union syndicale des magistrats

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UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS 33, rue du Four 75006 PARIS – T° : 01 43 54 21 26 – Télécopie : 01 43 29 96 20 E-mail : [email protected] Site: www.union-syndicale-magistrats.org Paris, le 11 février 2009 Comité de réflexion de la Justice pénale POSITION DE l’USM sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale Le 14 octobre 2008, la Garde des Sceaux a installé le comité de réflexion sur la réforme des codes pénal et de procédure pénale. Dans son discours, la Ministre de la Justice a tracé les quatre axes autour desquels le comité doit articuler ses travaux : - rendre le droit pénal plus cohérent et plus lisible - améliorer les outils de lutte contre la récidive et la délinquance - accroître les droits de la défense - renforcer les droits des victimes Observations liminaires : Il s’agit d’un énième groupe qui reprend des sujets déjà étudiés notamment par : - la commission GUINCHARD sur la répartition des contentieux - la commission COULON sur la dépénalisation du droit des affaires - la commission VARINARD sur l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs. délinquants. - la mission confiée à M. le Premier Président LAMANDA sur la récidive. - la commission LINDEN sur l’enregistrement et la diffusion des débats judiciaires L’USM s’interroge sur l’opportunité de mettre en place une nouvelle commission destinée à synthétiser les travaux déjà effectués et sur le sérieux d’une réflexion en 6 mois sur des sujets aussi vastes que la réforme du Code pénal et de la procédure pénale. 1

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UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS33, rue du Four 75006 PARIS – T° : 01 43 54 21 26 – Télécopie : 01 43 29 96 20

E-mail : [email protected]: www.union-syndicale-magistrats.org

Paris, le 11 février 2009

Comité de réflexion de la Justice pénale

POSITION DE l’USM

sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale

Le 14 octobre 2008, la Garde des Sceaux a installé le comité de réflexion sur la réforme des codes pénal et de procédure pénale.

Dans son discours, la Ministre de la Justice a tracé les quatre axes autour desquels le comité doit articuler ses travaux :

- rendre le droit pénal plus cohérent et plus lisible- améliorer les outils de lutte contre la récidive et la délinquance- accroître les droits de la défense- renforcer les droits des victimes

Observations liminaires :

Il s’agit d’un énième groupe qui reprend des sujets déjà étudiés notamment par :

- la commission GUINCHARD sur la répartition des contentieux- la commission COULON sur la dépénalisation du droit des affaires- la commission VARINARD sur l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs.

délinquants.- la mission confiée à M. le Premier Président LAMANDA sur la récidive.- la commission LINDEN sur l’enregistrement et la diffusion des débats judiciaires

L’USM s’interroge sur l’opportunité de mettre en place une nouvelle commission destinée à synthétiser les travaux déjà effectués et sur le sérieux d’une réflexion en 6 mois sur des sujets aussi vastes que la réforme du Code pénal et de la procédure pénale.

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L’USM ne peut que critiquer la méthode employée puisque, parallèlement aux travaux du comité, le Parlement continue à être saisi de multiples textes inspirés des travaux des dites commissions, au détriment d’une vision globale de la réforme de la procédure pénale

Enfin, l’USM constate avec regret qu’alors même que la lettre de mission était déjà particulièrement claire sur les objectifs recherchés, le Président de la République ait cru bon dans son allocution du 7 janvier à la Cour de Cassation d’écrire les conclusions de vos travaux, en annonçant la suppression du juge d’instruction.

Le plan de la présente note suit celui du questionnaire transmis par le comité de réflexion sur la justice pénale.

I – la procédure pénaleLe comité veut essayer de cerner les phases de la procédure pénale qui posent problème et souhaite proposer des modifications.

Toute réforme de la procédure pénale repose sur un arbitrage entre l’efficacité des enquêtes et le respect des droits et libertés de nos concitoyens.

1-1 : la compétence juridictionnelle : création de nouveaux pôles

Création d’un pole pénal au sein de chaque TGI et extension des compétences de l’OMP aux contraventions de 5eme classe

Le rapport Guinchard propose la création d’un pole pénal dans chaque TGI avec création d’une chambre du TGI compétente en matière contraventionnelle et disparition des tribunaux de police.

Une telle proposition ne peut être analysée que par rapport aux propositions globales de refonte des compétences juridictionnelles.

L’USM n’est pas opposée à une spécialisation pénale mais souhaite que le contentieux des contraventions de cinquième classe reste de la compétence du Procureur et non de l’OMP pour deux raisons :

- la lisibilité de l’organisation judiciaire en jumelant la compétence de l’OMP avec le juge de proximité et celle du Procureur avec celle du juge pénal

- la technicité du contentieux ; en effet, les peines complémentaires encourues pour les contraventions de 5ème classe supposent une connaissance précise des peines, des mécanismes d’exécution et de l’articulation avec la politique pénale de Procureur pour les délits

Création d’un pôle unique « crimes contre l’humanité, génocide »

L’USM n’est pas opposée à cette proposition de la commission GUINCHARD.

Création pour chaque cour d’appel d’un pôle « grandes catastrophes en matière de transport ou grandes catastrophes liées à un risque technologique » avec une

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compétence concurrente entre le pôle et la juridiction compétente en application des règles de droit commun

L’USM est plutôt favorable à une telle spécialisation mais il convient de définir précisément les critères de compétence d’un tel pôle (nombre de victimes, nature du risque,..) et éviter la création de compétences concurrentes entre pôles et TGI non spécialisés.

Des compétences concurrentes ne peuvent avoir que des incidences néfastes pour l’efficacité de l’enquête, dont les premières heures sont décisives. Il convient d’éviter au maximum les règlements de juges. Si les règles de compétence sont claires, des magistrats spécialisés interviendront très rapidement pour donner les instructions les plus adaptées à la situation.

La commission Guinchard suggère en outre que ces juridictions soient pourvues de manière pérenne d’une salle d’audience de taille importante dans laquelle se dérouleraient les procès liés à ces catastrophes. Il est dommage qu’au lieu d’envisager dans un premier temps une réflexion sur la répartition des contentieux dont aurait pu découler une réforme cohérente de la carte judiciaire, il ait été fait un choix inverse. Pour accueillir les juridictions absorbées, les TGI absorbants ont déjà du envisager des travaux adaptés, qui ne permettront pas, sauf rares exceptions et construction de nouvelles juridictions, d’envisager une telle mesure.

Création de 5 pôles « droit de la mer » traitant l’ensemble des délits maritimes (infractions au code disciplinaire et pénal de la marine marchande)

L’USM est favorable à un tel regroupement du contentieux au siège des préfectures maritimes.

1-2: l’enquête

a - sur la compétence nationale des OPJ

La compétence territoriale des OPJ ne pose pas de problèmes concrets et les autorisations d’extension de compétence de l’article 18 du CPP sont accordées facilement et rapidement par les magistrats du parquet ou de l’instruction.

Donner aux OPJ une zone de compétence trop large reviendrait à déposséder la Justice du contrôle effectif de l’activité des OPJ. Quelle sera la pertinence de la notation des OPJ par le Procureur si tous les OPJ peuvent exercer sur de multiples ressorts ?

En ce domaine où ne se posent pas de difficultés pratiques, conférer une compétence nationale aux OPJ serait à l’évidence un pas important vers l’abandon du contrôle de la police judiciaire par la Justice et en tant que tel inacceptable pour l’USM.

b – sur l’existence de plusieurs cadres procéduraux d’enquête

L’USM ne peut que souhaiter qu’il soit mis fin à la trop grande diversité des régimes procéduraux des enquêtes (flagrant délit, préliminaire, recherche des causes de la mort, de disparition inquiétante). D’ailleurs, ces cadres procéduraux se rapprochent réforme après réforme.

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Néanmoins, les prérogatives des OPJ ont pu augmenter en préliminaire parce qu’elles s’effectuent sous le contrôle ou sur l’autorisation d’un magistrat (interpellation sous contrainte, écoute téléphonique, perquisition sans assentiment…).

Le développement de ces compétences des enquêteurs nécessitent un renforcement significatif des moyens de la Justice pour effectuer ce suivi effectif des enquêtes.

c – sur le renforcement du contradictoire au cours de l’enquête

L’USM constate le paradoxe actuel ! On veut introduire du contradictoire dans les enquêtes de police et on veut le supprimer là où il existe, dans la procédure de l’instruction !

L’instruction est devenue une procédure de plus en plus contradictoire notamment depuis la loi du 5 mars 2007.

Concernant les enquêtes diligentées sous le contrôle du parquet, la Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) sur l’affaire d’Outreau proposait la transmission par notification d’une copie du dossier à l’avocat lorsque le parquet envisageait de déférer le dossier devant le Tribunal, hors les cas des comparutions immédiates et des CRPC, et la possibilité pour l’avocat de présenter des « demandes d’actes » auxquelles le parquet serait tenu de répondre par décision motivée en cas de rejet.

Le formalisme apparaît trop lourd eu égard au volume des dossiers traités, les effectifs et les moyens ne permettant pas, même avec la dématérialisation des procédures, d’assurer la délivrance automatique au conseil d’une copie du dossier, d’autant que le nom du conseil est souvent tardivement connu.

Ce formalisme apparaît de surcroît inadapté à la réalité des parquets dont l’essentiel des poursuites est effectué dans le cadre du TTR, avec la délivrance de COPJ. Dès lors, la demande d’actes par l’avocat ne peut être que tardive puisque réalisée une fois la décision de poursuite effectuée.

L’USM n’est donc pas opposée au développement du contradictoire si et seulement si :- des filtres aux demandes d’actes sont posés pour éviter les demandes dilatoires- les moyens de la Police, de la Justice, et notamment des parquets, sont renforcés pour pouvoir répondre aux demandes légitimes de la défense.

d – le régime des perquisitions

Après avoir rappelé qu’avaient été promulguées la loi du 10 août 2007 ( récidive ) et celle du 25 février 2008 ( rétention de sûreté) et qu’une remise à plat du droit des mineurs est en cours (commission VARINARD), la Garde des Sceaux a demandé au comité LEGER de réfléchir notamment aux règles de perquisition dans les affaires d’envergure.

La notion d’affaires d’envergure est pour le moins floue !

De surcroît, l’inviolabilité du domicile est une règle de valeur constitutionnelle et l’intrusion des forces de l’ordre ne peut être envisagée qu’à titre dérogatoire, sous certaines conditions et notamment sous le contrôle du juge pour les cas les plus graves.

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Actuellement, les perquisitions sont soumises :- à l’accord de l’intéressé (enquête préliminaire) - à l’autorisation du juge d’instruction ou du JLD, l’autorisation pouvant parfois porter

sur les heures de la visite domiciliaire- à la permission de la loi pour les infractions flagrantes

Il n’est pas concevable, sous peine d’inconstitutionnalité, de renforcer les pouvoirs de la police judiciaire en dispensant les enquêteurs de l’autorisation du juge pour pénétrer à l‘intérieur des domiciles.

Le dispositif actuel doit donc être validé et semble peu susceptible d’évoluer sous réserve de se heurter à un problème de constitutionnalité.

e – le régime de la garde à vue, la place de l’avocat durant cette phase et l’enregistrement des auditions:

- la diversité des régimes de retenue :

La Garde des Sceaux, dans son discours de mise en place de la commission Léger, déplorait la multiplicité des régimes de garde à vue.

Or, il n’en existe que deux grands régimes:

- cas général des enquêtes préliminaires et de flagrance : si les règles applicables pour l’enquête diffèrent suivant qu’il s’agit d’une enquête préliminaire ou de flagrance, les règles applicables pour la garde à vue sont sensiblement les mêmes à l’exception de celles relatives à la prolongation. En tous cas, les droits de la personne (avocat, avis à famille, médecin….) sont identiques.

- cas particuliers :o des infractions les plus graves : bande organisée, terrorisme, stupéfiants

pour lesquels les gardes à vue répondent au même régimeo des mineurs.

L’USM est favorable :

- à l’unification des régimes de GAV

- à la clarification de l’articulation des régimes de GAV et de dégrisement dans le cadre de la procédure d’ivresse publique et manifeste (IPM). Cette procédure d’IPM est souvent utilisée et permet de retenir, dans des locaux de police, des personnes, interpellées ivres hors de leur domicile, alors qu’elles ont été arrêtées pour des affaires d’essence judiciaire, pour des faits constitutifs d’un délit. En dégrisement, ces personnes ne disposent pas des droits reconnus aux personnes gardées à vue.

- à l’alignement du régime de retenue douanière (article 323 du code des douanes) sur celui de la garde à vue

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- les locaux de garde à vue

La commission d’enquête parlementaire (recommandation n°6) proposait de «poursuivre l’amélioration de l’état des locaux de garde à vue et, en raison de leur nombre, planifier cet effort sur les prochaines années», conformément aux recommandations 79 et 80 visant à doter la justice des moyens dignes de sa mission

- le placement en garde à vue

La commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’OUTREAU a proposé :- de notifier à la personne placée en GAV les « faits » qui lui sont reprochés- d’obliger l’OPJ à motiver la décision de placement à la personne gardée à vue

Les différentes réformes de la GAV n’ont cessé d’osciller entre l’efficacité et l’octroi de garanties aux personnes retenues. En effet, la loi du 15 juin 2000 prévoyait que la GAV ne pouvait être prononcée qu’en cas d’indices graves et concordants et la loi du 4 mars 2002 est revenue en arrière en déclarant suffisantes «les raisons plausibles» d’avoir commis une infraction ; il serait temps que le choix soit clairement effectué entre ces deux impératifs (efficacité / garanties ).

L’USM n’est pas opposée à une modification de l’article 78 du CPP afin de permettre de retenir le temps strictement nécessaire à leur audition, les personnes interpellées d’une manière coercitive.

- l’enregistrement des auditions en garde à vue

La CEP préconisait l’enregistrement de tous les interrogatoires en garde à vue. La loi du 5 mars 2007 ne l’a prévue que pour des faits de nature criminelle, avec plusieurs exceptions (criminalité organisée, dérogations par le procureur, …):

L’enregistrement de toutes les auditions en GAV n’a pas été étendu par la loi du 5 mars 2007 pour ne pas alourdir les charges des services enquêteurs. Ce dispositif est peu cohérent et rigidifie les règles de la GAV en créant, de jure, un nouveau régime de GAV.

Par souci de cohérence et si le gouvernement veut bien prendre en compte le coût de cette réforme, il conviendrait que les régimes de GAV soient unifiés.

En ce sens, l’USM, rappelant que la GAV confère un statut protecteur au suspect en contrepartie de sa privation de liberté nécessaire au bon déroulement de l’enquête, est favorable à la généralisation de l’enregistrement des interrogatoires des personnes placées en GAV (ce qui est déjà le cas pour les mineurs et les affaires criminelles )

- le rôle de l’avocat durant la garde à vue

La commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’OUTREAU, dans sa recommandation n°4, proposait que l’avocat de l’intéressé ait accès au dossier au-delà des premières 24 heures et puisse assister aux interrogatoires de son client, sauf crimes et délits relevant de la criminalité organisée.

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Il ne faut néanmoins pas ignorer les difficultés pratiques de l’accès au dossier pour les avocats.

Certains PV ne sont en effet pas formalisés immédiatement et existera inévitablement le risque qu’un conseil prétende ne pas avoir bénéficié d’un accès à l’intégralité du dossier. Il parait par ailleurs difficilement admissible que l’avocat ait accès au dossier avant que le Procureur, qui dirige l’activité des officiers de police judiciaire, n’ait eu lui même connaissance des PV.

L’USM estime néanmoins que les réformes à venir ne peuvent être en retrait par rapport aux propositions de la CEP.

Elle préconise, sans manifester d’opposition à un système encore plus favorable aux droits de la défense, qu’à tout le moins les avocats puissent assister aux auditions de leur client en GAV après la prolongation de celle ci. Des dérogations à la marge peuvent être envisagées pour le régime de la grande criminalité (le système espagnol utilisé en matière de terrorisme pouvant servir utilement de modèle). L’assistance aux interrogatoires suppose inévitablement l’accès au dossier.

La présence de l’avocat doit aussi être prévue en cas de reprise de GAV au delà de 24 heures .

Il convient enfin de renforcer les prérogatives du parquet sur cette mesure :• avis effectif au magistrat lors du prononcé par l’OPJ : l’article préliminaire du CPP

prévoit en effet que les mesures de contraintes sont prises sur décision et sous le contrôle EFFECTIF de l’autorité judiciaire

• prolongation des mesures de GAV avec présentation obligatoire devant le magistrat• suivi en temps réel des auditions faites par les OPJ et transmission des procès verbaux

Une réforme de la GAV, qui préserverait l’efficacité de la procédure et améliorerait les garanties des justiciables, suppose inévitablement des moyens accrus pour les services enquêteurs et pour la justice.

1–3: la poursuite et l’action publique

a – sur les règles de prescription:

La commission COULON a proposé que:- les crimes se prescrivent par 15 ans - les délits punis d’une peine supérieure à 3 ans se prescrivent par 7 ans - les délits punis d’une peine inférieure à 3 ans se prescrivent par 5 ans - les contraventions se prescrivent par 1 an- le délai de prescription court à compter de jour de la commission des faits quelle que

soit la date à laquelle elle a été constatée ; cette proposition ; selon la commission, vise à mettre fin à l’insécurité juridique née de la jurisprudence sur les délits occultes .

- le tout sous réserve des cas où la loi en dispose autrement.

L’USM fait valoir que les cas dérogatoires prévus par la loi sont nombreux (infractions contre les mineurs, diffamation, infractions fiscales, …). La commission COULON avait effectué ses propositions qui réduisaient à néant la jurisprudence sur la prescription des infractions

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occultes qui fait partir le délai de la prescription à compter du jour où les faits sont révélés. Cette jurisprudence a permis de lutter contre l’impunité de certains agissements de délinquance économique et financière.

Retenir la proposition de la commission COULON ne simplifierait pas le dispositif législatif dans la mesure où des dérogations subsisteraient. Si le souci d’une réforme de la procédure pénale est la lisibilité, la simplification, il n’est pas utile de modifier le régime juridique actuel.Ainsi, entre la proposition COULON et le système anglais où la prescription n’existe pas, l’USM est favorable au maintien du droit actuel bien inscrit dans le droit français et qui offre toutes les garanties de stabilité et de lisibilité.

b – sur l’harmonisation des règles sur l’action civile des associations

En l’état, les articles 2-1 à 2-21 du code de procédure pénale énumèrent un catalogue détaillé des associations recevables dans leur action civile en fonction de leur objet, des infractions visées par la poursuite, de l’étendue de leur action, et des conditions éventuelles de celle-ci.

Ces textes sont issus de dispositions spéciales, introduites par le législateur au cours des 20 dernières années et codifiées à la suite ; cet inventaire à la Prévert apparaît sans cohérence et sans mise à jour (A titre d’exemple, on trouve à l’article 2-3, dans sa rédaction issue de la loi du 2 janvier 2004 toujours en vigueur, un renvoi à l’alinéa 2 de l’article 222-22, qui est devenu l’alinéa 3 par la loi du 4 avril 2006 sans que la rédaction de l’article 2-3 soit modifiée par cette loi de 2006). Ces textes sont illisibles, chacun de ces 21 articles faisant référence à des conditions de recevabilité différentes, et surtout consistant en un renvoi à une liste de textes d’incriminations pour lesquelles la constitution de partie civile est recevable.

Il semblerait donc plus cohérent de prévoir :- d’une part, les cas où l’association est recevable à se constituer partie civile lorsque

l’action publique a été préalablement mise en mouvement par le ministère public ou la victime,

- d’autre part, les cas où elle peut mettre en mouvement l’action publique.

Les règles pourraient être relativement souples pour ce qui est de la constitution de partie civile d’une association alors que l’action publique est déjà mise en mouvement par la victime ou le ministère public.

L’absence de filtre légal n’entraînerait en effet pas de mise en mouvement abusive ou excessive de l’action publique.

Toute association déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits (condition reprise par les articles actuels, à l’exception de l’article 2-21 « toute association agréée, déclarée depuis au moins trois ans » sans qu’il soit précisé s’il s’agit de trois ans à la date des faits => nécessité d’harmoniser les conditions) pourrait ainsi se constituer partie civile lors de la poursuite de crimes ou délits portant atteinte aux intérêts qu’elle protège selon ses statuts, dans les cas où l’action publique a préalablement été mise en mouvement.

Il appartiendrait alors au juge de vérifier qu’il existe bien un préjudice direct, personnel et distinct du trouble social, dans les conditions posées par l’article 2.

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Lorsque la victime est une personne physique (donc pas en matière d’environnement, urbanisme, chasse, pêche….) soit pour ce qui concerne principalement les infractions contre les personnes, les diffamations –sauf dépénalisation-, les discriminations,… leur action serait néanmoins soumise à l’accord de la victime ou de son représentant légal (pour les mineurs ou les personnes sous protection)

Il convient par contre de maintenir en l’état les possibilités pour les associations de mettre en mouvement l’action publique et de la réserver aux infractions les plus graves –énumérées par le futur texte) et/ou à des associations réellement représentatives (inscrites au ministère de la justice, dans des conditions fixées par décret en conseil d’état). La nouvelle rédaction du texte pourrait ainsi fixer les conditions générales et prévoir pour chaque type d’association concernée les incriminations pour lesquelles elle peut mettre en mouvement l’action publique.

c - sur les garanties offertes dans le cadre des procédures simplifiées

Les mesures de CRPC, d’OP et de compositions pénales se sont accumulées pour revêti,r en définitive, des domaines très proches. Ceci rend le dispositif peu clair et peut générer des pratiques très différentes en fonction des ressorts.

Le premier trait commun entre ces diverses procédures simplifiées est qu’elles ne peuvent concerner que des faits reconnus, des affaires où la culpabilité n’est pas contestée. Le débat sur la culpabilité, lorsque les faits sont contestés, doit être contradictoire, public et de la compétence du juge.

L’USM rappelle que la procédure de comparution à l’audience doit rester la procédure de droit commun puisqu’elle offre le plus de garanties aux prévenus et aux victimes. Les dérogations ne peuvent être donc que limitées et l’USM ne peut pas admettre que pour des raisons financières, on augmente le domaine des procédures simplifiées.

Si malgré tout, ces procédures simplifiées devaient se développer à tous les délits, l’USM souligne que :

- le droit au juge doit rester intangible et ne pas être limité par une quelconque condition de recevabilité (ex : consignation, …) comme cela est le cas pour les amendes forfaitaires. Cette restriction ne saurait être tolérée pour les OP.

- la décision définitive (validation ou homologation) doit rester même en dehors d’une audience de la compétence du juge

- chaque prévenu doit, dans le cadre de ces procédures simplifiées, disposer du droit d’être assisté d’un avocat ; l’avocat doit être obligatoire pour les procédures les plus lourdes (CRPC) ou si des peines d’emprisonnement sont envisagées.

Afin de simplifier la loi et d’unifier son application, il convient de rappeler que le choix d’une procédure dépend, en vertu du principe de proportionnalité, surtout des enjeux, des peines envisagées. Plus les sanctions peuvent être lourdes, plus les garanties (assistance d’un avocat, publicité,...) doivent être importantes.

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1–4: la place de la victime dans le procès pénal

La victime a en droit français un statut déjà très avancé par rapport à d’autres systèmes de droit. Elle est entendue lors de l’enquête initiale, peut avoir accès au dossier lors de l’instruction ou en demandant copie de celle ci en dehors de ce cadre procédural. Elle peut assister à l’audience et demander sous des formes les plus diverses, la réparation de son préjudice.

L’USM estime que la procédure pénale ne peut aller jusqu’à donner un droit de regard de la victime sur la peine dont le prononcé est du ressort exclusif de l’Etat. Il conviendrait, plus que de modifier une fois de plus le dispositif juridique existant, de mettre en œuvre celui-ci en développant le réseau d’aide aux victimes, les modalités de prise en charge de son préjudice, de sa souffrance (dispositif d’accueil, unité médico-légale, unité médico-judiciaire, …). Certains dispositifs, comme la possibilité de se constituer partie civile par déclaration sur PV (article 420-1 CPP) sont peu mis en œuvre car malaisés à appliquer.

1-5 : l’instruction

A : le déroulement de l’instruction

1 – le principe du juge d’instruction

La suppression du juge d’instruction au profit d’un accroissement des pouvoirs du parquet et de la création d’un juge de l’enquête, pour séparer les fonctions juridictionnelles et d’investigations est une idée récurrente depuis la Libération. On peut citer à titre d’exemples :

- la mission de réforme de l’instruction préparatoire conduite par Henri Donnedieu de Vabres ;

- la commission « justice pénale et droits de l’homme » présidée en 1990 par Mireille Delmas-Marty ;

- la proposition de loi n°2659 présentée par le Député Fenech, portant suppression du juge d’instruction et instituant le juge de l’enquête du 9 novembre 2005.

Les tenants d’une telle réforme font essentiellement reproche au juge d’instruction :- que ces fonctions seraient contraires au principe d’impartialité du juge (la fameuse

schizophrénie !)- que le juge d’instruction ne traite que peu d’affaires et dans des délais trop longs

Le Président de la République dans son discours devant la cour de cassation, reprenant ces arguments, a annoncé : « il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes, mais ne les dirigera plus ».

L’USM contexte fortement les reproches qui sont faits au juge d’instruction et rappelle son attachement au maintien de la fonction, celle-ci devant au demeurant à court terme et conformément aux souhaits de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau évoluer vers la collégialité.

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Le faux constat de base : le juge d’instruction ne serait pas « rentable »

Les détracteurs de la procédure actuelle se fondent parfois sur cet argument:- le juge d’instruction ne traite que peu de dossiers (7% des affaires poursuivies en

2003, 5% actuellement)- les instructions sont longues- en corollaire, les délais de détention provisoire sont allongés.

L’USM, depuis de nombreuses années, dénonce le fait qu’un seul juge ne peut remplir sa mission en ayant en charge un stock de 100 à 160 dossiers, et déplore qu’un juge, se voyant attribuer un dossier d’une particulièrement complexité, ne soit nullement déchargé de tout ou partie des autres dossiers.

S’il est vrai que les juges d’instruction traitent de moins en moins d’affaires notamment en raison du développement de la procédure de comparution immédiate et de la possibilité pour le parquet d’être autorisé par le JLD à certains actes attentatoires aux libertés qui supposaient auparavant la saisine du juge d’instruction (écoutes téléphoniques, perquisitions dans des conditions dérogatoires au droit commun), il n’en reste pas moins aussi vrai qu’ils sont saisis des affaires les plus complexes (procédures criminelles, délinquance organisée, entraide pénale internationale…..).

Malgré ce recentrage sur les procédures les plus lourdes et les plus complexes, les moyens mis à sa disposition sont insuffisants :

- services spécialisés en matière économiques et financiers en nombre très limité- experts compétents trop rares, surchargés, qui ne peuvent effectuer leur mission dans

des délais raisonnables, - tarifs des expertises insuffisants pour tenir compte de la complexité de certaines

d’entre elles- instructions données aux services enquêteurs de privilégier les enquêtes préliminaires

et de flagrance sur le traitement des commissions rogatoires, moins visibles en termes statistiques.

Enfin, les délais lui sont en grande partie imposés :- par le nombre et la nature des investigations incontournables privilégiant à l’aveu la

recherche de preuves scientifiques, la réalisation de surveillances, d’écoutes téléphoniques, d’investigations longues et coûteuses…

- par les textes qui prévoient dans certains cas des investigations obligatoires (ex : expertises psychiatriques dans les affaires de mœurs ou pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection judiciaire)

- par le renforcement du contradictoire dans le cadre notamment des lois du 15 juin 2000 ou du 5 mars 2007 faisant suite aux travaux de la commission d’enquête parlementaire d’Outreau.

Dès lors, indépendamment des problèmes de fond, tout système d’investigation suppose pour être efficace et « rentable » une augmentation des moyens (sauf à faire de l’autorité judiciaire chargée de la procédure l’otage des moyens mis à sa disposition)

La CEP d’Outreau a préconisé notamment de « doter la justice de moyens dignes de sa mission » notamment en engageant les moyens nécessaires pour l’accompagnement de la réforme proposée, tant en équipement qu’en personnel (préconisation 79) et en mettant en

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œuvre une loi de programme visant à hisser la part du budget de la justice à 3% du budget de l’état et à faire passer le budget de la justice par habitant de 28,35 euros à 40 euros (préconisation 80).

La question des moyens de la justice n’est donc pas un réflexe corporatiste d’organisations professionnelles, mais bien un problème de fond, qui s’est avéré central dans le traitement judiciaire de l’affaire d’Outreau. Sans moyens supplémentaires, le parquet, avec des pouvoirs théoriques renforcés, et le juge de l’enquête, pas plus que le juge d’instruction ne pourront être rapides et efficaces dans le traitement d’affaires complexes. On pourrait même craindre, au contraire, une importante augmentation de leur nombre, le parquet pouvant en effet faire choix de demander un placement en détention provisoire le temps d’achever les vérifications dans des procédures où il aurait autrefois fait choix d’une comparution immédiate à l’issue de la garde à vue pour échapper au formalisme de l’instruction.

Avec les moyens suffisants et un allégement mesuré du formalisme, les délais d’instruction et de détention provisoire seraient raccourcis, la durée de la détention étant effectivement pour partie tributaire de la durée des investigations.

La supposée partialité du juge d’instruction

Transférer les pouvoirs d’enquête au parquet pose non seulement la question de l’efficacité du système mais également celui du respect de l’équilibre de la procédure et celle, plus vaste, de la politique de poursuite de certaines infractions.

La commission Delmas-Marty relevait en effet que les fonctions d’investigations et les fonctions juridictionnelles étaient incompatibles et que les réunir entre les mains d’un seul homme était contraire au principe d’impartialité du juge rappelé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme : « le juge, dans ses fonctions juridictionnelles doit jouer le rôle d’arbitre neutre et paraître tel aux yeux de tous ».

La logique de la procédure imposant au juge de bâtir des hypothèses sur la culpabilité des uns et des autres serait donc contraire à cette nécessaire impartialité. C’est pourtant oublier que bâtir des hypothèses suppose de n’en exclure aucune, d’instruire à charge et à décharge. On évoque à ce sujet la schizophrénie du juge d’instruction ; pourtant le code ne lui fait pas interdiction d’avoir une opinion, mais simplement de vérifier l’ensemble des éléments aux fins d’apporter à la juridiction de jugement éventuellement saisie l’ensemble des éléments nécessaires à rendre sa décision.

Se pose t-on la même question pour les présidents des tribunaux correctionnels ou de cours d’assises qui en menant à l’audience les interrogatoires instruisent eux aussi sur les faits pour rechercher la vérité, avant de prononcer al décision de condamnation, de relaxe ou d’acquittement ?

Les détracteurs du juge d’instruction évoquent en outre une troisième fonction, la fonction d’accusation, au moment de la mise en examen non motivée, puis du renvoi devant la juridiction de jugement, qui peuvent être envisagés alors même que le parquet, pourtant en charge des poursuites, aurait eu une position contraire.

C’est oublier d’une part que le juge d’instruction ne peut instruire que s’il est saisi et notamment par le parquet dans l’exercice de son opportunité des poursuites, et que le parquet,

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comme les autres parties, dispose de voies de recours, et requiert, le cas échéant, devant la juridiction de jugement, pouvant dès lors faire valoir son point de vue. Le juge serait partial s’il disposait d’une voie de recours lorsque par exemple le JLD ne suit pas les termes d’une ordonnance de saisine ; or, le juge fait valoir l’intérêt pour l’enquête et non un intérêt personnel, contrairement aux parties.

C’est oublier ensuite que ces mesures, que ce soit au stade de la décision de mise en examen ou de clôture de l’instruction, ne lient aucunement la juridiction de jugement, ne sont que provisoires, ont vocation à assurer le respect des droits de la personne mise en cause et peuvent être réformées en cours d’instruction.

Evoquer le manque d’impartialité du juge d’instruction, pour proposer de le remplacer par un système qui renforcerait les pouvoirs du parquet et créerait un juge de l’enquête, c’est déplacer le problème sans le résoudre.

Le ministère public n’est pas impartial puisqu’il est soumis à l’autorité hiérarchique du garde des sceaux. Bien qu’autorité judiciaire, il n’est pas pour autant indépendant. Dans les affaires « courantes » l’incidence d’un tel lien hiérarchique n’est que minime. En revanche, confier tous les pouvoirs d’enquête au parquet, qui de fait les déléguerait quasi intégralement à la diligence des services enquêteurs, eux-mêmes sous la double tutelle des autorités judiciaire et préfectorale, revient à afficher sans conteste une volonté d’étouffer de possibles scandales en matière d’infractions économiques et financières ou de santé publique.

L’USM ne peut que dénoncer avec virulence ce choix purement politique et demande avec force le maintien du juge d’instrution

L’USM depuis des mois déplore la « caporalisation » des parquets. Elle a en outre dénoncé dans la réforme du CSM le risque de politisation des nominations.

La réforme proposée n’est donc que l’aboutissement d’une politique menée par les derniers gouvernements : un parquet aux ordres, maître de l’intégralité de l’enquête, ayant recours au juge du siège lorsque cela lui sied et sans que celui-ci dispose réellement de pouvoirs d’appréciation.

En effet, quelle est l’impartialité du juge de l’instruction qui statuerait sur toutes atteintes aux libertés et notamment sur la détention provisoire, sur la régularité de la procédure, mais aurait également compétence au fond sur certains actes d’enquête –sans voie de recours possible-, et surtout sur la clôture du dossier. Les normes européennes interdisent de confier au même juge le contentieux de la détention et le jugement du fond d’une affaire, et ont conduit à la création du juge des libertés et de la détention en 2001, suivant en cela les précédentes réformes créant le juge délégué.

Il est donc particulièrement paradoxal de proposer, au lieu et place d’un magistrat impartial, le transfert d’une partie de ses compétences au ministère public, hiérarchisé et l’intervention d’un juge du siège à la double casquette de superviseur de l’enquête sans pouvoirs propres et de juge du contentieux de la détention, au mépris de tous les principes européens.

Ce juge n’aurait en outre aucun pouvoir de « faire sortir des affaires » enterrées, d’autant que sans juge d’instruction, la partie civile n’aurait d’autre recours, pour mettre en

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mouvement l’action publique en cas de carence du parquet, que la citation directe, alors même que l’enquête ne serait pas faite. En effet, en l’absence d’autorité indépendante susceptible de reprendre les investigations à la demande de la partie civile, l’enquête est soumise au bon vouloir du parquet, ce qui dans certains contentieux peut conduire à enterrer certains dossiers ou laisser croire au justiciable que c’est le cas.

Le juge de l’instruction ne pourrait en outre que s’assurer du respect de la procédure et des libertés dans les rares dossiers qui lui seraient soumis lors de demandes d’actes ou d’autorisations ponctuelles. Du fait de l’absence de formalisme entre le parquet et les services enquêteurs, il n’aurait pour fonder son jugement que les éléments que ceux-ci voudront bien mettre à sa disposition, dans le cadre de demandes d’autorisation d’actes présentées le plus souvent dans le cadre de l’urgence. Enfin, n’ayant aucun contact avec les experts et services enquêteurs, il n’aurait aucune marge d’appréciation sur les personnes à désigner, sur la faisabilité des missions confiées…. et ne serait donc qu’un instrument du parquet dans les dossiers sensibles dans lesquels celui-ci aura possibilité d’envisager des poursuites.

Plus prosaïquement, alors que le budget de la justice n’est déjà pas suffisant pour mettre en place les réformes déjà votées, alors que des investissements immobiliers sont en cours pour permettre la mise en place des pôles de l’instruction et la collégialité à compter de janvier 2010, il est paradoxal de remettre au goût du jour cette idée de réforme supposant une refonte complète du code de procédure pénale et des moyens conséquents, ne serait ce que pour permettre l’exercice des droits de la défense dans les conditions d’une procédure accusatoire et notamment par la possibilité de mener une contre enquête, y compris pour les plus démunis, par le biais de l’aide juridictionnelle, pour assurer l’égalité de tout devant la loi.

La solitude du Juge d’instruction

Le reproche principal fait de tous temps au juge d’instruction est celui de sa solitude.

Suite à l’affaire dite « d’Outreau », la commission d’enquête parlementaire n’a pas proposé de supprimer le juge d’instruction mais l’instauration de la collégialité de l’instruction.

Celle-ci a été introduite en deux temps par la loi du 5 mars 2007 qui a créé les pôles de l’instruction, renforcé la co-saisine dans l’attente de la mise en œuvre de la collégialité au 1er

janvier 2010. La collégialité de l’instruction (mais plus encore une véritable co-saisine) est le remède sous réserve qu’elle soit effective.

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Ces constats, l’USM n’est pas la seule à les faire. La commission d’enquête parlementaire consécutive à l’affaire dite d’Outreau, qui a travaillé pendant des mois et procédé à des dizaines d’heures d’auditions de professionnels du droit (avocats universitaires et magistrats) a fait les mêmes.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler l’argumentaire de Philippe HOUILLON, rapporteur de la commission dans les pages 337 et suivantes du rapport.

On peut ainsi lire :

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- page 341 : « La possibilité pour la défense de mener une « contre-enquête » dans le cadre du système accusatoire peut être particulièrement sélective socialement, puisque les personnes les plus démunies auront le plus grand mal à financer de couteuses investigations … personne n’a pu apporter la preuve que le système accusatoire était, par nature, moins faillible et générateur d’erreurs judiciaires que notre propre système, qui est un subtil mélange d’inquisitoire et d’accusatoire »

- page 342 : « le passage à un système accusatoire exige de transformer le statut des magistrats du parquet afin de le rendre totalement indépendant du pouvoir exécutif. En effet, il n’est pas envisageable que le magistrat conduisant l’enquête soit soumis au pouvoir exécutif »

- page 342 : « le passage brutal d’un système judiciaire à l’autre semble particulièrement hasardeux, voire périlleux et l’exemple de l’Italie devrait inciter les uns et les autres à la prudence »

- page 346, au sujet du juge de l’enquête allemand : « En n’intervenant que ponctuellement dans un dossier, qui par définition, n’est pas le sien et qu’il devra chaque fois se réapproprier si tant est qu’il l’ait suivi depuis le début, le juge des enquêtes n’aura souvent qu’une vision incomplète et superficielle de l’affaire. Toute la difficulté de la mission réside là, dans le fait que, bien qu’il soit investi d’un pouvoir de contrôle particulièrement large, le juge des enquêtes allemand n’en reste pas moins confiné à un rôle accessoire par rapport au parquet »

- page 343 et à titre de conclusion : « Par pragmatisme, votre rapporteur, conscient de l’importance des traditions juridiques, ne croit pas à l’efficacité, et donc à l’opportunité, d’un « grand soir » procédural … C’est la raison pour laquelle, votre rapporteur est favorable, plus qu’à la suppression du juge d’instruction au nom d’une doctrine juridique, certes cohérente, mais inapplicable dans notre pays, aux vertus de la collégialité et du contradictoire. Par voie de conséquence, si votre rapporteur souscrit à la suppression du principe du juge unique qu’est le juge d’instruction, il n’est pas pour autant favorable à la suppression du principe de l’instruction, dès lors que cette dernière serait exercée collégialement »

On ne peut mieux dire !

2 – Collégialité et co-saisine

Dans la présentation de sa proposition de loi en 2005, M Fenech faisait valoir que le rapport du groupe de travail présidé par le procureur général Viout après l’affaire d’Outreau avait mis en lumière les limites de la co saisine, laquelle « ne correspondant parfois à aucune réalité".

L’USM a toujours été dénoncé le fait qu’à moyens constants, la cosaisine était un leurre n’ayant pour seul but que de diluer les responsabilités. Si un juge seul peine à gérer un cabinet de 100 dossiers, trois juges en collégialité ne gèreront pas plus aisément 300 dossiers ! Dans ce cas en effet, rien ne sert de solliciter une co-saisine qui ne sera que de papier.

La réforme des pôles de l’instruction est en place depuis le 1er mars 2008. Des fonds ont déjà été engagés pour permettre la mise en place de la collégialité dans moins d’une année.

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Revenir sur ce système sans même l’avoir testé est aberrant.

3 – L’amélioration du contradictoire dans les procédures d’instruction

Au fil des réformes de procédure pénale de ces dernières années, les droits des parties ont progressivement été renforcés, au point que l’on peut dire aujourd’hui que les affaires qui passent par les cabinets des juges d’instruction sont celles dans lesquelles le principe du contradictoire est le mieux respecté. D’où nos interrogations de ce seul endroit où le contradictoire existe au stade de l’enquête.

Ce contradictoire pourrait néanmoins être renforcé par quelques mesures, qui sont loin d’etre anecdotiques.

- l'obligation pour le juge d'instruction de notifier la qualification développée dans sa convocation en vue de mise en examenLes avocats ont fréquemment l’occasion de demander aux juges les faits précis pour lesquels ils sont convoqués. Facilitant ensuite le travail au moment du règlement du dossier, c’est une pratique utilisée par certains juges d’instruction. Il parait nécessaire de le généraliser

- L’obligation d’indiquer dans la convocation le motif de celle-ci (interrogatoire, audition, confrontation et dans ce dernier cas entre qui et qui)Les avocats demandent fréquemment aux juges les raisons de leurs convocations. Il arrive à certains magistrats et greffiers de fournir des précisions. Il serait sans doute nécessaire que ces pratiques soient là aussi généralisées.

- l'obligation de motiver la mise en examenLe régime actuel n’est pas entièrement satisfaisant. Le juge d’instruction n’a pas à motiver la mise en examen. Il est usuel que les magistrats instructeurs expliquent verbalement à la personne qu’ils viennent de mettre en examen les raisons de celle-ci. Une motivation écrite même courte actée dans la procédure serait sans doute préférable. Elle permettrait en outre, surtout dans les dossiers les plus complexes, un contrôle plus efficient de la chambre de l’instruction. Enfin, il conviendrait d’abandonner le système de la requête en annulation de la mise en examen devant la chambre de l’instruction, au profit d’un appel classique.

4 – le contrôle de l’instruction par la juridiction d’appel

Le groupe de travail présidé par le procureur général Viout faisait le constat de l’impossibilité pour un grand nombre de présidents de chambres de l’instruction d’assurer le contrôle effectif des cabinets d’instruction. Néanmoins, ces pouvoirs ont été juridiquement renforcés par la loi du 5 mars 2007 et dans les faits renforcés par une augmentation des effectifs.

Plusieurs des préconisations de la CEP d’Outreau (préconisations 32 à 37) ont été suivies d’effet par la loi du 5 mars 2007 : les effectifs des chambres de l’instruction ont été renforcés, les audiences sont publiques, les pouvoirs de contrôle de la chambre de l’instruction sont renforcés puisqu’elle peut désormais évoquer l’ensemble du dossier à chaque saisine et/ou à intervalles réguliers notamment dans les cas où un mis en examen est détenu.

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Des améliorations sont toujours envisageables, comme par exemple supprimer le pouvoir de filtrage par le président de la chambre de l’instruction, comme proposé par la CEP mais il s’agit d’améliorations à la marge, n’entraînant pas refonte de l’organisation générale.

5 – observations complémentaires sur la procédure d’instruction

Article 89-1 du CPP :

Cet article, qui n’a pas été modifié par la loi du 5 mars 2007, prévoit toujours qu’après envoi des avis à partie, la partie civile dispose d’un délai de 20 jours pour former ses dernières demandes d’actes et dernières requêtes en annulation avant communication du dossier au parquet pour règlement. Or, l’article 175 prévoit désormais des délais différents notifiés aux personnes mises en examen et témoins assistés : 1 ou 3 mois à compter de l’envoi des avis à partie, auquel s’ajoute un délai de 10jours / 1mois après notification du réquisitoire de règlement.

L’USM préconise donc d’harmoniser ces délais contradictoires, qui ne semblent pas conformes à l’esprit de la loi.

Article 175 du CPP :

La loi du 5 mars 2007 a eu pour but de renforcer le contradictoire, mais visait en outre à raccourcir les délais d’instruction.

Or l’introduction du contradictoire a pour incidence, dans la phase de règlement, un allongement des délais inutile dans les hypothèses où aucune des parties n’envisage de faire usage de ses droits à former des demandes d’actes ou requêtes en annulation, ou à formuler des observations après notification des réquisitions du parquet.

L’ancien article 175 disposait que : « les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat, ou celui-ci dûment convoqué, à invoquer ce délai ».

L’USM propose de réintroduire une telle disposition avec possibilité de renoncer soit par procès verbal, soit par retour d’un formulaire rempli par l’avocat et/ou son client : d’une part au délai pour former les demandes d’actes ; d’autre part au délai pour formuler des observations.

Une telle disposition ne pourrait en aucun cas nuire aux droits des parties, puisqu’elle suppose une manifestation claire de l’ensemble d’entre elles et n’aurait alors pour conséquence, dans cette seule hypothèse, que de raccourcir les délais de règlement

Expertises

Dans sa recommandation 46, la CEP d’Outreau proposait « réviser les critères de rémunération des experts en tenant compte de la complexité du dossier et du temps consacré à l’expertise »

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Les tarifs des expertises n’ont pas été revalorisés. Une disposition permettant de rémunérer les experts selon ces critères serait néanmoins de nature à garantir aux parties des expertises de qualité.

En plus du tarif réglementé, pourraient être envisagés des compléments de rémunérations prenant compte de la complexité de la mission, de la nécessité de procéder à plusieurs entretiens, ou encore d’une co-désignation d’experts (qui suppose des réunions de concertation entre les experts)

Une telle disposition serait en outre conforme aux recommandations 79 et 80 de la CEP qui proposent de « doter la justice de moyens dignes de sa mission » .

N° 79 : « engager les moyens nécessaires pour l’accompagnement de la réforme proposée en mettant l’accent en priorité sur les dépenses d’équipement liées aux enregistrements audiovisuels, ainsi que les dépenses de personnel entraînées par la collégialité de l’instruction et l’affectation de magistrats à plein temps à la chambre de l’instruction »N° 80 : « mettre en œuvre une loi de programme visant à hisser la part du budget de la justice à 3% du budget de l’Etat et à faire passer le budget de la justice par habitant de 28,35 euros à 40 euros »

la procédure de plainte avec constitution de partie civile

La commission Coulon a proposé notamment :

¤ d’instaurer une motivation détaillée des décisions de classement sans suite en matière économique et financière. Une telle disposition permettrait peut être de limiter le nombre de plaintes avec constitution de partie civile après classement ; elle n’apparaît toutefois pas déterminante au point de devoir engorger les parquets à effectifs constants.

¤ d’instaurer une obligation de production des pièces comptables pour les personnes morales afin de fixer la consignation. Une telle disposition n’a aucune utilité, dès lors que le doyen des juges d’instruction peut solliciter de telles pièces pour fixer la consignation

¤ de convertir, sauf ordonnance motivée du juge d’instruction, le montant de la consignation en amende civile, lorsque la constitution de partie civile aboutit à un non-lieu. L’amende civile n’est prévue par le texte que dans les cas où la constitution de partie civile s’avère dilatoire ou abusive. S’il peut être souhaitable que de telles amendes soient plus fréquemment prononcées, il convient toutefois de rappeler que l’essentiel des décisions de non-lieu interviennent faute de charges suffisantes, sans que la mauvaise foi de la partie civile soit démontrée (notamment lorsque l’auteur reste inconnu). L’amende civile ne doit donc en aucun cas être automatique, pour permettre toujours l’accès au juge, accès « filtré » par la consignation

les règles spécifiques de l’instruction quand les faits sont reconnus

Le juge d’instruction n’a pas prioritairement vocation à intervenir dans le cadre de faits reconnus.

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Soit il intervient dans le cadre d’une affaire complexe, et c’est la réalisation d’investigations préalables qui peut le cas échéant conduire la personne à reconnaître sa participation aux faits, soit les faits sont reconnus dès le stade de l’enquête initiale et, sauf cas spécifiques des procédures criminelles, le dossier n’entraînera pas saisine du juge d’instruction.

Toutefois, alors que la tendance est à la recherche de preuves plus qu’à la recherche de l’aveu, dont l’histoire judiciaire a montré les limites et la fragilité, comme l’a fort justement rappelé le Président de la République, il parait paradoxal d’envisager un régime procédural spécifique en cas de reconnaissance des faits dans le cadre de l’instruction.

Chacun est en effet libre de changer sa version des faits et donc, le cas échéant, de revenir sur ses aveux ou à l’inverse d’avouer en cours d’instruction. S’enfermer dans un régime procédural spécifique suivant qu’il y a ou non aveu n’a pas de sens dans notre système judiciaire.

De la même manière, il semble étonnant d’envisager deux régimes juridiques distincts dans le cadre d’une commission visant notamment à la simplification et à une harmonisation des règles de procédure pénale. Le régime juridique doit donc être maintenu en l’état. De fait, face à un aveu, les investigations portent principalement sur des éléments de contexte et sur la personnalité du mis en examen et sont donc plus restreintes. Mais le régime procédural doit être souple pour s’adapter à la fiabilité relative du témoignage humain.

le secret de l’instruction et les droits de la presse

Dans le cadre de la proposition de loi du député Fenech, ce dernier relevait que le juge d’instruction est seul à l’égard des pressions médiatiques, empêché de communiquer alors que la communication se fait, avec ou sans son accord, par le procureur de la République qui est pourtant partie à la procédure.

Si frustrant que celui puisse être d’entendre parfois des contre vérités assenées dans la presse sans pouvoir y répondre, ce silence imposé n’est pas un inconvénient pour instruire.

Cela en devient un dans les cas où c’est le travail du juge d’instruction ou du JLD qui est attaqué, alors que ces juges sont dans l’impossibilité de se défendre par rapport à une présentation simpliste et erronée d’une situation, et dans le silence assourdissant de la hiérarchie judiciaire et de la chancellerie.

Dans le cadre pur de l’instruction, le problème n’est pas tant celui de l’impossibilité du juge de parler, mais celui lié au fait que les personnes habilitées à parler ne sont pas celles a même d’amener une information objective.

Le parquet «d’office, et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties» peut communiquer dans le respect de l’article 11 du code de procédure pénale « des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien fondé des charges retenues contre les mis en cause ». S’il peut arriver néanmoins qu’il donne des éléments mettant en péril le déroulement des investigations, ou qu’il ne soit pas totalement objectif, les conseils des parties et les parties elles-mêmes ne sont quant à elles tenues à

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aucune règle ; dès lors que leurs propos ne sont ni diffamants, ni calomnieux, il ne peut être porté atteinte à leur liberté d’expression.

Il appartient donc aux médias de s’assurer que les photographies et les noms ou éléments d’identification des personnes mises en cause ne soit pas diffusés (ce qui constitue de fait la plus grande atteinte à la présomption d’innocence). Malgré le rappel solennel fait lors du vote de la loi du 15 juin 2000, il semble que ces dispositions soient restées lettre morte. La question des règles déontologiques des journalistes est au centre de cette question (cf. préconisation 77 de la CEP d’Outreau sous le titre « responsabiliser les médias »)

La CEP Outreau préconisait notamment la possibilité de lever le secret de l’instruction à la demande de la défense au bout de trois mois de détention (préconisation 25) sauf criminalité organisée ou risque d’entrave aux investigations avec parallèlement un renforcement des sanctions en cas de violation du secret professionnel ou du secret de l’instruction.

Une telle mesure ne pourrait en tout état de cause s’envisager qu’avec l’accord de l’ensemble des parties. En effet, la médiatisation d’une affaire peut avoir des effets pervers pour la victime comme pour le mis en examen, surtout si une seule des parties est amenée à s’exprimer publiquement. Si à notre sens, la victime n’a pas à se prononcer sur la peine à envisager ou sur l’aménagement de celle-ci, sauf à faire de la justice une affaire privée, la médiatisation d’une affaire la concerne directement et elle doit pouvoir faire valoir ses arguments.

B : La détention provisoire

1 – Quelle autorité pour statuer sur la détention

Le Président de la République, dans son discours du 7 janvier 2009, a proposé la mise en place d’une audience collégiale publique pour statuer sur la détention provisoire.

L’USM a toujours été favorable à ce que le contentieux de la détention provisoire soit du ressort exclusif d’une formation collégiale. Cette garantie fondamentale et reconnue par tous, n’a jusqu’alors été écartée que pour des raisons budgétaires.

Quant à la publicité des débats, si le principe a été fixé par la loi du 5 mars 2007 (article 145 6e alinéa nouveau), il est possible d’y déroger à la demande du procureur ou des parties, ce qui est un système satisfaisant qui ne doit pas disparaître.

Le Président de la République a évoqué la possibilité d’associer à ces audiences collégiales les juges de proximité. L’USM entend rappeler que le conseil constitutionnel a imposé que la composition demeure majoritairement composée de magistrats professionnels.

2 – Les délais en matière de détention provisoire

Les délais en matière de détention ont été maintes fois remaniés. Il nous apparait préférable de ne pas modifier sans cesse les délais prévus dans la loi et de rappeler que les durées parfois jugées excessives de certaines détentions provisoires sont essentiellement imputables aux délais de déroulement de l’instruction. Plutôt que de remanier encore et toujours les textes, il

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convient surtout de doter la justice des moyens nécessaires à la célérité des investigations : délai d’exécution des CR ou des expertises, délais d’audiencement,…

1-6 : le jugement

A – simplification de la procédure criminelle en cas de reconnaissance de culpabilité

1 - Faut-il simplifier la procédure de jugement lorsque les faits sont reconnus ?

Ce mécanisme existe déjà pour les procédures correctionnelles (CPRC, troisième voie,…).Les pays qui ont adopté, en matière criminelle, le plaider coupable l’ont fait pour des raisons économiques pour éviter le déroulement d’un procès, selon la procédure accusatoire, long et fastidieux.

L’USM ne peut admettre que la voie de la simplification soit empruntée pour un simple motif économique. De surcroît, il est paradoxal à une époque où on attend de l’audience une fonction quasi cathartique, que les débats soient tronqués au mépris de la nécessaire parole qui doit pourvoir s’exprimer dans l’enceinte judiciaire, parole de l’accusé et parole de la victime.

2 - Quelle forme de simplification ?

La simplification du plaider coupable est de réduire les débats au choix de la peine. Cette réduction est souvent virtuelle car il est impossible d’envisager une peine sans évoquer les faits. De surcroît, la victime comme dans le cas de la CRPC se trouverait exclue du débat judiciaire ; il est vrai que cette intervention n’est pas le souci majeur de certains systèmes de droit anglo-saxon.

B - l’échevinage en matière correctionnelle

L’USM n’est pas opposé au principe de l’échevinage mais constate qu’il est surtout envisagé à des fins économiques car comment expliquer autrement que l’échevinage n’ait pas été retenu lorsqu’il s’est agi de réformer les tribunaux de commerce.

L’introduction de plus en plus fréquente des juges de proximité dans les formations correctionnelles constitue de fait une avancée en ce sens. Le conseil constitutionnel a rappelé les conditions de compétence que doivent remplir les juges de proximité et le fait que la composition doit demeurer majoritairement composée de magistrats professionnels. De surcroît, le recrutement de ces juges est limité de telle sorte que la seule solution raisonnable est le maintien de la situation actuelle (présence d’un seul juge de proximité dans les formations correctionnelles).

C - l’enregistrement audiovisuel et/ou la diffusion audiovisuelle des audiences

La commission LINDEN en 2005 avait préconisé de légaliser, sous certaines conditions, la captation et la diffusion des débats juridictionnels afin d’assurer une meilleure transparence de l’institution et une meilleure connaissance de son activité par l’ouverture des prétoires aux médias audiovisuels.Le souci de cette commission était de mettre en place un dispositif protecteur des mineurs, des incapables majeurs, des témoins, des jurés et des autres intervenants. La commission avait vu

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la difficulté de préserver la sérénité des débats judiciaires mais avait néanmoins prôné la diffusion par les médias des procès sous réserve notamment :

- de diffuser l’intégralité des débats et à brefs délais - d’interdire la diffusion avant le prononcé de la décision - de prohiber toute rémunération et interdire toute coupure de publicité.

L’USM est défavorable à l’introduction des caméras dans les prétoires ; on ne peut admettre la mise en place d’un dispositif d’une telle lourdeur et d’une telle complexité qui offre d’éventuelles garanties incompatibles avec le souhait des diffuseurs.

Les acteurs du procès pénal, particuliers ou professionnels, ont droit de ne pas voir leur image diffusée et ont droit de ne pas être insécurisés de la sorte.

Surtout, l’introduction des médias dans l’enceinte judiciaire faussera complètement le rôle et les interventions des acteurs en privilégiant l’émotion du moment à l’approche raisonnée et complète d’une affaire.

1-7 : les voies de recours

A - les délais de recours

L’USM souhaite que les délais de recours, prévus par le CPP, soient harmonisés : - 5 jours pour les ordonnances - 10 jours pour les jugements

La loi doit prévoir une disposition générale fixant le point de départ de ce délai émission ou réception de la décision).

Concernant l’appel du procureur général, le projet de loi pénitentiaire vise à fixer le caractère exécutoire au bout de 10 jours près le prononcé du jugement.

Parallèlement le projet de loi « tendant à amoindrir les risques de récidive » en cours de discussion à l’assemblée nationale aborde cette question en proposant la possibilité pour le procureur général de faire appel dans le délai de 2 mois lorsqu’un jugement de relaxe a été prononcé par la juridiction correctionnelle et en introduisant la possibilité d’un appel incident pour les autres parties dans les 5 jours de l’appel du procureur général.

Présenté comme le moyen de répondre aux deux condamnations de la France à ce sujet par la Cour Européenne des droits de l’homme, on ne peut que regretter que la Ministre de la Justice ne soit pas allée au bout de la logique en supprimant purement et simplement ce délai de deux mois dont bénéficie le procureur général, qui n’a pas de logique propre. L’instauration d’un délai d’appel incident ne permet pas d’instaurer le nécessaire équilibre entre toutes les parties.

Ce délai pourrait par contre être maintenu dans l’intérêt de la personne condamnée, par exemple lorsque la décision rendue l’a été sur la base d’une erreur de droit (peine prononcée illégale par exemple), sur la base d’une infraction inexistante ou d’une procédure inadaptée.

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Il pourrait l’être également à l’instar de la procédure prévue en matière civile de pourvoi dans l’intérêt de la Loi qui ne modifie pas la situation de l’intéressé, mais permet aux juridictions suprêmes de trancher un point de droit contesté.

B – appel par la victime des dispositions pénales d’un jugement

Au regard des développements déjà effectués, il n’est pas admissible que la victime puisse interjeter appel des dispositions pénales d’un jugement ; cela reviendrait à mettre à disposition le sort de l’action publique ce qui est pour l’instant limité au déclenchement de l’action publique avec les constitutions de partie civile. Aller au delà constituerait une régression historique et l’abandon d’une prérogative régalienne à des particuliers.

1-8 : l’exécution des peines

A - l’exécution de la peine privative de liberté

Le dispositif actuel peut certes être amélioré sans avoir à être bouleversé.

Les principes qui animent l’USM en ce domaine sont les suivants :

- l’emprisonnement doit rester la dernière peine à envisager - pour prévenir la récidive, toute peine doit a priori être aménagée- le JAP doit rester le maître d’œuvre de l’application des peines sans que cela interdise

la procédure simplifiée du « hors débat » si les parties sont unanimement d’accord pour les aménagements envisagés.

- l’exécution des peines doit être effective et les mécanismes généraux d’extinction des peines doivent être proscrits (amnistie, grâce collective,..). Les services d’exécution et d’application des peines doivent être dotés des moyens nécessaires à une mise en œuvre rapide et effective des sanctions ordonnées.

B – la place de la victime au stade de l’exécution des peines

• La mission du comité : Après avoir rappelé les diverses réformes promulguées dans l’intérêt des victimes (JUDEVI, SARVI, … ), le Garde des Sceaux a souhaité que le comité LEGER examine la possibilité d’associer d’avantage les victimes à l’application des peines : « il faut se demander si la victime ou son représentant ne doit pas être entendu au moment de l’examen de la demande d’aménagement »

• Les observations de l’USM :

La préoccupation victimaire doit elle envahir le champ de l’application des peines? En réalité, cette question ne peut concerner que les victimes qui ont montré l’importance de leur préjudice en se constituant partie civile et qui, ayant subi une atteinte à leur personne, peuvent craindre d’en subir de nouvelles par le condamné.

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Cette question ne peut concerner également que les peines d’emprisonnement ferme dans le cadre de leur aménagement ; en effet, si une victime s’est constituée partie civile, le tribunal a statué, lors de la condamnation sur les éventuelles interdictions de rencontrer la victime et a ordonné les obligations du SME qui s’imposent alors.

En définitive, la question se pose ainsi : une partie civile, victime d’une atteinte à sa personne, peut et/ou doit-elle être avisée ou consultée sur la décision d’aménagement de la peine d’emprisonnement ferme prononcée contre son agresseur ?

On ne peut concevoir que la victime puisse empêcher tout aménagement de peine ou toute libération d’un condamné : cela ferait revenir la Justice à l’époque archaïque où elle n’était qu’une modalité de la vengeance privée. La sanction et son application ne peuvent être que de la responsabilité de l’autorité publique.

En revanche, l’intérêt de la victime doit être pris en compte dans le cadre de l’aménagement de peines. Tel est déjà le cas puisque les JAP s’attachent d’ores et déjà à vérifier qu’un condamné ne sera pas lors de sa libération en état de rencontrer sa victime ou de lui nuire. La victime peut être avisée de cette décision mais, ne peut empêcher son prononcé. Dès lors le débat contradictoire (avec le condamné, le Procureur ) lors duquel est examiné le projet d’aménagement de peine, n’a pas à se tenir en présence de la victime sauf à faire de cette obligation procédurale une nouvelle concession démagogique à l’idéologie victimaire ambiante. On imagine également la pression insupportable que ferait peser sur la victime une participation à un débat et qui lui laisserait penser qu’elle serait la personne décidant de la libération ou non de son agresseur.

L’USM peut donc conclure que la victime ne peut s’opposer au principe de l’aménagement d’une peine. La victime doit juste être avisée des modalités de l’aménagement de la peine de son agresseur dans la mesure où celles-ci peuvent la concerner.

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Conclusion sur la procédure pénale :

RENFORCEMENT DU CONTRADICTOIRE LA OU IL Y EN A DEJA (au stade de l’instruction),

INSTAURATION LA OU IL N’EN EXISTE PAS (au stade de l’enquête)

ET RENFORCEMENT NECESSAIRE DU STATUT DU PARQUET

La procédure d’instruction est la seule à l’heure actuelle qui permet aux parties de débattre contradictoirement avant la phase de jugement. Les parties ont gagné au fil des réformes ces droits qu’il serait aberrant de faire disparaître au profit d’un système qui ne présente pas de garanties suffisantes en l’état des annonces faites.

Il est possible de renforcer encore ces garanties procédurales au stade de l’instruction.

Il est en outre indispensable de renforcer les droits des parties dans l’ensemble des procédures qui ne bénéficient pas de la phase d’instruction.

Enfin, la qualité d’autorité judiciaire, que la CEDH dans un arrêt non définitif vient de contester aux procureurs, est pourtant indispensable dans notre droit positif. Le Procureur n’est légitime à contrôler certaines mesures privatives de liberté (GAV, …), à exercer un pouvoir quasi juridictionnel dans la cadre de la troisième voie ou de la CRPC, que s’il peut revendiquer cette autonomie minimale, gage d’impartialité.

Une réforme de la procédure pénale qui supprimerait le juge d’instrution, juge indépendant, et augmenterait les procédures simplifiées, rendrait encore plus que jamais indispensable la mise en œuvre de l’indépendance du parquet pour satisfaire aux exigences de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Ce renforcement du statut du parquet passe :- par des garanties statutaires accrues (modes de nomination similaires à ceux

des juges) - par des pratiques gouvernementales qui respectent l’impartialité et les

apparences d’impartialité des parquets- par des moyens qui permettent aux procureurs d’assurer d’une manière

effective leurs prérogatives (direction de la police judiciaire, contrôle des GAV ,…)

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II – LE DROIT PENAL

1 – sur la recodification

La Ministre a rappelé, dans son discours d’installation du comité, le constat suivant : 87 % des crimes figurent dans le code pénal alors qu’un tiers des délits n’y figure pas. «Cet éparpillement nuit aussi bien à la cohérence qu’à la lisibilité du droit pénal » a-t- elle mentionné dans son discours d’installation du comité. Cette instance est invitée à :

- définir les crimes et délits qui doivent figurer dans le code pénal- identifier les contentieux qui peuvent être dépénalisés ou déjudiciarisés- préciser, pour les contentieux dépénalisés, les modes de régulation permettant de

suppléer la sanction pénale

1.1 : sur la lisibilité et la cohérence de la Loi

L’USM a toujours fait sien cet objectif d’une Loi lisible et cohérente. Ces qualités sont indispensables dans une démocratie. La loi est l’expression de la volonté générale et, pour être légitime dans son application pénale, doit être lisible et prévisible.

L’inflation législative, la promulgation de lois, au gré des humeurs, plus ou moins spontanées de l’opinion publique à chaque fait divers, ne peuvent que nuire à la lisibilité et à la cohérence de la Loi. Une loi lisible et cohérente ne peut pas être une « loi bavarde ». «Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » écrivait MONTESQUIEU.

La Loi sera d’autant plus cohérente et lisible que la volonté politique qui la porte l’est elle-même ; nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux l’adoption d’une politique pénale cohérente.

L’USM, attachée à l’adoption de lois lisibles et cohérentes, ne cesse de rappeler que ces qualités ne doivent pas faire oublier qu’une loi doit être applicable et appliquée, ce qui suppose qu’aucune loi ne doit être adoptée sans étude d’impact préalable et sans la certitude que les moyens matériels et humains de son application sont réunis.

Lors de l’élaboration de la Loi, il convient de respecter le mode de rédaction du « nouveau code pénal » :

- en regroupant les dispositions en livres cohérents ; si cela peut être le cas par exemple pour le code de la route, pouvant constituer un livre à lui seul, il apparaît difficile de regrouper des contentieux aussi variés que ceux inclus dans le code rural, le code de la santé publique, etc…..

- en rédigeant les textes d’incrimination sous la même forme que dans le code pénal « le fait de … est puni de…. »

1-2: sur l’intégration dans le code pénal des crimes et délits

L’USM n’est pas opposée, bien au contraire, au mouvement de réintégration dans le code pénal d’un maximum de délits et de crimes.

Ce souhait paraît sans doute pieux au regard du nombre particulièrement important des infractions en droit français.

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Il ne faudrait pas que ce mouvement de codification nuise à la lisibilité du code pénal, code articulé autour de cinq livres, d’un plan rationnel et d’une cohérence non démentie depuis son adoption en 1994 (sauf à citer pour mémoire le livre 6 sur les contraventions et le livre 7 sur les DOM TOM).

Si un tiers des délits figure en dehors du code pénal, on peut noter que beaucoup sont codifiés par ailleurs : il est sans doute peu réalisable de les intégrer dans le code pénal sans désarticuler les codes dans lesquels ils figurent actuellement. Quelle serait la cohérence d’un code de la consommation privé de son volet pénal ?

Il faut en réalité :

- codifier les textes encore éparpillés dans des lois éparses, non codifiées (ni dans le code pénal, ni dans aucun autre code); on peut songer par exemple à la loi sur la presse,

- lutter contre la pénalisation excessive des comportements, inciter le législateur à s’astreindre à limiter les lois qui créent des infractions, qui créent un volet pénal. L’adage classique « pas de peine sans loi » a été remplacé par un nouveau « pas de loi sans peine »

- inviter le législateur à codifier ab initio une infraction quand il la créé

Sous réserve de ces quelques améliorations ou préconisations, un mouvement de codification ne peut prétendre tout intégrer dans un seul code; cela paraît irréalisable et ne pas être en tout cas ce qui assurera la lisibilité ; il vaut mieux lutter contre l’inflation législative. La lisibilité est plus un problème de fond que de forme ou de présentation de la loi.

2 – sur la cohérence des incriminations

L’USM propose une meilleure harmonisation de certaines peines et incriminations :

-Les infractions de même nature doivent être punies de mêmes peines principales et complémentaires.

A titre d’exemples, on peut citer :- L’escroquerie par carte bancaire est punie de 5 ans d’emprisonnement et la

falsification de chèques de 7 ans- L’escroquerie est punie de 5 ans d’emprisonnement alors que les fraudes aux

prestations familiales et sociales sont punies de 5000 € d’amende (natinf 282 et 3750) L’’amende passe à 3750€ pour les fraudes aux allocations pour les personnes âgées (natinf 3753 et 3755). La fraude aux allocations d’aide aux travailleurs privés d’emploi est de 4000€ (natinf 3872), 45000€ pour les fraudes pour la prime à la construction. Des peines complémentaires sont prévues pour certains de ces délits et pas pour d’autres !

- Le délit d’obstacle aux fonctions des agents chargés du contrôle des cotisations ou prestations sociales ou pour les transports routiers est puni de 6 mois d’emprisonnement (natinf 281 et 7610 ), l’obstacle aux agents de la police des mines et carrières est puni d’1 an (natinf 3012), aux agents chargés des contrôles en matière

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de protection de l’environnement de 3 mois (natinf 3632), au droit de visite des constructions par les autorités habilitées d’1 mois ( natinf 4579 ).

- Il faut renvoyer dans le livre 1 les définitions de certaines notions générales pour ne pas alourdir les textes d’incriminations

A titre d’exemples, on peut citer le cas du délit de violences volontaires.Les violences sont aggravées en fonction de la qualité de la victime ; au lieu de parler des « personnes chargées d’une mission de service publique » ou des « personnes dépositaires de l’autorité publique», le législateur s’est senti obligé d’entamer une liste interminable des professions protégées. Par exemple, l’article 222-13 du code pénal incrimine les violences sur :

Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un gardien assermenté d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;Sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne chargée d'une mission de service public ainsi que sur un professionnel de santé, dans l'exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de

l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

Il serait préférable de renvoyer la définition les personnes dépositaires de l’autorité publique ou des personnes chargées d’une mission de service public dans les dispositions générales du code pénal pour ne pas surcharger les textes d’incriminations

3- sur la dépénalisation et de nouveaux modes de régulation

3-1- sur les contentieux qui peuvent être dépénalisés ou déjudiciarisés et leurs modes de régulation

La commission présidée par M.COULON sur la dépénalisation de la vie des affaires a effectué des préconisations qui peuvent être ainsi résumées :

- suppression des infractions désuètes, obsolètes ou pour lesquelles un dispositif civil efficace existe déjà ; à défaut, instauration de ces dispositifs civils qui peuvent se substituer efficacement aux incriminations

- suppression de certains délits du code du commerce au profit des sanctions administratives

- limitation des concours de qualifications pénales en supprimant les infractions redondantes

- harmonisation des peines pour les infractions de même nature- augmentation du quantum des peines d’amende quand la gravité des faits le justifie - développement des alternatives aux poursuites comme la transaction

La commission sur la répartition des contentieux, dirigée par le recteur GUINCHARD, a, quant à elle, proposé notamment les pistes de réforme suivantes concernant le pénal :

- création d’un pole pénal dans chaque TGI pour les délits et les contraventions de cinquième classe

- transfert du traitement de ces contraventions aux OMP - dépénalisation de la diffamation et des injures sauf en matière de racisme

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- développement de la transaction au lieu et place de certaines procédures d’amende forfaitaire ou de la procédure « classique » pour certains contentieux ( stationnement, urbanisme, transport ,…)

- développement et amélioration des procédures pénales simplifiées ( par exemple, concernant les amendes forfaitaires, il faudrait maintenir le paiement d’une consignation pour pourvoir contester une amende et faciliter le remboursement de ces consignations )

- développer l’ordonnance pénale (OP) notamment en permettant le prononcé de peines de peines d’emprisonnement de trois mois avec sursis avec certaines garanties (notification des OP en personne par le délégué du procureur avec le droit d’être assisté d’un avocat)

- développer la CRPC à tous les délits - élargir le domaine de la composition pénale à tous les délits- améliorer l’articulation entre les sanctions administratives et les sanctions judicaires

Le conseil national de l’USM, dans sa délibération du 28 mars 2008 a adopté les orientations suivantes :

- sur l’accroissement du pouvoir de transaction des administrations. L’USM ne s’oppose pas à cette évolution proposée sous réserve que les accords se fassent sous le contrôle du parquet comme cela est le cas actuellement dans certains contentieux.

- sur la généralisation de la procédure de l’amende forfaitaire pour toutes les contraventions, pour tous les contentieux et limiter le recours au juge par le versement d’une consignation pré alable . L’USM est favorable au développement de la procédure du timbre-amende en insistant toutefois sur la nécessité de maintenir un recours effectif en cas de contestation. L’USM est donc réservée sur la limitation de la saisine du juge par le versement préalable d’une consignation.

3-2 - les principes qui doivent régir la dépénalisation et la déjudiciarisation

L’USM, sans rentrer dans une description exhaustive des contentieux qui pourraient être dépénalisés ou déjudiciarisés, rappelle les principes qui doivent orienter cette dépénalisation et cette déjudiciarisation :

- il faut recentrer le juge pénal sur les contentieux qui concernent l’intérêt général. En conséquence, les infractions d‘injures, de diffamations pourraient être traitées uniquement par la voie civile à l’exception des infractions en matière de racisme qui pourraient utilement être entre le code pénal

- les contestations de culpabilité ne peuvent être que de la compétence exclusive du juge pénal statuant à l’issue d’un débat contradictoire, public, durant lequel les droits de la défense sont respectés. Dès lors, si les modes de traitements simplifiés peuvent être envisagés, en application de l’article 13 de la CEDH, un recours effectif au juge doit être prévu et organisé sans filtre préalable. Par exemple, les recours contre les amendes forfaitaires ne peuvent être conditionnés au paiement préalable d’une consignation. , quitte à prévoir a posteriori, des sanctions pour des recours abusifs et dilatoires.

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- le juge pénal est exclusivement compétent pour les mesures attentatoires aux libertés. Aucune peine d’emprisonnement ne peut être ordonnée par une autorité autre qu’un juge judiciaire.

- les autres mesures privatives de droits peuvent être ordonnées par le procureur, en qualité d’autorité judiciaire offrant toutes les garanties que lui confère son statut de magistrat. La procédure pénale française s’est construite depuis de nombreuses années en développant le rôle du parquet doté de pouvoirs quasi juridictionnels avec la CRPC et la troisième voie. Si la loi, les pratiques et la CEDH devaient retirer au Procureur sa qualité de magistrat, tout l’équilibre de la procédure serait à revoir.

- les mesures alternatives aux poursuites ne peuvent être diligentées que sous le contrôle et avec l’accord du Procureur pour que l’action publique ne soit pas abandonnée au profit d’autres services de l’Etat ou laissée à l’initiative des parties privées.

3-3 - les applications pratiques envisageables

Dans le cadre des principes ainsi rappelés, peuvent être notamment envisagées les évolutions suivantes.

- Dépénalisation du contentieux de la presse (hors racisme ) qui pourrait être traité uniquement par la voie civile

- Dépénalisation de certaines infractions commerciales selon les préconisations du rapport COULON. Il s’agit des infractions prévues au titre IV du livre IV du Code de commerce (de la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées) en leur substituant des sanctions administratives prononcées par le Conseil de la concurrence.

- Déjudiciarisation des contentieux techniques (route, transports, environnement, urbanisme, consommation, chasse, …) sous réserve de laisser le procureur valider les procédures de transactions diligentées par l’administration (contentieux contraventionnel) et rendre un recours au juge effectif (pour les procédures correctionnelles). Les procédures de transaction ou d’amende forfaitaire peuvent se développer sous réserve des garanties déjà évoquées.

- Dépénalisation du contentieux des transports en substituant des sanctions purement administratives (exemple : suspension de licences …) aux sanctions pénales qui s’avèrent lourdes à diligenter et peu efficaces.

Le bureau de l’USM

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