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UNIVERSITÉ PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ANNÉE 2008 N o THÈSE POUR LE DIPLOME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE Discipline : Médecine Générale Présentée et soutenue publiquement À CRÉTEIL (PARIS XII) Par Nicolas COUPPEY Né le 28 juin 1981 à Cherbourg Élève de l’école du Val-de-Grâce Ancien élève de l’École du Service de Santé des Armées de Bordeaux ASPECTS CLINIQUES DE L’INFECTION À CHIKUNGUNYA EN PÉRIODE D’ÉPIDÉMIE : EXPÉRIENCE D’UN SERVICE DE MÉDECINE À LA RÉUNION DE MARS À AVRIL 2006 DIRECTEUR DE THÈSE M. le Docteur S. CREMADES LE CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE

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UNIVERSITÉ PARIS VAL-DE-MARNE

FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL

ANNÉE 2008 No

THÈSE

POUR LE DIPLOME D’ÉTAT

DE

DOCTEUR EN MÉDECINE

Discipline : Médecine Générale

Présentée et soutenue publiquementÀ CRÉTEIL (PARIS XII)

Par Nicolas COUPPEY

Né le 28 juin 1981 à CherbourgÉlève de l’école du Val-de-Grâce

Ancien élève de l’École du Service de Santé des Armées de Bordeaux

ASPECTS CLINIQUES DE L’INFECTION

À CHIKUNGUNYA EN PÉRIODE D’ÉPIDÉMIE :

EXPÉRIENCE D’UN SERVICE DE MÉDECINE À LA RÉUNION DE

MARS À AVRIL 2006

DIRECTEUR DE THÈSEM. le Docteur S. CREMADES

LE CONSERVATEUR DE LABIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE

Table des matières

Remerciements 4

1 Introduction 9

1.1 L’infection par le virus Chikungunya . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.2 L’épidémie réunionnaise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

2 Matériel et méthode 20

2.1 La population étudiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

2.1.1 Effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

2.1.2 La sélection des sujets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.1.3 Les critères d’inclusion et d’exclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.2 Schéma de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

2.2.1 Type de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

2.2.2 Recueil des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

2.2.3 Critères de jugement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

2.2.4 Analyse statistique des données qualitatives et quantitatives . . . . . . 23

3 Résultats 24

3.1 Caractéristiques générales de la population étudiée . . . . . . . . . . . . . . . 24

1

3.1.1 Répartition selon le sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

3.1.2 Répartition selon l’âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

3.1.3 Antécédents médicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

3.1.4 Traitements au long cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

3.1.5 Durée des symptômes avant hospitalisation . . . . . . . . . . . . . . . 28

3.2 Sémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

3.2.1 Signes généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

3.2.2 Fonction locomotrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3.2.3 Fonction neurologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

3.2.4 Fonction respiratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

3.2.5 Fonction digestive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

3.2.6 Fonction cardio-vasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

3.2.7 Fonction rénale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

3.2.8 Troubles métaboliques et endocriniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

3.2.9 Syndrome inflammatoire biologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

3.2.10 Désordres hydro-électrolytiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

3.2.11 Anomalies de l’hémogramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

3.3 Mesures thérapeutiques prescrites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

3.4 Durée d’hospitalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

3.5 Devenir des sujets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

4 Discussion 43

4.1 Principaux résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

4.2 Forces et faiblesses de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

4.2.1 Points forts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

4.2.2 Points faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

5 Conclusion 57

Bibliographie 61

6 Annexes 67

Annexes indices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

Annexes items . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Liste des figures 71

Liste des tableaux 71

Liste des abréviations 73

Résumé 74

Summary 76

A Monsieur le Médecin Général Inspecteur Jean-Etienne TOUZE

Directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce

Professeur Agrégé du Val-de-Grâce

Officier de la Légion d’Honneur

Officier de l’Ordre National du Mérite

Chevalier des Palmes Académiques

Récompense pour travaux scientifiques et techniques – échelon vermeil

A Monsieur le Médecin Général Frédéric FLOCARD

Directeur Adjoint de l’Ecole du Val-de-Grâce

Professeur Agrégé du Val-de-Grâce

Chevalier de la Légion d’Honneur

Officier de l’Ordre National du Mérite

Récompense pour Travaux Scientifiques et Techniques

Médaille d’Honneur du Service de Santé des Armées

A Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Bernard BAUDUCEAU

Professeur Agrégé du Val-de-Grâce

Chef du Service d’Endocrinologie de l’HIA Bégin

Référent pédagogique de l’HIA Bégin

Officier de la Légion d’Honneur

Chevalier de l’Ordre National du Mérite

A Monsieur le Professeur Claude ATTALI

Coordinateur du Département Universitaire d’Enseignement et de Recherche

en Médecine Générale de la Faculté de Médecine de Créteil

Référent pédagogique de la faculté de Créteil

A Monsieur le Médecin en Chef Serge CREMADES

Serge, par ta rigueur, ton expérience,

Tu as accepté de nous guider au cours de ce travail.

Ta disponibilité, ta patience, ton exemple...

Un profond respect, une immense admiration.

Merci.

A Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Thierry DEBORD

Vous avez accepté de contribuer à notre travail.

Pour vos remarques éclairées et votre bienveillance,

Nous vous adressons l’expression de nos remerciements les plus sincères.

A Monsieur le Médecin Chef des Services de Classe Normale François COINTET

A l’origine de la première pierre,

Nous avons été sensibles aux conseils que vous nous avez prodigués.

Soyez assuré de notre gratitude et de nos sentiments respectueux.

A Monsieur le Médecin en Chef Patrick IMBERT

Par le hasard de la discussion, comme un avant-goût de Noël,

Vous nous avez apporté les dernières connaissances.

Nous vous adressons nos plus vifs remerciements.

A Monsieur le Médecin Principal Antoine MAYET

Pour ton aide précieuse dans les méandres statistiques,

Ton accueil dans la famille,

Sois assuré de toute ma profonde gratitude et mon soutien.

A mes parents, leur amour, leur présence et leur soutien sans faille, durant toutes ces années.

Sans vous, rien ne serait possible.

Avec tout mon Amour, merci.

A mon frère, Sébastien, même au loin, en terre étrangère, tu restes près de nous. Merci pour

ton aide précieuse, tes conseils avisés, ta disponibilté et la touche finale. Pour tout résumer :

LATEX, c’est puissant !

A ma sœur, Anne-Laure, ton humour et ton sourire sont de vrais délices. Merci pour ce so-

leil Gnouckette.

A ma famille, éparpillée mais au combien présente.

A Manu, mon co-thurne. Puissions-nous un jour nous retrouver et nous soutenir comme du-

rant ces 9 dernières années. Bon vent mon Ami !

A Béné, Marie, Jeff, Philippe, mes co-internes, qui m’avaient accompagné (et supporté) du-

rant ces 3 années de vie parisienne. Si, si, on la fera cette raclette !

A la famille 10 - 38, j’espère un jour suivre vos pas, mes Illustres Anciens et pouvoir un

jour peut-être servir de soutien pour vous, mes foeti et mutantes.

Mari transve mare hominibus semper prodesse.

Aux personnels rencontrés au cours de mes pérégrinations dans les services de Mr Garcin,

Mr Bauduceau, Mr Grassin, Mr Topin et Mr Ponties.

9

Chapitre 1

Introduction

Les maladies émergentes sont nombreuses, pour la plupart totalement inconnues du grand

public, y compris parfois dans le milieu médical. Une trentaine d’agents infectieux émergents

ont été découverts ces dernières années.

Aujourd’hui, qui n’a pas entendu parler de l’épidémie de Chikungunya ayant sévi à la

Réunion ? Qui n’a pas entendu décrire ces arthralgies fébriles invalidantes et la paralysie so-

ciale qu’elles ont entraînées durant 18 mois en 2005 - 2006 ?

Pourtant, en 2004, en dehors de quelques spécialistes, peu connaissaient ce nom et encore

moins pouvaient discuter des signes de cette maladie exotique, n’ayant jamais atteint nos popu-

lations occidentales. Personne, en dehors de ces mêmes spécialistes, n’avaient osé imaginer le

scénario catastrophe d’une épidémie de Chikungunya non contrôlée.

Le retentissement a été d’une telle ampleur que les milieux médicaux, paramédicaux mais

également ceux des sociologues, ethnologues ainsi que les médias se sont passionnés pour le

sujet. De nombreuses mesures gouvernementales ont été entreprises et des actions menées sur

les fronts économiques, médicaux et environnementaux.

Les découvertes sont nombreuses, les colloques s’organisent et les publications se multi-

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 10

plient. Du vecteur à la transmission, du vécu psychique de l’épidémie au retentissement socio-

professionnel, de l’épidémiologie à la clinique, des tableaux cliniques classiques aux formes

rares, tout intéresse, questionne et demande des études complémentaires. Beaucoup reste à dé-

couvrir sur la maladie mais aussi sur l’épidémie afin de prévenir ou contenir l’émergence d’un

autre agent infectieux, comprendre l’évolution de la situation et réagir rapidement et efficace-

ment.

1.1 L’infection par le virus Chikungunya

Le virus Chikungunya est un arbovirus du genre Alphavirus, transmis par des moustiques

Aedes. Il est responsable, chez l’homme, d’une infection aiguë caractérisée par un début brutal,

une fièvre, une éruption cutanée et des arthralgies diffuses et invalidantes qui font la particula-

rité de la maladie et la distinguent des autres arboviroses.

La maladie est essentiellement tropicale, peu commune, peu répandue, peu documentée et

jusqu’à ces quelques dernières années totalement inconnue du grand public.

Décrit par Robinson et isolé pour la première fois en 1953 par Ross à l’occasion d’une

épidémie rurale extensive ayant touché le plateau de Makondé dans le sud du Tanganyika (ac-

tuelle Tanzanie)[41, 40], le virus tire son nom des symptômes déclenchés par l’infection. Chi-

kungunya signifie, en Swahili, "celui qui marche courbé". Il est à l’origine d’épidémies régu-

lières en Afrique australe, occidentale (Sénégal[26], République du Congo[23]), dans le Sud-

Est asiatique (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Vietnam, Cambodge) et dans le sous continent

indien[26]. À la lumière des nouvelles connaissances, des épidémies de Chikungunya sont sus-

pectées rétrospectivement. Certaines épidémies de fièvre étiquetées "dengue" mais associées

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 11

à des douleurs articulaires importantes pourraient s’avérer correspondre à des épidémies de

Chikungunya (au Caire et à Jakarta (ex Batavia) en 1779, à Zanzibar et en Inde, au cours du

XIXesiècle, à Hongkong, en Birmanie et à Madras en 1901-1902, aux États-Unis au début du

XXesiècle).

Le virus Chikungunya est classé dans le genre Alphavirus, famille des Togaviridae ; c’est

un virus à ARN linéaire, monocaténaire, d’un diamètre de 60 à 70 nanomètres, enveloppé. Il est

sensible à la dessiccation, et inactivé par la chaleur, sèche ou humide, supérieure à 58 ˚C.

En période épidémique, le seul réservoir est l’homme. Hors période d’épidémie humaine, ce

sont essentiellement les singes, rongeurs, oiseaux et vraisemblablement d’autres vertébrés mal

identifiés. Le réservoir n’est pas complètement déterminé, les études ayant été réalisées lors des

périodes épidémiques, lorsque homme et faune étaient contaminés.

Le vecteur n’est pas spécifique et est représenté, en zone urbaine où sont décrites la plupart

des épidémies, par des moustiques du genre Aedes (Aedes aegypti, albopictus, polynesiensis).

Le Culex et l’Anophèle ont également été identifiés comme vecteurs potentiels. En milieu natu-

rel africain, la maladie est transmise par le biais des moustiques Aedes furcifer et africanus.

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 12

FIG. 1.1 – Aedes albopictus : Vecteur à la Réunion

La présence du virus, lors et en dehors d’épidémies est attestée dans de nombreuses zones du

monde : Afrique sub-saharienne, sous-continent indien, Asie du Sud-est et Pacifique ; et depuis

2005 Océan indien ; mais ni l’Europe, ni l’Amérique n’ont encore été touchées par le chikun-

gunya en dehors des cas importés par les flux migratoires importants[44]. Néanmoins, quelques

cas ont très récemment été décrits en Europe méridionale (Ravenne, Italie du Nord)[36].

La transmission et les poussées épidémiques commencent pendant la saison des pluies et dé-

pendent de la densité vectorielle, elle-même fonction de l’intensité des précipitations[33]. Les

connaissances actuelles font état de deux modes de transmission : endémique et épidémique.

Schématiquement, la forme endémique serait africaine et rurale, maintenue sous la forme d’une

enzootie du virus en zone forestière par des nombreux réservoirs et vecteurs, parfois transmise à

l’homme localement mais passant alors inaperçue, ou confondue avec des accès palustres dans

ces populations immunes[47][23]. A l’inverse, la forme épidémique serait plutôt asiatique et

urbaine, transmise par deux vecteurs (A. aegypti et A. albopictus), à des populations faiblement

ou non immunes, caractérisant ainsi des épidémies massives au taux d’attaque élevé[24]. Dans

ce modèle, les épidémies fléchissent puis s’arrêtent progressivement à mesure que la population

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 13

s’immunise, ce qui implique une certaine durée pouvant dépasser un an[18].

Il semble également que le virus Chikungunya possède un potentiel d’évolution au sein d’une

même épidémie, amplifiant ainsi sa virulence, son taux d’attaque et l’expression de ses formes

cliniques dans une population non immune[43].

Les manifestations cliniques typiques apparaissent après une incubation de 3 à 7 jours (ex-

trêmes 1 à 12 jours), de manière brutale, annoncée par une fièvre élevée (39 - 40 ˚C) accom-

pagnée de douleurs articulaires souvent intenses. Ces arthralgies sont polyarticulaires, prédo-

minant aux extrémités, symétriques, mais pouvant également toucher les grosses articulations

(épaule, hanche) et le rachis. À ces signes les plus couramment décrits s’ajoutent des myal-

gies diffuses, des céphalées, des nausées et vomissements, des éruptions cutanées et parfois des

hémorragies minimes (épistaxis, gingivorragie, éruption purpurique). L’évolution est, dans la

grande majorité des cas, bénigne en moins de 10 jours, en dehors des arthralgies, qui peuvent

persister plusieurs mois voire années[5].

Des formes graves pouvant conduire au décès n’ont été décrites que depuis l’épidémie

réunionnaise. L’infection par le Chikungunya mettant en jeu le pronostic vital n’avait jus-

qu’alors pas été rapportée. Un certain nombre de ces formes (graves et atypiques) a été en-

registré au cours de l’épidémie : 246 personnes ont été hospitalisées en réanimation et une

quarantaine de cas de transmissions materno-néonatales avec confirmation biologique a été re-

trouvée.

Ainsi, ont pu être décrites des formes avec hépatites cytolytiques aiguës et fulminantes[2, 35,

10], des formes neurologiques à type de polyradiculonévrite : syndrome de Guillain-Barré[19]

ou de méningo-encéphalites[20], des formes cutanées : dermatose bulleuse, chez les enfants

principalement, en dehors de toute prise médicamenteuse[39, 15], et la mise en évidence d’une

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 14

transmission materno-foetale[38] jamais citée auparavant avec découverte de formes néonatales[13,

12]. Entre le mois de janvier et décembre 2006, 254 certificats de décès mentionnant le Chikun-

gunya ont été recensés, les trois quarts concernaient des personnes âgées de plus de 70 ans.

Le diagnostic biologique de l’infection par le virus du Chikungunya repose sur deux tech-

niques : RT-PCR et sérologie spécifique.

La RT-PCR est utilisable en phase virémique de J0 à J7[29].

La sérologie est utilisable de façon plus simple et plus courante. Les IgM sont retrouvées à par-

tir du 5e jour et pendant plusieurs semaines voire mois ; les IgG à partir du 15e jour avec une

persistance pendant plusieurs années. Il existe cependant une possibilité de faux positifs avec

les IgM de la dengue par stimulation polyclonale.

Aucun de ces tests n’est commercialisé et l’approvisionnement dépend des laboratoires de réfé-

rence des arboviroses nationaux et internationaux. (En France : l’Institut de médecine tropicale

du Service de Santé des Armées de Marseille et l’Institut Pasteur de Lyon).

Par ailleurs, on retrouve des modifications biologiques non spécifiques notamment à la phase

aiguë de l’infection avec lymphopénie, thrombopénie, augmentation modérée de la CRP et fré-

quente élévation des transaminases.

Aucun traitement anti-viral n’existe aujourd’hui.

Le traitement est, à la phase aiguë, uniquement symptomatique, reposant sur les antalgiques

non salicylés, dont le paracétamol en première intention, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens

dans le respect des contre-indications. Pour les formes chroniques articulaires sévères, la corti-

cothérapie peut être indiquée en première intention[21].

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 15

Il n’existe actuellement aucun vaccin disponible contre le Chikungunya. Il existe cependant,

un prototype vaccinal vivant atténué, développé à partir d’une souche thaïlandaise des années

60 par le Walter Reed Institute (US Army) dont les essais de 2003 ont noté un taux de séro-

conversion en anticorps neutralisants satisfaisant aux alentours de 98% à J28, durable (85% à

un an) et des arthralgies chez 8% des volontaires[8]. Ces essais avaient été arrêtés en 2003. La

recherche vaccinale en France a été relancée à la suite de l’épidémie de la Réunion.

La prévention repose sur la protection physique et individuelle contre les piqûres de mous-

tiques par l’utilisation de vêtements longs, de moustiquaires et de répulsifs. Au plan collectif,

la lutte antivectorielle larvicide et adulticide, identique à celle de la dengue, est contraignante.

Elle est coûteuse et doit être permanente en particulier pour l’éradication des gîtes larvaires[33].

1.2 L’épidémie réunionnaise

L’épidémie de la Réunion qui a révélé cette maladie émergente à l’opinion publique pré-

sente une chronologie bien particulière. Débutant au Kenya, transmis dans l’archipel des Co-

mores (5000 cas rapportés à l’OMS entre décembre 2004 et mars 2005) et Mayotte, puis l’île

Maurice et les Seychelles (respectivement 2500 et 4500 cas déclarés à la date de mars 2006),

l’agent n’a été identifié qu’après 3 mois d’évolution par le C.D.C., à Atlanta, U.S.A., puis par

le laboratoire national de Nairobi, au Kenya.

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 16

FIG. 1.2 – Géographie et localisation de l’île de la Réunion

Du fait de la proximité des foyers comoriens et des importants mouvements de populations

existant entre les différentes îles et archipels de l’Océan Indien, la Réunion est touchée une

première fois de mars à juin 2005. Cette période est suivie d’une régression progressive de juin

à septembre, sans jamais parvenir à un arrêt de la transmission, avec l’arrivée de l’hiver austral

(défavorable à la multiplication d’Aedes albopictus et à la transmission du virus), pour reprendre

de façon modérée en octobre 2005 puis explosive mi décembre 2005 (passage de moins de 400

cas semaine 50, à plus de 2000 cas semaine 51).

Elle atteint un pic de 46 600 nouveaux cas la semaine du 6 au 12 février 2006.

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 17

La décroissance est progressive jusqu’au mois de juin 2006 où commence la période inter-

épidémique.

FIG. 1.3 – Nombre de cas de Chikungunya par semaine à la Réunion en 2005 - 2006 (CIRERéunion-Mayotte)

Au total et pour l’ensemble de la période épidémique, en date du 1er janvier 2007, entre

266 000 et 300 000 personnes ont présenté, à un moment ou un autre, une forme clinique de la

maladie, soit environ 35% de la population réunionnaise.

Le système de santé réunionnais fut dépassé par l’ampleur de l’épidémie (un tiers de la

population de l’île touché en un an). Pour répondre à cette crise sans précédent, le gouverne-

ment mit en place un plan d’aide avec un renforcement des structures sanitaires et en particulier

du personnel médical et para-médical. Malgré la notoriété de bénignité de l’infection à Chi-

kungunya, les services hospitaliers de la Réunion se sont retrouvés débordés devant l’afflux de

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 18

sujets nécessitant une hospitalisation. À la demande de l’Agence régionale d’hospitalisation de

la Réunion, un détachement de dix personnels du Service de Santé des Armées renforça les

structures civiles de fin février à fin avril 2006.

FIG. 1.4 – Nombre hebdomadaire de passages aux urgences pour une suspiscion de Chikungu-nya et hospitalisation. La Réunion 2006 (CIRE Réunion)

Notre étude menée sur une population de sujets hospitalisés pour infection à Chikungunya

dans un service de médecine, créé au moment le plus fort de l’épidémie, a pour objectifs :

– de décrire les critères physiques, médicaux ou sociaux des sujets ayant nécessité une

hospitalisation en service de médecine à l’exclusion des services de réanimation prenant

en charge les formes graves,

– de déterminer s’il existe des terrains à risque susceptibles d’être repérés au domicile et

chez lesquels une prise en charge plus précoce permettrait d’éviter une hospitalisation,

– de déterminer des critères à l’examen initial prédictifs d’une hospitalisation plus longue,

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 19

avec nécessité de soins plus intenses ou spécifiques,

– établir des recommandations pour la prise en charge des patients en cas d’épidémie mas-

sive.

20

Chapitre 2

Matériel et méthode

2.1 La population étudiée

2.1.1 Effectifs

Le 1er mars 2006, suite au dépassement des structures de soins hospitalières publiques, un

service de médecine (service Jacaranda) fut temporairement créé pour recevoir les patients at-

teints du Chikungunya nécessitant des soins hospitaliers. Ce service était rattaché au Centre

Hospitalier Gabriel Martin (CHGM), centre hospitalier public de la commune de Saint Paul

dans le but de renforcer le service d’accueil "porte" de 8 lits. Initialement prévus pour accueillir

un département de psychiatrie dont l’ouverture a exceptionnellement été retardée, les locaux,

jusqu’alors jamais utilisés, étaient composés de 24 lits répartis en 8 chambres simples et 8

chambres doubles. Ce service fut dirigé du 1er mars au 25 avril par un médecin des armées,

chef de service de la clinique médicale polyvalente de l’HIA BEGIN (Saint Mandé), spécia-

liste de médecine générale, mis en détachement par le Service de Santé des Armées pour la

DRASS réunionnaise, assisté d’un interne de médecine générale à temps plein et d’un praticien

CHAPITRE 2. MATÉRIEL ET MÉTHODE 21

hospitalier ou contractuel de médecine générale à temps partiel. Le personnel paramédical était

composé d’une surveillante de soins, treize infirmières, treize aide-soignantes, une assistante

sociale, une secrétaire à temps plein et un kinésithérapeute à temps partiel.

Chaque patient hospitalisé a fait l’objet d’une observation médicale et d’un courrier au mé-

decin référent. Du 1er mars au 25 avril 2006, 225 observations médicales et courriers ont été

réalisés dans ce service d’hospitalisation courte du Centre Hospitalier Gabriel Martin.

2.1.2 La sélection des sujets

La sélection des sujets a été effectuée après une évaluation (et un triage) par un médecin

urgentiste (généraliste titulaire de la capacité de médecine d’urgence), en poste au service d’ac-

cueil des urgences (SAU) du Centre Hospitalier Gabriel Martin. Les patients admis en urgence

pour une infection à virus Chikungunya étaient orientés en priorité en hospitalisation dans le

service Jacaranda. En cas d’absence de place disponible dans ce service, certains patients ont

été hospitalisés dans des services spécialisés, de soins non intensifs du CHGM comme les ser-

vices de cardiologie ou pathologie digestive. Ces sujets n’ont pas été retenus pour la présente

étude.

2.1.3 Les critères d’inclusion et d’exclusion

Ont été inclus tous les sujets hospitalisés pour infection présumée par le virus Chikungunya

dans le service Jacaranda du 1er mars au 25 avril 2006, soient 225 sujets.

Ont été exclus les sujets dont :

- l’infection à Chikungunya a été réfutée,

- les sujets hospitalisés pour une cause sans rapport avec une infection à Chikungunya,

soit 66 sujets.

CHAPITRE 2. MATÉRIEL ET MÉTHODE 22

Ont été retenus 159 sujets adultes (supérieur à 15 ans et 3 mois), confirmés par RT- PCR ou

sérologie spécifique.

2.2 Schéma de l’étude

2.2.1 Type de l’étude

L’étude présentée est une étude descriptive rétrospective des patients ayant nécessité une

hospitalisation dans le service de médecine polyvalente Jacaranda du Centre Hospitalier Gabriel

Martin pour une infection à Chikungunya confirmée entre le 1er mars et le 25 avril 2006.

2.2.2 Recueil des données

Le recueil des données a été réalisé à partir des informations contenues dans les observations

et courriers de sortie réalisés pour chaque patient lors et au décours de leur hospitalisation, ré-

digés par les médecins du service d’hospitalisation courte et Service Porte Jacaranda du Centre

Hospitalier Gabriel Martin.

Les données ont été extraites sur un formulaire créé sous ACCES regroupant une liste d’items

sélectionnés préalablement d’après la littérature et suite à une première lecture des observations.

Les items regroupent des critères administratifs, physiques, médicaux et sociaux1.

1Annexe items en page 69

CHAPITRE 2. MATÉRIEL ET MÉTHODE 23

2.2.3 Critères de jugement

2.2.4 Analyse statistique des données qualitatives et quantitatives

L’analyse statistique a utilisé le programme EpiInfo.

Les variables quantitatives sont exprimées par leur moyenne, leur médiane, leurs centiles et

leurs extrêmes. Elles ont été comparées par le test de Student.

Les variables qualitatives sont exprimées par leur pourcentage par rapport aux effectifs et ont

été comparées par le test du Chi-2.

Le seuil de signification retenu est de 0,05.

24

Chapitre 3

Résultats

3.1 Caractéristiques générales de la population étudiée

3.1.1 Répartition selon le sexe

La population étudiée est composée de 90 femmes soit 56,6% et de 69 hommes soit 43,4%.

3.1.2 Répartition selon l’âge

L’âge moyen de la population est de 69 ans et 9 mois, la médiane est de 72 ans avec, en

extrêmes, âge minimal de 16 ans et âge maximal de 100 ans.

La répartition selon l’âge des sujets est représentée dans la figure 3.1. On constate que 75% de

la population est âgée de plus de 60 ans et qu’un tiers se situe entre 75 et 85 ans.

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 25

FIG. 3.1 – Répartition des sujets hospitalisés selon l’âge

3.1.3 Antécédents médicaux

La figure 3.2 décrit les principaux antécédents médico-chirurgicaux dans la population étu-

diée. L’hypertension artérielle (HTA) est majoritairement retrouvée chez 83 sujets (52,2% des

sujets hospitalisés). Suivent les accidents vasculaires cérébraux (15,7%), les diabètes de type

2 et insulino-requérants(12,6% et 13,8%) puis l’alcoolisme (7,5%), les cancers ou hémopa-

thies, les troubles du rythme cardiaque(6,3%), la bronchopneumopathie chronique obstructive

(BPCO), l’insuffisance cardiaque (5,7%), les infarctus du myocarde, l’obésité (5%), l’asthme,

les démences ou déficits mnésiques (4,4%), l’insuffisance rénale (3,8%) et l’insuffisance respi-

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 26

ratoire (1,3%).

130 sujets présentent au moins une comorbidité soit 81,7%.

On note qu’aucun sujet présentant un diabète de type 1 n’a été retrouvé dans la population

étudiée.

FIG. 3.2 – Antécédents médicaux des sujets hospitalisés

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 27

3.1.4 Traitements au long cours

La figure 3.3 représente la proportion de sujets de la population traités par une classe théra-

peutique susceptible de favoriser une hospitalisation pour infection à Chikungunya. Nous avons

essentiellement retenu :

– les diurétiques pouvant entraîner une déshydratation, majorer une insuffisance rénale ou

décompenser une pathologie cardiaque pré-existente,

– les anti-agrégants plaquettaires et anti-coagulants pouvant augmenter le risque d’hémor-

ragies et

– les immuno-suppresseurs pouvant favoriser la surinfection.

44 sujets (27,7%) déclaraient prendre un traitement quotidien par anti-agrégants plaquettaires

ou anticoagulant. Un diurétique était pris chez 32 sujets (20,1%) et seulement 5 patients (3,1%)

avaient des immunosuppresseurs au long cours.

FIG. 3.3 – Traitements au long cours

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 28

3.1.5 Durée des symptômes avant hospitalisation

D’après les données disponibles (69 observations), le début des signes avant hospitalisation

se situe en moyenne à 5 jours et demi, de 1 à 36 jours (médiane à 3 jours).

3.2 Sémiologie

La figure 3.4 résume les signes fonctionnels et cliniques retrouvés lors de l’examen à l’entrée

et au cours de l’hospitalisation. Dans la population étudiée, parmi les motifs d’hospitalisation, se

distinguent les arthralgies (94,3% des sujets), la notion de fièvre (74,8%), la perte d’autonomie

(49,7%) définie comme le handicap relié à l’impossibilité pour une personne d’effectuer par

elle-même certains actes de la vie courante dans son environnement habituel[3], puis, la notion

de symptômes hyperalgiques (35,8%), douleurs non contrôlées par les traitements mis en place

en ambulatoire et enfin, les myalgies diffuses (25,2%).

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 29

FIG. 3.4 – Sémiologie à l’examen initial des sujets hospitalisés

3.2.1 Signes généraux

Hyperthermie

La mesure de la température corporelle est disponible pour 146 sujets de la population. On

définit comme normale une température corporelle inférieure à 37,8 ˚C. Un sujet est considéré

comme subfébrile pour une température mesurée supérieure à 37,8 ˚C, et fébrile lorsqu’elle est

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 30

supérieure à 38,3 ˚C[32].

20 sujets sont considérés subfébriles (13,7%) et 61 fébriles (41,8%). 65 sujets étaient apyré-

tiques (44,5%), le plus souvent sous antipyrétiques prescrits avant leur hospitalisation.

3.2.2 Fonction locomotrice

Les arthralgies diffuses ou localisées sont, de loin, le signe le plus fréquent puisque 95% de

la population étudiée est touchée.

Chez 13 de ces sujets (8,2% de la population), des signes inflammatoires locaux articulaires

à type d’oedème, rougeur ou chaleur sont décrits et la notion de "dérouillage matinal" n’est

retrouvée que chez un seul sujet.

Les arthralgies sont groupées selon leurs localisations. Les arthralgies prédominent au ni-

veau des extrémités (cheville et pied, poignet et main) avec 66% de la population atteinte (105

sujets). Les articulations intermédiaires (coude et genou) sont concernées dans 42,7% des cas

(68 sujets) et les articulations scapulaires dans 17% des cas (27 sujets). Enfin, 13,8% (22 sujets)

de la population présentaient des arthralgies axiales. On observe ainsi une augmentation de la

prévalence des arthralgies en rapport avec leur distance à l’axe du tronc.

9 sujets ne présentaient pas d’arthralgies, mais une complication de l’infection à Chikungunya :

– 3 surinfections (broncho-pneumopathies, pyélonéphrite),

– 5 décompensations de pathologies pré-existantes (poussées d’insuffisance cardiaque, d’in-

suffisance respiratoire, d’insuffisance rénale avec ou sans rhabdomyolyse, vomissements

incoercibles chez un gastrectomisé),

– 1 perte d’autonomie avec isolement social.

Des myalgies diffuses sont retrouvées chez 25% de la population (40 sujets).

Le dosage des CPK est disponible pour 43 sujets. Les valeurs normales pour le laboratoire sont

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 31

inférieures à 60 UI/l. 39 sujets présentaient une valeur supérieure à la valeur seuil, dont un sujet

ayant la valeur maximale de 16100 UI/l.

3.2.3 Fonction neurologique

Dans la population étudiée, des céphalées sont décrites chez 13,2% des sujets, peu intenses

et peu invalidantes, n’ayant jamais, seules, motivé l’hospitalisation.

On objective chez 18,9% des patients un signe neurologique. Mis à part les sujets ayant un an-

técédent d’accident vasculaire cérébral avec lésion séquellaire, sont retrouvés 9 cas d’agitation

et confusion résolutifs en quelques jours, 3 vertiges d’origine centrale sans lésion cérébrale re-

trouvée aux examens complémentaires réalisés, 2 cas de tremblements des extrêmités, 2 cas de

dysesthésies et une incontinence urinaire résolutive en une semaine.

3.2.4 Fonction respiratoire

Chez 23 sujets (14,5%), des signes cliniques d’insuffisance respiratoire sont retrouvés lors

de l’examen initial.

La saturation en oxygène mesurée durant l’hospitalisation par oxymétrie de pouls est en moyenne

de 95% (médiane à 96%).

La gazométrie réalisée chez 14 de ces patients retrouve une moyenne de 74 mmHg (médiane à

68 mmHg). Des anomalies à la radiographie pulmonaire ont été décelées chez 14 sujets : des

signes d’infection pulmonaire en foyer chez 6 sujets et un syndrome interstitiel chez 8 sujets.

3.2.5 Fonction digestive

On observe chez 20% des sujets des nausées ou des vomissements, et chez 14,5% des diar-

rhées non glairo-sanglantes.

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 32

Chez 22% des sujets, est retrouvée une cytolyse hépatique modérée entre 3 et 4 fois la

normale ainsi qu’une cholestase de 2 et 3 fois la normale chez 13% de la population.

Les résultats sont résumés dans le tableau 3.1

Effectifs Moyenne Médiane Minimum Maximum Centile 25 Centile 75ASAT(UI/l) (N<45) 35 176,8 92 24 864 61 150

ALAT(UI/l) (N<50) 28 155,6 79,5 21 647 44,5 146,5

GGT (UI/l) (N<60) 21 171,8 131 12 644 81 198

PAL (UI/l) (N<35) 7 107,1 105 76 156 78 135

TAB. 3.1 – Enzymes hépatiques

3.2.6 Fonction cardio-vasculaire

A l’examen d’entrée dans le service, 11 patients présentaient des signes cliniques d’insuffi-

sance cardiaque (6,9% des sujets).

Dans les 140 observations où la mesure a été notée, le pouls chez les patients à l’entrée est à une

moyenne de 86 bpm, une médiane de 85 bpm, (valeur minimale de 45 bpm, valeur maximale

de 130 bpm).

La pression artérielle systolique est mesurée en moyenne à 130 mmHg, et la pression artérielle

diastolique à 71 mmHg.

Effectifs Moyenne Médiane Minimum Maximum Centile 25 Centile 75Pouls (en bpm) 140 86,4 85 45 130 74 97Pression artérielle systolique (mmHg) 143 130 125 80 250 110 145Pression artérielle diastolique (mmHg) 142 71,8 70 39 119 60 80

TAB. 3.2 – Constantes de la fonction cardiaque à l’entrée dans le service

On retrouve, chez 32 sujets, des anomalies de l’électrocardiogramme telles que des troubles

de conduction (19 sujets), du rythme (4 sujets) ou de repolarisation (14 sujets). 12 troubles de

repolarisation et 16 troubles de conduction ont été découverts à l’entrée de l’hospitalisation,

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 33

sans pouvoir les rapporter à un antécédent (aspécifiques et non systématisés).

Aucun trouble du rythme non connu n’a été dépisté lors de l’hospitalisation.

Dans notre population, 2 sujets ont présenté des signes hémorragiques. Une épistaxis chez

une personne de 63 ans sous corticothérapie au long cours pour polyarthrite rhumatoïde et

une gingivorragie chez un sujet de 54 ans alcoolo-tabagique sous corticothérapie à forte dose

et anti-inflammatoires non stéroïdiens pour des arthralgies hyperalgiques persistantes durant 3

semaines.

3.2.7 Fonction rénale

Des anomalies à la bandelette urinaire sont retrouvées chez 18 sujets (14 à type de leucocy-

turies, 4 protéinuries et 2 hématuries). Cinq infections urinaires basses ont été objectivées.

44 patients disposent d’une mesure de la créatinine sanguine. La moyenne est à 142 ?mol/l,

la médiane à 116 ?mol/l. La valeur minimale retrouvée est de 46 ?mol/l et la maximale de

417 ?mol/l.

Le poids des patients n’est pas disponible. Les calculs de la clairance de la créatinine et d’un

seuil d’insuffisance rénale sont par conséquent non définis.

3.2.8 Troubles métaboliques et endocriniens

La mesure sanguine de la glycémie est disponible pour 107 sujets. La moyenne se situe à

1,30 g/l, la médiane à 1,08 g/l. La valeur minimale est de 0,27 g/l, la valeur maximale de 5,76

g/l, le centile 25 à 0,9 g/l et le centile 75 à 1,49 g/l.

Le population comptait 20 diabétiques de type 2 et 22 diabétiques insulino-requérants. La dé-

couverte d’un diabète chez un des sujets a nécessité son transfert dans un service spécialisé.

Il n’y a pas eu d’anomalie lipidique, phosphocalcique, urique, thyroïdienne ou surrénalienne

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 34

décrite.

3.2.9 Syndrome inflammatoire biologique

On dispose de 118 observations comprenant une mesure de la CRP. La valeur seuil du

laboratoire se situe à 0,1 mg/l. La moyenne est à 65 mg/l et la médiane à 44 mg/l. La valeur

minimale est à 2 mg/l, la maximale à 350 mg/l, le centile 25 à 24 mg/l et le centile 75 à 90 mg/l.

La mesure de la VS n’a pas été retenue.

3.2.10 Désordres hydro-électrolytiques

24 sujets présentaient des signes cliniques de déshydratation à l’examen d’entrée dans le

service, soit 15,1%.

Le dosage du sodium est disponible pour 49 sujets. Les valeurs normales du laboratoire du

centre hospitalier Gabriel Martin sont comprises entre 133 et 145 mmol/l. 38 sujets présentaient

une hyponatrémie (valeur minimale de 119 mmol/l). Un sujet présentait une hypernatrémie à

148 mmol/l.

Le dosage du potassium est disponible pour 38 sujets. Les valeurs normales du laboratoire sont

situées entre 3,7 et 5,4 mmol/l. 17 sujets présentaient une hypokaliémie (avec une valeur mi-

nimale de 2,77) mmol/l et 7 sujets une hyperkaliémie (avec une valeur maximale de 6,5 mmol/l).

3.2.11 Anomalies de l’hémogramme

Certaines anomalies de l’hémogramme ont été décelées dans la population.

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 35

Effectifs Moyenne médiane Minimum Maximum Centile 25 Centile 75Hémoglobine (g/dl) 63 11,7 11,7 7 18 10 13Leucocytes (él/mm3) 103 6 039 5 200 1 500 22 000 3 200 7 300Plaquettes (él/mm3) 70 139 147 123 500 9 016 639 000 93 000 178 000

TAB. 3.3 – Hémogramme

Effectifs Moyenne médiane Minimum Maximum Centile 25 Centile 75Anémie (g/dl) 41 10,4 10,7 7 12,4 9,6 11,6Leucopénie (él/mm3) 55 2 745 2 765 1 500 3 900 2 225 3 300Thrombopénie (él/mm3) 46 96 072 104 500 9 016 149 000 79 000 123 000Minime <150 000 25Modérée <100 000 15Sévère < 50 000 6

TAB. 3.4 – Anomalies de l’hémogramme

La moyenne des dosages disponibles de l’hémoglobine est à 11,7 g/dl. Chez 41 sujets, on

observe une anémie peu profonde, dont la moyenne se situe à 10,4 g/dl. Une anémie profonde,

inférieure à 8 g/dl, n’est retrouvée que dans 2 cas. (Un sujet de 63 ans sous corticothérapie au

long cours pour polyarthrite rhumatoïde avec une anémie d’allure inflammatoire à 7,4 g/dl, un

sujet de 81 ans, présentant une anémie microcytaire à 7 g/dl chez qui est retrouvé un antécédent

d’insuffisance rénale).

Une leucopénie peu profonde est présente dans la moitié des dosages disponibles, avec un

seul cas de neutropénie sévère. Les numérations lymphocytaires ne sont pas disponibles. Ces

leucopénies correspondent vraisemblablement à des lymphopénies, classiques dans la maladie.

Les hyperleucocytoses retrouvées lors des numérations réalisées étaient concomitantes d’une

surinfection ajoutée à celle du Chikungunya, ou de la découverte d’un syndrome myéloprolifé-

ratif (un sujet).

Une thrombopénie se retrouve dans 54% des dosages, en moyenne minime, aux alentours

de 139 000 /mm3 (médiane : 123 500 /mm3).

Le tableau 3.3 recense les différents résultats.

Aucun patient n’a nécessité de transfusion de produits sanguins.

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 36

3.3 Mesures thérapeutiques prescrites

Les mesures thérapeutiques prescrites ne font pas recours à une prise en charge spécialisée.

Installation

Les sujets présentant une perte d’autonomie totale étaient alités. Des mesures préventives

anti-escarres étaient prodiguées avec utilisation de matelas anti-escarres, changements de po-

sition réguliers, utilisation de coussins ergonomiques en fonction des localisations des appuis

et des zones de souffrances. Dès que la mobilisation et la verticalisation étaient possibles, les

sujets étaient installés au fauteuil ou pouvaient déambuler à loisir.

Des séances de kinésithérapie étaient pratiquées pour prévenir les lésions de rétraction et

favoriser un retour à la déambulation et à l’autonomie. La fréquence des séances nécessaires

n’a pu être évaluée par manque de données.

Traitements antipyrétiques

Tous les sujets présentant une température supérieure à 37,8 ˚C faisaient l’objet d’une pres-

cription de paracétamol en l’absence de contre-indications, soit 81 sujets.

Traitements antalgiques

Les sujets qui présentaient des douleurs articulaires recevaient en première intention du pa-

racétamol. En cas de persistance des douleurs, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

pouvaient être prescrits. Le recours à un traitement antalgique par morphiniques n’a été néces-

saire que chez 2 sujets, traitement mis en place avant l’hospitalisation au CHMG.

L’ensemble de ces prescriptions n’étaient pas protocolisées et faisaient suite, pour chaque sujet,

à une vérification de l’absence de contre-indication.

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 37

A leur sortie du service, 74,2% des hospitalisés (118 sujets) recevaient un traitement antal-

gique simple per os (paracétamol à 3 ou 4g / 24h).

La fréquence des traitements par AINS n’a pu être évaluée.

Oxygénothérapie

Une oxygénothérapie a été introduite dans 11,3% des cas (18 sujets). 13 de ces sujets pré-

sentaient des signes cliniques d’insuffisance respiratoire, 4 sujets des signes d’insuffisance car-

diaque et 1 sujet avec une oxymétrie de pouls abaissée, transitoire, d’étiologie indéterminée.

Le recours à une oxygénothérapie (11,3% des sujets) n’a été nécessaire qu’en cas de pathologies

associées (préexistantes ou surinfections).

Nous noterons qu’aucun sujet n’a été traité par oxygénothérapie au long cours au domicile

en dehors des 2 insuffisants respiratoires chroniques connus avant leur hospitalisation.

Antibiothérapie

Un traitement antibiotique probabiliste a été instauré dans 18,9% des cas (30 sujets) après

analyse des premiers examens complémentaires réalisés.

Ont été objectivés 8 infections urinaires, 6 pneumopathies, 1 parotidite, 1 sepsis suite à un geste

invasif, et 1 infection d’un point de ponction. Les autres traitements ont été argumentés par

l’état clinique du sujet et les résultats biologiques (hyperleucocytose et CRP élevée) sans foyer

infectieux retrouvé.

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 38

Hydratation et voie veineuse périphérique

Dans notre population, 24 sujets (soit 15,1%) présentaient des signes cliniques de déshydra-

tation.

D’après les observations fournies, 46,5% des sujets (74) ont nécessité la mise en place et le

maintien, au moins 24h, d’une voie veineuse périphérique simple. La voie orale a toujours été

privilégiée en cas de disponibilité d’une forme galénique adaptée et si l’état clinique des sujets

le permettait.

Nutrition

Des signes cliniques de dénutrition ont été rapportés dans 5,7% des cas (soit 9 sujets). Un

traitement par complément alimentaire a été instauré par voie orale chez 6 sujets et par voie

intraveineuse chez 3 sujets.

3.4 Durée d’hospitalisation

La durée moyenne d’hospitalisation chez ces 159 patients était de 5 jours et demi (médiane

à 4 jours, extrêmes de quelques heures à 36 jours, centile 25 à 2 jours et centile 75 à 7 jours).

On constate que 75% de la population étudiée ne reste hospitalisée que pour une courte période

(inférieure ou égale à 7 jours).

Nous retrouvons des différences significatives dans les durées d’hospitalisation des patients

répondant à certains items à l’examen initial :

– critères sociaux, la classe d’âge (en moyenne allongement de 4 jours entre un âge inférieur

à 55 ans et un âge supérieur à 86 ans), l’isolement (+ 2 jours),

– antécédents, le diabète insulino-requérant (+ 1,5 jours),

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 39

– sémiologie, la perte d’autonomie (+ 2,5 jours) et la déshydratation (+ 4 jours)

– examens complémentaires, une anomalie à la radiographie pulmonaire (+ 4 jours).

Les signes spécifiques de la maladie (arthralgies, myalgies, troubles digestifs, hyperthermie)

n’augmentent pas la durée de séjour. La thrombopénie profonde n’est pas non plus significati-

vement déterminante.

Les résultats sont résumés dans le tableau 3.5 et les critères significatifs représentés dans la

figure 3.5.

FIG. 3.5 – Critères influençant significativement la durée d’hospitalisation

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 40

Critères Durée moyenne (jours) Valeur de pSocial Classe d’âge <55 ans 3,042 0,011

56 - 65 5,88966 - 75 5,66776 - 85 5,843>86 6,933

Isolement + 7,267 0,0007- 5,020

Sexe Homme 5,500 0,980Femme 5,464

Atcd Diabète de type 2 + 4,100 0,276- 5,683

Diabète insulinoR + 6,955 0,050- 5,248

Obésité + 7,500 0,296- 5,377

Insuffisance cardiaque + 3,889 0,466- 5,580

Trouble du rythme + 5,700 0,783- 5,470

IDM + 10,625 0,092- 5,212

AVC + 6,440 0,333- 5,306

Insuffisance respiratoire + 5,500 0,498- 5,484

BPCO + 7,778 0,310- 5,347

Asthme + 4,571 0,825- 5,526

HTA + 5,988 0,198- 4,934

Insuffisance rénale + 4,167 0,862- 5,536

Démence + 4,857 0,576- 5,513

Cancer et hémopathie + 7,600 0,066- 5,342

Alcoolique + 6,167 0,937- 5,429

Traitement Anticoagulant + 6,159 0,708antérieur - 5,226

Diurétiques + 6,125 0,383- 5,323

Immunosuppresseurs + 8,200 0,360- 5,396

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 41

Critères Durée moyenne (jours) Valeur de pSémiologie Hyperalgique + 4,842 0,365

- 5,843Perte d’autonomie + 6,722 0,027

- 4,263Nausées - vomissements + 5,219 0,989

- 5,551Myalgies + 5,825 0,494

- 5,370Arthralgies + 5,313 0,046

- 8,333Température Apyrétique 5,846 0,097

Subfébrile 7,050Hyperthermique 4,689

Signe neurologique + 5,233 0,754- 5,543

Dénutrition + 7,222 0,149- 5,380

Insuffisance cardiaque + 8,636 0,088- 5,250

Insuffisance respiratoire + 6,913 0,375- 5,243

Déshydratation + 9,167 0,0009- 4,830

Diarrhées + 6,913 0,167- 5,243

Céphalées + 3,857 0,096- 5,73 2

Prurit + 7,154 0,486- 5,336

Examens Plaquettes >150 M 4,583 0,785complémentaires 100 M - 150 M 5,040

50 M - 100 M 7,733<50 M 6,833

Leucocytes >10000 4,600 0,8704000 - 10000 5,654<4000 5,833

Anomalie radio pulmonaire + 9,214 0,006- 5,124

Anomalie ECG + 4,844 0,430- 5,646

Anomalie BU + 6,389 0,505- 5,369

TAB. 3.5: Durée d’hospitalisation en fonction des différents critères

CHAPITRE 3. RÉSULTATS 42

3.5 Devenir des sujets

L’évolution de l’infection aiguë a été favorable pour 145 sujets. Une nouvelle hospitalisation

a été nécessaire pour 9 sujets (rechute). Deux sujets ont été transférés dans des services spécia-

lisés (endocrinologie, hématologie). Deux sujets, initialement hospitalisés dans le service, sont

décédés lors des suites immédiates de la prise en charge (Un sujet de 85 ans présentant une

pneumopathie bilatérale sur un cancer métastatique de la prostate et un sujet de 83 ans décédé

de choc hémorragique après anticoagulation pour thrombose veineuse). Le devenir est inconnu

pour 3 sujets de l’étude.

Chez les 156 sujets dont le devenir est connu, 95 ont pu être hospitalisés dans des cliniques de

soins de suite de court ou moyen séjour, soit 61% et 57 ont pu bénéficier d’un retour à domicile

à la sortie du service (37%).

FIG. 3.6 – Devenir des sujets

43

Chapitre 4

Discussion

4.1 Principaux résultats

Population étudiée

La présente étude analyse 159 cas de patients atteints d’infection à Chikungunya hospita-

lisés dans un service de médecine du 1er mars au 25 avril 2006. Ce service médical, ouvert

spécifiquement pour accueillir les patients souffrants d’infection aiguë à Chikungunya, a admis

une population de sujets triés au service d’accueil des urgences présentant des signes cliniques

ou biologiques d’infection dans le contexte épidémique. Les cas de Chikungunya prouvés re-

présentent en définitive 70% des 225 patients hospitalisés dans le service durant la période de

l’étude.

La population étudiée est d’âge avancé, à prédominance féminine (56,6%). Dans notre

étude, on calcule une moyenne d’âge aux alentours de 70 ans. 82% des sujets présentent au

moins une comorbidité, sans prédominance majeure d’une pathologie invalidante ou à risque de

décompensation retentissante. L’analyse des 10 sujets âgés de moins de 40 ans nous rapporte un

contexte particulier avec terrain fragilisé (épilepsie), découvertes de nouvelles pathologies (dia-

CHAPITRE 4. DISCUSSION 44

bète inaugural), de pathologies concomitantes ou surinfection (pneumopathie), ou de formes à

courte hospitalisation (inférieure à 72h).

Motif d’hospitalisation

L’hospitalisation des sujets est motivée par trois motifs principaux qui se recoupent.

Le premier d’entre eux est la perte d’autonomie de ces sujets (50% des cas) âgés qui ne

peuvent plus subvenir à leurs besoins élémentaires, subissent une affection douloureuse, invali-

dante et réduisant leur activité.

Le second motif, qui tient une place prépondérante, est le syndrome hyperalgique. Les ar-

thralgies connues pour être polyarticulaires, intenses, plus souvent aux extrémités qu’au niveau

de l’axe sont décrites par les sujets de notre étude, tellement douloureuses qu’elles empêchent

tout déplacement ou activité de la vie courante. Ces algies ne se limitent pas seulement aux

articulations mais se déclinent également en myalgies diffuses (25%). Ces douleurs justifient

des soins de soutien actif physique de l’autonomie, de prise en charge de la douleur et une aide

socio-psychologique compte tenu de la brutalité d’installation des symptômes, responsables

d’un changement d’environnement des sujets.

Le troisième grand motif d’hospitalisation est la décompensation d’une pathologie chro-

nique pré-existante, jusque là équilibrée telle que le diabète insulino-requérant.

CHAPITRE 4. DISCUSSION 45

Sémiologie

Les principaux signes cliniques de l’infection à Chikungunya retrouvés dans notre étude

correspondent à la sémiologie décrite dans les différentes études descriptives antérieures[47,

23].

Ils comprennent des arthralgies intenses (94%) souvent invalidantes, atteignant plus fré-

quemment les extrémités (66%) que les articulations proximales (17%) mais pouvant également

toucher les articulations axiales (13,8%) avec, dans une minorité de cas dans notre étude, la no-

tion de signes inflammatoires articulaires (8%).

Les myalgies sont également retrouvées pour un quart de la population, diffuses. Leur in-

tensité est souvent décrite équivalente à celle des arthralgies.

Les céphalées rapportées chez 13% de la population, sans être totalement incapacitantes, restent

néanmoins invalidantes.

La fièvre, décrite habituellement d’apparition brutale, est un signe bien retrouvé dans notre

population (75% des sujets), avec cependant une mesure objective de l’hyperthermie moindre

(40%). Cela peut s’expliquer toutefois par différentes raisons, et en particulier le délai entre le

début de la maladie et l’hospitalisation. Une fièvre élevée ne persiste pas durant la totalité de

l’infection mais est maximale à la phase initiale de l’infection[7] puis décroît rapidement en

quelques jours.

Les sujets de notre étude sont hospitalisés en moyenne 5 jours après le début des signes. Ils ont

parfois déjà consulté leur médecin généraliste et ont tous été pris en charge par les médecins du

service d’accueil des urgences, qui, en cas d’hyperthermie avérée, leur ont administré un trai-

tement antipyrétique simple. Néanmoins, l’hyperthermie, dans l’infection à Chikungunya, reste

CHAPITRE 4. DISCUSSION 46

mal contrôlée par les antipyrétiques de première ligne. Ainsi, plus de 33% des sujets fébriles

étudiés le restent malgré l’administration systématique de paracétamol aux doses usuelles (3 à

4g/jour, administration respectivement toutes les 8 et 6 heures).

Des troubles digestifs sont présents, prédominant sur le haut appareil avec nausées et vomis-

sements pour 20% de la population et diarrhées pour 15% des sujets. Les fréquences semblent

légèrement moindres par rapport aux données habituellement décrites[6, 4].

Enfin, des signes cutanéo-muqueux sont retrouvés tels que les éruptions à type de rash cu-

tané temporaire (15%), accompagnées d’un prurit, diffus ou localisé (8%), ou des hémorragies

minimes (épistaxis, gingivorragie) très peu fréquentes (et apparemment dans notre étude liées

à un contexte particulier). En dehors des formes hémorragiques décrites habituellement comme

rares, les fréquences sont, là encore, légèrement inférieures aux données de la littérature[4, 6].

Les anomalies biologiques décrites sont concordantes avec les données de la littérature[42,

7]. On retrouve une anémie peu profonde, une leucopénie modérée (en dehors des cas de surin-

fection), une thrombopénie minime et un syndrome inflammatoire modéré (CRP en moyenne à

60 mg/l). De même, une cytolyse hépatique associée à une cholestase modérées sont présentes

chez 25% des cas[27].

L’ensemble des signes cliniques décrits dans notre population est habituel de l’infection ai-

guë à Chikungunya. Aucun signe inattendu ou inhabituel n’a été retenu. Aucune détresse vitale

n’est notée, les patients les plus graves relevant d’une prise en charge spécialisée en réanima-

tion, étaient d’emblée orientés vers d’autres services.

Nous retenons de cette variété symptomatique l’intérêt d’un examen clinique simple mais

CHAPITRE 4. DISCUSSION 47

complet, facilement réalisable, sans nécessité d’examens complémentaires spécialisés.

Diagnostic biologique

Le diagnostic par RT-PCR est un moyen diagnostique sensible, spécifique et rapide mais

avec un coût financier important et peu utilisable en période d’épidémie massive comme ce fut

le cas à la Réunion. Les laboratoires référents des arboviroses pour ce mode diagnostique ont

été débordés et n’ont pu faire face à la demande des centres hospitaliers. Par ailleurs, la RT-PCR

est indiquée dans les 7 premiers jours de l’infection, période durant laquelle nos sujets n’étaient

pas forcement encore hospitalisés.

La sérologie semble simple d’utilisation avec une positivité des IgM à partir du 5e jour et des

IgG durant pendant plusieurs années. La moyenne de début des signes avant hospitalisation

chez nos sujets étant de 5 jours, il est difficile de retenir le meilleur moyen diagnostique parmi

ces deux. Le choix de l’outil diagnostique le plus approprié pourrait être orienté par la date de

déclaration de la symptomatologie.

En période épidémique et en accord avec les différentes études épidémiologiques menées,

il semble que la déclaration clinique de la maladie puisse être un marqueur fiable et sensible

de l’infection par le Chikungunya[31]. Le diagnostic clinique d’infection à virus Chikungunya

dans ce contexte épidémique recoupe le diagnostic biologique. L’enquête en population géné-

rale rapporte environ 266 000 cas déclarés contre 300 000 cas documentés par sérologie. Le

diagnostic clinique n’est donc pas pris en défaut (pas de faux positif) mais peut manquer de

sensibilité (faux négatifs correspondant aux formes asymptomatiques).

En l’absence de données publiées jusqu’à maintenant, il avait été décidé de prouver cette infec-

tion soit par sérologie, soit par RT-PCR pour tous les patients étudiés.

CHAPITRE 4. DISCUSSION 48

Il apparaît a posteriori que tous les patients pour lesquels le diagnostic clinique d’infection

aiguë par Chikungunya était posé, recevaient une confirmation biologique de diagnostic. En

période épidémique, le diagnostic biologique n’est donc probablement pas un élément détermi-

nant de diagnostic positif ; les éléments cliniques suffisent.

Il existe, en zone tropicale, des infections virales semblables au Chikungunya (dengue), et

bactériennes telle que la leptospirose. À la Réunion, si la dengue est peu présente[16], la lepto-

spirose est endémique. La clinique et la biologie de ces deux maladies ont été comparées[27]. Il

ressort qu’en période épidémique de Chikungunya sur l’île, les données cliniques et biologiques

chez les patients suspectés d’infection par le virus Chikungunya doivent suffire pour porter le

diagnostic présomptif (sans confirmation diagnostique biologique) et pour orienter correctement

les patients vers les services référents compte tenu de l’évolution et du pronostic différent.

Traitements

Les mesures thérapeutiques utilisées sont, en définitive, assez simples et ne demandent que

rarement un recours à une thérapeutique spécialisée. L’infection par Chikungunya ne nécessite,

pour ces formes non graves, qu’un traitement symptomatique à adapter aux sujets, dans la phase

aiguë puis post-immédiate de la contamination, et à centrer sur :

– le syndrome douloureux fébrile (installation du sujet, antalgie et antipyréxie),

– le traitement et la prévention des complications (surinfections, décompensations de pa-

thologies associées, état d’hydratation et nutritionnel des sujets).

Les antalgiques de palier I, type paracétamol, ou AINS, employés à la phase aiguë et à

leur sortie du service, chez près de 75% des sujets, semblent adaptés après étude de la balance

CHAPITRE 4. DISCUSSION 49

bénéfice - risque de ces patients âgés. Ils peuvent cependant paraître insuffisamment efficaces

à distance avec la notion d’arthralgies résiduelles incapacitantes à 12 et 18 mois après conta-

mination décrites dernièrement[46]. Ces arthralgies pourraient nécessiter, après 3 mois, une

évaluation en rhumatologie pour dépistage de formes particulières et éventuel traitement par

corticoïdes, plus efficaces à la phase chronique[21].

L’utilisation d’une thérapeutique intra-veineuse (46,5% des sujets) permet d’obtenir simple-

ment et rapidement une antalgie efficace et d’engager les mesures correctives hydro-électrolytiques

et nutritionnelles chez des sujets dont la mobilisation est limitée voire impossible.

Le virus du Chikungunya n’a pas de tropisme respiratoire connu[25]. Le pourcentage im-

portant de recours à l’oxygénothérapie (11,3% des sujets) tient aux pathologies associées (pré-

existantes décompensées ou surinfections).

Durée d’hospitalisation

La durée d’hospitalisation reste relativement courte avec, pour les trois quarts de la popu-

lation, un séjour hospitalier inférieur à 7 jours et une moyenne d’environ 5 jours. Il existe une

différence significative de durée d’hospitalisation dans notre étude, entre la classe d’âge la plus

jeune (<55 ans) et la plus âgée (>86 ans)avec une durée en moyenne de 3 jours pour la première

et de 7 jours pour la dernière.

D’autres critères, influencent significativement la durée d’hospitalisation et semblent prédictifs

de soins plus intenses.

– Des critères sociaux notamment l’isolement social (7,2 jours vs 5),

– des antécédents de diabète insulino-requérant (6,9 jours vs 5,2 jours),

– l’existence d’une perte d’autonomie (6,7 jours vs 4,2) ,

– l’apparition d’une déshydratation (9,1 jours vs 4,8),

– la découverte d’une surinfection respiratoire (à traduction radiographique) (9 jours vs 5),

CHAPITRE 4. DISCUSSION 50

se révèlent être dans notre étude significativement associés à une durée d’hospitalisation plus

longue et peuvent donc être considérés comme des facteurs de gravité de l’infection.

Devenir

Dans notre étude, 63% des patients ont pu bénéficier d’un séjour en soins de suite à la Cli-

nique des Oliviers. Cette disponibilité a permis sans aucun doute de diminuer la durée d’hospita-

lisation et ainsi d’augmenter la capacité d’accueil du service. Apparaît alors l’utilité d’un centre

d’accueil pour la suite de la prise en charge après traitement de la phase aiguë de l’infection.

4.2 Forces et faiblesses de l’étude

4.2.1 Points forts

L’originalité de cette étude repose sur la population étudiée. Les épidémies de Chikungunya

jusqu’à maintenant survenaient dans des populations plus ou moins immunes, donc avec moins

d’ampleur, et souvent dans des pays économiquement faibles disposant d’un budget de la santé

ne permettant pas d’initier des travaux épidémiologiques ou de recherche clinique. À ce jour,

peu de travaux ont étudié une population de sujets infectés par le virus du Chikungunya et hos-

pitalisés en service de médecine "traditionnelle" (hors d’un service de soins intensifs où ont été

décrites les formes émergentes graves hospitalières[11]). Notre étude n’a donc pas d’équivalent

publié dans la littérature.

Notre population de patients hospitalisés dans un service de médecine pour infection à Chi-

kungunya présente un terrain classique, avec des pathologies communes, sans sur-représentation

CHAPITRE 4. DISCUSSION 51

de pathologie ou facteurs de risque particuliers. Les pathologies décrites sont en général sous

traitement au long cours et sont pour la plupart bien équilibrées. Il ne semble pas que ces patho-

logies aient favorisé l’hospitalisation, soit directement par leur déséquilibre, soit indirectement

par aggravation du Chikungunya. La seule caractéristique majeure de ces sujets est l’âge avancé

(>70 ans).

La forme clinique de l’infection à Chikungunya que nous décrivons est, elle aussi, classique

par rapport aux formes décrites dans les épidémies communes antérieures. Les sujets hospitali-

sés de l’étude n’ont pas développé de formes cliniques particulièrement graves à type de fièvre

intense non contrôlée persistante, de déshydratation majeure ou encore de forme neurologique.

On retrouve, en revanche, dans la grande majorité des cas, des douleurs importantes, arthralgies

ou myalgies, entraînant une perte d’autonomie, très souvent à l’origine de l’hospitalisation.

Il semble par conséquent, que ce soit la conjonction d’une infection aiguë fébrile et doulou-

reuse chez une population âgée qui génère les besoins de santé que nous avons observés lors de

l’épidémie réunionnaise. Les soins requis ne relèvent pas d’une médecine spécialisée mais bien

d’une prise en charge globale en médecine générale avec trois axes forts :

1. Soins antalgiques et antipyrétiques :

Les patients sont fébriles et se plaignent de douleurs. Les antalgiques simples et en par-

ticulier le paracétamol sont les molécules de choix en première ligne avec une diversité

de voies d’administration, et une action combinée antipyrétique et antalgique. Il apparaît

cependant que son action antipyrétique reste incomplète lors des pics fébriles initiaux des

4 à 5 premiers jours, avec une efficacité sur 1 à 2 heures suivie d’une remontée thermique.

Le recours à des moyens physiques de refroidissement (sujets peu couverts, pièces bien

CHAPITRE 4. DISCUSSION 52

ventilées...) est alors utile. Par ailleurs, les anti-inflammatoires non stéroïdiens permettent

de soulager efficacement dans 50% des cas l’intensité des arthralgies mais leur utilisation

peut s’avérer à risque chez des personnes âgées mal hydratées. L’utilisation d’aspirine

est, par contre, déconseillée devant les risques hémorragiques à la phase aiguë et la corti-

cothérapie serait à conseiller dans les formes subaiguës ou récurrentes[21].

En résumé, nos observations, confrontées aux données de la littérature nous conduisent à

proposer les prescriptions antalgiques et antipyrétiques suivantes :

– antalgiques de niveau I notamment paracétamol per os ou IV en première intention

toujours associés aux moyens physiques de refroidissement (pièces aérées, ombragées,

ventilateurs, climatisations, hydratation)

– adjonction prudente et surveillée d’anti-inflammatoires non stéroïdiens en respectant

les contre-indications, en seconde intention, en cas de fièvre persistante ou de douleurs

résiduelles.

2. Prise en charge de la perte d’autonomie :

Les douleurs intenses limitent l’autonomie des sujets et conduisent parfois au confine-

ment au lit. Il convient de soulager et d’aider les patients dans leurs activités quotidiennes

indispensables et indissociables de leur qualité d’être humain. Des soins de propreté, du

nursing, une aide à l’alimentation (à la préparation et au repas), de la kinésithérapie sont

indispensables pour les soutenir durant la période aiguë de l’infection jusqu’à ce que

l’intensité des douleurs s’amoindrisse et leur permette un retour à une autonomie. La par-

ticipation de l’entourage (famille, voisins, amis) peut souvent aider le retour au domicile ;

le recours aux soins infirmiers à domicile étant souvent indisponible en période d’épidé-

mie.

CHAPITRE 4. DISCUSSION 53

3. Orientation vers des structures de soins de suite :

Dans un but de continuité des soins et pour adapter le retour au domicile, une structure de

soins de suite intermédiaire de court ou moyen séjour est souvent nécessaire à la prise en

charge de la pathologie après hospitalisation. Cette structure permet sans aucun doute de

diminuer la durée d’hospitalisation des sujets, permettant ainsi de planifier le suivi et la

surveillance du sujet dans un milieu de niveau médicalisé moindre, diminuant par consé-

quent, l’encombrement des systèmes de soins d’urgences et post-urgences immédiates.

Les formes émergentes graves hospitalières découvertes récemment ne représentent en dé-

finitive qu’une minorité de cas sur les 300 000 personnes infectées par le virus et les 266 000

patients symptomatiques. La création du service Jacaranda au CHMG, pour subvenir aux be-

soins de l’épidémie, dirigé par une équipe soignante composée essentiellement de médecins

généralistes et urgentistes, illustre le rôle central que peuvent tenir les médecins généralistes en

cas d’épidémie massive. Par ailleurs, la forme clinique décrite dans notre étude (qui correspond

à la forme classique de la maladie) et la bénignité de l’évolution soulignent l’intérêt d’une prise

en charge globale ne justifiant pas de recours spécialisé mais une bonne connaissance des ma-

lades, de leur milieu et de leur entourage, nécessaire pour envisager les retours au domicile dès

la phase aiguë passée.

Le Service de Santé des Armées peut contribuer à renforcer le réseau des professionnels

de santé en place par décision du gouvernement. L’épidémie de chikungunya de la Réunion

en est l’illustration. L’aide aux populations en cas de conflit ou catastrophe naturelle fait partie

intégrante des missions des armées. Le Service de Santé des Armées rassemble les compétences

nécessaires pour ces situations, avec des personnels entraînés, disponibles, mobiles, projetables

CHAPITRE 4. DISCUSSION 54

rapidement si nécessaire[1]. Les personnels du Service de Santé ont, par ailleurs, une expérience

de l’exercice en situations ou environnements dégradés et du travail en équipes nouvellement

formées pour la période critique, composées d’éléments projetés venant d’horizons divers.

4.2.2 Points faibles

Le corollaire de l’originalité de notre travail est que peu d’études cliniques existent, à ce

jour, sur des populations atteintes par le virus du Chikungunya. Les résultats obtenus sont, par

conséquent, difficilement comparables aux données de la littérature et ne permettent pas une

interprétation approfondie.

Il convient de préciser que cette étude n’a pas de valeur épidémiologique mais elle est obser-

vationnelle et rétrospective d’un unique service post-urgence, mis en place rapidement et pour

faire face à un besoin de santé. Aucun cadre d’étude n’avait à l’origine été défini a priori.

Les données des observations et courriers n’ont, de même, pas été recueillies dans un but

statistique et sont de ce fait, parfois, incomplètes ou approximatives. Les données quantatives,

n’ayant pas fait l’objet d’un recueil systématisé durant la période de notre étude, ne figurent pas

de manière exhaustive dans les observations étudiées. Beaucoup de variables sont, de même,

décrites suivant un mode qualitatif global sans la description effective et systématisée des dif-

férents signes ou items du syndrome, ne permettant pas une étude toujours exhaustive de la

clinique.

On pourra regretter l’absence d’utilisation d’échelles simples, outils intéressants pour une

standardisation du recueil des données : l’échelle visuelle analogique pour l’intensité des dou-

CHAPITRE 4. DISCUSSION 55

leurs, ou utilisation de grilles spécifiques sur la qualité de vie ou perte d’autonomie telles que la

grille d’autonomie d’après les 14 besoins de V. Henderson, la grille Géronte (22 items avec des

codes de couleurs définis) ou encore la grille AGGIR1. Son utilisation est relativement simple,

avec des items discriminants et illustratifs à coter de 1 à 4.

Les classifications simples comme le Performans Status (OMS) ou l’indice de Karnofsky n’ont,

de même, pas été retrouvés dans les observations médicales.

L’utilisation de ces protocoles de recueil semble aisée a posteriori. Cependant, dans un

contexte de création de service avec des équipes nouvellement formées et pour faire face à

une gestion de crise, la priorité n’était pas à l’établissement de protocoles inexistants ou l’uti-

lisation d’outils chronophages pour des études ultérieures mais au soutien de la population. Il

reste que cette expérience peut maintenant servir à l’élaboration de protocoles de recueil de

données modélisés, à utiliser en cas de contexte épidémique massif impromptus[9].

Par ailleurs, de nombreuses informations et variables n’ont pu être utilisées, étudiées ou dé-

finies dans cette étude du fait d’un manque de puissance des résultats statistiques résultant d’un

effectif réduit de notre population.

Un élargissement de l’étude à tous les sujets atteints de Chikungunya, hospitalisés dans des

services de médecine dans le centre hospitalier Gabriel Martin, ou même dans les 4 principaux

hôpitaux réunionnais permettrait peut-être de déterminer un nombre d’items plus importants

pour définir la population à risque afin d’intensifier la surveillance pré-hospitalière.

Cette étude n’a été menée qu’à partir de sujets à la phase aiguë (ou post immédiate) de

1La grille AGGIR n’a pas été conçue dans un but d’évaluation clinique. Elle est normalement destinée à déter-miner l’allocation personnalisée d’autonomie évaluant les besoins d’une personne pour son maintien au domicile.

CHAPITRE 4. DISCUSSION 56

la contamination par le virus du Chikungunya. Or ce virus présente comme particularité la

persistance d’une symptomatologie douloureuse articulaire pouvant se maintenir environ un

an[7] voire 3 à 5 ans[5]. Il serait intéressant d’évaluer l’état clinique des sujets hospitalisés à

distance de cette contamination, à la recherche d’arthralgies persistantes, leurs localisations,

leurs intensités, leur retentissement sur leurs activités quotidiennes, et l’impact des antalgiques

utilisés après leur sortie du service post-urgence du centre Gabriel Martin.

57

Chapitre 5

Conclusion

L’épidémie de Chikungunya, qui a touché près d’un tiers de la population réunionnaise en

2005 - 2006, est un événement sans précédent dans notre population occidentalisée tant sur le

plan sanitaire qu’au niveau socio-économique (retentissement de la maladie sur la part active

de la population et afflux massif de malades).

A l’occasion de cette épidémie, ont pu être étudiés le virus lui même, son origine, son évolu-

tion génomique durant l’épidémie, ses capacités d’adaptabilité aux vecteurs et le rôle de ceux-ci,

en particulier d’Aedes albopictus présent sur l’île de la Réunion.

De nouvelles modalités de transmission du virus ont été soulevées, non vectorielles, avec

la possibilité d’une transmission materno-foetale et la découverte de tropismes inattendus du

virus Chikungunya. Cela questionne quant à la transmission du virus par le don d’organe (don

de cornée)[14].

Cette pathologie décrite jusqu’à présent comme bénigne, dans des pays où le réseau de

CHAPITRE 5. CONCLUSION 58

soins était moins important, s’est révélée être à l’origine de formes invalidantes et chroniques,

de formes émergentes graves hospitalières jusqu’alors jamais décrites, telles que des expres-

sions néonatales, cutanées sévères en particulier chez le nourrisson, neurologiques graves chez

l’adulte, polyviscérales et des formes compliquées de surinfection. Il reste encore à élucider

la part prise par ces formes dans les 254 certificats de décès portant la mention Chikungunya

déclarés en 2006.

En dehors de ces formes graves, il apparaît que la forme clinique classique est déjà particu-

lièrement invalidante à la phase aiguë de l’infection et nécessite des soins non spécifiques mais

hospitaliers pour une part de la population.

Les objectifs de notre étude étaient de décrire les critères physiques, médicaux ou sociaux

des sujets ayant nécessité une hospitalisation en service de médecine à l’exclusion des services

de réanimation, de déterminer des terrains à risque, qui, repérés en amont, éviteraient une hos-

pitalisation, de déterminer des critères à l’entrée en hospitalisation prédictifs d’une charge de

soins plus importante, et d’établir des recommandations pour la prise en charge des patients en

cas d’épidémie massive.

La population étudiée est âgée (70 ans), avec un sex-ratio de 1,27. Les cas jeunes hospitali-

sés présentent un terrain fragilisé (parfois découvert à l’occasion de l’infection), une pathologie

associée ou une forme typique nécessitant peu de soins.

L’attention sera portée sur les motifs d’hospitalisation qui se limitent, pour notre population, au

syndrome hyperalgique, à la perte d’autonomie et à l’existence d’une pathologie associée.

Les principaux signes cliniques se résument au tableau clinique classique avec arthralgies in-

tenses de fréquence décroissante des extrémités à l’axe, myalgies, fièvre mal contrôlée par un

CHAPITRE 5. CONCLUSION 59

traitement symptomatique simple, troubles digestifs, éruption cutanée et prurit.

Au plan biologique, l’anémie, la leucopénie, la thrombopénie, le syndrome inflammatoire,

la cholestase et la cytolyse hépatique sont classiquement modérés.

Le seul terrain à risque susceptible d’entraîner une hospitalisation longue significativement

retrouvé est l’âge avancé. 82% des sujets présentent au moins une comorbidité. La surveillance

pré-hospitalière sera renforcée chez les patients âgés pour le maintien de leur autonomie.

Les critères initialement découverts lors de l’hospitalisation prédictifs d’un besoin majoré

en soins sont : l’âge et l’isolement social (critères sociaux), le diabète insulino-requérant (anté-

cédents), la perte d’autonomie, l’apparition d’une déshydratation et la découverte d’une surin-

fection respiratoire à traduction radiographique (sémiologie).

Les recommandations, non exhaustives, pour la prise en charge des patients en cas d’épidé-

mie massive se déclinent en :

– un intérêt certain dans la création de services hospitaliers médicaux lors de la phase cri-

tique de l’épidémie, dirigés par des équipes de médecins généralistes ou urgentistes asso-

ciés à des paramédicaux nombreux pour assurer les soins primaires et orienter rapidement

les patients stabilisés dans des structures de suite de soins,

– la poursuite de la recherche de nouvelles connaissances sur la maladie permettant de

repérer les formes préhospitalières et les stabiliser avant une hospitalisation,

– des mesures thérapeutiques simples centrées sur les traitements antalgiques et antipyré-

tiques efficaces,

– la place indispensable d’un système de veille pour dépister les premiers cas, limiter l’éten-

due et déclencher rapidement la demande de soutien.

CHAPITRE 5. CONCLUSION 60

L’épidémie de Chikungunya à la Réunion est un exemple de maladie émergente : un agent

pathogène peu connu envahit une population non immune, avec découverte de formes cliniques

nouvelles. De nombreux travaux sont en cours afin d’élucider la maladie mais aussi le méca-

nisme de l’épidémie. Le risque d’une épidémie européenne est réel compte tenu de la dissémina-

tion du vecteur dans différentes régions d’Europe en particulier méridionale et de la population

vierge qui y réside.

61

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82.

67

Chapitre 6

Annexes

CHAPITRE 6. ANNEXES 68

Annexe 1 : Indices d’autonomie

Indice de Karnofsky

100% Etat général normal, aucune symptomatologie.

90% Symptomatologie minime.

80% Activité normale avec quelque effort.

70% Incapable d’avoir une activité normale mais peut se soigner seul.

60% A besoin d’aide de temps en temps, est capable de subvenir à la plupart de ses besoins,

au lit ou en fauteuil moins de la moitié de la journée.

50% A besoin de beaucoup d’aide, au lit ou en fauteuil plus de la moitié de la journée, fait

sa toilette seul.

40% Ne peut plus se soigner seul, nécessite une aide et des soins spéciaux.

30% Hospitalisation nécessaire, incapable de faire sa toilette, mange seul.

20% Traitement intensif nécessaire, doit être nourri.

10% Moribond.

Performans status (maintenant plus utilisé bien que moins précis)

0 Capable d’une activité identique à celle précédant la maladie sans aucune restrictition.

1 Activité physique diminuée mais malade ambulatoire et capable de mener un travail.

Toute activité physique pénible est exclue.

2 Malade ambulatoire et capable de prendre soin de lui même mais incapable de travailler,

alité ou en chaise moins de 50 % de son temps de veille.

3 Capable seulement de quelques soins, alité ou en chaise pour plus de 50 % de son temps

de veille.

4 Incapable de prendre soin de lui-même, alité ou en chaise en permanence.

CHAPITRE 6. ANNEXES 69

Annexe 2 : Données recueillies pour l’étude à partir des observations.

Types Critères CritèresAdministratives Sexe

Date d’entrée dans le serviceDate de sortie

Antécédents Diabète de type 1Diabète de type 2Diabète insilino-requérantInsuffisance cardiaqueTroubles du rythmeInfarctus du myocardeAVCInsuffisance respiratoireBPCOAsthmeInsuffisace rénaleDémence et déficit mnésiqueCancer et hémopathieAlcoolismeContexte social difficile

Traitement antérieur AnticoagulantsDiurétiquesImmunosuppresseurs

Clinique Date de début des signes cliniques HyperalgiqueFièvre Perte d’autonomieRash cutané Signes de déshydratationConjonctivite Signes d’insuffisance respiratoireMyalgies Signes d’insuffisance cardiaqueNausées-vomissements Signes neurologiqueCéphalées DiarrhéesArthralgies Rachialgies

Epaule - hancheCoude - genouPoignet - chevilleDérouillage matinalSignes inflammatoires locaux

Hémorragies ConjonctivaleEpistaxisGingivorragie

CHAPITRE 6. ANNEXES 70

Types Critères CritèresConstantes PAS - PAD

PoulsTempératureSatO2

Paraclinique Hémoglobine AnémieLeucocytes LeucopénieLymphocytes Polynucléaires neutrophylesPlaquettes ThrombopénieSodium PotassiumGlycémie CRPCréatinine UréeCPK ASAT - ALAT - PAL - GGTGaz du sang pO2ECG Normal

Troubles du rythmeTroubles de conduction

Bandelette urinaire HématiesLeucocytesProtéïnesNitrites

Radio pulmonaire NormaleFoyerSyndrome interstitiel

Diagnostic PCRSérologie

Traitement Pose de VVPAntibiothérapieOxygénothérapieAntalgiques

CommentairesEvolution Favorable

Réhospitalisation - transfertDécès

Devenir DomicileSoins de suiteMaison long séjour

71

Table des figures

1.1 Aedes albopictus : Vecteur à la Réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.2 Géographie et localisation de l’île de la Réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

1.3 Nombre de cas de Chikungunya par semaine à la Réunion en 2005 - 2006 (CIRE

Réunion-Mayotte) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

1.4 Nombre hebdomadaire de passages aux urgences pour une suspiscion de Chi-

kungunya et hospitalisation. La Réunion 2006 (CIRE Réunion) . . . . . . . . . 18

3.1 Répartition des sujets hospitalisés selon l’âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

3.2 Antécédents médicaux des sujets hospitalisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3.3 Traitements au long cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

3.4 Sémiologie à l’examen initial des sujets hospitalisés . . . . . . . . . . . . . . . 29

3.5 Critères influençant significativement la durée d’hospitalisation . . . . . . . . . 39

3.6 Devenir des sujets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

72

Liste des tableaux

3.1 Enzymes hépatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

3.2 Constantes de la fonction cardiaque à l’entrée dans le service . . . . . . . . . . 32

3.3 Hémogramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

3.4 Anomalies de l’hémogramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

3.5 Durée d’hospitalisation en fonction des différents critères . . . . . . . . . . . . 41

Liste des abréviations

– AINS : Anti-inflammatoire non stéroïdien– ALAT : Alanine amino-transférase– ARN : Acide ribo-nucléïque– ASAT : Aspartate amino-transférase– AVC : Accident vasculaire cérébral– BPCO : Broncho-pneumopathie chronique obstructive– BPM : Battements par minute– BU : Bandelette urinaire– C.D.C. Atlanta : Centers for Disease Control of Atlanta– CIRE Réunion - Mayotte : Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion - Mayotte– CHMG : Centre hospitalier Gabriel Martin– CPH : créatine phospho-kinase– CRP : C-reactive protein– Diabète IR : Diabète insulino-requérant– ECG : Electrocardiogramme– GGT : Gamma-glutamyl transferase– HIA BEGIN : Hôpital d’instruction des Armées de Bégin– HTA : Hypertension artérielle– IDM : Infarctus du myocarde– IgG : Immunoglobuline G– IgM : Immunoglobuline M– InVS : Institut de veille sanitaire– IV : Intra-veineux– PAL : Phosphatases alcalines– RT-PCR : Retro transcriptase- polymerase chain reaction– UI/l : Unité internationale par litre– VS : Vitesse de sédimentation

Résumé

L’épidémie de Chikungunya, qui a touché l’île de la Réunion en 2005 - 2006, a atteint

300 000 personnes et provoqué une paralysie socio-professionnelle. Des formes graves hospita-

lières émergentes ont été décrites en réanimation. Des patients nécessitant des soins hospitaliers

dans des services de médecine ont afflué.

Les objectifs de l’étude sont de décrire les caractéristiques des sujets infectés par le Chi-

kungunya ayant nécessité une hospitalisation en service de médecine, de déterminer un terrain

à risque d’hospitalisation et la charge de soins hospitaliers ainsi que d’établir des recommanda-

tions en cas d’épidémie massive.

Un service de médecine post-urgence recevant en priorité les sujets atteints du Chikungunya

a été créé au Centre Hospitalier Gabriel Martin à Saint Paul. La population étudiée est composée

de 159 sujets dont l’infection par le virus du Chikungunya a été prouvée biologiquement entre

le 1er mars et le 25 avril 2006.

La population est âgée (70 ans), à prédominance féminine (56,6%). 82% des patients pré-

sentent au moins une comorbidité. Les principaux signes cliniques retrouvés sont des arthralgies

(94%), une fièvre (75%), des myalgies, des troubles digestifs, une éruption cutanée et prurit. Au

plan biologique, sont retrouvés, modérés, une anémie, une leucopénie, une thrombopénie, un

syndrome inflammatoire, une cholestase et une cytolyse hépatique. Les principaux motifs d’hos-

pitalisation sont le syndrome hyperalgique, la perte d’autonomie ou une pathologie associée. La

durée d’hospitalisation est, pour 75% des sujets, inférieure à 7 jours. Elle est modifiée par l’âge,

l’isolement social, le diabète insulino-requérant, la déshydratation, la perte d’autonomie et une

surinfection respiratoire.

Notre étude permet d’appréhender les caractéristiques d’une population vulnérable parmi

les sujets infectés par le Chikungunya. Les mesures thérapeutiques reposent sur l’adaptation des

moyens antalgiques et la compensation des incapacités apparues à la phase aiguë de la maladie.

Généralement, la prise en charge hospitalière est de courte durée. Les recommandations pour

la prise en charge des patients en cas d’épidémie massive pourraient reposer sur la création de

services hospitaliers médicaux, l’acquisition de nouvelles connaissances sur la maladie pour

améliorer la prise en charge préhospitalière, des mesures thérapeutiques simples et une prise en

charge globale, l’utilité d’un système de veille sanitaire.

Summary

The Chikungunya outbreak that spread over on Reunion Island in 2005-2006 infected 300 000

people and had as a result, the paralysis of the economy. New serious cases requiring hospitali-

zation were noticed in intensive care unit. Numerous infected people requiring care came to the

medicine services.

Objectives : The objectives of the study are to describe and analyse the Chik-infested pa-

tients who required hospitalization, define the types of infected people that could be hospitali-

zed, the medicine cares required, as well as the recommendations in case of severe outbreaks.

Methods : A post-urgency medical service has been organized in Gabriel Martin hospital

center in St Paul, to receive in priority the Chik-infested patients. The population that is studied

includes 159 laboratory-confirmed acute chikungunya patients between March, 1st and April

25th 2006.

Results : This population is old (70 years old), mainly female (56.6%). 82% of these patients

show at least one comorbidity. The main clinical manifestations found are : arthralgia (94%),

fever (75%), myalgia, digestive disorders, cutaneous rash and pruritus. On a biological level

the following are also found anaemia, leukopenia, thrombopenia, inflammatory syndrome, and

hepatic cholestasis and cytolysis. The main causes for hospitalization are the acute severe pain,

the loss of independence or associated diseases. The hospitalization period is less than 7 days

for 75% of the persons. It depends on the age, social isolation, insulin-dependent diabetes,

dehydration, the loss of independence and a respiratory secondary infection.

Conclusion : Our study allows determining the characteristics of a population that is vulne-

rable among the Chik-infected patients. The therapeutic measures are based on the adaptation of

the analgesic treatments and the compensation of the loss of the capacities occurred during the

acute phase of the disease. Normally, the hospitalization period is short. Resulting recommenda-

tions for the management of the patients in case of a severe outbreak are based on the setting up

of hospital medicine services, research on the disease in order to improve the pre-hospitalization

phase, simple therapeutic measures as well as the full coverage and the requirement for a sani-

tary/health monitoring organization.

ANNÉE : 2008

NOM ET PRÉNOM DE L’AUTEUR : COUPPEY Nicolas

DIRECTEUR DE THÈSE : M. le Docteur S. CREMADES

TITRE : ASPECTS CLINIQUES DE L’INFECTION À CHIKUNGUNYA EN PÉRIODE D’ÉPIDÉMIE :EXPÉRIENCE D’UN SERVICE DE MÉDECINE À LA RÉUNION DE MARS À AVRIL 2006

RÉSUMÉ :

Contexte : L’épidémie de Chikungunya, qui a touché l’île de la Réunion en 2005 - 2006, a atteint 300000personnes et provoqué une paralysie socio-professionnelle. Des formes graves hospitalières émergentes ontété décrites en réanimation. Des patients nécessitant des soins hospitaliers dans des services de médecineont afflué.

Objectifs : Les objectifs de l’étude sont de décrire les caractéristiques des sujets infectés par le Chikun-gunya ayant nécessité une hospitalisation en service de médecine, de déterminer un terrain à risque d’hos-pitalisation et la charge de soins hospitaliers ainsi que d’établir des recommandations en cas d’épidémiemassive.

Matériel et méthode : Un service de médecine post-urgence recevant en priorité les sujets atteints du Chi-kungunya a été créé au Centre Hospitalier Gabriel Martin à Saint Paul. La population étudiée est composéede 159 sujets dont l’infection par le virus du Chikungunya a été prouvée biologiquement entre le 1er marset le 25 avril 2006.

Résultats : La population est âgée (70 ans), à prédominance féminine (56,6%). 82% des patients présententau moins une comorbidité. Les principaux signes cliniques retrouvés sont des arthralgies (94%), une fièvre(75%), des myalgies, des troubles digestifs, une éruption cutanée et prurit. Au plan biologique, sont retrou-vés, modérés, une anémie, une leucopénie, une thrombopénie, un syndrome inflammatoire, une cholestaseet une cytolyse hépatique. Les principaux motifs d’hospitalisation sont le syndrome hyperalgique, la perted’autonomie ou une pathologie associée. La durée d’hospitalisation est, pour 75% des sujets, inférieure à7 jours. Elle est modifiée par l’âge, l’isolement social, le diabète insulino-requérant, la déshydratation, laperte d’autonomie et une surinfection respiratoire.

Conclusion : Notre étude permet d’appréhender les caractéristiques d’une population vulnérable parmiles sujets infectés par le Chikungunya. Les mesures thérapeutiques reposent sur l’adaptation des moyensantalgiques et la compensation des incapacités apparues à la phase aiguë de la maladie. Généralement, laprise en charge hospitalière est de courte durée. Les recommandations pour la prise en charge des patientsen cas d’épidémie massive pourraient reposer sur la création de services hospitaliers médicaux, l’acquisitionde nouvelles connaissances sur la maladie pour améliorer la prise en charge préhospitalière, des mesuresthérapeutiques simples et une prise en charge globale, l’utilité d’un système de veille sanitaire.

MOTS-CLÉS :Virus Chikungunya - Île de la Réunion Épidémies - Île de la RéunionIndice de gravité Durée hospitalisation Recommandations

ADRESSE DE L’UFR : 8 rue du Général SARRAIL94010 CRETEIL CEDEX