tribunal administratif du grand-duché de luxembourg … · contre une décision du directeur de...

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1 Tribunal administratif N° 22620 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1 er mars 2007 Audience publique du 19 décembre 2007 Recours formé par la société de droit allemand G. GmbH, (D) contre une décision du directeur de l’Administration des bâtiments publics en présence de la société de droit français E. s.à r.l., (F) et de la société A. Luxembourg s.à r.l., en matière de marchés publics JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 22620 du rôle et déposée le 1 er mars 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit allemand G. GmbH, établie et ayant son siège social à D-, inscrite au registre de commerce de l’« Amtsgericht » Wuppertal sous le numéro , représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’Administration des bâtiments publics du 14 février 2007 portant refus de prendre en considération son offre dans le cadre de la soumission publique relative aux travaux d’installation d’équipements d’éclairage à exécuter dans l’intérêt de la construction du Centre National de l’Audiovisuel et Centre Culturel Régional à Dudelange ; Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 2 mars 2007 portant signification de ce recours à la société de droit français E. s.à r.l., établie et ayant son siège social à F-, inscrite au registre de commerce de Créteil sous le numéro , représentée par son gérant actuellement en fonctions, et à la société A. Luxembourg s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro , représentée par son gérant actuellement en fonctions ; Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 8 mars 2007 recevant une demande en sursis à exécution introduite par la société demanderesse en la forme et refixant l’affaire au 14 mars 2007 ; Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 21 mars 2007 déclarant la demande en sursis à exécution introduite par la société demanderesse non fondée ; Vu le mémoire en réponse déposé le 31 mai 2007 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ; Vu le mémoire en réplique déposé le 28 juin 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Bernard FELTEN pour compte de la société demanderesse ; Vu le mémoire en duplique déposé le 24 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

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1

Tribunal administratif N° 22620 du rôle

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2007

Audience publique du 19 décembre 2007

Recours formé par

la société de droit allemand G. GmbH, … (D)

contre une décision du directeur de l’Administration des bâtiments publics

en présence de la société de droit français E. s.à r.l., … (F)

et de la société A. Luxembourg s.à r.l., …

en matière de marchés publics

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22620 du rôle et déposée le 1er mars 2007 au

greffe du tribunal administratif par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit allemand G.

GmbH, établie et ayant son siège social à D-…, inscrite au registre de commerce de

l’« Amtsgericht » Wuppertal sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en

fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’Administration des

bâtiments publics du 14 février 2007 portant refus de prendre en considération son offre dans

le cadre de la soumission publique relative aux travaux d’installation d’équipements

d’éclairage à exécuter dans l’intérêt de la construction du Centre National de l’Audiovisuel et

Centre Culturel Régional à Dudelange ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 2

mars 2007 portant signification de ce recours à la société de droit français E. s.à r.l., établie et

ayant son siège social à F-…, inscrite au registre de commerce de Créteil sous le numéro …,

représentée par son gérant actuellement en fonctions, et à la société A. Luxembourg s.à r.l.,

établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro …,

représentée par son gérant actuellement en fonctions ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 8 mars 2007 recevant une

demande en sursis à exécution introduite par la société demanderesse en la forme et refixant

l’affaire au 14 mars 2007 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 21 mars 2007 déclarant la

demande en sursis à exécution introduite par la société demanderesse non fondée ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 31 mai 2007 au greffe du tribunal administratif

par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 28 juin 2007 au greffe du tribunal administratif

par Maître Bernard FELTEN pour compte de la société demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 24 juillet 2007 au greffe du tribunal

administratif par le délégué du gouvernement ;

2

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Alexandre CHATEAUX, en

remplacement de Maître Bernard FELTEN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement

Marie-Anne KETTER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 octobre

2007 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 5 novembre 2007 ordonnant une visite des

lieux ;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé le 11 décembre

2007.

__________________________________________________________________________

Dans le cadre d’une soumission publique lancée par le ministère des Travaux publics

pour la réalisation des travaux d’installation d’équipements d’éclairage à exécuter dans

l’intérêt de la construction du Centre National de l’Audiovisuel et Centre Culturel Régional à

Dudelange, la société de droit français E. s.à r.l., ci-après dénommée « la société E. », la

société A. Luxembourg s.à r.l., ainsi que la société de droit allemand G. GmbH, ci-après

dénommée « la société G. », présentèrent chacune une offre.

Suite à l’ouverture de la soumission en date du 6 septembre 2006, le bureau

d’ingénieurs V., chargé d’analyser les offres remises, invita, par e-mail du 13 septembre 2006,

la société G. à lui faire parvenir pour le lendemain à 18.00 heures un certain nombre

d’informations, à savoir une liste de références concernant l’exécution dans le passé de

travaux similaires et la fiche technique du produit proposé visant les positions 1-23 et 1-24 du

cahier des charges.

Par deux courriers des 26 et 28 septembre 2006, la société G. communiqua au bureau

V. sa liste de références visant les objets d’équipements d’éclairage réalisés tant en

Allemagne qu’à l’étranger et les réponses aux informations sollicitées.

Sur proposition du 10 janvier 2007 du directeur de l’Administration des bâtiments

publics, ci-après dénommé « le directeur », le marché en question fut adjugé par arrêté du 29

janvier 2007 du ministre des Travaux publics, ci-après dénommé « le ministre », à la société

E. au prix de 752.903,85.- € TTC. Ledit arrêté est de la teneur suivante :

« Art.1er. Le procès-verbal d’adjudication publique suivant lequel la firme E., …, à F-

…,

s’engage à exécuter les prestations ci-dessus mentionnées moyennant le prix de sa

soumission, soit 654.699+ 98.204,85 (TVA 15%) = 752.903,85 EUR, est approuvé.

La dépense au montant de 752.903,85 EUR est imputable sur les crédits du Fonds

d’investissements publics administratifs (détail 61).

Le délai d’achèvement est fixé conformément aux dispositions du cahier des charges.

Art. 2. Le présent arrêté sera expédié au Directeur des Bâtiments publics avec un

exemplaire de l’offre approuvée afin d’exécution et de notification à l’intéressée ».

3

Par lettre recommandée envoyée le 14 février 2007, le directeur s’adressa à la société

G. en les termes suivants :

« Conformément au règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la

loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, j’ai le regret de porter à votre connaissance que

votre offre n’a pas pu être prise en considération, étant donné que plusieurs produits offerts

ne correspondent pas aux prescriptions du cahier des charges, à savoir :

- positions 1-23 à 1-26

proposé un produit de développement spécifique au lieu d’un produit largement

validé (sécurité)

- positions 1-2 et 2-3

armoires graduateurs : non-conformes sur les 3 points suivants

- produit non modulaire

- temps de montée de 80 microsecondes au lieu de 222 microsecondes

- pas de protection différentielle au niveau de chaque sortie graduateur

- positions 1-11

projecteurs : non-conformes sur les 2 points suivants

- puissance de 1000 W au lieu de 1200 W demandée

- angle d’ouverture de 11° à 53° au lieu de 8° à 60° demandé

- positions 3-1 et 3-2

projecteurs : non-conformes sur les 3 points suivants

- absence de potentiomètres intégrés

- réflecteur n’offrant pas une répartition lumineuse de révolution

- poids de 2,2 kg (demandé 1,3 kg)

En vertu de l’article 90 (3) du règlement grand-ducal précité, il vous est loisible

d’introduire un recours à l’adresse indiquée ci-dessus dans un délai de 15 jours à compter à

partir de la présente notification.

Passé ce délai, il vous restera toujours la possibilité d’introduire par voie d’avoué un

recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal

administratif dans un délai de trois mois à compter dès réception de la présente ».

Par requête déposée le 1er mars 2007, la société G. introduisit un recours contentieux

tendant à l’annulation de la décision par laquelle son offre a été écartée, telle que matérialisée

par le courrier précité du directeur du 14 février 2007.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai

prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la société G. signale qu’au moment de l’ouverture de la

soumission en date du 6 septembre 2006, le résultat non vérifié de la soumission aurait donné

son offre comme étant la mieux-disante, celle de la société E. ayant été classée 2e et celle de la

société A. Luxembourg s.à r.l. 3e, de sorte que le marché aurait dû lui être attribué.

4

La société G. relève encore que suite à la demande du bureau V. du 13 septembre

2006 et à sa communication subséquente des listes de références, ainsi que de la fiche

technique du produit proposé pour les positions 1-23 et 1-24 du cahier des charges, elle

n’aurait plus eu de nouvelles ni de la part dudit bureau ni de la part de l’administration et que

ce ne serait que par courrier recommandé du 14 février 2007, soit plus de 5 mois après

l’ouverture de la soumission, que le directeur l’aurait informée que son offre n’avait pas pu

être prise en considération en raison de différentes non-conformités.

Estimant avoir été évincée à tort du marché en question, la société G. soulève comme

moyen principal d’annulation le fait que la société E., adjudicataire du marché, n’aurait pas

été en possession des autorisations requises de la part du ministère des Classes moyennes au

moment de l’ouverture de la soumission, ainsi que cela ressortirait d’un courrier dudit

ministère du 29 novembre 2006, de sorte que la décision de refus de l’octroi du marché à son

profit et l’octroi du marché à la société E. devrait encourir l’annulation sur cette base.

En relation avec les différentes non-conformités techniques soulevées par le directeur

dans la décision attaquée du 14 février 2007, la société G. soutient en premier lieu que ces

différentes non-conformités, à les supposer établies, ne pourraient entraîner la mise à l’écart

d’une offre que si ces non-conformités sont substantielles et que des irrégularités mineures ne

sauraient dès lors entraîner le rejet de l’offre d’un soumissionnaire, d’autant plus que le

pouvoir adjudicateur serait censé apprécier l’offre soumise à travers un examen du bordereau

de soumission tel que défini à l’article 51 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant

exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, ci-après dénommé « le règlement

de 2003 ».

Concernant plus particulièrement les différentes non-conformités, la société G. prend

position comme suit :

- lot 1 : auditorium – positions 1-23 à 1-26 du cahier des charges (équipes de levage

motorisées)

Quant au reproche du pouvoir adjudicateur comme quoi il y aurait eu proposition

« d’un produit de développement spécifique au lieu d’un produit largement validé

(sécurité) », la société G. précise que ce reproche n’aurait pas trait à une non-conformité

technique ou toute autre éventuelle non-conformité, mais consisterait uniquement dans le fait

qu’elle n’aurait pas recours à un produit « standardisé », c’est-à-dire un produit standard

validé depuis un certain moment quant à sa sécurité.

Comme le produit exigé par le pouvoir adjudicateur n’existerait pas en version

standard mais devrait être fait sur mesure, chaque construction ou montage sur mesure

devraient être contrôlés et validés par la suite par un expert et il importerait uniquement que le

produit respecte les normes de sécurité. Or, en l’espèce, la société G. signale qu’elle aurait

proposé un produit comportant une technique développée par elle-même, et qui aurait fait ses

preuves depuis plus de 20 ans, d’autant plus qu’elle aurait, par courrier du 26 septembre 2006,

complété les informations de son bordereau de soumission et fourni la fiche technique du

produit proposé sous les positions 1-23 et 1-24.

- lot 1 : auditorium position 1-2 et lot 2 : studio de prises de vue position 2-3

(armoires gradateurs)

5

Concernant cette position visant les armoires gradateurs et la non-conformité soulevée

par le pouvoir adjudicateur, à savoir que le produit offert serait un produit non modulaire, que

le temps de montée serait de 80 microsecondes au lieu de 225 microsecondes et qu’il n’y

aurait pas de protection différentielle au niveau de chaque sortie gradateur, la société G.

affirme que l’armoire gradateur proposée constituerait l’équivalent de ce qui aurait été exigé

par le pouvoir adjudicateur. S’il est exact que le temps de montée est légèrement en-dessous

de 225 microsecondes, cette différence dans le temps de montée serait impossible à détecter et

ne constituerait en aucun cas une différence substantielle par rapport aux exigences du cahier

des charges.

- lot 1 : auditorium positions 1-11 (projecteurs plan convexe)

Concernant la prétendue non-conformité comme quoi les projecteurs proposés auraient

une puissance de 1.000 W au lieu de 1.200 W et que l’angle d’ouverture serait de 11° à 53° au

lieu de 8° à 60°, la société G. admet que la puissance des projecteurs proposée serait

effectivement de 1.000 W, mais que ladite puissance serait réglable et pourrait être augmentée

à 1.200 W. Concernant l’angle d’ouverture des projecteurs, la société G. concède qu’il y a eu

erreur matérielle concernant cette position, mais affirme être prête à changer le poste sans

demander un supplément.

La société G. estime encore que cette erreur mineure ne pourrait pas être à l’origine de

son éviction du marché public en question et ne changerait rien au fait qu’elle aurait déposé

l’offre la mieux-disante.

- lot 3 : espace d’exposition positions 3-1 et 3-2 (projecteurs halogènes espace

exposition)

Concernant cette prétendue non-conformité visant les projecteurs, en ce qu’il y aurait

absence de potentiomètres intégrés, que le réflecteur n’offrirait pas une répartition lumineuse

de révolution et que le poids serait de 2,2 kg au lieu de 1,3 kg exigé, la société G. souligne

que le produit proposé par ses soins serait un produit d’une qualité supérieure avec un prix

plus modeste remplissant les conditions au niveau des potentiomètres.

Partant, ce serait à tort que le directeur aurait écarté son offre, alors qu’il n’existerait

aucune non-conformité substantielle et la décision attaquée devrait encourir l’annulation pour

erreur manifeste d’appréciation.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement concède que l’offre de la

société G. était effectivement l’offre la moins-disante, mais qu’elle aurait dû être écartée en

raison du fait qu’elle présentait un certain nombre de non-conformités substantielles.

Le représentant étatique signale en premier lieu que le cahier spécial des charges aurait

requis des conditions minima de participation en son article 1.1.17, à savoir un minimum de 8

personnes occupées dans le métier concerné, un chiffre d’affaires minimum de 1.500.000.- €

et un nombre de références pour des ouvrages analogues et de même nature de 3. Or, d’après

le bureau V., la société G. n’aurait pas fourni de dossier administratif lors de la remise des

dossiers et elle aurait fourni 3 références qui se seraient révélées comme étant insuffisantes.

Pour le surplus, suite à l’e-mail du 13 septembre 2006 du bureau V. enjoignant la

société G. à fournir un certain nombre de précisions additionnelles pour le 14 septembre 2006

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à 18.00 heures au plus tard, celle-ci n’aurait pas donné suite à cette demande, de sorte qu’en

date du 22 septembre 2006, ledit bureau aurait finalisé son rapport en relevant un certain

nombre de non-conformités justifiant la mise à l’écart de l’offre de la société G..

Concernant la prétendue absence d’autorisation d’établissement dans le chef de la

société E., le représentant étatique soulève en premier lieu l’irrecevabilité de ce moyen, étant

donné que le recours serait uniquement dirigé contre la décision du directeur du 14 février

2007 et non pas contre la décision du ministre portant adjudication du marché litigieux à la

société E.. A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement, en se basant sur l’article 20 de la

loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de

commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, relève qu’un pouvoir

adjudicateur ne saurait rejeter l’offre d’un soumissionnaire non-établi au Luxembourg mais

légalement autorisé à exercer sa profession dans son pays d’établissement, en l’occurrence la

France, et il suffirait que la société étrangère sollicite avant le commencement de sa prestation

au Luxembourg un certificat ad hoc. Dans ce contexte, le représentant étatique signale encore

que la question litigieuse avait été soumise par le mandataire de la société G. à la commission

des soumissions et que ladite commission, dans un avis du 9 mars 2007, aurait noté que la

société E. est légalement établie en France, que les références des travaux déjà réalisés

démontreraient cet établissement, que la société E. pouvait valablement exécuter les travaux

requis en France et qu’il « appartiendra désormais au ministère des Classes moyennes de leur

délivrer le certificat ad hoc prémentionné ». Suite à cet avis, le pouvoir adjudicateur aurait

encore sollicité la remise du certificat ad hoc avant de passer commande pour les travaux

litigieux à la société E. et le certificat établi par le ministère des Classes moyennes en date du

23 avril 2007 préciserait que ladite société pourrait exercer l’activité suivante : « opérateur de

lumière et d’éclairage – chantiers : Centre National de l’Audiovisuel à L-3598 Dudelange,

rue de Zoufftgen et Centre Culturel Régional à Dudelange, rue Schnauzelach ».

En relation avec les différentes non-conformités relevées par le directeur dans son

courrier du 14 février 2007, le représentant étatique précise ce qui suit :

- équipes de levage motorisées de l’auditorium (positions 1-23 à 1-26).

En se référant au rapport du bureau V., le délégué du gouvernement signale que la

société G. serait en aveu d’avoir proposé un produit non standardisé développé par ses soins

et pour lequel il n’existerait pas de fiche technique. Comme le cahier spécial des charges

aurait précisé à la page 44 que « les soumissionnaires devront impérativement proposer des

matériels appartenant aux catalogues de grands constructeurs pour lesquels il sera exigé, sur

le territoire européen, une large distribution ou une représentation stable et importante », il

serait indéniable que le pouvoir adjudicateur aurait exigé des produits standards permettant

ainsi de s’assurer de la sécurité et de la maintenance des produits. Afin d’illustrer cette non-

conformité, le représentant étatique signale encore que la société E. aurait proposé pour les

porteuses de l’auditorium des produits brevetés fournis par un constructeur spécialisé et dont

le nombre d’exemplaires livrés à ce jour est supérieur à 600, de même que la société A.

Luxembourg s.à r.l. qui aurait proposé un produit livré à ce jour à plus de 150 exemplaires.

- armoires gradateurs de l’auditorium (positions 1-2 et 2-3)

Concernant cette non-conformité, le représentant étatique soutient que les armoires

proposées ne seraient pas conformes en ce que la société G. aurait proposé un produit non

modulaire, modularité qui serait un élément important de maintenabilité et qui doit permettre

7

de changer un module gradateur en panne sans interrompre le fonctionnement de l’armoire.

Pour le surplus, il aurait été demandé que les gradateurs soient intégrés dans une armoire aux

dimensions les plus réduites, alors que le produit proposé par la société G. serait un produit

non modulaire nécessitant 3 armoires de 24 canaux pour répondre à la configuration

demandée. Finalement, le temps de montée proposé serait de 80 microsecondes au lieu des

225 microsecondes sollicitées, non-conformité qui ne serait d’ailleurs pas contestée par la

société G..

Comme pour le surplus, conformément à l’article 75 du règlement de 2003, la

proposition d’un autre produit après l’ouverture des soumissions serait inadmissible, le

pouvoir adjudicateur aurait pu faire abstraction du changement proposé sur ce point par la

société G..

Le représentant étatique souligne encore, contrairement aux allégations de la société

G., que l’écart entre 80 et 225 microsecondes serait important dans les domaines électroniques

et informatiques et les temps de montée permettraient de limiter au niveau des projecteurs et

des gradateurs des bruits liés aux gradations pouvant générer des rebonds et des sifflements.

Or, dans le contexte précis, le critère concernant des bruits parasitaires serait important pour

l’auditorium, utilisé pour des enregistrements d’orchestres, et pour le studio vidéo avec des

fonctionnalités de niveau « broadcast ».

Finalement, le représentant étatique signale encore sur ce point que les armoires de

l’auditorium proposées par la société G. n’auraient pas de protection différentielle au niveau

de chaque sortie gradateur, protection pourtant demandée dans le cahier des charges afin

d’entraîner une mise hors tension du gradateur en cas de problème, sans influer sur les autres

gradateurs et sans prendre en compte la totalité de la puissance gérée par l’armoire. Or, la

fiche technique accompagnant le descriptif de l’armoire proposée par la société G. mettrait en

évidence que cette option ne serait pas disponible.

- projecteurs plan convexe de l’auditorium (position 1-11)

D’après le délégué du gouvernement, les projecteurs proposés ne seraient pas

conformes en ce que la puissance proposée serait de 1.000 W pour 1.200 W demandé et le

remède offert par la société G., proposant de mettre des ampoules de 1.200 W dans des

projecteurs destinés pour 2.000 W avec notamment des risques de vieillissement accéléré des

lampes et de fonte des filtres en gélatine, ne serait pas envisageable, la responsabilité de ce

choix restant à charge de l’utilisateur. Pour le surplus, la société G. serait encore en aveu que

l’angle d’ouverture des projecteurs serait de 11° à 53° au lieu de 8° à 60° exigé.

- projecteurs halogènes de l’espace d’exposition (positions 3-1 et 3-2)

Concernant ce point, le représentant étatique affirme que les projecteurs halogènes

proposés ne seraient pas conformes à la demande en l’absence de potentiomètres intégrés,

contrairement aux exigences du cahier spécial des charges d’après lequel « les projecteurs à

lampe halogène seront graduables de 20 à 100 W à l’aide d’un potentiomètre rotatif

intégré », exigence qui serait importante eu égard à la flexibilité recherchée pour toute salle

d’exposition. Or, les produits offerts par la société G. ne prévoiraient cette possibilité de

gradation que via des rails d’alimentation et à la condition d’approvisionner chez le

constructeur un équipement de pilotage dédié à cette fonction et d’effecteur le câblage

8

permettant son raccordement, ce qui ne correspondrait manifestement pas aux exigences du

cahier des charges.

Pour le surplus, le réflecteur offert par la société G. n’offrirait pas une répartition

lumineuse de révolution et les projecteurs auraient un poids de 2,2 kg nettement supérieur au

poids de 1,3 kg exigé.

Concernant ces différentes non-conformités techniques, le représentant étatique

conclut que même à supposer que chacune des 4 non-conformités prise isolément ne serait pas

de nature à constituer une non-conformité technique substantielle, celles-ci prises dans leur

ensemble seraient à qualifier de non-conformité substantielle justifiant le rejet de l’offre,

d’autant plus que la part de ces 4 produits dans le budget global serait de plus de 25%.

A titre de complément de motivation, le délégué du gouvernement précise encore un

certain nombre de non-conformités administratives.

En premier lieu, le représentant étatique soutient que la société G. aurait uniquement

remis 3 certificats de bonne exécution largement insuffisants et ne correspondant pas aux

critères de sélection minima avancés par le cahier des charges. Ainsi, le bureau V. aurait

retenu que « pour les deux références concernant des travaux de scénographie, il n’est pas

précisé la nature et l’importance de la partie éclairage scénique » et que « la troisième

référence n’est pas recevable ». Or, comme l’Etat ne serait nullement tenu de régulariser un

dossier en demandant systématiquement aux soumissionnaires des compléments

d’informations, il conviendrait de retenir que la société G. n’aurait pas satisfait aux critères de

sélection minima.

Pour le surplus, il conviendrait de distinguer entre une demande d’informations sur un

produit et une demande d’informations sur l’entreprise. Dans ce contexte, le délégué du

gouvernement signale que par son e-mail du 13 septembre 2006, le bureau V. aurait sollicité

des précisions quant aux positions 1-23 et 1-24 et ceci conformément à l’article 74 du

règlement de 2003, demande qui ne serait pas entourée de formalités particulières et qui

pourrait intervenir sur initiative spontanée du bureau d’études secondant le pouvoir

adjudicateur dans ses tâches. Comme le bureau V. n’aurait rédigé son rapport que le 22

septembre 2006, soit plus d’une semaine après la demande d’informations adressée à la

société G. et vu que cette dernière n’aurait fourni ses précisions qu’en date du 28 septembre

2006, l’offre de la société G. aurait comporté des non-conformités substantielles, de sorte que

la décision attaquée aurait été prise à juste titre.

Dans son mémoire en réplique, la société G. signale en premier lieu s’être référée au

délai légal de 15 jours de l’article 60 du règlement de 2003 afin de fournir en dates des 26 et

28 septembre 2006 les références et renseignements sollicités par le bureau V.. Or, comme

ledit bureau n’aurait plus tenu compte de ces renseignements, et ceci contrairement au délai

figurant audit article 60, le rapport d’analyse devrait être déclaré nul, d’autant plus que ledit

rapport aurait été déterminant pour le pouvoir adjudicateur quant au soumissionnaire à choisir.

Pour le surplus, la société G. précise que les renseignements fournis contiendraient

une liste des références internationales, que dans le cahier des charges elle aurait uniquement

fourni en tant que références des chantiers au Luxembourg dans le but de démontrer au

pouvoir adjudicateur sa présence sur le marché luxembourgeois et qu’elle tenait également à

démontrer son expérience dans le domaine de l’éclairage de théâtres et non pas seulement

9

dans le domaine des studios, élément qui aurait son importance alors que le cahier des charges

exigerait une expérience dans le domaine du théâtre.

En relation avec le moyen d’annulation tiré du défaut d’autorisation d’établissement

dans le chef de la société E., la société G. précise encore qu’elle n’aurait pas eu

communication de l’arrêté ministériel du 29 janvier 2007 portant adjudication du marché à la

société E. et qu’après avoir obtenu communication dudit arrêté ministériel, elle serait

actuellement en droit de soulever ce défaut d’autorisation. Plus précisément, la société G., en

se basant sur l’article 2.1 du règlement de 2003, relève le défaut d’un certificat ad hoc dans le

chef de la société E. au jour de l’ouverture de la soumission.

Pour le surplus, la société E. ne disposerait pas d’une autorisation valable pour

exécuter les travaux requis par le cahier des charges au moment de l’ouverture de la

soumission. Ainsi, il ressortirait de l’extrait du tribunal de commerce de Créteil que la société

E. avait en date du 12 juin 2006 uniquement l’autorisation d’exercer l’activité commerciale

d’importation et d’exportation de matériel d’éclairage et non pas pour les travaux demandés

dans le cahier des charges, tels les travaux d’installation, de serrurerie etc. Or, comme la

société E. n’aurait pas déclaré de sous-traitants capables d’effectuer lesdits travaux, l’offre

présentée par celle-ci serait irrégulière.

Finalement, en relation avec les prétendues non-conformités techniques, la société G.

prend encore position comme suit :

- Lot 1 : auditorium : équipes de levage motorisées (positions 1-23 à 1-26)

Sur ce point, la société G. relève que le cahier des charges n’exigerait pas un produit

standardisé et ne donnerait pas de définition du critère de « large distribution » et que le

produit entier offert par ses soins serait un produit fabriqué par une société oeuvrant dans ce

métier depuis une vingtaine d’années et jouissant d’une réputation excellente, surtout en

Allemagne. Pour le surplus, comme la fiche technique du produit aurait été fournie le 28

septembre 2006, mais n’aurait pas été prise en considération par le bureau V., et ceci en

violation de l’article 74 du règlement de 2003, les éléments fournis dans le rapport du 22

septembre 2006 ne seraient pas exacts et l’Etat n’aurait pas pu se prononcer sur une non-

conformité technique pour ne pas avoir tenu compte des informations parvenues dans le délai

légal.

- Lot 1 : auditorium position 1-2 et Lot 2 : studio de prises de vue position 2-3

Concernant les armoires gradateurs, la société G. précise que le produit offert

permettrait le remplacement de gradateurs défectueux par une opération très simple

d’ouverture d’un boîtier et de remplacement du gradateur défectueux, système présentant

l’avantage de permettre le remplacement séparé des gradateurs défectueux, alors que le

système prévu par le cahier des charges prévoirait le remplacement couplé de deux gradateurs

à la fois. Pour le surplus, le produit offert serait également équipé d’une protection

différentielle.

- Lot 1 : auditorium positions 1-11

Sur ce point, la société G. précise avoir proposé un projecteur avec une puissance de

2.000 W, mais avec une ampoule de 1.200 W, de même qu’un angle d’ouverture de 8° à 60°.

10

Partant, il n’existerait aucune différence substantielle par rapport aux doléances du cahier des

charges.

- Lot 3 : espace d’exposition positions 3-1 et 3-2

Concernant les projecteurs, la société G. soutient que la lampe offerte répondrait à

l’exigence de répartition lumineuse de révolution et les projecteurs disposeraient d’un

potentiomètre qui, s’il n’est pas intégré, serait cependant ajouté à chaque projecteur.

Finalement, la différence de poids au niveau des projecteurs ne constituerait pas une

différence substantielle, d’autant plus que le bureau V. aurait confirmé qu’il s’agirait plutôt

d’une question d’esthétique.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement demande acte que la

requête de la société G. serait uniquement dirigée contre la décision du directeur et non pas

contre l’arrêté d’adjudication du ministre du 29 janvier 2007, de sorte que les moyens relatifs

à la non-conformité de l’offre de la société E., tirée du défaut d’autorisation d’établissement

dans le chef de celle-ci, seraient irrecevables.

A titre subsidiaire, le représentant étatique précise que les autorités luxembourgeoises,

par la délivrance du certificat ad hoc, ne feraient qu’entériner l’existence d’une autorisation

étrangère et qu’il ne leur appartiendrait pas d’effectuer des vérifications quant aux conditions

de délivrance de cette autorisation étrangère, d’autant plus que le certificat ad hoc serait

uniquement délivré pour un chantier précis.

En relation avec les différentes non-conformités techniques de l’offre de la société G.,

le représentant étatique précise que la fiche technique fournie par celle-ci répondrait à une

demande de caractéristiques d’un produit et non pas de caractéristiques techniques sur

l’entreprise, de sorte que l’article 74 du règlement de 2003 ne serait pas applicable et que le

délai de 15 jours ne saurait jouer. Or, comme le bureau V. n’aurait finalisé son rapport que le

22 septembre 2006, soit 9 jours après la demande d’informations, et qu’à cette date aucune

information technique ne lui avait été envoyée, ledit délai de 9 jours devrait être considéré

comme étant raisonnable.

En relation avec les armoires gradateurs de l’auditorium, le délégué du gouvernement

réitère ses arguments tenant à la non-modularité du produit proposé, à l’absence de protection

différentielle au niveau de chaque gradateur, ainsi qu’au temps de montée largement supérieur

aux exigences prescrites par le cahier des charges.

Concernant les projecteurs de l’auditorium, la documentation remise par la société G.

le 28 septembre 2006 serait à écarter pour avoir été fournie ni dans le délai requis, ni dans un

délai raisonnable.

Finalement, concernant les projecteurs halogènes de l’espace d’exposition, la société

G. n’aurait pas fourni d’éléments nouveaux permettant de réfuter les arguments de la non-

conformité du produit proposé.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par

une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la

logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant

11

les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas.

adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 276 et autres références y citées), il convient en

premier lieu de toiser le moyen tiré de la prétendue constatation que la société E. n’aurait pas

été en possession des autorisations requises de la part du ministère des Classes moyennes au

moment de l’ouverture de la soumission.

Dans ce contexte, c’est cependant à juste titre que l’Etat soulève l’irrecevabilité dudit

moyen, étant donné que le recours de la société G. est uniquement dirigé contre la décision du

directeur du 14 février 2007, portant information que la société G. a été écartée de

l’adjudication pour diverses non-conformités.

S’il est exact que la société G., dans sa requête introductive du 1er mars 2007, a

déclaré « étendre son recours et sa demande à tout acte administratif de l’administration des

bâtiments publics actant la décision objet du présent recours » et qu’elle affirme dans son

mémoire en réplique être en droit de demander à ce que le recours soit également dirigé

contre l’arrêté ministériel d’adjudication du 29 janvier 2007, force est de constater que l’objet

de la demande consistant dans le résultat que le plaideur entend obtenir est celui circonscrit

dans le dispositif de la requête introductive d’instance, notamment par rapport aux actes ou

décisions critiquées à travers le recours (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle,

Pad. adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 198). - La seule décision utilement attaquée

est celle qui figure dans le dispositif de la requête introductive d’instance (cf. trib. adm. 17

décembre 2001, n° 12830 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Procédure contentieuse n° 198 et autres

références y citées).

Partant, le tribunal n’est pas utilement saisi pour juger la légalité de l’arrêté ministériel

du 29 janvier 2007 et ceci d’autant plus que pour l’hypothèse où la société E. n’aurait pas été

en possession des autorisations requises au moment de l’ouverture de la soumission, ce

constat n’aurait pas pu avoir d’incidence sur la constatation par la partie étatique des

prétendues non-conformités techniques de l’offre présentée par la société G..

Avant de se prononcer sur les différentes non-conformités techniques alléguées, le

tribunal est amené à toiser à titre préalable la question de savoir si la société G. a fourni les

renseignements complémentaires, sollicités par le bureau V. par e-mail du 13 septembre 2006,

en temps utile, respectivement si ledit bureau d’études était en droit de finaliser son rapport en

date du 22 septembre 2006 sans attendre une réponse de la part de la société G..

En effet, en date du 13 septembre 2006 à 13.06 heures, Monsieur P. du bureau V.

sollicita de la part de la société G. « la liste de vos références en fourniture d’installations

intégrées d’éclairage scénique comportant des porteuses motorisées, des gradateurs et

consoles lumière et des ensembles de projecteurs », ainsi que la fiche technique du produit

proposé en relation avec les positions 1-23 et 1-24 du cahier des charges et le nombre de

produits correspondant à cette fiche technique livrés à ce jour, réponse à fournir par courrier

électronique avant le 14 septembre 2006 à 18.00 heures. Il ressort également des pièces du

dossier que ce n’est que par deux envois recommandés des 26 et 28 septembre 2006 que la

société G. a fait parvenir sa réponse au bureau V..

Aux termes de l’article 60 du règlement de 2003, « le cahier spécial des charges peut

exiger des soumissionnaires la fourniture de données techniques ou économiques sur son

entreprise. Ces renseignements ont un caractère indicatif. Les renseignements manquants

peuvent être complétés sur demande du pouvoir adjudicateur, par lettre recommandée avec

12

accusé de réception, avant l’adjudication et sont alors à fournir par le soumissionnaire, sous

peine de l’exclusion de son offre, dans un délai de 15 jours à courir à partir de la réception

de la demande y relative ».

D’après l’article 74 du règlement de 2003 :

« (1) Si les concurrents ont été invités à joindre à leur soumission des calculs

justificatifs ou d’autres documents techniques qui permettent d’apprécier la valeur de leur

offre, il est examiné si ces pièces sont conformes du point de vue technique et si elles satisfont

aux conditions du cahier des charges. (...) ».

Il se dégage partant de ces deux dispositions réglementaires qu’un soumissionnaire

dispose d’un délai de 15 jours pour fournir des données techniques ou économiques sur son

entreprise sur demande afférente du pouvoir adjudicateur, tandis que la documentation

technique à la base d’une offre est à joindre à la soumission sur invitation, sans que l’article

74 du règlement de 2003 ne prévoie un délai spécifique en vue de la fourniture de ladite

documentation.

En l’espèce, force est de constater que la demande du bureau V. du 13 septembre 2006

a un caractère mixte, en ce sens qu’elle constitue, d’un côté, une demande de renseignements

sur l’entreprise G. et, de l’autre côté, une demande visant des documents techniques en

relation avec les produits offerts.

Or, en retenant dans son rapport d’analyse des offres du 22 septembre 2006 que la

société G. n’a fourni aucune pièce administrative et qu’aucune réponse à sa demande du 13

septembre 2006 n’a été fournie avant la date de rédaction dudit rapport, le bureau V., d’une

part, en relation avec les renseignements sollicités sur l’entreprise G., n’a pas respecté le délai

prescrit par l’article 60 du règlement de 2003 et, d’autre part, n’a pas non plus accordé à la

société G. un délai raisonnable pour soumettre la documentation technique sollicitée par e-

mail du 13 septembre 2006. En effet, concernant ce dernier point, un délai d’un peu plus de

24 heures pour fournir une documentation technique n’est manifestement pas suffisant pour

permettre à un soumissionnaire de fournir une réponse utile. Même si le bureau V. a attendu

jusqu’au 22 septembre 2006 pour rédiger son rapport d’analyse et que jusqu’à cette date il

n’avait pas reçu la documentation requise, le tribunal retient que le bureau V., au vu du délai

initial extrêmement court, aurait dû relancer la société G. avant de rédiger son rapport, étant

donné que le défaut de réponse par la société G. revenait de facto à une mise à l’écart de son

offre.

Il s’ensuit que le tribunal est amené à prendre en considération les renseignements

supplémentaires fournis par la société G. communiqués en annexe aux deux courriers

recommandés des 26 et 28 septembre 2006 et déposés à titre de pièces à l’appui du recours

introductif, sans pour autant déclarer la nullité du rapport d’analyse V., dont le contenu sera à

apprécier à la lumière des renseignements complémentaires fournis par la société G..

En relation avec les différentes non-conformités techniques reprochées à la société G.,

le tribunal, au vu des pièces déposées par les parties et eu égard aux explications

complémentaires fournies lors de la visite des lieux du 11 décembre 2007, retient ce qui suit :

- Positions 1-23 à 1-26 : Auditorium ; équipes de levage motorisées :

13

Il ressort du cahier des charges, et plus particulièrement de la partie intitulée « cahier

des clauses techniques particulières » qu’au niveau du choix des équipements (page 44),

qu’« une très grande importance sera accordée à la pérennité et la maintenabilité des

matériels proposés. En conséquence, les soumissionnaires devront impérativement proposer

des matériels appartenant au catalogue de grands constructeurs pour lesquels il sera exigé,

sur le territoire européen, une large distribution ou une représentation stable et importante

(notamment sur les aspects maintenance et pièces détachées) ».

Il ressort cependant également du cahier des charges que les caractéristiques

techniques des équipes de levage motorisées ont engendré une offre pour un travail sur

mesure et qu’aucune marque particulière n’était exigée, de sorte que les soumissionnaires

disposaient d’une certaine liberté quant au contenu de leurs offres sur ce point. Le cahier des

clauses techniques particulières énonce encore clairement (page 44) qu’« en fonction du type

d’équipement, le choix préconisé est spécifié par la marque et le type du produit ou laissé à

l’initiative des soumissionnaires sur la base des fonctionnalités et des caractéristiques

techniques demandées ».

Or, en relation avec les équipes de levage motorisées, aucune marque ou type de

produit particuliers n’étaient exigés, de sorte que le soumissionnaire était en droit de choisir

librement la marque et le type du produit tout en respectant les fonctionnalités et les

caractéristiques techniques demandées. A cela s’ajoute que le pouvoir adjudicateur, lors de la

visite des lieux du 11 décembre 2007, n’était pas en mesure d’expliquer en quoi le choix

préconisé par la société G., concernant les équipes de levages motorisées ne respectait pas les

fonctionnalités et les caractéristiques techniques demandées au cahier des charges. Pour le

surplus, les représentants de la société G. ont encore expliqué de manière convaincante lors de

ladite visite des lieux, d’une part, que le produit offert ne peut pas être considéré comme un

produit non standard, étant donné que tous les éléments qui le composent sont des produits

standards, et, d’autre part, que ledit produit répond à toutes les contraintes de sécurité liées à

ce type d’installations.

Il s’ensuit que c’est à tort que le bureau V. a retenu que les équipes de levage

motorisées proposées par la société G. ne répondaient pas aux spécifications techniques du

cahier des charges et que le directeur, dans sa décision attaquée du 14 février 2007, a retenu

sur ce point que la société G. aurait offert un produit non conforme en relation avec les

positions 1-23 à 1-26, à savoir « un produit de développement spécifique au lieu d’un produit

largement validé (sécurité) ».

- Positions 1-2 et 2-3 : Armoire gradateurs de l’auditorium :

Sur ce point, le pouvoir adjudicateur reproche à la société G. d’avoir offert un produit

non modulaire avec un temps de montée de 80 microsecondes au lieu de 225 microsecondes

et une absence de protection différentielle au niveau de chaque sortie gradateur.

Il s’est cependant avéré lors de la visite des lieux du 11 décembre 2007, au vu des

explications fournies par les parties respectives, que la documentation technique remise par la

société G. ne renseignait aucun temps de montée en relation avec ces postions et que le

pouvoir adjudicateur n’a pas pu expliquer de manière convaincante, d’une part, en quoi le

produit offert par la société G. engendrerait un temps de montée de 80 microsecondes au lieu

des 225 microsecondes sollicitées, et, d’autre part, que ledit produit ne serait pas équipé d’une

protection différentielle.

14

Cependant le reproche adressé à la société G. d’avoir proposé des armoires gradateurs

sans modules interchangeables se trouve confirmé en l’espèce, de sorte que le tribunal retient

que la société G. n’a pas respecté les prescriptions du cahier des charges en relation avec ces

positions.

Partant, c’est à juste titre que le directeur a retenu une non-conformité en relation avec

les positions 1-2 et 2-3 de l’offre de la société G..

- Position 1-11 : Projecteurs plan convexe de l’auditorium :

Il ressort de la documentation technique fournie par la société G. que celle-ci a offert

avant l’ouverture des soumissions, en relation avec cette position du cahier des charges, un

projecteur de marque et type « Griven Arco PC 2000 W » avec une puissance de 2.000 W et

un angle d’ouverture de 11° à 70°, et ceci contrairement aux clauses techniques du cahier des

charges (pages 59 et 60) qui exigeait une puissance de 1.200 W et un angle d’ouverture de 8°

à 60°, fait qui n’est pas contesté par la société G.. S’il est exact que, postérieurement à

l’ouverture des soumissions, la société G. a suggéré de mettre en place des projecteurs à 2.000

W avec des ampoules à 1.200 W, cette modification ultérieure de l’offre n’est pas admissible

pour être contraire à l’article 75 (1) du règlement de 2003, selon lequel « il n’est pas tenu

compte des changements et additions proposés par les soumissionnaires après l’ouverture des

soumissions ».

Partant, c’est à juste titre que le directeur, dans sa décision attaquée du 14 février

2007, a conclu à une non-conformité en relation avec la position 1-11 du cahier des charges.

- Positions 3-1 et 3-2 : Projecteurs halogènes de l’espace exposition :

En relation avec ces positions du cahier des charges, il échet de constater que les

projecteurs proposés par la société G. ne sont pas conformes aux prescriptions du cahier des

clauses techniques particulières exigeant un poids par projecteur de 1,3 kg (page 76) au lieu

des 2,2 kg offerts. Pour le surplus, la société G. ne conteste pas non plus qu’au vu de la

documentation initiale jointe à son offre les projecteurs proposés ne sont pas graduables à

l’aide d’un potentiomètre rotatif intégré, tel qu’exigé à la page 74 du cahier des clauses

techniques particulières (« les projecteurs à lampe halogène seront graduables de 20 à 100 W

à l’aide d’un potentiomètre rotatif intégré »), même si la société G. a précisé que des

potentiomètres pourraient être ajoutés lors de la production au modèle de projecteur proposé

par ses soins.

Eu égard à ces deux non-conformités objectives, le tribunal retient sur ce point que

c’est à juste titre que le directeur, dans sa décision attaquée du 14 février 2007, a estimé que

les projecteurs offerts par la société G. ne répondaient pas aux prescriptions du cahier des

charges.

Il convient de rappeler qu’il n’incombe pas au tribunal intervenant en tant que juge de

la légalité de substituer son appréciation à celle du commettant, mais de contrôler si

l’appréciation de ce dernier repose sur des critères objectifs et s’est opérée d’une manière

non-arbitraire. – Ainsi, le juge administratif est appelé à respecter le pouvoir d’appréciation

du commettant, son contrôle consistant à vérifier si les faits à la base de la décision sont

établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seule une erreur

15

manifeste d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en

conséquence (cf. trib. adm. 26 février 2004, n° 16952 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Marchés

publics, n° 88).

Concernant ce contrôle de proportionnalité, il convient encore à souligner que les

différentes non-conformités techniques retenues par le tribunal s’élèvent à un total de 69.688.-

€ hors TVA, soit plus de 10% de la valeur du marché, de sorte qu’elles ne sont pas à qualifier

de mineures mais constituent des non-conformités substantielles justifiant le rejet de l’offre de

la société G..

Au vu de ce qui précède, le tribunal arrive à la conclusion que c’est à juste titre et sans

commettre une erreur manifeste d’appréciation que le directeur a rejeté l’offre de la société G.

pour ne pas correspondre aux prescriptions du cahier des charges.

Finalement, en relation avec les différentes non-conformités administratives mises en

avant par le pouvoir adjudicateur et plus particulièrement les conditions minima de

participation, telles que prescrites par les clauses contractuelles particulières du cahier des

charges (point 1.1.17., page 20), si la société G. a documenté, en annexe à son courrier du 28

septembre 2006, de façon crédible plus de trois références en relation avec des ouvrages

analogues et de même nature, celle-ci n’a toujours pas fourni ni son chiffre d’affaires annuel

minimum dans le métier concerné, ni le nombre de personnes qu’elle occupe dans le métier

concerné, carences déjà relevées dans le rapport d’analyse du 22 septembre 2006 du bureau

V..

Il suit des considérations qui précèdent que le recours n’est pas justifié et que la

société G. doit en être déboutée.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure

pour un montant de 1.500,- €, formulée par la société G. est à rejeter.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société

de droit allemand G. GmbH ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schroeder, premier juge,

M. Spielmann, premier juge,

16

Mme Gillardin, juge,

et lu à l’audience publique du 19 décembre 2007 par le premier juge Schroeder, en présence

de M. Legille, greffier.

Legille Schroeder