trois couleurs #68 – février 2009

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CINÉMA I CULTURE I TECHNOLOGIE NUMÉRO 68 I FÉVRIER 09 SEAN PENN LE GAY POUVOIR

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RÉDACTEUR EN CHEF : Auréliano TONET / PHOTOGRAPHIE COUVERTURE : Philippe QUAISSE

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CINÉMA I CULTURE I TECHNOLOGIE NUMÉRO 68 I FÉVRIER 09

SEAN PENN

LE GAY POUVOIR

SOMMAIRE# 68 ÉDITO

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CINÉMA6_ Tendances, Ciné fils, Regards croisés, Scène culte14_ FOCUS : The Wrestler de Darren Aronofsky16_ EN COUVERTURE : Harvey Milk

Portrait de Sean Penn, entretien avec Gus Van Sant et Lance Black

20_ Z32 : Entretien avec Avi Mograbi22_ Critiques de Bellamy, Eden à l’Ouest, Tulpan,

Gran Torino, Revanche, 35 Rhums33_ LE GUIDE des sorties en salles

CULTURE42_ DVD : Valse avec Bachir, le documentaire dessiné44_ LIVRES : Jonathan Coe, gentleman mélancolique46_ MUSIQUE : Le folk sauvage et racé de Will Oldham48_ LES BONS PLANS DE RADIO 50_ ART : Vides au Centre Pompidou

TECHNOLOGIE52_ RÉSEAUX : L’informatique dans les «nuages»54_ JEUX VIDÉO : La dématérialisation, mode d’emploi54_ VOD :Mala Noche de Gus Van Sant58_ SCIENCE-FICTION : Le Polaroid PoGo

ÉTATS RÉUNIS« Les écrivains américains devraient vivre dans lesmarges, et se montrer plus dangereux. » L’auteur decette phrase, Don DeLillo, a publié en 1971 un ouvragedont le titre est devenu un genre artistique en soi :Americana. Ce livre, son premier, retrace la trajectoired’un cadre de la télé yankee, qui, écœuré par «l’Americanway of life », s’improvise cinéaste d’avant-garde.C’est bien sous le signe de l’americana que se présentece numéro. Dans Harvey Milk, Sean Penn incarne unactiviste gay passé de l’ombre au pouvoir – parcourssimilaire à celui du réalisateur, Gus Van Sant, qui n’acessé de bifurquer entre underground et Hollywood.Films cousins, Gran Torino et The Wrestler contenteux aussi les fêlures de l’Amérique minoritaire, surfond de catch, de guerres ethniques et de Springsteencrépusculaire.Bruce Springsteen ? Obama en a fait l’un de ses héros,de même l’acteur et chanteur country Will Oldham,interviewé dans ces pages. Quant à Sean Penn,c’est une chanson du « Boss » qui lui a inspiré sapremière réalisation, The Indian Runner. Springsteen,ou comment bourlinguer entre marges et mainstream,rednecks et homos, serial killers et ouvriers whitetrash… De l’autoroute aux bas-côtés, la route n’estjamais aussi belle que lorsqu’elle file et dévie, detraverse.

_Auréliano TONET

ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA / 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS / 01 44 67 30 00DIRECTEUR DE LA PUBLICATION > Elisha KARMITZ I DIRECTEUR DE LA RÉDACTION > Elisha KARMITZ [email protected] I RÉDACTEUR EN CHEF > Auréliano TONET [email protected] / [email protected] CINÉMA > Sandrine MARQUES [email protected] I RESPONSABLE CULTURE > Auréliano TONET I RESPONSABLE TECHNOLOGIE > Étienne ROUILLON [email protected] I STAGIAIRE >Juliette REITZER, Raphaëlle SIMON, Victoire SOULEZ I ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Claire BASTIN, Isabelle DANEL, Pascale DULON, Clémentine GALLOT, Donald JAMES, Rémy KOLPA KOPOUL, Titiou LECOQ,Jérôme MOMCILOVIC, Sophie QUETTEVILLE, Bernard QUIRINY, Anne-Lou VICENTE I ILLUSTRATIONS > Thomas DAPON, DUPUY-BERBERIAN, Fabrice MONTIGNIER, Pierre ROUILLONDIRECTRICE ARTISTIQUE > Marion DOREL [email protected] I IMPRESSION / PHOTOGRAVURE > FOT PHOTOGRAPHIES > Philippe QUAISSE (COUVERTURE) / Volker DOHNE, ADAGP / Emmanuelle JACOBSON ROQUES / DR PUBLICITÉ > RESPONSABLE CLIENTÈLE CINÉMA > Laure-AphibaKANGHA / 01 44 67 30 13 [email protected] I DIRECTEUR DE CLIENTÈLE > Daniel DEFAUCHEUX / 01 44 67 68 01 [email protected] DE PUBLICITÉ > Solal MICENMACHER / 01 44 67 32 60 [email protected]© 2009 TROIS COULEURS // issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteuret de l’éditeur. // Tirage : 200 000 exemplaires // Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique.

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SEAN PENN, PHOTOGRAPHIÉ PAR PHILIPPE QUAISSE

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Croque-madame

TENDANCES

À la ville comme à l’écran (Je te mangerais, ensalles le 11 mars), Judith Davis impose un mélangesubtil d’intelligence et d’instinct. Portrait par lemenu d’une actrice qui mord la vie à pleines dents.

Deux jeunes femmes se dévorentdans l’épicé Je te mangerais, tandisle couple Sean Penn /James Francoboit du petit lait dans Harvey Milk :rarement l’homosexualité avait nourrile cinéma avec autant d’ardeur.

Icône des sexualités indécises,Antony sort un troublant nouvelalbum, et en profite pour faireréaliser son dernier clip par les « frères» Wachowski, connus pour leurs penchants trans. Un détail tout sauf neutre.

Beyoncé houspille la gent masculine(If I Were A Boy), Rachida Datidissimule ce papa qu’on ne sauraitvoir et Les Noces rebellescartonnent en salles : le modèle du couple hétérosexuel branle de tous ses pieds.

Les gays Les transgenres Les hétéros

CALÉ RECALÉDÉCALÉ

Il est pire mise en bouche : on a découvert Judith Davis dansJacquou le croquant, craquante en paysanne sans prétentions,entourant Jacquou d’un amour protecteur. Un personnage portépar des choix viscéraux, à l’image de celle qui l’incarne à l’écran.Guidée par l’envie, c’est au hasard de sa rencontre avec unetroupe de comédiens que Judith s’initie aux saveurs du théâtre.Diplôme de philo en poche, elle crée la compagnie L’Avantage dudoute, pour laquelle elle joue, écrit et met en scène. Le profil typede l’intello ? La belle balaie d’une phrase toute tentative de miseen boîte : «J’aime d’abord les rôles qui parlent de notre vie, de notre monde tel qu’on le voit à notre âge. Je n’ai pas cefantasme, qu’ont certaines, de jouer la prostituée ou la droguée,et ne fais aucune différence entre cinéma et télé si le projet metient à cœur. » Cette recette maison lui vaut d’être choisie parSophie Laloy pour le rôle principal de Je te mangerais. Sa beautéfranche et charnelle illustre à merveille l’ambivalence de Marie,femme-enfant impulsive qui éveille les appétits amoureux de sacolocataire, Emma. La vingtaine resplendissante, miss Davisévoque dans un éclat de rire son prochain rôle, «une protestanteréac’ et coincée», pour la série TV Les Vivants et les morts deGérard Mordillat. Entre ascèse et gourmandise, Judith marie lesingrédients avec un plaisir qui ne manque décidemment jamaisde goût, ni de sel. _Juliette REITZER +

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© Emman

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Sur le ring se joue bien plus qu’un combat. Lesadversaires y gagnent un destin, une rédemption,une revanche sociale. Et les cinéastes, leurs plusbeaux récits.Champion toute catégorie du box(e)-office grâce à la saga desRocky, Sylvester Stallone a fait du ring le lieu d’enjeux idéologiques.Avec Rocky IV, la série culmine à l’occasion d’un affrontementhomérique entre l’Amérique libre et la Russie communiste. Mais, loin de la Guerre Froide, Rocky Balboa clôt de manièremélancolique cette épopée de la gagne. L’Italo-Américainraccroche les gants, tout comme Jake La Motta, reconverti entenancier minable de restaurant, et à qui Scorsese consacre le sublime Raging Bull. La chorégraphie des combats de ce film-uppercut renvoie dans les cordes tous les réalisateurs tentés de rendre hommage au noble art.Michael Mann s’y cogne pourtant et porte à l’écran la destinéeexceptionnelle du boxeur activiste Mohamed Ali (Ali). Côté français,Lelouch retrace l’idylle d’Edith Piaf et de Marcel Cerdan (Edith et Marcel). Par amour d’une femme, les pugilistes sont prêts àse coucher. John Wayne reconquiert au poing les sentiments de sa femme dans L’Homme tranquille de John Ford. Kubrickmêle boxe et sentiments dans son très stylisé Baiser du tueur.Autres hymnes à l’amour conjugal, Nous avons gagné ce soiret Marqué par la haine de Robert Wise, deux films sur fondd’honneur et de combats truqués. La corruption gangrène le ring, comme dans Snake Eyes deDe Palma où les pourris finissent mal. Des managers véreuxarbitrent le destin de leurs protégés, au risque de leur unitéfamiliale (Rocco et ses frères) ou de leur vie (Homeboy). Maisdes entraîneurs deviennent des figures paternelles substitutives pour des boxeuses (Million Dollar Baby, Girlfight), en quête dereconnaissance familiale. Pour son fils, un boxeur déchu livre sondernier combat dans Le Champion, un mélo de King Vidor quiarrache les larmes des yeux. Les mêmes qui jaillissent de riredevant Charlot boxeur, où l’élastique Chaplin jongle plus qu’il ne se bat. Le mot de la feinte ?

_S.M.

Mise au poing

CINÉ FILS

La bande originale

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Cinéaste de l’adolescence en crise,nourri de westerns, de faits divers et de photographie, Gus Van Sant déploieune filmographie aussi protéiformequ’admirée. Agrémenté de quelque 250photos, l’ouvrage compte une quinzainede chapitres, soit un par long métrage.De Mala Noche (1985) à Harvey Milk(2009), thèmes, esthétique et influencesde chaque film sont placés dans uneperspective chronologique, offrant au lecteur un fil directeur pour mieuxappréhender une œuvre «à la fois neuveet prise dans le mouvement d’unegénération. » _J.R.

Le ciné livre

STÉPHANE BOUQUET ETJEAN-MARC LALANNE« Gus Van Sant » (Cahiers du cinéma)

BRIGITTE ENGERER« Je te mangerais » (Naïve)

«L’intérêt d’une musique classique estde nous donner beaucoup de rigueurdans l’émotion. » Le cinéaste JeanRenoir entendrait sans doute dans la BO de Je te mangerais une harmonieuseillustration de son propos. Résultat d’unaccord parfait entre la réalisatriceSophie Laloy et la pianiste BrigitteEngerer, qui joue son propre rôle dans le film, la bande-son offre à ce contesaphique le plus troublant des écrins.Parmi les pièces maîtresses figurent lagrave Pavane pour une infante défuntede Ravel, et surtout Chiarina deSchumann, sublime point d’orgue.

_J.R.

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Rourke vs Stallone

REGARDS CROISÉS

Poids lourds du cinéma des années 1980, leurs insuccès répétés ont mis KO Mickey Rourkeet Sylvester Stallone, une décennie plus tard. Mais en bons champions du box-office, ilsse relèvent aujourd’hui, prêts à livrer un nouveau combat.

uand on prend pour sujet le déclin d’une star comme Mickey Rourke, il est impossible de manquerson film. Darren Aronofsky l’a compris et livre avec The Wrestler un documentaire en filigrane surl’ancien sex-symbol, responsable de l’érotisation du contenu d’un frigo dansNeuf Semaines et demie.La gueule d’ange, aujourd’hui défigurée par son passé de boxeur, les excès de boisson et la chirurgieesthétique, fait un retour remarqué depuis les années 2000, après avoir joué pour Coppola, Ciminoet Schroeder. On le retrouve dans The Pledge de Sean Penn et dans Sin City de Roberto Rodriguez,où sa métamorphose impressionne.

Quant à Sylvester Stallone, son come-back est unanimement salué dans Copland de James Mangold en 1997. Si Rourke,qui a remporté de nombreux combats de boxe professionnels, a choisi le ring contre le cinéma au moment où sa carrièreculminait, Stallone ne l’a jamais vraiment quitté. Grâce à la série des Rocky, il accède au succès. Une notoriété gagnéeau poing pour cet Italo-Américain. Six films plus tard (dont quatre qu’il réalise), il clôt sa saga avec le mélancolique RockyBalboa. Autre obsession de sa vie, le personnage d’ancien vétéran du Vietnam, Rambo. Il annonce, en 2008, l’écritured’un quatrième et dernier volet. Cette montagne de muscles, gonflée aux anabolisants, a prouvé qu’il était un scénaristeplutôt doué, capable d’enrichir ses histoires d’une dimension politique. Loin de son image de héros décérébré de filmsd’action, il ambitionne même de réaliser un biopic sur l’écrivain Edgar Allan Poe, qu’il affectionne.La rencontre au sommet entre les deux acteurs a lieu en 2000. Considérés comme has been, ils se donnent la répliquedans Get Carter. La critique fait la moue. Cabossés mais encore vaillants, ces deux pugilistes réitèrent l’expérience dansThe Expandables, un film d’action, actuellement en production, réalisé par Sly, avec Jet Li et Forest Whitaker. Un nouveauround triomphal ?

_S.M.

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La montagne sucrée

ENNIS [très énervé, il hurle] : Je vais te dire une seulechose, Jack « le sale» Twist, et je ne blague pas. Toutes les choses que j’ignore pourraient causerta mort si jamais je les apprenais. Je ne blague pas !

JACK : Hé bien en voilà une, et je ne le dirai qu’une fois !

ENNIS : Vas-y !

JACK : On aurait pu avoir une belle vie ensemble ! Unranch à nous ! Mais tu n’en voulais pas, Ennis ! Alors, ce qu’on a maintenant, c’est le mont Brokeback ! Toutpart d’ici, c’est tout ce qu’on a. J’espère que tu sais aumoins ça, si tu n’en sais jamais plus… Compte les fois oùon a été ensemble, en près de vingt ans. Mesure la laisse que tu m’as passée autour du cou, et seulement après, tu

me parles du Mexique et tu me dis que tu me tuerasparce que j’ai besoin d’une chose que je n’ai presqueplus ! Tu n’as aucune idée à quel point tu me manques ! Je ne suis pas comme toi. Je ne peux pas me contenterde quelques baises en montagne, une ou deux fois par an ! Tu es trop pour moi, Ennis. Enfant de chienne de filsde pute ! J’aimerais savoir comment te laisser…

ENNIS [les larmes lui montent aux yeux] : Alors pourquoi tu ne le fais pas ? Pourquoi tu ne melaisses pas tranquille ? C’est à cause de toi que je suiscomme ça ! Je ne suis nulle part, je ne suis nulle part !

JACK [il s’approche d’Ennis et veut le prendre dans ses bras] : Ça va…

ENNIS [rejetant Jack violemment] : Lâche-moi !

JACK [il prend Ennis de force dans ses bras] :Ça va aller, ça va aller… [il craque] Va chier, Ennis…

ENNIS [s’effondre dans les bras de Jack] : Je ne peux pas vivre comme ça, Jack.

LE PITCH :Jack (Gyllenhaal) et Ennis (Ledger) se rencontrentau cours de l’été 1963 sur le mont Brokeback, où ils sontemployés comme bergers. Rapidement, les deux hommesse rapprochent et vivent une idylle, loin de l’Amériqueconformiste de l’époque. Pendant vingt ans, les deuxamants se retrouvent par intermittence, jusqu’au momentoù la situation leur devient insupportable. Ils se voientune dernière fois sur le mont Brokeback…

LA PETITE HISTOIRE : Gus Van Sant, qui a abordé à plusieurs reprises le thème de l’homosexualité, notamment dans sonnouveau film Harvey Milk, devait initialement porter à l’écran la nouvelle d’Annie Proulx. Ce projet de western gay luitenait à cœur, lui qui s’était essayé au genre en 1993 avec un road movie lesbien et satirique, Even Cowgirls Get The Blues.C’est finalement le Taïwanais Ang Lee qui relève le défi, mais il se heurte aux refus de nombreux acteurs. Avant sadisparition prématurée en janvier 2008, Heath Ledger accepte d’interpréter un cowboy homo, face à Jake Gyllenhaal. Le filmremporte le Lion d’or à Venise.

Le Secret de Brokeback Mountain (Brokeback Mountain), un film d’Ang Lee, scénario de Diana Ossana et Larry McMurtry (2005, DVD disponible chez Universal).

SCÈNE CULTE Le Secret de Brokeback Mountain

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Immense film balafré, requiem pour un catcheur en bout de course, The Wrestler deDarren Aronofsky ressuscite le très déglingué Mickey Rourke. Un tour de force sur fondd’Amérique en lambeaux, montrée au crépuscule de sa puissance.

DManutentionnaire dans un supermarché le week-end, ilvivote dans un mobile-home parqué sur un lotissementcrépusculaire. À la poursuite de sa gloire passée, «The Ram »rejoue sans fin des combats outranciers, inversementproportionnels au dénuement et au vide affectif de sonexistence. À ce chemin de croix quotidien viennent se grefferl’espoir d’une rédemption familiale (avec sa fille, Evan RachelWood) et une love-story contrariée (avec Marisa Tomei, enstrip-teaseuse débordée). Cette étoile déchue du catch estcampée, synchrone, par une épave du cinéma américain,

Mickey Rourke, lui-même ancien boxeur dont le visage cabossétémoigne d'une carrière tumultueuse. Méconnaissable, ilarbore pour l’occasion une crinière blonde peroxydée.

Réalisateur à la réputation mitigée, Darren Aronofsky a untemps incarné le monopole de la modernité, avec Pi etRequiem For A Dream, à la fin des années 1990. En 2006, lecinéaste new-yorkais avait vu trop grand avec The Fountainpuis, survivant à ce naufrage, il a ressorti de ses placardsun vieux projet, l’idée d'un film thématique sur le catch,qu'il nourrissait depuis sa sortie d’école de cinéma. Il en adéveloppé le scénario avec Robert Siegel, ancien journalistede l'hebdo satirique The Onion. En un sens, The Wrestlerpeut être vu comme un pari sur Hollywood : au terme d'un

bras de fer de deux ans, Aronofsky est parvenu à imposerMickey Rourke contre Nicolas Cage, tout en réunissant uneimprobable coproduction franco-américaine. La postéritédonnera sans doute raison à ce choix imprudent, larésurrection de Rourke ayant été sanctifiée par la presseet l’industrie, qui a récompensé sa performance dans TheWrestler d'un Lion d’or à Venise et d’un Golden Globe.Comme pour valider ce come-back, la tête brûlée sera bientôtà l’affiche de The Expendables, Iron Man 2 et Sin City 2.«C’est un acteur qui aime la compétition et le challenge»,commente Aronofsky, qui semble avoir employé son temps àcanaliser Rourke. L’acteur infernal a en effet consciencieusementsabordé sa carrière, refusant de nombreux rôles (Pulp Fiction,

Les Incorruptibles...) et s’adonnant aux excès en tous genres.Un échec dont Rourke ne se cache pas : « Si j'avais suque cela me prendrait quinze ans pour revenir, j'auraisfait autrement. J'ai tout perdu. » Révélé chez Coppola dansRusty James et chez Cimino avec L'Année du dragon, Rourkeest un abonné des nanars et des rôles sulfureux (NeufSemaines et demie, Angel Heart). Longtemps poids moyen,issu de la même école de boxe que Mohamed Ali, il a fini parranger ses gants au placard en 1973. Avant de s'y remettre en1991 et de raccrocher définitivement en 1995, défiguré. À55 ans, il a dû suivre une préparation physique de deux moispour The Wrestler : «C’est le film le plus difficile que j'ai jamaisfait », avouait-il au New York Film Festival en septembre dernier,comparant la lutte à de la danse, plus qu'à de la boxe.

ROURKE // ARONOFSKY

ans la série «que sont-ils devenus?», RandyRobinson, jadis icône flamboyante du catch,est aujourd’hui un lutteur cardiaque et décati.

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SORTIE DESCÈNE

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UN FILM DE DARREN ARONOFSKY

THE WRESTLER

DISTRIBUTION : MARS

ÉTATS-UNIS, 2008, 1H45

AVEC MICKEY ROURKE, MARISA TOMEI...

SORTIE LE 18 FÉVRIER

« J'AI EU L'IMPRESSION DE FAIRE UN DOCUMENTAIRE SUR MICKEY ROURKE JOUANT UN CATCHEUR. » DARREN ARONOFSKY

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Parabole à peine masquée du septième art, The Wrestlerrend hommage à la mystique kitsch et saturée d’un sportqui possède lui aussi ses stars, bariolées et rugissantes : degrands gaillards aux sobriquets exotiques («The Ayatollah»,«Necro Butcher », «Lex Lethal »…), en slips fluo moulants,s'étripant à l'agrafeuse et à la fourchette. Le film ne fait aucunmystère du commerce cru des corps : «Cela m'intéressaitde montrer comment des gens sacrifient leur corps, leurvie et leur âme pour divertir les autres», explique le cinéaste(dans la même veine, il prépare en ce moment The Fighter,avec Mark Wahlberg). Hormis l’hilarant Super Nacho, lecatch n’a pas encore connu son heure de gloire au cinéma,contrairement à la boxe, consacrée sous des formes diverses

chez Keaton, Scorsese, Stallone ou Mann. Pourtant, avec larigueur de son cérémonial et sa brutalité frelatée, ce sportimmensément populaire aux États-Unis est d’abord affairede mise en scène. Roland Barthes en a d’ailleurs fait letrope d’uneMythologie : «Le catch n’est pas un sport, c’estun spectacle, écrit-il. Le public se moque complètement desavoir si le combat est truqué ou non, et il a raison ; il seconfie à la première vertu du spectacle, qui est d’abolirtout mobile et toute conséquence. »

Ironiquement, c’est en filmant un sport où le simulacre estroi qu’Aronofsky s’est enfin débarrassé des gadgets visuelsqui paralysaient son cinéma. Avec sobriété, il promènesa camera à l’épaule sur la carcasse de ce personnage

encombré par son propre corps. «J'ai souvent eu l'impressionde faire un documentaire sur Mickey Rourke jouant uncatcheur, je voulais que ce soit le plus vrai possible »,précise-t-il. Cette mise en scène dépouillée, qui puise autantdans le néo-réalisme italien que dans le cinéma américainindépendant d’une Laurie Collyer (SherryBaby), enregistrela vie précaire qui palpite sous le programme imposé dudrame. «J'ai été formé par le cinéma vérité, c'est une formeque j'aime et que je voulais revisiter depuis longtemps.C'était un tournant radical après The Fountain.» Écarteléentre prise mâle (la testostérone fatiguée de Rourke, icônedes «dude movies») et prise femelle (la touche mélodramatiqueapportée par la fille et la strip-teaseuse), The Wrestler porte

un regard sans complaisance sur une Amérique en débris,celle des faubourgs blancs paupérisés. Pas un hasard si lefilm se clôt sur un morceau du chantre de l’americana «whitetrash», Bruce Springsteen. «Ma seule foi réside dans lesfractures et les bleus que j’exhibe / Je sors toujours avecmoins que je n’avais en arrivant », chante le «Boss» danscette ballade acoustique expressément composée pourle film. Un générique en forme d’éloge funèbre qui adoucitun peu, pour notre héros, le gouffre qui s’ouvre devant luiaprès être entré de plain-pied dans la légende.

_Clémentine GALLOT

« SI J'AVAIS SU QUE CELA ME PRENDRAIT QUINZE ANS POUR REVENIR,J'AURAIS FAIT AUTREMENT. J'AI TOUT PERDU. » MICKEY ROURKE

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Il y a un an tout juste, Into The Wild le consacrait cinéaste de premier plan. Avec HarveyMilk de Gus Van Sant, son plus beau rôle depuis longtemps, Sean Penn prouve qu’il resteun acteur précieux. Portrait d’un écorché vif.

SEANPENN

Ad’Iñárritu, où il joue un professeur d’université cardiaque,une scène le montre, littéralement, le cœur sur la main :fraîchement transplanté, son personnage est alité et on luiglisse dans la paume, archivé dans un bocal, l’organe maladequ’on vient de lui tirer de la poitrine. L’image est un raccourcipertinent parce que Penn est probablement, de toute sagénération, l’acteur le plus viscéral, un corps éternellementsecoué par un bouleversement intérieur qu’il s’agirait, toujours,de faire remonter à la surface. Du très beau Comme unchien enragé, qui le révélait face à Christopher Walken, àLa Dernière Marche (où il incarnait un autre condamné à mort),Penn joue à vif, comme on le dirait d’une blessure, et commes’il lui fallait commencer par disséquer ses personnages,pour faire palpiter le jeu au rythme de leurs humeurs.

Enfant du sérail (père cinéaste, mère actrice), Sean Pennest nourri au lait d’une tradition, très seventies, d’acteursexpressionnistes et électriques, dont il revendique l’héritage :ses affinités avec Dennis Hopper (il joua sous sa directiondans Colors, et lui offrit un rôle dans The Indian Runner,son premier film en tant que metteur en scène) et JackNicholson (qu’il a dirigé deux fois, dans The Crossing Guard,puis The Pledge) n’ont rien pour surprendre. Il paya mêmeun double tribut à ces monstres du Nouvel Hollywood enbaptisant son fils «Hopper Jack». Acteur par deux fois pourDe Palma (Outrages, L’Impasse) et Terrence Malick (La Ligne

rouge, le prochain Tree of Life), on sait aussi l’admirationqu’il portait à Cassavetes, à qui il dédia The Indian Runner.Lequel Cassavetes, avant de mourir, voulait lui confier lerôle de She’s So Lovely, finalement réalisé par son fils Nick,et pour lequel Penn reçut un prix d’interprétation à Cannes.De Cassavetes, Penn a hérité une notion du jeu commeévénement purement physiologique, une manière de donnercorps, littéralement, à ses personnages, et puis de précipiterce corps dans un torrent d’affects.

Logiquement, il a joué beaucoup de personnages borderline,excessifs, tous au bord d’un semblable abîme : chiens fous(Comme un chien enragé, Colors), addicts en tous genres(alcoolique dans She’s So Lovely, cocaïnomane dans L’Impasse),psychotique (L’Assassinat de Richard Nixon), salaud hystérique(Outrages), assassin repentant (La Dernière Marche), jusqu’aupère ivre de chagrin de Mystic River, de Clint Eastwood. Lesrôles sont divers, mais l’exécution régulière, invariablementvolcanique : toujours, il y a quelque chose qui remonte,secoue le corps, le plie à son diktat – et d’ailleurs Penn nemet rien d’autre en scène quand il dirige Viggo Mortensendans The Indian Runner, puis Nicholson dans The CrossingGuard : il les soumet à une identique et douloureusegymnastique. Forcément, au-dessus d’une pareille formule,pour efficace qu’elle est (Penn collectionne les récompenses),plane le spectre du surjeu et de la pure « performance »(son rôle d’imbécile heureux, de sinistre mémoire, dansSam, je suis Sam). Ses détracteurs pointent ses tics, lejugent trop grimaçant, et il est arrivé, c’est vrai, que l’on

qui voudrait percer le code de la filmographiede Sean Penn, une image de 21 Grammes offrait,il y a cinq ans, une possible clef. Dans le film

LE CŒUR SUR LA MAIN

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UN FILM DE GUS VAN SANT

HARVEY MILK

DISTRIBUTION : SDN

ÉTATS-UNIS, 2008, 2H07

AVEC SEAN PENN, JOSH BROLIN, JAMES FRANCO...

SORTIE LE 4 MARS

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se lasse de ce faciès sempiternellement affligé, ce coulisde visage sur un gâteau d’affects, devenu trop identifiable,jusqu’à l’auto-caricature. Alors que le doute menaçait des’installer durablement, Sean Penn revient à son meilleurdans Harvey Milk. Pas tant parce qu’il se serait débarrasséde ses grimaces : au contraire, son visage semble ne s’êtrejamais autant plié, déplié, replié. Seulement, les fils qui encommandent la torsion sont moins visibles, ou, du moins,raccordés à des affects moins identifiables, plus mystérieux.Les plis qui, ici, creusent le visage, se referment sur uneprofondeur qui faisait défaut à ses précédents personnages,lui offrant de redéployer une gamme qu’il n’avait pas exploitéde la sorte depuis L’Impasse, qui reste probablement sonplus beau rôle à ce jour.

À un journaliste américain qui lui demandait récemment oùil puisait son énergie, après plus de vingt-cinq ans decarrière, il répondait vivement : «la rage». Il y a fort à parierque, vingt ans en arrière, il aurait fait une semblable réponse.De ses rôles d’écorchés vifs à son caractère de tête brûlée,il n’y avait qu’un pas, que la presse ne se privait pas defranchir, commentant la moindre de ses frasques – de sonmariage turbulent avec Madonna au séjour qu’il fit en prisonaprès avoir tabassé un figurant sur le tournage de Colors.Vingt ans plus tard, tandis qu’il est devenu une figure

centrale du ciné-monde, comment se poursuit le dialogueentre les rôles et l’homme public ? Retiré loin du barnumhollywoodien (il vit désormais dans la baie de San Francisco),moins prompt aux excès (il fut, à l’époque, l’un des dernierscompagnons de beuverie de Bukowski), définitivementconsacré pour son œuvre de cinéaste (Into The Wild, nouvelletranche d’americana qui le voit explorer les grands espacesdans le sillage de Thoreau, fit l’unanimité), et invité l’andernier à présider le jury du Festival de Cannes, Penn semblés’être, pour le moins, assagi. Pourtant la rage demeure,recyclée dans un militantisme fiévreux qui l’a vu, cesdernières années, devenir la personnalité hollywoodiennela plus engagée depuis Jane Fonda. Désormais, la pressese fait l’écho d’un Sean Penn citoyen du monde : elle lui

ouvrait ses colonnes à l’occasion de ses fréquents voyagesen Irak ou de ses rencontres avec Hugo Chavez, tandisqu’il désertait les tapis rouges pour les tribunes. Nul doute,alors, que cette reconversion de la tête brûlée en activistene fut pas tout à fait étrangère à son immersion dans latrajectoire politique d’Harvey Milk.

_Jérôme MOMCILOVIC

« PENN A JOUÉ BEAUCOUP DE PERSONNAGES BORDERLINE,EXCESSIFS, AU BORD D’UN SEMBLABLE ABÎME. »

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Extraits de Harvey Milk (en haut), Mystic River (en bas à gauche), Outrages (en bas au milieu) et Sam, je suis Sam (en bas à droite).

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Premier politicien américain à afficher ouvertement son homosexualité, Harvey Milk amilité en faveur de l’égalité des droits des gays jusqu’à son assassinat, en 1978. De lahonte à la fierté, de New York à San Francisco, son parcours nous est raconté par GusVan Sant et son jeune scénariste, Lance Black, à l’origine d’un biopic admirable.

GUSVAN SANT

GGUS VAN SANT : J’ai fait récemment beaucoup de longsmétrages dont les scénarios, scènes ou dialogues serépondent. Dans Harvey Milk, je raconte une histoire sur unmode moins contemplatif que dans mes derniers films. Austade du montage, la structure du récit a commencé à devenirplus traditionnelle, du fait du rythme rapide de la narration.

En quoi l’histoire d’amour entre Harvey Milk et Scott Smith,joué par James Franco, était-elle déterminante pour lastructure du film ?LANCE BLACK : Cette histoire est la plus substantielle queMilk ait vécue. Tout le film s’articule autour d’elle, jusqu’auflash back final. Le film se base sur des faits réels. Milk avraiment sacrifié sa relation pour son combat.

Considérez-vous que Milk a gagné la lutte pour l’égalitédes droits des homosexuels ?GVS : Milk, le premier, a donné une tribune à un mouvementqui s’est développé pendant dix ans. Il a permis à beaucoupde gays de sortir du placard, d’être entendus, même si lesévènements à San Francisco n’ont jamais eu de répercussionsà un niveau national. LB : La lutte continue, mais elle est en sourdine depuis queMilk est mort. Les progrès sont lents aux États-Unis. Aprèsl’adoption de la proposition 8 en novembre 2008 [modificationde la Constitution de l’État de Californie, qui n’autorise

désormais le mariage qu’aux personnes de sexe opposé,ndlr], la communauté se mobilise de nouveau. Harvey a montréla voie. Je vis en Californie, où les mots «gay» et « mariage»ne sont jamais prononcés ensemble. Donc, d’une certainemanière, nous avons perdu. Je rêve d’une loi fédérale quireconnaisse l’égalité de nos droits.

La scène où Dan White, l’assassin de Milk, s’apprête àaccomplir son geste meurtrier évoque Elephant, jusquedans le traitement du son. Êtes-vous d’accord ?GVS : Josh Brolin, qui joue White, nous a donné dessuggestions pour filmer cette scène. Il est vrai qu’on voit sonpersonnage emprunter des couloirs, avant d’aller descendreMilk. Mais je n’ai pas fait référence de manière consciente àElephant. Ce climax est lyrique et nous voulions que chaqueplan le soit d’une certaine façon.

Le film laisse entendre que Dan White était peut-être gay.Qu’en pensez-vous ?GVS : Harvey Milk le prétendait, mais je n’en suis pas certain.LB : Peut-être était-ce une face cachée de sa personnalité ?Harvey appréciait Dan mais, les deux dernières semainesde sa vie, il a commencé à raconter autour de lui que c’étaitun homosexuel refoulé. Mon défi, en tant que scénariste,était de comprendre la motivation de l’acte de Dan White.Il était frustré à bien des niveaux et pas seulement sexuels,mais surtout politiques. Je ne pense pas qu’il était homophobe,mais il appartenait au San Francisco conservateur. Son

AUX AGUETS

us, avec Harvey Milk, vous revenez à une formede cinéma plus classique. Pourquoi ?

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« HARVEY MILK A PERMIS À BEAUCOUP DE GAYS DE SORTIR DU PLACARD, D’ÊTRE ENTENDUS. » GUS VAN SANT

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histoire familiale entre aussi en ligne de compte. Son pèreétait un héros, pas lui. Tous ces éléments convergent...

Anticipant sa mort, Harvey Milk a enregistré un testament audioqu’on entend en voix off. L’avez-vous écouté intégralement ?GVS : Il existe quatre versions de cet enregistrement. Jecrois avoir écouté la troisième et Sean Penn a eu accès àdeux d’entre elles. Milk en avait fait plusieurs car il voulaitles transmettre à différentes personnes. Les bandes nedevaient être écoutées qu’après sa mort, dans le cas où ilserait assassiné. Elles avaient pour vocation de désignerson remplaçant à la mairie de San Francisco.LB : Il y avait là une vraie matière dramatique car Harveysavait ce qu’il faisait. On pourrait le taxer d’égocentrisme,sauf qu’il avait raison.GVS : Il avait reçu beaucoup de menaces de mort donc iln’était pas sans ignorer que quelque chose de fâcheuxpouvait lui arriver.

Pouvez-vous nous parler des différentes archives que vousavez utilisées dans le film et notamment celles du début, oùdes policiers font une descente dans un bar gay ?GVS : C’est le fruit de nombreuses recherches. Nous avonsaccumulé beaucoup de matière : archives télévisuelles,coupures de journaux, photographies du quartier de Castro,où Milk s’était établi. Ces documents nous ont aidés àreconstituer l’ambiance de l’époque, en plus du travail surles costumes qu’a fourni l’équipe technique. Nous avonsdécidé d’avoir recours à des images d’archives car il nousfallait des plans de foule. Nous n’avions pas nécessairementle budget pour les tourner. Celles qui ouvrent le film datentde 1951 et se passent à Miami.

Pourquoi le film n’a-t-il pas pu être réalisé avant 2008 ?LB : Gus voulait réaliser ce film depuis 1992. Mais les studiosà l’époque auraient orienté l’histoire sur la vie politique à SanFrancisco. C’était avant Brockeback Mountain, donc avantque les financeurs ne réalisent qu’ils pouvaient faire un filmhollywoodien rentable, avec un personnage principal gay.Gus tenait à son projet et l’a défendu. Nous n’avons rencontréaucune censure. C’est un grand changement par rapport auxannées 1990.

Considérez-vous qu’Harvey Milk est un film éducatif surla condition homosexuelle ?LB : 75% des personnes qui ont vu le film aux États-Unis sonthétérosexuelles. Quant aux gays, beaucoup y sont allés avecleurs familles, dans un but pédagogique. Ce film peut aiderdes jeunes gens de ma génération, pas forcément gays, quiont besoin de reconnaissance. Il faut que la communautéhomosexuelle réalise que si elle a perdu la proposition 8, c’estparce qu’elle a réitéré les erreurs du début des années 1970.

Pensez-vous que l’arrivée au pouvoir d’Obama va changerla donne ?LB : Les démocrates ont la réputation de soutenir les gays,mais on verra bien. Bill Clinton avait suscité de grandsespoirs en son temps et pourtant, les lois les plus régressivesont été votées sous son mandat. L’administration Obama doitreconnaître nos droits si elle veut notre soutien et nos votes.

_Propos recueillis par Sandrine MARQUES

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Célèbre pour son irrévérence, le cinéaste israélien Avi Mograbi recueille dans son nouveaufilm, Z32, les propos d’un officier de Tsahal ayant participé à un crime de guerre. Il en profitepour renouveler les codes du genre documentaire, auquel il greffe masques numériques etchœurs antiques.

Vpoignée de films, le réalisateur Avi Mograbi n’a cesséde faire bouger les frontières du genre, à un niveau tantpolitique qu’esthétique. Engagé, mais jamais manichéen,son cinéma secoue fort, très fort. On n’est pas habitué àautant d’irrévérence au sujet d’Israël de la part d’un citoyenisraélien. On n’est pas habitué à autant d’intelligence aucinéma. Promettons, à qui découvre ce film, un véritablechoc. L’énigme du titre nous a été expliquée par le réalisateurlors de son passage à Paris : «Depuis des années, je travaille

bénévolement pour une organisation qui collecte destémoignages de soldats ayant effectué leur service dansles territoires occupés. J’ai écouté des douzaines et desdouzaines de personnes. Z32 est le numéro d’archive dutémoignage du soldat que j’interroge. »Ce qui émeut le plus dans ce témoignage d’un ex-soldatd’élite ayant participé à une sanglante mission de représailles,c’est la forme qui le met en valeur, inattendue et grinçante :Z32 fascine tout autant par son histoire que par le partipris radical adopté, celui d’une tragi-comédie burlesqueet musicale. «Avant même de commencer à filmer, j’avaisplusieurs idées pour la construction du film. L’une étaitd’enregistrer le soldat assis face à la caméra. L’autre consistaità transposer le témoignage écrit du soldat en un opéra. C’était

très compliqué à faire ! On peut néanmoins dire qu’il y a desrestes de ces idées dans le film. » Après s’être entretenuavec le jeune homme plusieurs fois, Avi Mograbi lui a confiéune caméra pour qu’il se filme lui-même. Dès les premièresimages, il se révèle dans son intimité, en compagnie desa petite amie. La relation entre l’officier et cette femmeouvertement pacifiste semble des plus inhabituelles. Elles’adresse à son amant de manière franche, directe et amicale.L’homme espère le pardon. Elle cherche à être rassurée.«Au moins ça te travaille », dira-t-elle. Le point de vue dela jeune femme guide tout le film. Peut-on tout pardonner ?Comment, en attendant le pardon, partager le même toit ?

Une histoire qui s’adresse, en filigrane, à tous les citoyensdes pays en guerre : « Ce qu’a fait le soldat, explique AviMograbi, relève de notre responsabilité. C’est notre arméeet d’une certaine manière c’est moi, avec mes impôts, quifinançons de telles opérations. »Z32 ne dévoile jamais les visages du soldat ou de la jeunefemme. Le jeune homme apparaît d’abord « flouté », puis«masqué». C’est à cette condition qu’il a accepté de jouerle jeu. Car aujourd’hui, il craint d’être reconnu par desPalestiniens ou par un tribunal militaire... «Pendant letournage, nous avons fait des tests pour appliquer un masquenumérique en deux dimensions. Nous avons finalementretenu des masques 3D créés par un ordinateur, appliquéssur les visages des protagonistes après le tournage. Parfois,

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UN FILM D’AVI MOGRABI

Z32

DISTRIBUTION : LES FILMS DU LOSANGE

ISRAÊL, FRANCE, 2008, 1H21

DOCUMENTAIRE

UNE TRAGÉDIE ISRAÉLIENNE

oila le type d’œuvre à faire mentir ceuxqui croient que tous les documentaires seressemblent. Depuis des années, en une belle

SORTIE LE 18 FÉVRIER

AVIMOGRABI

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« CE SOLDAT AURAIT PU ÊTRE MON FILS. L’ARMÉE L’A TRANSFORMÉ EN UNE MACHINE À TUER. » A. MOGRABI

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pour des raisons techniques, il se passe de drôles de choses.Le masque n’est pas animé et pourtant on a l’impressionqu’il change, qu’il s’adapte selon ce qu’il se passe dans lavoix, dans les yeux du personnage. » Car, derrière lesmasques, transparaissent les lèvres et les yeux. S’ilspréservent l’identité, les masques soulignent et amplifientl’émotion. Qu’il s’agisse de la gêne ressentie par la jeunefemme ou du plaisir pris par le soldat à commettre unmeurtre... Un plaisir obscène : «Ce qui a déclenché en moil’envie de faire le film autour de ce soldat en particulier,c’est que cet homme, s’il exprimait aujourd’hui des remords,admettait également avoir pris du plaisir en commettant

son crime. » Le masque transforme le soldat en une sorted’acteur anonyme ; loin de la cacher, il révèle la face sombrede l’homme à côté de nous. En nous ? «Je pense que cesoldat est une personne ordinaire. L’armée l’a transforméen une machine à tuer. Cela aurait pu être mon fils, le filsdu voisin, de votre voisin. D’une certaine manière, vouspouvez dire que ce soldat aurait pu être moi. C’est difficileà croire, mais j’y crois. Et, dans ce sens, mon film dit peutêtre quelque chose sur nous... » Avi Mograbi ne livre pasde documentaires bourrés d’images archives, engourdispar une voix grave soporifique. Ce qu’il documente setrouve moins du côté du factuel que de l’humain. «Quandvous faites un film, vous commencez par rencontrer lapersonne avec qui vous le faites. Vous vous rencontrez,

vous vous saluez. Il existe un temps avant, pendant, et aprèsl’interview. C’est compliqué. Que puis-je faire, moi, face à unhomme qui a commis un tel crime ? Qui s’adresse au soldat?Est-ce le réalisateur ou bien l’être humain ? »Toutes ces questions sont soulevées dans Z32 par leréalisateur lui-même. Il y occupe la place centrale d’unchœur antique qui va avec ses chansons teinter le filmd’une amertume caustique et le transformer radicalement.«La musique permet de prendre de la distance, d’élargir lesujet. » Les textes des chansons, écrits par le cinéaste,s’inspirent directement de discussions entre lui et sonépouse, que l’on ne voit jamais. Cette dernière lui déclare,

entre autres, que le soldat masqué ne peut pas être unsujet de film : «Je pense qu’elle veut dire qu’il ne devraitpas faire l’objet d’un film, mais l’objet d’une action politique.Je pense aussi que si elle dit cela, c’est parce qu’elle parlede mon engagement. Qui suis-je ? Un réalisateur, un artisteou une personne qui s’engage moralement, politiquement?»Avi Mograbi appartient à une minorité invisible (20 % de lapopulation) de pacifistes, de non-sionistes. Il est malgré luidevenu leur porte-parole : «Comparé à ce qui vient de sepasser à Gaza, mon film est léger. Nous sommes aujourd’huidans le cercle vicieux de la guerre et je ne vois aucuneporte de sortie. C’est ça, la réelle tragédie ! »

_Donald JAMES

« S’IL EXPRIME AUJOURD’HUI DES REMORDS, LE SOLDAT ADMET ÉGALEMENTAVOIR PRIS DU PLAISIR EN COMMETTANT SON CRIME. » A. MOGRABI

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RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMÉE D’AVI MOGRABI SUR WWW.MK2.COM

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Pour ses 50 ans de cinéma, Chabrol signeBellamy, un film de jeune homme. Libre,lumineux, plein d’amour et de malice, unbrin anar et saupoudré de mélancolie, aussi.Au passage, il dirige pour la première foisGérard Depardieu, et ça valait l’attente.

GARE AU VIEUX DRILLE

Imais aussi à Sète, où les immortelles chansons de GeorgesBrassens flottent comme de gentils fantômes. Il y a unehistoire d’escroquerie à l’assurance et de disparition. Traîneaussi un rôdeur insistant, qui fait penser à notre fin limierque les choses ne sont pas uniquement ce qu’elles ont l’aird’être. Car bien qu’en congés et voué aux mots croisés, àla sieste et à la réfection d’étagères, bien qu’entouré de safemme, aimante et aimée, et de son demi-frère, mi-adoré,mi-détesté, Bellamy n’en reste pas moins flic. Il ne peuts’empêcher de mener son enquête.Gérard Depardieu est Bellamy : carrure imposante,nonchalance apparente, fêlure invisible. Il y a bien longtempsqu’on ne l’avait vu ainsi sur un écran, à la fois lui et un autre,en toute simplicité, en toute évidence. Claude Chabrolet sa scénariste Odile Barsky ont écrit ce personnagepour lui. Il est le pivot d’un film solaire qui ne néglige passa part d’ombre, d’un polar classique qui n’oublie pas sonsupplément d’âme.La lumière du Sud se conjugue à l’éclat et à la pureté dessentiments de Bellamy pour son épouse (la douce – et troprare – Marie Bunel). La noirceur des desseins de quelquesaigrefins fait écho aux sombres souvenirs enfouis du petitfrère alcoolique, mauvais sujet pas vraiment repenti (ClovisCornillac, excellent). Si les situations pèsent parfois, lesdialogues, eux, s’envolent sans prévenir, se font délicieux,malicieux : – Vous êtes revenus pour des clous?, demandela vendeuse du magasin de bricolage. – J’espère pas !,répond le commissaire. Dans cette œuvre libre et libertaire,la gaieté rend heureux, même si le bonheur n’est pas(toujours) gai ; le crime ne paie pas, les criminels non plus,d’ailleurs ; et le respect de la loi n’empêche pas un certaindésordre de régner. _Isabelle DANEL

l s’appelle Bellamy (presque) comme chez Maupassant,il est commissaire, comme chez Simenon, et bon enfant,comme chez Courteline. Ça se passe du côté de Nîmes,

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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILMParce que c’est la première fois que Chabrol écrit unscénario en pensant à un acteur, et pas le moindre :Gérard Depardieu.

Parce qu’on y sifflote du Brassens.

Pour le très bel hommage, tout en duplicité, rendu auxromans de Georges Simenon.

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UN FILM DE CLAUDE CHABROL

DISTRIBUTION : TFM // FRANCE, 2009, 1H50

SORTIE LE 25 FÉVRIER

AVEC GÉRARD DEPARDIEU, CLOVIS CORNILLAC, MARIE BUNEL…

BELLAMY

N

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EDEN À L’OUEST

À travers une Odyssée-fable qui romptavec son ton habituel, Costa Gavras livre un regard grinçant mais jamais

misérabiliste sur l’accueil des étrangersaujourd’hui. Rencontre avec un cinéaste

solaire et engagé.

HOMÈRE PATRIE

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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILMPour le jeu d’acteur de Riccardo Scamarcio, quien dit long sans (presque) prononcer le moindre mot.

Pour sa critique burlesque de la surmédiatisation.

Pour regarder notre société avec des yeux neufset moqueurs.

lumières. Sur son chemin, il rencontre des gens qui l’aident,d’autres qui le rejettent ou l’utilisent… Le personnaged’Elias est avant tout un révélateur des contradictions despays d’accueil, comme nous le confie le réalisateur : «Jevoudrais qu’avec ses yeux, on découvre notre société,même les choses qu’on ne veut pas voir ou qu’on ne voitplus.» Costa Gavras, qui a lui-même émigré de Grèce quandil était jeune pour s’installer en France, signe ici, comme àson habitude mais de manière plus personnelle, un filmengagé. Il veut dénoncer ce «racisme exaspéré» entretenupar le discours sécuritaire des hommes politiques. De fait,Elias est traqué en permanence par la police, au point d’êtreeffrayé par tous les uniformes et de détaler devant despompiers, comme Charlie Chaplin devant les matelots dansLes Temps modernes ! L’auteur d’Amen se défend cependant de dramatiser lasituation. C’est d’ailleurs l’un des points forts du film, qui évitel’écueil du misérabilisme en optant pour un ton volontiersléger et lumineux : « C’est un film solaire. Ce que le soleiléclaire est très dramatique, mais le soleil est toujours là... »Elias est un personnage de fable, naïf et peu disert, qui seretrouve à son insu dans des situations burlesques. Il s’apparenteà un extraterrestre, qui méconnaît nos (étranges) convenanceset parle peu, ou alors dans une langue inventée (par Gavras) :«J’ai fait exprès qu’on ne sache pas d’où il vient. Le problèmen’est pas son origine ; c’est d’abord un être humain, et il doitêtre considéré comme tel, basta. » Avec Eden à l’Ouest,Gavras a voulu rendre hommage à tous les émigrés, ces«personnes de qualité, au caractère trempé». Il y est parvenu.

_Raphaëlle SIMON

on, ce film n’est ni homérique, ni biblique – sice n’est qu’il parle d’humanité. Elias traversela Méditerranée pour gagner Paris, ville des

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UN FILM DE COSTA GAVRAS

DISTRIBUTION : PATHÉ // FRANCE, GRÈCE, 2008, 1H50

SORTIE LE 11 FEVRIER

AVEC RICCARDO SCAMARCIO, JULIANE KÖLHLER, ULRICH TUKUR, ÉRIC CARAVACA...

RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMÉE DE COSTA GAVRAS SUR WWW.MK2.COM

25 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMÉE DE SERGEY DVORTSEVOY SUR WWW.MK2.COM

Documentariste reconnu, Sergey Dvortsevoyréalise une première fiction bouillonnante,qui a pour décor la splendeur désertique dessteppes kazakhes. Célébration magistrale dela vie quotidienne, Tulpan est aussi un

formidable récit initiatique.

DRESSER L’OREILLE

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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILMPour le mystère qui entoure Tulpan, une fiancéequ’on ne voit jamais à l’image.

Pour la séquence de mise bas qui devrait susciterdes vocations vétérinaires.

Pour les facéties involontaires des animauxauxquelles répond l’énergie des enfants.

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UN FILM DE SERGEY DVORTSEVOY

DISTRIBUTION : ARP SELECTION // KAZAKHSTAN, ALLEMAGNE, 2008, 1H40

SORTIE LE 4 MARS

AVEC ASKHAT KUCHINCHIREKOV, SAMAL YESLYAMOVA …

TULPAN

Tsiens après son service militaire, Asa souhaite se marier.Mais ses oreilles hypertrophiées déplaisent à Tulpan, l’unedes rares épouses potentielles alentours. Asa va apprendreà grandir au contact de la nature et à dépasser cet échec.La vie s’engouffre dans chacun des plans que compose avecart le réalisateur. Des animaux entrent et sortent du champ,un enfant court en tous sens devant la caméra, des criscouvrent les dialogues. À ce sujet, Sergey Dvortsevoy confie :«J’adore quand l’inattendu fait irruption, quand les chosessurviennent par hasard. J’ai toujours aimé les réalisateursqui se servent de ce qui entre dans le champ et arrivent àl’utiliser à bon escient. »Tulpan se regarde autant qu’il s’écoute. Les oreilles, responsablesdu malheur sentimental du héros, deviennent la métonymielumineuse d’une œuvre comme chambre d’échos de la vieturbulente environnante. Le camarade d’Asa, sorte de MadMax survolté des steppes, carbure à la disco de Boney M,tandis qu’une gamine chante à tue-tête des ritournelles etque les animaux mêlent leurs clameurs à ce joyeux brouhaha.«Cette respiration due au son est capitale, précise le réalisateur.Même si on a une image vide à l’écran, elle vit grâce au sonqui transforme l’énergie de chaque plan. »Reste la scène pivot du film, un long plan séquence de dixminutes où une brebis met bas. Le héros change à partirde cette séquence qui entérine son passage à l’âge adulte.En délivrant la bête, il se libère de ses oripeaux juvéniles.Les conditions qui ont entouré la conception de cette scènefurent si difficiles que le cinéaste la qualifie de «miracle surpellicule». À l’image du film, récompensé notamment par lePrix Un Certain Regard et le Prix de l’Éducation nationale.Devant tant de beauté, en effet, impossible de rester sourd.

_S.M.

ulpan a beau s’ancrer au fin fond du Kazakhstan,parmi les nomades, son propos universel abolittoute frontière géographique. De retour parmi les

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GRAN TORINO

À 78 ans, Eastwood s’improvise mathématicienvirtuose. Derrière la chronique parentale deGran Torino se cache en effet un formidablefilm-somme, où le cinéaste fait prendre

la tangente à son propre mythe.

PÈRE ET IMPAIRS

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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILMPour les dialogues jouissifs, d’une grossièreté au couteau, entre Eastwood et son coiffeur.

Pour la manière dont le cinéaste revisite son mythe,et son rapport à l’Amérique.

Pour la classe de la Ford Gran Torino 72, renduecélèbre par la série Starsky & Hutch.

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UN FILM DE CLINT EASTWOOD

DISTRIBUTION : WARNER // ÉTATS-UNIS, 2008, 1H55

SORTIE LE 25 FÉVRIER

AVEC CLINT EASTWOOD, BEE VANG, AHNEY HER…

Gauront été invalidées, déplacées, retournées. Équation dedépart : soit l’acariâtre Walt Kowalski (Clint Eastwood), ex-ouvrier de chez Ford, vétéran de la Guerre de Corée, restéfidèle à son quartier de Détroit, dont il constate avec aigreurl’évolution démographique – ces dernières années, plusieursfamilles asiatiques se sont installées alentours. Engoncédans ses préjugés, le vieil homme fait du surplace, à l’imagede la rutilante Ford Gran Torino 1972 qui ne quitte jamaisson garage. Son épouse, récemment décédée, tenait à cequ’il passe à confesse? Il oppose une fin de non-recevoirau Père Janovich, venu à cet effet. Son fils se soucie de sasanté vacillante? Il l’envoie balader sans ménagement. Unévénement, cependant, dérègle le statu quo : la tentativede vol de la Gran Torino par le jeune Tao, ado introvertimanipulé par le gang du quartier. Trouvant là sa matrice,l’intrigue s’affole, glissant de symétries subtiles en vendettaexponentielle, jusqu’à la résolution, christique et cruciforme,du problème.C’est d’ailleurs dans sa structure ultra-géométrique queréside la beauté du film. Le long d’une pelouse ou d’un pâtéde maison, Eastwood miniaturise à grands traits les contoursde sa propre mythologie. Tout y est, ou presque : le justiciercarré et solitaire (fantôme de l’inspecteur Harry ou deswesterns léoniens), le passage de relais générationnel (UnMonde Parfait, Million Dollar Baby), l’irruption endémiquedu Mal (Mystic River), le souvenir traumatique du front(Mémoire de nos Pères, Lettres d’Iwo Jima), la forceinébranlable des femmes (L’Échange), la dernière sortie duhéros fatigué (Space Cowboys)... Boucler la boucle sanspour autant cesser d’avancer : pas de doute, les calculsd’Eastwood s’avèrent toujours aussi justes.

_Auréliano TONET

ran Torino commence et finit sur un enterrement– et pourtant, d’un deuil à l’autre, toutes leshypothèses de ce film éminemment mathématique

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Auteur de cinq longs métrages, dont deux seulement distribués en France,l’Autrichien Götz Spielmann traite dansRevanche de la perte et du rachat. Nominé aux Oscars 2009, un film empreint de poésie et d’humanité, qui révèle un grand cinéaste.

RÉDEMPTION

Rde Tamara, une jolie prostituée ukrainienne qui officie dansle bordel où il travaille à Vienne. Ensemble, ils entreprennentun braquage pour se construire une nouvelle vie, loin deleur milieu sordide. Mais l’opération tourne mal et Tamarase fait abattre par un représentant de l’ordre. Alex se retiredans la ferme isolée de son grand père, qui jouxte la maisondu policier responsable de la mort de sa compagne. Il se livredès lors à un combat intérieur : comment prendre sa revanchesur cet homme? Nécessairement par vengeance ?Pour y répondre, Spielmann construit son film autour d’unedouble rupture. D’ordre formel d’abord : le ton changeradicalement au cours du film. La première partie, urbaine,obéit aux codes du film de genre. Revanche s’ouvre commeun thriller et s’ancre dans le milieu de l’argent, de la violenceet de la prostitution. Spielmann, qui avait pu choquer avecson précédent film Antares, expose de nouveau des scènesde sexe crues, parfois brutales. Mais une fois qu’Alex seréfugie à la campagne, le film bascule. Surgissent alorsle silence, la solitude, les sentiments contradictoires depersonnages tourmentés par la culpabilité, la haine oul’amour. Loin du simulacre des villes, la vérité peut éclore,si l’on veut bien la nourrir. La mise en scène, précise etépurée, permet aux émotions de naître avec justesse – voirl’utilisation ultra-sensuelle des murmures de la campagne,suscitant tour à tour l’angoisse ou l’apaisement.L’autre rupture est d’ordre symbolique. Revanche contel’histoire d’une rédemption, celle d’un homme qui vacomprendre, au gré des rencontres, où se trouve sa réelleconsolation. Entre les lignes d’un thème plutôt sombre,Götz Spielmann figure que tout a un sens, avec une grandepoésie.

_R.S.

UN FILM DE GÖTZ SPIELMANN

DISTRIBUTION : MK2 DIFFUSION // ALLEMAGNE, 2007, 2H01

SORTIE LE 11 MARS

AVEC JOHANNES KRISCH, URSULA STRAUSS, ANDREAS LUST...

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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILMPour la manière sensible et sensuelle avec laquelleSpielmann filme la campagne.

Pour l’émotion que véhicule le personnage du grand-père, interprété par Hannes Thanheiser.

Pour les acteurs qui expriment avec justesse des sentiments complexes.

evanche : le titre évoque un film noir, un récit devengeance. Il n’en est rien : c’est avant tout unehistoire de sentiments. Alex est très amoureux

REVANCHE

NOMINÉ À L’OSCAR DU MEILLEUR FILM ÉTRANGER

30 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09 RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMEE DE CLAIRE DENIS SUR WWW.MK2.COM

Avec 35 Rhums, Claire Denis livre unechronique familiale sensible. Observantavec délicatesse un amour filial, elle captele mouvement secret des sentiments, lespulsations urbaines et la beauté des

visages. Hypnotique.

TRAINS DE VIE

Cs’adresse aux « sensations qui deviennent une histoire »,comme le confesse la réalisatrice de Trouble Every Day.L’argument de 35 Rhums est simple. Lionel (Alex Descas),conducteur de RER, élève seul sa fille Joséphine (Mati Diop).Leur relation fusionnelle pourrait être celle d’un couple.Mais Noé (Grégoire Colin), un voisin solitaire, aime Joséphine.Le moment inéluctable de la séparation est venu pour lepère et la fille. Minimaliste, 35 Rhums se réfère « au cinémad’Ozu, où le père devient l’ange protecteur de la famille ». Or,Lionel doit accepter que sa fille suive son propre chemin.Filmés avec la sensualité qui caractérise la cinéaste, lescorps portent la marque de leur devenir. Une volonté pourClaire Denis de «transmettre ce qui est inscrit sur un visage,autrement dit, une destinée».La séquence d’ouverture de 35 Rhums donne la tonalitémélancolique d’ensemble. Sur le quai de la gare, Lionelregarde les trains passer, en s’allumant des cigarettes. Lanuit tombe sur Paris. Le temps se dilate, une atmosphèreonirique s’installe. La partition du groupe anglais Tindersticksinsuffle au film sa sourde langueur urbaine, qui s’originedans le roulement des trains. «Il y a une telle similitude entrela caméra et le train qui roule, une espèce de rythme, dedéfilement. Je me suis inspirée du film muet allemand deWalter Ruttman, Berlin, La Symphonie d’une grande ville»,commente Claire Denis. La présence de la chanteuse eticône Ingrid Caven consacre la musicalité de 35 Rhums :« La filmer était impressionnant. Elle a quelque chose detrès rare : elle est fraîche.» Parenthèse poétique du film, levoyage en Allemagne scelle les derniers instants decommunion entre Lionel et sa fille, avant que le train de lavie ne l’emporte au loin. _S.M.

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UN FILM DE CLAIRE DENIS

DISTRIBUTION : WILD BUNCH // FRANCE, 2008, 1H40

SORTIE LE 18 FEVRIER

AVEC ALEX DESCAS, MATI DIOP, GREGOIRE COLIN, INGRID CAVEN...

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3 RAISONS D’ALLER VOIR LE FILMPour la jeune Mati Diop, dans le rôle de Joséphine,qui fait des débuts à l’écran prometteurs.

Pour la magnifique photographie d’Agnès Godard,fidèle complice de la réalisatrice.

Pour Alex Descas, en père secret et aimant, tout enémotion retenue.

haque film de Claire Denis repose sur une croyanceabsolue dans la puissance de la mise en scène.Économie de dialogues, geste épuré, son cinéma

35 RHUMS

SOMMAIRESORTIES DU 11 FÉVRIER 34_Tony Manero de Pablo Larrain // La Petite Fille de la terre noire de Jeon Soo-il // Doute de John Patrick Shanley // La Légendede Despereaux de Sam Fell et Robert Stevenhagen35_Ricky de François Ozon

SORTIES DU 18 FÉVRIER35_Le Code a changé de Danièle Thompson // Ferien, chronique d’un été de Thomas Arslan // Au diable Staline, vive les mariés!d’Horatiu Malaele et Vlad Paunescu

SORTIES DU 25 FÉVRIER36_Boy A de John Crowley // 14 kilomètres de Gerardo Olivares // Nord Paradis de Christophe Lamotte

SORTIES DU 4 MARS36_Last Chance For Love de Joel Hopkins38_Delta de Kornel Mundruczo // Pelléas et Mélisande, le chant des aveugles de Philippe Béziat // Pour un fils d’Alix de Maistre

SORTIES DU 11 MARS38_ Le Déjeuner du 15 août de Gianni Di Gregorio39_ Je te mangerais de Sophie Laloy // Villa Amalia de Benoît Jacquot // Welcome de Philippe Lioret // Loin de la terre brûléede Guillermo Arriaga

LES ÉVÈNEMENTS MK2_40 > 41

LE GUIDEDUMERCREDI 11 FÉVRIER AUMARDI 17 MARS

DES SALLES

La Petite Fille de la terre noire - Un film de Jeon Soo-il

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Santiago, 1978 : le régime de Pinochet fait régner un climatde suspicion et de terreur généralisé. Quinqua maniaque,danseur amateur et larron de bas étage, Raul Peralta nejure que par La Fièvre du samedi soir. La tenue prochained’un concours du meilleur «sosie de John Travolta», organisépar la télé chilienne, attise l’obsession du vieil adolescent...Film cru et frontal, porté par une interprétation compulsive,Tony Manero vaut surtout pour son idée-force : faire dudisco un exutoire des frustrations sexuelles, culturelleset politiques de la société chilienne, participant autant à salibération qu’à son acculturation.

_A.T.INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS

TONY MANEROUn film de Pablo LARRAINAvec Alfredo Castro, Amparo Noguera, Hector Morales…Distribution : Sophie Dulac // Chili, Brésil, 2008, 1h38 // Sortie le 11 février

Entre un frère attardé et un père à la dérive, l’universd’une fillette bascule. Accrochées au flanc des collinescharbonneuses, les maisons et la neige hivernale sont leterrain de jeu de la pétillante Young-lim. Alors que l’exploitationminière locale tend à disparaître, entraînant les hommesdans sa chute, l’innocence de la petite fille contraste avecle spectacle d’une humanité piétinée. Par son traitementdocumentaire, cette fable sociale dépeint le mode de vied’une région sud-coréenne, en même temps qu’elle véhiculedes problématiques universelles. Bluffants, les jeunesacteurs sont à découvrir absolument.

_J.R.

LA PETITE FILLE DE LA TERRE NOIREUn film de JEON Soo-ilAvec Yu Yun-mi, Park Hyun-woo, Jo Young-jin...Distribution : Zootrope Films // Corée du Sud, 2008, 1h29 // Sortie le 11 février

LE GUIDE_DES SORTIES EN SALLES

1964, New York : réputée pour son sens de la discipline,la directrice d’une école catholique du Bronx accuse unprêtre de pédophilie auprès d’un élève noir, sans preuvetangible... En portant sa pièce à succès à l’écran, JohnPatrick Shanley confirme son talent de dramaturge etparvient avec subtilité à laisser planer le doute. Si le styleest quelque peu académique, le bras de fer entre les deuxacteurs principaux est vraiment explosif. Les répliquesfusent et Meryl Streep convainc autant en nonne sévèreaux certitudes inflexibles, que Philip Seymour Hoffman enprêtre sensible et progressiste. Une apologie du doute,accessible à tous.

_R.S.

DOUTEUn film de John Patrick SHANLEYAvec Meryl Streep, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams…Distribution : Walt Disney // États-Unis, 2008, 1h45 // Sortie le 11 février

Despereaux Tilling réussira-t-il à rendre sa soupe, saprincesse et sa joie de vivre au royaume de Dorr ? Cettepetite souris intrépide aux très grandes oreilles préfère lireles livres que les manger et rêve de devenir chevalier. Maisil brise les codes de ses craintifs congénères. Banni,Despereaux échoue alors chez les rats où il fait la connaissanced’un autre marginal : Roscuro. Adapté d’un best-seller dela littérature pour enfants écrit par Kate DiCamillo en 2003,La Légende de Despereaux se pose en fable moderne dignedes meilleurs contes de Walt Disney. Sa morale ? La tailleimporte peu lorsqu’il s’agit de changer le monde…

_Victoire SOULEZ

NB : nous n’avons pas pu voir ce film dans nos délais de fabrication.

LA LÉGENDE DE DESPEREAUXUn film de Sam FELL et Rob STEVENHAGENFilm d’animationDistribution : Universal // États-Unis, 2008, 1h30 // Sortie le 11 février

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François Ozon est un cinéaste-caméléon ; après sonromanesque Angel, il se lance dans un trip kafkaïen-comique qui a le mérite de surprendre. Pas d’insectemonstrueux ici, mais Ricky, joli bébé joufflu issu de l’amourde deux ouvriers banlieusards (Lamy et Lopez). À la stupeurde ses parents, l’enfant se voit pousser deux ailes de pouletdans le dos… Ricky est un film hybride, mi coq-mi poulet,à la croisée de la chronique sociale, du fantastique, de lacomédie et du mauvais goût délicieux. Ce n’est pas tous lesjours qu’on ose nous montrer un bébé volant se vautrer avecfracas après s’être pris une porte. Et rien que pour ça, ça vautle coup d’œil.

_R.S.

Y a-t-il une recette infaillible pour réussir un dîner entreamis ? Que les liens soient anciens ou nouveaux, familiaux,professionnels ou occasionnels, c’est la loterie. Cettesoirée-ci n’échappe pas à la règle : concoctée par Danièleet Christopher Thompson, elle brasse avec malice la réalitédes quadras – lassitude du couple, angoisses professionnelles,vieillissement, ressentiment et pardon... Les personnagessont si joliment dessinés qu’on s’y retrouve, soi ou sonentourage! Ajoutez à cela onze comédiens impressionnantsd’abattage, et vous avez les ingrédients indispensablespour réussir une comédie…

_I.D.

RICKYUn film de François OZONAvec Alexandra Lamy, Sergi Lopez, Mélusine Mayance…Distribution : Le Pacte // France, Italie, 2008, 1h30 // Sortie le 11 février

LE GUIDE_DES SORTIES EN SALLES

LE CODE A CHANGÉUn film de Danièle THOMPSONAvec Karin Viard, Dany Boon, Marina Foïs, Patrick Bruel…Distribution : StudioCanal // France, 2008, 1h40 // Sortie le 18 février

L’été, les vacances, la famille. Le paradis… ou l’enfer ?Sous une lumière chaude et idyllique, des enfants jouent, unetable se remplit de mets à l’ombre d’un gros arbre, des corpss’alanguissent dans la maison. Mais la grand-mère estmalade, la mère regrette son premier mari, la fille cacheune aventure… Sous le calme apparent règne la tempête.Malgré une impression de déjà-vu, cette chronique familialepleine de non-dits captive comme un reportage sur nospropres vies. La beauté des images et la présence à la foisradieuse et opaque d’Angela Winkler, figure éternelle ducinéma allemand engagé des années 1970, font le reste.

_I.D.

FERIEN, CHRONIQUE D'UN ÉTÉUn film de Thomas ARSLANAvec Angela Winkler, Karoline Eichhorn, Uwe Bohm…Distribution : Les Acacias // Allemagne, 2008, 1h31 // Sortie le 18 février

Metteur en scène de théâtre reconnu, le Roumain HoratiuMalaele livre un premier film tragi-comique à cheval entreChaplin et Kusturica. Roumanie, de nos jours. À l’occasiond’un reportage sur des phénomènes paranormaux, le maired’un village rasé par les communistes nous raconte sonhistoire. 1953 : Mara et Iancu sont sur le point de célébrerleurs noces, mais la mort de Staline interdit toute festivité ;les mariés et leurs invités trouvent malgré tout un subterfugepour poursuivre la fête… On rit, on pleure et on ne peutqu’admirer la scénographie de ce film minuté, qui confirmela qualité de la nouvelle vague roumaine.

_V.S.

AU DIABLE STALINE, VIVE LES MARIÉS !Un film d’Horatiu MALAELE et Vlad PAUNESCUAvec Doru Ana, Alexandru Potocean, Medea Andreea Victor…Distribution : Castel Films // Roumanie, 2008, 1h27 // Sortie le 18 février

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NORD PARADISUn film de Christophe LAMOTTEAvec Aurélia Petit, Jean-Michel Fête, Marie-Rose…Distribution : Pierre Grise // France, 2008, 1h55 // Sortie le 25 février

LE GUIDE_DES SORTIES EN SALLES

À 24 ans, après avoir passé toute son adolescence en prison,Jack pense pouvoir reconstruire sa vie. Notamment grâceau soutien de Terry, assistant social, sorte de père putatif.Mais le passé ressurgit… Oscillant entre le thriller et ledrame social «made in Britain», le réalisateur anglais JohnCrowley porte très haut, dès ce premier film, l’ambition deses nombreux sujets : la culpabilité, la nocivité des médiaspeople, l’impossible rémission... Mais c’est avant tout dansses creux que se révèle tout le plaisir de Boy A, et notammentdans la relation filiale qui unit Andrew Garfield et PeterMullan, deux très grands acteurs, émouvants et justes.

_D.J.

Trouver l’amour lorsque l’on n’est ni exceptionnel, ni beau, niheureux et qu’on a plus de 40 ans : oui, oui, c’est possible !Du moins, c’est ce que démontre Joel Hopkins avec sonsecond film, une comédie romantique moins conventionnellequ’il n’y paraît. Harvey Shine (Dustin Hoffman), compositeurde jingles de pub ringards, est sur le point de se fairerenvoyer lorsqu’il se rend à Londres pour le mariage desa fille. Il y fait la connaissance de Kate, une employéed’aéroport qui déploie toute son énergie à s’occuper de samère paranoïaque. L’histoire est touchante et EmmaThompson épatante en quadra effrayée à l’idée d’une possibleseconde jeunesse.

_V.S.

BOY AUn film de John CROWLEYAvec Andrew Garfield, Peter Mullan, Katie Lyons, Shaun Evans…Distribution : Pyramide // Grande-Bretagne, 2008, 1h40 // Sortie le 25 février

LAST CHANCE FOR LOVEUn film de Joel HOPKINSAvec Dustin Hoffman, Emma Thompson, Kathy Baker…Distribution : La Fabrique de Films // États-Unis, 2008, 1h33 // Sortie le 4 mars

Ce docu-fiction, ovationné au Festival de Valladolid, contele périple de trois jeunes Africains qui veulent gagnerl’Europe pour réaliser leurs rêves. Sur leur chemin, avant detraverser les 14 kilomètres qui séparent les deux continents,ils font face au désert indomptable, aux douaniers sans pitié,aux passeurs cupides, à la faim, à la mort, au désespoir... Lanaïveté de la romance liant les personnages est compenséepar l’approche documentaire, qui dénonce les obstaclesinhumains que doivent surmonter ces immigrés clandestins.Un sujet original, courageux et retentissant, sublimé parune photo magnifique.

_R.S.

RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMÉE DE G. OLIVARES SUR WWW.MK2.COM

14 KILOMÈTRESUn film de Gerardo OLIVARESAvec Adoum Moussa, Illiassou Mahamadou Alzouma, Aminata Kanta…Distribution : Colifilms // Espagne, 2007, 1h35 // Sortie le 25 février

36 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

Le Nord est ici moins exotique que dans lesCh’tis, mais toutaussi humain. Si ce documentaire bénéficie de l’engouementprovoqué par Danny Boon pour sa région, tant mieux ! NordParadis observe au plus près des êtres ordinaires luttantpour survivre dans une casse automobile tenue par la vraietante du réalisateur. Ce dernier se cache derrière deuxcomédiens : Aurélia Petit, qui pose des questions, et Jean-Michel Fête, qui prend sa place dans la parentèle. Un dispositifnécessaire pour dire la difficulté de témoigner en étantjuge et partie. Et pour entraîner le spectateur au cœur d’ununivers à la fois dur et simple.

_C.B.

Juin 2007 : Pelléas et Mélisande de Claude Debussy estmontré au public moscovite pour la première fois. Adaptéd’une pièce de Maeterlinck, mis en scène par Olivier Py,dirigé par le chef d’orchestre Marc Minkowski, cet opéraonirique conte l’histoire de deux amants maudits, victimesde la jalousie du Prince Golaud. Au milieu d’élégantspassages d’opéra filmé, le documentariste Philippe Béziatinsère divers entretiens illustrant la difficulté de monter unspectacle lorsque les cultures s’opposent. Gagné par« l’aveugle» – thème clé de l’œuvre selon Py –, on acceptede ne pas tout saisir pour se laisser souffler par la magiede la représentation.

_V.S.

PELLÉAS ET MÉLISANDE, LE CHANT DES AVEUGLESUn film de Philippe BÉZIATDocumentaireDistribution : Les Films Pelléas // France, 2008, 1h48 // Sortie le 4 mars

DELTAUn film de Kornel MUNDRUCZOAvec Orsolya Toth, Félix Lajko, Lili Monori…Distribution : Le Pacte // Hongrie, Allemagne, 2008, 1h32 // Sortie le 4 mars

Prix du Jury mérité à Cannes, Delta nous emmène sur lesrives du Danube où un frère et une sœur décident des’isoler, loin d’une communauté de rustres villageois. Ilsconstruisent une maison sur pilotis, qui abrite leurs amours.Leur relation immorale attise la jalousie des autochtonesfrustrés. La violence explose. Sublime plastiquement, Deltase charge d’une tension sexuelle dès les premiers plans.Le retour au primitif déchaîne les pulsions. Mundruczoobserve une humanité guidée par ses bas instincts, à lamanière de Béla Tarr, crédité dans les remerciements. Lecouple taiseux formé par Orsolya Toth et Félix Lajko, angesparmi les gueux, captive.

_S.M.

LE GUIDE_DES SORTIES EN SALLES

LE DÉJEUNER DU 15 AOÛTUn film de Gianni DI GREGORIOAvec Gianni Di Gregorio, Valeria De Franciscis, Marina Cacciotti…Distribution : Le Pacte // Italie, 2008, 1h25 // Sortie le 11 mars

Et si le cinéma italien était vraiment en train de ressusciter?Sans atteindre ni la force ni la rigueur formelle des comédiesd’Ettore Scola ou Dino Risi, Le Déjeuner du 15 août mélangehabilement tendresse et cruauté. Ce premier film met enscène un quinquagénaire vivant seul avec sa vieille mère.Pour que la copropriété efface ses lourdes dettes, il accepted’accueillir une, puis deux, puis trois nonagénaires. Lescénariste et réalisateur, co-signataire de l’adaptation deGomorra de Matteo Garrone (ici producteur), interprèteavec un naturel confondant le rôle principal et dirige demain de maître les quatre mamies, actrices débutantes.

_I.D.

RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMÉE DES QUATRE COMÉDIENNES SUR WWW.MK2.COM

38 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

POUR UN FILSUn film d’Alix DE MAISTREAvec Miou Miou, Olivier Gourmet, Kevin Lelannier…Distribution : Rezo // France, 2008, 1h37 // Sortie le 4 mars

Un jeune garçon prétend être Toni, l’enfant disparu neuf ansplus tôt alors qu’il avait six ans. Il ment, mais le spectateurest le seul à connaître la vérité. Ce «retour» bouleverse nonseulement la vie de « sa» famille et notamment de Catherine,«sa» mère, mais aussi celle d’Omer, l’inspecteur de policechargé de l’enquête. Adapté d’un fait divers réel, ce premierlong métrage interroge la vérité et les formes qu’elle peutprendre. Si l’on est heurté par certaines invraisemblances,l’observation du mensonge à l’œuvre chez les trois personnagesprincipaux est passionnante. Au lieu de les juger, on se prendd’empathie pour ces âmes souffrantes.

_I.D.

VILLA AMALIAUn film de Benoît JACQUOTAvec Isabelle Huppert, Jean-Hugues Anglade, Xavier Beauvois…Distribution : EuropaCorp // France, 2008, 1h34 // Sortie le 11 mars

Partir : pas pour mourir un peu, mais pour vivre beaucoup.Est-ce parce qu’elle a vu son mari en embrasser une autre ?Est-ce parce qu’elle a retrouvé un ami d’enfance ? Ou parcequ’elle a la sensation que son art, la musique, ne lui suffit plus ?Ann, du jour au lendemain, part sans laisser la moindre trace.Elle s’installe dans une maison cachée au cœur d’une îleitalienne (la villa Amalia du titre), et reprend goût aux petitsriens et au grand tout. Aucune explication, juste des sensations.Pour adapter Pascal Quignard, Benoît Jacquot, toujoursaussi lacanien, convoque des images sensuelles et uneinterprète idoine.

_C.B.

Bilal, un jeune Kurde, veut traverser la Manche et croise unmaître nageur. Nous sommes à Calais, où les migrants sontbloqués, et où les autochtones baissent les yeux. Simon vales ouvrir, d’abord pour épater la femme qui l’a quitté, ensuiteparce que Bilal le touche. À la lisière du documentaire,Philippe Lioret dresse un état des lieux de la France en tantque «terre d’accueil». Il le fait en toute justesse, sans pathos.D’une caméra attentive, il embrasse le décor, capte la détressedes clandestins, exalte la beauté qu’il y a à s’impliquer.La rencontre de l’homme sans rêves et du garçon irréalisteest de ces histoires qui nous hanteront longtemps.

_I.D.

WELCOMEUn film de Philippe LIORETAvec Vincent Lindon, Firat Ayverdi, Audrey Dana…Distribution : Mars // France, 2008, 1h55 // Sortie le 11 mars

JE TE MANGERAISUn film de Sophie LALOYAvec Judith Davis, Isild Le Besco, Johan Libéreau…Distribution : Little Stone et Studio 37 // France, 2008, 1h36 // Sortie le 11 mars

De l’étreinte à la lutte, deux jeunes filles font l’expériencedu tourment amoureux dans un premier film convaincant.Pour suivre les cours de piano du Conservatoire de Lyon,la candide et sensuelle Marie s’installe dans l’appartementd’une amie d’enfance, Emma. Entre les deux étudiantesnaît une relation ambigüe, mélange de fascination, de désiret de peur. La réalisatrice et musicienne Sophie Laloy s’inspireici de sa propre histoire pour instaurer une atmosphèreinquiétante. Portées par la musique de Schumann, les actricesexplorent l’obsession amoureuse dans un corps-à-corpstroublant, illustrant avec justesse une passion vampirique.

_J.R.RETROUVEZ L’INTERVIEW FILMÉE DE L’ACTRICE JUDITH DAVIS SUR WWW.MK2.COM

LE GUIDE_DES SORTIES EN SALLES

LOIN DE LA TERRE BRÛLÉEUn film de Guillermo ARRIAGAAvec Charlize Theron, Kim Basinger, Jennifer Lawrence…Distribution : Wild Bunch // États-Unis, 2008, 1h48 // Sortie le 11 mars

Pour son premier passage derrière la caméra, GuillermoArriaga inscrit son film dans la veine des scénarios qu’ilsignait pour son compatriote, le Mexicain Iñárritu. Deuxhistoires s’entrecroisent : celle de Sylvia, jeune femmedépressive qui multiplie les aventures sans lendemains, etcelle de Gina, mère de famille retrouvée morte quinze ansplus tôt avec son amant, après l’explosion mystérieuse deleur caravane au Nouveau Mexique. Si la réalisation estmoins maîtrisée que dans les films d’Iñárritu, Arriaga confirmeson talent pour les jeux de pistes mélodramatiques et inventeune temporalité qui fait éclater à elle seule toutes les vérités.

_R.S.

39 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

Depuis sa création il y a 30 ans, Cinéma du Réel s'est imposé comme le festival de référence du cinéma documentaire en France. Toujours à l'écoute de la diversité des écritures, des formes et des idées, il rassemble aujourd'hui un public large, fidèle, attentifet curieux à l'actualité du cinéma documentaire et à son évolution.Cette année, le spectateur est invité à braver les frontières anciennes et à effectuer un voyagetransversal au sein d'une programmation toujours plusriche et foisonnante qui dessine une autre géographiedu rapport du cinéaste au monde.Cinéma du Réel distribuera une carte géographiquereprésentant un territoire imaginaire, celui de l'état du paysage documentaire.

MK2 BEAUBOURG_Du 11 au 17 mars.

CINEMA DU RÉEL

FOCUS

POUR LES ENFANTS

LES CYCLES

MK2 Beaubourg propose les soirées-débats Vis-à-vis. Vis-à-vis est un dialogue entre un artiste invité et un cinéaste àtravers son film. À l'occasion de la première de ces soirées,le 5 mars à 20h, MK2 Beaubourg invite l’écrivain EmmanuelAdely qui aborde le cinéaste Peter Watkins par l'intermédiairede son film Punishment Park.MK2 BEAUBOURG_Première séance le jeudi 5 mars à 20h.

NOUVEAU RENDEZ-VOUS

DIPTYQUE PHILIPPE GARRELDepuis le 21 janvier, le MK2 Hautefeuille propose un cycleautour du réalisateur Philippe Garrel. Au programme :Les Amants réguliers, La Frontière de l’aube

AUTOUR DE LOS BASTARDOS : LES MIRAGESAu programme : Los Olvidados (1950) de Luis Buñuel,Sangre (2005) d’Amat Escalante, Wassup Rockers (2005)de Larry Clark, De l’autre côté (2006) de Chantal Akerman(à partir du 04/02), La Zona, propriété privée (2008) deRodrigo Pla, Batalla en el cielo (2005) de Carlos Reygadas(sous réserve en février / mars), La Influencia (2007) dePedro Aguilera (sous réserve en février / mars)MK2 HAUTEFEUILLE_Depuis le 28 janvier.

LES MATINÉES DU MK2 HAUTEFEUILLE

CYCLE RENÉ FÉRETAu programme : L’Enfant du pays, Mystère Alexina,Baptême, Comme une étoile dans la nuitMK2 QUAI DE SEINE_Samedi et dimanche à partir de 10h30.

LES MATINÉES DES QUAIS

À l'occasion de la ressortie en copie neuve du tout premierfilm de Steven Spielberg, Duel, le MK2Parnasse a sélectionnépour ses Séances interdites de février deux films cultes duréalisateur : E.T. L'extraterrestre (1982) et Jurassic Park(1993).MK2 PARNASSE_Les vendredis et samedis soirs à la séance de 22h pendant tout le mois de février.

LES SÉANCES INTERDITES

SOIRÉE BREFReprise du Festival de Clermont-Ferrand 2009, une sélectioninternationale. «Cette année, 4785 films ont été proposés aux sélectionneursde la compétition internationale du Festival de Clermont-Ferrand. Un peu plus d’une centaine de titres ont été retenusparmi lesquels nous avons extrait ceux de ce programme quiveut faire honneur à la diversité de l’expression à l’œuvredans la forme brève.» Jacques Kermabon

Au programme de cette soirée :Doxologie (Doxology) de Michael Langan, Les Chaussuresd’Aristeu (Os Sapatos de Aristeu) de Luiz René Guerra,Danse macabre de Pedro Pires, Une Métaphysique del’enfance (Kodomo no keijijogaku) de Koji Yamamura, MonLapin Hoppy (My Rabbit Hoppy) d’Anthony Lucas, Le Clou(Naglinn) de Benedikt Erlingsson, Quatre (Styri) d’IvanaSebestova, Love You More de Sam Taylor-Wood.MK2 QUAI DE SEINE_Mardi 10 février à 20h30.

AVANT-PREMIÈRESZ32Avi Mograbi viendra présenter son film Z32, qui fut montrédans le cadre du Festival d’automne. Le réalisateur débattraavec le public à l’issue de la projection.MK2 BEAUBOURG_Lundi 9 février à 20h30.

WELCOMELe MK2 Quai de Seine accueillera Philippe Lioret et VincentLindon (sous réserve) pour une projection en avant-premièrede Welcome, l’histoire de Simon, maître nageur à la piscinede Calais qui, pour reconquérir et impressionner sa femme,prend le risque d'aider en secret un jeune réfugié kurde quiveut traverser la Manche à la nage.L’équipe du film sera présente à la fin de la projection pourdébattre avec le public.MK2 QUAI DE SEINE_Lundi 9 février à 20h30.

ÉVÉNEMENTS DES SALLES MK2

40 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

COURT MÉTRAGE

MK2 JUNIORPLUTÔT FANTÔME OU PLUTÔT MIGOU ?Niko le petit renne, Laban le petit fantôme, Mia et le migou,Les Nouvelles Aventures de la petite taupe, 1, 2, 3…Léon!,Peau d’âne, Le Cheval venu de la mer.Dans sept salles MK2 jusqu’au 3 mars.

À l’occasion de la sortie de Ponyo sur la falaise, la prochaine édition deMK2 Junior (à partir du 4 mars) se penchera sur les films d’Hayao Miyazakiet des productions des studios Ghibli.

PARTENARIATSLE RENDEZ-VOUS DES DOCSCe mois-ci, le Rendez-vous des docs accueillera Marie-Pierre Duhamel, programmatrice, membre du comité desélection de la Mostra de Venise, autour de la projectionde La Chouette aveugle de Raoul Ruiz.Au cours d’un débat, Raoul Ruiz a déclaré : «Je n’adapte pasune œuvre littéraire, je l'adopte. » Cette déclaration trouvedans La Chouette aveugle une parfaite illustration car cetteversion du livre de Sadegh Hedayat additionne les transpositionset, dans sa grande liberté, en restitue fidèlement l’essence.Avant tout célébration du rôle fantasmatique du cinéma, lefilm réitère la complexité du récit, son caractère labyrinthiqueet comme lui, nous fait perdre pied machiavéliquement.Ce bijou baroque, fruit de l’imagination flamboyante de RaoulRuiz, est à déguster plusieurs fois. Hypnose garantie.MK2 QUAI DE LOIRE_Lundi 23 février à 20h30.

DANS LES LIBRAIRIESÀ LA LIBRAIRIE DU MK2 QUAI DE LOIRELa librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions Capriccivous invitent à une rencontre autour de Werner Herzogavec Emmanuel Burdeau et Hervé Aubron, à l’occasion dela parution des ouvrages Manuel de survie et Conquête del'inutile.La rencontre sera suivie de la projection de Grizzly Man deWerner Herzog à 20h30 (billets en vente avant la séance).MK2 QUAI DE LOIRE_Jeudi 12 février à 19h30.

La librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions EmmanuelProust vous invitent à une rencontre-dédicace avec StefanAstier, à l’occasion de la parution de sa bande-dessinéeNegev T.2, L’Enfant démon.MK2 QUAI DE LOIRE_Samedi 21 février à partir de 16h.

La librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions Attila invitentFrédéric Ciriez à bord du Zéro de conduite pour une carteblanche sur le thème de la mer et des filles de joie, autour deson livre Des Néons sous la mer, paru aux éditions Verticales.Le jeudi 5 mars à 19h30 (nombre de places limitées,inscription au préalable auprès de Sophie à la librairie ou par tél. : 01 44 52 50 70)Après la lecture-balade sur le Bassin de la Villette, unerencontre aura lieu à la librairie.MK2 QUAI DE LOIRE_Jeudi 5 mars à 19h30.

À LA LIBRAIRIE DU MK2 BIBLIOTHÈQUELa librairie du MK2 Bibliothèque accueillera l’écrivain LeslieKaplan pour une dédicace de son nouveau roman MonAmérique commence en Pologne.Une carte blanche en matinée lui sera proposée à cetteoccasion afin de revisiter son univers à travers le cinéma.MK2 BIBLIOTHÈQUE_Dimanche 22 février.

LE THÉÂTRE DU VIEUX COLOMBIEREn partenariat avec le théâtre du Vieux Colombier, le MK2Quai de Seine propose une carte blanche à Muriel Mayette(metteur en scène de La Dispute, de Marivaux) sur le thèmede l’expérience monstrueuse. Au programme :Soirée de présentation le 23 février à 18h30 suivie d’unerencontre au Mcafé.Projection à 18h00 du film Les Liaisons dangereuses, deStephen Frears.Tarif : 7,20€, 6€ pour les abonnés à la Comédie Française et les spectateursde la pièce munis de leur billet.

Et en matinée à partir du 24 janvier : « L’expérience monstrueuse» :Elephant Man de David LynchLe Limier de Joseph MankiewiczLes Chasses du comte Zaroff de Ernst B. SchoedsackLe Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de PeterGreenawayCube de Natali VicenzoLes Liaisons dangereuses de Stephen FrearsMK2 QUAI DE SEINE_Samedi et dimanche à partir de 10h30.

RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS SUR

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EXPOSITIONAalto et ses vidéos s'installent au Bibliothèque du 14 févrierau 1er mars prochain. Le MK2 Bibliothèque accueillera desprojections d’images basées sur le travail et les visuels deRomain Tardy alias Aalto, pour faire découvrir une créationnumérique originale, spécialement créée pour le site, danstoute sa complexité architecturale. Dès la tombée de la nuit, le hall s’animera de gouttelettes, depersonnages, d’images en deux dimensions, de contrastesnoirs et blancs, et ce, jusque sur l’extérieur par le jeu detransparence qu’offrent les grandes baies vitrées du complexe.MK2 BIBLIOTHÈQUE_Du 14 février au 1er mars.

DVD Valse avec Bachir, le témoignage dessiné

Crayon témoin

omment dire l’horreur quand elle se dérobe à lamémoire? C’est à cet écueil que fait face Ari Folman,après qu’un vieil ami lui confie un rêve récurrent, liéà la période où ils servirent dans l’armée israélienne.

Mais de son service militaire, Folman ne garde aucun souvenir.Pour combler la béance, il entreprend de recueillir destémoignages de ceux qui prirent part à la première guerre duLiban en 1980 et, notamment, au terrible massacre de Sabraet Chatila.Ce travail introspectif accaparera le réalisateur pendantquatre années, jusqu’à l’obsession : «Ce processus a pris lecontrôle sur ma vie. On y pense tous les jours. Petit à petit,j’ai rassemblé les pièces du puzzle.» Sur la base d’un documentaire classique, constitué d’une séried’interviews, un storyboard puis 2000 planches ont été tirés.Le résultat impressionne. La splendeur graphique se met auservice d’un récit relié au subconscient, fragmentaire à l’imagede la mémoire morcelée du réalisateur. «La mémoire perdue,les rêves, les hallucinations – il nous fallait une forme spécialepour raconter cette histoire », commente Ari Folman, pourqui « tout le sujet du film est de rester connecté à son passé».Le retour du réel, dans un final fulgurant, replace les faits dansleur tragique mesure : «Des milliers de personnes sont mortesau Liban. Ce n’est pas que du dessin. »Plus qu’un film d’animationétonnant, Valse avec Bachir est un exorcisme magistral.

_S.M.Propos d’Ari Folman recueillis au Festival de Cannes 2008.DVD disponible aux Éditions Montparnasse, le 4 mars 2009.

C

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ACTUALITÉ ZONE 1S’il fut aussi boxeur, footballeur et matador, Oscar «Budd» Boetticher est surtout une figure incontournable del’âge d’or du western américain. Scénariste et réalisateur, il signe dans les années 1950 une dizaine de pépitesdu genre parmi lesquelles Ride Lonesome (La Chevauchée de la vengeance en VF), Comanche Station ouBuchanan Rides Alone. Tous trois, ainsi que The Tall T et Decision At Sundance, sortent pour la première fois en DVD dans un coffret Sony Pictures. En bonus, les commentaires cinéphiles et admiratifs de deux autrespointures, Clint Eastwood et Martin Scorsese. _J.R.

BE HAPPY DE MIKE LEIGH MK2 Édition

Poppy a 30 ans et une joie de vivreinébranlable. Quand son optimisme seheurte aux aléas de la vie londonienne,c’est pour mieux rebondir. Mike Leighsigne un bel hommage à la vie,soutenu par l’actrice Sally Hawkins,récompensée par un Golden Globe.

KUNG-FU PANDA DE M. OSBORNE ET J. STEVENSON ParamountPo le panda, promis à une carrière decuisinier, n’a qu’un seul rêve : devenirmaître du kung-fu. Grand succès de l’été 2008, entièrement réalisé enimages de synthèse, le (gros) bébédes studios DreamWorks est toujoursaussi maladroit et hilarant.

LE PREMIER JOUR DU RESTE DE TA VIEDE RÉMI BEZANÇON Studio CanalÀ travers cinq journéesparticulièrement marquantes, RémiBezançon brosse le portrait d’unefamille, des années 1980 à nos jours.Un film drôle, audacieux et poignantqui cumule huit nominations auxCésars 2009. À voir absolument.

LE RIDEAU DE SUCRE DE CAMILA GUZMÁNURZÚA Épicentre FilmsLa réalisatrice nous emmène dans leCuba paradisiaque de son enfance, à travers des photos, chants ettémoignages qui content les espoirsplus ou moins déçus de sa génération.Un état des lieux intime et passionnant.

8 FILMS D’ÉRIC ROHMER OpeningLes jeux de l’amour et du hasard vuspar Rohmer en huit films piochés dansses Contes moraux et ses Comédieset proverbes. Sous le patronage dePascal et Marivaux, ses éloquentsantihéros s’embourbent dans dedélicieux imbroglios amoureux…

par R.S. et J.R.

42 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

Documentaire d’animation, Valse avec Bachirréinvente le témoignage et redessine lescontours d’une tragédie où traumatisme,culpabilité et mémoire s’entrechoquent.

’est un grand type flegmatique et discret,doté de bonnes manières apprises àCambridge, d’une diction exquise et dechemises bien coupées : en un mot, Jonathan

Coe a tout du gentleman british tel qu’on l’imagineen France, même si lui proteste gentiment quandon le lui dit. Pourtant, derrière ses allures de gendreidéal se cache l’un des sujets les plus caustiques desa Majesté. Né à Birmingham en 1961, Coe fait partiede la génération des Will Self et des Tibor Fischer,ces quadras qui se sont imposés dans les années1990 au milieu de grands aînés comme Martin Amisou Ian McEwan. Aujourd’hui, il est considéré des deuxcôtés de la Manche comme l’un des meilleurs écrivainsanglais vivants, compliment qu’il accueille toujoursavec une équanimité polie et un petit sourire en coin.

Il s’en est pourtant fallu de peu pour qu’il n’emprunteune toute autre voie, celle de la musique.Pendant ses études de lettres (on lui doit unethèse sur Fielding), il passe des heures à grattersa Fender et à écouter les groupes de rockprogressif des années 1970, Soft Machine,Henry Cow et autres représentants du «CanterburyStyle», genre dont il est fanatique. À 20 ans, il jouedans un groupe influencé par les Smiths, expériencepeu concluante qui nourrira par la suite son romanLes Nains de la mort. Il fait ensuite une brèveincursion dans le jazz puis, comprenant que sonavenir n’est pas là, revient à ses premières amours,l’écriture, et devient journaliste. Très vite, des projetslittéraires font surface : il se jette à l’eau en 1987avec La Femme de hasard, un roman marqué parla littérature d’avant-garde des années 1960 (il aécrit une biographie de son principal représentant,l’énigmatique B.S. Johnson). Dans l’ensemble, c’estun bide : le livre ne lui rapporte que 200 £ et constitue,selon ses termes, « le non-événement littéraire desannées 1980». Coe persévère néanmoins avec UneTouche d’amour, Les Nains de la mort, puis, enfin,Testament à l’anglaise, le livre qui lui apporte la célébrité,en 1994. Cette satire sans pitié de l’Angleterre desannées Thatcher fait de lui un écrivain politique,image qu’il n’accepte pourtant qu’à moitié : «J’aicru que le roman pouvait avoir un impact politiquequand j’ai écrit Testament..., mais aujourd’hui jesuis convaincu du contraire. »

Quoi qu’il en soit, la machine est lancée, et le publichexagonal conquis : sa très hitchcockienne Maisondu sommeil récoltera le prix Médicis en 1998, etses deux romans sur l’Angleterre contemporaine,Bienvenue au club et Le Cercle fermé, connaîtrontun formidable succès. Avec cette saga plus ou moinsautobiographique dans laquelle il revisite l’histoiresociale et culturelle anglaise, Coe a donné son œuvrela plus ambitieuse et, sans doute, la plus aboutie ;pensée d’un trait (« Les deux romans ont été conçusensemble, et je les regarde comme un seul ensemblede 900 pages »), elle a également été la plus difficileà écrire. Est-ce pour cette raison qu’il changediamétralement de registre aujourd’hui ? La Pluie,avant qu’elle tombe nous entraîne en effet sur unterrain auquel il ne nous avait guère habitués : celui duroman psychologique, avec une narration linéaire et,pour la première fois, un texte à la première personne,

comme pour symboliser un virage introspectif. L’histoireest à la fois simple et captivante : peu avant de mourir,la vieille Rosamond a enregistré sa confession,quelques heures de bandes durant lesquelles ellecommente vingt photos à l’intention d’une jeunefille aveugle. D’un cliché à l’autre, des destins sedessinent, des personnages prennent corps, desdrames se jouent : avec le talent qu’on lui connaît,Coe tisse les fils de son intrigue familiale et met enscène le sentiment mélancolique que procurent lepassage du temps et l’absence de plan dans nosvies. «Le sens qu’elle recherchait était perdu, conclut-il dans les dernières pages. Pire encore : il n’avaitjamais existé.»Avec ce beau texte en mode mineur,Coe renonce à masquer son pessimisme sous l’humourravageur qu’il utilise habituellement, et révèle sa vraienature : celle d’un observateur inquiet et désillusionné,convaincu que la vie est absurde mais trop élégantpour s’en plaindre. Quand vous lirez ce livre, faitesmentir son titre : avec la pluie en arrière-fond sur vosvitres, le décor sera parfait.

_Bernard QUIRINYJonathan Coe - La Pluie, avant qu’elle tombe, Traduit de

l’anglais par Serge et Jamila Chauvin, Gallimard, 249 p., 19,50 €

44 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

Après son diptyque sur l’Angleterre des années 1970 à nos jours, Jonathan Coepasse en mode mineur avec La Pluie, avant qu’elle tombe, un roman intimiste,sobre et délicat. Et si le prince de l’ironie à l’anglaise était avant tout un vraipessimiste ?

Gentlemanmélan

C

AVEC CE TEXTE EN MODE MINEUR,COE RÉVÈLE SA NATURE D’OBSERVATEURINQUIET ET DÉSILLUSIONNÉ.

«»

LIVRES Jonathan Coe tombe le masque

45 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_FÉVRIER 09

LA SÉLECTION par P.D., S.Q. et R.S.

MON AMÉRIQUE COMMENCE EN POLOGNELESLIE KAPLAN , Roman, P.O.L.Roman des origines, celles d’une Américaineà Paris, roman d’apprentissage à travers descultures, des livres, des films et l’Histoire :en ce sens, magnifique autobiographiede tout le monde, dans une écriture à lafois fluide et ancrée dans le réel.

AU FOND DE L’INCONNU POUR TROUVER DU NOUVEAULINDA LÊ Roman, Christian BourgoisVisitant sa bibliothèque au hasard d’uneinsomnie, Linda Lê en extirpe des figuresqui lui sont chères et nous offre unflorilège d’auteurs à lire ou relire,éclectique et très personnel.

PARIS-BREST, TANGUY VIEL Roman, MinuitUne histoire de famille, le «partir-revenir»du fils prodigue, à la manière de TanguyViel, brouillant les pistes du biographiqueavec des éléments éminemmentromanesques, dans une construction et un phrasé très travaillés.

JOSÉ LAPIN TOME 1Album jeunesse, dès 4 ans, Emmanuel ProustQuand José Lapin croise Alain le bonhommede neige et lui demande son nez, donc sa bellecarotte, pour nourrir sa famille nombreuse,le dilemme est épineux. Dans l’adversité,c’est le partage et l’amitié qui priment.

colique

LE SITE

Quelques mois après la sortie de Tournage dans un jardinanglais, le méta-film où Michael Winterbottom racontel’impossible adaptation du Tristram Shandy de Sterne,pourquoi ne replongeriez-vous pas dans ce roman-cultequi a inventé l’expérimentation littéraire? Pour l’explorerà fond, rien de mieux que ce site, qui dissèque le livre et utilise l’hypertexte pour renouveler sa lecture. Il faut s’accrocher un peu pour surmonter l’obstacle de la langue, mais découvrir ce chef-d’œuvre dans sa miseen page originale numérisée tout en naviguant parmi lesles références est un vrai plaisir.

_B.Q.

http://www.tristramshandyweb.it

NOMBRIL SANS FONDDASH SHAW Bande dessinée, Éditions Çà et LàLa famille Loony (« timbrée ») se réunit lelong de 720 pages au formalisme délirant.Sur fond de monochromes naïfs, silenceset non-dits sont sous-titrés avec malice.Une chronique intime magnifiée par undessin virtuose.

MUSIQUE Le folk sauvage et racé de Will Oldham

Au moment où il publie Beware (PIAS), bel album faussement apaisé, nousavons rencontré Will Oldham, alias Bonnie ‘Prince’ Billy. Entre la chaleur dela niche et l’immensité des plaines, le prince de la country refuse de choisir.

Entre chien et lon le rencontre pile au moment où il nefallait pas – à moins que ce ne soit, enréalité, l’heure la plus propice. Will Oldhamest de passage à Paris le jour de l’investiture

de Barack Obama, et notre entretien se déroule àl’instant même où le Président prête serment. Rivéau téléviseur, œil humide, poils dressés, Oldhamcouine, jappe, glapit, avant de lâcher : «Cette électionm’inspire un immense espoir, en même temps, jel’avoue, qu’une peur sans fond. »Crainte et confiance : les deux pôles de la bête sontidentifiés. Il y a quelques années, l’animal publiaitWolf Among Wolves, une chanson au texte explicite :«Pourquoi ne suis-je pas aimé tel que je suis –comme un loup parmi lesloups, et non un chien parmiles chiens ?» Oldham n’a paslu La Fontaine, mais son œuvrene cesse de réactualiser le dilemme de la fable, surun plan tant sentimental qu’artistique : domesticationou liberté, telle est la question. Ces derniers mois,le barde se sent plutôt « canin », nous dit-il, maisson nouvel album, Beware, « sonne Croc-Blanc ».Il précise : «Mon précédent disque, Lie Down InThe Light, était serein, accueillant. Celui-ci l’est sansdoute un peu moins. » Un peu moins : la nuances’impose, en effet, car à la première écoute Bewaredéborde de chaleur, d’allégresse, avec ses chœursde cocker, ses guitares chihuahua, son pédigréecountry. C’est en flairant du côté des paroles qu’oncerne l’humeur moins servile du canidé – Death Final,You Don’t Love Me, You Are Lost, ou le chef-d’œuvremanifeste I Don’t Belong To Anyone…«Je chérie la musique, car elle m’aide à établir uneforme de communauté, tout en me permettant,parfois, de prendre un certain recul. »Autrement dit,Oldham est un clebs qui s’autorise, les soirs de pleineLune, à déchirer laisse et collier pour s’ébrouer engarou égaré. Versant toutou, l’ami Will fait montred’une fidélité sans pareille à l’égard de son public,qu’il choie au rythme d’un disque tous les six mois,ou presque. Versant Gévaudan, l’homme cultive unmythe de chanteur secret et imprévisible, dissimuléderrière une épaisse forêt de poils blonds qu’ilagence selon l’inspiration du jour – jusqu’à arborer,comme cet après-midi-là, une insolite « barbe-catogan ». Tantôt vêtu de la panoplie du parfait

redneck (casquette, moustache, jogging), tantôtd’une élégance très dix-neuvièmiste (barbichecoloniale, gilet vintage, bijoux discrets), Oldham sembleen mue permanente, à l’instar d’un répertoire qu’il necesse de faire évoluer au gré des réinterprétationsstudio ou des transfigurations live. La beauté malingrede ses premiers albums, enregistrés sous diverspseudos (Palace Brothers, Palace Music, Palace),l’a-t-elle intronisé roi du folk alternatif, dit « lo-fi » ?Le voilà, au tournant du millénaire, qui se rebaptiseBonnie ‘Prince’ Billy, et s’intronise country singerémérite, geste ferme et faconde évidente : «J’aimela force des disques de Bonnie ‘Prince’ Billy ; j’ycontinue à chanter mes défaillances, mais d’une

voix moins tremblante, plus assurée. »Louveteau chétif ou cador boiteux, à la croisée dubébé et du vieillard, Oldham n’est jamais meilleur quelorsqu’il se trouve en lisière – ruptures, rencontres,aurores (At The Break Of Day). « J’ai tendance àpréférer les chansons qui, dans leur écriture ou dansleur interprétation, parviennent à mêler des émotionscontraires. »Du sortir du lit (After I Made Love To You)à l’antichambre de la mort (I See A Darkness), sontimbre androgyne organise la rencontre de la hauteculture européenne et de l’americana la plus terreuse.Natif de Louisville, en plein Midwest, Oldham aétudié dans une prestigieuse université de la côtéEst (Brown). Ses chansons célèbrent tant Pouchkineque R Kelly, quand ses collaborations courentd’obscurs folksingers scandinaves (Nicolai Dunger)en monstres sacrés soul (Candi Staton) ou country(«chanter avec Johnny Cash fut pour moi une leçonépique »). On ne s’étonne guère, dès lors, que lebonhomme ait mené une carrière parallèle decomédien, de ses débuts chez John Sayles en 1989à ses récentes prestations chez Kelly Reichardt(Old Joy). En salles au printemps, le magnifiquedernier film de celle-ci, Wendy And Lucy, chante lafaune des créatures en partance – sans-abris, chiensperdus... Oldham y campe un rôle à sa mesure : hobopatibulaire, cabot pelé, loup errant.

_Auréliano TONET

JE CONTINUE À CHANTER MES DÉFAILLANCES,MAIS D’UNE VOIX PLUS ASSURÉE. « «

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LA SÉLECTION par A.T.

ANIMAL COLLECTIVE « Merriweather Post Pavilion » PIASLe pavillon du titre est une salle deconcert en plein air du Maryland. Pourlui rendre hommage, ces Américainspsyché-freak signent une prodigieusesymphonie panthéiste, toute de sonoritésstellaires, à faire trembler le cosmos.

ALELA DIANE « To Be Still » FargoRevoilà Alela, mi-Californienne mi-louve,qui chante l’Amérique des origines, celle du gold rush, des westernspanoramiques, violons country, boiseriesfolk, et puis cette voix superlative, qui à coup sûr vous laissera coi.

ALAIN SOUCHON« Écoutez d’où ma peine vient » EMI À la panne sèche, la « Souche » préfèreles peines humides, égrenées avec lalégèreté rêveuse qui le caractérise. Servipar des arrangements soignés, cet albumle capte à son meilleur – politiquementintime, intimement politique.

LONEY DEAR «Dear John» EMITout est précieux chez ce Suédois chéri :synthèse réussie des Beach Boys,Radiohead et Sufjan Stevens, sespopsongs à étages empilent chœurs,cuivres, clochettes et synthés avecun enthousiasme contagieux.

upANTONY AND THEJOHNSONS «The Crying Light » BeggarsIl y a ceux qu’il énerve, et ceux qui levénèrent : sexuellement flou, Antony nelaisse pas indifférent. Voix soyeuse,production lustrée, son nouvel album caresseses admirateurs dans le sens du poil.

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LE SITE

New-Yorkais lunaire, Fredo Viola évolue à cheval entrefutur proche et passé (dé)composé. Essentiellementvocales, les mélopées de son splendide premier album,The Turn, combinent la pureté altière des grandscompositeurs baroques, Monteverdi en tête, etl’intelligence fureteuse de contemporains amis, Björk,Massive Attack, Radiohead ou David Byrne. Son site web est à l’avenant, esthétique Renaissance subliméepar des fonctionnalités au ludisme et à l’élégance horsdu commun. À noter qu’une interview filmée de FredoViola est disponible sur www.mk2.com.

_A.T.

www.fredoviola.com

54 I TROIS COULEURS_WWW.MK2.COM_NOVEMBRE 08

LES BONS PLANS Kompilés par Rémy Kolpa Kopoul

Les bons plans

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PARIS ON DA GROOVE

Honneur aux dames de pique, ladies d’or de la voix et plus ! Quant aux as de carreau dugroove, ils portent bonheur au hip hop ou à l’électro. Les rois de trèfle du monde dit «world»prennent racine en ville. Plus trois évènements... joker! Décidément, Paris est... à cœur !

Concerts, clubbing, grand’messe : qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, le groove est entré dans Paris.

BLACKALICIOUS > 17/02 > NEW MORNINGDeux des piliers de Blackalicious sont de retour à Paris ! Le duo de SanFrancisco et du hip hop crew Quannum, vus cet automne en guestsdu duo (parisien) Bumcello, n'ont aucune barrière dans la musique.Les tchatcheurs ont le flow généreux et souvent surprenant.

P_FUNK SOCIALIBRIUM > 26/02 > NEW MORNINGDerrière ce nom tarabiscoté, une machine à funk emmenée par BernieWorrell, l’emblématique clavier du P-Funk (compagnon d’armesde George Clinton, des Stones et de Talking Heads) et BlackbyrdMcKnight, guitariste pilier de cette galaxie P-Funk pendant vingt-cinqans et sideman d’élite pour Sonny Rollins et Herbie Hancock.

DJ SPINNA PLAYS MOTOWN (FREE YOUR FUNK) > 27/02> BELLEVILLOISEDeux ans après une nuit d'anthologie Prince vs Michael Jacksonau Bus Palladium (comme à New York), DJ Spinna revient, cettefois à la Bellevilloise. Le producteur et remixeur de tout ce que laplanète conte d'activistes du hip hop (entre autres), mixera toutela nuit 50 ans de Motown.

Q-TIP > 9/03 > ÉLYSÉE MONTMARTREAprès un long silence (discographique), celui qui fut l’âme de A TribeCalled Quest revient avec un nouvel album judicieusement titréThe Rennaissance . Producteur pour Nas ou Whitney Houston, guestsur d’innombrables galettes hip hop et aussi acteur au cinéma, Q-Tip reste un incontournable de la scène rap new-yorkaise.

SOCALLED > 10/03 > CAFÉ DE LA DANSESon tube You're Never Alone a fait le bonheur des auditeurs de Nova.C'est avec son projet hip hop (toujours Klezmer) que le jeune prodigecanadien SoCalled, DJ voltigeur, musicien et rappeur (en anglais etyiddish!) au flow iconoclaste, trafiquant particulièrement barré desons synthétiques, revient avec son humour décapant.

HUGH COLTMAN > 11/03 > ALHAMBRADepuis l’été dernier, la voix de Hugh Coltman s'est nichée sur lesondes de Nova. L’ancien chanteur de The Hoax roule solo, doucementd'abord avec Voices puis en swingant avec Could You Be Trusted.Toujours est-il que le Britiche installé en France est en tournée etc'est à l’Alhambra qu'il livre son folk blues nouvelle génération.

GENERAL ELEKTRIKS > 17/03 > MAROQUINERIELe groupe d’Hervé Salters est aussi à sa manière un fournisseurd’énergie. Sauf qu’il s’agit de groove, que le leader du groupe délivreavec une rare intensité. L’homme aux claviers, un Français résidanten Californie, est une inépuisable mine de tubes (underground). Entémoigne un tout nouvel album qu’il vient rôder chez nous.

CES DRÔLES DE DAMESFado, électro, soul, Brasil, tzigane, afro : les girls ont de la tenue!

BEVINDA CHANTE GAINSBOURG > 12/02 > DUC DES LOMBARDSBevinda, Portugaise basée à Paris depuis un bail, a déjà huit albumsà son actif sur le chemin d'un fado de l'imaginaire. Cette fois, ellerevient à la langue française de ses débuts (rock), avec une gageure,la relecture «sud» de l'invétéré urbain qu'était le jeune Gainsbourg(1958 > 68). Très cabaret, à la fois glamour et décalé. Culotté.

SANDRA NKAKÉ > 13/02 > MAROQUINERIESandra Nkaké a une voix que le milieu musical se dispute. MagicMalik et les Troublemakers ont couché sur leur album respectif cegrain soul qui fait la différence et une aisance bienheureusementinsolente, un souffle... à couper le souffle. Son album Mansaadi estgorgé de soul & funk. La crème de la scène groove parisiennel'entoure.

LEÏLA > 23/02 > CAFÉ DE LA DANSEElle est une des grandes figures de l'électro-pop britiche : née enIran, Leïla Arab, installée à Londres, se convertit à l’électro, parfoisminimaliste, et épaule Björk dans ses 1er enregistrements dès 94, avantde rouler solo. Elle fait à présent partie de l’écurie WARP, «ze» labelde la scène électro anglaise, et poursuit son alchimie avec le rock.

MARIA BETHÂNIA > 24/02 > SALLE PLEYELLe (petite) sœur de Caetano Veloso est une véritable diva au Brésil,depuis ses débuts entre Vinicius de Moraes et les Tropicalistes.Baignant dans les traditions mystiques (le candomblé, culte afro-brésilien) et urbaines (la samba), elle se fait rare à Paris, où ellechanta jadis à la Mutualité «only for women» ! Son récent duo avecla Cubaine Omara Portuondo est miraculeux.

ERIKA SERRE & EMIGRANTE > 26/02 > DIVAN DU MONDEUne petite bombe d'origine hongroise, croisement tonique de larockeuse intrépide et de la tzigane effrontée. Erika Serre, douéed'une voix tonitruante qui n'a d'égal que son tempérament, estentourée d'un septet de musiciens qui passent du jazz au tziganeet au blues avec une belle désinvolture. Kusturica et Tony Gatlifl'ont repérée.

CANDI STATON > 8/03 > ALHAMBRAPlus de 40 ans d'amour et de combat en musique pour celle quel'on appelle «sweatheart of soul» (le cœur de la soul), survivanted'un parcours chaotique. Sa ténacité vaudra à Candi de conserverson espoir intact. C’est le témoignage de ce que le gospel et la soulont apporté, force et amour. Une leçon pour tous.

AYO > 11 AU 14/03 > OLYMPIALa jeune Nigériane a fréquenté les studios de Nova avant que lesuccès hexagonal ne la transforme en disque d'or. Le titre de sonpremier album, Joyful, se lit d'ailleurs sur son visage éternellementsouriant. Ayo ne reste heureusement pas, comme elle le chante,Down On My Knees. Le nouvel opus l’impose parmi les grandes.

ASA > 16/03 > OLYMPIALa France est curieusement terre tremplin pour les jeunes Nigérians(Seun Kuti) et plus encore Nigérianes, comme Ayo (sur la mêmescène ces jours-ci) et Asa. Asa, le faucon, fait mouche avec Fire On The Mountain, tranquilleet puissante chanson soul acoustique et premier disque (de platine).Asa est sur orbite.

LE TOUR DU WORLD Réunion, Bamako, London, Rio, Amsterdam : Paris, capitale des ailleurs...

RENÉ LACAILLE > 12/02 > NEW MORNINGInfatigable animateur des scènes réunionnaises, René Lacaillefête à Paris ses 55 ans de carrière, avec son accordéon et laribambelle d'instruments qu'il pratique, de la guitare au ukulélé,plus la gouaille méga tonique qu'il déploie depuis ses débuts aux«Bals poussières» puis au «Kabar», ce cabaret « kreyol » de sonîle natale qu’il exporte à Paris.

CHEICK TIDIANE SECK / MARCIO FARACO (AU FIL DES VOIXDU MONDE) > 14/02 > ALHAMBRAClavier, compositeur, arrangeur et directeur musical, CheickTidiane Seck est le grand sorcier malien du son, de Salif Keita àDee Dee Bridgewater puis a son compte (album Sabaly). Faraco,le Brasilo-Parisien, nous propose Um Rio, son cinquième album,au-delà des eaux de la bossa nova, explorant cette douce veinede la samba, espiègle ou nostalgique.

NITIN SAWHNEY > 20/03 > ALHAMBRAComme Talvin Singh, Nitin Sawhney est un des tenants de cetteAsian Vibe apparue au milieu des années 1990 à Londres. DJ,multi-instrumentiste, producteur, Nitin Sawhney en est à sonhuitièmealbum. London Undersound, toujours aussi... londonien:ramage oriental, plumage électro aux mille reflets. Toutsimplement classieux.

AMSTERDAM KLEZMER BAND > 20/03 > BELLEVILLOISEDe Hollande, encore peu connu à Paris, voici l'AmsterdamKlezmer Band, mi-groupe mi-fanfare, totalement déjanté, mixantgypsy balkanique, marche turque et hip hop yiddish, 10 ans d'âgeet autant d'albums au palmarès. Le dernier s’appelle Zaraza etpropose des ambiances particulièrement vitaminées. Yop la aupays des Bataves !

DAVY SICARD > 6/03 > CIGALE Quand la chanson-maloya lé là, la Réunion lé là ! La Réunion està l’honneur à travers l’un de ses musiciens les plus riches etcharismatiques, Davy Sycard, adepte d’un maloya moderne etenvoûtant. Le maloya est un rythme qui met en transe les corps etles esprits, né de la fusion d'expressions musicales des esclavesafricains.

VERY SPECIALJazz manouche sur canapé cordes, Magma quadra et New York qui relooke Gainsbourg.

BIRELI LAGRENE / STOCHELO ROSENBERG / FLORINNICOLESCU & C° (SYMPHONIC DJANGO) > 12 AU 14/02 >CIRQUE D’HIVERDjango Reinhardt en rêvait mais il est mort quelques mois avantson exécution. Du coup, il aura fallu attendre 55 ans pour voirsur une scène son œuvre en version symphonique. Avec lesNorvégiens du Kristiansand Symphony Orchestra, et en solo,rien moins que Bireli Lagrene et Stochelo Rosenberg auxguitares et Florin Nicolescu au violon.

MAGMA A 40 ANS > 12 AU 14/02 > CASINO DE PARISLe groupe hexagonal a toujours provoqué emballement (novateur)ou rejet (crypto secte). Voici, pour fêter les 40 ans du groupe, troisCasino de Paris. Pour la nouvelle génération des Magma addictscomme pour les quinquas ventripotents, la bande à Vander restefidèle à ses fondamentaux (textes en kobaïen, langue inventéesur tapis rock avec ingrédients jazz).

JOHN ZORN & TZADIK JOUENT GAINSBOURG > 25/02 > SALLEPLEYELEn 1997, le plus arty des aventuriers new-yorkais, John Zorn,refaisait une beauté très Greenwich Village à Gainsbourg surson label Tzadik. Il récidive sur scène avec une élégancedéjantée qui aurait plu au maître. «Notre» Serge appartient àla planète !

ART Vides au Centre Pompidou

Art sous videDu 25 février au 23 mars, le Centre PompidouprésenteVides, une rétrospective d’expositions«vides», de 1958 à nos jours. Le musée se metà nu pour évoquer l’une des tendances de l’artmoderne et contemporain : son désœuvrement...

uelque 1500 m2 du Musée national d’art moderne,perché au quatrième étage du Centre Pompidou,abritent l’exposition Vides qui, comme son intituléle laisse deviner, est entièrement vide. Circulez,

il n’y a rien à voir! Seuls des cartels à vocation pédagogiquesont là pour resituer dans leur contexte respectif les neufpropositions retenues par les commissaires de l’événement,à commencer par celle que fit Yves Klein en 1958 à la galerieIris Clert. L’artiste fut le premier à se risquer à montrerl’invisible et à dématérialiser l’œuvre, ce que l’art conceptuel,privilégiant l’idée à la forme, s’emploiera à faire à partir desannées 1960.Faire l’expérience du vide – ou plutôt des vides car, s’ilsse ressemblent tous ici en apparence, ils ont chacun leursignification propre –, c’est ce que propose cette rétrospectiveatypique dont le désœuvrement fait écho au contexte danslaquelle elle vient aujourd’hui s’inscrire : une crise dont onespère qu’elle ne fera pas le vide autour d’elle, y compris dansles musées, autrement que pour des motifs artistiques...

_Anne-Lou VICENTE

Centre Georges Pompidou, place Beaubourg, 75004 Paris.Bethan Huws - Haus Esters, 1993, Krefeld - Germany - Installation viewExhibition Bethan Huws, Museum Haus Esters Krefeld, 1993

© Volke

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LE SITE http://www.blackjackeditions.comBlackJack est une nouvelle maison d’édition dont les publications sont dédiées à la création contemporaine. Parmicelles-ci, Mécanique Magenta, un road trip en compagnie de l’artiste Pierre Malphettes ; Me, Myself And I, réunissantles carnets de dessin de Bruno Peinado ; et le déjà culte French Connection, une bible de 800 pages consacrée à lascène artistique française. Si l’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité, il dresse un large panorama de la créationdans l’Hexagone, à travers 88 artistes vus sous l’œil et la plume de 88 critiques d’art. _A.-L.V

DOMINIQUE BLAIS 12 FÉV. - 11 AVRILDominique Blais explore les seuilsde la perception visuelle et auditiveà travers des installations faisantintervenir le son ou l'évoquant encreux. Son exposition Décélérationnous invite à prendre le temps de

faire l'expérience du regard et de l'écoute.Galerie Edouard Manet, 3 place Jean Grandel, 92230 Gennevilliers.

UN PLAN SIMPLE 7 JANVIER - 11 AVRILLe collectif de commissaires Le Bureau / présente le premiervolet de sa trilogie Un Plan simple.Perspective explore un mode de perception visuelle appliqué à l'exposition, construite sur une

succession de plans qui, superposés, font image.Maison Populaire, 9 bis rue Dombasle, 93100 Montreuil.

MARIO GARCIA TORRES20 JANVIER - 22 MARS

L'artiste mexicain figure parmi lesjeunes héritiers de l'art conceptuel,dont il s'emploie à revisiterl'histoire. Ses installations etinterventions, d'une grande sobriétéformelle, exploitent le potentiel

fictionnel de l'absence.Jeu de Paume - Concorde, 1 Place de la Concorde, 75008 Paris.

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LA SÉLECTION par _A.-L.V

GAKONA 12 FÉVRIER - 3 MAI Le nom de l'exposition renvoie à unpetit village du centre de l'Alaskaabritant un programme de rechercheélectromagnétique qui alimenterumeurs et fantasmes... Constituée dequatre expositions personnelles,

Gakona explore la dimension cachée de l'œuvre d'art.Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson, 75016 Paris.

RÉSEAUX Le «nuage» informatique : une révolution, pour quels risques ?

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Le Net dans les nLes météorologues du web sont catégoriques : délaissant les disques durs, nos donnéesmigrent vers un mystérieux « nuage ». Derrière cette expression nébuleuse se cache laprochaine révolution informatique...

usqu'à présent, nos fichiers informatiques (textes, photos, vidéos) étaient mémorisés dans le disque dur de notreordinateur. Conséquence du boum du réseau Internet, ces données se retrouvent de plus en plus souvent stockéessur la Toile, par le biais de sites comme Flickr, YouTube, Facebook ou via nos propres boîtes mails. Grâce à unsystème d'identifiant et de mot de passe, celles-ci deviennent consultables depuis n'importe quel poste, on dit

qu'elles sont «externalisées». Résultat : nombre de fabricants mettent sur le marché des ordinateurs ultra-portables, quiservent essentiellement d'outils pourse connecter à Internet. Plus besoind'une bécane surpuissante, puisque laplupart des logiciels que nous utilisons au quotidien sont directement disponibles en ligne : le contenu du disque dur esttransféré dans ce que l'on nomme désormais le « nuage».

L'expression pourrait laisser penser que les données sont miraculeusement préservées au-dessus de nos têtes, dans unesorte d'apesanteur enchanteresse. En réalité, elles ne sont pas plus dématérialisées qu'avant. Toutes ces informations sontstockées non pas dans les nuées mais bel et bien sur terre, dans des centres nommés «data centers», sorte de hangarsgéants très gourmands en énergie et contenant des centaines de milliers d'ordinateurs. Si Google est le propriétaire du plusgrand nombre de «data centers», Microsoft se lance également dans l'aventure. Depuis peu, il propose un service de disquedur virtuel aux utilisateurs de sa messagerie. Mais dans cette course pour le titre de roi des nuages, les clients les plusintéressants restent les entreprises. Les avantages pour ces dernières ne sont pas négligeables : coût de fonctionnementmoins élevé, mutualisation des moyens, plus grande flexibilité d'utilisation. Un peu à l'instar de la logique qui a prévalu au

JEN CE DÉBUT D’ANNÉE, LE FBI A DÉCLARÉ REDOUTER

UN ”11 SEPTEMBRE INFORMATIQUE”...«

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De l’homosexualité dans le foot à la «drunkorexie», Abstrait-Concretdéterre les infos insolites avec unesubjectivité et une virulencerafraîchissantes.

www.abstrait-concret.com

FAC OFFLe blog d'un brillant maître deconférences en sciences del'information. Très mobilisé contre laréforme de l'université, il prouve queles profs sont moins rétrogrades

qu'il n’y paraît. http://affordance.typepad.com/mon_weblog

BLOG D'UNE JEUNE FILLE DÉRANGÉESur ce blog espiègle, pas de Castor,mais un Intégriste, des perles depluies et Jean Rochefort. Racontéesd’une voix atone, ces saynètesdrôlatiques sont d'une efficacité

rare – et littéraire. www.simonedebougeoir.fr

LA REINE MARGAUXLes « blogs dessinés » ont le vent en poupe. Les blogs de filles aussi.Autant dire que Margaux Motin, traitdynamique et humour corrosif, a toutpour être la reine du web en 2009.

http://margauxmotin.typepad.fr/margaux_motin

MAMAN, J’AI RÉTRÉCI LES PHOTOSUn site qui transforme vos photos depaysages ou vos portraits en étrangesmaquettes miniatures, déréalisant vossouvenirs de vacances. Bienvenuechez les Lilliputiens.

http://tiltshiftmaker.com_par T.L.

uagestemps du développement de l'électricité, où un petit nombred'entreprises se sont spécialisées dans la production etla distribution d'énergie aux autres en fonction de leursbesoins. Pourtant, la révolution des nuages semble susciterla méfiance chez la majorité des entreprises. En premier lieuse pose le problème de la confidentialité de leurs données.Est-ce que cela ne risque pas d'accroître les risques depiratage industriel ? Le second danger, évident, est celuiqu'implique une dépendance totale à Internet : la miseen réseau des informations les rend par définition plusvulnérables. En ce début d'année, le directeur-adjoint dela division informatique du FBI a déclaré redouter un « 11septembre informatique» sous la forme d'une attaque depirates – ce que les experts nomment le «Cybergeddon»,apocalypse cybernétique qui prendrait par exemple pourcible le système bancaire.

Un scénario pas si surréaliste à une époque où les piratagesà but politique se multiplient. Le conflit israélo-palestinienconnait lui-même un prolongement sur le web, des centainesde sites israéliens ayant été attaqués au moment où l'arméepénétrait la bande de Gaza. Quant à la mésaventure de MarcL., elle illustre les impacts possibles du nuage sur nos viesprivées : ce jeune architecte bordelais s’est fait tirer le portraitpar le magazine Le Tigre, dans son édition de novembre-décembre. Problème : le journaliste n’a jamais rencontréMarc, mais s’est contenté de rassembler les infos disponiblessur le web (Facebook, Flickr & co). Une enquête qui vasuffisamment loin dans l’intimité du jeune homme pour quece dernier décide de porter plainte. On souhaite bien ducourage au juge : qui blâmer ? Le journaliste ? Les cieux ?Ou l’inconscient qui a empli les nuées de la foudre qui luiest retombée, in fine, dessus ?

_Titiou LECOQ

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MOT@MOT WTF [dubløvetef] sigle(Sigle construit à partir de l'anglais « What The Fuck », que la décence qui anime ces pages nous conduit àtraduire par « saperlipopette, mais on s'en moque, non? »)1. interjection. Utilisée par les internautes francophones, la formule est entrée dans le lexique hexagonal par lebiais des jeux en ligne transfrontaliers. Qualifie la plupart du temps une information jugée digne de très peud'intérêt. Nicolas s'est fait un tour de rein en dansant la carioca à Rio ? WTF, sérieux...2. n.c. Personne dont l'exposition médiatique est disproportionnée par rapport aux faits. Julien Coupat, serialsaboteur présumé de caténaires TGV, c'est le WTF du terrorisme. _E.R.

Sortie de boîteIl a plus de 20 ans mais il mue toujours. En 2008, le jeu vidéo est le seul produit culturel àavoir pris le virage de la dématérialisation numérique, avec ce qu’il faut de conviction pourque cela marche. Dis-moi comment tu l’achètes, je te dirai quel joueur tu es...

Extrait du jeu Super Street Fighter Turbo HD Remix

st-ce la fin des étagères ? Les vinyles sont retournés à la cave, les CD sont numérisés sur iPod et bradés sureBay, dans moins d’un an le livre électronique sera banalisé. On ne peut même plus compter sur les boîtescolorées des jeux vidéo pour couvrir ses murs. Ressortez vos posters de poneys, la ludothèque en dur, c’estdu passé. Les pontes de la musique et de la vidéo ont crié au massacre avant de s’y mettre frileusement, VOD

et iTunes Store aidant. Aujourd’hui, tout le monde salue l’abandon des DRM sur les fichiers musicaux, comme si ongravait un nouvel article sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Or, il ne s’agit que d’un retour salutaire ettardif sur des excès commerçants liberticides. Plus discrète, la virtualisation des supports du jeu vidéo ne fait pas débat.Pourquoi ? Parce que cette industrie a su offrir unéventail de modalités d’achat qui est en adéquationavec les profils multiples des joueurs.

Le branché, d’abord. Ce nouveau venu, né sur les « live» des consoles de salon ou PC, a troqué le cordon ombilical contreun câble Ethernet. Ça fait une paye qu’il n’a pas mis les pieds dans un magasin. Il télécharge tout depuis son canapé,directement débité sur son compte bancaire. Dépités, les magasins qui ont pignon sur rue ? Pas tant que les jeux serontaussi chers. L’occasion reste une manne et un marché à lui tout seul, avec argus et tout le toutim. S’il est trentenaire, lebranché télécharge des remix haute définition des classiques de l’âge d’or. Une réédition «HD Remix» de Super StreetFighter Turbo, sorti à l’origine en 1994 sur bornes d’arcade, est disponible depuis novembre sur le Xbox Live Arcade,depuis février sur le Playstation Store. Idéal pour raviver l’effet madeleine…

ERESSORTEZ VOS POSTERS DE PONEYS, LA

LUDOTHÈQUE EN DUR, C’EST DU PASSÉ.«

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JEUX VIDÉO La dématérialisation, mode d’emploi

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Hop ! Si vous rêvez de faire des sauts de cabri dans les buildings de la Défensemais que votre médecin n'est pas chaud,optez pour les yamakaseries virtuelles de ce titre vertigineux.

Disponible : Janvier // Éditeur : Electronic Arts // Plateforme : PC

TOM CLANCY'S H.A.W.X.Cui-cui ! Faites comme l'oiseau qui vit debombes et de gazole frais. Cette superbesimulation d'aviation est dotée d'unsystème de commandes vocales, pour les manchots du manche à balais.

Disponible : Février // Éditeur : Ubisoft // Plateforme : PC, Xbox 360, PS3

LE PARRAIN IIClac ! Baffes en costard et intimidation.Mêlant stratégie et action dans l'universdu deuxième opus cinématographique, Le Parrain II a des airs de GTA pourgentlemen chatouilleux.

Disponible : Février // Éditeur : Electronic Arts // Plateforme : PC,Xbox 360, PS3

STREET FIGHTER IVHadoken ! Distribution de mandales pourtous : joueurs chevronnés, trentenairesnostalgiques, chômeurs désœuvrés. Leplus grand jeu de baston de tous les tempsrevient enfin.

Disponible : Février // Éditeur : Capcom // Plateforme : PC, Xbox 360, PS3

KILLZONE 2Buzz ! Un développement de quatre ans,soutenu par un battage hollywoodien. Le jeude tir le plus attendu de l'année arrive dansvotre salon pour de bon, et c'est très bon.Disponible : Février // Éditeur : Sony // Plateforme : PS3

_par E.R.

Le DDL. Cousin paresseux du branché, le «DDL» préférerale Direct Download («sortie virtuelle», ou DDL). Le jeu DDLne sort pas en magasin mais uniquement sur les plateformesde « live» ou en téléchargement sur le Net. Le seul moyenpour que des petits studios tirent leur épingle de jeux sortisde nulle part, à la rafraichissante créativité. On pense àBraid ou World of Goo, les héritiers de Tétris. Leur succèstient dans la simplicité de leur concept, la qualité de renduet leur prix qui avoisine les 15 euros. Cependant, le joueurDDL est souvent pris pour une vache à lait quand on luipropose de télécharger des mises à jour onéreuses, avecde nouveaux niveaux ou costumes de personnages. Defait, nombreux sont les gamers qui pestent contre le DDL,lorsqu’il opère comme un cache-misère complétant, contremonnaie sonnante, des jeux trébuchants, développés à lava-vite. D’autres DDL leur donnent tort, apportant un nouveaucontenu pertinent à un jeu déjà terminé (dans la lignée desadd-ons ou « extensions », pendant physique des DDL).Ainsi, l’épique GTA 4 se voit doté en février d’un nouveauchapitre tout de cuir revêtu : The Lost And Damned.

Dernières catégories de joueurs : l’addict et le globe-trottersont des rejetons biberonnés au jeu vidéo dématérialisé.Pour eux, la boîte de jeu est au mieux un tribut nostalgique,au pire un relent du marketing collector. Le premier ne jureque par le format feuilleton : un titre divisé en saisons etépisodes. Un rythme télé qui va de pair avec une liberté deton rare. Si Aosphere est prévu pour le premier trimestre2009, les épisodes détonants de Sam & Max sont déjàdisponibles : 8 euros l’épisode, moins de 25 pour une saisonen entier. Armé de son iPhone (la nouvelle console de 2009,soit dit en passant), le globe-trotter est le petit dernier de labande. Le bigophone d’Apple est en passe de concurrencerla DS et la PSP. Une évolution prometteuse, portée par lesexcellents Rolando ou SimCity.

_Étienne ROUILLON

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LE SITEwww.ski-challenge.com«T'as froid ? Tu t'es fait pipi dessus dans ta combi ? T'as de la neige plein les oreilles ? T'en fais pas, tout ça,c'est dans la tête. » Vous aussi, la logique des moniteurs de ski vous échappe. Vous aussi, vous préférerezdéfier au chaud les meilleurs fondeurs du monde virtuel, sur les pistes de Ski Challenge 09. Ce jeu gratuit est sponsorisé par une chaîne de télévision suisse. Reprenant les tracés et le calendrier des compétitions officielles de la saison 2008-2009, Ski Challenge devrait réunir cinq millions d'adeptes cet hiver. Tout schuss. _E.R.

ourné en 1985 dans la hâte et l’illégalité, le premier film de Gus Van Sant annonce son œuvre à venir, en mêmetemps qu’il s’en distingue. Mala Noche met en scène un jeune Américain (le poète Walt Curtis, dont le film estl’adaptation des mémoires) qui tombe éperdument amoureux. L’objet de cette passion ? Johnny, jeune émigréclandestin mexicain qui tente de survivre dans les rues de Portland, avec pour seules armes l’insouciance et

l’insoumission adolescentes…À rebours des chefs-d’œuvre minimalistes du début des années 2000 (Elephant, Gerry), le style foisonne de référenceset de propositions. Très travaillé, le noir et blanc évoque tour à tour l’expressionisme allemand, le muet, ou l’esthétiqueintime et fragmentée d’un John Cassavetes. Gus Van Sant s’essaie aussi à des jeux expérimentaux plus personnels avecles paysages ou la lumière, hyper contrastée et stroboscopique.Au passage, le réalisateur en profite pour aborder ses futurs thèmes de prédilection : Amérique des rues et des marges,personnages impénétrables, amours contrariées, errance, solitude, homosexualité teenage… Splendide œuvre dejeunesse, Mala Noche est un film frontal et plein d’espoir, de douce folie et de joie.

_R.S.

La sortie en salles d’Harvey Milk de Gus Van Sant est l’occasion de (re)découvrir Mala Noche, son tout premier longmétrage, resté inédit en France pendant plus de dix ans.

T

HIBOUX, CAILLOUX, BIJOUXClaude Chabrol sort le 25 février son nouveau film, Bellamy.Avec presque 60 films en cinquante ans, le maître du suspenseà la française s’apprécie aussi sur MK2 VOD : Les BonnesFemmes (1960) illustre déjà la proximité du tragique et duléger, quand une jeune vendeuse croise la route d’undangereux sadique. Dans Le Cri du hibou (1987), c’est lajalousie qui conduit au meurtre, alors que dans La Fleur dumal (2002), un sordide secret de famille hante plusieursgénérations.

Retrouvez actuellement plus de 900 films sur www.mk2vod.com

PÉRIPÉTIES PÉRIPATÉTICIENNESDans Revanche, en salles le 11 mars, une prostituée duquartier rouge viennois espère changer de vie. Au cinéma,le boudoir des filles de joie attire autant qu’il effraie,ambivalence incarnée à la perfection par Catherine Deneuvedans Belle de jour : Séverine, sage épouse, se vend chaquejour dans une maison close. Dans J’embrasse pasde Téchiné,la prostitution est pour Pierre le seul moyen de s’en sortir,alors que dans Leaving Las Vegas, c’est auprès d’une call-girl que Nicolas Cage trouve son unique refuge.

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MALA NOCHEde Gus Van Sant

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SCIENCE-FICTION La chronique des objets de demain... Le Polaroid Pogo

Portraits crachésL’appareil photo festif revient sous une forme numérique : le Polaroid Pogo. Cette rotativenomade vous permet d’imprimer les photos prises depuis votre téléphone. Dans le feupermanent de l’objectif, vis ta vie de Jim Carrey dans The Truman Show…

eurones éméchés? Aucun souvenir de la soirée ?Épieu merci, aujourd’hui quand tu vas guincheren mode nocturne, quarante gonzes te crucifientsur leur iPhone. Tous les dimanches sur Fessebook,

avant même l’heure de la messe, ma frimousse en photorégurgite un cocktail dans l’oreille de ma cavalière, d’unelitière pour chat ou d’un ficus en plastoque.

Ce soir, fête qui lacère sa daronne. Armé de mon imprimantePogo, je vais me venger de ces paparazzis de la micro-peopolisation. « C’est une soirée sans photos », prévientVadim, vigie vigilante. Je passe avec mon matériel contreun bakchich de crise : l’essence de mon briquet. Petit tourdans l’appart’ et mitraillage à tout-va du tout-venant, suivide l’impression directe des photos. Début de la distributionpunitive.

Le premier cliché est pour la bimbo du soir, fan absolutistede son Ken. «Tiens, regarde. C’est ton grand Meaulnes quicherche du bout de la langue des noises aux molaires deta meilleure amie. Bien cadré, non ? » La photo suivante,pour la bonne poire qui nous reçoit : une photo de l’hominidédéchiré qui essaye d’apprendre à marcher au poisson rarede papa. Pour le militant WWF, une épreuve de lui, roi dela piste mention Travolta, en train d’écraser le poisson oubliésur le parquet par le sieur torché. En bonus pour la bonnepoire : un tirage de la fine équipe qui essaye de réaliser « leplus gros cappuccino du monde » dans sa baignoire. Pourla maréchaussée qui tonne à la porte : la ligue « what else »qui maintient que l’on peut ranimer le poisson en le plongeantdans une solution caféinée.

La dernière, je la garde pour ma mère, faire-part graphiquede mon absence au déjeuner dominical : une photo de moien comparution immédiate pour « atteinte à la vie privée àvisée terroriste ».

_E.R.

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CLINS D'ŒIL129,90 €. C'est le prix de l'imprimante Polaroid Pogo. Elle fonctionne à l'ancienne, sans encre ni ruban. C'est lamystérieuse «activation thermique», signature de la marque, qui révèle instantanément la photo sur le papier.Marc L. C'est le nom de l’architecte qui a fait les frais du premier «portrait Google», publié dans l’édition de novembre - décembre du magazine Le Tigre. Le journaliste a utilisé Google, Facebook ou Flickr pour scanner la vie de Marc avec une effarante précision, sans jamais le rencontrer...4 143 litres. Le record du plus grand café du monde a été battu le 11 octobre 2007 par le Colombien MauricioCadavid. Santé.