wadé : le roman extrait #2

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Extrait 2

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Une épopée fantastique au cœur de Paris - Un univers Comics confronté à une intrigue au-delà du bien et du mal / Créé par William Lafarge - Roman écrit par William Lafarge & Nicolas Gouzy

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Résumé :

«Wadé vient d’être fusionné avec son primal. L’expérience s’est mal déroulée. Inconscient, Wadé est enlevé par une autre créature qui regagne les profondeurs de la terre. À son réveil, notre héros prend conscience qu’il ne sera plus jamais le même et qui va devoir bientôt affronter son terrible destin. Il n’est qu’un rouage prisonnier d’un mécanisme qu’il ne comprend pas encore, mais il va lutter pour reconquérir sa liberté et son humanité. Il ne se doute pas à quel point son combat sera primordial.»

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EXTRAIT DU CHAPITRECe nouveau moi

J’avais dépassé mon ahurissement de n’avoir pas été brisé, déchiré, rompu, puis, peu à peu, dépassé l’avilissement que j’avais subi, afin de reconquérir mon humanité. Il me fallait à chaque instant tenter de l’empêcher de fuir à nouveau. Sur cette parodie de roue des supplices où l’on m’avait lié et soumis à la brûlure indescriptible de cet éclair vert qui n’en finissait pas de me frapper, encore et encore, j’avais entendu rugir dans mon esprit ce… ce double bestial à qui l’on faisait subir le même sort pour nous lier l’un à l’autre. J’avais ressenti au plus profond de moi que ce jumeau sans âme m’était destiné depuis ma naissance et que nos essences allaient être mêlées, de force. C’était inéluctable et dément. J’avais désiré la mort, pour en finir avec ce cauchemar qu’était

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devenue ma vie. Qu’avais-je bien pu faire sous le ciel pour mériter tant d’attention de la part de mes bourreaux sous terre ? Là où je m’étais réveillé, après que cette boue noire jaillie d’une faille incandescente m’ait englouti au fonds de ma tranchée, ressemblait fort à une chambre d’hôpital. Allongé sur un lit blanc, las, faible comme un enfant, mais propre et rasé…Peut-être n’était-ce qu’un rêve, m’étais-je dit alors. C’était cela, sans doute, j’avais pris une marmite allemande sur la tête, perdu connaissance. Les copains m’avaient sorti de là, sûrement dans un sale état, et une ambulance m’avait conduit à l’arrière du front. J’étais quelque-part en arrière-ligne, dans un hôpital de campagne, ou peut-être même de nouveau en « hivernage » à Fréjus. Je tâtais mon visage, ma tête, heureux d’avoir mes deux mains et tous leurs doigts pour le faire. Je vérifiais dans un éclair d’angoisse que je disposais encore de mes deux jambes intactes, terminées par deux pieds auxquels il ne manquait aucun orteil ! Mes outils d’homme pendaient convenablement à leur place… J’avais eu beaucoup de chance. Le fétiche qui ne quittait jamais mon cou, cette petite pierre striée, seul souvenir de ma mère, m’avait protégé, guidant la chance et la force vers moi. On ne me l’avait pas ôté, je l’embrassai comme souvent, puis le laissait de nouveau pendre au bout de son lacet en poils d’éléphant. L’infirmière

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qui prenait soin de moi entre deux assoupissements me nourrissait à la cuillère et ses gestes maternels me redonnaient le goût de la paix. J’étais bien naïf, naïf de croire que ma vie pouvait encore reprendre un chemin large et sans ornières pour me conduire vers une vieillesse paisible. Car le médecin-major de mon régiment fit soudain irruption ! Accompagné de deux brutes épaisses qui m ‘attachèrent sans ménagement à mon lit, avec des sangles en cuir trop serrées, avant même que je puisse protester. L’un d’eux me fourra un bâillon dans la bouche. L’homme que je prenais pour un camarade, un compagnon, portait sur sa blouse un insigne curieux, comme deux larmes, une blanche et une noire, s’opposant dans un cercle. Presque le symbole de ma vie. Sans un mot il plaça une perfusion dans la grosse veine de mon bras droit, l’aiguille et le tuyau aboutés à un flacon de verre rempli d’une solution opaque, laiteuse, où traînaient quelques reflets verts. On eut dit de l’absinthe. Quelques instants plus tard je fus pris de violents tremblements, de convulsions qui tordaient mon corps. Puis je sombrais à nouveau dans une inconscience bénie pour me réveiller, à moitié nu, au centre d’une mécanique affolante. J’arrivais à tourner ma tête, coiffée d’une sorte de casque avec mentonnière. Tout autour de moi des silhouettes s’activaient sur des appareils hérissés de cadrans et de leviers. J’aurai pu tout aussi bien

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être étendu dans une usine ou dans la chaufferie d’un paquebot. Mais je ne pouvais pas bouger mon corps, même en bandant mes muscles au maximum. J’étais immobilisé, toujours perfusé, toujours bâillonné, couché sur une sorte de chevalet circulaire dressé à la verticale face à ces appareils effrayants manipulés par une armée d’étrangers…des allemands ? Cette certitude m’envahit soudain. C’étaient des Boches ! On parlait à demi-mots d’expériences abominables qu’ils faisaient subir à leurs prisonniers, des tests de gaz, de nouvelles munitions. Sales Boches, j’étais tombé entre leurs mains …

« Soldat Wadé ? Tu m’entends chef, tu me comprends ? »

Un homme brun, à la mine dure, coiffé comme un militaire, moustache courte, s’adressait à moi. Mince, tant pis pour mon histoire d’allemands, son accent était tout sauf teuton.

« Disons les choses simplement pour qu’elles entrent bien dans ta cabosse noire, tu n’es plus rien. Un mort, pour tes chefs, tes camarades. Un obus t’as dispersé en tellement de petits morceaux qu’on a rien retrouvé de toi. Mort au champ d’honneur, clairon, couronne, croix de guerre et tout le tralala, mais

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rien dans la tombe, nada. Seulement voilà, tu es là, immobilisé, avec tes gros yeux affolés qui roulent de droite à gauche. Et tu te demandes où, pourquoi, comment ? Je te le dis simplement. Tu es à moi. Un tas de viande avec un petit peu de cervelle acheté au marché noir (Ah ah ah !), insignifiant et inutile, de la chair à canons comme des milliers de tes congénères si un de tes sorciers ne nous avait pas convaincu du contraire. Nous touchons au but, alors je n’ai plus le temps de faire des présentations, des salamalecs à n’en plus finir. Tu vas connaître une seconde mort, puis une renaissance. Au mieux tu seras…différent, amélioré, peut-être. Au pire nous aurons construit tout çà pour rien, pour des prunes…et toi tu seras redevenu de la chair à canons éparpillée, en lambeaux…accroche-toi tirailleur, ça risque de piquer un peu. »

Puis je l’entendis crier aux techniciens qui s’affairaient tout autour de lui : « Couplez les ponts ! Envoyez la sauce ! »

La suite n’avait plus de sens pour moi. Il n’y a pas de mots pour décrire la perte de son essence, de son moi, la violence effarante d’une autre conscience, d’une flamme animale qui vous envahit et vous consume du dedans. Les mots sont impuissants à se décrire soi-même, ivre de rage, dément, libéré de toute inhibition.

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Une brume rouge recouvre mes souvenirs de cet instant terrible où, me réveillant d’un rêve sanglant, au beau milieu d’un incendie, entouré de cadavres, je nous laissais capturer. Nous, oui, nous, car la bête que j’avais réussi à enfouir au fonds de moi était toujours là, affamée.

Ce monde sous le monde ne semblait pas avoir de fin. Les échos de ma douleur ne semblaient pas vouloir s’estomper, eux non plus. J’étais…différent ? Un euphémisme. J’avais dans un premier geste levé des mains énormes, comme des battoirs, montées sur des avant-bras épais comme des cuisses, devant mes yeux, incrédules… Etaient-ce bien les miennes ? Je savais qu’il faisait nuit, une nuit totale et pourtant mon regard transperçait cette obscurité avec aisance. La clarté diffuse qui émanait de tout, autour de moi, des parois, du sol, de mes doigts, pulsait à son rythme propre, comme le battement lent du cœur de la terre. C’était autre chose que de la lumière. Mes premiers pas furent à nouveau ceux d’un tout jeune enfant. Trébuchant, me cognant sans cesse le front contre le roc partout présent, je compris vite que ma taille n’était plus la même ; j’avais désormais un gabarit de lutteur et le crâne lisse. Que m’avait-on fait là-haut ? Un bruit énorme et indistinct me fit bondir et je sentis Wadé-la Bête, vigilante, prête à m’envahir, à m’offrir

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ses crocs pour nous défendre. Je la maintins à grand peine, la faisant refluer loin de ma réalité. Une créature fantastique se tenait devant moi, immobile, haletante, ressemblant à un crapaud pustuleux de la taille d’un jeune éléphant. A Dakar, mon maître Lahzar, m’avait fait découvrir les peintures de Jérôme Bosch. Cette chose en était tout-droit sortie. De sa gueule béante dépassait un buisson de pattes épineuses et blanches. La chose déposât à mes pieds un tas de crabes grouillants et les poussa du museau vers moi, comme une invite, une offrande. Je sus qu’elle m’avait libéré de mes geôliers, transporté ici, soigné, veillé, nourri, protégé. Je sus qu’elle avait brisé mes chaînes et emporté loin sous terre, loin d’eux et que, d’une certaine façon, elle m’aimait et me craignait. Je ne la craignais pas. Quelque chose nous liait aussi fortement qu’avec la lionne qui m’avait accepté et nourri, comme un de ses petits, il y avait si longtemps. J’avançais ma main lentement et lui touchait la gueule en signe d’apaisement. Elle s’ébroua et, visiblement rassurée, s’enfuit d’un autre bond fantastique. Pendant ce qui me parût des semaines d’efforts vains, je décidais de rejoindre tout de même le monde des hommes. Je découvris la galerie, toujours éclairée, qui menait au Mur. Obstinément, buttant et tambourinant contre l’énorme porte d’acier qui m’interdisait l’entrée, toujours et toujours. J’appelais, je criais, réclamant

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qu’on me libère, qu’on m’informe, qu’on m’ouvre. Mais rien, rien ne venait jamais d’au-delà, pas un mot, pas un son. On m’avait enterré, emmuré …mon tombeau avait beau être de proportions gigantesques, je n’y étais pas moins enseveli comme un cadavre vivant.

Il me fallut réapprendre mon nouveau corps, sa force, son endurance, sa capacité à se jouer des efforts qui, là-haut, m’auraient exténué. Je ne ressentais ni le chaud, ni le froid, ni la soif, ni la faim, ni le besoin de sommeil, ni la peur. Tout ce qui faisait de moi un homme transi, peureux, conscient de son inconfort et de son destin mortel, mais un homme aimé de ses camarades et utile à la France s’était désormais évanoui, peu à peu remplacé par une assurance sans failles, une vitalité prodigieuse, une force brute dont je n’avais pas encore trouvé les limites. L’acuité de tous mes sens s’était démultipliée et je crois bien que j’en avais découvert deux ou trois de plus que je partageais avec les monstres qui hantaient ces lieux.

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Wadé sortit de son état comateux par paliers. Son premier mot fut « Kwedi ? » prononcé sur le ton de l’interrogation n’était destiné à personne. « La mort ? » Puis il dit, dans un soupir de soulagement : « Musango », « la paix », sous-entendu « enfin ». Enfin la paix, après tant de boucherie, au corps à corps, au coupe-coupe, dans les tranchées allemandes, nettoyées une à une, puis reprises, interminablement. Jusqu’à ce que ses cauchemars intimes le rattrapent, jusqu’à ce que les démons qui avaient mangé sa mère n’ouvrent grand leurs mâchoires pour l’engloutir lui aussi. L’infirmière qui veillait sur lui n’avait jamais cessé de le rafraîchir, de lui éponger le front, de nettoyer les salissures qui le maculaient, de le laver quand il se souillait. Ce fut son sourire qui l’accueillit, encadré par sa coiffe blanche d’où s’échappait une boucle de cheveux blonds. « Priv’ét, kak dilà ? », « Bonjour, comment vous sentez-vous ? » Qu’importe la langue ? L’intonation reflétait plus certainement l’intention que le sens.

Elle se souvenait de sa « première rencontre » avec cet homme étrange baignant dans une sorte de liquide visqueux et qu’on lui avait amené en urgence, dans une caisse oblongue, précisément le 27 février dernier. Quatre baraqués, plus embarrassés que protégés par les fusils mitrailleurs qui battaient pendants dans leurs dos, l’avaient extrait de l’ascenseur puis brancardé à l’infirmerie. Seul le médecin-major

WADÉCRÉÉ PAR WILLIAM LAFARGE

LE ROMANWILLIAM LAFARGE & NICOLAS GOUZY

De tout temps, l’homme lutte contre l’animal primitif qui sommeille en lui. Si parmi nous, un petit groupe, doté de tous les moyens nécessaires, projetait de réveiller cette part de bestialité, que se passerait-il ? Et si ce n’était pas qu’une figure de style ? La formule littéraire pourrait-elle cacher une réalité autrement plus terrible ? Un roman semblait tout adapté pour en témoigner. Avant sa parution prévue pour fin 2013, en voici un chapitre.

http://www.wadecomics.com