wadé : le roman extrait #1

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Une épopée fantastique au cœur de Paris - Un univers Comics confronté à une intrigue au-delà du bien et du mal / Créé par William Lafarge - Roman écrit avec Nicolas Gouzy

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Résumé :

«Afin d’être fusionné avec son primal par l’Organisation, le jeune camerounais Wadé est enrôlé dans les troupes coloniales de l’armée française, amené en France puis capturé dans une tranchée du côté de Laon en février 1917. Sa disparition de la surface de la Terre s’accompagne de phénomènes étranges. Non moins étrange le réveil de Wadé, dans ce qui ressemble à une infirmerie militaire, quelque part sous terre, au fonds du Gouffre. A son chevet une jeune infirmière russe, Natacha, le veille et prend soin de lui. Au cœur d’un dispositif gigantesque, à des kilomètres sous nos pieds, ce ne sera qu’un court instant de répit, un moment de réconfort pour notre héros qui va devoir bientôt affronter son terrible destin. Il n’est qu’un rouage prisonnier d’un mécanisme qu’il ne comprend pas encore, mais il va lutter pour reconquérir sa liberté et son humanité. Il ne se doute pas à quel point son combat sera primordial.»

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EXTRAIT DU CHAPITREUn peu de douceur russe au seuil de l’Enfer

Wadé sortit de son état comateux par paliers. Son premier mot fut « Kwedi ? » prononcé sur le ton de l’interrogation n’était destiné à personne. « La mort ? » Puis il dit, dans un soupir de soulagement : « Musango », « la paix », sous-entendu « enfin ». Enfin la paix, après tant de boucherie, au corps à corps, au coupe-coupe, dans les tranchées allemandes, nettoyées une à une, puis reprises, interminablement. Jusqu’à ce que ses cauchemars intimes le rattrapent, jusqu’à ce que les démons qui avaient mangé sa mère n’ouvrent grand leurs mâchoires pour l’engloutir lui aussi. L’infirmière qui veillait sur lui n’avait jamais cessé de le rafraîchir, de lui éponger le front, de nettoyer les salissures qui le maculaient, de le laver quand il se souillait. Ce fut son sourire qui l’accueillit, encadré par sa coiffe blanche d’où s’échappait une boucle de cheveux blonds. « Priv’ét, kak dilà ? », « Bonjour, comment vous sentez-vous ? » Qu’importe la langue ? L’intonation reflétait plus certainement l’intention que le sens.

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Elle se souvenait de sa « première rencontre » avec cet homme étrange baignant dans une sorte de liquide visqueux et qu’on lui avait amené en urgence, dans une caisse oblongue, précisément le 27 février dernier. Quatre baraqués, plus embarrassés que protégés par les fusils mitrailleurs qui battaient pendants dans leurs dos, l’avaient extrait de l’ascenseur puis brancardé à l’infirmerie. Seul le médecin-major Degouy disposait des clefs qui ouvraient le couvercle de cette espèce de sarcophage ou de cercueil forgé dans un acier très spécial, d’une matité qui aspirait la lumière. Natacha Kaïourov s’en souviendrait d’autant mieux que sa mère, travailleuse dans l’industrie textile russe à Pétrograd, avait tenu tête aux Cosaques le même jour, elle si frêle, dans les premières manifestations de la Révolution de Février qui avait permis le retour du camarade Lénine. Sa Mama le lui écrirait, très fière, et lui enverrait des coupures tirées d’Izvestia, réimprimé à l’initiative du Comité exécutif des députés ouvriers de Pétrograd. Dans sa mémoire les deux événements se mélangeraient pour n’en faire qu’un : l’émancipation du prolétariat et la seconde naissance de Wadé.

Le liquide glaireux et noirâtre avait été siphonné dans une dame-jeanne de cinquante litres, vite bouchée et scellée à la paraffine. Puis on avait sorti le corps de l’homme de son cercueil pour le laver à la douchette sur une paillasse en céramique blanche et le déshabiller. Un poilu, mais un poilu de l’Afrique Occidentale

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Française, lui aussi opprimé par le pouvoir, un tirailleur sénégalais, tout ce qu’il y avait de réglementaire, jusqu’aux bandes molletières. Les jours qui suivirent, les jours et les nuits qui suivirent, se ressemblèrent, monotones et lents, à veiller sur cet inconnu que l’on avait allongé sur un lit triste et blanc. Sa peau exsudait périodiquement un reliquat de mucus noirâtre, comme si elle en avait été gorgée et qu’elle cherchait à s’en débarrasser. Le médecin-major lui avait conseillé de ne pas mettre sa peau nue en contact direct avec cette matière et de prendre avec elle les mêmes précautions que pour un acide.

Comme chacun dans la Fosse semblait détenir son comptant de secrets et surveiller ses collègues et ses voisins, cet avertissement raviva une sourde suspicion, voire un peu de paranoïa. Immergée dans ce climat délétère, Natacha se posait son lot de questions : qui était-il, d’où venait-il, pourquoi depuis sa venue, un garde armé restait-il en faction devant la porte de l’infirmerie, pourquoi les petits bobos, les accidents mineurs aussi bien que les maux de tête, devaient-ils désormais être traités en surface, au carreau de la Mine, alors qu’elle avait tout ici pour soulager chacun vite et bien ? Pourquoi devait-elle lui faire régulièrement des piqûres de sels de morphine dosés à assommer un cheval ? Degouy passait de temps en temps, prenait le pouls du noir, soulevait ses paupières, annotait distraitement la « pancarte » suspendue au pied du lit sans jamais rien lui dire de ce qui faisait de ce soldat

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anonyme quelqu’un de si important. Mais il lui avait expressément demandé de le faire appeler dès son réveil, dès le moindre signe de retour à la conscience.Puis voilà que le coordonnateur s’en était mêlé, lui aussi. Tout à l’heure, il avait fait réunir les chefs d’équipe ici, dans l’infirmerie, après avoir considéré le tirailleur comme une pièce de boucherie, sans plus d’humanité qu’un abatteur à son métier. C’est le bruit et la présence inhabituels de ce groupe d’hommes qui avait dû sortir Wadé de sa léthargie. Espérons qu’il n’avait pas entendu ce que Zeiss avait dit de lui. Quant à elle, sa fesse gauche la picotait toujours un peu. Elle se doutait bien que beaucoup d’hommes n’en voulaient qu’à son corps, considérant les infirmières comme un réservoir à fantasmes d’aventures sexuelles plus ou moins consenties. C’était vexant, vexant et humiliant. Degouy et Zeiss ne s’entendaient guère. Elle avait eu l’occasion de s’en rendre compte dès la présentation du nouveau coordonnateur du Programme aux personnels encadrants, en surface. Chacun revendiquait son statut de mâle dominant ; tous deux bombaient leurs torses de petits soldats croyant impressionner les autres. Pouah ! Elle fit un effort conscient pour sortir de la brume de réflexions plus ou moins oiseuses dans laquelle la fatigue accumulée l’avait plongée, le moment était venu. Méfiante mais obéissante, elle décrocha le combiné du téléphone de campagne qui la reliait à la surface, tourna énergiquement la manivelle pour recharger la batterie, bascula le commutateur et

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attendit qu’on lui réponde…« Degouy à l’appareil…

— Il est éveillé et conscient. Ah et Zeiss est en bas. — Faites-le boire, autant qu’il voudra, plutôt du bouillon que de l’eau, et rassurez-le. S’il y a un problème appelez le garde. Je suis en surface, j’arrive dans une petite heure. Ne vous laissez pas intimider par Zeiss, c’est un âne avec des galons.

Merde, pensa Degouy, une heure ! Une heure de perdue et pas le droit de fumer, juste le temps d’aller pisser à l’un ou l’autre des paliers et toujours des peigne-culs assis en face de soi qui tiennent à vous faire la conversation. Qu’est-ce qu’il s’en fichait de leurs tours de rein, des rages de dent de la petite dernière ou de leurs cheveux qui tombaient…il n’était pas médecin de ville ! Sa spécialité c’était la traumatologie de guerre, les gueules cassées, les amputations, pas les rhumes ! Il avait été spécialement affecté comme médecin-major au 57e Régiment d’Infanterie Coloniale, pour Wadé. Il tenait ses ordres de l’Organisation, pas de l’Etat-Major. Il avait rejoint son régiment d’affectation à Fréjus pour aussitôt remonter en train à Douai, jamais très loin du soldat 1ère classe Wadé et de ses camarades. Et dès que Wadé avait été…avalé par sa tranchée et recouvert de ce goudron vivant par il ne savait quel abominable moyen – une nouvelle arme lui avait-on expliqué, testée à petite échelle – l’Organisation l’avait envoyé

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ici, à la Mine, avec un nouvel ordre de mission.

Et Zeiss qui foutait son nez partout pour rajouter au confort ! Castel-Dupuy le lui avait dit : « Je compte sur vous pour la plus grande discrétion, Degouy, personne ne doit savoir l’intégralité de ce que recouvre le Programme. Vous êtes mes yeux et mes oreilles en dessous et vous ne tenez vos ordres que de moi. »Natacha fit ce que Degouy lui avait demandé. Wadé était un peu agité, ahuri mais pas violent. Elle lui avait tendu puis finalement aidé à enfiler un bas de pyjama à grosses rayures bleues, histoire qu’ils ne se sentent gênés ni l’un ni l’autre par sa nudité. Il était faible comme un nouveau-né ; elle l’aida à s’asseoir, le cala avec deux oreillers puis le nourrit, à la cuillère, avec le bouillon-vermicelle qu’elle avait demandé pour elle à la « roulante » d’en bas. Son unique patient était affamé, tout en avalant de grosses cuillerées qui le faisaient quelquefois tousser, il la regardait intensément, comme pour s’accrocher à son regard, pour s’y ancrer de nouveau dans la réalité, comme pour se convaincre définitivement qu’il était vivant. Ils ne se dirent rien et dans l’infirmerie on n’entendait que le raclement de la cuillère sur le fonds de l’assiette en métal et les bruits de déglutition de Wadé. Repu, calmé, rassuré, Wadé se rendormit. Natacha ne put s’empêcher de lui caresser les cheveux et de fredonner, pour lui et pour elle-même, la berceuse cosaque qui avait accompagné tant de ses nuits d’enfance : « Doucement s’endort la terre / Dans le soir tombant / Ferme vite tes paupières /

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Dors mon tout petit enfant… »

Degouy et deux gaillards mal aimables - elle ne les connaissait que trop pour les coups d’œil égrillards qu’ils lui jetaient quand ils la croisaient là-haut - firent irruption à cet instant dans la pièce. Comme un pet bruyant et nauséabond au beau milieu de sa comptine…Ils entreprirent aussitôt de bâillonner le soldat allongé puis le sanglèrent au lit. Wadé réveillé en sursaut arc-boutait son corps de toutes ses forces pour se libérer et un des gaillards s’assit carrément sur lui pour l’en empêcher. Vaincu, à moitié étouffé, Il cessa de se débattre mais le regard triste et froid qu’il lui jeta alors semblait vouloir dire : « Tu m’as trahi, livré à ces brutes, pourquoi ? » Le médecin-major entreprit de perfuser Wadé avec un soluté trouble, un peu laiteux et dans lequel dansaient quelques reflets verts. Son effet fut quasiment immédiat…le tirailleur se rendormit à nouveau, ses traits se détendirent ainsi que tous les muscles de son corps. Le tout avait pris moins de deux minutes. Degouy s’adressa à elle.

— Ne faites pas cette tête, dites-vous que c’est pour la bonne cause. Cela (il désignait la bouteille en verre pendue à sa potence au-dessus du lit) devrait drainer le reste de merde noire encore dans son corps et le sédater jusqu’à la prochaine étape. Croyez-moi, ne rien savoir est une bénédiction. Lorsqu’on vous renverra dans le monde « normal », vous n’aurez rien à vous reprocher et vos rêves seront agréables et clairs.

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— Vous allez le laisser attaché ?

— Pour le moment oui, profitez-en pour remonter vous reposer et faire un brin de toilette, vous en avez besoin ; les aides-soignants vont rester

— Je préfèrerai rester ici et m’occuper de mon patient

— Vous ne préférez rien ma petite, vous faites ce que l’on vous dit, point barre ! Allez ouste, surface, et je ne veux pas vous revoir avant deux jours !

L’infirmière Kaïourov rassembla ses affaires, jeta un dernier coup d’œil autour d’elle, à Wadé sur son lit d’infortune, puis s’en alla, la tête haute mais le pas mal affermi. Elle se permit même de claquer la porte en sortant, même si c’était un geste enfantin. Elle prit de plein fouet la chaleur humide et écrasante du Gouffre, contrastant si fort avec la température régulée de l’infirmerie. Elle fut presque instantanément en sueur, ce qui la mit définitivement de méchante humeur. Sortant son indicateur des navettes « surface » d’une des poches de son tablier, elle constata que la prochaine partait dans vingt minutes. Pas fâchée de rejoindre le monde des hommes, mais un mauvais pressentiment, comme une impression funeste, la fit frissonner, un comble ! Qui sait ce qui allait arriver au pauvre diable de trouffion noir ; peut-être n’aurait-

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elle pas dû… Allons ! Reprends-toi Natacha , ta Mama dirait « Regretter le passé c’est courir après le vent ! » Puis elle entreprit de gravir l’escalier qui menait à l’ascenseur, sans plus se retourner.

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WADÉCRÉÉ PAR WILLIAM LAFARGE

LE ROMANWILLIAM LAFARGE & NICOLAS GOUZY

De tout temps, l’homme civilisé lutte contre l’animal primitif qui sommeille en lui. Si des hommes malintentionnés, dotés de tous les moyens nécessaires, projetaient de réveiller cette part de bestialité, que se passerait-il ? Et si ce n’était pas qu’une figure de style ? La formule littéraire pourrait-elle cacher une réalité autrement plus terrible ? Un roman semblait tout adapté pour en témoigner. Avant sa parution prévue pour fin 2013, en voici un chapitre.

http://www.wadecomics.com