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DU MÊME AUTEUR

Aux Éditions Gallimard

LA MAISON DU RETOUR ÉCŒURANT, roman.

LE RIRE JAUNE suivi de LA BÊTE CONQUÉRANTE, roman.

LE CHANT DE L'ÉQUIPAGE, roman.

LA CLIQUE DU CAFÉ BREBIS, roman, suivi de PETIT MANUEL

DU PARFAIT AVENTURIER, usai.

À BORD DE L'ÉTOILE MATUTINE, roman.

LE NÈGRE LÉONARD ET MAÎTRE JEAN MULLIN, roman.

LA CAVALIÈRE ELSA, roman.

MALICE, roman.

LA VÉNUS INTERNATIONALE, suivi de DINAH MIAMI (édi-

tion définitive, 1966), roman.

CHRONIQUE DES JOURS DÉSESPÉRÉS, nouvelles.

SOUS LA LUMIÈRE FROIDE, nouvelles.

LE QUAI DES BRUMES, roman.

VILLES(édition définitive, 1966), mémoires.

LES DÉS PIPÉS OU LES AVENTURES DE MISS FANNY HILL,

roman.

LA TRADITION DE MINUIT, roman.

LE PRINTEMPS, essai.

LA BANDERA, roman.

QUARTIER RÉSERVÉ, roman.

LE BAL DU PONT DU NORD, roman.

RUES SECRÈTES, reportage.

LE CAMP DOMINEAU, roman.

Suite de la bibliographie en fin de volume

LE NÈGRE LÉONARD

ET MAÎTRE JEAN MULLIN

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PIERRE MAC ORLAN

LE NÈGRE LÉONARD

ET MAÎTRE

JEAN MULLIN

nrf

GALLIMARD

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© Éditions Gallimard, 1920.

A GABRIEL DARAGNÈS

potir l'artiste et pour l'ami' v

en témoignage d'affection profonde

P. Me O.

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CHAPITRE

PREMIER

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CHAPITRE PREMIER

Que deux Diables notables prési-doyent en ces sabbats, le grand Nègrequ'on appelait Maistre Léonard et uupetit Diable, qu'ils appellent MaistreJean Mullin.

PIERRE DE Laxcre. Dû l'inconstance

des mauvais anges et ilnncnts. (Liv. n,discours 14.)

Ma servante rousse met la table. Son

nom est Katje van Meulen. C'est uneFlamande de Knocke, mais je l'appelletoujours Katje la batelière, car ellea tenu le gouvernail sur les bélandresnaviguant entre Sluis et Bruges et sur-les canaux qui vont rejoindre le Rhin.Quand un ami d'Anvers me l'eut pro-posée comme une fille aimable et dé-vouée à mes intérêts, j'écrivis immédia-tement à ses parents que j'acceptaisles services de Katje. J'étais curieuxde voir cette belle Flamande aux yeuxlangoureux, à la taille souple et au par-ler dur. Elle vint, munie d'un méchant

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LE NEGRE LEONARD

bagage, une petite malle recouvertede peau de bique. Sa chevelure cui-vrée était une véritable richesse. Katje

riait toujours, montrant ses dents saines.J'eus la conviction que ma demeureabriterait une jolie fille et que tous lesfournisseurs, désormais, deviendraient

plus obséquieux, et l'obséquiosité estaux fournisseurs ce qu'un teint fraisest à une fillette une parure. L'appari-tion de la belle rousse dans mes trois

pièces meublées de chêne luisant, s'har-monisa à merveille avec mes pots decuivre, quelques gravures anciennes etdes armes de chasse modernes.

Ma batelière travaillait avec passion.Courbée contre le sol en posture ani-male, la croupe tendue sous la minceétoffe de sa jupe un peu courte, labrosse à la main, elle faisait reluire les

meubles dans leurs coins les plus secrets.Un soir, elle devint ma maîtresse

si j'ose dire c'est-à-dire qu'elle consa-

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ET MAITRE JEAN MULLINcra à mon service quelques heures dela nuit. Le matin suivant elle se leva

de bonne heure et se mit au travail

selon ses engagements. Or, Katje vanMeulen était consciencieuse. Cette

belle personne connaissait la vie et sesplans superposés. Elle appartenait à unplan inférieur au mien. L'abandon deses grâces les plus intimes lui valait,en devenant à peu près mon égale,de pénétrer dans un plan supérieur.Elle en était reconnaissante et confon-

dait le palais du Louvre, mon fauteuilen cuir et mon amour, comme les

mêmes représentations d'un idéal

qu'elle pouvait parfois toucher du doigt.Quand, après la guerre, je rentrai

dans ma petite propriété de la Croix-Cochard, à cent kilomètres de Paris,

j'emmenai Katje et la dressai entre moi,le village et mille incidents médiocreset quotidiens au sujet des denrées né-cessaires à notre vie.

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LE NEGRE LEONARD

L'amour de l'argent dominait toutesles traditions pouvant constituer unemorale sociale.. Katje la batelière medéfendait contre la rapacité des ruraux.La période était assez troublante pourqu'on pût envisager dans un avenirrapproché l'usage des armes commeune nécessité dans les relations com-

merciales entre citoyens.Dans ma maison, donnant sur une

rivière romantique, je menais une viesaine partagée entre ma collaborationaux journaux et la chasse avec mes deux

bassets Nouni et Kasper.Katje chantait d'une voix rauque,

aiguë, extraordinairement fausse. Ce

n'était pas désagréable. La voix guttu-rale de ma servante, je n'ai jamais supourquoi, me donnait une pleine sen-sation de confort.

Mes deux bassets n'aimaient guèreKatje. Nouni la regardait effrontémentde loin. Il attendait qu'elle s'éloignât

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ET MAITRE JEAN MULLIN

de la porte pour entrer précipitammentcomme une flèche. Quand elle appelaitKasper, mon chien se cachait sous lesarmoires, sans se baisser d'ailleurs.

Katje donnait du pain aux oiseaux.J'ai vu pendant longtemps que ce gestedéplaisait à mes chiens, car je savaisque les oiseaux les écœuraient profon-dément.

Cependant ma servante n'était pasrude pour les bêtes. Elle s'ingéniait àfaire des avances à mes deux chiens

courants. Elle les appelait de sa voixgutturale en leur infligeant des nomsd'amitié ridicules et puérils.

Or, Nouni et Kasper répondaienten grognant. J'ai toujours vécu avecles chiens et je sais, avec certitude, queleurs antipathies ne sont pas irraison-nées. Ma première pensée fut, qu'àl'exemple de quelques personnes demon monde me rendant visite à la

Croix-Cochard, la Flamande distribuait

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LE NEGRE LEONARD

de petits coups de pieds à mes bêtes.Je ne pus jamais la prendre sur le faitet je dus, après quelques semainesd'espionnage adroit, constater que lesdeux bassets détestaient la servante pourdes raisons mystérieuses.

Elle-même se plaignait de l'hostilitédes deux chiens. Cela ne l'empêchaitpas de chanter en nettoyant les casse-roles. Et quand elle devenait pour moiune femme, cette fille merveilleuse s'ani-

mait avec originalité. Elle possédaitune vie cérébrale intense et compli-quée. Cette jolie fille des champs re-constituait, par les seules ressourcesde son imagination, les gestes les pluscélèbres et les plus clandestins de cer-taines poésies sotadiques. Et commePascal à l'âge de douze ans imaginaitle livre de géométrie d'Euclide par ses

propres moyens, ma batelière inventaitla Philosophie dans le boudoir, mais sansaucun profit pour l'humanité.

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