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Une fenêtre ouverte sur le monde H ^ lE1^ Juillet 1969 (XXIIe année) - France : 1,20 F - ¡ nr ET DEMI TRAV l , ESPOIRS ET RÉALITÉS _** - -X4 ^

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Une fenêtre ouverte sur le monde

H ^ lE1^

Juillet 1969 (XXIIe année) - France : 1,20 F -¡

nr

ET DEMI

TRAV

l ,

ESPOIRS

ET RÉALITÉS

_** -

-X4

^

TRÉSORS

DE L'ART

MONDIAL

Le centaure pourvoyeur d'eau

L'eau précieuse a toujours été digne pour l'homme des plus nobles récipients, commel'attestent maints vestiges de civilisations disparues. En Occident, pendant tout leMoyen Age et la Renaissance même (puisque Benvenuto Cellini, le fameux sculpteuritalien, perpétua la tradition), les aquamaniles, sortes de lave-mains d'usage profaneou sacré, furent prétextes à de charmantes auvres de sculpture ou d'orfèvrerie, dont lemotif est le plus souvent un cheval, un cavalier, ou un animal fabuleux. Ici, une aqua-manile du 13e siècle, bronze gravé découvert en Hongrie. Sur le dos d'un centaure(animal de la mythologie grecque, mi-homme, mi-cheval), un enfant joue de la flûte.

Photo Musée national hongrois, Budapest

ri JUIM869

Le Courrier

JUILLET 1969

XXIIe ANNÉE

PUBLIÉ

EN 12 ÉDITIONS

FrançaiseAnglaiseEspagnoleRusse

Allemande

Arabe

JaponaiseItalienne

U. S. A.

Hindie

Tamoule

Hébraïque

Mensuel publié par l'UIMESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7e

Belgique : Jean de Lannoy,112, rue du Trône, Bruxelles 5

ABONNEMENT ANNUEL : 12 francs fran¬

çais; 170 fr. belges; 12 fr. suisses; 20/-stg.POUR 2 ANS: 22 fr. français; 300 fr. belges;22 fr. suisses (en Suisse, seulement pour leséditions en français, en anglais et en espa¬gnol) ; 36/-stg. Envoyer les souscriptionspar mandat C.C.P. Paris 12598-48, LibrairieUnesco, place de Fontenoy, Paris.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduitsà condition d'être accompagnés du nom de l'auteur etdeJa mention «Reproduit du Courrier de l'Unesco», enprécisant la date du numéro. Trois justificatifs devront êtreenvoyés à la direction du Courrier. Les photos noncopyright seront fournies aux publications qui en feront lademande. Les manuscrits non sollicités par la Rédaction nesont renvoyés que s'ils sont accompagnés d'un coupon-réponse international. Les articles paraissant dans le Courrierexpriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessaire¬ment celles de l'Unesco ou de la Rédaction.

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7e, France

Directeur-Rédacteur en chef :

Sandy Koffler

Rédacteur en chef adjoint :René Caloz

Adjoint au Rédacteur en Chef :Lucio Attinelli

Secrétaires généraux de la rédaction :Édition française : Jane Albert Hesse (Paris)Édition anglaise : Ronald Fenton (Paris)Édition espagnole : Arturo Despouey (Paris)Édition russe : Georgi Stetsenko (Paris)Édition allemande : Hans Rieben (Berne)Édition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)Édition japonaise : Takao Uchida (Tokyo)Édition italienne : Maria Remiddi (Rome)Édition hindie : Annapuzha Chandrahasan (Delhi)Édition tamoule :T.P. Meenakshi Sundaran (Madras)Édition hébraïque : Alexander Peli (Jérusalem)Illustration et documentation ; Olga Rodel

Maquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant la Rédaction doit êtreadressée au Rédacteur en Chef

4 L'ORGANISATION

INTERNATIONALE DU TRAVAIL

Née sur les ruines de la première guerre mondiale

par Gian Franco Pompei

8 UN PROGRAMME MONDIALDE L'EMPLOI

Pour un milliard et demi de travailleurs

par David A. Morse

13 LA PARTICIPATION

Un style nouveau dans le monde de l'entreprise

19 SÉCURITÉ ET HYGIÈNE DU TRAVAIL

20 LE SENS MODERNE DE LA GESTION

par Jean de Givry

25 LA FEMME AU TRAVAIL

Vrais et faux problèmes

par Pierrette Sartin

29 MIGRATIONS INTERNATIONALESDES TRAVAILLEURS

Un drame de notre époque

par Pieter Kuin]

32 CHOMAGE OU EXIL?

Offrir un autre choix aux travailleurs migrants

par Samuel Parmar

2 TRÉSORS DE L'ART MONDIAL

Le centaure pourvoyeur d'eau (Hongrie)

Notre couverture

A l'occasion du 50e anniver¬

saire de l'Organisation inter¬nationale du Travail, nous dé¬dions ce numéro au monde du

travail. Nos articles sont consa¬

crés aux progrès de la justicesociale et à différents problè¬mes qui préoccupent aujour¬d'hui notre société. Notre cou¬

verture symbolise, sur un fondde mur de briques, la femmeau travail (voir page 25).

Photo © Jean Suquet - Snark

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Photo © Bruno Barbey - Magnum, Paris

par Cían Franco Pompei

Président du Conseil exécutif de l'Unesco

I IL. neuf cent dix-neuf. Lemonde venait d'être secoué par uneguerre dont on n'avait encore connud'égale ; moins de trois mois aprèsl'armistice il reprenait son souffle etcomptait par millions les victimes.

Et voilà que la Conférence réunie àParis pour établir les assises de laPaix décide dès sa première séance,le 25 janvier, de créer une Commissionde législation internationale du tra¬vail, composée de quinze membres,et la charge de « faire une enquêtesur les conditions de l'emploi destravailleurs », d'examiner les moyensinternationaux nécessaires pour assu¬rer une action commune sur les sujetstouchant les conditions de l'emploi destravailleurs, et enfin de « proposerla forme d'une institution permanentedestinée à poursuivre les dites enquê¬tes et examens en collaboration avec

la Ligue des Nations et sous sadirection ».

La Commission, présidée par SamuelGompers, alors président de l'AmericanFederation of Labour, siège en févrieret en mars et prend pour base deses discussions un projet britanniquequi prévoit la création d'une Organisa¬tion permanente du travail dans lecadre de la Société des Nations.

Au cours de ses travaux, elle

recueille l'écho de la Conférence syn¬dicale internationale qui s'est tenue àBerne au début de février et qui aadopté une Charte du travail énonçantun certain nombre de principes géné¬raux en matière de législation inter¬nationale du travail. La Commission

s'en inspire dans la rédaction du textequ'elle soumet à la Conférence de laPaix, et que celle-ci adopte le 11 avrilavec quelques amendements de détail.Ce texte, divisé en deux sections, lapremière consacrée à l'Organisationinternationale du Travail, la secondeaux principes généraux, sera insérédans le Traité de Versailles.

Telle fut la naissance, modeste, del'OIT...

C'est sa vision d'un monde plusjuste et plus humain qui devait per¬mettre à l'OIT de traverser les années

sombres avant et pendant la secondeguerre mondiale et lui inspirer unsecond souffle lors de l'adoption en1944, de la Déclaration de Philadel¬phie, dont le Président Roosevelt adit qu' « elle résume les aspirationsd'une époque qui a connu deux guerresmondiales » et qu' « il se peut qu'elleprenne un jour une portée analogueà celle de la Déclaration d'Indépen¬dance des Etats-Unis d'Amérique ».

Ferme dans ses motivations et dans

ses principes, l'OIT était désormaisen mesure de s'associer à la recons¬

truction du monde dans l'après-guerreet c'est dans cette perspective qu'en1946 elle a modifié sa constitution et

conclu l'accord la reliant à l'Organi¬sation des Nations Unies en qualitéd'institution spécialisée...

En premier lieu l'OIT a joué, sur leplan institutionnel, un rôle capital dansla genèse de la conception modernede développement économique etsocial équilibré, qui est à l'heureactuelle, l'un des objectifs fondamen¬taux de l'ensemble des organisationsdu système des Nations Unies...

C'est sur cette conception, radica¬lement opposée à l'approche statiquedu 19e siècle que reposent les principesdu progrès social énoncés dans lepréambule à la constitution de l'OIT.

Ces principes se dégagent plusclairement encore de la Déclaration de

Philadelphie, à savoir, d'une part, quele progrès social ne peut résulter quedu progrès économique, dont les fruitsdoivent être équitablement répartis, et,d'autre part, que le progrès social doitêtre fondé sur une organisation dumonde qui exclut les avantages écono¬miques obtenus au détriment de lacondition des travailleurs...

L,,A pensée des fondateursde l'OIT fut celle de précurseurs, puis¬que de ces temps lointains où les gou¬vernements et les peuples vivaientdans la crainte permanente de réces¬sions et de crises économiques quiparaissaient résulter d'une fatalité, ilsavaient entrevu non pas le rêve utopi-que mais la possibilité réelle d'unmonde en état de croissance régu¬lière et continue.

En second lieu, cet objectif de jus¬tice sociale, proclamé par la constitu¬tion de l'OIT, s'il correspondait à uneexigence de la conscience rendue plusaiguë par les privations et les souf¬frances du temps de guerre, constituaitlui aussi une innovation majeure dansla vie internationale.

Sur quelles normes pouvaient s'ap¬puyer en 1919 ceux qui s'attachaientà la traduire dans la réalité ? En tout

et pour tout, sur deux conventionsinternationales signées à Berne en1906, dont l'une prohibait l'emploi dephosphore blanc dans l'industrie desallumettes et l'autre interdisait le tra¬

vail de nuit des femmes.

C'était bien peu, si l'on comparecet embryon de législation internatio¬nale du travail avec l'imposante action

normative accomplie depuis lors parl'OIT.

C'était beaucoup sans doute si l'onsonge aux résistances qu'il avait falluvaincre et aux obstacles qu'il avaitfallu surmonter pour accomplir cespremiers pas dans l'élaboration d'unvéritable code international du travail,que l'OIT devait entreprendre dès safondation sous l'impulsion de son pre¬mier directeur général, Albert Thomas.Infatigable et enthousiaste, il a consa¬cré le meilleur de lui-même à cette

qui se poursuit et se perfec¬tionne d'année en année, à chaquesession de la Conférence internatio¬

nale du Travail (1).

Or, de cette accomplie pas àpas, de manière pragmatique, sansrecherche d'effets spectaculaires, aémergé progressivement la conceptionmoderne des droits de l'homme,conception qui, aux droits politiquesissus de la Déclaration des Droits de

l'Homme et du Citoyen de 1789, ajouteles droits économiques et sociauxinclus en 1948 dans la Déclaration uni¬

verselle des Droits de l'Homme. C'est

cette conception qui répond aux plushautes aspirations de l'humanitécontemporaine.

Là encore, l'OIT a ouvert une voie

qui a permis d'avancer, lentement sansdoute, mais sûrement, vers cet objectifde justice sociale dont avaient rêvéles hommes de 1919.

L'esprit novateur qui a marqué la-Constitution de l'OIT comporte untroisième aspect dont celle-ci peut êtrefière à juste titre, puisqu'il est demeuréunique en son genre. C'est la structuretripartite de l'Organisation, qui sereflète dans la composition de laConférence internationale du Travail et

du Conseil d'administration du Bureau

international du Travail (BIT).

L'originalité de la formule retenuepar les fondateurs de l'Organisationleur paraissait si évidente que leursseules divergences de vues portèrentsur la manière de l'appliquer à savoirsi les gouvernements devraient êtrereprésentés pour un tiers, sur un piedd'égalité avec chacun des deux autresgroupes, celui des travailleurs et celuides employeurs ou si, comme ils endécidèrent finalement à la majorité,la représentation des gouvernementsdevait être égale, à celle des deuxautres groupes réunis.

(1) L'ouvrage richement documenté et il¬lustré d'Albert Thomas, « Histoire anecdoti-que du travail », a été réédité en 1961 parl'association « Le Souvenir d'Albert Thomas -,205, bd Saint-Germain, Paris. Il comporte descompléments pour la période 1925-1960, parJean Maitron et Lucien Leray. Prix : 20 F.

SUITE PAGE 6

5

ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL (Suite)

Sur un pied d'égalité : travailleurs, employeurs et gouvernements

6

Au travers de cette structure origi¬nale, apparaît clairement le soucid'assurer ce que dans le langage de1969 nous avons coutume d'appeler laparticipation.

En effet, quel objectif poursuivaitcette rencontre, au sein des organesdélibérants, des représentants destrois groupes, dont chacun a ses inté¬rêts propres même s'ils peuventcoïncider sinon d'assurer la par¬ticipation effective des trois groupesintéressés à toutes les discussions et

à toutes les décisions les concernant ?

N'est-il pas évident que la nécessitéde la communication et du dialogue,que nous semblons avoir redécouverteà une date récente, s'était imposéealors comme une condition essentielle

pour assurer la confiance sans laquellel'Organisation aurait êuvré en vain ?

C'est peut-être là la clé du succèsavec lequel l'OIT a affronté les diffi¬cultés et les crises de croissance quisont le fait de tous les organismesvivants. Quoi qu'il en soit, il est cer¬tain que cette institutionalisation dela participation et du dialogue est loind'avoir épuisé toutes ses virtualitéset qu'elle demeure aussi actuelleaujourd'hui qu'il y a cinquante ans.

Enfin l'OIT a pris très tôt consciencedu fait que sa mission ne pouvaits'accomplir dans un cadre géogra¬phique étroit, que le monde extérieurà l'Europe était appelé à jouer un rôlede plus en plus important dans lesaffaires internationales et par consé¬quent, que l'Organisation devait viserà des dimensions et à une portée uni¬verselles. Le noyau initial des Etatsmembres était composé des Etatssignataires du traité de Versaillesauxquels s'ajoutèrent les treize Etatsinvités à adhérer au pacte de laSociété des Nations et auxquels futégalement attribué le titre de membreoriginaire.

Cette préoccupation d'élargir lecadre géographique de l'OIT et d'ac¬complir un pas en avant sur la voie del'universalité fut notamment celle de

Harold Butler, qui succéda à AlbertThomas en 1932 et c'est sous son

mandat, en 1934, que les Etats-Unis etl'URSS devinrent membres de l'Orga¬nisation. Ainsi se trouvait confirmée

son aptitude à jouer désormais unrôle de portée mondiale bien avant l'èrenouvelle des organisations internatio¬nales qui devait s'ouvrir au lendemainde la seconde guerre mondiale.

Les objectifs ainsi poursuivis parl'OIT l'ont appelée à mettre au pointdes méthodes nouvelles en matière de

coopération internationale.

Tout d'abord, la technique de la légis¬lation internationale du travail, de l'éla¬boration des conventions et des recom¬

mandations de l'OIT, à leur entrée en

vigueur et au contrôle de leur appli¬cation, demeure un modèle du genre.Il y a en premier lieu des procédurestrès élaborées de consultation des

Etats membres qui précèdent l'adop¬tion des textes par la Conférenceinternationale du travail. Mais plusoriginales encore sont les dispositionsapplicables après une telle adoption.

En effet, les Etats membres ont assu¬mé, à une époque où les exigencesde la souveraineté nationale étaient

affirmées d'une manière sans doute

plus jalouse qu'aujourd'hui, l'obliga¬tion de soumettre une convention

adoptée par la Conférence dans undélai d'un an après la clôture de laconférence (ou de 18 mois en cas decirconstances exceptionnelles) « àl'autorité ou aux autorités dans la

compétence desquelles entre lamatière, en vue de la transformer* enloi ou de prendre des mesures d'unautre ordre ».

La technique remarquable de contrôlede l'application des conventions ren¬forcée en 1946 à la lumière de l'expé¬rience antérieure, comporte, outre lasoumission de rapports par les Etatsmembres dans des conditions très pré¬cises, des dispositions concernant lesvoies de recours, c'est-à-dire la procé¬dure relative aux réclamations et aux

plaintes qui peuvent être élevées à¡'encontre d'Etats qui n'auraient pasassuré d'une manière satisfaisante

l'exécution de conventions ratifiées.

Cet ensemble de règles applicablesen matière de conventions et recom¬

mandations internationales, qui n'a pasmanqué d'inspirer au moins en partie,la pratique d'autres organisations, dontl'Unesco, a constitué une innovationmajeure dans la vie internationale.

On a parfois tendance à opposerl' normative de l'OIT prépondé¬rante dès les débuts de l'Organisation,

aux activités opérationnelles et certainsont pu penser que ces dernières sontrestées au second plan. S'il est vraique jusqu'à l'apparition du Programmeélargé d'assistance technique en 1949,les organisations du système desNations Unies ont manqué de moyenspour apporter une assistance directeà leurs Etats membres, la coopéra¬tion technique, avant qu'elle ne portece nom, a fait son apparition beaucoupplus tôt dans la pratique des institu¬tions internationales. En effet, c'estdans les « années 30 » que l'OIT acommencé à envoyer dans des Etatsmembres, à leur demande, des mis¬

sions techniques qui avaient pour objetde les conseiller dans l'élaboration de

ieur législation sociale.Ces premières missions d'assis¬

tance technique, pour éloignéesqu'elles aient été des activités « surle terrain » selon les modalités et

avec l'ampleur que nous leur connais¬sons aujourd'hui, ont certainementcontribué, si modestement que ce soit,à préparer la conception nouvelle durôle des organisations internationales.

On pourrait sans doute citer d'autresexemples de méthodes utilisées parl'OIT, qui ont fait leurs preuves etqui se sont ensuite généralisées dansla vie internationale, notamment en

matière d'études de problèmes déter¬minés, d'échanges d'informations et depublications, mais ceux que j'ai citésme paraissent illustrer très clairementle rôle de précurseur joué par l'OIT...

Extraits de l'allocution prononcée le 8 mai,1969 à Paris devant le Conseil exécutif de

l'Unesco réuni en présence de M. David A.Morse, directeur général de l'Organisationinternationale du Travail, pour marquer le50° anniversaire de l'OIT.

La première session de la Conférence Internationale du Travails'ouvre à Washington (Etats-Unis) le 29 octobre 1919, quatre moisaprès la signature du Traité de paix de Versailles.

II y a environ 16 millionsd'enseignants dans le.monde. Il en faudra

4 millions de plus en 1970,34 à 44 millions de plusà la fin de ce siècle. Le

recrutement des maîtres et

leur formation posentpartout des problèmesde plus en pluspréoccupants. Pourcontribuer à leur solution,l'OIT et l'Unesco ont

recherché les moyensd'améliorer le statut de la

profession enseignante.Sur la base de vastes

enquêtes menées à traversle monde, ces deuxorganisations ont élaboréune véritable charte

universelle du personnelenseignant dont le textea été adopté à l'unanimitépar une conférence

intergouvernementale réunieà Paris en 1966. Cette

charte définit les droitset les devoirs des

enseignants : conditions deformation, de travail, depromotion, de rémunération,mais aussi responsabilitésmorales et intellectuelles,à tous les niveaux de

l'éducation. A droite, uneclasse maternelle en Inde. wmmMBmmmwmm Wmwmmm

Photo © J.-L. Nou, Parla

Pour un milliard et demi de travailleurs

UN PROGRAMME

DE L'EMPLOI

MONDIAL

par David A. MorseDirecteur Général du Bureau

International du Travail

D

8

EUX cruelles réalités du

monde moderne imposent un Pro¬gramme mondial de l'emploi (PME).D'une part, le progrès économiquedes pays en voie de développement,bien que sensible, reste fort lent, etle fossé entre les pauvres et les richess'élargit chaque jour. D'autre part,l'explosion démographique de cespays met un obstacle au progrès.

Dans la plupart des Etats en voiede développement, plus de la moitiédes profits retirés de l'accroissementde la production ne sert qu'à maintenirun niveau de vie très bas pour unepopulation toujours plus nombreuse.

Les possibilités de travail n'ont pasaugmenté aussi rapidement que l'ef¬fectif des travailleurs. Des millions

d'êtres restent complètement à l'écartdu développement économique, etl'avenir se présente sous des couleursplus sombres encore.

D'après les projections statistiquesdes Nations Unies et de l'OIT, lemonde comptera, en 1970, quelque3,6 milliards d'âmes, dont une popu¬lation active d'environ 1,51 milliard.

Depuis 1960, celle-ci a augmentéchaque année de quelque 20 millionsde personnes et, pour la prochainedécennie, on estime que ce chiffresera de 28 millions.

Ainsi, pour la période compriseentre 1970 et 1980, plus de 280 mil¬lions de personnes viendront grossirla population active mondiale 226millions dans les régions peu déve¬loppées, 56 millions dans celles qui lesont davantage.

Cette augmentation de 280 millionsse répartira comme suit : 173 millionsenviron en Asie, 32 en Afrique, 29 enAmérique latine, 18 en Union Sovié¬tique, 17 en Amérique du Nord, 12 enEurope et 1,3 en Océanie.

L'accroissement net de la popula¬tion active âgée de moins de vingt-cinq ans sera de quelque 68 millionsdont la plus grande partie (64,5 mil¬lions) ira s'ajouter à la main-d'des régions peu développées.

Ce sont des chiffres tels que ceux-ciqui ont amené un auteur ManfredHalpern à dépeindre la situationen ces termes : « Pour la grandemajorité des paysans, les bienfaits de

l'âge moderne peuvent se résumeren disant qu'il est devenu plus diffi¬cile de mourir. »

« En conséquence, *ie nombre desgens de la campagne qui ne survi¬vent que pour souffrir de la misèreest probablement plus élevé qu'il nel'a jamais été... Et maintenant queleur appétit s'est éveillé à l'espoird'une vie meilleure, les souffrancesactuelles leur semblent d'autant plusdifficiles à supporter. »

Heureusement, il est une troisièmeréalité qui est plus encourageante :bien que le volume de l'aide inter¬nationale au développement se soità peine accru au cours des dernièresannées, il existe une certaine soli¬darité internationale qui pousse lespays prospères à assumer quelques-uns des fardeaux du sous-développe¬ment économique et social.

L,,E Programme mondial del'emploi a pour but de renverser latendance à un accroissement constant

des masses de paysans et d'habitantsde bidonvilles qui restent à l'écart dudéveloppement. Il y parviendra, d'unepart, en fournissant les qualificationssans lesquelles on ne peut se livrer àun travail productif, d'autre part, enencourageant le développement ruralet l'industrialisation, en établissant desprogrammes d'emploi pour la jeunes¬se, en prenant des mesures en matièred'investissements et d'échanges inter¬nationaux.

Ainsi, les pays en voie de déve¬loppement seront à même d'employerleurs ressources humaines en plusgrand nombre et d'atteindre l'objectifprimordial du développement qui,somme toute, est d'assurer à lapopulation une vie meilleure.

Le Programme mondial de l'emploisera l'une des principales tâches del'OIT entre 1970 et 1980 notre

contribution à ce que l'on a déjàappelé la deuxième Décennie dudéveloppement. Il faut que ce soit unprogramme de l'emploi, car le seulmoyen de conduire les pays pauvresà une vie meilleure consiste à donner

à leur population un travail productif.

Il faut aussi que ce soit un pro¬gramme mondial car, même si la chargeen incombe avant tout aux pays envoie de développement, le Programmene peut être couronné de succèssans le concours des nations indus¬

trialisées qu'il s'agisse d'uneassistance individuelle, par l'intermé¬diaire de programmes bilatéraux oud'une aide collective, par le truche¬ment de l'OIT et d'autres organisationsinternationales. En outre, les nationsindustrialisées elles-mêmes se trou¬

vent aux prises avec certains pro¬blèmes difficiles qui peuvent aussirelever du Programme mondial.

Ce n'est pas chose nouvelle pourl'OIT que d'aborder de manière cons¬tructive la question de la créationd'emplois. Au cours de la dépressiondes années trente, la Conférenceinternationale du Travail avait adoptédes recommandations relatives aux

travaux publics et à d'autres mesurestendant à augmenter la demande, entant que moyens de lutte contre lechômage, surtout dans les pays indus¬trialisés.

Depuis la seconde guerre mondiale,ce sont les problèmes des pays envoie de développement qui sont passésau premier plan de ses préoccupa¬tions. La formation des travailleurs et

des cadres aux techniques modernesest la contribution principale et enrapide expansion de l'OIT aux pro¬grammes d'assistance et de coopéra¬tion techniques appliqués depuis 1950.

Une part de ces activités a eu pourobjectif concret d'augmenter directe¬ment les possibilités d'emploi, grâceaux projets de coopération techniquede l'Organisation.

En 1964, la Conférence a adoptéune convention et une recommanda¬

tion sur la politique de l'emploi quidonnent une importance particulièreaux problèmes des pays déshérités.

En 1966, la huitième Conférencedes Etats d'Amérique membres del'OIT adoptait le Plan d'Ottawa pourla mise en valeur des ressources

humaines, dont l'exécution a déjàcommencé. Dans ce domaine qui inclutun plan asien de la main-d'auvre etun programme des emplois et descompétences techniques pour l'Afrique,

SUITE PAGE 10

Photos OIT

Des centaines de millions d'emplois nouveaux doivent être créés avant que le chômage nedevienne catastrophique. Rien qu'en Asie, cela signifie. 300 millions d'emplois nouveauxde 1960 à 1980, seulement pour éviter que le chômage actuel ne s'accroisse. Cette année,l'OIT a lancé un Programme mondial de l'emploi, qui peut aider à modifier les données- del'emploi dans le monde grâce à la formation de. travailleurs non qualifiés, qui pourront êtreen mesure d'assurer de nouveaux types d'emploi. En 1963, l'OIT a créé un Centreinternational de perfectionnement professionnel et technique à Turin, Italie (ci-dessous àgauche), avec la collaboration de l'Unesco. Particulièrement équipé pour les pays en voiede développement, il assure une formation plus avancée aux travailleurs aussi bien qu'auxtechniciens et aux équipes de direction d'entreprise. Ci-dessous, à droite,' des ingénieurs duCentre de productivité coréen, à Séoul, discutent des plans de développement del'industrie électronique en République de Corée. Six cents experts de l'OIT travaillent àplus de 250 programmes de coopération technique, dans plus de 90 pays.

PROGRAMME MONDIAL (Suite)

Pourra-t-on enrayer le chômage d'ici 15 ans ?

10

la préoccupation essentielle est deprocurer du travail et de donner lesqualifications sans lesquelles on nepeut travailler.

Quant au Programme mondial del'emploi lui-même, il reflète les pré¬occupations exprimées en 1967 par laConférence internationale du Travail

dans une résolution concernant la

coopération internationale pour ledéveloppement économique et social.

Proposée par le groupe des travail¬leurs, cette résolution demande quesoient préparés des plans pour inten¬sifier l'action de l'OIT et d'inclure « la

formulation d'objectifs dans le domainede l'emploi et de la mise en valeurdes ressources humaines et de l'amé¬

lioration des conditions de travail et

de vie, ainsi que la publication pério¬dique de rapports d'activité, afin que,pendant la période qui suivra laDécennie pour le développement,on s'attaque, sur le plan internationalet d'une manière concertée, à la

pauvreté dans le monde ».

Le cinquantième anniversaire del'Organisation internationale du Travaildevrait être marqué, poursuit la réso¬lution, par la préparation d'un « planmondial de l'emploi et de la mise envaleur des ressources humaines indi¬

quant les objectifs et les mesuresconcrètes qui permettraient à l'OIT derépondre aux besoins économiqueset sociaux urgents de tous les payset réclamant une action tripartite inten¬sive et coordonnée pour mettre envaleur et utiliser les ressources humai¬

nes, améliorer les conditions de vie

et de travail et développer les insti¬tutions sociales ».

Il est important, nous semble-t-il,de distinguer les objectifs sociaux duProgramme mondial de l'emploi deceux qui sont d'abord économiques.L'emploi productif, en soi, est évidem¬ment une notion économique.

Cependant, grâce à une meilleuredistribution de la richesse, il peutconduire à une répartition élargie desfruits du développement alimenta¬tion, logement, un certain degré deconfort modeste. Là où sévit la pau¬vreté, ces gains matériels élémentairessont la première signification du pro¬grès social, sinon la seule.

Les méthodes de développementéconomique qui entraînent des avan¬tages sociaux en donnant du travail etun revenu au plus grand nombrepossible sont infiniment plus sédui¬santes que celles qui ne le font pas.

Même s'il a pour résultat une crois¬sance économique plus lente, le déve¬loppement orienté vers l'emploi doitêtre préféré cour des raisons sociales,pour autant, évidemment, qu'il ne pro¬voque pas une véritable stagnationéconomique. Le Programme doitexploiter toutes les possibilités de par¬venir à un développement de ce genre.

La garantie d'un emploi productif estcertainement la forme la plus claireet la plus concrète de la participationsociale au développement. Cela nesignifie pas que nous refusions à laparticipation sociale la possibilitéd'aller beaucoup plus loin et de s'éten¬dre, par exemple, à quelque forme deconsultation en ce qui concernel'orientation à donner au développe¬ment du pays.

Mais, pour une bonne partie de lapopulation des régions en voie dedéveloppement, la nécessité première,pour le moment, est d'avoir uneoccasion de travailler.

Le choix du Programme mondialcomme ressort des activités de l'OIT

au cours de la sixième décennie de son

existence entraînera évidemment pourl'Organisation diverses modificationsde sa manière de penser et d'agir.Elle s'occupera de ceux qui n'ont pasde travail plutôt que de ceux qui ontdéjà un emploi. Les problèmes dedéveloppement rural prendront proba¬blement une importance beaucoupplus grande.

Du fait que d'autres organisationsinternationales s'intéressent égalementaux facteurs qui influent sur l'emploi,il y aura peut-être lieu de prévoir denouveaux modes de collaboration

entre organisations.

C.IOMMENT les objectifs duProgramme seront-ils atteints ? Toutd'abord, une déclaration indiquera cequi est souhaitable et possible enmatière de création d'emplois et deformation professionnelle et proposerales mesures que devront prendre lesdivers pays et organisations interna¬tionales pour parvenir à ce but.

Ensuite, l'OIT recourra à tous les

moyens dont elle dispose pour s'assu¬rer que ces mesures sont réellementprises. Ainsi sera établi, au coursd'une première étape, le programmed'action que l'on mettra à exécutionpendant la seconde.

La première étape comportera l'éta¬blissement d'objectifs ou, en d'autrestermes, de chiffres précis. Il ne s'agirapas simplement de proclamer qu'il estsouhaitable de créer plus d'emploiset d'avoir une main-d' mieux

qualifiée. Bien plutôt, on indiquera lenombre provisoire des travailleursqu'il faudra engager dans des travauxdéterminés, à certaines dates dans unepériode allant de cinq à quinze ans àpartir d'aujourd'hui.

De telles estimations ne peuventêtre ni très précises ni très détaillées,

mais cela ne signifie pas qu'elles doi¬vent rester vagues. A l'intérieur decertaines limites, elles montreront dans

quelle mesure il est possible d'enrayerle chômage et le sous-emploi, puis de

les réduire, sinon dans cinq ans, dumoins dans dix ou quinze ans.

Pour le Programme tel qu'il a étéconçu, cet aspect quantitatif est d'uneimportance primordiale. Il marque toutela différence qui sépare de vaguesintentions d'une résolution ferme, lacharité internationale de la véritable

collaboration pour le développement.

Il a pour but de préparer un avenirclair et sain plutôt que d'atténuersimplement des difficultés présentes.Il doit être propre à inspirer uneconfiance modérée plutôt que la rési¬gnation et le défaitisme.

Pour fixer des objectifs et pourélaborer des programmes d'activitéconcrets, des informations et des

données nombreuses sont indispen¬sables, ce qui demandera évidemmentbeaucoup de temps et d'efforts. Toutd'abord, il faudra avoir quelque notiondes tendances de l'accroissement

démographique, de l'emploi et duchômage, de la formation profession¬nelle et de l'enseignement, des mou¬vements de travailleurs entre la cam¬

pagne et la ville, ainsi que de nom¬breux autres aspects du recours oudu non-recours aux ressources humai¬

nes et de l'insuffisance (parfois del'excès) de leur mise en valeur.

Puis viendra le moment de déter¬

miner ce qui peut être fait pouraméliorer les perspectives d'avenir.En théorie, il existe de nombreusesméthodes de créer des possibilités detravail et de donner les qualificationsprofessionnelles nécessaires, maisl'établissement d'une politique prati¬que exige des informations plus pré¬cises.

Par exemple, on peut présumer quecertains types de réforme agraire etde développement de la petite industrieaugmenteront l'emploi, mais combienà peu près de nouvelles possibilitésde travail seront-elles créées, dansquel délai et à quel prix? Quel seral'accroissement de la production etquelles sont les chances d'écoulercette production accrue ?

Il est indispensable d'établir cer¬taines prévisions pour un avenir relati¬vement lointain. Ainsi, on ne saura

comment adapter l'enseignement pri¬maire aux véritables besoins des paysen voie de développement si l'on n'apas quelque idée de ce que sera, plustard, la vie professionnelle de la plu¬part des élèves actuels.

De même, on ne peut établir ungrand programme de travaux publicspour absorber la main-d'�uvre ruraleinoccupée sans estimer au préalableles possibilités de commercialiser lesurplus de production qui en résul¬terait. La quantité de travail et de painqu'un pays peut offrir à sa population,les qualifications dont ses travailleursont besoin dépendent largement de lastructure économique et sociale de ce

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Sur les hauts plateaux des Andes, sept millions d'Indiens n'avaient d'autre lot que la misère. C'estce qui a amené l'OIT à lancer, en 1954, le Programme Andin, en coopération avec d'autresinstitutions spécialisées des Nations Unies. Un système de 20 bases d'action a été mis en place ;chacune constituait en elle-même une opération internationale en miniature. L'expert de la FAOenseignait de nouvelles méthodes d'agriculture, l'équipe de l'OMS donnait des notions d'hygiène,combattait la malnutrition et assurait de meilleures conditions sanitaires, l'Unicef, pour sa part,

s'occupait des problèmes de l'enfance, l'Unesco et l'OIT implantaient des écoles que les Indiensconstruisaient généralement eux-mêmes, et les spécialistes de l'OIT se chargeaient de la formationprofessionnelle. Selon la formule « Chacun enseigne ce qu'il sait à son prochain », les responsablesdes communautés formés par l'OIT continuèrent le travail après le départ des experts internationaux,et peu à peu les experts nationaux de six pays concernés par le Programme Andin, Bolivie, Pérou,Equateur, Colombie, Chili et Argentine, se chargèrent des directives des opérations. Lesremarquables résultats du Programme Andin ont encouragé l'OIT qui, en 1966, a inauguré le Pland'Ottawa pour le développement des ressources humaines en Amérique latine et dans les Caraïbes, lepremier d'une série de programmes régionaux inclus dans le Programme mondial de l'emploi. Ci-dessus,un fermier péruvien.

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PROGRAMME MONDIAL (Suite)

Des centaines de millions d'emplois à créer

12

pays, des investissements qui ont étéfaits par le passé au profit de laterre et des systèmes de transport,d'éducation, de transformation desmatières premières.

Nous savons que les structuresactuelles des pays en voie de déve¬loppement ne permettent pas d'attein¬dre de hauts niveaux d'emploi, maisil ne sera possible d'en prévoir demeilleures que si nous nous formonsune idée assez claire de leur utili¬

sation à long terme.

En Amérique latine, en Asie et enAfrique, des équipes, mises en placepar l'OIT, sont chargées de réunir et decoordonner, pays par pays, les don¬nées et les estimations existantes et

de combler les nombreuses lacunes.

Lorsque ces renseignements serontcomplets, l'OIT fixera des programmesd'activité pour chaque région, pour uncertain nombre de sous-régions et, sicela lui est demandé, pour des payspris séparément. Les programmesrégionaux seront alors coordonnés etprésentés sous la forme du Pro¬gramme mondial de l'emploi, combi¬nant de la sorte l'action nationale,

régionale et mondiale.

Il est évident que des plans qui por¬tent sur la création d'emplois et l'ac¬quisition de compétences techniquesauront des ramifications dans tous les

domaines du développement : éduca¬tion, agriculture et développement ru¬ral en général, industrialisation, échan¬ges internationaux.

Voilà pourquoi le Programme estconsidéré comme un élément d'une

deuxième Décennie des Nations Unies

pour le développement, comme lacontribution de l'OIT à l'attaqueconcertée que mènera la communautéinternationale contre le sous-dévelop¬pement de 1970 à 1980. Cet aspectdu Programme est fort bien illustrépar la composition de l'équipe d'expertsqui s'occupe déjà du Plan d'Ottawa.

Lorsque les équipes régionalesauront été à l'@uvre pendant deuxans environ, les premiers projets deplans régionaux seront prêts. Ilsseront rudimentaires, demanderont àêtre revus constamment, exigeront desétudes plus approfondies.

Cependant, même imparfaits, ilsapporteront quelque chose de neuf :des indications sur la direction à

prendre pour obtenir le niveau d'em¬ploi le plus élevé possible compatibleavec les objectifs économiques etsociaux adoptés et les qualificationsexistantes et potentielles.

Ils proposeront des mesures àprendre par les gouvernements, lesorganisations d'employeurs et de tra¬vailleurs, l'OIT et les autres institutionsinternationales dans les domaines de

l'industrialisation, du développementrural, des programmes d'emploi desjeunes, de la politique des salaires, de

la formation professionnelle et de l'édu¬cation, du commerce international.

Ils indiqueront aussi les efforts sup¬plémentaires qui seront nécessaires siles résultats attendus des programmesproposés sont jugés insuffisants. Ilss'efforceront aussi d'exposer lesconséquences tragiques qui peuventse produire si ces recommandationsne sont pas suivies.

C,IE sera à l'OIT de mettre en

tous ses moyens d'action pourobtenir l'exécution du Programme. Toutd'abord, la Conférence internationaledu Travail a la faculté de présenterdes recommandations et d'agir par lapersuasion. L'année 1969, pendantlaquelle l'OIT célèbre son cinquante¬naire, la Conférence est chargéed'examiner les buts et les méthodes

du Programme et d'établir des direc¬tives à ce sujet lors de la discussionde mon rapport. Puis, à sa session de1970, elle sera saisie d'un rapport surles travaux accomplis.

La Conférence sera invitée à approu¬ver les lignes générales des pro¬grammes d'action proposés. Avec toutle poids de son prestige, elle enrecommandera alors l'exécution à tous

les Etats Membres de l'OIT. A partirde ce moment, la Conférence et leConseil d'administration recevront

régulièrement des rapports d'activitéqui indiqueront dans quelle mesureles recommandations de la Conférence

sont suivies et avec quels résultats.

Si les objectifs ne sont pas atteints,la Conférence et le Conseil d'adminis¬

tration seront invités à examiner les

raisons de cet insuccès et à proposerdes corrections et des améliorations.

En revanche, si les résultats dépassentl'attente, on renforcera le Programmeet on fixera des objectifs qui aurontune plus vaste envergure.

De même, dans chaque région, desplans et des rapports préliminairesseront soumis à la Conférence régio¬nale de l'OIT et à la Commission

consultative intéressée. Ces organis¬mes régionaux pourront alors agirauprès de certains pays, ou groupesde pays, pour obtenir l'applicationcomplète et énergique du programme.

Bien entendu, c'est sur le pays envoie de développement que la princi¬pale responsabilité reposera en pre¬mier lieu. Cependant, beaucoup dépen¬dra aussi des Etats industrialisés, deleurs programmes multilatéraux et bila¬téraux d'assistance, de leur politiqueen matière de commerce et d'inves¬

tissements.

En fait, les programmes de l'actionrecommandée pourraient devenir lecadre national, régional et mondial

dans lequel s'intégreraient les acti¬vités nationales d'aide bilatérale. Etant

donné le volume relativement impor

tant de cette forme d'assistance, unetelle fonction de coordination pourraitavoir une portée considérable.

Le programme de coopération tech¬nique de l'OIT, étayé par les travauxde recherche de l'Organisation, seranaturellement en tout temps à la dis¬position des divers pays pour les aiderà mener à bien l'action qui leur seraproposée. Une part de cette coopéra¬tion technique peut être financée parle budget de l'OIT. Mais, depuis 1960,c'est par l'intermédiaire des NationsUnies le Fonds spécial et le Pro¬gramme élargi d'assistance technique,réunis à partir du 1" janvier 1966 sousla dénomination commune de Pro¬

gramme des Nations Unies pour ledéveloppement que les fonds lesplus importants ont été mis à la dis¬position de la coopération technique.

La majeure partie des crédits ainsiattribués à l'OIT (dont le montants'élève actuellement à quelque 20 mil¬lions de dollars par année) a toujoursété consacrée à la formation profes¬sionnelle et à d'autres activités quicontribuent à augmenter le volume del'emploi. A l'avenir, ces fonds devraientapporter une aide plus grande encorepour l'exécution du Programme. Onpeut prévoir un apport d'autres orga¬nisations internationales et de pro¬grammes d'aide bilatérale. Si d'autresinstitutions ont pris part à l'élaborationdes programmes d'activité, elles vou¬dront peut-être contribuer par leursressources à la mise en euvre des

mesures proposées.

D'ailleurs, même dans leurs propresactivités, qu'elles s'exercent dans lesdomaines de l'éducation, de l'agri¬culture, des investissements, du com¬merce ou dans d'autres encore, cesinstitutions voudront certainement

tenir compte des lignes directricestracées par le Programme mondialpour un développement axé sur desobjectifs d'emploi.

C'est seulement en organisant cevaste front d'action véritablement

concertée que le Programme mondialde l'emploi a quelque chance d'attein¬dre ses objectifs. Les réactions enre¬gistrées jusqu'ici sont encourageantes.De nombreux pays, de nombreusesorganisations internationales ont déjàexprimé leur désir de se joindre àl'OIT pour cette entreprise d'enver¬gure mondiale.

Néanmoins, nous ne devons pasnous méprendre sur l'ampleur de latâche qui nous attend. Le Programmemondial est une tentative extrêmement

ambitieuse et il exigera des effortsprolongés et résolus qui seront de¬mandés en premier lieu à l'OIT et àses participants.

Toutefois, pour marquer son cin¬quantenaire, l'Organisation pouvait-ellemettre un projet moins ambitieux auservice de la justice sociale ?

L'article que nous

pub/ions ici est un

condensé, préparé

par notre rédaction, d'une

importante étude faite

par Jean de Givry, chef

du département du

développement desinstitutions sociales

du Bureau international

du Travail, sur l'évolution des

relations entre employeurset travailleurs, et sur le rôle

joué dans ce domaine par

l'OIT. Cette analyse fait

le point, au plan

international, des grands

courants qui ont marqué lemonde du travail au cours

des 50 dernières années.

En page 20, nous pub/ions

de larges extraits desconclusions de l'auteur

lui-même.

Un style nouveau dans

le monde de l'entreprise

LA PARTICIPATION

P,OUR comprendre la signi¬fication du rôle de l'Organisation inter¬nationale du travail (OIT), il fautd'abord dégager les grands courantsqui, au cours des dernières décennies,se sont peu à peu dégagés dans lemonde du travail.

Le premier est lié à l'importancereconnue du facteur humain ; c'est au20" siècle, en effet, que les travail¬leurs dans l'entreprise ont été consi¬dérés en tant qu'individus ou membresde groupes de travail, et non commefacteurs anonymes de rendement.

Second courant : la modification desstructures fondamentales de l'entre¬

prise (nationalisation, participation à ladirection des entreprises publiques,système d'autogestion ou de coges¬tion, toutes formules qui modifiaientessentiellement le régime du salariatet du capitalisme).

Troisièmement enfin, une nouvelle

prise de conscience du travailleur quivise à réglementer le comportementdes dirigeants d'une entreprise demanière à limiter leur liberté d'action.

Ce dernier courant n'est pas lemoindre : pour le travailleur, le patronest devenu une sorte de monarqueconstitutionnel dont l'autorité est sou¬

mise à une série de principes recon¬nus : droit d'organisation et de négo¬ciation collective, droit de grève, pro¬tection des représentants des travail¬leurs dans l'exercice de leur fonction,droit d'association à la marche de l'en¬

treprise. Au nom de ces garantiesacquises, le contrat passé entre em¬ployeurs et travailleurs s'est trouvéessentiellement modifié.

Le travailleur a désormais voix au

chapitre : les hommes veulent êtreconvaincus de l'utilité de leur travail,participer à l'amélioration de lasociété, et entendent, chacun à son

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LA PARTICIPATION (Suite)

Vers une décentralisation des responsabilités

14

niveau, garder confiance dans leurvaleur personnelle.

De ces revendications fondamen¬

tales est issue une nouvelle techniquede di.-ection dans le cadre de l'entre¬

prise ; il est désormais nécessairepour l'entreprise de faire connaître auxtravailleurs qui y travaillent la raisond'être du travail, l'utilisation des pro¬

duits fabriqués, la compétence descadres dirigeants.

En 1967, la Conférence internatio¬nale du travail a souligné l'importancedes communications entre direction et

travailleurs au sein des entreprises ences termes : « Les employeurs et leursorganisations, de même que les tra¬vailleurs et leurs organisationsdevraient, dans les entreprises, recon¬naître l'importance d'un climat decompréhension et de confiance réci¬proque, favorable à la fois à l'efficacitéde l'entreprise et aux aspirations destravailleurs. » A ces fins, « ... les chefs

d'entreprise devaient adopter, aprèsconsultation des représentants destravailleurs, des mesures appropriéespour appliquer une politique efficacede communication avec les travailleurs

et leurs représentants. »

L'avantage de ces méthodes démo¬cratiques de collaboration sur les mé¬thodes autoritaires de commandement

a été mis en lumière dans de nom¬

breuses études de psychologie indus¬trielle. Selon un sociologue contem¬porain, Richard F. Behrendt (Rép. Féd.d'Allemagne), dans le dernier tiers du20B siècle, les hommes n'obéiront

aux ordres autrement que de manièrestrictement mécanique, que si cesordres leur ont été expliqués et jus¬tifiés. Le « patron », c'est désormais

le chef qui sait susciter la collabora¬tion active de ceux qu'il a à diriger.A l'ancien concept de direction sesubstitue le « participative manage¬ment » (la direction qui fait participerles travailleurs).

Une telle politique, absolument nou¬velle dans la gestion de l'entreprise,suppose une organisation de gestionde l'entreprise qui implique une décen¬tralisation des responsabilités, c'est-à-dire qu'un nombre toujours de plusen plus grand de subordonnés, auxdivers niveaux techniques, doit êtreen mesure de partager la responsa¬bilité des décisions, voire de les assu¬mer. Il va sans dire que, pratiquement,les choses sont souvent bien loin en¬

core de se passer toujours ainsi, etque les cadres protègent trop souventce qu'ils tiennent pour leur fief exclusif.

Il n'en reste pas moins que lesstructures de l'entreprise privée con¬naissent une évolution profonde etque la promotion des travailleurscomme leur participation sont aujour¬d'hui principes acquis, même si lesmodalités pratiques sont encorefloues.

Toutefois, d'autres phénomènes sesont simultanément affirmés ; ceux-cin'ont rien à voir avec la réforme de

l'entreprise privée, mais avec sa sup¬pression. Une première série d'exem¬ples en est donnée par les mesuresqui, en URSS et dans les pays dedémocratie populaire, ont mis en placede nouvelles structures d'entreprisedans le cadre d'un régime socialisteà économie planifiée. Les régimes degestion sont cependant différentsselon les pays.

En URSS, par exemple, la respon

sabilité de la gestion est dévolue audirecteur de chaque entreprise, tenupour responsable unique, mais despouvoirs de codécision importantssont accordés aux comités syndicauxdes entreprises pour la plupart desquestions intéressant le personnel ;divers mécanismes direction-travail¬

leurs ont été mis au point pour per¬mettre la participation des travailleursà l'élaboration et à l'application desplans de l'entreprise.

Depuis 1950 a été introduit enYougoslavie le principe d'autogestiondes entreprises, tout travailleur parti¬cipant à cette gestion par l'intermé¬diaire de délégués élus. Ce droitfondamental a été incorporé à laConstitution de 1963.

La Pologne, depuis 1968, jouit d'unrégime de gestion ouvrière ; la confé¬rence de gestion ouvrière est compo¬sée de membres du comité syndicald'entreprise, du comité exécutif duParti communiste et du conseil ouvrier

(élu par les travailleurs). Cet organesuprême est chargé de veiller à l'acti¬vité de l'entreprise et d'établir lesgrandes lignes de son développement.

En Roumanie, depuis 1968, les comi¬tés de direction des entreprisesindustrielles se composent du direc¬teur-président général de l'entreprise,des directeurs, ingénieurs et spécia¬listes, et du président du comité syn¬dical et des représentants des salariésélus pour deux ans.

Mais dans d'autres pays, d'autressystèmes encore prévoient la représen¬tation des travailleurs dans les con¬

seils d'administration des entreprises :elle est parfois placée sur un piedd'égalité avec celle des actionnaires,

CONTRE

LA DISCRIMINATION

RACIALE

Depuis cinquante ans, l'OIT lutte contre

la discrimination dans l'emploi et laprofession pour obtenir l'égalité des droits

et des salaires des travailleurs, 0 <-quelles que soient leur race ou leur couleur.

A cet égard, elle a établi en 1958 une

Convention actuellement ratifiée par 67 Étatsmembres. Simultanément, l'Unesco

a mené la même action et a adoptéune Convention analogue

dans le domaine de l'enseignement,ratifiée aujourd'hui par 50 États membres.

Photo Bureau International du Travail

comme dans certaines entreprisescharbonnières et sidérurgiques enRépublique Fédérale d'Allemagne. Unsystème analogue existe dans lesconseils d'administration des entre¬

prises publiques de la RépubliqueArabe Unie.

Dans d'autres cas, les représentantsdes travailleurs n'occupent qu'uneminorité des sièges des conseilsd'administration et de surveillance,ainsi en République Fédérale d'Alle¬magne, en Autriche, et dans les indus¬tries nationalisées françaises, tandisque d'autres formules de représenta¬tion sont en vigueur dans les entre¬prises publiques de la RépubliqueArabe Syrienne et du Mali.

Quelles que soient les réformes ac¬quises, d'autres réformes sont toujourssur la sellette, en particulier en Europeoccidentale. En République Fédéraled'Allemagne, les syndicats demandentl'extension du système de cogestionà l'ensemble des grandes entrepriseset les employeurs s'y opposent. EnAutriche, les syndicats réclament lacogestion. Aux Pays-Bas, les troiscentrales syndicales veulent que lacomposition des conseils d'administra¬tion reflètent les intérêts des fournis¬

seurs du capital et des travailleurs.Au Royaume-Uni, diverses revendica¬tions se manifestent.

En France, le débat sur la participa¬tion, amorcé depuis plusieurs annéesse précise : pour le patronat, la parti¬cipation est inséparable de l'efficacité,mais ne saurait être confondue avec

le désordre des structures hiérarchi¬

ques ou la contestation permanente :périls que doit conjurer l'unité dedirection assurée par le chef d'entre

prise, propriétaire ou responsabledevant les actionnaires, tenu d'exercer

son autorité avec larges délégations depouvoir aux cadres et dans un soucipermanent d'informer les travailleurssalariés.

En dépit de ces tâtonnements quiont assuré cependant aux travailleursune nouvelle situation dans l'entre¬

prise dans bon nombre de pays, rienn'est tout à fait réglé.

L 'OIT s'est attachée au pro¬blème et a cherché, compte tenu desdiversités politiques et économiques,à dégager certaines constantes ; de¬puis un demi-siècle, l'OIT a obtenul'adoption de conventions et recom¬mandations internationales qui pré¬voient pour les travailleurs des normesde protection qui doivent être respec¬tées par les Etats membres, si ellessont incorporées à une conventionqu'ils ont ratifiée, ou qui doit inspirerleur ligne de conduite.

De plus, l'OIT a, dès sa création,contribué à la reconnaissance et au

renforcement du syndicalisme. Elle aadopté des normes internationalesdestinées à garantir la liberté syndi¬cale et à promouvoir le droit d'organi¬sation et de négociation collective(1948 et 1949), aux termes de conven¬tions ratifiées par 76 et 84 Etats mem¬bres. Les problèmes soulevés par lesnouvelles relations entre employeurset travailleurs relèvent donc de sa

compétence : aussi a-t-elle inscrit, en1968, la question de la protection desreprésentants des travailleurs dans

l'entreprise à l'ordreirdu^jour de lafii

Conférence internationale du travail

de 1970 en vue de l'adoption d'uninstrument international.

Tous les travailleurs des pays indus¬trialisés sont aujourd'hui soucieux detrouver de nouvelles formes de négo¬ciations collectives, qui permettraientun renforcement du contrôle syndicaldans l'entreprise. Ainsi la Commissionroyale des syndicats et des associa¬tions d'employeurs s'est, au Royaume-Uni, longuement penchée sur le pro¬blème (1965-1968). L'existence dedeux systèmes de relations profes¬sionnelles, dont l'un repose sur laconvention collective d'industrie ré¬

glant les salaires, les conditions d'em¬ploi et la durée du travail, l'autre lesrapports réels entre syndicats et asso¬ciations d'employeurs, délégués syndi¬caux et travailleurs, engendre descontradictions. Aussi la Commission

s'est-elle prononcée pour le dévelop¬pement de la convention collective auniveau de l'entreprise, afin que lesaccords conclus réglementent les sa¬laires, établissent des comités de

négociation, déterminent les droits etobligations des délégués du personnelet traitent des questions afférentes àla marche de l'entreprise (embauche,licenciements, discipline).

Parallèlement, on constate dans despays qui ont une longue expériencede la négociation collective, commeles Etats-Unis et le Canada, une ten¬dance à élargir les pouvoirs de lanégociation collective, au détriment dela direction de l'entreprise. Ainsi -A rquand une grève éclata en octobre | J)1964 dans les chemins de fer natio¬

naux du Canada, le juge chargé d'en¬quêter sur le différend signifia que la

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LA PARTICIPATION (Suite)

A l'abri des licenciements injustifiés

direction devrait ajourner l'introduc¬tion de changements technologiquesjusqu'à ce que le syndicat ait étéinformé de ces changements et ait eula possibilité d'entamer des négocia¬tions à ce propos.

Mais les conventions internationales

du travail n'ont pas traité explicitementdu droit de grève, droit explicitementreconnu dans les législations, voireles constitutions de plusieurs pays, demême que par la Charte sociale euro¬péenne, qui a été préparée avec lacollaboration de l'OIT et signée en1961 par les représentants des gou¬vernements des Etats membres du

Conseil de l'Europe. Il n'est pas sur¬prenant qu'une réglementation inter¬nationale du droit de grève n'ait pasété promulguée. Au niveau national,elle n'a souvent pas été jugée possible.

Par ailleurs, la notion de grève estsouvent difficile à cerner par desrègles juridiques précises ; ainsi, àcôté des grèves déclenchées par lessyndicats à l'appui de leurs revendi¬cations, il existe des grèves « sau¬vages » ou « inofficielles », désap¬prouvées par les syndicats. Dans lesservices d'intérêt public, l'exercice dudroit de grève pose des problèmesparfois sans commune mesure avecles revendications qui provoquent lagrève. Aussi est-il nécessaire d'étu¬dier les diverses méthodes utilisées

dans les divers pays pour prévenir etrégler les conflits collectifs du travaildans les entreprises. Le Bureau inter¬national du travail prépare actuelle¬ment une étude comparative sur cettequestion.

A,

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UNSI donc, la législation dutravail et l'action syndicale ont aboutià faire reconnaître certains droits pré¬cis aux représentants des travailleurs,droits qui leur permettent de discuteravec les directions d'entreprise sur unpied d'égalité, et qui confèrent auxtravailleurs eux-mêmes un statut quiles met à l'abri de l'arbitraire. Ce quisignifie pour le travailleur le droit d'êtretraité équitablement et objectivementen cours d'emploi, et de ne pas êtreinjustement privé de son emploi.

En 1967, la Conférence internatio¬nale du travail a formellement consa¬

cré le droit, pour tout travailleur quiconsidère avoir un motif de réclama¬

tion, de présenter cette réclamationsans qu'il en résulte pour lui un pré¬judice quelconque, et de faire exami¬ner cette réclamation selon une pro¬cédure appropriée.

Quant à la garantie de l'emploi, leprincipe selon lequel un travailleur nepeut être arbitrairement privé de sonemploi a été lui aussi consacré auniveau international par la Conférenceinternationale du travail, en 1963;désormais « aucun licenciement ne

devrait intervenir sans qu'il existe unmotif valable de licenciement lié à

l'aptitude ou à la conduite du travail¬leur, ou fondé sur les nécessités defonctionnement de l'entreprise, del'établissement ou du service ».

Un très grand pas en avant a doncété fait par rapport à la conceptiontraditionnelle selon laquelle un em¬ployeur ayant recruté un travailleursous le régime d'un contrat de duréeindéterminée pouvait y mettre fin desa propre volonté, sans avoir à justifierson action, et seulement tenu de don¬

ner un préavis d'une certaine durée.

Ce principe de la justification dulicenciement, qui était déjà contenudans certaines législations nationales,notamment en République fédéraled'Allemagne, en Norvège et enU.R. S.S. a, depuis l'adoption de larecommandation de la' Conférence

internationale du travail de 1963, faitdes progrès sensibles et a été incor¬poré, par exemple, dans de nouvelleslégislations promulguées en Italie et àChypre.

Au Royaume-Uni, la Commissionroyale des syndicats et associationsd'employeurs a traité dernièrementdes garanties à accorder aux salariéscontre des licenciements injustifiés.Une majorité de ses membres a recom¬mandé l'adoption d'une législation po¬sant le principe de la justification dulicenciement, dans les termes de la re¬commandation internationale du travail.

En conséquence, si le travailleur« estime avoir fait l'objet d'une mesurede licenciement, injustifiée », il devraitavoir le droit de recourir contre cette

mesure, dans un délai raisonnable,

« devant un organisme institué en vertud'une convention collective ou devant

un organisme impartial tel qu'un tribu¬nal, un arbitre, une commission d'arbi¬

trage ou un organisme similaire » ;cet organisme « devrait être habilité àexaminer les motifs invoqués pourjustifier le licenciement, ainsi que lesautres circonstances pertinentes, et àse prononcer sur la justification dulicenciement ». S'il conclut que le licen¬ciement est injustifié, il devrait êtrehabilité à ordonner que le travailleurintéressé reçoive une indemnisation

adéquate ou une autre forme de répa¬ration, sauf à être réintégré avec paie¬ment du salaire non perçu.

Cependant, la recommandation adop¬tée par l'OIT ne signifie pas que cetorganisme devrait être habilité à inter¬venir dans la détermination de l'impor¬tance numérique du personnel de l'en¬treprise, de l'établissement ou duservice. La disposition qui spécifie cefait est à rapprocher de celle qui pré¬voit que le motif du licenciement peutêtre « fondé sur les nécessités du

fonctionnement de l'entreprise », c'est-à-dire qu'un travailleur peut être licen¬cié sans qu'il ait commis de faute etmême si son travail donnait satisfac

tion, pour la seule raison que son em¬ploi est devenu superflu.

A une époque de changements tech¬nologiques rapides et de compétitivitéaccrue, il est en effet admis qu'uneplus grande mobilité de la main-d'vre est un des traits de la société

industrielle, si elle veut se mainteniren expansion. Le principe selon lequelun travailleur devrait à tout prix êtremaintenu dans son emploi n'est plusreconnu comme un objectif valabled'une politique sociale soucieuse d'as¬surer le progrès du plus grand nom¬bre. De ce fait, l'objectif de sécuritédans l'emploi fait place à l'objectif dela sécurité du revenu et de la sécurité

de l'emploi en général.

En 1964, la Conférence internatio¬

nale du travail a prévu que des mesu¬res d'adaptation aux modifications destructure devraient être prises ; leurbut devrait être « de tirer le plus grandavantage du progrès économique ettechnique et de mettre les groupes etles individus atteints dans leur emploià l'abri des pertes financières et au¬tres inconvénients provoqués par lesmodifications de structure ».

Aider les travailleurs victimes d'une

réduction du personnel à maintenir lasécurité de leur revenu, à trouver unnouvel emploi, et s'il le faut, à acquérirles qualifications nécessaires à l'ob¬tention de cet emploi, tels sont désor¬mais les objectifs essentiels d'une po¬litique de l'emploi.

D'ANS le combat industriel

que mènent les sociétés modernes,

des groupes de travailleurs sont « detrop » et deviennent des victimes, maisla société doit faire jouer à plein lasolidarité professionnelle et nationaleen leur faveur. Comme elle doit tout

entière bénéficier du progrès économi¬que, elle doit assumer aussi les coûtssociaux de ce progrès : tel est lenouveau principe, qui, sur le plan dela justice sociale, parait désormaiss'affirmer.

Simultanément se fait jour le droitde participation du travailleur à lamarche de l'entreprise. Dans de nom¬breuses entreprises, des organismesgénéralement appelés comité ou con¬seil d'entreprise ont été mis sur pied.De caractère essentiellement consul¬

tatif, au moins dans le domaine éco¬nomique, ils ont pour but de permettreune association plus ou moins étroitedes travailleurs à la marche des entre¬

prises. Des législations à cet effetavaient déjà vu le jour dans certainspays après la fin de la PremièreGuerre mondiale. Mais c'est surtout

après la Seconde Guerre mondiale quele mouvement se développa vigoureu¬sement.

En 1952, la Conférence internatio¬

nale du Travail prévoyait que « des

mesures appropriées devraient êtreprises en vue de' promouvoir la con¬sultation et la collaboration entre em¬

ployeurs et travailleurs sur le plan del'entreprise pour les questions d'inté¬rêt commun n'entrant pas dans le ca¬dre des procédures de négociationcollective, ou ne faisant pas norma¬lement l'objet d'autres procédures dedétermination des conditions d'em¬

ploi ».

Quelques années plus tard, la Com¬mission d'experts de l'OIT pour l'ap¬plication des conventions et recom¬mandations signalait que l'on pouvaitprévoir que les systèmes de consulta¬tion et de collaboration au sein de

l'entreprise gagneraient de proche enproche. Aujourd'hui, des mécanismesde collaboration ont été mis en placeà la suite de dispositions législativesen Rép. féd. d'Allemagne, en Autriche,en Belgique, au Congo (Kinshasa), enEspagne, en Finlande, en France, enIrak, aux Pays-Bas, en Tanzanie et enTunisie.

Dans d'autres pays, où il n'existepas de dispositions législatives impe¬ratives à cet égard, des mécanismesanalogues ont été créés en vertu soitd'accords nationaux conclus entre les

centrales syndicales et les confédéra¬tions d'employeurs (par exemple, auDanemark, en Norvège, en Suède, enItalie), soit d'initiatives particulières(comme au Royaume-Uni, au Canadaou en Inde).

La modification des relations entre

employeurs et travailleurs prend toutson relief avec le droit de participationaux résultats de l'entreprise. Ce droita été déterminé dans divers pays envertu d'une réglementation législative,ou de réglementations contractuelles,ou d'initiatives volontaires ; ainsi appa¬rurent divers systèmes qui consacrentle droit des travailleurs à participeraux bénéfices des entreprises. L'unedes formules retenues facilite l'achat

d'actions de sociétés par les travail¬leurs, que ce soit dans l'entreprise àlaquelle ils appartiennent ou dans uneautre ; on s'achemine ainsi vers l'ex¬

tension d'un « capitalisme populaire ».

Cette tendance a été consacrée en

France par une ordonnance de 1967.Elle vise à faire participer obligatoi¬rement les salariés aux fruits de l'ex¬

pansion de l'entreprise dès lors quecelle-ci emploie plus de 100 salariés.Un « droit nouveau » se trouve par làmême reconnu aux travailleurs. Cette

législation est apparentée à des initia¬tives législatives et contractuelles pri¬ses en République fédérale d'Allema¬gne pour encourager les travailleurs àla possession d'un capital.

Il apparaît donc qu'aujourd'hui uneforte réaction s'est affirmée à diffé¬

rents niveaux contre la dépersonna¬lisation du travailleur, engendrée parles conditions d'exécution du travail

dans les entreprises industrielles mo-

SUITE PAGE 18

Photo <D Ethel - Snark International

LIBERTÉ SYNDICALE

ET DROIT DE GRÈVE

Au cours des dernières décennies, la législation du travail et l'action

syndicale ont abouti à faire reconnaître aux travailleurs des droits qui

leur permettent de discuter sur un pied d'égalité avec la direction des

entreprises. De plus, les travailleurs ont acquis un statut qui les met à

l'abri de l'arbitraire (licenciement, insécurité dans le travail, durée

excessive du travail, etc.). Aucune réglementation internationale n'a été

promulguée au sujet du droit de grève, mais le Bureau international du

travail reconnaît implicitement la non-limitation de la grève en cas

d'arbitrage inacceptable.

17

18

LA PARTICIPATION (Suite)

dernes. Si la rationalisation techniquetend à faire de l'homme au travail un

outil, en revanche, les droits nouveauxdu travailleur tendent à lui garantir sadignité, et une existence vraimenthumaine.

Sur le plan des structures de l'en¬treprise, nombreux aujourd'hui sontceux qui reconnaissent que la transfor¬mation de la condition ouvrière n'est

pas nécessairement liée à l'abolitionde la propriété privée des moyens deproduction. Un sociologue français,Pierre Drouin, a précisé que « les en¬quêtes convergent pour montrer quece n'est pas le système de propriétédes biens de production qui aliènel'homme, mais tout simplement le sys¬tème de production ». De nos jours,le problème des rapports entre em¬ployeurs et travailleurs se pose plusen termes de « pouvoir » qu'en termesde « propriété ». Il s'ensuit que le droitdes travailleurs à se voir reconnaître

un certain pouvoir dans l'entreprisedevrait découler de leur qualité desalariés.

Toutefois, il reste à savoir si l'ac¬croissement de pouvoir ainsi souhaitépour les travailleurs doit s'exercer àl'extérieur des structures de l'entre¬

prise (par le truchement des organi¬sations syndicales), ou à l'intérieur deces structures (par l'accession desreprésentants des travailleurs auxorganes de direction ou de contrôle del'entreprise), ou par les deux méthodesà la fois. Mais l'alternative entre par¬

tage des responsabilités et défensedes intérêts n'est pas aussi rigoureusequ'elle le paraît de prime abord.

D'abord, le fait de siéger dans desorganismes qui ont des responsabi¬lités de gestion n'empêche pas que lestravailleurs ont besoin de mécanismes

qui permettent la défense de leurs inté¬rêts en tant qu'exécutants. Ainsi l'ac¬cent mis actuellement en Yougoslaviesur l'autonomie du mouvement syndi¬cal et sur sa mission principale dereprésentation des intérêts des travail¬leurs en face de l'Etat et des direc¬

tions d'entreprise, atteste que la sup¬pression de la propriété privée desmoyens de production et le transfertdes pouvoirs de gestion aux travail¬leurs n'empêchent pas des oppositionsd'intérêt entre ceux qui commandentet ceux qui exécutent.

Par ailleurs, quand les responsablessyndicaux n'ont en vue que la défensedes intérêts de ceux qu'ils représen¬tent, la complexité des problèmes àrésoudre les a'mène inévitablement à

prendre en considération les intérêtsde l'entreprise, dont la méconnais¬sance risquerait de compromettre lasatisfaction de revendications futures.

Ainsi, des enseignements peuventêtre tirés de chacune des expériencesqui, au départ, divergeaient et s'oppo¬saient. Pour améliorer de manière du¬

rable et efficace les relations entre les

employeurs et les travailleurs dansl'entreprise, il ne suffit pas, en géné¬ral, de mesures isolées. Il faut le plussouvent agir* au niveau des institu¬tions, des méthodes et des hommes.

SÉCURITÉ ET HYGIÈNE

DU TRAVAIL

Sur le front de la sécurité et de l'hygiène du travail,l'OIT ne cesse de mener le combat. Car le développementtechnologique déplace sans cesse les problèmes, et lesmesures acquises ne sont jamais suffisantes. Ainsi,depuis 1930, l'OIT a assuré la mise en place des normestechniques visant à l'élimination de la silicose,redoutable maladie professionnelle des mineurs(ci-dessous, pause dans la mine), et a permis larégression de la maladie du plomb (saturnisme) chez lestypographes et les peintres, de l'infection par lephosphore, etc. Mais, chaque année, l'utilisation et laproduction de nouvelles substances chimiquesprovoquent de nouveaux dangers toxicologiques. De plus,le bruit, la tension dus à de mauvaises conditions detravail ou de vie multiplient les maladies psychiques etcardiovasculares, exigeant de nouvelles mesures. Enrevanche, la sécurité s'améliore dans nombre deprofessions dangereuses, comme le bâtiment (à gauche,filets de sécurité pour charpentiers du fer) ou lasidérurgie (en bas, à gauche, costumes spéciaux pourouvriers travaillant en haute température aux foursMartin). Le Congrès international de la sécurité et del'hygiène du travail vient de réunir à Genève lesdélégués des Etats membres de l'OIT et des institutsspécialisés pour étudier la protection contre le feu dansles entreprises ; la sécurité et l'hygiène dans les petitesentreprises d'une part, dans les exploitations agricoles etforestières de l'autre ; enfin l'éducation et la formation enmatière de sécurité et d'hygiène.

Photo © Ernst Haas - Magnum

LE SENS MODERNE

DE LA GESTIONpar Jean de Givry

E

20

N quoi les relations entreemployeurs et travailleurs dans lesentreprises se posent-elles maintenantdans des termes différents de ceux

dans lesquels elles se posaient ausortir de la première guerre mondiale ?Leur évolution a-t-elle fait apparaîtrecertains principes que l'on peut désor¬mais considérer comme acquis sur leplan des normes à respecter, mêmesi leur application pratique laisseencore souvent à désirer ? De nou¬

veaux problèmes n'ont-ils pas surgiqui restent sans solution et qui consti¬tuent autant d'appels à l'imagination,au savoir-faire et au courage de tousles intéressés, et particulièrement deceux qui exercent en ce domaine desresponsabilités ?

Le préambule de la constitution del'O.I.T. mettait essentiellement l'accent

sur la nécessité urgente d'améliorerles conditions de travail. Vingt-cinq ansplus tard, la Déclaration de Philadel¬phie réitérait solennellement cette exi¬gence el^affirrnait que « le travail n'estpas une marchandise ».

Sur ce point, il est indéniable quela condition des travailleurs, spéciale¬ment dans les pays industrialisés, amarqué des progrès incontestables,qu'il s'agisse du niveau des salaires,de la durée du travail, de la sécurité

et de l'hygiène ou de la durée descongés payés. Le nombre des conven¬tions internationales du travail adop¬tées et le nombre de leurs ratifications

attestent par eux-mêmes les progrèsréalisés en ce domaine.

Mais le principe suivant lequel letravail n'est pas une marchandisen'a-t-il pas une portée beaucoup pluslarge que la seule amélioration desconditions de travail ? Ne signifie-t-ilpas aussi que le travailleur n'est pasun instrument, qu'il ne veut pas sesentir manipulé comme un outil, ni êtrela proie de forces ou l'enjeu de déci¬sions sur lesquelles il n'a aucuneprise ?

A cet égard, il semble que d'immen¬ses progrès restent encore à réaliserpour que les travailleurs soient réelle-

.ment des membres à part entière dela société industrielle et pour qu'ilsse sentent en mesure de la dominer

au lieu d'être pris dans son engrenageet victimes de ses soubresauts.

Lors de la révolte étudiante de

mai 1968, en France, qui a déclenchéune contestation sociale sans précé¬dent, d'innombrables inscriptions ontfleuri sur les murs de l'Université. Il enétait de toutes sortes. A côté de

beaucoup qui ne méritent certes pasde passer à la postérité, il en est unequi affirmait : « Est prolétaire celuiqui n'a aucun pouvoir sur l'emploi desa vie et qui le sait. »

N'y a-t-il pas matière à réflexiondans le fait que le prolétaire ait étéainsi défini, non pas en termes demanque de biens ou de richesses,mais en termes de manque de pou¬voir? N'y a-t-il pas là une annonce dufait qu'une des revendications fonda¬mentales des travailleurs en cette

deuxième moitié du 20e siècle pourraitbien être elle l'est déjà dans cer¬tains pays celle de participer aupouvoir économique afin d'en maî¬triser les manifestations et les consé¬

quences qu'elles ont sur leur vie detravail.

La revendication va beaucoup plusloin qu'une simple amélioration duniveau de vie ou des conditions de

travail, car elle touche au fonctionne¬ment même du moteur économique.De ce fait, elle est également beau¬coup plus difficile et délicate à satis¬faire et elle ne paraît pas se prêterà une solution simpliste ou uniformequi serait dictée par de quelconquesslogans idéologiques.

En réalité, en cet aspect desrelations industrielles comme dans

d'autres, il peut y avoir « différentsmoyens d'efficacité égale pour résou¬dre un problème donné, compte tenude la tradition historique, des struc¬tures politiques, du degré de déve¬loppement économique et social, desconceptions et valeurs acceptées, ainsique du cadre général des relationsindustrielles dans un pays donné ».C'est ce que constatait précisément,il y a quelques mois, la Réunion tech¬nique de l'O.I.T. sur les droits desreprésentants syndicaux et la partici¬pation des travailleurs aux décisionsdans les entreprises.

Photo © Willy Ronls

Si l'évolution des relations entre

employeurs et travailleurs a fait appa¬raître une meilleure compréhension desdifférentes fonctions que peuvent êtreappelés à jouer les représentants destravailleurs, et s'il est reconnu qu'ilsdoivent, pour les exercer, bénéficierd'une protection et de certaines faci¬lités, elle a conduit également à unemeilleure compréhension encoreque ce soit loin d'être partout le casde la réalité économique et socialequ'est une entreprise et des impératifsque sa gestion doit respecter pourqu'elle réponde à son objet : produireplus, mieux et à plus bas prix.

L 'ACCENT mis sur l'entre¬

prise est certainement une caractéris¬tique particulière des relations profes¬sionnelles à l'époque actuelle. Déjà, ily a douze ans, une réunion d'expertsconvoquée par l'O.I.T. pour orienterson action dans le domaine des rela¬

tions professionnelles et humainesavait constaté cette tendance.

Des observateurs n'avaient pas étéd'ailleurs sans faire remarquer que,

dans des systèmes de relations pro¬fessionnelles aussi différents que ceux-des Etats-Unis et de l'U.R.S.S., leniveau de conclusion des conventions

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V- Mr.

A UTO MATION Une seu,e femme contrôle plus de 200 machines dans un atelier de filature.Le Bureau international du Travail étudie depuis 1955 les répercussions de

problème complexe lié à l'essor de la nouvelle société industrielle. Avec l'automatisationdes opérations de fabrication, de nouveaux problèmes affectent la main-d'euvre. Certainstravailleurs garderont leur emploi, mais devront accomplir d'autres travaux ; d'autres risquent de leperdre ; enfin, des jeunes cherchent un emploi au moment même où les nouvelles techniques exigentdes qualifications qu'ils ne possèdent pas. Le « recyclage », c'est-à-dire l'acquisition de nouvellesqualifications professionnelles, s'imposera de plus en plus dans le monde de demain.

collectives pour différent que pûtêtre leur contenu n'en était pas

moins, dans les deux cas, celui del'entreprise. Dans les pays en voie dedéveloppement, c'est, sauf exception,principalement à ce niveau que seconcluent les conventions collectives,

et l'évolution de certains pays euro¬péens dans la dernière décennie ten¬dait également à renforcer l'actionsyndicale au niveau de l'entreprise. «

L'exemple le plus récent de cetteévolution est la recommandation du

rapport de la Commission royale dessyndicats et des associations d'em¬ployeurs, au Royaume-Uni, qui insistepour que le centre de gravité de lanégociation collective soit désormaisdéplacé vers l'entreprise ou l'établis¬sement.

Mais le phénomène économico-social qu'est l'entreprise se présenteaujourd'hui sous un jour très différentpar rapport à la situation telle qu'ellese présentait au sortir de la premièreguerre mondiale. Par entreprise, onentendait alors avant tout l'entrepriseprivée. Aujourd'hui, à côté du secteurprivé, existent un très grand nombred'entreprises publiques de caractèreindustriel et commercial.

Il en est ainsi non seulement dans

les pays à régime socialiste qui ont

supprimé la propriété privée desmoyens de production, mais dans plu¬sieurs pays d'Europe occidentale quiont procédé à la nationalisation desecteurs importants de la productionindustrielle et dans la plupart des paysen voie de développement où l'Etat,artisan principal du développement,est souvent le principal employeur.

En 1955, le rapport soumis auConseil d'administration du B.I.T. parle Comité de l'Indépendance des orga¬nisations d'employeurs et de travail¬leurs avait constaté que « le fait qu'uneentreprise est gérée soit avec profit,soit à perte, constitue un des aspectsde l'efficacité de la direction. Il est

probable que ce mobile joue demanière plus directe et plus puissantequand la direction a un caractère privéplutôt que public, quelle que soit laforme que revêt ce contrôle public.

Néanmoins, ce mobile d'action n'estpas inexistant dans l'industrie socia¬lisée, et il est certain que, dans laplupart des pays, tous efforts sontdéployés pour que les personnes quiassument la direction et la gestion desentreprises publiques soient considé¬rées comme strictement responsablesde la direction efficace de l'industrie

qui leur est confiée. Au cours de leursactivités, ces personnes ont à faire

face à nombre de problèmes sembla¬bles à ceux qui retiennent l'attentiondes employeurs et du personnel dedirection dans l'industrie privée ».

Le nombre des problèmes communsaux dirigeants d'entreprises socialisteset aux dirigeants d'entreprises privéesest, on l'a vu, en voie de s'accroîtredepuis l'introduction dans plusieurspays socialistes de réformes écono¬miques marquées vers une extensionde l'autonomie de l'entreprise dans lecadre de l'économie globale.

Le fait qu'une similitude croissanted'objectifs soit reconnue entre ceuxqui ont la responsabilité de diriger uneentreprise, qu'elle soit publique ou pri¬vée, nous paraît très important dupoint de vue de l'évolution future desrelations professionnelles à ce niveau,car il met inévitablement l'accent sur

la similitude des problèmes rencontrésau sein des entreprises du fait de laresponsabilité qu'ont les dirigeantsd'assurer la marche de la productionet le développement de l'entrepriseplutôt que sur les différences décou¬lant du mode de leur propriété.

Une première conséquence de cetétat de choses devrait être une meil¬

leure perception de la fonction spéci¬fique de l'entreprise, sans laquelle ilest vain d'escompter une amélioration

SUITE PAGE 22

SENS MODERNE DE LA GESTION (Suite)

Débats passionnés sur la réforme de l'entreprise

22

durable des relations dans l'entreprise.Trop souvent, l'entreprise est consi¬dérée à travers le « profit » qu'elle sedoit de réaliser pour survivre.

Mais le terme même de profit estéquivoque. S'il est employé parfoispour désigner le bénéfice de l'entre¬prise, c'est-à-dire le revenu aléatoireégal à la différence entre le prix devente et le prix de revient des bienset des services, il est d'autres fois

utilisé pour désigner la seule rétribu¬tion du capital. Il est alors, dans l'es¬prit de beaucoup, quasiment lié à unenotion d'exploitation, voire de spolia¬tion, des travailleurs.

Un employeur évoquait la manifes¬tation d'un tel état d'esprit chez descadres d'entreprise : « Parler profit,c'est accepter de se noyer soi-mêmedans un bain d'impureté. Il est bien suf¬fisant que le chef de l'entreprise aitdevant ses actionnaires à exprimer en« profits » les résultats de son « af¬faire ! Les cadres et, à plus forte rai¬son, les techniciens et les ouvriers

endoctrinés par leurs syndicatsrécusent le plus généralement ce lan¬gage. Ils font une distinction entrel'entreprise où l'on parle exclusive¬ment « technique », et Yaffaire, où l'onne peut, hélas, que parler « profit ».

Mais le profit, ou, si l'on veut em¬ployer un terme moins émotionnel, larentabilité, est, pour l'entreprise unenécessité vitale. Ce qui peut êtrel'objet de contestation, c'est son moded'appropriation et de partage, mais nonson existence, car il est par lui-mêmecritère d'efficacité et de bonne gestion.

En vérité, l'une des premières quali¬tés requises de ceux qui sont à latête d'une entreprise est précisémentleur aptitude à assurer sa rentabilité,c'est-à-dire à créer un profit. Le faitque, dans les pays d'économie socia¬liste, les récentes réformes économi¬ques mettent l'accent sur le rôle déter¬

minant du profit en tant qu'instrumentde mesure du rendement et que stimu¬lant du producteur (1) peut aider lestravailleurs à mieux prendre conscien¬ce de la notion de profit en tant quesigne de santé d'une entreprise.

Compte tenu, néanmoins, des réac¬tions psychologiques que le seulusage de ce terme entraîne parfoischez les travailleurs, il serait peut-êtrebon de renouveler le vocabulaire et,pour faire prendre conscience de lafonction spécifique de l'entreprise danstoute sa dimension, d'avoir recours àla notion de « créativité économique »,proposée par un auteur moderne pourdéfinir cette fonction. Selon lui, « lacréativité économique consiste à as¬surer la production et la distributionde biens et de services d'une manière

productive et progressive... Ce

concept comprend la production cou¬rante et le progrès, les modalités del'action et les résultats de celle-ci,les aspects personnels et les aspectssociaux de l'acte d'entreprendre. » (2)

Une deuxième conséquence est laréconnaissance du fait que, quel quesoit le régime économique, la gestiond'une entreprise est devenue unescience et qu'elle exige des aptitudeset des compétences particulières. Rienne pourrait mieux attester la véracitéde ce fait que le nombre des centresde perfectionnement des cadres diri¬geants d'entreprise qui ont été mis surpied au cours des quinze dernièresannées, aussi bien dans les paysindustrialisés que dans les pays envoie de développement.

Enfin, une troisième conséquence,qui découle directement de la seconde,est que les dirigeants d'entreprise,conscients de ce qu'ils sont et desresponsabilités qui leur incombent,entendent de plus en plus se dégagerdes tutelles trop strictes qui découlentdu mode de propriété des entreprisesdont ils assurent la direction.

D.

(1) E. G. Liberman : « Le rôle du profit dansle système de stimulants de l'industrie sovié¬tique », Revue internationale du Travail, n° 1,janv. 1968.

'ANS" les pays socialistes,on a déjà signalé le mouvement quitend à émanciper les entreprises àl'égard de l'Etat, afin de les recon¬naître comme centres de décision do¬

tés d'une certaine autonomie. Dans

plusieurs pays occidentaux hautementindustrialisés, on a souvent fait res¬

sortir la tendance à dissocier la pro¬priété de la gestion, qui a mené pro¬gressivement à la naissance d'unenouvelle classe de dirigeants qui seconsidèrent comme des profession¬nels de la direction investis d'une res¬

ponsabilité devant s'exercer aussi bienà l'égard du personnel et du publicque des propriétaires du capital.

Dans d'autres pays occidentaux, lesdiscussions passionnées autour duproblème de la réforme de l'entrepriseattestent d'un certain désir de voir

l'entreprise et ses dirigeants placéssous un statut qui n'en fasse pas lesseuls instruments des propriétaires.N'est-ce pas à cet égard un signe destemps que, peu après la fin de lagrave crise sociale qui a secoué laFrance, le Centre des jeune patronsait décidé de se transformer en Centre

de jeunes dirigeants d'entreprise etqu'il ait affirmé que « la source despouvoirs des dirigeants ne découle pasde la seule propriété » ?

Dans cette recherche d'un nou¬

veau statut de l'entreprise, un pointsemble en tout cas ne pas devoir êtremis en question, celui de l'unité decommandement, condition de l'effica¬

cité de la gestion. La reconnaissancede cet impératif est pour beaucoup

(2) Philippe de Woot : Pour une doctrinede l'entreprise (Pans, Editions du Seuil, 1968).

dans l'évolution progressive qui s'estfaite ces dernières années de la notion

de cogestion à celle de cocontrôle dela gestion. En réalité, ce qui paraîtêtre, à cet égard, le n du problè¬me, est moins la question de l'auto¬rité dont doit disposer une directiond'entreprise que le fait de savoir sicette direction jouit de la confiancede tous ceux qui ont un intérêt à ceque l'entreprise soit prospère, devantqui elle se sent responsable de sonaction, et selon quelles méthodes elleest appelée à rendre compte de la ma¬nière dont elle dirige l'entreprise.

Cela nous conduit à une dernière

réflexion. Jusqu'ici, les relations dansl'entreprise ont été essentiellement do¬minées par la recherche de solutionsaux problèmes qui découlent de la ré¬partition des fruits de la production.Le problème de l'organisation et de lafinalité de la production n'a eu engénéral, du point de vue des relationsentre employeurs et travailleurs, qu'uncaractère subsidiaire.

Or, sans négliger les problèmesd'une plus grande justice dans larépartition, pour l'obtention de laquellela condition sine qua non est la pleinereconnaissance, au sein des entrepri¬ses, d'institutions représentatives des

IIIM"

Dans les paystechniquementavancés, lestravailleurs non

manuels représententplus du quart de lapopulation active etcette proportion necesse de s'accroître.

Dans le secteur publiccomme dans le secteur

privé, ils exercent unegrande variété deprofessions, del'employé de bureau àla vendeuse, ducontrôleur de

transports publics auserveur de restaurant.

Depuis sa création en1919, l'OIT se.préoccupe de leurstatut social et

professionnel, et a misau point diversesconventions relatives

au repos

hebdomadaire, àl'hygiène des bureauxet des magasins, parexemple. Elle examine,aujourd'hui, l'influencede l'automation dans

les bureaux, commedans les usines.

/A

intérêts des travailleurs, le momentn'est-il pas venu de mettre l'accent surla recherche de formules qui permet¬tent une meilleure association de tous

à la gestion de la production, pour larendre plus conforme aux nécessitésdu bien commun et aux exigencesd'un développement économique etsocial équilibré à l'échelle, non seule¬ment nationale, mais internationale ?

N'est-il pas significatif de constaterque si, dans le préambule de la consti¬tution de l'O.I.T., il y a cinquante ans,la paix était conçue en termes de« justice » (« attendu qu'une paix uni¬verselle et durable ne peut être fondéeque sur la base de la justice sociale »),elle est maintenant de plus en plusdéfinie en termes de « développe¬ment » ?

Rien d'étonnant à cela puisque ledéveloppement apparaît de nos jours,dans la plupart des pays, comme lacondition même de la réalisation de

la justice. Dans cette perspective, lesentreprises, facteurs clés du dévelop¬pement, apparaissent comme revêtuesd'une nouvelle dignité : celle de pro¬mouvoir une plus grande justice. Ellesne sont plus seulement des sources debénéfices à répartir de la façon laplus juste, mais des instruments àutiliser pour assurer le progrès duplus grand nombre dans l'intérêt dela nation, voire du monde.

Cette nouvelle mission reconnue aux

entreprises ne devrait-elle pas néces¬sairement rejaillir sur l'organisation desrelations entre tous ceux qui sontappelés en son sein pour collaborer àla tâche de production ?

Sans doute un aspect essentiel desrelations dans l'entreprise sera-t-iltoujours de veiller à une plus justerépartition des fruits de la productionet une mission essentielle des repré¬sentants des travailleurs devra-t-elle

donc toujours consister à assurerpar la voie du contrat la défensedes intérêts des travailleurs de l'entre¬

prise intéressée en termes de sécuritéd'emploi, de conditions de travail etde salaires.

Mais, à un moment où les relations

économiques internationales se multi¬plient et s'intensifient, où des marchéscommuns se créent, où les entreprisesfusionnent ou s'interpénétrent par¬dessus les frontières, où les besoinsdu tiers monde s'imposent à laconscience des hommes de tous les

hommes, qu'ils soient hommes poli¬tiques, employeurs ou travailleurs ,le point de vue des travailleurs nedevrait-il pas également s'exprimerpar la voie du contrôle dans lesconseils où se détermine l'orientation

de la production, non pas dans leseul but de défendre les intérêts des

travailleurs des unités de productionen cause, mais en tant que reflet del'intérêt général de tous ceux qui tra

vaillent, en vue de contribuer à l'orien¬

tation jugée la meilleure possible del'activité économique et d'édifier unesociété humaine plus juste dans la¬quelle les besoins de tous les hommespourraient se voir progressivementsatisfaits ?

Déjà, dans les pays qui ont unepolitique de planification économiqueet sociale, la voix des travailleurs se

fait entendre dans les conseils qui,au plan national, élaborent cette poli¬tique. Mais, pour que cette voix puissese faire entendre avec toute la compé¬tence nécessaire, ne devrait-elle paspouvoir également s'appuyer sur uneexpérience acquise au plan des entre¬prises ?

En dépit des difficultés considéra¬bles que soulève la mise en pratiquede telles conceptions, tant sur le plandes mécanismes à imaginer que surcelui des changements d'attitudesqu'elle impliquerait et des effortsconsidérables de formation qu'elle exi¬gerait, nous ne serions pas surprisque les réponses à apporter à cesquestions constituent l'un des facteursdominants de l'évolution des relations

entre employeurs et travailleurs ausein des entreprises d'ici à la fin denotre siècle.

Extraits de l'étude de lean de Givry, publiéepar la « Revue internationale du Travail »,janvier 1969, Bureau International du Travail,Genève.

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Photo © Marc Rlboud - Magnum

24

Dans la plupart des civilisations,pendant des siècles, la femme étaittenue, en quelque sorte, pour un hommemanqué sur le plan intellectuel etmoral, et les législations l'ont confinéedans un statut de perpétuelle mineure.Elle était essentiellement vouée, au

nom de cette croyance, à la seulematernité et aux soins domestiques et

n'a pu s'illustrer, bien rarement, dansles arts, les sciences, les lettres ou lapolitique qu'à titre d'exception quiconfirmait la règle. Aujourd'hui, bienqu'elle ait accédé à de nouvellesdestinées 27 femmes sur 100,dans le monde ont un emploi ouexercent une profession définie lafemme au travail affronte encore

d'énormes difficultés. Son nouveau

rôle social et économique n'est pasencore accepté par tous les hommes.Cependant, dans les ménages où lafemme travaille toute la journée, lemari en vient spontanément à l'aiderdans les tâches domestiques, ce qu'ilne faisait auparavant que trèsrarement. Ci-dessus, une femmetravaillant dans un centre de sidérurgie.A droite, un jeune père dont la femmetravaille, s'occupe lui aussi deson enfant.

Photo Unesco - Dominique Roger

par Pierrette Sartîn

Vrais et faux problèmesde la femme au travail

N,lOUS ne pouvons refaireici l'historique du travail féminin. Bienque souvent traitée par les spécialis¬tes, cette histoire cependant resteassez peu connue du public, car elles'est déroulée dans les coulisses de

la grande histoire. De plus, et par unde ces paradoxes qui, même dans lemonde moderne, caractérisent la

condition de la femme, alors que lesvrais problèmes posés par son travailse heurtent très souvent à une curieuse

Indifférence et à une dangereuse igno¬rance de la part des Etats et des inté¬ressées elles-mêmes, les faux problè¬mes, eux, soulèvent passions et polé¬miques, retardant ainsi l'avènementdes solutions.

Nous nous bornerons donc à consta¬

ter que l'histoire du travail fémininest celle d'une longue lutte, le plussouvent silencieuse, sournoise, et tou¬jours recommencée, contre les préju¬gés, les privilèges, les intérêts et leshabitudes.

A travers ses incidences économi¬

ques, au reste jamais objectivementet complètement analysées, le travailde la femme apparaît bien comme unproblème d'éthique individuelle et so¬ciale, comme un combat pour l'éga¬lité, pour la dignité de la personne,pour le respect des valeurs humaines,telles qu'elles ont été définies par laDéclaration des Droits de l'Homme

et défendues, inlassablement, depuisdes décennies, par les organismes in¬ternationaux et par le premier en datede ceux-ci, par l'Organisation inter¬nationale du travail.

Mais même à l'âge de la science, dela technocratie, du rationalisme orgueil¬leux, quand s'affrontent sur le mêmeterrain des intérêts économiques puis¬sants, des privilèges ancestraux et lerespect de la personne humaine, quelque soit son sexe ou sa race, la

lutte ne peut se faire à visage décou¬vert. Intérêts et privilèges se dissimu¬lent derrière des idéologies, jouentdes fausses évidences et des valeurs

PIERRETTE SARTIN, sociologue, actuellementprofesseur à l'Université de Laval, Québec(Canada), est un spécialiste eminent des pro¬blèmes du travail dans les sociétés indus¬

trielles, et des problèmes touchant à l'évo¬lution de la condition sociale de la femme.

Au nombre de ses ouvrages, citons « La Fati¬gue industrielle » (Editions Sadep, Paris,I960), « La Promotion des femmes », EditionsHachette, Paris, 1962), - La Femme libérée ?(Editions Stock, Paris, 1969).

truquées, aboutissent à des réactionspassionnelles et à des attitudes am¬biguës.

Au vrai, le travail de la femme ne

constitue pas un problème, mais unemosaïque de problèmes dont les unssont techniques, les autres moraux,sociaux et économiques. Ils s'inter¬pénétrent et sont impossibles à dis¬socier de l'évolution des sociétés mo¬

dernes. Et, comme tels, ils traduisent

bien le déséquilibre existant entre lesprogrès fulgurants de la science etde la technique et le conservatismeégoïste et peureux des esprits.

Aussi, le travail de la femme et,à travers lui, la condition fémininesont-ils le lieu géométrique où se ren¬contrent toutes les contradictions, lesévidences mensongères, les informa¬tions insuffisantes entraînant des gé¬néralisations hâtives, faites à partir dedonnées de base souvent incohérentes

et partiales.

L,,ES mots mêmes de « fem¬

mes qui travaillent » sont marquésd'ambiguïté. Car les femmes ont tou¬jours travaillé et bon nombre de cellesqui restent au foyer ont, les enquêtesd'Alain Girard et Henri Bastide le

prouvent, des horaires de travail quisont au moins de 54 heures par se¬maine pour les citadines sans enfantset sans profession et atteignent 77 heu¬res pour celles qui ont trois enfants.(A la campagne, ces horaires attei¬gnent respectivement 63 heures et82 heures et même 80 heures et 87

heures pour les femmes de cultiva¬teurs.)

Horaires qu'aucune législation so¬ciale ne tolérerait de la part d'unemployeur.

Mais parce que ce travail s'accom¬plit dans l'enceinte gardée de la mai¬son et du foyer et parce qu'il n'estpas rétribué, il ne donne lieu à aucunecontroverse et il se voit même encou¬

ragé, bien qu'il constitue un travailà productivité très basse et que, danscertains de ses aspects, il soit d'uneutilité contestable.

C'est donc dans le sens d'une acti¬vité rémunérée et exercée hors de la

maison qu'il faut entendre les mots« travail de la femme » et tenter d'ana¬

lyser les problèmes vrais ou faux po¬sés par les formes nouvelles que revêt

un phénomène aussi vieux que lemonde.

Dans la quasi-totalité des sociétés,l'évolution du travail de la femme s'est

faite selon les mêmes lignes de force,se déplaçant du secteur agricole versle secteur secondaire de l'industrie ;puis de l'industrie vers le secteur ter¬tiaire du commerce, des bureaux etdes services.

L'industrialisation a créé des emploisde plus en plus nombreux et diver¬sifiés qui convenaient à un nombrede plus en plus grand de femmes. Enmême temps, la mécanisation dimi¬nuait les travaux lourds au profit deceux qui exigent finesse et dextérité.

D'autre part, les emplois du sec¬teur tertiaire s'ouvrent de plus enplus largement aux femmes.

Ce développement du travail de lafemme, on le retrouve non seulementdans les pays occidentaux, mais auJapon, où en dix ans la proportion defemmes au travail s'est accrue de

100 %, alors que dans le même tempscelle des hommes n'augmentait que de40 % ; au Maroc, où les milieux popu¬laires notamment sont en pleine évolu¬tion et où, aujourd'hui, plus d'une fem¬me sur huit travaille ; en Tunisie, oùla courageuse action du présidentBourguiba a permis de développerl'instruction et la formation profession¬nelle des femmes ; en Inde, où lesfemmes ont demandé depuis long¬temps déjà qu'on élabore pour ellesune politique économique qui leur per¬mette de gagner leur vie et oùMme Indira Gandhi s'efforce de stimu¬

ler leurs efforts et de développer leurinstruction ; premier pas vers leur li¬bération.

En Amérique latine, le taux élevéde la natalité et le pourcentage sou¬vent considérable de naissances illé¬

gitimes obligent un grand nombre defemmes à chercher un emploi salarié.Il est à souhaiter que l'évolution éco¬nomique et sociale de ces régions etle développement de l'urbanisationaillent de pair avec de véritables pro¬grammes de formation qui permettrontà ces femmes, dont beaucoup sontseules et chefs de famille, d'acquérirune profession.

Dans certains pays orientaux ou _»-africains l'évolution a été très rapide )*\et l'on a pu voir, depuis plusieurs an- ^***nées, des femmes occuper dans la po¬litique des postes de premier plan qui

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FEMME AU TRAVAIL (Suite)

Salaire au masculin, compétence au féminin

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leur étaient refusés dans les pays occi¬dentaux où cependant l'on plaçait vo¬lontiers la femme sur un piédestal.

Cette évolution de la condition fémi¬

nine, pour inégale qu'elle soit entre lespays, est néanmoins un fait généralqui mérite d'être signalé. On peut pen¬ser qu'elle continuera. Mais elle nevise encore qu'une élite et dans lespays musulmans, en Afrique ou enOrient, ces femmes, parvenues à despostes habituellement tenus par deshommes, ne constituent encore que

l'exception en face d'une tradition tou¬jours vivace qui, elle, maintient legrand nombre en état d'infériorité etde subordination.

Contrairement à ce que l'on croit vo¬lontiers, les femmes n'ont pas « en¬vahi » le marché du travail. Sur ce

point, les statistiques sont trop impré¬cises pour servir de base à une étudecomparée et rapide. Disons seule¬ment que, selon les pays et les Idéo¬logies, les femmes représentent au¬jourd'hui de 20 à 30 % de la popu¬lation active totale, avec des pointesde 40 % environ dans les payssocialistes.

Même quand un travailleur sur troisest une femme, cela ne suffit pas pourconstituer une « invasion » mena¬

çant l'équilibre de l'emploi. Mais celasuffit ou devrait suffire pour que lesEtats, quels qu'ils soient, s'efforcentde résoudre autrement que par desvcux pieux les problèmes économi¬ques et sociaux posés par le travailde celles qui désirent à la fois remplirau mieux leur rôle maternel et familial

tout en augmentant les revenus dufoyer ; ou encore tout en mettantau service de la collectivité leurs for¬

ces et leur compétence.

Ce qui donne au travail de la femmeun aspect nouveau, c'est d'une partle nombre de plus en plus grand defemmes mariées qui, dans tous lespays, occupent un emploi et, d'autrepart, le fait que des femmes qui n'ysont pas contraintes par de pressan¬tes nécessités financières choisissent

d'entrer dans la vie professionnelle.

On ne peut ici passer sous silencele phénomène assez exceptionnel quevit actuellement le Canada, où touteune population féminine adulte et char¬gée de famille revient à l'Université oudans les écoles, s'astreint à la disci¬pline des cours et des examens envue de mettre ses aptitudes au servicedu pays. Il faut souligner aussi l'effortfait par le gouvernement, en vue durecyclage et de l'éducation permanenteet son souci d'aménager les horairesdes cours pour les rendre compatiblesavec les obligations familiales. Il y alà une expérience qui devrait êtremieux connue et gagnerait sans nuldoute à être imitée.

Car cette entrée des femmes de

la bourgeoisie dans le secteur profes¬sionnel a eu des conséquences très

importantes : elle a ôté au travail soncaractère de nécessité inéluctable pouren faire une activité librement choisie

et acceptée. A mesure que celle-ciperdait son caractère coercitif pourdevenir une activité volontaire, s'ef¬

façait la marque infamante dont desannées d'exploitation l'avait revêtue.

Il n'en reste pas moins que lamère de famille qui choisit d'exercerun métier se voit encore culpabiliséepar l'opinion ; mais culpabilisée, cellequi reste au foyer l'est également,car son travail y est injustement déva-lorieé.

De telle sorte que l'entrée des fem¬mes dans la vie professionnelle auraeu pour premier résultat de mettreles unes et les autres dans une situa¬

tion de malaise que les sociétés ne lesaident pas à surmonter, et que biensouvent au contraire, leur attitude am¬

biguë encourage.

Toutefois, moins brutalement sou¬mises aux nécessités financières,

mieux armées par leurs études et parleur profession pour se défendre, cesfemmes ont pris conscience des vraiesdimensions du problème. Elles prou¬vent aussi, et ce n'est pas la moindrede leurs conquêtes que les femmesne sont pas intellectuellement infé¬rieures aux hommes, qu'elles n'au¬raient pas moins d'ambition, d'auto¬rité ou d'aptitudes au commandementqu'ils n'en ont si on les mettait dèsle départ dans les mêmes conditionsqu'eux pour remplir leurs fonctions.Ce qui n'est généralement pas le cas.

C1 E qui caractérise aussi letravail de la femme dans les sociétés

modernes, c'est non seulement qu'ilest rémunéré, mais encore qu'il est deplus en plus indépendant du travaildu mari ou du père. Pendant long¬temps, la femme ne fut que l'auxiliairebénévole accomplissant toutes lestâches mineures pour le compte deson mari. Trop souvent encore, lesconseillers et les orienteurs pensentque la femme auxiliaire de son sei¬gneur et maître et demeurant dans sonombre, parait celle qui parvient lemieux à concilier le désir qu'elle ade travailler et l'intérêt du ménage.

Mais de moins en moins nombreu¬

ses sont les femmes qui acceptentcette solution dénuée de réalisme.

L'inégalité des salaires masculinset féminins demanderait à elle seulede longs développements. Elle montrebien la distance qui sépare l'affirma¬tion d'un principe de son application.

L'Organisation internationale du tra¬vail s'est depuis longtemps penchéesur ce problème, remis à l'ordre dujour par l'entrée en vigueur du Marchécommun. Les disparités de salairesexistant dans les pays de la Commu¬nauté ont été en partie réduites pourcinq d'entre eux. En revanche, pour

la France qui avait été l'un des pre¬miers pays à tenter d'appliquer ceprincipe, l'écart entre salaires mascu¬lins et féminins s'est accru, passantde 6,8 % en 1956 à plus de 10 '%dans la majorité des secteurs.

Cette inégalité s'accroît d'ailleurs àmesure que l'on s'élève dans la hié¬rarchie. Chez les cadres moyens, enFrance, les salaires féminins sont infé¬

rieurs de 35,7 % à ceux des hommeset de 39,15 % chez les cadres supé¬rieurs. Aux Etats-Unis, les disparitésau niveau des cadres atteignaient, ¡Iy a quelques années de 50 à 60 %.

Si le principe de l'égalité des ré¬munérations n'est plus contesté ouver¬tement, il n'en est pas pour autantrespecté. Qui pis est, le retard prispar les salaires féminins est tel que,dans certaines industries à fort pour¬centage féminin, cette égalité seraitinapplicable, sinon par paliers.

Encore l'employeur exige-t-il desfemmes et pour un même poste, plusde diplômes et de qualification qu'iln'en demande aux hommes.

En dépit de leurs qualifications etde leurs qualités de plus en plusreconnues dans le travail, les femmesse voient encore cantonnées dans les

postes subalternes et sans avenir.Dans les pays occidentaux, le recru¬tement des cadres de l'industrie privéeet du commerce est presque unique¬ment masculin. Il en est ainsi égale¬ment dans les banques, même auxEtats-Unis où, cependant, les femmesdétiennent 76 % de la fortune.

En U.R. S. S., l'évolution de la situa¬tion féminine est particulièrement inté¬ressante à suivre, car dans presquetous les domaines les femmes ontréussi à s'imposer, à la fois en raisonde l'idéologie égalitaire et de l'excé¬dent particulièrement important de lapopulation féminine.

Cela, toutefois, ne se fit pas sanslutte, le principe de l'égalité des deuxsexes trop étroitement appliqué ayant,à une certaine époque, joué contre lesfemmes. Aussi, à partir de 1956, dut-on revenir à des lois protectrices lesécartant des travaux trop pénibles etleur accordant un certain nombre

d'avantages (retraite à 55 ans, horairesde 6 heures par jour dans certainssecteurs, etc.).

Plus intéressante que celle des loisprotectrices qui, en U.R. S. S. commedans tous les autres pays ont leur re¬vers, est l'évolution de la populationactive, caractérisée aujourd'hui par unglissement vers le secteur tertiaire, etdans l'industrie, par une diminution, auprofit du secteur mécanisé, du nom¬bre de femmes autrefois employéesdans les travaux lourds et mal rému¬nérés.

De même, depuis 1962, 54 % desemplois exigeant une instruction se¬condaire ou supérieure, complétée parune spécialisation, sont-ils exercés par

des femmes; et alors que dans les paysoccidentaux le nombre de femmes in¬

génieurs est négligeable, en U.R. S. S.un ingénieur sur trois est une femme.

Toutefois, alors que les femmes re¬présentaient, en 1962, 48 % de la po¬pulation active, on n'en trouve que12 % parmi les dirigeants d'entrepriseet 28 % parmi les postes supérieursde l'administration. Même en U.R. S. S.,la promotion féminine reste donc limi¬tée.

En dépit de tous les principes etde toutes les recommandations, unfait demeure qui peut être érigé enrègle générale : dès qu'une profes¬sion se dévalorise, elle se féminise.Les femmes ne sont que tolérées dansle monde du travail. Elles s'y glissentpar des portes entrouvertes et dansles emplois que les hommes aban¬donnent parce qu'ils sont mal payés,fastidieux, ingrats. Voire trop durs.

Ainsi en a-t-il été en France des

postes de la magistrature, dont lesfemmes ont été exclues jusqu'au jouroù les salaires ont été jugés insuffi¬sants par les hommes.

Ainsi en est-il en U.R.S.S. de la pro¬fession de médecin, féminisée à 85%,la médecine étant fonctionnarisée.

On pourrait multiplier partout lesexemples.

De même, dès qu'un emploi se fé

minise, les conditions de travail de¬viennent mauvaises et les salaires

baissent.

Le législateur ne peut qu'éviter lesabus les plus criants. Mais il ne peutrésoudre tous les problèmes. D'où lanécessité pour les femmes de s'unir etde se grouper au sein de syndicatset des organisations professionnelles.

Quant aux reproches que l'onadresse aux femmes : absentéisme,instabilité, discontinuité de la carrière,ils n'offrent qu'une apparence de vé¬rité et ne résistent guère à l'analyse.Il serait relativement facile de les faire

disparaître si l'on admettait que pourles femmes autant que pour les hom¬mes, le travail est un droit et même

un devoir et si on leur donnait, aulieu de mesures de protection qui nefont que renforcer la discrimination,une éducation semblable à celle des

garçons, c'est-à-dire conçue en fonc¬tion du travail et non plus seulementen fonction du mariage.

Toute une économie serait évidem¬

ment à redécouvrir et à redéfinir, une

économie faite pour l'homme et nonpour elle-même ou pour la société, etaussi toute une politique dans laquelleles investissements sociaux ne se¬

raient plus considérés comme des in¬vestissements improductifs, ce qu'enfait ils ne sont pas.

La femme s'affirme

aujourd'hui dansdes professionsqui étaient consi¬dérées, jusqu'ici,comme essentielle¬

ment masculines.

Témoin, ce capi¬taine au long courssoviétique. Il s'ap¬pelle Anna Chtche-tinina.

Sous les obstacles dressés en facedu travail de la femme se cachent en

réalité la crainte inavouée du chômageet celle de la concurrence.

Déjà, au temps de la grande crisedes années 30, le Bureau international

du travail s'était penché sur ce pro¬blème et un article de Marguerite Thi-bert avait fait justice des argumentscouramment invoqués. En dépit dutemps écoulé, cette étude demeurevalable ; mais elle semble ignorée deceux mêmes qui ont la charge depromouvoir l'emploi.

L! OUTES les analyses faitespar le Bureau international du travailaux Etats-Unis, en Autriche, en Alle¬magne ont montré que la suppressiondu travail pour les femmes ne faisaitque déplacer le problème sans le ré¬soudre et qu'il fallait chercher ailleursdes solutions plus réalistes, s'orientervers la création d'emplois et la recher¬che de débouchés, au lieu de suppri¬mer le travail à ceux qui en ont (1).

Aussi vive que la crainte du chô¬mage apparaît celle de la concurrence.Car, dans le travail, la femme menacemoins l'emploi que la promotion et queles idées traditionnelles sur la supé¬riorité du mâle (2). On ne peut pasrefuser de s'apercevoir que, dans detrès nombreux cas, les hommes s'ef¬forcent de barrer la route aux femmes,de les dévaluer sur le plan profession¬nel en les glorifiant dans leur rôled'épouse et de mère, et d'amoindrirleurs chances.

Mais ce faisant, ils deviennent leurs

premières victimes, car ils obligentles femmes à déployer des qualitésqu'ils vont bien se trouver obligésd'imiter s'ils veulent sauver leur pres¬tige... et parfois leur situation même.Cette rivalité qu'ils imposent aux fem¬mes ne profite en réalité qu'à l'em¬ployeur.

La plupart des contradictions et desincohérences qui retardent la solutionde ce problème ne sont d'ailleurs pointtant celles des hommes et des fem¬

mes elles-mêmes que celles des socié¬tés. Celles-ci qui se targuent d'êtredes sociétés de travail, placées sousle signe magique de l'efficacité et durendement, acceptent délibérément dese priver de l'immense capital d'in¬telligence, de dévouement, d'énergie,d'imagination, voire de simple bonsens que représentent les femmes.

Et ce, à l'heure où l'on va de plusen plus vers une politique de concer¬tation et de participation, dans laquelleelles pourraient apporter une compré¬hension, un sens de la justice et del'humain, et aussi un réalisme dont

(1) Marguerite Thibert : Crise économiqueet travail féminin. Revue internationale du

travail. N" A, avril et N° 5, mai 1933.

(2) Pierrette Sartln : La Femme libérée 7,p. 151, Edition Stock 1968 et Les Cadres etl'Intelligence, p. 192, Ed. Hachette 1968.

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FEMME AU TRAVAIL (Suite)

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nos sociétés pourront de moins enmoins se passer.

En mettant tant d'entraves au tra¬vail de la femme, les pays acceptentavec beaucoup de légèreté d'accroîtrela charge de leurs improductifs aurisque de rompre l'équilibre entre lapopulation active et la population totaleet cela au moment même où le mondeentier est à organiser, où il faut, dansles pays du Tiers Monde, mais aussidans les pays Industrialisés et pros¬pères, lutter contre la misère, la guerre,la maladie, l'analphabétisme et par¬fois la natalité incontrôlée.

A l'heure où le monde est en pleinemutation, où le progrès scientifique lemenace autant qu'il le sert, alors qu'ilserait si nécessaire de mobiliser toutes

les énergies et toutes les compétencespour résoudre tant de problèmes iné¬dits, on se heurte partout à des atti¬tudes ambiguës, à des pressions socia¬les aveugles et souvent infantiles pourdéfendre des structures qui craquentde toutes parts et revenir vers unesorte de gynécée conjugal et fami¬lial qui ne répond plus aux exigencesdu couple ni à celles de la famille.

La formation professionnelle desfemmes reste insuffisante et celles-cine sont pas encouragées à acquérirdes qualifications qui les mènent tropsouvent à une impasse. Cette forma¬tion, si coûteuse, aboutit à une inuti¬lisation massive des diplômes conquispar les femmes (43 °/o des diplôméesen Belgique ne les utilisent pas), sui¬vie ensuite d'une deuxième formationdonnées sous forme de recyclage etsouvent aussi inutile que la première,le retour ou l'entrée dans le milieu dutravail présentant plus de difficultésencore sur le plan psychologique quesur le plan technique.

Les solutions que réclament lesfemmes et qui leur permettraient deconcilier à la fois leur désir de mater¬nité et leur volonté de travail seraientinfiniment moins coûteuses et ne

constitueraient pas un gaspillage derichesses aussi immoral.

Ces femmes dont on se plaît à direqu'elles sont les gardiennes de lacivilisation, de la culture et du foyer,ne sauveront pas ceux-ci en vivantrepliées sur elles-mêmes et sur lacellule familiale, mais bien en s'inté-grant à la collectivité. Le travail n'estque l'un des moyens de réaliser cetteintégration. Mais c'est le moyen quicorrespond le mieux aux besoinsactuels des Etats.

La solidarité ne peut plus êtreconçue à l'échelle de la famille ou d'unpays. Elle doit l'être à l'échelle dumonde. L'humanisme qui doit êtreredécouvert' ne pourra plus se passerde cette forme d'intelligence qu'est lagénérosité. Il doit être édifié sur lasolidarité universelle et sur le sens

retrouvé de la dignité de chacun.

C'est assez dire que les hommes etles femmes ont grand besoin d'unirleurs forces pour préparer à leursenfants un monde meilleur et une civi¬

lisation digne de ce nom.

TRAVAIL ET FRONTIÈRES

Les travailleurs migrants, que le sous-emploi contraint

à quitter leur pays d'origine, connaissentsouvent un sort précaire dans le pays d'accueil : logementsinsuffisants, insécurité de l'emploi, toutes

difficultés qui viennent s'ajouter à leur méconnaissanced'une langue et d'un mode de vie

nouveaux pour eux. En 1962, l'OIT a posé le principede l'égalité de traitement des non-nationauxet des nationaux en matière de Sécurité

sociale, disposition qui est venue s'ajouter àcelles de 1949 aux termes desquelles les

immigrants devraient se voir accorder untraitement aussi favorable que celui

des ressortissants du pays en ce qui concerne le

salaire, les conditions de travail, etc.

par Pieter Kuin

Un drame de notre époque

LES MIGRATIONS

INTERNATIONALESDES TRAVAILLEURS

A.iU cours des dernières

années, les migrations internationalesde travailleurs ont pris des propor¬tions formidables, notamment en Eu¬rope continentale où, dans la seuleannée 1964, plus d'un million de tra¬vailleurs ont légalement franchi diver¬ses frontières. Dans le même temps,l'immigration clandestine s'est accrueà tel point que les autorités tentent decanaliser et de limiter le flot de tra¬

vailleurs migrants.

Il y a là un indice de l'inquiétudegrandissante des pouvoirs gouverne¬mentaux face à ces migrations mas¬sives : dans certains pays, les travail¬leurs étrangers constituent une partieconsidérable de la main-d'muvre :

ainsi, en Suisse, elle atteint déjàtrente pour cent et chaque annéedes travailleurs étrangers entrent enFrance, en Suisse, et en Rép. féd.d'Allemagne par centaines de milliers.

La presse, les informations radio¬diffusées et télévisées emploient vo¬lontiers l'expression « inondationétrangère », qui témoigne assez del'inquiétude nationale. Bien que dansdes pays comme la Belgique et lesPays-Bas, elle soit beaucoup moinsvirulente, elle commence également àse faire jour ; la population se tracassedes difficultés soulevées par l'intégra¬tion des étrangers et l'aggravation deproblèmes de logements que doiventdéjà affronter les nationaux.

Affligeante et longue est la liste desproblèmes que provoque l'énormemouvement de migrations de travail¬leurs : dures épreuves des travailleurseux-mêmes, qui doivent dépenser unebonne partie de leur salaire pour vivredans des conditions minables. Ils ont

dû laisser derrière eux leurs épousesou leurs fiancées. D'autre part, dejeunes couples mariés ou qui vont se

PIETER KUIN a été professeur d'économie etd'organisation industrielle à l'université libred'Amsterdam (Pays-Bas). Lui-même et le pro¬fesseur Parmar (voir article page 32) débat¬tent du problème des travailleurs migrants,mais chacun d'eux l'aborde d'un point de vuetout à fait différent. Leurs articles sont basés

sur des études qui furent, à l'origine, écritespour ' Migrations » (N° 6, mai 1966), bulletinpublié par le Secrétariat aux Migrations, Di¬vision d'entraide et de service des Eglises,et d'assistance aux réfugiés, Conseil pcumé¬nique des Eglises, Genève, Suisse.

marier ne peuvent trouver de logementalors que certains employeurs en as¬surent un aux étrangers. Toutes cesdifficultés sont-elles vraiment insur¬

montables ? Ne peut-on parvenir à unesynthèse plus harmonieuse des be¬soins économiques et sociaux ?Va-t-on se désintéresser du fait quecertains territoires végètent économi¬quement alors que d'autres connais¬sent un essor disproportionné par rap¬port à leurs réelles possibilités ?N'est-il pas possible d'essaimer lesactivités économiques, plutôt que dedéraciner une foule de gens et de lesréinstaller dans des régions où leurprésence crée une foule de problè¬mes ?

CTEST le déséquilibre éco¬nomique entre diverses parties dumonde qui fait que d'innombrablespersonnes doivent choisir le chômageou un travail misérablement payé chezeux, ou bien affronter l'exil de la

migration pour trouver du travail dansde grands centres industriels. Sans nuldoute, il faudrait disperser les centresd'activité économique, mais est-ceréalisable ?

Inévitablement, voici les premièresquestions qui surgissent : quelles sontles causes du déséquilibre ? Commenty remédier pour que tout le mondevive et pour assurer le développe¬ment? N'y a-t-il pas de mécanismequi puisse garantir l'équilibre? Nosouvrages d'économie ne regorgent-ilspas d'explications qui montrent quetoute modification entraîne une tension

qui en contrecarre les effets ? Quefaire pour empêcher le déclenchementde ce mécanisme ? Pourquoi lesmoyens de productivité ne peuvent-ilsaller s'implanter là où il y a vraimentde la place, des forces de travail et

quand les populations commence¬ront à gagner de l'argent une de¬mande de produits, jusqu'à ce quel'activité économique se répartissemieux encore ? C'est que divers fac¬teurs, diverses forces jouent contrecet équilibre...

N'y a-t-il donc pas d'espoir pour lesrégions économiquement stagnantes ?Les différences doivent-elles s'accen¬

tuer? Cela semble inévitable dans le

proche avenir, mais les perspectives àlong terme sont moins attristantes.

L'accumulation continuelle des acti¬

vités économiques dans une seulerégion finit par provoquer une conges¬tion et déclenche alors un processusde dispersion. On trouve des exem¬ples typiques de ce phénomène dansle manque de logement, de bureaux, lesous-emploi, les encombrements dutrafic urbain, l'allongement du déplace¬ment entre le foyer du travailleur etson lieu de travail, l'insuffisance des

services publics qui ne peuvent plussatisfaire au rapide accroissement dela demande, le manque d'espacesverts, d'air pur, de possibilités d'acti¬vités de loisirs, l'insuffisance drama¬tique de places dans les écoles et leshôpitaux, la dépersonnalisation de l'in¬dividu dans la masse.

Tous ces facteurs poussent à uneredistribution de l'activité économique,qui vient alors refluer vers des régionséconomiquement peu évoluées, maisces seuls facteurs ne sont pas déci¬sifs. Si le développement doit êtreréalisé dans la bonne direction avant

qu'il ne soit trop tard, il faut pourvoirà des plans d'aménagement réalistes,et les autorités doivent, comme lesinstances de direction industrielle,

faire preuve d'un grand discernementdans l'administration et de générosité,pour coopérer au niveau internationalcomme au niveau national.

Si l'on est parfois rassuré sur lessolutions à long terme, on n'aide guèreles gens qui pour l'instant sont dansla détresse. Certains s'étonnent peut-être qu'une reconversion adéquate del'industrie ne puisse apporter un re¬mède plus catégorique, et que le tempsne soit pas venu de commencer àapporter du travail aux gens plutôt qued'attirer les gens vers le travail.

A petite échelle, la chose est pos¬sible, si les projets mis au point s'ins¬crivent dans le domaine du possible.Des plans trop ambitieux, qui néces¬sitent certaines infrastructures et

-autres aménagements indispensables,sont voués à l'échec. Il faut donc nous t\ncontenter de programmes partiels, bien /Hconçus, et de projets nettement défi¬nis pour employer une large main-d' Par exemple, une manufac-

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MIGRATIONS DES TRAVAILLEURS (Suite)

Des avantages, certes, mais.

ture locale bien lancée pourrait, avecde bons débouchés, trouver un marchévalable dans des pays plus avancés,notamment si les produits ne sont pastrop lourds, ni trop encombrants.

Quelques progrès peuvent être faitspour obtenir une meilleure distributionde l'activité économique, accroître laprospérité et multiplier l'emploi dansles régions aujourd'hui les plus déshé¬ritées. Mais les occasions sont rares,

et il faut se garder de trop d'optimis¬me, en ce qui concerne surtout lesaméliorations à court terme.

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,UAND l'émigration estinterdite ou limitée, même dans le butd'éliminer les fâcheux effets qu'elleentraîne, elle prive les gens des ré¬gions les moins développées d'unemploi et d'un revenu virtuels, etamoindrit la production des régionsplus prospères sans pour autantaccroître la production des régionsmoins prospères. C'est pourquoi, dansles années à venir, il faut compter avec

la migration de la main-d'ruvre d'uneprovince ou d'un pays à l'autre.

Mais, même si l'activité économiqueétait également répartie à travers lemonde, il n'y aurait jamais une liaisonparfaite entre les industries situéesdans un endroit donné, et la natureet le nombre de compétences queseraient en mesure de fournir lespopulations locales. Le droit pourl'homme de s'établir là où ses quali¬fications sont les plus appréciées esten soi une sauvegarde, et c'est pour¬quoi le principe de la migration nesaurait être mis en question.

Les zones les moins développées,

en particulier, ont beaucoup à gagneraux migrations. Leur avenir dépenddans une large mesure des travailleursqui regagnent leur pays, pourvus denouvelles connaissances techniques

comme d'expérience 'sociale et poli¬tique, et sachant désormais quelle estl'organisation des régions plus avan¬cées.

C'est pour des raisons de ce genrequ'aujourd'hui les études économi¬ques et sociales, tout comme la légis¬lation, ont insisté sur la liberté demouvement des travailleurs. Le Traité

de Rome, par exemple, qui a fondé laCommunauté économique européenne,a institué un marché commun du tra¬vail, comme du capital et des produits.

Il faut donc conclure, en dépit detoutes les difficultés et des épreuves

qu'entraînent les déplacements mas¬sifs de travailleurs, qu'il est juste dene pas interdire la migration. Mais enacceptant la migration, nous ne devonspas accepter les maux qui lui fontcortège.

Il est hors de doute que la migra¬tion peut apporter au travailleur desavantages économiques directs, pour

ne rien dire d'autres avantages, commela satisfaction de travailler et d'acqué¬rir une expérience nouvelle qui élargitson horizon, et le rend apte à vivreune vie plus pleine quand il retournedans son pays d'origine.

Mais trop souvent, il doit subir etsouffrir. Si pauvre soit-il, si misérablesoit sa position sociale dans son paysd'origine, il perd, en le quittant, sonmilieu familier, les données d'une exis¬tence qu'il connaît et comprend et jus¬qu'à la protection. Il doit se séparerde sa femme, de ses enfants, de sesparents et de ses amis et c'est làun grave problème. A l'étranger, il seraprofondément affecté de leur absence,il court le risque d'être un homme soli¬taire, de perdre ses contacts humains,ou de se mêler à des gens qui nelui conviennent pas. La séparation desfamilles est le pire des maux de lamigration, mais si la famille est auto¬risée à rejoindre le travailleur émi¬gré, c'est pour lui comme pour lacommunauté d'accueil une source de

difficultés supplémentaires.

Dans nombre de cas, la migrationentraîne une perte du statut social etpersonnel. On croit généralement dansles pays d'accueil que tous les immi¬grants sont issus des couches les plusbasses d'une société, que ce sont desgens sans qualification, ni place défi¬nie dans leur propre pays. Or, tel n'estpas toujours le cas, car beaucoup defermiers et d'artisans indépendants ontété contraints par la pauvreté et la stag¬nation économique de leur propre ré¬gion à s'en aller ailleurs, pour fairedes travaux non qualifiés dont per¬sonne ne veut.

Ajoutons que souvent, dans le paysd'accueil, la population ne témoigneaucune bienveillance aux emigrants,quand elle n'a pas à leur égard uneattitude hostile ; ajoutons le manquede logement, le coût de la vie et lesloyers élevés, les abus dont sont vic¬times les nouveaux venus ignorantsdes usages locaux, les barrières lin¬guistiques et culturelles et le tristetableau sera complet, si l'on y ajouteencore l'insécurité et le fait que l'émi-grant n'a guère de chances de voir sonsort s'améliorer. Beaucoup trop sou¬vent, en effet, l'immigrant ne jouit pasde la même sécurité qu'un autre tra¬vailleur. A l'usine comme à la pen¬sion, il est le dernier accepté et lepremier congédié. Combien de tempslui sera-t-il permis de rester dans unpays étranger? S'il peut faire venirles siens, quelles chances a-t-il des'établir en permanence ? Que devra-t-il faire après une période de rési¬dence temporaire ? Çue sera la situa¬tion dans son propre pays à cetteépoque ? Autant de questions sansréponses.

Crainte. Soupçons. Peu d'espoir enl'avenir. Parfois, c'en est trop etl'homme est en proie à l'effondrementmental ou moral. Qui peut s'en éton

ner? Çui peut le blâmer? Mais quidonc le comprend et l'aide? Certes,- ily a beaucoup de gens généreux etcapables qui font de leur mieux pourlui apporter quelque bien-être, mais ilfaut absolument faire plus si l'onveut résoudre les problèmes qui seposent, et éviter des calamités ulté¬rieures. SI le travailleur migrant a sesproblèmes, d'autres ont' les leurs : safamille, au loin ; les gouvernements ;les autorités locales ; les employeurs,les dirigeants des syndicats, et le grandpublic du pays d'accueil. Tous sontdépendants les uns des autres dansla recherche de solutions. Ainsi, la

durée du séjour du travailleur à l'étran¬ger dépend :

de son employeur, qui, en retour,doit savoir s'il peut compter sur lamain-d'nuvre étrangère, et pendantcombien de temps ;

du gouvernement du pays d'ac¬cueil, qui n'est intéressé à renouvelerle permis de travail que s'il manquetoujours de main-d' ;

du développement économiquedu pays de l'immigrant ; l'établisse¬ment de plans impose une certaineconnaissance du nombre et de la quali¬fication des travailleurs émigrés quienvisagent de retourner chez eux.

T,OUTE solution réaliste

nécessite une coopération et une con¬sultation entre les intéressés, et dès

le début. Faute d'en tenir compte, nousavons vu surgir les difficultés socialesque nous affrontons aujourd'hui.

Quand, dans les pays développés, lamain-d'euvre est insuffisante pouraccomplir les plans de productivité,on fait appel à la main-d' étran¬gère comme « bouche-trou ». Il s'agitde franchir le pas, l'opération est sou¬vent présentée comme une mesurepurement temporaire et bien des gensla tiennent encore pour telle. Mais bienloin de disparaître avec les années,la main-d'�uvre étrangère pullule. Ilest aujourd'hui bien difficile de voircomment pourrait s'y substituer lamain-d' locale. Où sont les tra¬

vailleurs locaux pour faire ces tra¬vaux ? Et qui désirerait les faire ?Aujourd'hui, les choses en sont aupoint que nombre de pays ont un nou¬veau prolétariat sous-payé pour faireles tâches dont personne ne veut.

La ligne de partage, à présent, nepasse plus exactement entre des clas¬ses sociales, mais tout autant entre

des groupes ethniques, ce qui soulèvede graves problèmes sociaux. On nepeut les éviter qu'en prenant à tempsdes mesures convenables pour per¬mettre l'assimilation économique, so¬ciale et culturelle des travailleurs quirésident en permanence, ou pour unelongue période, dans un pays étranger.S'ils ne sont pas encouragés à appren-

dre la langue, à adopter le mode devie et les manières de penser de leurpays d'adoption, et à partager lesdroits et les devoirs des citoyens dece pays, ils sont en danger de n'êtreplus, pour le reste de leur vie, quedes « personnes déplacées ».

Aujourd'hui, Il y a des jeunes gensqui, en nombre considérable, s'en vonttravailler quelques années à l'étran¬ger, puis retournent s'établir chez euxavec l'argent qu'ils ont économisé,enrichis aussi d'une nouvelle expé¬rience. Eux aussi ont besoin d'être

aidés car, si dans le pays où ils trou¬vent du travail, leurs compatriotes ontdéjà formé un nouveau prolétariat eth¬nique, les jeunes nouveaux venus ris¬quent de s'y fondre. Alors, au lieud'acquérir de nouvelles qualifications,ils prendront des habitudes et desmodes de vie qui rendront difficile, oumême impossible, leur accession àune vie meilleure quand ils retourne¬ront chez eux.

Un autre mécompte pour les jeunesmigrants, c'est qu'ils peuvent recevoirune formation professionnelle (com¬merciale ou autre) qui est inconnuedans leur propre région. Ils y sont

exposés à l'intérieur même des fron¬tières de leur pays. Le Calabrais quitrouve du travail dans le nord de l'Ita¬

lie sur une chaîne de montage devoiture ou au tableau de contrôle

d'une usine de produits chimiques peut,lorsqu'il s'en retourne chez lui, avoirquelque difficulté à se réinstaller pourfabriquer des sacs de cuir ou des can¬nes à pêche. En tout état de cause, ilsera habitué aux meilleures conditions

d'emploi et au meilleur pouvoir d'achatqu'il a connus dans le nord de l'Italie.

La migration au-delà des frontièresnationales peut rendre ce problèmeplus grave encore. C'est pourquoi iLnous faut penser en termes sociaux,économiques et technologiques et êtreprêts à une vaste étude et confronta¬tion au niveau international. C'est là

que les organisations internationalessont en mesure d'apporter une efficacecontribution. Les plans concernant lamise en iuvre de l'article 50 du traité

de Rome, selon lequel les Etats mem¬bres doivent, dans le cadre d'un pro¬gramme commun, encourager l'échan¬ge des jeunes travailleurs, peuventfournir un cadre valable à ces ini¬

tiatives.

On parle beaucoup ces temps-cide la nécessité de plans sociaux, com¬plémentaires des plans économiques.S'il est un domaine où cette leçonvaut d'être mise en pratique, c'est biencelui de la migration. Sans programmesoigneusement établi, nous serons iné¬vitablement submergés par la maréedes problèmes et conflits sociaux, avectous les maux qu'ils engendrent.

Est-il encore temps de canaliser leflot dans la bonne direction ? Sans

doute, mais il y a un obstacle majeur,celui-là même qui a provoqué toutle drame : le manque de personnelqualifié. Car il est fort bon de créerdes emplois, d'organiser ce qu'il fautfaire, de chercher comment le faire,mais, en fait, qui va faire le travail ?Nous touchons là à l'un des plus pres¬sants problèmes de notre époque ; ilconcerne l'industrie, les institutions

gouvernementales, les institutions in¬ternationales et les instances religieu¬ses : nous sommes en train de gas¬piller nos ressources humaines. Il sepeut que ce problème soit à la racinemême de beaucoup d'autres problè¬mes, y compris celui des migrationsde travailleurs.

PLUS DE 5 MILLIONS

DE TRAVAILLEURS MIGRANTS

DANS HUIT PAYS D'EUROPE

Bien que les Nations Unies aient rassemblé des données surles migrations internationales, il n'existe aucune statistiqueactuelle des migrations de travailleurs. Le tableau que nousprésentons ici est limité aux principaux courants de migrationsdans huit pays d'Europe en 1967. Il est basé sur une étudepréparée par le Comité des Eglises auprès des travailleursmigrants en Europe occidentale. Des statistiques globales sur lesmigrations de travailleurs sont extrêmement difficiles à établir,ne serait-ce qu'en raison des grandes variations d'un paysà l'autre quant à la définition du « travailleur migrant » etau mode d'enregistrement. Ce tableau n'est donc qu'uneapproximation et sa publication n'implique aucune reconnaissanceofficielle de la part des Nations Unies ou de ses organisations.

PAYS D'ACCUEIL AUTRICHE FRANCERÉP. FED.

D'ALLEMAGNESUISSE BELGIQUE PAYS-BAS SUÈDE RDYAUME-UNI Total

Pays d'origine :

Europe :Grèce 380 10 000** 140310 8 000 6 400 2 050 5 920 4 000* 177 060

Italie 1 430 700 000 266 800 510 000 68 160 7 500 5 420 35 000 1 594 310

Malte _ _ _ _ 33 000 33 000

Portugal 300 000 17 800 2 110 2 350 4 000* 326 260

Espagne 350 640 120 1 1 8 030 81 000 25 680 13 700 3 190 30 000 912070

Yougoslavie 45 480 40 000 97 720 11 000 8 000 1 450 13 420 2 000* 219070

Moyen-Orient :Chypre _ _ _ effooo* 60 000

Turquie 6 500 5 500 131 310 7 000 7 270 10 700 1 500* 169 780

Asie :

Hong-kong 17 000 17 000

Inde 990 3 070 230 000 234 060

Malaisie r 16 000 16 000

Pakistan _ 180 420 125 000 125 600

Singapour - - - - 18 000 18 000

Amérique :Antilles - - - - - - -

445 000 445 000

Afrique :

Algérie 600 000 1 480 1 710 603 190

Maroc 1 00 000 5 820 13 370 12 520 131 710

Tunisie 60 000 760** 700 430 61 890

Total 54 140

chiffres ne conce

2 456 790

menique les trav

783 520

ailleurs inscrits à

617 700

3 Sécurité sociah

133 130 50 270 27 950 1 020 500 5 1 44 000

N.B. Pour la Belgique, ces

* Effectif de 1 965

** Effectif de 1 966

31

CHOMAGE OU EXIL ?Offrir un autre choix

aux millions de travailleurs migrants

par Samuel Parmar

L

32

,E mouvement international

de la main-d'suvre peut signifierqu'entre pays industrialisés et paysmoins industrialisés, « besoin » et

« compétence » établissent un équilibreprofitable pour les uns et les autres.Dans les pays industrialisés, il y a dutravail, mais pas assez de travailleurs,alors que les pays moins industrialisésont de la main-d'éuvre en surnom¬

bre, mais pas assez d'occasions del'employer. Ainsi la migration permetaux uns d'aider les autres, et du même

coup de s'aider eux-mêmes. Mais enfait, cette entraide s'avère décevante,

comme en témoignent les complexesproblèmes sociaux et économiques quisurgissent dans le sillage des migra¬tions.

En général, le travail n'est considéréque comme facteur de production.Le coût et le rendement tendent à

déterminer son déplacement. Il s'agitlà d'un critère purement économique.Le déplacement du travail impliqueaussi un déplacement du travailleur.Le facteur « humain » acquiert alorsson importance. En conséquence, unesimple évaluation investissement-ren¬dement n'est pas un juste critère, etle coût social peut l'emporter sur lecoût économique.

Dans son article, le professeurPieter Kuin (voir page 29) soulignel'importance des mesures à la fois àcourt et à long terme, les premièresvisant essentiellement à apporter uneamélioration, les secondes à réformerles structures nouvelles.

Je suis, dans l'ensemble, d'accord

avec certaines de ses suggestions,comme par exemple la nécessité d'uneplanification sociale ; de la coopérationet de la consultation entre les partiesintéressées ; d'une dispersion judi¬cieuse des activités économiques auniveau international, etc. Mais quandon en vient au problème examiné dupoint de yue des nations moins indus¬trialisées, il y a nécessairement entrenous certaines différences d'apprécia¬tion, et partant, un autre choix des

SAMUEL PARMAR est professeur d'écono¬mie à l'université d'Allahabad, en Inde, et aété directeur adjoint de l'Institut scuméni¬que du Conseil mondial des Eglises (Bossey,Suisse).

priorités dans un cadre politiquedonné.

La migration internationale de lamain-d'suvre a toujours entraîné unecertaine forme d'exploitation, avecl'accroissement des bénéfices du par¬tenaire le plus fort, évidemment auxdépens du plus faible. On le voitclairement dans l'historique des migra¬tions. Aujourd'hui, la chose est peut-être moins apparente, mais n'en existepas moins.

Les travailleurs migrants affrontentun double désavantage : économiqueet socio-politique. Comme ils sontgénéralement au plus bas de lahiérarchie du travail, ils commencentperdants sur le marché du travail. Ilssont les derniers embauchés et les

premiers congédiés. Et quand unenouvelle évolution technologiquedéplace le travail, c'est eux surtout quifont les frais de l'opération. A notreépoque de rapides changementstechnologiques, ils apparaissent commehautement superfétatoires.

Une combinaison de préjugéssociaux, de nationalisme mesquin, dexénophobie, de racisme, etc., leurinflige de graves désavantages tantsociaux que politiques, qui vont de ladésapprobation bénigne à l'hostilitédéclarée, phénomènes directementproportionnels à l'ampleur et à l'impor¬tance économique de la main-d'migrante.

Aussi est-il nécessaire, pourcomprendre les problèmes et les pers¬pectives de migration internationalede la main-d'iuvre, de retracer la

genèse de la plupart des problèmes,dans l'optique de l'exploitation inhé¬rente au processus même de la migra¬tion. Toute action entreprise pour yporter remède prendrait alors la formed'une planification sociale intelligente,qui permettrait de contrôler ceux quisont responsables de l'apparition dupréjugé et de l'exploitation.

Certaines des mesures prises pouraméliorer la condition des travailleurs

migrants relèvent des symptômes etnon des causes. Il ne suffit pas d'amé¬nager un certain bien-être pour lesmigrants, et d'assurer plus d' « huma¬nité » dans les rapports que les natio¬naux ont avec eux. C'est là, certes, unepremière étape importante. Mais il est

plus important encore de créer unclimat nouveau qui permettrait demieux accepter et de traiter en égalcelui que l'on tient pour un intrus.

Ce qui veut dire qu'il faudrait fairedes efforts tout particuliers pourinstruire et informer les nationaux afin

de vaincre peu à peu leurs préjugés.Or, jusqu'ici, on n'a pas suffisammentmis l'accent sur ce point. On a cher¬ché surtout quelles mesures prendrepour améliorer le sort des migrants.

Mais qu'a-t-on fait pour résoudre lesproblèmes qui sont provoqués par lapopulation et les structures socialesdu pays d'accueil ? A moins de faireporter l'effort sur la mentalité desnationaux, ces problèmes subsisteront,même quand les migrants seront pro¬fessionnellement qualifiés et prendrontdes attitudes positives.

Il arrive parfois que le travailaccompli pour le bien-être de la main-d'0uvre étrangère semble d'un carac¬tère paternaliste, justement parce quedes gens pleins de bonnes intentionsn'ont pas réussi à voir clairementquelle était la responsabilité des natio¬naux. Et leurs efforts, au lieu d'appor¬ter des améliorations, tendent à don¬ner de nouveaux éléments de

mécontentement aux migrants qui, etnon sans raison, peuvent se sentirtraités en objets plus qu'en personnes.

U,INE brève analyse est peut-être nécessaire ¡ci pour montrer com¬ment migration signifie exploitation. Sil'on compare la migration internatio¬nale de la main-d' à un com¬

merce d'esclaves, le tableau est clair.

Les hommes étaient ravalés au rangde simples moyens de production pourrépondre à la demande d'un travailpeu coûteux assurant un marché deproduits nouveaux : coton, récoltes deplantations, minerais, etc.

Le contrat à long terme, non résilia¬ble par le travailleur, a marqué cer¬tains progrès sur l'inhumain systèmede l'esclavage, mais, presque toujours,il signifiait l'utilisation du travail à basprix, à l'avantage de ceux qui étaientles plus puissants dans la société. Etmême quand les travailleurs se dépla-

çaient d'un pays peu développé à unautre pays peu développé (de l'Indeaux Indes occidentales, ou de l'Inde enAsie du Sud-Est, ou de l'Inde en Afri¬que, etc.), les bénéfices retirés par cespays étaient Inférieurs à ceux qu'aobtenus le pouvoir colonial qui a misle mouvement en train.

Ce processus entraîna un phéno¬mène significatif : l'apparition del'exploitation à des niveaux nouveaux.Dans l'ensemble, les travailleurs

migrants étaient plus zélés et plusqualifiés ; ils acquirent peu à peu unascendant économique sur la main-d'0uvre locale, plus nonchalante. Ilsformèrent une nouvelle classe qui tira

profit de la faiblesse de rendement dela population locale.

Ici, on voit déjà la formation d'unsous-prolétariat. Le prolétariat s'estconstitué de migrants, et le sous-pro¬létariat de nationaux. Contraste saisis¬

sant avec la situation actuelle en

Europe occidentale, où les travailleursnationaux forment le prolétariat et lesmigrants le sous-prolétariat. La diffé¬rence est d'importance.

De nos jours, une migration impliquepeut-être une exploitation moindre,mais elle ne peut en être exempte. Lemanque de main-d'quvre des nationsindustrielles prouve leur force écono¬mique ; et pour développer encore leurforce, elles ont besoin de plus demain-d'iuvre. L'existence d'une main-

d'tuvre sans emploi dans les paysmoins industrialisés est un signe deleur faiblesse économique ; la migra¬tion de travailleurs à la recherche

d'emplois aggrave leur faiblesse. Ilserait donc faux de dire que des rela¬tions économiques fondées sur despositions d'une telle Inégalité signifientsolidarité et équitable répartition desbénéfices.

On a parfois tendance à appuyersur le gain du travailleur migrant plusque sur sa contribution économique.Or, en donnant les travailleurs migrantscomme bénéficiaires parce qu'ilsn'auraient connu dans leur propre paysque la misère, on peut facilementtrouver des arguments pour justifierleurs mauvaises conditions de vie.

Puisqu'ils sont déjà à l'étranger beau¬coup mieux que chez eux, ne devraient-ils pas se réjouir d'une sorte de bien-

su ITE PAGE 34

LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Environ 90 000 marins originaires d'Asie travaillent sur des naviresbattant pavillon étranger. Afin d'assurer un minimum de garantiesà ces équipages qui étaient, jusqu'à une époque récente,embauchés sans aucune procédure régulière, des bureauxofficiels de recrutement ont été créés avec le concours de l'OIT dans

les ports de Calcutta, Karachi, Chittagong, Hong-kong et Singapour;en outre les services sociaux mis à leur disposition ont étéconsidérablement améliorés. Mais les marins sous pavillonétranger ne sont pas les seuls bénéficiaires des interventions del'OIT. En effet, c'est à l'amélioration des conditions de travailde l'ensemble des équipages que cette organisation s'estattachée depuis sa création en 1919. Tous les dix ans, une sessionde la Conférence internationale du Travail est spécialement

consacrée aux gens de mer. La session de 1970 s'occuperanotamment des conséquences de la modernisation des navires,du bien-être des marins à bord et dans les ports, des salaires,de la prévention des accidents et de la formation professionnelle.Ci-dessus des apprentis marins à l'exercice sur un bateau-école en Inde.

CHOMAGE OU EXIL (Suite)

Derniers embauchés, premiers congédiés

être qui leur était inconnu ? Dansune certaine mesure, c'est cet état

d'esprit qui entraîne parfois l'hostilitévis-à-vis des migrants et les mauvai¬ses conditions de vie qui sont leur lot.

De nation à nation, plus évidentencore l'avantage caractérisé queretirent les nations industrielles. En

général, les premiers travailleurs quiémigrent sont les plus entreprenantset virtuellement les plus efficaces. Unepart substantielle de leurs salaires estdépensée dans le pays où ils travail¬lent, soit par eux directement, soitindirectement par le pays où est trans¬férée une autre partie de leurs salaires.Leur contribution à l'économie indus¬trielle est double pour sa productionet pour sa demande.

U

34

N certain nombre de fac¬

teurs favorables, comme l'influencedes syndicats, l'intérêt que les gouver¬nements portent à leurs emigrants, laconscience grandissante de l'universa¬lité, etc., font que l'exploitation destravailleurs est aujourd'hui moins ma¬nifeste, en particulier dans les nationsindustrielles occidentales. Mais chez

le migrant, le sentiment plus aigu del'identité et de la conscience de soi

accroît l'exploitation psychologique,car il souffre à présent d'être reléguédans un sous-prolétariat.

Parce qu'il est conscient de sesdroits, parce qu'il voit l'entourer uneclasse travailleuse prospère (forméedes nationaux), et parce qu'il ressentla rancune et l'hostilité de ceux-làmêmes dont il attendait la solidarité,

il se sent profondément misérable.

Il arrive que la main-d'euvre localefasse cause commune avec le patronat

pour sauvegarder sa sécurité et sesprivilèges face à l'empiétement degroupes de travailleurs étrangersmoins qualifiés. La solidarité ouvrièreet l'homogénéité de classe paraissenten voie de disparition. Il semble pres¬que que la prospérité économique enEurope occidentale pousse la main-d''uvre nationale hors du champ ma¬gnétique du prolétariat vers la petitebourgeoisie. L'étrange similitude d'in¬térêts de divers groupes nationauxdevant les migrants est un phénomènenouveau.

Certaines mesures salutaires peu¬vent améliorer le sort du travailleur

migrant, mais ne peuvent, en elles-mêmes, faire disparaître l'exploitationqui demeure sous les formes actuelles.Des mesures plus radicales s'imposentau niveau des structures. Si donc ce

que suggère le professeur Kuinplanification sociale et coopérationintergouvernementale implique unengagement en profondeur, nous som¬mes parfaitement d'accord.

Mais on a l'impression qu'il n'a pasdonné tout son poids à la notion

d'exploitation, et qu'il table sur desremèdes qui ont trait à l'expressionsuperficielle du problème plus qu'à sescauses profondes. Il paraît mettrel'accent sur la réciprocité des gainsacquis grâce aux migrations, et tendà faire reconnaître la migration commeun droit fondamental de l'homme. C'est

là trop simplifier. Le droit fondamentalde l'homme est celui d'être protégéde l'exploitation.

Il est peut-être plus réaliste derechercher une réglementation de lamigration plutôt qu'une politique de laporte ouverte. Une réglementation doitjouer au profit des plus faibles, et nondes plus forts.

Quelques mots à présent sur ladispersion de l'activité économiqueque suggère le professeur Kuin. Elleparaît aménageable dans le cadre del'Europe occidentale, et spécialementdu Marché commun. Depuis que l'ons'est efforcé d'écarter les obstacles

à la libre circulation des facteurs de

production entre les « Six », il semblepossible que capitaux et techniquespuissent aller vers les régions dispo¬sant d'un surplus de main-d'

Le n de la question, c'est lapossibilité de vendre librement lesbiens produits dans la région moinsdéveloppée.

Appliquons ceci à la situation inter¬nationale, spécialement telle qu'elle seprésente entre nations développées etnations en voie de développement.Supposons que capitaux, techniques,compétences aillent vers des nationsqui disposent d'une main-d' sansemploi, et que les industries s'y instal¬lent. Qu'en serait-il de la vente desproduits ? Tout le monde sait que lesnations développées répugnent àimporter des produits manufacturés ousemi-finis des nations moins indus¬

trialisées.

C'est le pire goulot d'étranglementdans les rapports de commerce etd'entraide. Sans marchés établis, cesnouvelles Industries n'absorberont pasune grande partie de la main-d'inemployée. Et le problème de l'excèsde main-d' sera le même

qu'auparavant.

La croissance des industries d'expor¬tation (qui sont des « îlots de 'dévelop¬pement ») dans les pays sous-déve-loppés, repose sur les capitaux, lestechniques et les compétences venusdes nations développées. Mais il nefaut pas perdre de vue que ces pro¬duits ont des débouchés assurés dans

le pays qui a fait l'investissement.Aujourd'hui, on a atteint le degré desaturation dans la vente des expor¬tations traditionnelles des pays en voiede développement. Ils n'ont donc pasde régions séduisantes pour les capi¬taux étrangers, et ils ont un potentiellimité d'absorption de l'excès demain-d'

Autre problème : les techniques spé

cifiques des nations industrialiséesexigent généralement de gros capitauxet peuvent rarement réduire le chô¬mage dans les pays en voie de déve¬loppement. Au contraire ces techni¬ques tendent à transformer un chô¬mage larvaire en chômage radical enattirant beaucoup de villageois versles centres industriels où ils espèrenttrouver des emplois, pour y découvrirqu'il y a peu d'emplois, et encoren'est-ce que pour des personnes qua¬lifiées. Dans nombre de nouvelles

régions industrielles d'Afrique etd'Asie l'existence d'un nombre gran¬dissant de chômeurs dans les villes

est la conséquence de ce phénomène.

Si la dispersion de l'activité écono¬mique est suggérée comme méthodede multiplication des offres d'em¬plois dans les pays en voie de déve¬loppement, il faut démontrer qu'ils'agit bien d'une orientation du déve¬loppement et non d'un déguisementdes intérêts particuliers des nationsdéveloppées. Ce qui exige une miseau point très étudiée des réglementa¬tions de la planification économiquequi, bien entendu, ne peuvent dépen¬dre des initiatives des entreprises etinvestissements privés.

E,,NFIN, en ce qui concernele problème de l'inadaptation des res¬sources humaines ou du manque depersonnel qualifié (que le professeurKuin souligne fortement à la fin de sonarticle), ce n'est là que l'une des trèsnombreuses expressions de l'insuffi¬sance du développement. L'histoire dudéveloppement économique et de l'in¬dustrialisation nous montre que le pro¬cessus de productivité commence mê¬me en l'absence d'une réserve de per¬sonnel qualifié. Et au fur et à mesureque ce processus progresse, apparais¬sent les conditions qui facilitent l'affluxde personnel compétent ou qualifié.

Si ce phénomène peut se produiredans les tâtonnements et les erreurs

d'une croissance économique nonplanifiée, il est certain que les pers¬pectives d'organisation des ressour¬ces humaines sont, de nos jours, bienmeilleures. D'abord, parce que lesinstitutions gouvernementales ou pri¬vées peuvent agir de manière plusresponsable dans le cadre d'uneaction planifiée, le climat de coopé¬ration internationale s'étant amélioré.

Il faut que nous éliminions certainsfacteurs négatifs, comme le nationa¬lisme mesquin, l'égoïsme économiqueet politique, et bien d'autres, qui tousentravent une coopération économi¬que vraiment efficace. Dans le contextedu problème des migrations de lamain-d' ceci implique, tant auniveau national qu'international, cer¬tains progrès visant à éliminer lesmotifs d'exploitation qui sont à l'ori¬gine du problème.

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Ali-Haddad, Alger. ALLEMAGNE. Toutes les publi¬cations : R. Oldenbourg Verlag, Unesco-Vertrieb fürDeutschland, Rosenheimerstrasse 1 45, Munich 8. UnescoKurier (Edition allemande seulement) BahrenfelderChaussee 160, Hamburg-Bahrenfeld, CCP 276650.(DM 1 2). AUTRICHE. Verlag Georg Fromme et C-Spengergasse 39, Vienne V. ( AS 82 ). - BELGIQUE.Toutes les publications : Editions « Labor », 342, rueRoyale, Bruxelles 3. Standaard. Wetenschappelijke Uitge-verij, Belgiëlei 147, Antwerpen 1. Seulement pour « leCourrier » (1 70 FB) et les diapositives (488 FB) : Jean deLannoy, 112, rue du Trône, Bruxelles 5. CCP 3 380.00.

BRESIL. Librairie de la Fundaçao Getulio Vargas,Caixa Postal 4081-ZC-05. Rio de Janeiro, Guanabara.BULGARIE. Raznoîznos 1, Tzar Assen, Sofia. CAM¬BODGE. Librairie Albert Portail, 1 4, avenue Boulloche,Phnom Penh. CAMEROUN. Papeterie Moderne,Maller & Cie, B. P. 495, Yaounde. CANADA.Imprimeur de la Reine, Ottawa, Ont. ($ 4.00).CHILI. Toutes les publications : Editorial UniversitariaS.A., casilla 10220, Santiago. « Lement : Comisión Nacional de la

764, dpto. 63, Santiago (E°).CONGO. La Librairie, Institut politique congolais. B. P.23-07, Kinshasa. COTE-D'IVOIRE. Centre d'Edition

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Courrier » seule-

Unesco, Mac-lverREP. DEM. DU

UNIS. Unesco Publications Center, P.O. Box 433,New York N.Y. 10016 ($ 5). - FINLANDE.Akateeminen Kirjakauppa, 2, Keskuskatu, Helsinki.(Fmk 1 1,90). FRANCE. Librairie Unesco, Place de Fon¬tenoy, Paris. C.C.P. 12.598-48. (F. 12). GRÈCE.Librairie H. Kauffmann, 28, rue du Stade, Athènes.Librairie Eleftheroudakis, Nlkkis, 4. Athènes. HAITI.Librairie « A la Caravelle », 36, rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. HONGRIE. Akademiai Könyvesbolt, VaciU 22, Budapest V., A.K.V. Könyvtarosok Boltja, BudapestVI. Nepkoztársasag U. 16. ILE MAURICE. NalandaCo. Ltd., 30, Bourbon Str. Port-Louis. INDE. OrientLongmans Ltd. : 1 7 Chittaranjan Avenue, Calcutta 1 3.Nicol Road, Ballard Estate, Bombay 1 ; 36a. Mount Road,Madras 2. Kanson House, 3/ 5 Asaf Ali Road, P.O. Box 386,Nouvelle-Delhi .1 . Indian National Commission for Unesco,att. The Librarian Ministry of Education, " C " Wing,Room 214, Shastri Bhawan, Nouvelle-Delhi 1. OxfordBook and Stationery Co., 1 7 Park Street, Calcutta 1 6.Scindia House, Nouvelle-Delhi. (R. 1 3. 50) IRAN. Com¬mission nationale iranienne pour l'Unesco, avenue duMusée, Téhéran. IRLANDE. The National Press, 2Wellington Road, Ballsbridge, Dublin 4. ISRAEL, Ema¬nuel Brown, formerly Blumstein's Bookstore : 35, AllenbyRoad and 48, Nahlat Benjamin Street, Tel-Aviv. - ITALIE.Toutes les publications : Libreria Commissionaria Sanson i ,via Lamarmora, 45. Casella Postale 552, 50121 Florence,et, sauf pour les périodiques : Bologne : LibreriaZanichelll, Piazza Galvanl 1/h. Milan : Hoepli, via UlricoHoepli, 5. Rome : Libreria Internazionale Rizzoli GalleriaColonna, Largo Chlgi. Diffusione Edizioni Anglo-Ameri-cane, 28, via Lima, 001 98, Rome. Turin : Librairie Française,Piazza Castello 9. JAPON. Maruzen Co Ltd. P.O. Box5050, Tokyo International, 100.31. LIBAN. LibrairieAntoine, A. Naufal et Frères, B. P. 656, Beyrouth.LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück, 22, Grand'Rue,Luxembourg. (1 70 F. L.). MADAGASCAR. Toutesles publications : Commission nationale de la Républiquemalgache. Ministère de l'Education nationale, Tananarive.« Le Courrier » seulement : Service des oeuvres post etpéri-scolaires, Ministère de l'Education nationale, Tanana¬rive. MALI. Librairie Populaire du Mali, B. P 28,Bamako. MAROC. Librairie « Aux belles images »,281, avenue Mohammed-V, Rabat. CCP 68-74. « Cour¬rier de l'Unesco » : Pour les membres du corps ensei¬gnant : Commission nationale marocaine pour l'Unesco,

20 Zenka Mourabitine, Rabat (C.C.P. 324.45). MAR.TINIQUE. Librairie J. Bocage, rue Lavoir. B.P. 208,Fort-de-France MEXIQUE. Editoria Hermes IgnacioMariscal 41, Mexico D. F., Mexique (Ps. 30).MONACO. British Library, 30, bid des Moulins, Monte-Carlo. MOZAMBIQUE. Salema & Carvalho Ltda.,Caixa Postal 192, Beira. NORVÈGE. Toutes les publi¬cations : A.S. Bokhjornet, Akersgt 41 Oslo 1. Pour « leCourrier » seulement : A.S. Narvesens, LitteraturjenesteBox 6125 Oslo 6. NOUVELLE-CALÉDONIE.Reprex. Av. de la Victoire, Immeuble Paimbouc. Nouméa.

PAYS-BAS. N.V. Martinus Nijhoff Lange Voorhout9. La Haye (fl. 10). POLOGNE. Toutes les publica¬tions : ORWN PAN. Palac Kultury, Varsovie. Pour lespériodiques seulement : « RUSH » ul. Wronia 23 Varso¬vie 1 0. PORTUGAL. Dias & Andrade Lda, LivrariaPortugal, Rua do Carmo, 70, Lisbonne. RÉPU¬BLIQUE ARABE UNIE. Librairie Kasr El Nil 3, rueKasr El Nil, Le Caire, Sous-agent : la Renaissance d'Egypte,9 Tr. Adly Pasha, Le Caire. ROUMANIE. Cartimex,P.O.B. 134-135, 126 Calea Victorici, Bucarest,

ROYAUME-UNI. H.M. Stationery Office. P.O. Box569, Londres S.E.I. (20/-). - SÉNÉGAL. La Maisondu livre, 13, av. Roume, B.P. 20-60, Dakar. SUÈDE.Toutes les publications : A/B CE. Fritzes, Kungl. Hov-bokhandel, Fredsgatan 2, Stockholm, 16. Pour « leCourrier » seulement : The United Association of Sweden.Vasagatan 15-17, Stockholm, C. SUISSE. Toutesles publications : Europa Verlag, 5, Ramistrasse, Zürich.C.C.P. Zürich VIII 23383. Payot, 6, rue Grenus 1211Genève, 11 C.C.P. 1-236. Pour « le Courrier » seu¬lement : Georges Losmaz, 1, rue des Vieux-Grenadiers,Genève, C.C.P. 12-4811 (FS. 12). - SYRIE. LibrairieSayegh Immeuble Diab. rue du Parlement. B.P. 704,Damas. TCHÉCOSLOVAQUIE^.N.T.L.,Spaleni51,Prague 2. (Exposition permanente); Zahranicni Literatura,11 Soukenicka,4, PragueL TUNISIE. Société tunisiennede diffusion, 5, avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE.Librairie Hachette, 469, Istiklal Caddesi, Beyoglu, Istanbul.U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga, Moscou, G-200. URUGUAY. Editorial Losada Uruguaya, SA. LibreríaLosada, Maldonado, 1 092, Colonia 1 340, Montevideo.

VIETNAM. Librairie Papeterie Xuan Thu, 185.193, rue Tu-Do, B.P. 283, Saigon. YOUGO¬SLAVIE. Jugoslovenska-Knijga, Terazije 27, Belgrade-Drzavna Zaluzba Slovenije, Mestni Trg. 26, Ljubljana.