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Les tout-petits et les écrans Étude sur les attitudes des parents Depuis plusieurs années, l’UNAF souhaite mieux comprendre le rapport qu’entretiennent les familles vis-à-vis des écrans, afin de mieux les accompagner. L’UNAF a ainsi réalisé plusieurs études et guides conseils auprès et en direction des parents et des enfants, sur le téléphone portable, les jeux vidéo ou encore les réseaux sociaux. Ces travaux complètent de nombreuses recherches sur les pratiques médiatiques des enfants et le rôle déterminant des parents . A travers cette nouvelle étude, l’UNAF a souhaité poursuivre son action et s’intéresser à une question sur laquelle il existe bien peu de données : l’usage des écrans par les enfants de moins de 3 ans. Cette thématique n’est certes pas une problématique inédite pour nous : nous avons déjà agît avec le CIEME pour interdire la diffusion de chaines de télévision spécifiquement destinées aux bébés et nous avons déconseillé l’usage de la TV avant 3 ans, l’estimant ni utile, ni adaptée à l’enfant. Alors pourquoi revenir sur cette question ? A travers nos actions de ter- rain, notamment via les UDAF, nous rencontrons de nombreux parents qui évoquent l’usage d’écrans avant 3 ans : la télévision mais aussi de plus en plus les tablettes tactiles. Nombre d’entre eux sont conscients que l’usage des écrans si tôt est peu adapté au développement de l’enfant. Et sont en recherche de conseils qui puissent les aider à mieux gérer les écrans au regard de leurs propres situations de vie. De ce constat, il nous a semblé nécessaire d’aller au-delà des conseils généraux pour mieux prendre en compte les réalités vécues par les familles et pouvoir les accompagner plus finement dans la maitrise des pratiques médiatiques de l’enfant. La méthode qualitative s’est ainsi imposée comme une évidence pour répondre à nos préoccupations. D’une grande richesse, cette étude nous permet aujourd’hui de mieux appréhender le regard des parents et des professionnels de l'enfant sur les écrans, de mieux connaître leurs motivations à utiliser les médias avec les plus jeunes et de mieux comprendre comment les pratiques médiatiques sont intégrées de façon plus ou moins consciente par les parents dans les activités de l’enfant. Cette étude révèle aussi qu’il n’est simple pour aucun parent de limiter l’accès aux écrans y compris au plus jeune âge de l’enfant. En proposant des astuces en fonction de la place qu’occupent les médias dans les activités de l’enfant, nous espérons que chaque parent ou professionnel de l’enfance pourra s’y retrouver et ainsi mieux gérer les écrans. François FONDARD Président de l’UNAF ÉDITORIAL ualitative Ecouter les familles pour mieux les comprendre N 0 10 Décembre 2014

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Les tout-petits et les écrans Étude sur les attitudes des parents

Depuis plusieurs années, l’UNAF souhaite mieux comprendre le rapport qu’entretiennent les familles vis-à-vis des écrans, afin de mieux les accompagner. L’UNAF a ainsi réalisé plusieurs études et guides conseils auprès et en direction des parents et des enfants, sur le téléphone portable, les jeux vidéo ou encore les réseaux sociaux. Ces travaux complètent de nombreuses recherches sur les pratiques médiatiques des enfants et le rôle déterminant des parents .

A travers cette nouvelle étude, l’UNAF a souhaité poursuivre son action et s’intéresser à une question sur laquelle il existe bien peu de données : l’usage des écrans par les enfants de moins de 3 ans.

Cette thématique n’est certes pas une problématique inédite pour nous : nous avons déjà agît avec le CIEME pour interdire la diffusion de chaines de télévision spécifiquement destinées aux bébés et nous avons déconseillé l’usage de la TV avant 3 ans, l’estimant ni utile, ni adaptée à l’enfant.

Alors pourquoi revenir sur cette question ? A travers nos actions de ter-rain, notamment via les UDAF, nous rencontrons de nombreux parents qui évoquent l’usage d’écrans avant 3 ans : la télévision mais aussi de plus en plus les tablettes tactiles. Nombre d’entre eux sont conscients que l’usage des écrans si tôt est peu adapté au développement de l’enfant. Et sont en recherche de conseils qui puissent les aider à mieux gérer les écrans au regard de leurs propres situations de vie.

De ce constat, il nous a semblé nécessaire d’aller au-delà des conseils généraux pour mieux prendre en compte les réalités vécues par les familles et pouvoir les accompagner plus finement dans la maitrise des pratiques médiatiques de l’enfant. La méthode qualitative s’est ainsi imposée comme

une évidence pour répondre à nos préoccupations.

D’une grande richesse, cette étude nous permet aujourd’hui de mieux appréhender le regard des parents et des professionnels de l'enfant sur les écrans, de mieux connaître leurs motivations à utiliser les médias avec les plus jeunes et de mieux comprendre comment les pratiques médiatiques sont intégrées de façon plus ou moins

consciente par les parents dans les activités de l’enfant.

Cette étude révèle aussi qu’il n’est simple pour aucun parent de limiter l’accès aux écrans y compris au plus jeune âge de l’enfant. En proposant des astuces en fonction de la place qu’occupent les médias dans les activités de l’enfant, nous espérons que chaque parent ou professionnel de l’enfance

pourra s’y retrouver et ainsi mieux gérer les écrans.

François FONDARDPrésident de l’UNAF

éditorial

ualitativeEcouter les familles pour mieux les comprendre

N0 10

Décembre 2014

Méthodologie

Les résultats présentés ici ont été obtenus à l’issue d’une enquête qualitative menée sur deux terrains, en Ile de France (Paris et Seine Saint-Denis) et en Mayenne, auprès de 25 parents et professionnels de l’enfance, par des entretiens individuels semi-directifs d’environ une heure.

Les conditions de recrutement des familles ont été différentes sur chacun des ter-rains. En Mayenne, le recrutement des parents est passé par l’UDAF de Mayenne, le réseau d’associations engagées dans l’accompagnement de la petite enfance mais aussi des centres d’accueil. En Ile de France, l’appel aux parents est passé par des psychologues et des directrices de crèches. La composition sociologique des deux échantillons diffère, les inégalités sociales et culturelles étant bien plus grandes dans l’échantillon francilien.

Au total , l’échantillon des 25 entretiens réalisés permet de disposer d’une grande diversité des situations géographiques (rural / urbain, petite ville / région parisienne), des situations familiales (mères seules/couple parental, enfant unique/ famille nombreuse), de l’âge des enfants (moins de 2 ans, plus de 2 ans), sexe de l’enfant (fille / garçon), des situations sociales (milieux populaires non diplômés, milieux popu-laires diplômés, milieu intermédiaire, milieux favorisés), des modes de garde de l’enfant (assistante maternelle, mère à la maison, crèche). Mais quelques entretiens avec des hommes ont pu être menés (3 sur 25). Une proportion représentative du domaine de la petite enfance encore très peu investi par les hommes.

L’objectif initial de l’enquête était de comprendre la place des médias, de la télévision en particulier, dans les activités de la petite enfance (de 0 à 3 ans) et la nature des médiations que les parents construisent autour des médias. Tout en cherchant à apprécier le temps et les modalités d’exposition aux écrans, recueillir des données fiables à ce sujet était néanmoins difficile pour plusieurs raisons. D’abord, les plus petits sont particulièrement dépendants des activités du reste de la famille, leur temps de visionnage spécifique risque de ne pas rendre compte de la réalité de leur exposition aux écrans. De plus, plusieurs campagnes de prévention ayant été diffusées, reconnaître des usages médiatiques pour les plus petits risquait d’être considéré par les parents comme une activité peu valorisante, voire culpabilisante, ce qui pouvait conduire à les minimiser dans leurs déclarations. Il a donc été décidé de conduire l’enquête de façon plus large sur l’ensemble des activités des tout jeunes enfants.

Cette opération de décentrement de la focale de l’enquête au-delà des médias s’est avérée très bénéfique à la compréhension de l’uti-lisation des médias eux-mêmes, en les replaçant parmi les autres préoccupations des parents vis-à-vis de leurs enfants, leurs attentes, leurs inquiétudes, les urgences de la vie quotidienne.

Le nom des localités où sont passées les entretiens, comme celui des personnes, ne seront pas publiés, les prénoms des enfants et les initiales des adultes ont été modifiés.

2 En conformité avec la typologie du Dossier d’étude n°109, CNAF – Fors Recherche sociale, « Etude sociologique sur la résidence en alternance d’enfants de parents séparés »

Répartition des entretiens

Répartition des enfants

concernés par les entretiens

Tableaux des profils des personnes intérrogéesEchantillon Mayenne

Echantillon Ile de France

Milieu favorisé 2 4 Milieu intermédiaire 6 3Milieu populaire diplômé 5 1Milieu populaire non diplômé 0 4Mères élevant seules leur enfant 0 3Familles nombreuses (plus de 2 enfants) 4 4Professionnels de la petite enfance 5 1Entretiens avec des pères 2 1Nombre d’entretiens au total 13 12

Enfants jusqu’à 2 ans 9 3Enfants de plus de 2 ans 9 12Filles 10 8Garçons 8 7Enfants gardés par leur parent 5 3Enfants gardés par une assistante maternelle 6 1Enfants en crèche 2 9Enfants à l’école maternelle 5 2Nombre d’enfants au total 19 15

Réalisation de l’étude : Sophie Jehel, Maître de conférences, CEMTI, Université Paris 8

Etude qualitative I LES TOUT-PETITS ET LES ÉCRANS2

La télévision est le média le plus fréquem-ment évoqué par les parents, mais der-rière ce terme générique de télévision, diverses activités médiatiques sont en réalité visées : un grand nombre de parents utilisent des DVD ou des vidéos postées sur des plateformes de partage qu’ils visionnent indifféremment sur des tablettes, des ordinateurs ou des télévi-seurs. De ce fait, nous étendrons notre évaluation des pratiques médiatiques des tout-petits à l’ensemble des écrans.

Les principales motivations des activités médiatiques : occuper, cal-mer, (ré)compenser, apprendre

Pour les activités extra-médiatiques, les parents cherchent à stimuler l’éveil, la motricité, le langage. Quand les médias viennent prendre place dans la vie des enfants de 0 à 3 ans, c’est généralement pour d’autres motivations.

La première motivation, c’est le fait que la télévision est un moyen d’occuper et de distraire les petits : les images élec-troniques les attirent, captent leur regard et les maintiennent devant l’écran. Rares sont les parents d’enfants de moins de 1 an qui ont invoqué ce moyen, mais à partir de 1 an, c’est un outil que les parents utilisent pour placer l’enfant devant et faire autre chose, ou les occuper les jours de pluie. Une mère déclare que Sebastian (9 mois) aime regarder Tchoupi et que :« Ça le scotche bien ». Elle ajoute cependant ne pas en abuser :« on n’en met pas plus que ça ».

Selon les contextes en effet, c’est une occupation qui sera proposée plus ou moins fréquemment.

La seconde motivation, complémentaire de la première, elle aussi fréquemment invoquée, c’est celle de l’usage de la télé-vision comme d’"un sédatif". Les enfants, dès l’âge de un an, un an et demi, ont beaucoup d’énergie, et ne dorment pas beaucoup dans la journée. Il vient des moments où ils s’énervent, où ils sont fatigués. S’il y a des frères et sœurs, c’est

le moment des disputes, le dessin animé permet d’apaiser les tensions, de porter leur attention ailleurs, de les « hypnotiser ». La télévision leur permet de se reposer, de « se poser », sans se coucher, de faire une sorte de sieste éveillée. C’est à ce titre qu’elle est souvent utilisée en fin de journée.

Ce type d’usage peut conduire à des utilisations extensives de la télévision. Romain se réveille avec Robocar Poli, en prenant son biberon, « sinon il fait une crise », « il ne se calme que s’il a le DVD ». Le soir, il s’endort « à force de regarder la télévision ». Cela peut durer 1heure et demi, peut-être 2 heures. Sa mère a acheté 4 DVD du même dessin animé, et cela lui permet de « tenir 2 heures ». A la crèche, la mère sait qu’il est turbulent, et qu’il fait des crises. À la maison, ce sont les dessins animés, et plus spécialement les épisodes de Robocar Poli, qui le cal-ment, mais il n’apprend pas à se contenir par lui-même. Le week end, sa mère l’em-mène au jardin public, ce qui lui permet de favoriser des activités motrices. Madame S.P. est par ailleurs consciente de ce que l’abus d’écrans n’est pas un atout dans la vie d’un jeune enfant. Mais vivant à trois dans un studio, avec le père, elle n’a pas trouvé d’autre solution.

La troisième motivation des parents est celle de la gratification. Comme il s’agit d’un moment où les enfants éprouvent du plaisir, et qu’ils redemandent en général, la perspective de pouvoir regarder un des-sin animé peut les inciter à faire d’autres activités moins amusantes. A trois ans, Jonathan est capable de s’habiller vite le matin pour pouvoir regarder un dessin animé avant d’aller à l’école. Marie a le droit de jouer à des jeux éducatifs sur la tablette, pendant que sa mère l’habille.

Occuper, calmer, compenser une situa-tion peu agréable, ce sont des motivations qui peuvent se cumuler et expliquer que de nombreux parents téléchargent des applications, des vidéos, des photos, des dessins animés sur leurs téléphones portables ou sur les tablettes pour les moments où les contraintes sont fortes :

trajets en transports en commun, restau-rant, consultation médicale…

Les écrans servent alors à canaliser les pulsions motrices, à aider les enfants à traverser les espaces publics sans bouger, sans déranger les autres, en rendant les contraintes comme invisibles pour les petits.

La quatrième motivation relève de l’appren tissage. Regarder un dessin animé peut constituer une découverte pour l’enfant, au même titre que la découverte de l’environnement physique. C’est une motivation éducative mise en avant par Madame E.B., assistante maternelle, qui utilise dans le même temps le visionnage des dessins ani-més pour calmer les garçons et permet d’aborder la sieste tranquillement. Les motivations éducatives sont plus souvent évoquées par les parents à propos des tablettes sur lesquelles les parents ont téléchargé des applications éducatives, pour faire du coloriage, soigner des ani-maux, apprendre à écrire des lettres, ou à compter en anglais. Mais Madame Z.F. constate que sa fillette (3 ans et demi), qui parle déjà bien, apprend de nouveaux mots de vocabulaire en regardant des dessins animés à la télévision. L’objectif d’apprentissage tel que le conçoivent les parents n’est pas strictement éducatif, avec les médias électroniques, les enfants découvrent aussi des univers qui seront utiles pour leur socialisation. Madame Z.F., professionnelle de la petite enfance, n’aime pas Dora, mais elle accepte qu’Eliane le regarde, car :« elle peut en tirer quelque chose, plaisir, apprentissage » et cela peut faciliter :« les échanges avec les copains dans la cour de récréation ».

Ces 4 motivations apparaissent toutes plus ou moins dans les entretiens. Mais elles ne vont pas conduire les parents à intégrer de la même façon les médias dans les jour-nées des tout-petits. À la fois ces mêmes motivations peuvent de façons ambiva-lentes lever des inquiétudes

Les dispositions des parents face à l’usage des écrans pour les tout-petits

Etude qualitative I LES TOUT-PETITS ET LES ÉCRANS 3

L’enfant scotché

La première inquiétude des parents vient du constat d’une forme de dépendance. Les parents observent que dès lors que l’enfant a fait une expérience télévisuelle, il va demander à la renouveler. Il devient vite difficile de refuser car la demande se fait toujours plus pressante et pour davantage de visionnage. À cet âge où les parents sont extrêmement attentifs aux occupations des enfants, ils redoutent de voir l’enfant de plus en plus « scotché » devant l’écran.

La séduction des programmes peut en effet opérer très vite. Il suffit d’une fois pour être attaché à un programme. Lucile (21 mois) a regardé une fois Zorro chez ses grands- parents pendant les vacances, depuis elle en est devenue « fan » selon sa mère.

Cette dépendance est d’autant plus répul-sive pour les parents qu’ils constatent que les écrans placent les enfants dans un état de passivité, d’absence à soi-même, voire de vide. La mère d’Amaranta a cessé de mettre sa fille devant un dessin animé en la voyant « éteinte » devant l’écran, la petite devait avait entre 12 et 18 mois. Madame N.A. explicite son appréhension : « avec la télévision, j’ai l’impression que les enfants boivent les images. Encore que les dessins animés que je lui mets sont plutôt calmes […]. Mais des fois, elle est plus fatiguée, et elle reste scotchée. Du coup j’ai remarqué qu’elle avançait vers la télévision. Plus elle regarde, plus elle se rapproche de l’écran, comme si elle ne voyait plus vraiment ».

Plusieurs parents ont évoqué le risque de fatigue oculaire, une mère pense même qu’il peut y a une corrélation entre la consommation excessive d’écrans et la dyslexie.

L’envahissement du monde personnel

Le petit enfant doit construire sa vision du monde. De nombreux parents redoutent que la télévision ne vienne au contraire formater l’imaginaire de leur enfant alors même qu’ils sont en train de l’élaborer. « Les crayons et le dessin développent l’imaginaire ».

Mais regarder la télévision, est l’exact contraire de ce que les parents et les éducateurs cherchent à favoriser lorsque l’enfant réussit à s’occuper seul et à construire son monde personnel. Les parents qui redoutent la télévision répètent qu’ils préfèrent que l’enfant s’ennuie, ou qu’il se raconte des histoires seul. Cet effort de construction mentale qui aide l’enfant à donner consistance à sa subjec-tivité est zappé par le visionnage précoce d’images.

Le court-circuit des interactions

Les écrans, comme l’explique Sherry Turkle dans Alone together3, font écran aux relations entre les humains. Ils viennent se substituer aux interactions entre parents et enfants. Or ce sont les interactions qui viennent stimuler l’enfant et favoriser son développement. Certes si on habitue à parler devant l’écran, l’enfant peut aussi interpeller ses parents tout en regardant un dessin animé mais c’est rare et ne concerne pas les plus petits qui ne parlent pas encore, ou parlent peu. Madame N.A. qui est aussi éducatrice décrit les interac-tions qui peuvent se produire quand elle lit un livre. « J’adore raconter des histoires à ma fille. J’ai beaucoup de livres pour enfants […] Quand on lit une histoire, on est dans le plaisir d’animer l’histoire. Elle retient un vocabulaire qu’elle entend, Mais c’est surtout le plaisir. Moi j’adore me mettre en scène, faire les voix ».

De ce fait, les interactions qui se produisent entre la lectrice et l’enfant s’étendent sur toute une gamme : « Quand je lis une histoire elle me regarde, elle rigole, elle réagit au niveau des sen-sations, des sentiments. Elle va refaire la grosse voix. Elle va relire l’histoire après moi. (…] Je ne la trouve pas aussi réactive avec un dessin animé. »

Au-delà de la dimension éducative, cette mère met en avant la dimension sensible, la richesse de l’expérience émotionnelle :« C’est pas la même sensation. C’est aussi de partager des émotions avec la personne qui est à côté de soi […] Il y a un contact plus riche qu’avec la télévision et les supports numériques, je suis convain-cue de ça ».

Ces parents semblent conscients que l'usage intensif de la télévision ou des écrans réduit les interactions avec l'en-tourage. Des études demontrent même que les enfants en bas âge qui y sont le plus exposés ont un vocabulaire moins étendu4.

Des contenus télévisuels inadaptés

Les parents peuvent nourrir d’autres inquiétudes liées non au média lui-même mais à ses contenus. Ils redoutent les représentations qui leur semblent trop violentes. La violence est le premier thème qui vient à leur esprit en tant que contenu inadapté5. L’appréciation de la violence varie selon les parents. Quand les parents choisissent des dessins animés pour leurs enfants de 0 à 3 ans, ils choisissent des comptines, des dessins animés conçus la plupart du temps pour les plus petits comme Tchoupi, Sam le pompier, Oui-oui, Caillou (espagnol). Vers 2 ans, certains leur proposent déjà des longs métrages de Myazaki (Mon voisin Totoro, Le Royaume des chats) ou de Disney (La belle et le clochard …).

Les inquiétudes des parents et des éducateurs

3 Sherry Turkle Alone Together, why we expect more from technology and less from each others, New York, Basic Books 2011.4 Sur le sujet de nombreuses recherches ont été faites aux Etats-Unis. Parmi les plus récentes, Alan L. Mendelsohn, MD; Samantha B. Berkule,et al. “Infant Television and Video Exposure Associated With

Limited Parent-Child Verbal Interactions in Low Socioeconomic Status Households”, Archives of pediatrics and adolescent Medicine, 162 (NO. 5), MAY 2008, consulté sur le site www.archpediatrics.com, une synthèse de la question en anglais se trouve dans l’ouvrage de Zimmerman F.J., Christakis D.A The Elephant in the Living Room, Make Television Work for Your Kids. New York, Rodale, 2006.

Pour un texte en français, consulter Michel Desmurget TV lobotomie, la vérité scientifique sur les effets des écrans (chapitre 2 p 124 et suiv).5 C’est une observation conforme aux résultats de l’enquête S. Jehel Parents, médias qui éduque les préadolescents ? op.cit. Si c’est un contenu très accessible sur les chaînes généralistes, et particulièrement dans

les dessins animés, cf. Frau-Meigs D., Jehel S. Les écrans de la violence, enjeux économiques et responsabilités sociales, Economica 1997, c’est un contenu absent des programmes destinés aux plus jeunes.

Etude qualitative I LES TOUT-PETITS ET LES ÉCRANS4

6 Bermejo Berros J. Génération télévision. La relation controversée de l’enfant avec la télévision, Bruxelles, de Boeck, 2007.

Mais les enfants sont aussi exposés à des programmes qui ne leur sont pas destinés. Madame D.F. a expliqué sa pré-occupation d’avoir laissé sa fille de 2 ans et demi regarder le journal télévisé avec ses parents :« le JT c’est compliqué. Y a toujours des images qui choquent. Elle demande pourquoi ils crient, pourquoi elle pleure la dame. Toutes les réponses amènent un nouveau pourquoi ».

La mère explique que, la veille de l’entre-tien, il y avait eu un accident d’avion et que la fillette a vu le témoignage d’une mère qui pleurait : « J’ai vu sur son visage que c’était dur pour elle. Elle a vu qu’il y avait dans ces images une profonde détresse, mais en plus elle ne comprenait pas. J’ai senti que c’était compliqué pour elle.»

Madame D.F. explicite ici une situation assez commune : elle est partagée entre son envie de regarder le journal pour « garder un pied dans le réel » et la pré-servation de la sensibilité de sa fille. Elle constate que sa fille ressent des émo-tions en visionnant, et qu’elle a du mal à trouver des mots pour lui permettre de comprendre. On est là dans une phase différente de celle de la fascination décrite par les parents. L’enfant n’est pas seule-ment scotché à l’écran, il n’est pas éteint, il éprouve des sentiments et de l’inquié-tude. Madame O.P. a fait le constat que ce type d’images pouvait favoriser des

cauchemars pour son fils de 20 mois et demande aux grands parents de ne pas laisser l’enfant en regarder.

En matière de violence, la sensibilité des parents est assez variable. Plusieurs mères évoquent leur volonté d’éviter les dessins animés dont le montage est trop saccadé, « on sait plus trop où regarder, ça va trop vite », dont les couleurs sont agressives, ou qui comportent des les scènes de violence, rejoignant le diagnos-tic du pédagogue Jesus Bermejo Berros à propos des dessins animés « dénarrati-visants »6 .

Madame G.M. fait exception, elle ne trouve pas que les dessins animés comme Naruto ou Dragon Ball Z soient violents, et elle ne comprend pas pourquoi ils sont accompagnés du pictogramme -10. Pour

elle, le fait que le dessin ne soit pas réa-liste, le rend non violent (22).

Enfin, Madame P.M. s’est rendue compte que le visionnage de certains dessins ani-més comme les Simsons encourageait les enfants à « dire des gros mots », et que le fait de visionner du catch les incitait à la bagarre (n°2). Ce sont des programmes que ses enfants plus grands (8 et 11 ans) aiment voir, mais s’ils se battent ou qu’ils disent des « gros mots », Franck (2 ans) va les imiter.

Madame T.N., qui a une sensibilité éco-logique, est en revanche très sensible à l’agressivité des publicités qu’elle cherche à éviter à tout prix, en préférant le téléchar-gement de vidéo à la télévision de flux et en utilisant le logiciel adblock.

Les principes éducatifs des parents et leurs sources d’informationConfrontés à un univers d’écrans de plus en plus présents aux domiciles, et parti-culièrement dans les foyers avec enfants (CREDOC 2012), les parents construisent des principes qui guident leurs stratégies vis-à-vis des écrans. Ces principes s’éla-borent à partir des motivations qui incitent à l’utilisation des écrans et des inquiétudes que suscite la confrontation d’enfants très jeunes aux écrans.

Les parents s’appuient pour cela davantage sur leurs intuitions et leurs observations que des connaissances ou des informations précises. Les éducatrices de jeunes enfants et les responsables de centres d’accueil

qui nous ont accordé un entretien ont reçu une formation, mais elle ne comportait pas forcément de consignes précises quant aux écrans. Les principes d’éducation qu’elles ont acquis qui valorisent le développement libre, les jouets qui ne « font » pas à la place des enfants, ne peuvent cependant que les inciter à minimiser leurs places.

Certains parents ont reçu des conseils mais sans en comprendre toujours le bien-fondé. Ainsi, Madame I.C., qui utilise les médias de façon extensive pour réussir à contenir les énergies de ses trois enfants, dit ne pas com-prendre pourquoi les parents et la PMI lui conseillent de diminuer la place des écrans :

« On m’a dit que c’est pas bon les dessins animés pour la maternelle. Je sais que j’ai une chaîne pour les bébés. Et pourquoi ils ont inventé cette chaîne-là si on n’a pas le droit de regarder, ça je ne comprends pas ».

Quelques parents, la plupart de milieux favorisés, ont lu des informations sur la nocivité des écrans et de la télévision pour les plus petits, ces conseils, renforcés par les constats qu’ils ont faits par eux-mêmes, viennent légitimer leur souci de minimiser la place des écrans dans la vie de leurs enfants.

Madame A.L., dont la sœur est pédiatre, sait qu’il faut éviter les écrans avant 3 ans,

Etude qualitative I LES TOUT-PETITS ET LES ÉCRANS 5

Les quatre styles de médiation parentale vis-à-vis des écrans

Nous appellons médiation parentale les comportements parentaux qui défi-nissent la relation de leurs enfants aux médias électroniques. La relation des enfants aux écrans n’est déterminée ni par la technique, ni par la société7, elle est construite par les parents, elle diffère d’une famille à l’autre8. En partant du récit fait par les parents du déroulé des jour-nées de leurs enfants, nous cherchons à distinguer quatre styles principaux de médiation des médias qui définissent des modalités différentes d’intégration des médias dans la vie des tout-petits. Pour caractériser les médiations parentales, nous nous appuyons sur les motivations, les inquiétudes et les principes formu-lés par les parents vis-à-vis des médias électroniques, mais aussi sur les pra-tiques médiatiques, telles qu’elles ont été décrites au cours des entretiens.

Nous retenons comme premier axe, le fait d’intégrer la télévision ou les autres écrans dans l’emploi du temps de l’en-fant. Cet axe permet d’opposer les parents qui intègrent les médias parmi les occu-pations régulières des tout-petits et ceux qui souhaitent en minimiser la présence.

Un second axe distingue les parents qui adoptent une posture radicale dans leur choix de médiation, que ce soit pour inté-grer les médias à la vie quotidienne des tout-petits, ou pour les éviter, et les parents qui adoptent une posture plus tempérée (voir figure 1).

Parmi les parents qui font des médias une occupation régulière, certains finissent par organiser la journée des tout–petits autour des médias, nous appellerons « médias-au-centre » ce type de média-tion. D’autres parents définissent un rythme de visionnage pour les écrans, et en font donc une activité normale de l’enfant, mais en lui proposant par ailleurs d’autres activités d’éveil ou de motricité, nous appellerons ce style de médiation

« médias-intégrés ». Parmi les parents qui souhaitent minimiser l’exposition aux écrans pendant les premières années de la vie de leur enfant et considèrent que beaucoup d’autres activités leur sont plus profitables, nous distinguons ceux qui ont une posture radicale et évitent au maximum d’allumer des écrans en pré-sence de leurs enfants, nous appellons « médias-éloignés » cette médiation, et ceux qui ont une posture plus tempérée et choisissent certains contenus qu’ils trouvent éducatifs, les proposant à leurs enfants de temps en temps, nous l’appel-lons ce style de médiation « médias-édu-catifs ».

Ces quatre modalités permettent de préciser la place des écrans dans la vie des jeunes enfants et de différencier des modèles de comportements vis-à-vis des écrans dont les frontières dans la réalité sont parfois moins étanches. Ainsi, l’utili-sation de contenus médiatiques éducatifs est-elle principalement le fait de parents qui minimisent les temps d’écran, mais elle peut aussi ponctuellement être le fait de parents qui intègrent régulièrement les médias dans la vie de leurs enfants.

mais pense que même sans savoir cela, elle l’aurait fait. De même, elle a lu que les jeux vidéo peuvent favoriser certaines aptitudes, mais « cela ne change pas [s]on opinion », elle ne souhaite pas que sa fille joue très tôt à des jeux vidéo (16).

Madame A.F., d’origine tunisienne, en cours de rédaction de sa thèse d’informatique, a lu des articles dans des journaux tunisiens. Elle résume ainsi le message :« tout le monde le dit, l’enfant quand il regarde la télévision, c’est le cerveau qui devient paresseux, il reçoit l’info de façon paresseuse. Des études américaines existent, des articles en français et en arabe, la télévision c’est dangereux pour le déve-loppement de l’enfant. »

D’autres parents ont mentionné à la fois des lectures et des conférences données dans le cadre de la crèche (Paris) ou de maisons de quartier (Mayenne).

Le principe le plus partagé est celui de limi-ter le temps d’écran. Même des parents qui exposent leur enfant de façon très extensive devant la télévision, peuvent être effrayés par la dépendance d’autres enfants de leur entourage vis-à-vis des jeux vidéo. Même des parents qui recourent massivement aux écrans pour occuper leurs enfants, veulent limiter le temps de visionnage :« ce n’est pas trois heures, c’est une heure ».

Mais l’application du principe de limitation a des conséquences fort différentes selon le contexte social de l’enfant.

Comme plusieurs parents de l’échantillon ont des compétences professionnelles en informatique, nous avons pu constater que la familiarité des parents avec l’internet peut conduire à des postures assez opposées vis-à-vis des écrans. Pour les uns, la facilité d’usage des tablettes est une des preuves des faibles compétences qu’elle développe, pour les autres, les tablettes font partie des outils éducatifs modernes indispensables, si on prend quelques précautions.

Selon les parents, la limitation du temps de la télévision ne sera donc pas un principe appliqué à tous les écrans. Le fait d’avoir perdu eux-mêmes beaucoup de temps avec les jeux vidéo agira comme un frein pour certains parents et non pour d’autres.

7 JOUËT J. « Retour critique sur la sociologie des usages », Réseaux, 2000, Vol. 18, Numéro 100, p 486-5218 Voir notamment Jehel S. Parents, médias : qui éduque les préadolescents, op. cit.

Etude qualitative I LES TOUT-PETITS ET LES ÉCRANS6

La médiation « médias-au-centre »Dans le cadre d’une médiation paren-tale « médias-au-centre », les écrans ont tendance à occuper l’essentiel du temps des tout-petits. Et pourtant la plupart des parents savent que l’enfant, à cet âge-là en particulier, a besoin d’autres activités et que le plaisir et la passivité que suscite le visionnage des écrans électroniques est tel que les enfants ont du mal à s’en décrocher si on ne les y aide pas. Nous avons rencontré quelques cas qui nous ont permis de comprendre comment ce type de médiation pouvait se mettre en place.

Madame I.C. élève seule trois enfants, l’aînée a 8 ans, les deux derniers 2 et 3 ans. Elle souffre d’une maladie qui lui rend impossible les sorties avec ses enfants au jardin. Elle est souvent fatiguée et a besoin de s’allonger sur son lit régulièrement. Elle vit dans un deux pièces et partage sa chambre avec les enfants. Quand Chloé, 2 ans, se réveille vers 7h40, elle reçoit son biberon, elle va sur le pot et « demande à regarder Barbie, elle veut Barbie. » Le soir, quand elle rentre de la crèche, « elle veut encore Barbie ». Si sa mère ne lui met pas, « elle pleure ». Madame I.C. a donc enre-gistré des dessins animés Barbie, ce qui lui permet de les lui passer en boucle sur le téléviseur. Pendant ce temps, Jordan, 3 ans et demi, demande à voir « Mc Queen », il est fan de la voiture rouge de Disney. Il le

regarde donc pendant son premier bibe-ron du matin. Pendant un quart d’heure, avant de partir, les deux enfants sont donc installés dans le lit de leur mère en regardant chacun sur un écran différent leur dessin animé, l’un sur tablette, l’autre sur le téléviseur. Cela permet à Madame I.C. de se préparer.

Le soir, le visionnage peut durer plus longtemps. Madame I.C. sait que les dessins animés ne favorisent pas le déve-loppement de ses enfants, car plusieurs parents le lui ont dit, la PMI également. De plus c’est une mère très dévouée qui est prête à se priver de presque tout pour que ses enfants soient heureux, elle adore ses enfants. Mais elle a besoin des écrans pour les élever, car les conflits sont trop difficiles à gérer : « on me dit qu’ils grandissent pas bien pour la maternelle. Mais c’est pas trop facile, moi je suis seule. Quand ils pleurent, ils veulent leur dessin animé, bon, je cède. Mais c’est pas trois heures, c’est une heure c’est tout ».

Dans son deux-pièces, elle a deux ordi-nateurs (un grand et une tablette) et deux téléviseurs. Chacun a donc son écran.

Dans ce cas, plusieurs facteurs viennent expliquer et conforter la médiation « médias au centre ». La fragilité de la santé de la mère l’oblige à rester avec ses enfants à la maison, dans un espace

exigu. Les écrans viennent en quelque sorte agrandir les murs. Ils servent ainsi à oublier les contraintes physiques qui pèsent sur cette famille. L’absence du père renforce la précarité de la situation et accroit la pression subie par la mère qui doit occuper de ses enfants, seule. Mais le style de médiation ne peut s’expliquer seulement par des facteurs physiques. D’autres mères élevant seules leurs enfants peuvent développer d’autres stratégies éducatives. D’autres parents vivant en couple peuvent développer des stratégies « médias-au-centre » parce qu’aucun des deux parents ne cherche à développer vraiment d’autres activités. Dans ce cas, comme dans le cas d’autres utilisations extensives des médias, le goût des parents pour la culture médiatique intervient aussi. Madame I.C. choisit clai-rement la gamme Disney dans la plupart des activités médiatiques de ses enfants ou non. La marque Disney lui semble une garantie de qualité. Il s’agit sans doute aussi d’un goût qu’elle partage avec ses enfants, d’autant que vivant dans un espace exigu elle ne peut manquer d’en-tendre les contenus que regardent ses enfants. Étant donné le rôle immense que les écrans jouent dans le modèle éduca-tif de Madame I.C., on comprend mieux pourquoi toutes les informations qu’elle reçoit sur la nocivité des écrans n’ont que peu d’effet sur son fonctionnement.

Médiation « médias-intégrés » :

Les médias une occupation, parmi d’autres activités

Médiation« médias-éducatifs » :

Des occupations médiatiques exclusivement avec des contenus éducatifs

Médiation« médias-au-centre » :

Les médias constituent une occupation centrale

Médiation« médias-éloignés » :

Éviter les médias le plus possible

Médias Minimisés

Typologie des quatre styles de médiations parentales pour les enfants de 0-3 ans :

Posture radicale

Posture tempérée

Occupations médiatiques régulières

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La médiation « médias-intégrés »

Dans le cadre de la médiation parentale « médias-intégrés » . L’intégration des médias commence généralement dès le matin, avant d’aller à la crèche ou à l’école. Charlie (3 ans) a droit à un des-sin animé avec son biberon du matin, mais aussi le soir quand elle est fatiguée, pour « se poser », sa mère, Madame D.F., surveillante en collège, lui propose un long métrage de Disney qu’« elle ne regarde en général pas en entier ». Mais elle aime bien « La belle au bois dormant », « elle est très Disney ». Le soir après le dîner et le bain, elle regarde encore un dessin animé pendant 10 minutes avec un dernier bibe-ron. La télévision vient donc rythmer sa journée à trois reprises et est chaque fois associée à l’alimentation ou à la détente, prenant de ce fait une forte dimension affective qui peut entretenir l’attachement aux écrans.

Sans que les médias ne soient son unique activité à la maison, Charlie, dès 3 ans, regarde des dessins animés trois fois par jour, à trois moments bien identifiés pour une durée qu’on peut estimer à 1h30-2h, selon son degré de concentration sur le long métrage. Les occupations média-tiques structurent le rythme de la journée et occupent, les jours d’école, une place essentielle du temps qu’elle passe chez elle. Les parents ont des dispositions favo-rables aux écrans. Le père est assistant de direction dans un cinéma, où il travaille jusque tard le soir. Madame D.F. considère

que les médias font partie de la moder-nité, et qu’« il faut vivre avec son temps ». Mais elle nourrit aussi des inquiétudes face à l’impact des images violentes des journaux et même plus largement face au risque de perte de contact avec le réel que pourrait entraîner la fréquentation des écrans. Ces réticences justifient que Charlie n’ait ni tablette ni jeu vidéo, mais ont peu d’impact sur l’utilisation de la « télévision ».

L’accès aux écrans peut se cumuler dès le plus jeune âge. Marie (3 ans) a le droit de jouer 30 minutes tous les matins avec sa tablette où se trouvent des jeux éducatifs, pour apprendre l’alphabet, et les chiffres. Le soir elle regarde un dessin animé de 1h-1h30. Madame T.N. s’est procurée une compilation de comptines qu’elle a trouvée sur YouTube. Marie demande à voir ces comptines et sa petite sœur de 18 mois partage le visionnage. Ces deux plages là sont quotidiennes, qu’on peut évaluer à 1h.30-2h. Quand le père s’absente, les enfants peuvent visionner davantage car :« la télévision rend service quand je suis avec les deux toute seule ».

La posture éducative de la mère est assez contradictoire. Mal-gré la régularité de ces occu-pations médiatiques, elle a le sentiment de « faire attention » à la télévision et de « ne pas la

mettre très souvent ». Selon elle en effet, la télévision est plus « hypnotisante » que la tablette, il faudrait donc veiller à en limiter la portée, alors que l’enfant se lasse au-delà de 30 minutes de jeux sur tablette et préfère que sa mère lui lise des livres. Les médias sont donc très intégrés à l’emploi du temps, et les durées de consommation importantes pour cet âge, d’autant que Madame T.N. dit que ses deux filles ont des activités « gémellaires » et que Emilie, 18 mois, fait tout ce que fait sa sœur.

On voit que, sans atteindre les pics de consommation des enfants inscrits dans une médiation « médias-au-centre », le fait que les écrans soient intégrés au rythme de la journée induit en fait des volumes de consommation importants.

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Médiation parentale « médias éloignés »

Médiation parentale « médias-éducatifs »

À l’opposé se situent des styles de média-tion qui veillent à tenir les jeunes enfants éloignés des écrans. Les parents qui s’ef-forcent de s’y tenir ne sont pas des tech-nophobes. Les parents qui construisent une médiation « médias-éducatifs » sont souvent des personnes qui ont un usage professionnel assez développé des médias et qui en déduisent que l’en-fant y sera plongé bien assez tôt. Ils sont convaincus que les écrans ne sont pas favorables au développement du tout-pe-tit. Certains se sont rendus compte de l’installation d’une dépendance, et n’en veulent pas. Eliane s’était habituée à prendre son biberon devant un dessin animé, depuis elle réclamait la télévision. Sa mère a stoppé cette habitude. Elle a droit à jouer à des jeux d’adresse sur sa tablette, mais pas tous les jours.

Certains font des exceptions et vont de temps à autre montrer un dessin animé à leur enfant, en veillant à ce

que cela ne devienne pas une habitude, notamment pour ne pas avoir à gérer de conflit. Pour ne pas avoir à faire face aux pleurs et aux crises que redoutent les parents qui sont dans des médiations « médias au-centre », ces parents pré-fèrent éviter toute régularité. Et, d’après eux, cela fonctionne, leurs enfants savent que, s’ils voient un dessin animé un jour, ce ne sera pas tous les jours.

Comme les médias sont consommés avec parcimonie, les parents les choi-sissent soigneusement. Les contenus pro-posés sont de préférence des contenus éducatifs, en particulier sur les tablettes, c’est pourquoi on peut parler de média-tion « média-éducative », elle va de pair avec de faibles consommations. Camille peut jouer pendant 15 minutes à des jeux éducatifs sur sa tablette, elle y découvre l’univers des plantes, des quatre saisons, la forêt, une application d’éveil documen-taire, du catalogue Gallimard jeunesse.

La mère de Juan ne veut pas habituer son fils à la télévision, elle trouve les pro-grammes souvent violents, ou les images pas très belles. Elle préfère qu’il développe son imagination tout seul. Mais elle lui enregistre parfois des programmes, des documentaires sur la baleine ou les pieuvres qui passent dans Thalassa (France3).

Pour éviter que les plus jeunes ne regardent la télévision, Monsieur R.V. accepte que le plus grand (5 ans) de ses 4 enfants regarde la télévision pendant la sieste des autres. Mais quand Eva se réveille, il joue à des jeux de société avec ses parents. Mais parfois, Monsieur R.V. souhaite montrer à son « grand » fils des événements qui sortent de l’ordinaire, des épreuves de bobsleigh aux Jeux olympiques, des documentaires sur des animaux. Il évite en revanche soigneuse-ment que les plus petits (12 mois) y soient exposés.

Certains parents, et certaines assis-tantes maternelles refusent le moindre visionnage. Ils organisent une médiation « médias-éloignés ». Parmi eux, certains ne sont pas à l’aise avec l’informatique, et n’aiment pas beaucoup la télévision. D’autres au contraire sont férus d’informa-tique, et joueurs quotidiens de jeu vidéo, comme Monsieur B.L., ingénieur en infor-matique, prêt à s’investir le plus possible dans l’éducation de ses deux enfants pour éviter qu’ils ne soient placés devant des écrans. Il est convaincu que les écrans ne peuvent pas favoriser les apprentis-sages pour les jeunes enfants, du moins pas autant que la relation directe avec les adultes. Ce type de posture, radicale, nourrie de lectures, mais non techno-phobe puisqu’il aime les écrans pour lui-même, aussi bien à titre professionnel que ludique, suppose une forte conviction, et une grande disponibilité pour organiser des activités alternatives.

Cette capacité n’est pas l’apanage des per-sonnes les plus diplômées. Madame L.L.,

assistante maternelle, appartenant aux milieux populaires diplômés, considère que ne pas mettre les enfants devant la télévision est une façon d’être profes-sionnelle, de ne pas céder à la facilité. Quand un enfant demande à voir un programme, elle arrive à le convaincre qu’ils ont des choses plus intéressantes à faire ensemble. Mais il faut reconnaître que ce type de médiation se retrouve davantage parmi les parents diplômés ou de milieux favorisés. Ne pas placer les jeunes enfants devant un écran nécessite des habiletés éducatives, car il faut savoir occuper autrement l’enfant :« Il faut lâcher sur ce qu’on a à faire à la maison pour jouer à des jeux de société. Pas de télévision, c’est un sacrifice ».

Les parents qui adoptent ce style de médiation ont donc bien conscience de faire un effort considérable, et ont besoin de volonté. Celle-ci est mieux armée et plus cohérente quand ils savent exac-tement pourquoi il vaut mieux éviter la télévision pendant les premières années.

Mais éviter les médias n’est pas incom-patible avec le fait d’utiliser parfois des écrans, soit pour utiliser des services de communication audiovisuelle comme Skype, soit de montrer des photos de l’enfant sur son téléphone. Cela n’em-pêche pas non plus certains usages très limités et exceptionnels : pour pouvoir couper les cheveux d’Amaranta sans qu’elle ne bouge, sa mère lui « cale » un DVD, pour faire patienter Mario dans l’avion, son père enregistre des heures de Tchoupi.

Malgré les efforts des parents pour réduire la place des écrans, la plupart doivent s’accommoder du fait que les assistantes maternelles ou les grands parents ont des règles de vie plus souples à cet égard. C’est même une motivation pour eux de diversifier encore davantage les activités qu’ils proposent à la maison.

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Lorsque nous avons décrit les quatre styles de médiation parentale, nous avons pu donner une première évalua-tion de la consommation médiatique réservée aux jeunes enfants. Nous savons que dans un climat général plutôt défavorable au visionnage par les plus jeunes, les parents ont pu avoir tendance à diminuer la durée des plages pratiquées. Mais ces déclara-tions sont les premières briques d’une connaissance des pratiques média-tiques des 0-3 ans. Nous avons vu que dans les cas où les médias sont au centre des activités des enfants, ceux-ci peuvent facilement être vision-nés entre 2h et 2h30 par jour : environ une demi-heure au réveil, et 1h30 à 2h en fin de journée à partir de un an et demi. Il s’agit là d’un minimum pour les jeunes enfants gros consommateurs d’écrans, qui est valable pour les jours de crèche et peut selon les contextes s’accroître le week end ou pendant les vacances.

L'omniprésence des écrans dans le logement

Mais ce volume ne correspond qu’aux écrans allumés spécifiquement pour le jeune enfant. Il faut y ajouter les écrans partagés avec le reste de la famille. Com-ment évaluer la consommation média-tique de Noham (17 mois) dont les frères et sœurs ont une tablette et une console de jeu et qu'une télévision de grande dimension trône sur la table, éteinte, au milieu du studio où vivent la mère et ses quatre enfants ? La mère dit ne pas regarder beaucoup la télévision sauf le journal le soir qu’elle impose à ses enfants et le film ou le téléfilm du mardi soir. Jordan qui s’endort tard regarde pendant environ 1h30-2h ses propres dessins animés, mais peut encore regarder plus ou moins attentivement la télévision pendant 1 h ou 2h avant de s’endormir, à côté de sa mère. L’espace dans lequel dorment les jeunes enfants est un facteur décisif : le fait de ne pas

avoir de chambre séparée pour les plus petits accroit leur consommation et leur habitude de vivre avec une ambiance télévisuelle, quelle que soit leur attention au programme. Il s’agit là d’une donnée sociale forte.

Le cumul avec les pratiques des autres membres de la famille

Parmi les facteurs qui accroissent la consommation des écrans, les pratiques de la fratrie et des parents sont décisives. Pourquoi empêcher Ahmed de jouer au jeu vidéo, si le frère de 12 ans y joue, et si ses oncles de 17-18 ans le font aussi ? Madame G.M., sa mère, surveille que les jeux ne soient pas trop violents. Elle a ainsi appris par la crèche que son gar-çonnet connaissait le jeu vidéo GTA, elle en a été choquée. Il avait vu cela chez la grand-mère qui héberge ses oncles de 17-18 ans. Depuis, elle a prévenu toute la famille et cela ne s’est pas reproduit. Mais Madame G.M. ne voit pas pourquoi

Évaluation de la consommation médiatique des enfants de 0 à 3 ans

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ne pas le laisser jouer aux jeux vidéo comme Fifa, alors qu’elle-même aime bien y jouer et fait volontiers des par-ties avec Ahmed. Il s’agit apparemment d’une des rares activités de jeu partagée entre la mère et le petit garçon. Les goûts parentaux comme ceux de la fratrie jouent un rôle important dans l’orienta-tion des occupations médiatiques des petits.

Un visionnage segmenté et cumulé

Le fait de vouloir limiter l’exposition aux écrans n’est pas suffisant pour y par-venir. Madame P.M., assistante de vie, voudrait limiter les écrans pour Franck, notamment parce qu’il s’agit d’une recommandation de la psychologue qui le suit ainsi que sa fille cadette (8 ans). Elle sait que : « si on regarde trop, c’est pas bon non plus, sinon, c’est une habitude, c’est comme les consoles de jeu ».

Mais les médias sont déjà fortement inté-grés au rythme des journées : le matin, « le temps de faire la vaisselle », Franck regar-dait des dessins animés sur Boomerang, « Mister Bean » ou « Monsieur Chaplin ». Suite aux conseils de la psychologue, la mère a arrêté. Pour le déjeuner, les enfants rentrent à la maison et regardent des des-sins animés, le soir, les grands aiment regarder les Simpsons, le petit regarde avec eux, surtout quand il n’y a pas classe le lendemain. Le reste du temps les deux grands ont une console de jeu et peuvent y jouer, si leurs résultats scolaires sont satisfaisants. Entre les consoles, le télévi-seur et l’ordinateur, l’équipement familial est abondant, à quoi s’ajoutent les abon-nements à des chaînes pour enfants, que Madame P.M. considère comme « assez éducatives », même si elle sait qu’il ne faut pas les regarder à haute dose.

Des écrans toujours disponibles

Diminuer les écrans qui occupent les enfants, nécessite des ressources cultu-relles, des habiletés pour leur proposer des activités alternatives, nourrir l’ima-ginaire des enfants que tous les parents n’ont pas. Plus que la disponibilité en temps, les ressources culturelles des parents sont décisives. La télévision et les médias électroniques en général, comme le reconnaissent la plupart des parents constituent une solution parce

qu’ils sont disponibles à tout moment, ne demandent pas de préparation, ne nécessitent aucun rangement.

Néanmoins, les parents peuvent agir

Pour les éviter, il faut savoir ce que l’on peut faire avec un jeune enfant. Selon le contexte, ces connaissances ne sont pas forcément disponibles pour les parents dans l’environnement familial proche. Certains parents vont alors se reporter entièrement sur l’école, la crèche ou les centres d’accueil, tel est le cas notam-ment des parents issus des milieux populaires les plus modestes, d’autres vont se former. Les amis, les groupes de pairs qu’entretiennent les jeunes parents sont une source d’information et d’autoformation. Les parents vont aussi développer avec leurs enfants leurs propres activités : jeux de société pour les parents joueurs, initiation à la lecture, au théâtre, à la poésie, visites culturelles pour d’autres. Certains parents ne savent pas jouer avec l’enfant, et le recon-naissent. Ils vont trouver des ressources à l’extérieur du domicile, en sortant avec l’enfant, en allant faire des promenades en forêt avec le grand-père, en le regar-dant au parc faire des acrobaties.

Ces ressources ne sont pas nécessaire-ment des formes de capital culturel, au sens de la culture légitime qui caracté-rise les milieux les plus favorisés. Elles peuvent aussi être acquises par des voies professionnelles comme c’est le cas des formations d’éducateur de jeunes enfants ou dans le cadre des formations à l’animation. Mais certains parents sont désireux et capables aussi d’apprendre, sans être ni vouloir être des professionnels de la petite enfance. Ils s’informent, s’inspirent de ce qu’ils voient faire dans les centres multi-accueil et développent des savoir-faire à leur domi-cile, parfois avec les encouragements des professionnels. L’existence de ces centres et leur capacité d’accueil sont donc décisives pour aider les parents. Mais les capacités d’autoformation des parents eux-mêmes sont des disposi-tions personnelles déterminantes pour le choix des activités des tout-petits.

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Face à la difficulté de gérer les écrans, quelques « trucs » parentaux

Face à la difficulté de limiter l’exposition aux écrans, les parents qui partagent cet objectif appliquent des stratégies. Elles peuvent avoir été décrites quels que soient les comportements des parents, qu'il intègrent ou non les écrans à la vie des jeunes enfants.

Ces stratégies sont à la portée de tous les parents. Elles supposent cependant un investissement et une certaine détermination. Mais comme l’a constaté Madame A.F., quand on habitue l’enfant à jouer avec lui, c’est lui qui vient ensuite chercher les parents. Si les écrans construisent des habitudes, d’autres activités peuvent aussi créer des habitudes et susciter du plaisir pour les enfants et les parents.

Quand les parents veulent réguler les écrans (médias-intégrés)➜ Limiter le temps d’écran, en comptant les dessins animés. Les parents connaissent aussi bien le nom des dessins animés que leur

durée. Ils comptent donc le nombre de dessin animé auquel l’enfant a droit, et fixent la règle dès le début. Ils évitent la télévision de flux et privilégient d’autres types d’accès : télévision de rattrapage, youtube, DVD.

➜ Limiter la publicité. Certains parents installent le logiciel de blocage sur leur ordinateur pour éviter la publicité sur les écrans.➜ Éviter les programmes qui mettent en scène de violence qui peuvent induire des comportements d’imitation, choquer ou faire

souffrir les enfants.➜ Parler avec l’enfant des programmes qui ont été regardés.➜ Ne pas installer de téléviseur dans la chambre des enfants.

Quand les parents privilégient une approche éducative des écrans (médias-éducatifs)➜ Choisir des programmes qui ont un contenu éducatif, en particulier sur les tablettes.➜ Déconnecter les tablettes de l’internet (et du wifi).➜ Choisir des programmes à caractère documentaire.➜ Éviter la régularité des visionnages et l’installation d’habitudes.

Quand les parents veulent mettre des écrans à distance (médias-éloignés)➜ Repousser le plus possible l’âge de l’équipement personnel de l’enfant (tablette, jeux vidéo).➜ Ne pas regarder la télévision quand les jeunes enfants sont réveillés. Privilégier la télévision de rattrapage pour regarder le journal

ou les séries télévisées.➜ Être attentif à l’usage des écrans (télé, smartphone, ordinateur) en présence de jeunes enfants.➜ Coucher les enfants dans une pièce sans écran, après quelques histoires.➜ Se rendre disponible pour des activités avec l’enfant, qu’il préfère en général au visionnage de la télévision : jeux de société, jeux de

ballon, jeux de construction, lectures.➜ Laisser l’enfant jouer librement pour qu’il construise son monde personnel, développe son imaginaire avec des objets, avec des

jouets, avec des crayons.➜ Accepter que l’enfant introduise du désordre dans l’espace familial : par la construction de cabane, ou par le déplacement d’objets

du quotidien dans des tiroirs ou de caisses dont il change la destination.➜ Organiser des espaces, même petits, où il peut avoir des activités manuelles : transvaser des graines, jouer avec des bouteilles en

plastique, faire de la pâte à modeler.➜ Transformer les activités quotidiennes en jeux, ce qu’une mère appelle « paralléliser les taches ».

ETUDE QUALITATIVE - n ° 10 - Décembre 2014Président de l’UNAF : François Fondard / Directrice générale de l’UNAF : Guillemette Leneveu / Sous-directeur de la recherche, des études et de l’action politique : Jean-Philippe Vallat / Responsable des études qualitatives : Patricia Humann / Pilote de l'étude : Olivier Gérard / Vice-président de l'UNAF en charge des médias-TIC : Bernard Tranchand / Réalisation de l'étude et synthèse : Sophie Jéhel / Pilotage de l’étude : Olivier Andrieu-Gérard Illustrations : Laetitia Aynie / Mise en page et Impression : Hawaii Communication - 1 rue de la Pommeraie - 78 310 Coignières / Dépôt légal : Décembre 2014 / Illustrations : Aynié Laëtitia / N°ISSN 2109-1439 - Tirage : 2 000 ex Service communication de l'UNAF : 01 49 95 36 15

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