un bourgogne «petitprix» : le monthélie vos 1979: à

3
Un bourgogne «petitprix» : le Mon Vos 1979: à déboucher ou à conse Saumon fumé: nos suggestions-vin

Upload: others

Post on 12-Feb-2022

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Un bourgogne «petitprix» : le Monthélie Vos 1979: à

Un bourgogne «petitprix» : le Monthélie Vos 1979: à déboucher ou à conserver ? Saumon fumé: nos suggestions-vins

Page 2: Un bourgogne «petitprix» : le Monthélie Vos 1979: à

^JmrnM Â %/

ROBERT PLAGEOLES L'ARCHÉTYPE CHIC DE (,AILLA( Figure-phare du Sud-Ouest, voilà plus de trente ans que Robert Plageoles navigue,

entre chais et livres d'histoire, à la recherche de son Titanic à lui : Gaillac. Son plus beau trésor ? Le vin de voile.

Et notre archéologue du vin a d'autres fouilles en chantier !

Quand à Gaillac, on croise une voiture immobile le long de la route qui mène à Albi, personne ne s'étonne : «Ça, c'est encore le Père Plageoles qui est

tombé en panne sèche !» Essayez toujours de jeter un coup d'oeil au niveau d'essence ! Un capharnaiim de poche s'accumule sur le tableau de bord : de la note du boucher à la page empruntée à un vénérable manuscrit, plus quelques boulons et un crayon pour faire bonne mesure. D'ailleurs, le susdit Père Pla-geoles a mieux à faire qu'à fixer obstinément une vulgaire jauge d'essence. La voiture, ça lui sert surtout à se transporter. Pas de ces transports qui se réduisent à une stupide loco-motion. Plutôt des voyages-prétextes dans ce vignoble qu'il connaît jusque dans ses plus infimes métamorphoses. Des itinéraires inté-rieurs. S'il faut aller d'un point à un autre, Robert Plageoles ne choisit surtout pas la ligne droite. Qui soupçonnerait, dans ce solide person-nage, le rêveur ? L'énergie de la poignée de mains peut-être, l'accent du Sud-Ouest sûre-ment, lui donnent des faux airs de «grand gaillard de Gaillac» : franc comme l'or, un sacré brin de bagou, des petits vins bien typés, le métier dans les tripes. Le prototype du «chaleureux vigneron méridional»... rôdé jusqu'à la moëlle. Avec, peut-être, un «plus» plus que fameux : le vin de voile. Un pâle ersatz du vin jaune façon Gaillac, pour les mauvaises langues. Une «trouvaille» retrou-vée par le génie d'un homme amoureux fou des traditions régionales, pour les langues bien informées. Un vin à siroter impérative-ment sur catamaran - bouteille équipée de flotteurs -, pour quelques langues sportives attardées. A part ça, au sud de l'Ouest, rien de nouveau ! «Bon, ce vin de voile ?» Surprise. Robert Pla-geoles vous entraîne dans les bas-fonds de sa cuverie pour vous montrer... les fermentations des moûts. La méthode gaillacoise, voilà ce qui le préoccupe. On tend l'oreille quand il parle des levures («au moins 128, une force de pression») qu'il faudra maîtriser pour «juguler la crise» (la prise de mousse). N'ou-bliez pas les sous-titres ou vous ne compren-drez rien au film. Heureusement, le maître des lieux n'est pas avare de commentaires. Ils ne sont plus que quelques antédiluviens à

Page 3: Un bourgogne «petitprix» : le Monthélie Vos 1979: à

pratiquer cette méthode naturelle de vinifi-cation des mousseux. «C'est plus incertain que la méthode champenoise qui marche à tous les coups. Mais surtout, ça «fait moins bien». Il y a toujours un dépôt naturel au fond de la bouteille. Forcément, c'est moins vendeur. Aujourd'hui tout le monde voudrait des vins de Gaillac bien habillés. Avec un noeud papillon, pendant qu'ils y sont !» Robert Plageoles fulmine. Passer aussi désin-voltement à côté de toutes les ressources, toute la richesse du vignoble le désole. L'image de Gaillac, Robert Plageoles en a plein la tête, plein les yeux et gros sur le coeur. On ne réhabilite pas un vignoble marqué par mille ans d'histoire, producteur des vins les plus renommés du Moyen Age en imposant des «jus de vigne» passe partout, les plus par-faits possibles. Allez hop, une petite méthode champenoise par ci. Un petit coup de gamay par là. Et on n'a plus qu'à mettre le mauzac, le duras, le len de lel au musée et la clef sous la porte. Parce que les vins bien ficelés, bien sous tous rapports, n'ont aucun intérêt aux yeux - deux mitraillettes - de Robert Plageo-les. Comme il y a le bien et le mal, le blanc et le noir, il y a les vins «état d'esprit». Et les vins «technique» : mot tabou. Frémisse-ment d'horreur dans le chai... Les deux mitraillettes continuent de cracher les flam-mes. Un vin «technique», ça n'a pas de goût. Et surtout pas le goût de Gaillac. Imposer la perfection comme unique critère de réussite d'un vin. Contre vents, pluie et grêle. Contre les aléas de la vinification. Con-tre la personnalité du vigneron. Envers et con-tre tout. C'est insensé. Le vin c'est vivant, caractériel. «Quand les éléments du vin sont inquiets, vous avez des vins stressés. Quand les raisins ne sont pas bien gonflés de soleil, les vins sont tristes. Tous ne vivent pas pareil, ni aussi longtemps.» Un nouveau «droit des vins à disposer d'eux-mêmes»... Les deux mitraillettes se décrètent

un cessez-le-feu. Attendrissement. Les vigne-rons comparent souvent le vin à un animal. Robert Plageoles va plus loin. Il entretient avec ses vins des rapports passionnels. Il les voit naître et vieillir, s'attache à leurs «rides»... «On pardonne mieux la mort quand on sait comment ils ont grandi.» L'homme doit jouer un rôle déterminant dans l'élaboration du vin - un conseil : ne dites sur-tout pas «la fabrication» ou vous vous expo-sez illico aux foudres tonitruantes de l'homme de Gaillac. On ne badine pas avec le verbe ! - mais ne vous vautrez pas dans l'il-lusion. Les vins n'en font qu'à leur tête. Les armadas d'oenologues bardés de diplômes, les batteries de tests, les techniques ultra-perfectionnées ne réfreineront pas ces tendan-cieuses impulsions. Il faut aussi l'expérience et surtout un cinquième sens pour «l'obser-vation immatérielle du vin». Suivre sa pro-gression, sentir le moment propice, deviner l'attente... et «ne pas se tromper plus de 5 fois sur 30. Ou on va dire : t'es pas dégourdi, toi !» «Et ce vin de voile, alors...» Le voilà qui embraye sur Gaillac. C'est parti pour «une petite histoire de Gaillac des origines à nos jours». Du haut de ces pieds de vigne, vingt siècles vous contemplent... La croisade con-tre les Albigeois revue et corrigée par Robert Plageoles. Un fantôme cathare par cep. Plus sérieusement, il est indéniable que l'histoire très particulière de cette région a imprimé une trace indélébile dans le vignoble et dans la psychologie collective. Plus que les raisins ce sont les mentalités qui font et défont le vin. Peut-être cette conviction que le vin est avant tout un fait de société a déterminé le com-bat presque messianique de Robert Plageo-les. Vingt-cinq ans durant il a travaillé au sein du comité interprofessionnel de Gaillac. Sans relâche. Pour imposer le sceau régional au monde entier. Pour renouer avec une répu-tation que les vignerons de Gaillac eux-mêmes avaient oubliée. Quitte à se mobili-ser corps et âme, jour et nuit. Quitte à oublier son propre domaine, à délaisser ses propres vins. Le syndicat porte encore les stigmates du style Plageoles. Aujourd'hui Robert Pla-geoles a pris de la distance. «Le syndicalisme, c'est un peu comme une drogue. Ça m'a pris du temps pour me désaccoutumer.» Mais il n'a pas replongé dans le vin, la tête la première. Il est revenu tout doucement vers SES vignes, SES vins, à doses homéopathi-ques. «Heureusement, j'ai toujours pensé que faire du vin, c'est plus qu'un sport. Ou qu'un métier même. On donne tout et quand on vend du vin, c'est une part de soi qu'on dis-perse.» Besoin de se ressourcer. Pour ça, une méthode brevetée Robert Plageoles : la bulle. Une bulle dans laquelle on s'isole pour s'abs-traire du quotidien, faire le vide et essayer de rattraper ce que le vin vous a pris. C'est là, dans cette bulle, qu'il recompose les éléments d'une vie, qu'il tire des plans sur la comète, qu'il ébauche des idées de futur. A travers le passé qu'il redécouvre, qu'il reconquiert et s'approprie. Une nécessité historique.

Il se penche alors sur les manuscrits, décrypte des grimoires poussiéreux, reconstitue le pay-sage de Gaillac, restaure les us et coutumes. Dans une cuve, fermente une vilaine décoc-tion qui n'a rien à envier à un tas de boue.

Et bien c'est le nouveau terrain d'expérience de Robert Plageoles. Top-secret. Ici on tente la résurrection d'un vin de cépage disparu depuis le Moyen Age. N'insistez pas. Robert Plageoles restera muet comme la tombe. Il ne dévoilera pas la méthode de vinification. Encore moins le nom du cépage. On peut tout de même rassurer le Plageole's fan club. Cette mixture ne contient ni oeil de corbeau, ni cra-chat de crapaud. Identité : vigneron, pas sor-cier. Autre rat de laboratoire, le fût en meri-sier. Tellement lisse, tellement classe. «Je ne sais pas encore ce que je vais mettre dedans... je m'y mettrais bien moi-même !» Enfin, il se décide à lever le voile du vin du même nom. Six à sept années de vieillisse-ment en fût et une levure mystérieuse qui pro-voque cette nappe de «sédiments» flottant à la surface du vin et lui conférant ce goût de noix si particulier et cette couleur d'ambre clair. Et pour bien démarquer le vin jaune du Jura de celui de Gaillac, il le baptise d'un nom à la mesure de ce liquide aérien : vin de voile. Inimitable. Depuis, il a le vent en poupe. Et en conti-nuant à égrener la liste de ses productions (M. Plageoles va se fâcher tout rouge : com-ment ! Oser traiter mes vins de «produc-tions» !), on lit des choses surprenantes. Le mauzac nature, pour la méthode gaillacoise, le mauzac de Robert Plageoles, le moelleux de Robert Plageoles, etc. Etonnant, non, que l'homme qui a le plus œuvré pour la typicité des vins de Gaillac fasse les vins les plus «per-sonnels» de ce terroir...

Rita Grimaldi