Boulangistes, les nationalistes, les antisémites réclament un « coup de balai » sur la République. Les élections législatives d’octobre 1893, marquées par une forte abstention et par la défaite de grandes personnalités républicaines, traduisent le désarroi de l’opinion. Mais … le régime républicain n’est pas remis en cause.
3. L’action violente des anarchistes. L’exaspération devant la misère et les inégalités sociales et le peu de réformes engagées pour y remédier favorisent l’agitation des anarchistes : ils se lancent dans l’action violente et ciblent les symboles de la Républiques. 9
Auguste Vaillant lance une bombe en pleine séance de la Chambre des députés – le 9 décembre 1893, vers 4 heures du soir, Auguste Vaillant lance sa bombe à clous du haut des tribunes de la Chambre, atteignant plus ou moins gravement des députés, un huissier, ainsi qu’un grand nombre de personnes qui assistent à la séance. Lui-même est blessé lors de l’explosion / condamné à la peine capitale / guillotiné le 5 février 1894 à Paris.Sante Geronimo Caserio, anarchiste italien, assassine le président de la République Sadi Carnot – le 24 juin 1894, à l'occasion de l'Exposition universelle, internationale et coloniale qui se déroule au parc de la Tête d'or à Lyon, Sadi Carnot, président de la République française depuis le 3 décembre 1887 participe à un banquet organisé en son honneur. Vers 21 heures 15, alors que Sadi Carnot salue la foule massée à la sortie du banquet … l'anarchiste italien Caserio monte sur le marche-pieds et blesse mortellement d'un coup de poignard le président. Raison de son geste ? Pour avoir exécuté Vaillant.
Le pouvoir riposte par des lois qui répriment les anarchistes et restreignent leur liberté d’expression.
B. L’affaire Dreyfus consolide la République. Lecture vidéo – Affaire Dreyfus Arte / 29 avril 2017 – 9’30.Une affaire en trois étapes :
1) D’abord une affaire militaire.2) Devenue une affaire politique.3) Finalement, la vérité et la justice l’emportent.
A l’issue de la vidéo, compléter le tableau ci-joint + livre p. 185.
C. La République devient laïque. L’affaire Dreyfus permet aux partis de gauche de se structurer amenant au gouvernement Pierre Waldeck-Rousseau de 1899 à 1902 puis Emile Combes de 1902 à 1905. Profondément anticléricaux ces gouvernement s’opposent aux catholiques qui ne pardonnent pas les lois laïques de Jules Ferry et se retrouvent dans l’antiparlementarisme. En 1904, le président du Conseil Emile Combes fait voter l’interdiction d’enseigner aux congrégations non autorisées (ordre religieux ayant une vocation précise : soins aux pauvres et aux personnes âgées, enseignement, santé). Les relations avec le Vatican (Pie X) sont rompues.La préparation de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat est confiée au député socialiste Aristide Briand (avocat issu d'une famille modeste de Nantes) – un anticlérical modéré : il n’est pas radicalement opposé à l’Eglise, il juge sa présence trop pesante, notamment dans l’enseignement, ce qui est un danger potentiel pour l’autorité nationale de l’Etat.Loi adoptée le 9 décembre 1905 – la nouvelle loi brise unilatéralement les engagements français relatifs au régime concordataire français de 1801, qui régissait les rapports entre le gouvernement français et l’Église catholique. Inventant la laïcité à la française, elle proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et pose le principe de séparation des Églises et de l’État.Désormais, l’Etat ne nomme plus les évêques ni ne salarie aucun culte. Les biens ecclésiastiques deviennent propriété de l’Etat et les Eglises peuvent former des associations culturelles pour gérer les édifices religieux. La laïcité devient une valeur centrale de la République française. 10
Ni les Protestants ni les Juifs ne s’opposent à cette loi. Point de passage et d’ouverture – lecture vidéo ww.youtube.com › watch▶ 9:04 20 sept. 2010 – Ajouté par Entertainment-Education WebTV : du Concordat (1801) à la Loi sur la Laïcité (1905).
CONCLUSIONLa République est finalement stabilisée. Mais la question sociale et ouvrière est alors
au cœur des débats devant la précarité de ce groupe social : nombreuses grèves de 1906 à 1910. De même, les relations avec l’Allemagne deviennent de plus en plus tendues notamment au niveau de la question coloniale. Lire les pages 170-171 / p. 176 et 177 / p. 180 et 181.
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