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Introduction Le Bordelais est dès la pr otohistoire une terre de passage et de peuplemen t. La conquête romaine apporte des changements dont le plus important reste encore dans un paysage dominé par la culture de la vigne. Il semble que c es populations connaissaient la vigne sauv age dont elles consommaient les raisins. Le vin est introduit plusieurs siècles auparavant par des commerçants intermédiaires avec les grands vignobles méditerranéens. Ce produit arrive dans des amphores dont de nombreux tessons ont été trouvés dans le sol de la capitale de la région, Burdigala. Dans la région, les Gallo-Romains développent la culture de cette plante sur des sites privilégiés, côteaux et plateaux. La vigne demeure une culture secondaire sur les terres des grandes villae du Bordelais. Le vin produit est réservé à une consommation locale. Les commerçants continuent à fournir les plus grands vins de l’Empire romain aux notables de la région. Au Moyen Âge, les religieux et les bourgeois des villes dé veloppent des vignobles. L es grandes abbayes – Saint-Seurin (Bordeaux), La Sauve-Majeure (Entre-Deux-Mers), Vertheuil (Médoc), Faize (Libournais) – participent à la révolution agricole qui suit l’an mil. Les moines et les paysans défrichent, assainissent, cultivent les nouvelles terres. La vigne occupe une place importante dans cet essor. Elle fournit le vin indispensable à la messe, à la consommation des moines ou aux besoins des bourgeois. Le vin devient un produit commercial source de revenus pour les grandes institutions religieuses. Les bourgeois investissent aussi à la même époque au sud de Bordeaux, dans les Graves. Ces placements sont facilités par des dr oits leur garantissant la vente de leur vin en priorit é. Ces avantages ont été octroyés par des chartes par le roi-duc et fixant les libertés des habitants des communes. La fortune des notables bordelais se c onstruit grâce aux débouchés du mar ché anglais. L es « french clarets » trouvent acheteur à Londres ainsi que dans les principales villes anglaises. A u début du XIII e  siècle, la perte de l’Aunis, fournisseur traditionnel en vin du mar ché britannique, permet une redistribution des courants commerciaux au profit du Bordelais. Ce premier âge d’or s’achève par la défaite anglo- gasconne de Castillon en 1453. À la fin du XV e  siècle, Bordeaux connaît une reprise du commerce des vins v ers l’Angleterre. Ces échanges sont interrompus de nouv eau à partir des guerr es de R eligion et des tr oubles du siècle suivant. Il f aut attendre le règne de L ouis XIV pour v oir établies les bases du vignoble ac tuel. Les « new french clarets » amènent une seconde révolution dans l’élaboration des vins à Bor deaux. Les vins du château Haut-Brion connaissent les premiers un succès sur le marché londonien appuyé à une politique commerciale volontariste de la part de la famille de Pontac. À partir de la fin du XVII e  siècle, les grands notables bor delais suivent cet exemple en élabor ant des vins au goût nouv eau. Les bordeaux commencent une ascension vers la qualité qui fait aujourd’hui de ce vignoble le s ymbole d’une civilisation autour des plus gr ands vins du monde . Les médocs, les gr aves, les sauternes, les saint-émilions et les pomerols constituent les fleurons des vins de Bordeaux derrière quelques grands noms : Latour, Margaux, Lafitte-Rothschild ; Haut-Brion ; Yquem ; Ausone, Cheval Blanc ; Pétrus. 7

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Introduction

Le Bordelais est dès la pr otohistoire une terre de passage et de peuplement. La conquête romaine apporte des changements dont le plus important reste encore dans un paysage dominé par la culture de la vigne. Il semble que c es populations connaissaient la vigne sauvage dont elles consommaient les raisins. Le vin est introduit plusieurs siècles auparavant par des commerçants intermédiaires avec les grands vignobles méditerranéens. Ce produit arrive dans des amphores dont de nombreux tessons ont été trouvés dans le sol de la capitale de la région, Burdigala. Dans la région, les Gallo-Romains développent la culture de cette plante sur des sites privilégiés, côteaux et plateaux. La vigne demeure une culture secondaire sur les terres des grandes villae du Bordelais. Le vin produit est réservé à une consommation locale. Les commerçants continuent à fournir les plus grands vins de l’Empire romain aux notables de la région. Au Moyen Âge, les religieux et les bourgeois des villes dé veloppent des vignobles. L es grandes abbayes – Saint-Seurin (Bordeaux), La Sauve-Majeure (Entre-Deux-Mers), Vertheuil (Médoc), Faize (Libournais) – participent à la révolution agricole qui suit l’an mil. Les moines et les paysans défrichent, assainissent, cultivent les nouvelles terres. La vigne occupe une place importante dans cet essor. Elle fournit le vin indispensable à la messe, à la consommation des moines ou aux besoins des bourgeois. Le vin devient un produit commercial source de revenus pour les grandes institutions religieuses. Les bourgeois investissent aussi à la même époque au sud de Bordeaux, dans les Graves. Ces placements sont facilités par des dr oits leur garantissant la vente de leur vin en priorit é. Ces avantages ont été octroyés par des chartes par le roi-duc et fixant les libertés des habitants des communes. La fortune des notables bordelais se construit grâce aux débouchés du mar ché anglais. Les « french clarets » trouvent acheteur à Londres ainsi que dans les principales villes anglaises. A u début du XIII e siècle, la perte de l’Aunis, fournisseur traditionnel en vin du mar ché britannique, permet une redistribution des courants commerciaux au profit du Bordelais. Ce premier âge d’or s’achève par la défaite anglo-gasconne de Castillon en 1453. À la fin du XVe siècle, Bordeaux connaît une reprise du commerce des vins v ers l’Angleterre. Ces échanges sont interrompus de nouveau à partir des guerr es de R eligion et des troubles du siècle suivant. Il f aut attendre le règne de L ouis  XIV pour voir établies les bases du vignoble ac tuel. Les « new french clarets » amènent une seconde révolution dans l’élaboration des vins à Bor deaux. Les vins du château Haut-Brion connaissent les premiers un succès sur le marché londonien appuyé à une politique commerciale volontariste de la part de la famille de Pontac. À partir de la fin du XVIIe siècle, les grands notables bor delais suivent cet exemple en élabor ant des vins au goût nouv eau. Les bordeaux commencent une ascension vers la qualité qui fait aujourd’hui de ce vignoble le s ymbole d’une civilisation autour des plus gr ands vins du monde . Les médocs, les gr aves, les sauternes, les saint-émilions et les pomerols constituent les fleurons des vins de Bordeaux derrière quelques grands noms : Latour, Margaux, Lafitte-Rothschild ; Haut-Brion ; Yquem ; Ausone, Cheval Blanc ; Pétrus.

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Au XVIIIe siècle, les progrès viticoles gagnent l’ensemble du Médoc, les Graves et, sur la rive droite, la région de Saint-Émilion. La lutte contre les maladies et les parasites de la vigne renforce au siècle suivant les connaissances viticoles. L’œnologie devient une science après les travaux de Pasteur et de ses élèves. « Le vin est une boisson saine et hygiénique » affirme alors le grand savant. Cet adage est repris jusqu’au début des années 1960 par les défenseurs des intérêts viticoles dans le Midi. Au XIXe siècle, les vins de Bordeaux connaissent une renommée mondiale. Ils sont vendus principalement en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud. L ’empire colonial français représente un marché secondaire tandis que l’Algérie devient à son t our exportatrice de vin v ers la métropole à partir de la crise du phylloxéra. Ce siècle est marqué par de nombreuses crises commerciales et viticoles. La plus importante reste liée aux r avages occasionnés par un insec te importé d’Amérique du Nor d, le ph ylloxéra. La seule solution a été de greffer les anciens plans sur des souches résistantes d’origine nord-américaine. Les résistances à ce procédé furent nombreuses pour diverses raisons dont le coût de la replantation n’a pas été la moindre. En 1900, l’ensemble du vignoble n’a pas été replanté. Des vignes ont échappé à l’insecte ravageur. Des propriétés n’ont pu, pour des raisons financières, être relevées. À Saint-Émilion, le château Bélair avait pendant plus d’un siècle été le domaine le plus renommé de la région après avoir été à la fin du XVIIIe siècle un exemple accompli sur la riv e droite de la r évolution viticole. Les vignobles de la riv e droite ont échappé à l’in fluence bordelaise. Libourne est aujourd’hui encore la seconde place du négoc e des bor deaux. Au XXe  siècle, les négocian ts corréziens ont développé la notoriété des saint-émilions et des pomerols. La famille Moueix a fait de Pétrus un vin mondialement connu tout en assurant la promotion de l’appellation Pomerol. À Bordeaux, les vieilles Maisons de négoc e sont souvent passées aux mains de financiers ou ont été éclipsées par de nouvelles structures capitalistiques. Les grands châteaux du Bordelais conservent leur prestige comme le prouvent chaque année les prix des v entes en primeur s. Latour, Margaux, Lafitte, Haut-Brion et Yquem dominent l’ensemble des vins de Bordeaux. Au XXe siècle, la notoriété de quelques vins de la rive droite a complété ce tableau avec Pétrus à Pomerol et Ausone et Cheval-Blanc à Saint-Émilion. Le 20  septembre 1840, La Chronique de Libourne publie un article é voquant les migrations des Périgourdins vers le Médoc  : « Le passage des vendangeurs pour le Médoc est commencé depuis les premiers jours de la semaine, un grand nombre s’est déjà embarqué dans notre port ; nous ne comprenons pas cette habitude de la part des paysans de nos contrées qui, pour gagner quelques sous de plus par jour, vont exposer leur vie dans un voyage pendant lequel ils sont entassés comme des animaux et leur santé en couchant pêle-mêle dans des granges sans matelas ni couvertes, alors surtout que l’ouvrage ne manque pas ici et qu’ils gagneraient presqu’autant sans abandonner une nuit leurs foyers. » Le journaliste s’étonne de ces mouvements de population saisonniers alors que le travail ne manque pas en Libournais qui est une terre d’accueil traditionnelle des migrants périgourdins.

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Les vendanges représentent un travail harassant effectué par des populations migrantes. Avant la première guerre mondiale, les Périgourdins constituent l’essentiel de la main-d’œuvre sur les grands domaines du Médoc. Ils s’employaient ensuite sur les propriétés du Libournais avant de regagner leur région. Après la guerre, les Espagnols les remplacent dans le travail de la vigne. Cette carte postale illustre une vision idyllique des vendanges, bien éloignée de la réalité.

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À Saint-Émilion, les journalistes profitent du patrimoine de la cit é médiévale et de ses gr ands vins  : arrivée par le train, transfert hippomobile, banquet, visite des monuments. Le banquet est l’occasion de déguster des dizaines de vins de la région, tel le prestigieux château pavie.

Le XIe  Congrès international de la pr esse ne manque pas d’inscrir e le châ teau Margaux à son programme. Cette superbe propriété produit un des bordeaux les plus réputés. Ce vin se négocie sur la place de Bordeaux où il est expédié dans le monde entier.