vestiaires 1 cles causerie mpo3cc

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Un rituel qui ne doit jamais être banal Avant un match, la causerie consti- tue le dernier vrai moment d'influence de l'entraîneur. Ce moment permet d'im- pulser, de favoriser une ultime pré- paration. La tonalité de la cause- rie, son contenu, sa forme et sa durée, sont fonction de l'objec- tif prioritaire à atteindre : rassu- rer, provoquer, réduire les incertitudes sur le plan tech- nico-tactique, encourager le risque, l'initiative, et bien sûr agir sur l'aspect motivationnel. La causerie est un moment fort. Un rituel qui ne doit jamais être banal. Quand on n'est pas en forme, il est préférable de l'adapter, de la réduire par exemple. Quelqu'un qui a peur trans- met sa peur La qualité du mes- sage passe également par la qualité de l'émetteur. Aussi, des efforts sont à réaliser pour gommer tout ce qui pourrait être de nature à pertur- ber l'équipe. Laisser transparaître une grande angoisse avant un match revient à n'accorder qu'une confiance limitée à ses joueurs. Cela s'inscrit en faux par rapport à tout ce que l'on a pu tenter pour les mettre dans de bonnes dis- positions, et les rassurer sur leurs propres valeurs. Il est préférable de manifester une forme d'assurance, même si ce n'est pas toujours facile, qui soit en accord avec ses paroles, et conforte les joueurs dans leur conviction qu'un bon résultat est possible. Courte, tonique et dynamique N'oubliez pas qu'une causerie se prépare. Elle ne doit pas être improvisée. Il y a là un côté acteur (contrôlé). Il faut oeuvrer à ce que la causerie soit courte (7-8 minutes. Encore moins s’il s’agit de Benjamins par exemple), tonique et dynamique. Dans son discours, on doit chercher à activer le désir de reconnaissance, l'amour pro- pre, la fierté, l'orgueil, qui favorisent la performance. Il faut développer aussi la notion de confiance. D'où l'importance d'avoir un discours positif. N’ayez pas peur de changer de stratégie pour éviter la routine. Parfois, il faut remonter le moral, parfois il faut fustiger. Parfois c'est très court, parfois c'est plus long. On peut aussi de façon exceptionnelle laisser les joueurs seuls trois ou quatre minutes afin qu'ils puissent se parler des tâches res- pectives de chacun. Cela peut provoquer une forme de solidarité qui va se retrouver sur le terrain. Surprendre pour favoriser la mise en état d'alerte La causerie d'avant match répond souvent à un plan assez régulier, même si on trouve parfois une volonté de surprendre, qui favorise la mise en état d'alerte des joueurs. Mais d'une manière générale, on commence en présentant le contexte, avec une image forte ou une métaphore si possible. C'est ce que les joueurs retiendront. Présenter ensuite l'ad- versaire, et rappeler quelques données concernant sa propre formation, en insistant sur les coups de pied arrêtés, offensifs et défensifs. Enfin, faire une synthèse courte des idées principales. Le côté plus motiva- tionnel intervient en général à la fin, tou- chant davantage tantôt le match lui-même, tantôt l'adversaire, ou l'amour-propre ou encore le résultat. Selon les circonstances, on joue sur des registres différents. Ne pas trop insister sur la valeur de l'adversaire Attention de ne pas mettre les joueurs dans l'obligation de gagner face à un adversaire de grande valeur, qui plus est quand on traverse une passe difficile. C'est rajouter une pression qui peut être trop forte et ira à l'inverse de l'effet escompté. D'une manière générale, les joueurs sont rassurés si on n'insiste pas outre mesure sur la valeur de l'adversaire. Il est préférable dans son discours d'envisager un déroulement positif du match. Certains pourraient être perturbés au simple énoncé d'une hypothèse qu'ils redoutent. Pas idéal si l'on est dans une phase de progression, de reprise de confiance... Axer son discours sur le jeu, pas l'enjeu Éviter par ailleurs de faire la causerie longtemps avant le match. On risquerait d'imposer une certaine pres- sion trop tôt. Évacuez tous les termes carac- téristiques de la "langue molle" (essayer de, s'efforcer de...). N'oubliez pas que les joueurs sont responsables du jeu. La pres- sion de résultat est pour l'entraîneur. Insister sur le jeu, pas l'enjeu. Enfin, si le président veut intervenir, c'est avant, jamais après la causerie de l'entraîneur. Il risque en effet de casser vos effets par une parole pas obliga- toirement maladroite, mais qui peut être en décalage avec votre propre propos. n Certains extraits sont tirés de "Entraîneur : compétence et passion", de Jacques Crevoisier et Gérard Houllier (Albin Michel). Tout un art. Parler au collectif tout en s'adressant à l'individuel est le propre de la causerie. Un exercice plus difficile qu'il n'y paraît. N° 1 - Janvier 2009 - Premier magazine consacré aux éducateurs de football 32 MANAGEMENT Les clés d'une causerie réussie Ex-entraîneur national Consultant Canal+/clubs Docteur en psychologie n Par Jacques Crevoisier EXTRAIT DE VESTIAIRES 1er MAGAZINE CONSACRÉ AUX ÉDUCATEURS POUR S'ABONNER : WWW.VESTIAIRES- MAGAZINE.COM

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Un rituel qui ne doit jamais êtrebanal Avant un match, la causerie consti-tue le dernier vrai moment d'influence de

l'entraîneur. Ce moment permet d'im-pulser, de favoriser une ultime pré-

paration. La tonalité de la cause-rie, son contenu, sa forme et sadurée, sont fonction de l'objec-tif prioritaire à atteindre : rassu-rer, provoquer, réduire lesincertitudes sur le plan tech-nico-tactique, encourager le

risque, l'initiative, et bien sûr agirsur l'aspect motivationnel.

La causerie est un momentfort. Un rituel qui ne doit jamais

être banal. Quand on n'est pas enforme, il est préférable de l'adapter,de la réduire par exemple.

Quelqu'un qui a peur trans-met sa peur La qualité du mes-sage passe également par la qualitéde l'émetteur. Aussi, des efforts sontà réaliser pour gommer tout ce qui pourrait être de nature à pertur-ber l'équipe. Laisser transparaîtreune grande angoisse avant un match revient à n'accorder qu'uneconfiance limitée à ses joueurs. Cela s'inscriten faux par rapport à tout ce que l'on a putenter pour les mettre dans de bonnes dis-positions, et les rassurer sur leurs propresvaleurs. Il est préférable de manifester uneforme d'assurance, même si ce n'est pastoujours facile, qui soit en accord avec sesparoles, et conforte les joueurs dans leurconviction qu'un bon résultat est possible.

Courte, tonique et dynamiqueN'oubliez pas qu'une causerie se prépare.Elle ne doit pas être improvisée. Il y a là uncôté acteur (contrôlé). Il faut oeuvrer à ceque la causerie soit courte (7-8 minutes.Encore moins s’il s’agit de Benjamins parexemple), tonique et dynamique. Dans

son discours, on doit chercher à activerle désir de reconnaissance, l'amour pro-pre, la fierté, l'orgueil, qui favorisent laperformance. Il faut développer aussi lanotion de confiance. D'où l'importanced'avoir un discours positif. N’ayez paspeur de changer de stratégie pour éviter laroutine. Parfois, il faut remonter le moral,parfois il faut fustiger. Parfois c'est trèscourt, parfois c'est plus long. On peutaussi de façon exceptionnelle laisser lesjoueurs seuls trois ou quatre minutes afinqu'ils puissent se parler des tâches res-

pectives de chacun. Cela peut provoquerune forme de solidarité qui va se retrouversur le terrain.

Surprendre pour favoriser la mise enétat d'alerte La causerie d'avant matchrépond souvent à un plan assez régulier,même si on trouve parfois une volonté desurprendre, qui favorise la mise en étatd'alerte des joueurs. Mais d'une manièregénérale, on commence en présentant lecontexte, avec une image forte ou unemétaphore si possible. C'est ce que lesjoueurs retiendront. Présenter ensuite l'ad-versaire, et rappeler quelques donnéesconcernant sa propre formation, en insistantsur les coups de pied arrêtés, offensifs

et défensifs. Enfin, faire une synthèse courtedes idées principales. Le côté plus motiva-tionnel intervient en général à la fin, tou-chant davantage tantôt le match lui-même,tantôt l'adversaire, ou l'amour-propre ouencore le résultat. Selon les circonstances,on joue sur des registres différents.

Ne pas trop insister sur la valeur del'adversaire Attention de ne pas mettre lesjoueurs dans l'obligation de gagner face àun adversaire de grande valeur, qui plus est quand on traverse une passe difficile.

C'est rajouter une pression qui peut être trop forte et ira à l'inversede l'effet escompté. D'une manièregénérale, les joueurs sont rassurés sion n'insiste pas outre mesure sur lavaleur de l'adversaire. Il est préférabledans son discours d'envisager un déroulement positif du match.Certains pourraient être perturbés ausimple énoncé d'une hypothèse qu'ilsredoutent. Pas idéal si l'on est dansune phase de progression, de reprisede confiance...

Axer son discours sur le jeu,pas l'enjeu Éviter par ailleurs de

faire la causerie longtemps avant le match.On risquerait d'imposer une certaine pres-sion trop tôt. Évacuez tous les termes carac-téristiques de la "langue molle" (essayer de,s'efforcer de...). N'oubliez pas que lesjoueurs sont responsables du jeu. La pres-sion de résultat est pour l'entraîneur. Insistersur le jeu, pas l'enjeu. Enfin, si le présidentveut intervenir, c'est avant, jamais après lacauserie de l'entraîneur. Il risque en effet decasser vos effets par une parole pas obliga-toirement maladroite, mais qui peut être endécalage avec votre propre propos. n

Certains extraits sont tirés de "Entraîneur : compétence

et passion", de Jacques Crevoisier et Gérard Houllier

(Albin Michel).

Tout un art. Parler au collectif tout en s'adressant à l'individuel est le propre de la causerie. Un exercice plus difficile qu'il n'y paraît.

N° 1 - Janvier 2009 - Premier magazine consacré aux éducateurs de football32

MANAGEMENT

Les clés d'une causerie réussie

Ex-entraîneur national

Consultant Canal+/clubs

Docteur en

psychologie

n Par

JacquesCrevoisier

EXTRAIT DE VESTIAIRES

1er MAGAZINE CONSACRÉ AUX

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