bulletin de grand-duché de luxembourg documentation

27
Grand-Duché de Luxembourg Ministère d'État Bulletin de documentation SOMMAIRE La crise européenne comment en sortir? Discours de Monsieur Pierre Werner, Président du Gouvernement 1 Un petit pays dans le concert mondial: le cas du Luxembourg, par Madame Colette Flesch, Vice-Président du Gouvernement, Ministre des Affaires étrangères 5 La visite officielle à Luxembourg de Monsieur George Bush, Vice-Président des Etats-Unis d'Amérique 8 La visite à Luxembourg de Monsieur Hans-Dietrich Genscher, Ministre des Affaires étrangères de la République Fédérale d'Allemagne 9 La Conférence sur les mesures de confiance et de sécurité et le désarmement en Europe à Stockholm 11 Le Prix Joseph Bech 1984 13 La Bourse de Luxembourg en 1983 16 L'exposition «Turner in Luxembourg and its neighbourhood» 18 La loi sur le régime des langues au Grand-Duché .. 20 3/1984 Service Information et Presse Luxembourg -10, boulevard Roosevelt

Upload: others

Post on 19-Jun-2022

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Grand-Duché de LuxembourgMinistère d'État

Bulletindedocumentation

SOMMAIRELa crise européenne — comment en sortir?Discours de Monsieur Pierre Werner,Président du Gouvernement 1Un petit pays dans le concert mondial: le cas duLuxembourg, par Madame Colette Flesch,Vice-Président du Gouvernement,Ministre des Affaires étrangères 5La visite officielle à Luxembourgde Monsieur George Bush, Vice-Présidentdes Etats-Unis d'Amérique 8

La visite à Luxembourg de MonsieurHans-Dietrich Genscher, Ministredes Affaires étrangères de la RépubliqueFédérale d'Allemagne 9

La Conférence sur les mesures de confianceet de sécurité et le désarmement en Europeà Stockholm 11

Le Prix Joseph Bech 1984 13

La Bourse de Luxembourg en 1983 16

L'exposition «Turner in Luxembourg andits neighbourhood» 18La loi sur le régime des langues au Grand-Duché .. 20

3/1984Service Information et PresseLuxembourg -10, boulevard Roosevelt

Page 2: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

La crise européenne — comment en sortir?A l'occasion de la réunion interrégionale traditionnelle organisée par le MouvementEuropéen de Luxembourg en collaboration avec l'Institut d'Europe Luxembourg, Mon-sieur Pierre Werner, Président du Gouvernement, a fait une conférence sur le thème: Lacrise européenne — comment en sortir? Nous reproduisons ci-après le texte de cette con-férence.

Depuis que le Conseil Européen c'est-à-dire l'assem-blée des Chefs d'Etat ou de Gouvernement réuni àAthènes en décembre 1983 n'a pas réussi à ficeler lepaquet transactionnel portant sur url programme d'ur-gence composé de dossiers à problèmes rassemblés etliés dans le communiqué du Conseil précédent de Stutt-gart, le public européen a pris une conscience plus -aiguë des dangers de blocage ou de décomposition del'oeuvre d'intégration. Le besoin d'en sortir devientd'autant plus pressant que la limite atteinte des moyensbudgétaires imposés ait désormais des révisions bruta-les de politiques communautaires.

Nous assistons une fois de plus à une crise de crois-sance de la Communauté, qui n'est pas la première niprobablement la dernière. Chacune des crises anté-rieures nous a amenés jusqu'au bord du gouffre de ladésintégration. Mais chaque fois, jusqu'ici, les Etatsmembres ont regimbé et reculé devant le pire. Ils ontfini par renouer le dialogue et le débat constructif.

Cette fois-ci la crise de croissance paraît d'autantplus dangereuse qu'elle se greffe sur des phénomènesde crise économique, conjoncturelle et structurelle, decrise d'emploi, de tensions dues à la marche fou-droyante des nouvelles technologies, de frustration despays de l'Europe occidentale à l'égard d'événementsinternationaux sur lesquels leur prise politique n'acessé de s'amoindrir. En même temps s'affirment lestendances protectionnistes et de repli sur le strict intérêtnational.

L'Union Européenne, notion lancée à la réunion duSommet de Paris en 1972, cache sous sa dénominationlargement acceptée parce que vague, une foule depotentialités qui ont fait successivement l'objet d'analy-ses ou de propositions qui elles aussi étaient censéesmettre fin à des hésitations et donner lieu à de nouveauxdémarrages. On peut citer, en dehors d'innombrablestravaux non mandatés d'une façon officielle, les rap-ports demandés par les plus hautes instances commu-nautaires, tels que le rapport Tindemans en 1975, lerapport sur les Institutions européennes présenté parun Comité des Sages en octobre 1979, et les travauxpréparatoires de l'Acte Européen proclamé à Stuttgart,sur la base de l'initiative dite Genscher-Colombo. Bienavant, le rapport sur l'union économique et monétairede 1970, avait déjà répondu aux risques de déstabilisa-tion de la Communauté, du fait d'une évolution moné-taire. Dans ce rapport on estimait devoir les contrer parun effort d'harmonisation des politiques de base par des'institutions appropriées pudiquement appelées centrede décision de la politique économique communautaireet centre de décision de la politique monétaire.

Tous ces efforts de construction institutionnelle syn-thétique ont eu le sort commun de trouver les applau-dissements des fervents de la cause européenne, maisn ont pas induit les Gouvernements à les consacrer dans

leur cohésion voulue. Ce n'est pas cependant qu'ilsn'aient pas influé sur la vie communautaire. C'est à lasuite du rapport Tindemans qu'a été organisée plus effi-cacement la coopération en matière de politique étran-gère, du rapport sur l'union économique et monétaire aété retenu le mécanisme de stabilisation relative deschanges, le serpent monétaire, que le Système moné-taire européen a repris et développé.

Le développement de la Communauté était encoredominé et l'est resté longtemps par la politique despetits pas. Les progrès réalisés répondaient en généralà des situations ponctuelles de crise ou d'intérêtreconnu comme commun. On évitait de s'engager dansla prise en compte de perspectives plus lointaines. Ceciest conforme au jugement qu'avaient porté les 3 sagesen 1979 en écrivant: «L'Union Européenne, quellequ'en soit la définition, se bâtira dans la crise, dans l'eff-ort de la Communauté et des pays membres pour faireface aux dangers qui les affrontent.»

Alors, on peut poser la question, la Communautépeut-elle sortir de la crise actuelle par des arrangementspragmatiques sans renforcement institutionnel. Oubien faut-il tirer les conclusions des développementsdramatiques récents ainsi que des impératifs de gestiondécoulant de l'élargissement, pour suivre le ParlementEuropéen qui à son tour présente un projet de traitéinstituant l'Union Européenne dans une vue de relancede la construction européenne. D'autres voix avaientappelé de leurs voeux dans une vue similaire, une nou-velle conférence genre conférence de Messine, pourdégager des propositions adaptant les Traités aux don-nées actuelles.

Toute proposition d'approfondissement institution-nelle ne risquerait-elle pas de subir le même sort que lestentatives antérieures? Aux prises avec leurs multiplesproblèmes internes, avec les tensions socio-écono-miques, avec des perspectives de redressement limitéeset surtout avec des philosophies de développementcommunautaire divergentes, nos démocraties rassem-blées de la Communauté auront-elles le ressort néces-saire d'une relance institutionnelle et politique?

Aussi la résorption de la crise dépend-t-elle d'unpréalable primordial qui ait la volonté politique d'ensortir au prix par chacun de sacrifier dans un échange debons procédés quelques chose de sa position et de sonintérêt immédiat, autrement la relance n'est pas faisa-ble.

Le Conseil Européen du 19 mars devrait, aux fins derétablir la crédibilité de la CE., opérer ce règlement debons comptes entre de bons amis.

Nous savons que les litiges actuels ne sont pas seu-lement fondés sur des divergences d'intérêt, mais cer-tains trouvent leur origine dans des conceptions contra-dictoires de la philosophie des Traités. Le décalage

1

Page 3: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

chronologique des adhésions à la Communauté aopéré un décalage dans les motivations profondes desEtats membres et des incompréhensions difficilementsurmon tables.

Pour cette raison le compromis final, dont les élé-ments principaux se sont dessinés cependant dès Athè-nes, sera beaucoup plus pragmatique que doctrinal.L'important est de liquider un passé d'erreurs accumu-lées sans qu'elles ne rouvrent la porte à de nouvellesdéviations.

Cette approche politique réaliste devrait pourtantouvrir la voie à une remise en ordre des idées sur la con-struction de la Communauté. Cette réflexion de-vrait être entreprise avec la collaboration intellectuelledes deux pays candidats à l'adhésion.

Selon quelle formule? Peut-être faudrait-il faireappel à un groupe de travail, genre Conférence de Mes-sine, de hauts fonctionnaires communautaires et natio-naux en y associant des représentants des diverses insti-tutions communautaires y compris la Cour de Justice,la Banque Européenne et la Cour des Comptes.

Quelques directives générales tendant à circon-scrire les buts de la réforme devraient émaner des Gou-vernements.

Une de ces directives serait de ne pas toucher àl'acquis communautaire ni à la conception fondamen-tale des Traités. Un des objectifs du rapport serait aussid'examiner et de préciser clairement la ligne de partageentre compétences nationales et communautaires selonle principe de subsidiarité. Une troisième recommanda-tion serait d'être économe en innovations là où elles nesont pas nécessaires et de qualité plus spectaculaire queréelle.

Enfin les compétences étant clairement fixées, l'ex-tension de celles-ci devrait être soumise à des procédu-.res contrôlables. Je ne préconise pas l'auto-extensiondes compétences.

Quand je parle de l'acquis communautaire à sauve-garder, je suis conscient que cet acquis, par rapport auxintentions des auteurs des Traités, comporte bien deslacunes et des imperfections. Il y a surtout l'obligationprimordiale de parfaire l'Union douanière en réalisantun grand marché non-discriminatoire donnant deschances égales aux systèmes économiques nationaux.

Le récent blocage des passages à la douane et sonincidence sur le trafic routier européen, a démontré lavulnérabilité de la Communauté même de l'intérieur deses frontières. On peut en tirer plusieurs leçons:

L'événement a attiré une fois de plus l'attention surla nécessité de simplifier les formalités à la frontière etde réduire le temps de contrôle à l'intérieur de la Com-munauté. Les pays du Benelux ont résolu le problèmeintra-communautaire en créant un document uniquepour les différents contrôles à opérer et en organisant lecontrôle des personnes physiques à la frontière exté-rieure des pays du Benelux. Mais il y a plus. La consta-tation de la paralysie générale résultant de l'actionénergique et concertée d'un groupe quasi anonyme depersonnes pose le problème de la sanction de l'observa-tion des libertés intra-communautaires et d'une négo-ciation socio-économique multinationale. En d'autrestermes, il a mis à nu à la fois l'interdépendance et leslimites d'intervention des pays membres et posé ainsi

un problème institutionnel, ce qui serait plutôt denature à nous éloigner du pragmatisme actuel pourrechercher des solutions organiques d'intégration.

La solution de la crise européenne comporte pour cesraisons deux impératifs qui se commandent mutuelle-ment.

D'une part, il faut régler les différends portant sur lesressources propres de la Communauté et leur prise encharge équitable par les pays membres. Il faut obvier audéséquilibre résultant de l'inégale mise en oeuvre despolitiques communautaires suivant ces secteurs, enallégeant par des correctifs appropriés les charges résul-tant de la politique agricole commune et en dévelop-pant des politiques communautaires dans d'autres sec-teurs. Le règlement du contentieux actuel par le pro-chain Conseil Européen devrait constituer le test de lavolonté indubitable des pays membres de poursuivrel'oeuvre communautaire.

Il ne m'appartient pas de développer devant vousles éléments de cette négociation globale, qui sont cen-sés être connus. Je dirais seulement que la difficulté dela négociation réside essentiellement dans les fluctua-tions et les différences de mentalités communautaires,dans un excès d'esprit compétitif et sportif, quiengendre la peur de paraître perdant devant l'opinionpublique après la conclusion des accords. Il est vrai quela prudence commande d'éviter de sacrifier des princi-pes fondamentaux de la solidarité communautaire.Dans cet ordre d'idées la théorie du juste retour,malgré les dénégations officielles, flotte encore au-des-sus de la recherche d'un juste correctif budgétaire. Acet égard je voudrais faire deux observations.

La première est de rappeler que le Marché Communcomporte des avantages économiques de croissance etd'intensification des échanges, qui ne se traduisent passeulement dans quelques positions budgétaires spécifi-ques. Les bienfaits du marché étendu et libre imbibenttout l'appareil économique et se réfléchissent dans desrecettes budgétaires indirectes diverses et nombreuses.

La deuxième est de constater qu'effectivement, dufait du volume atteint par le financement de la politiqueagricole et des limites posées, les fonds nécessaires àd'autres développements se trouvent comprimés et quede ce fait la structure divergente des économies natio-nales crée des inégalités de fait que traduisent les inter-ventions du budget communautaire en faveur de tel outel secteur économique.

C'est pourquoi un correctif budgétaire peut se justi-fier pour autant qu'un tel état perdure. D'après cequ'on croit savoir c'est que le différend budgétaire brit-annique tend à se centrer sur l'alternative d'un systèmecorrecteur temporaire ou durable. Difficile de fixer unnombre d'années précis pour la solution temporaire.Impossible de considérer qu'un tel correctif devienneorganique.

Une solution chronologique acceptable consisterapeut-être à maintenir le correctif tant que les postesbudgétaires autres que la politique agricole n'at-teignent pas un certain pourcentage du budget commu-nautaire p. ex. 40%.

D'un autre côté, il ne faut pas oublier que la politiqueagricole commune est une des grandes performances dela C. E. Je rappelle que les trois pays du Benelux, cités

Page 4: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

souvent en exemple d'une intégration avancée, n'avai-ent pas réussi à unifier les marchés agricoles des troispays au moment où la P. A. C. s'instaurait. Lap. A. C. a été un facteur puissant non seulement dedéveloppement agricole mais surtout d'intégration etde cohésion politiques.

Ceci dit, des correctifs sont nécessaires. Il n'est pasdans l'intérêt de la profession elle-même que des excé-dents s'accumulent au-delà des besoins de la consom-mation et des possibilités réelles d'exportation. Aussivient-on d'apprendre qu'un accord de limitation estintervenu entre les ministres de l'Agriculture au coursde la nuit du 12 mars pour fixer un plafond de produc-tion de l'ordre de 98,8 mio. de tonnes de beurre, ce quiconstitue en moyenne une réduction de 2% par rapportà la production de 1983. Sans doute s'évertuera-t-on aucours des prochaines journées à peaufiner cet accord.-De toute façon c'est un premier jalon important sur laroute du compromis final à dégager par le Conseil Eu-ropéen.

Quant à l'accroissement des ressources propres,notamment par la majoration du prélèvement sur laTVA, à la fois par la mise en oeuvre de politiques nou-velles et par l'élargissement de la Communauté, il fautespérer que l'on parviendra à le doser intelligemmentpour qu'il réponde à des finalités communautaires vé-rifiées. D'autre part, la discipline budgétaire devraitêtre renforcée.

Supposons maintenant que le Conseil Européenparvienne à résoudre les problèmes évoqués, n'y a-t-ilpas d'autres conclusions à tirer de ce long intermède cri-tique et des risques, de voir s'en produire d'autresencore plus néfastes dans une communauté élargie?

Le Parlement a-t-il vu juste en approuvant une réso-lution sur le contenu d'un avant-projet de Traité institu-ant l'Union européenne?

Le moment est-il propice à une relance institution-nelle comprehensive?

Sur la base d'expériences antérieures du mêmegenre on n'échappe pas au doute.

Néanmoins il faut prendre au sérieux cette initiative,en ce sens que l'avant-projet est un essai méritoire dedonner corps à la notion floue d'Union européenne etqu'il s'attaque à la solution de problèmes institutionnelsspécifiques qui d'une façon ou d'une autre sont en dis-cussion inéluctable, tels que p. ex. les procédures dedécision du Conseil des ministres et le rôle de la Com-mission.

Aussi, sans que je veuille me livrer en ce moment àune analyse complète du texte de l'avant-projet, je vou-drais relever et juger un certain nombre de propositionssusceptibles d'améliorer le fonctionnement et les pro-cédures des Communautés.

Ici il n'est pas facile d'innover. De nombreuses idéesont déjà circulé à ce propos. On peut en examiner quel-ques-unes à la lumière du projet de l'assemblée parle-mentaire.

1. Le développement de la construction européennea amené les Gouvernements à envisager et à pratiquer,en dehors des politiques et actions communes régies par'es Traités, des méthodes de coopération dans d'autresdomaines à propos desquelles l'intégration ne paraîtPas indiquée ou réalisable. Cela est vrai pour la politi-

que étrangère, la politique de défense, la politique cul-turelle et bien d'autres.

Le projet du Parlement énonce clairement quel'Union Européenne comporte ces deux méthodes d'ac-tion: action commune et coopération. Soucieux d'intro-duire un processus dynamique dans l'évolution del'Union, il organise le passage de la méthode de coopé-ration à celle de l'action commune, ce qui en fait est unprocessus d'extension des compétences des Commu-nautés. Selon le projet le Conseil Européen peut déci-der, après consultation de la Commission et avec l'ac-cord du Parlement, de soumettre ces matières à la com-pétence exclusive ou concurrente de l'Union.

Ceci équivaut dans une large mesure à un proces-sus interne d'auto-extension des compétences. LeTraité de Rome prévoit la possibilité d'étendre les com-pétences communautaires, lorsqu'une action de laCommunauté apparaît nécessaire pour réaliser l'un desobjets de celle-ci (art. 235). Ici c'est le Conseil des Mini-stres, statuant à l'unanimité sur proposition de la Com-mission et après consultation de l'Assemblée, qui prendla décision.

Je peux m'imaginer que l'agencement proposé parle projet du Parlement sera âprement discuté. En effet,le mode de prise de décision par le Conseil Européen,unanimité ou majorité, n'est pas précisé.

Personnellement je suis d'avis de maintenir plutôt laformule de l'art. 235 du Traité de Rome.

2. Les remarques précédentes soulèvent déjà le pro-blème des prises de décision dans la nouvelle Commu-nauté, alors qu'actuellement les Traités précisent clai-rement les méthodes à appliquer, selon le genre de déci-sion à prendre.

Nous sommes ici en plein dans la discussion du sortfutur du soi-disant compromis de Luxembourg de fé-vrier 1966. .

Le projet Spinelli prévoit également les différentsmodes de vote selon les espèces de décisions, majoritésimple, majorité absolue, majorité qualifiée, unani-mité.

Mais l'art. 25 al. 3 précise que «pendant une périodede transition de dix ans, lorsqu'une représentationinvoque un intérêt national vital mis en cause par ladécision à prendre et reconnu comme tel par la Com-mission, le vote est reporté afin que la question soit ré-examinée; les motifs de la demande de report doiventêtre publiés».

La possibilité du report pour réexaminer des déci-sions à prendre pendant une période transitoire de dixans, est de nature à décevoir tous ceux qui avaient misleurs espoirs dans une revigoration du travail commu-nautaire grâce à l'abandon total ou partiel du compro-mis de Luxembourg.

Il est vrai que le texte parlementaire restreint la por-tée de l'exception par sa terminologie en ce sens qu'ilparle de l'invocation d'un intérêt vital, au lieu d'unintérêt important ou très important. C'est un renforce-ment incontestable de l'application restrictive du com-promis, peut-être davantage dans l'expression que dansla pratique. Par ailleurs la Commission est le jugeunique du caractère vital de la décision à prendre.

Nous sommes assez loin de la conception qui transpa-raît encore dans la Déclaration Solennelle sur l'Union

Page 5: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Européenne proclamée à Stuttgart en 1983 qui dit à cepropos ceci:

«L'application des procédures de décision prévuesdans les Traités de Paris et de Rome revêt une impor-tance essentielle pour améliorer la capacité d'action desCommunautés Européennes. Au sein du Conseil, toutepossibilité susceptible de faciliter la prise de décisionsera utilisée, y compris, dans les cas ou l'unanimité estrequise, le recours à l'abstention.»

Cette longue phase de transition, dans un contexte demise à l'épreuve des capacités d'action de la Commu-nauté me paraît exagérée. C'est un chapitre à revoir defaçon à ce qu'on trouve des formules adéquates pourl'épreuve du caractère vital d'une décision sans s'écar-ter en principe de ce qui constitue également à ce pro-pos l'acquis communautaire.

3. On a pu constater depuis une quinzaine d'annéesque le droit de proposition de la Commission ne s'éva-cue pas toujours selon la lettre ou l'esprit des traités, àsavoir selon la formule, la Commission propose, leConseil dispose. Pendant les sessions du Conseil lespropositions ou amendements pullulent du fait d'initia-tives diverses des délégations, sans parler de celles quetrès opportunément on peut attendre de la présidence.

Sur ce point comme sur d'autres le projet du Parle-ment renforce la position de la Commission en lui réser-vant en principe l'initiative des lois et une certaine par-ticipation à la procédure législative.

De toutes façons, les Gouvernements devraientd'ores et déjà restituer à la Commission son indiscuta-ble droit de proposition et d'amendement à ses proposi-tions, tout en s'obligeant à prendre position à leur égarddans un délai raisonnable.

Le projet de Traité prévoit aussi, comme cela étaitproposé jadis par M. Tindemans, l'investiture de laCommission par le Parlement. Cela paraît logique.D'un autre côté les Gouvernements éprouveront deshésitations pour abandonner au seul Président de laCommission le choix des autres membres de la Com-mission après une simple consultation du Conseil Eu-ropéen.

4. A propos du Conseil des Ministres, le projet pro-pose que chaque représentation nationale soit dirigéepar un ministre chargé de manière spécifique et perma-nente des affaires de l'Union. L'institution de ministreseuropéens avait déjà été évoquée du temps du Prési-dent Pompidou.

Personnellement je suis partisan de l'idée. J'ajoutecependant qu'elle ne constituerait un véritable sautqualitatif de l'évolution institutionnelle, que si ces mi-nistres étaient dotés d'une fonction de coordinationaussi bien à l'intérieur du cabinet national que vis-à-visdes organes communautaires. Ce qui suppose évidem-ment qu'ils aient un statut très fort sur le plan interne.Je pense par exemple à un Vice-Premier Ministre s'ap-puyant sur l'autorité du Premier Ministre.

5. Le renforcement des pouvoirs du Parlement Euro-péen, notamment en matière législative, a été réclaméavec insistance par ses membres.

Il me semble inéluctable, avec ou sans projet du Par-lement, de faire participer celui-ci à la fonction législa-tive comme il se trouve investi déjà de pouvoir enmatière budgétaire. L'organisation d'un système de co-

décision avec le Conseil des Ministres tel qu'il est pro-posé constitue une formule parmis d'autres. Il faudra àmon avis en améliorer encore l'équilibre entre les insti-tutions et ne pas perdre de vue la nécessité d'éviter d'in-terminables conflits par des navettes répétées' entrecelles-ci.

6. Depuis la parution du rapport Tindemans on dis-cute l'opportunité d'instaurer la possibilité d'une appli-cation différenciée des lois communautaires par l'un oul'autre État membre. De cette façon le progrès d'inté-gration voulu par une majorité d'Etats membres neserait pas compromis par l'impossibilité de l'un oul'autre de suivre le pas. Une formule analogue est appli-quée dans le SME. Peut-on l'appliquer ailleurs?

A mon avis, il faut être prudent et ne pas s'engagerd'une façon inconsidérée dans une évolution qui mène-rait à l'Europe à la carte.

Néanmoins s'il faut être économe de la formule, onne peut pas l'exclure complètement à condition qu'elles'inscrive dans une perspective de résorption à ferme etqu'elle n'altère pas sensiblement la position compéti-tive des autres partenaires.

Le projet du Parlement prévoit la possibilité de l'ap-plication différenciée, si l'uniformité d'application seheurte à des difficultés particulières dues à la situationspécifique de certains destinataires des mesures en que-stion.

J'ai sélectionné ces quelques propositions institu-tionnelles pour les commenter brièvement parce quej'estime que c'est dans ces directions qu'il faut recher-cher ce renforcement des institutions qui est de natureà parer à la complexité de la vie communautaire.

Cet effort ne doit pas nous empêcher cependant depersévérer avec détermination dans l'amélioration del'application des traités existants. Ceci comporte leparachèvement de l'union douanière et la reprise enmains par la Communauté de certaines de ces compé-tences inscrites dans les Traités. Je cite comme exemplela politique commerciale extérieure, à propos delaquelle les Etats membres prennent beaucoup de liber-tés. Un autre exemple est la politique de l'énergie.

Ces jours-ci on a évoqué le cinquième anniversaire dela création du Système Monétaire Européen. A ce pro-pos la performance du système a été diversementappréciée, mais en général d'une façon positive.

Pour moi le développement de ce système constituetoujours la voie royale vers une plus grande intégrationdes politiques et une amélioration des chances écono-miques des divers participants.

La zone de stabilité monétaire relative qui existe de-puis 5 ans a rendu de grands services à la Communauté.Supposez seulement un moment que le cours de l'uneou l'autre monnaie à l'intérieur de la Communauté aitété aussi volatil que celui du dollar et vous vous rendrezcompte de l'ampleur des perturbations commercialesqu cela aurait causé. Par ailleurs, malgré les différencesencore importantes dans l'application des politiqueséconomiques et sociales des Etats membres, jamais cel-les-ci n'ont été aussi proches quant à leurs impératifs debase.

C'est pourquoi l'approfondissement de l'Union mo-nétaire doit faire partie de tout projet de relance.L'usage de l'ECU dans les affaires privées s'est déve-

^

Page 6: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

loppé déjà considérablement. Son statut monétairedevrait être reconnu par toutes les banques centrales dela Communauté.

Une Europe monétairement organisée jouerait unrôle de premier plan dans le commerce mondial et leséquilibres internationaux.

L'Europe de l'innovation, de la recherche, de l'ex-ploitation de l'espace, autant de grands desseins que levieux continent peut se donner.

Enfin l'Europe devrait à l'intérieur du Pacte Atlan-tique affirmer son identité et coordonner ses efforts. Le

Président Mitterrand a proposé d'examiner une entre-prise commune à propos des problèmes de défense dansl'espace.

Les profonds bouleversements qui se produisentdans le monde et qui à bien des égards constituent desmenaces pour la stabilité européenne, devraient enfinmobiliser les énergies pour sortir de la crise latente etendémique de l'Europe. J'espère que le Conseil eur-opéen du 19 mars servira de détonateur pour la marcheen avant.

Un petit pays dans le concert mondial:le cas du Luxembourg

Dans le numéro de mars 1984 de la revue Skepsis, une revue d'économie politique pu-bliée à Lausanne avec la collaboration d'un groupe d'assistants de l'Université de Lau-sanne (Ecole des HEC), a été publié un article de Madame Colette Flesch, Vice-Prési-dent du Gouvernement, Ministre des Affaires étrangères, sous le titre: «Un petit paysdans le concert mondial: le cas du Luxembourg». Nous reproduisons ci-après le texte decet article.

En cette fin du XXe siècle, la coopération intergou-vernementale a atteint un haut degré de développe-ment et de sophistication. Tel est le cas tant au planpolitique qu'au plan économique- et dans d'autresdomaines tels la sécurité ou encore la culture ou l'envi-ronnement. Ainsi en ce qui concerne plus précisémentla sécurité, il existe, rien qu'en Europe, deux organisa-tions: l'Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie, devocation similaire mais en désaccord quant à la manièrede la réaliser. S'y ajoutent d'autres enceintes dont parexemple la conférence sur le désarmement et les me-sures de confiance en Europe qui vient de commencerses travaux à Stockholm. Cette dernière réunionnotamment a le mérite de regrouper l'ensemble desEtats européens au sein d'un forum général.

Cette multiplication des contacts au sein des orga-nismes internationaux semble de nos jours à tel pointêtre entrée dans les moeurs qu'elle apparaît littérale-ment être dans l'ordre des choses et constitue aux yeuxde la majorité, sinon de tous, le moyen naturel d'orga-niser la vie entre nations et de résoudre les conflits entrecelles-ci.

Tel ne fut pas toujours le cas, loin s'en faut. A vraidire ce n'est qu'au XIXe siècle que sont apparues lespremières véritables tentatives pour organiser durable-ment la vie entre Etats. Il s'agissait à l'époque d'éviterde recourir à la guerre grâce à la négociation. L'ex-emple le plus connu de l'application de ce moyen derésoudre les conflits a été le Congrès de Vienne qui s'estefforcé d'organiser l'Europe de manière à éviter les fric-tions futures et à garantir la stabilité et l'équilibre ducontinent tout entier. Le Luxembourg a été, entreautres, le résultat de cette recherche d'un équilibre eur-

opéen, alors que les grandes puissances ont créé leRoyaume des Pays-Bas, pour séparer géographique-ment la France de l'Allemagne, et que le roi du nouveauroyaume a reçu en tant que propriété personnelle leGrand-Duché de Luxembourg pour ainsi lui permettrede devenir membre du «Deutscher Bund» créé à lamême occasion. Le Luxembourg, fruit de la coopéra-tion internationale, est donc son obligé.

Par la suite, les Luxembourgeois ont eu à plusieursreprises la confirmation des avantages que présentaitpour eux le remplacement de la guerre par la négocia-tion internationale. En 1839 le conflit interne aux Pays-Bas entre le nouveau Royaume de Belgique et le roi desPays-Bas a finalement été résolu par la négociation eten l'occurrence par la partition du Limbourg et duLuxembourg. Certes le Luxembourg a perdu à cetteoccasion la moitié de son territoire mais par contre sonindépendance s'est renforcée, de même que son homo-généité. Plus tard, en 1867, une nouvelle constellationse présenta qui aurait pu coûter son indépendance auLuxembourg. La tentative de l'empereur Napoléon IIIde s'approprier le Grand-Duché fut heureusementcontrée grâce à une médiation britannique et peut-êtreaussi grâce à une certaine retenue prussienne alors quela Prusse acceptait de retirer sa garnison de la ville for-teresse de Luxembourg. Ce furent encore la recherchede l'équilibre et le souci d'éviter les difficultés futuresqui permirent au Luxembourg de rester indépendant àl'issue de la Première Guerre mondiale. A ce momentla France et la Belgique furent à nouveau tentées deconsidérer le Luxembourg comme un enjeu. Après cemoment difficile, l'indépendance luxembourgeoise nedevait plus être mise en cause par ses différents voisins

Page 7: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

et de ce fait n'est plus un facteur dans l'équilibre despuissances.

Mais même sans être en jeu, le Luxembourg resteparfaitement conscient des grands avantages que conti-nue de présenter pour lui une solide coopération inter-gouvernementale alors qu'il ne se fait pas d'illusions sursa capacité propre d'assurer en solitaire sa sécurité etson bien-être.

Il est en effet indubitable que le Luxembourg, etaucun homme politique luxembourgeois ne s'y esttrompé, a tout à gagner d'une coopération internatio-nale intense et diversifiée. Il doit donc tout entre-prendre pour encourager et, si tant est que ses moyensle lui permettent, pour favoriser la bonne entente entrenations.

Il s'agit là d'un constat d'évidence, en raison de soncaractère général; il requiert cependant une explicationplus différenciée.

D'abord il est intéressant de voir dans quelle mesurele Luxembourg peut envisager d'assumer dans le con-texte international un rôle propre. Est-il concevablequ'un Etat aussi petit puisse devenir un acteur sur lascène internationale, est-il imaginable qu'il prennel'initiative et dirige une action suivant une ligne de con-duite précise fixée à l'avance? Ou au contraire un Etatde la taille du Luxembourg est-il réduit à accepter l'évo-lution que d'autres mettent en oeuvre et doit-il se limi-ter à adapter son comportement en conséquence?

Passivité ou activisme, fatalisme ou dynamisme, leLuxembourg a-t-il le choix entre ces diverses alterna-tives, a-t-il d'autres options éventuellement moins tran-chées?

Il est indéniable que les petits pays ne peuvent avoirla prétention de jouer un rôle de premier plan dans lesrelations internationales.

Et, fait nouveau, tel est sans doute également le casaujourd'hui, à l'époque des superpuissances, pour unnombre important de pays de moyenne importance.Dans ces conditions les pays qui se trouvent à une touteautre échelle de grandeur que les grandes puissances nepeuvent évidemment aspirer dans la vie internationaleau même statut que celles-ci.

En revanche, il est de nos jours un principe qui n'estplus contesté, à savoir que sur le plan du droit interna-tional chaque Etat a le droit de faire valoir son point devue, que théoriquement du moins les points de vue detous les Etats se valent et que tous les Etats, aussi petitssoient-ils, bénéficient des mêmes droits, et des mêmesprérogatives sur le plan international.

D'un point de vue strictement juridique le Luxem-bourg est ainsi l'égal des plus grands. Ceux-ci ontaccepté de faire même des plus petits des Etats desinterlocuteurs avec lesquels ils se déclarent prêts à avoirdes contacts.

Il est un fait que le Luxembourg bénéficie aujour-d'hui de la possibilité d'établir des relations avec tousles Etats — ce qu'il a fait notamment avec les plusgrands — et il ne manque pas de soigner celles-ci tout enn'aspirant pas à une diplomatie tous azimuts quin'aurait d'autre contenu que la volonté d'exister.

Conscient toutefois de la différence qui le sépare trèssouvent de ses interlocuteurs dans la vie internationale,

le Luxembourg se doit de réfléchir aux lignes de con-duite devant guider son action.

Né de la recherche de l'équilibre et du souci d'assurerles relations pacifiques entre Etats, le Luxembourg nepeut que continuer à se montrer attaché à ces deuxvaleurs, également à l'époque contemporaine. Unepartie importante de ses efforts va donc se concentrersur la poursuite de ces objectifs qui n'ont rien perdu deleur actualité, même si, heureusement pour les Luxem-bourgeois, les menaces se sont relativement éloignéesde leur territoire.

La modestie doit-elle inciter le Grand-Duché de Lu-xembourg à en rester là?

En matière de relations internationales, le critèred'action ne peut être la modestie. C'est l'intérêt natio-nal qui prime.

La discrétion dans sa politique extérieure, ou la re-cherche du maintien de l'équilibre suffisent-elles àsauvegarder les intérêts essentiels du Luxembourg?

L'expérience historique du Luxembourg incite cer-tainement au scepticisme à ce sujet: par deux reprises,en 1914 et en 1940, la politique de stabilité luxembour-geoise, basée sur un neutralisme absolu et garanti parles puissances, fut bafouée. C'est à la suite de cette dou-ble déception que le Luxembourg s'est vu contraint dereconnaître qu'une politique de neutralité n'était pasadaptée à sa position géographique, à sa taille et à sesmoyens. C'est ainsi qu'il abandonnait en 1947 sa neu-tralité permanente, en théorie garantie par les grandespuissances, en fait mise en cause par certains parmiceux qui devaient en être les garants.

Mais il est un autre aspect qu'il convient d'évoquer.Une attitude strictement limitée au seul maintien de lastabilité équivaudrait à accepter qu'une paix en vautune autre.

Son profond attachement aux valeurs démocratiquesinterdit au Luxembourg d'accepter ce genre d'attitude.Son engagement doit aller plus loin et c'est avec convic-tion qu'il s'est rangé du côté de ceux qui défendent lajustice et la liberté. Cet engagement ne constitue nimanque de modestie ni servilité à l'égard de l'une dessuperpuissances, mais procède de la conviction intimeque le maintien de la paix et le respect des Droits del'homme se trouvent le mieux assurés grâce à l'accepta-tion universelle du principe de la suprématie de la règlede droit.

S'engager dans la coopération intergouvernementales'est révélé avoir été une bonne décision, alors que cettecoopération s'est considérablement développée aucours de l'après-guerre et que désormais même lesneutres et non-alignés reconnaissent l'utilité d'un enga-gement international pour permettre au monde d'évo-luer de façon pacifique. En Europe, les Etats neutresont eux aussi rejoint le Conseil de l'Europe et la CSCE.Sur le plan mondial, ils adhèrent à l'ONU ou envisagentcette adhésion, comme c'est le cas pour la Suisse.

Il n'appartient sans doute pas à un petit pays commele mien de croire qu'il est le champion par excellence dela défense des libertés dans le monde alors que sonengagement ne pourra guère aller au-delà du stade ver-bal. Il ne veut pas non plus gêner les efforts de ceux qui,grâce à des moyens plus importants, peuvent fournir uneffort plus énergique, plus global et plus efficace pourla défense de la liberté et de la justice.

Page 8: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Le Luxembourg n'a jamais voulu gonfler ni son rôleni son importance et il n'a pas l'intention de s'engagerdans cette direction. Au contraire, l'appareil diploma-tique luxembourgeois a traditionnellement essayé dedépassionner le débat et d'éviter les positions exacer-bées. En effet, les diplomates de mon pays pensentgénéralement que les opinions émises par un petit paystrouvent un accueil plus favorable dès lors qu'elles s'in-spirent du bon sens et qu'elles respectent une ligne deconduite constante. L'attitude que le Luxembourg aadoptée depuis sa pleine participation dans la vie inter-nationale consiste dans la défense ferme des principesdémocratiques et dans le refus de toute compromissionavec l'intolérance et le totalitarisme.

Dans le cadre ainsi tracé, le Luxembourg ne perd pasde vue son propre poids intrinsèque et ne cherche pas àtout prix à faire la leçon à plus puissant que lui.

A en juger d'après le développement qu'ont connunos contacts avec les pays les plus divers, y compris lessuperpuissances, nous pensons pouvoir dire que cetteattitude a été payante alors qu'à l'heure actuelle leLuxembourg entretient un dialogue fructueux tant avecles grandes qu'avec nombre de moyennes et petitespuissances dans le monde.

Il est donc possible d'affirmer qu'aujourd'hui le Lu-xembourg a bien le privilège d'être acteur - et non plussimplement objet — sur la scène internationale. Loin dese contenter d'une rôle statique et d'accepter commeune fatalité l'influence des grands, le Luxembourg peutfaire entendre sa voix et ne manque pas d'émettre sonopinion. *

Comment une telle position du Luxembourg dans lemonde d'aujourd'hui a-t-elle pu se dégager?

Enjeu des querelles internationales jusqu'au lende-main de la Première Guerre mondiale, le Luxembourga rejoint avec enthousiasme la Société des nations.L'expérience acquise grâce à cette participation lui aété extrêmement précieuse. Non seulement c'était l'oc-casion de faire connaître l'existence du Luxembourgégalement à des pays géographiquement éloignés maisil s'agissait encore de constater, grâce aux contacts avecles représentants d'autres pays, de nombreuses conver-gences d'intérêts avec ceux-ci. Au gré de cette expé-rience, le Luxembourg s'est notamment rendu compteque les points de vue des petits Etats, exprimés de façonisolée, ne rencontrent bien souvent qu'indifférence,alors que les mêmes idées exprimées collectivementprovoquent un impact autrement considérable.

Ce fut donc avec d'autant plus d'amertume que leLuxembourg devait constater au crépuscule de laSeconde Guerre mondiale que l'ensemble des paysdémocratiques se révélaient incapables de se rejoindresur une attitude commune de refus de tous les totalita-rismes. L'expérience de la Seconde Guerre mondiale,extrêmement douloureuse pour le Luxembourg, devaitcependant confirmer les hommes politiques de monpays dans leur opinion que seule l'action commune desEtats démocratiques pouvait permettre le retour et lemaintien de la stabilité en Europe.

Il est intéressant de noter dans ce contexte que dès1 année 1942 le ministre des Affaires étrangères duGouvernement luxembourgeois en exil, Joseph Bech,a exposé dans un discours fait devant la Commission desAffaires étrangères de la Chambre des représentants

des Etats-Unis sa conception de l'après-guerre compre-nant notamment une Europe unie ainsi que l'intégra-tion de l'Allemagne dans celle-ci.

Le point de vue luxembourgeois fut par la suite tou-jours d'encourager la coopération entre Etats, que cesoit au niveau des trois Etats du Benelux, au moment dela signature de la Charte de l'Organisation des NationsUnies, lors de la création du Conseil de l'Europe, ou dela mise sur pied de l'Alliance atlantique.

Toutefois, l'accord de coopération internationale leplus remarquable et le plus important du point de vuede mon pays fut très certainement le grand desseininitié au début des années cinquante par le ministrefrançais des Affaires étrangères Robert Schuman, sur labase du projet conçu par Jean Monnet. Robert Schu-man, Lorrain, né à Luxembourg, connaissait bienl'angoisse propre aux populations se trouvant dans laligne du feu et ballottées entre les puissances. Demême, il était parfaitement conscient de l'antagonismeentre la France et l'Allemagne et des différences entreces deux pays. L'ensemble de l'expérience qu'il avaitacquise du contexte européen l'avait amené à la conclu-sion, conjointement avec Jean Monnet, que seule uneEurope construite autour de l'alliance franco-alle-mande pouvait réellement stabiliser le continent. LeLuxembourg fut dès le départ partie prenante danscette entreprise.

A l'issue des années cinquante, ce petit pays menacéde disparition seulement quelques années auparavantpouvait faire état d'un statut de membre à part entière,à égalité avec ses partenaires, de l'ensemble des organi-sations européennes. Non seulement le Luxembourgentretenait des relations spéciales avec les Etats duBenelux, non seulement était-il membre de l'Organisa-tion des Nations Unies et de la première organisationeuropéenne, le Conseil de l'Europe, ainsi que dusystème des traités garantissant la sécurité en Europede l'Ouest, mais encore faisait-il partie de l'organisa-tion internationale la plus poussée et la plus ambitieusequi fût. A cette participation s'ajoutait le fait que lesInstitutions communautaires avaient choisi Luxem-bourg pour être l'un de leurs lieux de travail.

Depuis lors, le statut du Luxembourg dans la coopé-ration intergouvernementale multilatérale n'a guèreconnu d'évolution fondamentale. Quelques fora se sontajoutés, dont la Conférence sur la coopération et lasécurité en Europe et d'autres encore. Par ailleurs, lesorganisations dont faisait partie le Luxembourg ontévolué et ont connu soit une intensification de leurs tra-"vaux, soit des difficultés inattendues. Mais la coopéra-tion intergouvernementale n'est de nos jours plus miseen cause et ne constitue plus une expérience nouvellepour le Luxembourg. Il s'agit désormais d'un acquisauquel personne ne voudrait plus renoncer.

Le constat que la diplomatie luxembourgeoise peutétablir en 1984 est positif. L'effort fourni, le plus sou-vent avec des moyens très réduits mais toujours avecconviction et enthousiasme, a été payant.

Il n'est pas exagéré d'affirmer que la participation duLuxembourg aux organisations internationales va au-delà d'une présence pure et simple. L'opinion duLuxembourg existe et sa voix se fait entendre. Il arriveaussi qu'il se trouve dans l'heureuse situation de pou-voir rapprocher des points de vue opposés.

Page 9: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Est-il possible d'aller plus loin dans l'action luxem-bourgeoise internationale?

Etre un médiateur honnête entre les partenaires dela vie internationale constitue sans doute la limite desambitions luxembourgeoises. Si le Luxembourg entendréellement être à la hauteur de cette ambition il doitveiller, également dans ce contexte, à consacrer suffi-samment de moyens à son appareil diplomatique afind'assurer la continuité de ses travaux. Il doit conserverégalement à l'avenir une attitude réaliste et empreintede discrétion.

Sur le plan de la défense de ses propres intérêts, nouspouvons constater que le Luxembourg n'est désormaisplus un inconnu et qu'il peut s'appuyer sur un tissudense de contacts, de canaux et d'interlocuteurs. Cen'est pas un mince résultat, même s'il reste vrai quedans le domaine de la coopération intergouvernemen-tale il n'existe aucune obligation de résultat. (Est-il con-cevable qu'un jour l'actuelle obligation de moyens setransforme en une obligation de résultat?)

En conclusion, je note que la position du Luxem-bourg dans le contexte de la coopération intergouver-nementale dans le monde est non seulement juridique-ment incontestable mais encore qu'elle est politique-ment incontestée. Il est sans doute possible, toutes pro-portions gardées, de qualifier cette position de «forte»alors que le Luxembourg est représenté dans la plupartdes grandes organisations internationales mondiales eteuropéennes d'aujourd'hui. Elle l'est encore parce queles représentants du Luxembourg bénéficient de la con-fiance de leurs partenaires et que régulièrement ils setrouvent sollicités pour assurer des missions spécifiquesou assumer l'une ou l'autre présidence.

Le rôle du Luxembourg dans le cadre de la coopéra-tion intergouvernementale peut sans doute êtrerésumé en cinq points:- assurer l'adhésion au principe de la recherche de

l'équilibre par la négociation;- poursuivre la défense des droits démocratiques dans

le monde;- être conscient des contraintes qu'entraînent pour le

Luxembourg son emplacement géographique aumilieu de l'Europe; en conséquence, ferme attache-ment à la poursuite de l'unification européenne et àl'OTAN;

- se rendre compte également du fait que les petitsEtats assument une responsabilité collective im-portante dans la mesure où seule une action concer-tée de leur part rendra possible une politique desgrandes puissances tenant compte des intérêts despetits;

- oser vouloir jouer un rôle constructif dans le concertinternational grâce à la volonté de dépassionner lesdébats et de rapprocher les points de vue.

Une action luxembourgeoise à la fois réaliste et op-timiste pourra permettre au Luxembourg de jouer lerôle qui est le sien dans le contexte de la coopérationintergouvernementale également à l'avenir. Elle nesera cependant couronnée de réussite que si la commu-nauté nationale reste pleinement consciente de l'impor-tance fondamentale que revêt pour elle l'action interna-tionale.

La visite officielle à Luxembourgde Monsieur George Bush, Vice-Président

des Etats-Unis d'AmériqueSur invitation du Gouvernement luxembourgeois,

Monsieur George Bush, Vice-Président des Etats-Unisd'Amérique, accompagné de son épouse, a fait unevisite officielle à Luxembourg les 8 et 9 février 1984. Leprogramme de la visite prévoyait notamment uneaudience auprès de Son Altesse Royale le Grand-Ducau Palais de Luxembourg, des entretiens avec MonsieurPierre Werner, Président du Gouvernement, etMadame Colette Flesch, Vice-Président du Gouverne-ment, Ministre des Affaires Etrangères. Le Vice-Prési-dent des Etats-Unis d'Amérique déposa également desfleurs au Monument National de la Solidarité Luxem-bourgeoise et il visita le cimetière militaire américain deHamm.

Au cours d'une conférence de presse, le Vice-Prési-dent Bush a fait la déclaration suivante:

Barbara et moi désirons remercier le Grand-DucJean, la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, le Pre-

mier Ministre Werner et toutes les personnes qui nousont si agréablement fait faire connaissance avec leLuxembourg. De nombreux amis nous ont parlé de labeauté et du charme du Luxembourg ainsi que de lavitalité que lui vaut le fait d'être un centre commercialet industriel. Nous sommes très heureux d'avoir pu vé-rifier la véracité des dires de nos amis du Luxembourg.

Au cours de mes entretiens avec le Premier MinistreWerner et le Ministre des Affaires étrangères Flesch,j'ai pu constater de nouveau et avec plaisir que leLuxembourg et les Etats-Unis maintiennent toujoursdes liens étroits.

Le Luxembourg participe pleinement et fièrement àla défense des Alliés occidentaux. L'implantation de laNAMSA, organisation d'appui logistique de l'OTAN,et de l'Administration des services d'entrepôts, récem-ment créée, représente une contribution substantielleà l'effort de défense. Il y a bien d'autres exemples de la

8

Page 10: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

façon dont le Luxembourg partage notre détermination' commune de préserver la paix en donnant la preuve denotre force. Nous nous félicitons de toutes les mesuresprises par le gouvernement dans ce domaine.

Qu'il me soit permis de dire en outre combien noussommes heureux de pouvoir vous rendre visite en cetteannée 1984 qui marque le quarantième anniversaire dela libération du Luxembourg par les forces des Etats-Unis et de leurs alliés.

A la fois attristés par le souvenir de compatriotestombés au champ d'honneur et fiers de leur héroïsme,nous avons noté les nombreux monuments et mémo-riaux érigés d'un bout à l'autre de ce pays pour rendre

hommage aux jeunes Américains qui sont morts pourque vive la liberté. Des centaines d'anciens combattantsaméricains se proposent de faire un pèlerinage auLuxembourg cette année. Ils visiteront les lieux où ilsont servi et se sont si bien battus. Ils rendront hommageaux camarades qui ont trouvé ici le repos éternel. Noussommes reconnaissants au Luxembourg de se montrerdisposé à recevoir ces visiteurs à bras ouverts.

Barbara et moi espérons revenir au Luxembourgpour célébrer avec vous l'amitié, les aspirations et lesvaleurs démocratiques qui unissent si fermement nosdeux pays.

La visite officielle à Luxembourgde Monsieur Hans-Dietrich Genscher,

Ministre des Affaires Etrangèresde la République Fédérale d'Allemagne

Répondant à l'invitation de Madame Colette Flesch,Vice-Président du Gouvernement, Ministre des Affai-res Etrangères, Monsieur Hans-Dietrich Genscher,Ministre des Affaires Etrangères de la RépubliqueFédérale d'Allemagne, accompagné de Madame Gen-scher, a effectué une visite officielle à Luxembourg les27 et 28 février 1984.

Au cours de cette visite le Ministre des AffairesEtrangères de la République Fédérale d'Allemagne aété reçu en audience au Palais grand-ducal par SonAltesse Royale le Grand-Duc. Il a eu des entretiensavec Monsieur Pierre Werner, Président du Gouverne-ment, et a assisté à une réunion de travail, sous la pré-sidence de Madame Colette Flesch, Ministre des Af-faires Etrangères.

Monsieur Hans-Dietrich Genscher a visité au coursde son séjour à Luxembourg la Cour de Justice desCommunautés Européennes et le Secrétariat généraldu Parlement Européen. Il a en outre déposé des fleursau Monument National de la Solidarité Luxembour-geoise.

Au cours d'un déjeuner offert en l'honneur de Mon-sieur Hans-Dietrich Genscher, l'allocution suivante aété prononcée par Madame Colette Flesch, Ministredes Affaires Etrangères.

Herr Bundesaußenminister,sehr geehrte Frau Genscher,

An aller erster Stelle möchte ich - schlicht und ein-fach und in aller Freundschaft - sagen, wie sehr wir unsüber Ihren Besuch heute in Luxemburg freuen.

In Ihnen, Herr Bundesaußenminister, begrüße ichnicht nur den hervorragenden Verfechter des europäi-schen Einheitsgedankens, sondern auch einen aufrich-t e n Freund Luxemburgs. Die Bande, die Sie alsd'enstältesten Außenminister der EG mit dem klein-

sten Mitgliedstaat verbinden, sind in der Tat vielfältigerNatur. Erlauben Sie mir auch, einen persönlichenDank auszusprechen für Ihr liebenswürdiges Angebot,mich im Flugzeug gestern von Paris nach Luxemburgmitzunehmen. Ich war auch deshalb besonders frohdarüber, weil, wie sie ja aus eigener leidvoller Erfah-rung wissen, daß Fliegen weitaus sicherer ist als dasAutofahren.

In seiner Regierungserklärung vom 25. November1982 erklärte Bundeskanzler Herr Dr. Kohl vor demBundestag: „. . . Ich glaube, daß europäische Zusam-menarbeit nur wirklich gelingen kann, die politischeEinigung Europas nur möglich ist, wenn in der Zusam-menarbeit Europas die größeren europäischen Länderden kleineren Teilnehmerstaaten der Gemeinschaft mitbesonderem Respekt begegnen."

Daß dies keine leeren Worte waren, beweist die Tat-sache, daß der erste offizielle Auslandsbesuch des Bun-deskanzlers Luxemburg galt. Das wird auch durch dieäußerst regen und mannigfaltigen Kontakte der letztenMonate zwischen deutschen und luxemburgischen Per-sönlichkeiten bestätigt.

Man muß, glaube ich, weit in der Geschichte zurück-gehen, um ein ähnlich hervorragendes und freund-schaftliches Verhältnis zwischen Deutschland undLuxemburg zu finden, wie es heute glücklicherweisebesteht. Vielleicht, wenn auch natürlich unter gänzlichanderen Vorzeichen, zur Zeit des ehrwürdigen römi-schen Reiches, dem das Haus Luxemburg ja mehrerebedeutende Kaiser schenkte . . . Luxemburg war, wieSie sehen, nicht immer frei von Expansionsgelüsten —und es scheint Leute zu geben, die glauben, daß wirheutzutage wieder eine ähnliche Periode erleben,schickt der Luxemburgische Löwe, in seinem schierunersättlichem Appetit, sich doch nicht an, die deut-sche Medienlandschaft auf den Kopf zu stellen. Aberda sind Sie, Herr Bundesaußenminister, ja Gottseidank

Page 11: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

mit Recht, weniger pessimistisch. Aber Spaß beiseite —knapp 40 Jahre nach dem Ende des für Luxemburg jabesonders traumatischen Weltkrieges sind die deutsch-luxemburgischen Beziehungen, wie gesagt, besser als jezuvor.

Das am 1. März 1982 in Kraft getretene Kulturab-kommen zwischen unseren beiden Ländern stellt dieKrönung einer Entwicklung dar, welche seit den fünfzi-ger Jahren fortschreitend (und parallell zur deutsch-französischen Aussöhnung) zu einer Normalisierungder Beziehungen und zum Ausbau eines vertieftenfreundschaftlichen Verhältnisses geführt hat.

Auch die Wirtschaftsbeziehungen sind von neuemaufgeblüht und erinnern an die Zeit des deutschen Zoll-vereins, dessen 150. Geburtsjahr kürzlich gefeiertwurde. Wie vor 1914 ist Deutschland, ist die Bundesre-publik, trotz der seit 1921 bestehenden belgisch-luxem-burgischen Wirtschaftsunion, unser erster Han-delspartner geworden.

Die Stabilität der bilateralen Handelsbeziehungen istin dieser von Konjunktur- und Strukturkrise gekenn-zeichneten Epoche, ein beruhigendes und ein wertvol-les Element. Die ersten Anzeichen eines sich anbah-nenden Aufwärtstrends der deutschen Wirtschaft wer-den nicht nur den deutsch-luxemburgischen Handels-austausch positiv beeinflussen sondern auch, so hoffenwir es wenigstens, den europäischen Wirtschaftsmotorankurbeln.

Eine Verbesserung der Wirtschaftsverhältnisse unddie daher sich abschwächenden Zwangslagen solltendas europäische Bewußtsein der EG-Länder stärkenund die Verteidigung der ausschließlich nationalenInteressen eindämmen. Es ist höchste Zeit, daß dieGemeinschaft aufwacht aus ihrem verlängerten Win-terschlaf, gekennzeichnet durch die sich anhäufendenund verflechteten Probleme, die wir ungelöst von Stutt-gart über Athen bis Brüssel vor uns hin schieben. DieEG bedarf eines zweiten Frühlings, denn wie es nochvor einer Woche Bundeskanzler Kohl bekräftigte, esgibt keine Alternative zu Europa.

Wie lähmend europäische Handlungsunfähigkeitsich auswirken mag, hat zuletzt der sich an der franzö-sisch-italienischen Grenze entwickelnde Konflikt, des-sen Ausbreitung den Verkehr zwischen mehreren EG-Ländern behindert hat, gezeigt. Zaghafte Fortschrittein der Transportpolitik haben den wachsenden Verkehran den Grenzübergängen nicht so erleichtert, wie es dervon den römischen Verträgen geschaffene freie Güter-verkehr erfordert hätte. Die Errungenschaften derBenelux in der Vereinfachung der Grenzkontrollenkönnten in diesem Zusammenhang der EG vielleichtals Beispiel dienen.

Laßt uns doch die Schleusen der europäischen Ideeöffnen. Ist das eingetreten, was schon 1849 Victor Hugoüber Europa sagte und was ich mich hier zu übersetzenerlaube?

„Es wird der Tag kommen, an dem es keine anderenSchlachtfelder mehr geben wird als die Öffnung derMärkte und die geistige Hingabe an die Schöpfungs-kraft der Ideen."

Ich weiß, daß ich mit Ihnen, Herr Bundesaußenmini-ster, als treuer Anhänger der Europäischen Integra-tion , auf diesem Gebiet in voller Übereinstimmung bin.

Ihr persönlicher Beitrag zur Weiterentwicklung derEuropäischen Gemeinschaft ist besonders hervorzuhe-ben, da Sie mehr als Pate standen bei der Verabschie-dung der europäischen Akte von Stuttgart und somitden Prozeß der europäischen Regeneration, der sichjetzt abzuzeichnen scheint, eigentlich in die Wege gelei-tet haben.

Mag dieser sich anbahnende Prozeß stark genug sein,um dem heutigen Europa den Weg frei zu machen zumErfolg von morgen.

Ich möchte Sie bitten, meine Damen und Herren, mitmir das Glas zu heben, zum Wohl des Bundesaußenmi-nisters und von Frau Genscher und zur Fortdauer deraußerordentlich guten bilateralen Beziehungen zwi-schen der Bundesrepublik Deutschland und dem Groß-herzogtum Luxemburg.

10

Page 12: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

La Conférence sur les mesures de confiance et de sécuritéet le désarmement en Europe

Monsieur Paul Helminger, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, a assisté à Stock-holm à la phase inaugurale au niveau ministériel de la Conférence sur les mesures de con-fiance et de sécurité et le désarmement en Europe (CDE). Le 19 janvier, le Secrétaired'Etat a présidé la 6e session plénière de la conférence et le même jour il s'est adressé àla conférence au nom du Grand-Duché. Nous reproduisons ci-après le texte de son inter-vention.

Permettez-moi tout d'abord de remercier notre col-lègue, Lennart Bodström, Ministre des Affaires Etran-gères de Suède, le Secrétaire général de cette confé-rence, l'Ambassadeur Jan Af Sillén ainsi que les autori-tés du pays hôte d'avoir accueilli et organisé à Stock-holm avec tant d'efficacité et avec la coutumière etgénéreuse hospitabilité suédoise la conférence sur lesmesures de confiance et de sécurité et sur le désarme-ment en Europe.

Je tiens aussi à exprimer une nouvelle fois nos senti-ments de reconnaissance aux autorités de la Répu-blique de Finlande, associées dès le début au déjà longprocessus de la CSCE, pour les excellentes conditionsde travail qu'elles ont offertes à la réunion préparatoired'Helsinki.

Puisse l'esprit qui ,a prévalu à Helsinki en 1975comme en 1983 inspirer également les travaux de laconférence à Stockholm.

Le chemin que nous avons parcouru ensemble depuisla signature de l'Acte Final a été sinueux et ardu. Par-fois nous avions l'impression de frôler le précipice etcertains ont, sans doute, été tenté d'abandonner encours de route.

Mais le processus de la Conférence sur la sécurité etla coopération en Europe a su démontrer sa vitalité, àBelgrade d'abord, à Madrid ensuite et nous voici réunisaujourd'hui pour exécuter le mandat mis au point auterme d'une longue négociation.

Au nom des Dix le Ministre des Relations Exté-rieures de la République française a souligné, il y a deuxjours, l'intensité avec laquelle la France et les autrespays de la Communauté Européenne ont souhaité laconvocation de cette conférence, et la grande impor-tance qu'ils y ont toujours attachée.

Or, les circonstances dans lesquelles elle se réunitaujourd'hui lui donnent une importance sans douteencore plus grande que nous ne l'avions prévu.

La présence, ici, d'un aussi grand nombre de Minis-tres des Affaires Etrangères est bien la preuve qu'en cedébut d'année 1984 le besoin de sécurité de nos peuplesreste inassouvi et que leur aspiration à vivre dans un cli-iriat international de confiance demeure profondémentinsatisfaite.

Toute récemment, l'interruption des négociationssur les forces nucléaires intermédiaires et sur les armesnucléaires stratégiques, de même que la suspension desnégociations en vue d'une réduction mutuelle et équi-librée des forces conventionnelles dans le cadre del'Europe ont encore alourdi un climat internationaldéjà bien difficile.

Or, toute négociation sur des mesures de confiance etde sécurité ne pourra rester qu'incomplète sans lareprise de ces autres négociations.

S'il est vrai que des efforts de désarmement dans ledomaine des forces nucléaires appellent des progrèscomparables dans le domaine des forces conventionnel-les et des mesures de confiance, il est certain égalementà l'inverse, qu'un meilleur équilibre des forces con-ventionnelles en Europe serait vain sans une limitationet une réduction des armements nucléaires.

Il importe donc que ces autres négociations soientreprises le plus rapidement possible dans le cadre ap-proprié, qui n'est évidemment pas celui de la confé-rence de Stockholm.

Toutes ces discussions ne pourront cependant porterde fruits, et un minimum de confiance entre nos peupleset nos gouvernements ne pourra être rétabli si un effortparallèle n'est pas entrepris au plan psychologique. Si,contre toute évidence, des intentions agressives sontsystématiquement prêtées par certains gouvernementsà certains autres, comment l'ambiance internationalepourrait-elle devenir plus sereine?

Aussi déplorons-nous la campagne que mènent lesmédias de certains pays contre les soi-disantes inten-tions belliqueuses des pays de l'OTAN.

Pour tous les gouvernements la modération du lan-gage devrait être un impératif primordial, et les cri-tiques que les uns adressent aux autres devraient selimiter aux actions concrètes qu'ils désapprouvent etaux déficiences objectives qu'ils croient devoir consta-ter. Les procès d'intention ont toujours envenimé inuti-lement les relations entre les hommes et entre les peu-ples.

En ce qui concerne cette conférence, en particulier,nous souhaitons qu'elle ne soit pas utilisée pour «mar-quer des points» dans le domaine idéologique; que lespositions des uns et des autres ne soient pas proclaméesdans des discours ou des communiqués lus dans les capi-tales avant même d'avoir été présentées ici-même;qu'aucune délégation ne soit publiquement accusée dene pas vouloir négocier sérieusement, en un mot, noussouhaitons voir cette conférence se dérouler à l'abri despassions, dans un climat serein et constructif.

Par ailleurs il ne faut pas oublier que notre réunions'inscrit dans le cadre plus large de la CSCE qui a égale-ment pour objectif de promouvoir les relations écono-miques entre nos pays, de renforcer les libertés indivi-duelles et collectives des citoyens dans les pays partici-pants et de multiplier les contacts et les liens de coopé-ration entre nos sociétés.

11

Page 13: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Ce n'est que la réalisation progressive de l'ensemblede ce programme, jointe à des mesures de confiance etde sécurité efficaces, qui nous permettra de diminuerles causes de tensions actuelles et de préparer la voie àde véritables mesures de désarmement conventionnelqui pourront être envisagées au cours d'une deuxièmephase de cette conférence.

Mon pays garde un souvenir vivant des ravages de laguerre dont il a souffert à deux reprises au cours de cesiècle. Il n'a pas oublié les attaques-surprises qui ontcaractérisé la seconde guerre mondiale, en dépit dupacte BRIAND-KELLOGG dit «de renonciationgénérale à la guerre», et en dépit aussi du pacte de non-agression germano-soviétique de 1939. De ces expé-riences néfastes est né sa profonde conviction de lanécessité du dialogue et de la recherche constante d'unclimat de sécurité et de confiance.

Il n'est pas étonnant que le Luxembourg ait soutenuvigoureusement l'adoption du «document sur les me-sures de confiance et certains aspects de la sécurité dudésarmement» qui fait maintenant partie intégrante del'Acte Final signé à Helsinki le 1er août 1975.

Il a, dans le même esprit, participé activement à l'éla-boration du mandat de la «Conférence sur les mesuresde confiance et de sécurité et sur le désarmement enEurope».

Quant aux décisions concrètes dont nous préconisonsl'adoption par cette conférence, je ne voudrais pas rap-peler ici tout ce qui a été dit au nom de la CommunautéEuropéenne par Monsieur le Ministre des RelationsExtérieures de la République française. Il est bienentendu que mon pays s'y rallie entièrement.

Le mandat assigne à cette première phase de la con-férence la tâche d'élaborer des mesures concrètes,c'est-à-dire «militairement significatives, politique-ment contraignantes et assorties de formes adéquatesde vérification correspondant à leur contenu» permet-tant de créer plus de confiance et de sécurité pour tousles Etats participants sur la base de l'égalité des droits,de l'équilibre et de la réciprocité.

Les dispositions dont nous débattrons au cours dessemaines et des mois à venir devront donc aller au-delàdes mesures de confiance prévues à l'Acte Final.

Des mesures de nature purement déclaratoire nepourraient donc guère satisfaire aux termes de notremandat. Celui-ci exige, je le répète, l'adoption d'instru-ments concrets capables de transformer qualitative-ment et réellement les données actuelles de nos rela-tions. Ce n'est qu'ainsi que nous créerons les conditionsnécessaires pour passer ultérieurement à la deuxièmephase qui prévoit un désarmement réel.

Les mesures qui seront évoquées au cours de cettepremière phase s'appliqueront au domaine des forcesconventionnelles où le déséquilibre régional en Europeest particulièrement significatif.

Les armes nucléaires ne se prêtent point à une discus-sion ici à Stockholm, car elles dépassent le cadre régio-nal de la conférence qui s'applique à «l'ensemble del'Europe» uniquement.

Le fait que des négociations sur la réduction de l'ar-mement nucléaire se soient tenues dans d'autres fora,ainsi que les caractéristiques de ces armes, en four-nissent la preuve convainquante. Il paraît évident néan-moins que l'adoption de mesures créatrices d'un climatrégional européen plus confiant et plus sûr profitera auxnégociations qui auront pour objet de réduire lamenace nucléaire.

La création d'un climat de coopération et de sécuritéaccrues en Europe exige, à part l'adoption de mesuresspécifiques, l'équilibre des forces conventionnelles etceci à l'intérieur d'une zone qui dépasse l'Europe Cen-trale et s'applique selon les termes du Document deMadrid à «l'ensemble de l'Europe», c'est-à-dire del'Atlantique à l'Oural.

Pour atteindre ces objectifs, le Luxembourg sou-mettra, ensemble avec des pays amis des propositionsqui prendront en considération toutes les exigences que

. je viens de relever.

Ces mesures porteront sur l'échange d'informationsdans le domaine militaire, la notification d'activitésmilitaires ainsi que sur l'observation et la vérification deces activités militaires. Elles n'auront cependant leurpleine signification que si elles s'insèrent dans un climatgénéral marqué par une plus grande transparence.

Et de nouveau je suis convaincu que dans l'esprit del'Acte Final nous ne devrons pas réduire la transpa-rence à la seule signification militaire. Elle devra néces-sairement s'appliquer à tous les domaines de la vie,notamment aux différents processus décisionnels natio-naux ainsi qu'à la circulation de l'information aussi bienà l'intérieur des 35 Etats participants que vers l'exté-rieur. Les sociétés démocratiques occidentales, dontfait partie le Luxembourg, font preuve d'un degréd'ouverture et de transparence tel qu'elles satisfont dèsà présent largement aux exigences d'une transparencegénéralisée.

Celle-ci, à elle seule, constitue déjà une garantie con-tre le déclenchement d'une attaque surprise de la partdé n'importe lequel de ces pays.

Les négociations aux cours des prochains mois ne se-ront certainement pas faciles.

Ensemble avec ses partenaires et amis le Luxem-bourg aborde la CDE dans un esprit constructif et dési-reux de réaliser des résultats concrets et efficaces.

Après une année qui a été marquée par la tension etl'invective, le moment est venu de prendre, comme l'adéj à dit dans son discours inaugural le Premier Ministrede Suède, M. Olof Palme, un nouveau départ pour re-créer progressivement en Europe un climat de coopéra-tion. Le Luxembourg y contribuera. Nous comptonssur tous les pays représentés ici pour en faire de même.

12

Page 14: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Le Prix Joseph Bech 1984Au cours d'une cérémonie qui s'est déroulée le 4 avril1984 au studio du théâtre de Luxembourg, le PrixJoseph Bech 1984 de la Fondation FVS de Hambourg aété remis à Monsieur Dirk Spierenburg, Ambassadeurhonoraire des Pays-Bas et ancien Vice-Président de laHaute Autorité de la Communauté Européenne duCharbon et de l'Acier. Monsieur Pierre Werner, Prési-dent du Gouvernement, prononça le discours solennelet fit l'éloge de Monsieur Spierenburg. Ce fut ensuiteMonsieur Charles Bech qui remit le Prix Joseph Bech1984 au lauréat. La cérémonie fut clôturée par le dis-cours du récipiendaire. Nous reproduisons ci-après letexte du discours de Monsieur Pierre Werner, Présidentdu Gouvernement.

Vous retrouver ce soir, ici à Luxembourg, et voir vo-tre retour placé sous le signe de Joseph Bech est, pourles curateurs de cette Fondation, vos nombreux amisluxembourgeois et vos auditeurs de ce soir, un énormeplaisir.

Vos «années luxembourgeoises» remontent à unquart de siècle, mais l'attachement à votre personna-lité et à votre oeuvre reste très vivace ici, à une centainede mètres à peine de l'endroit où s'élève la stèle com-mémoratrice de Robert Schuman et de cette Commu-nauté Européenne du Charbon et de l'Acier dont vousavez été un des principaux pionniers.

Parmi les personnalités à qui fut décerné au fil de cesdix années le prix annuel Joseph Bech, vous êtes laseule — ou la première — qui fut directement associée àla création de la Communauté du Charbon et del'Acier, cette entreprise historique qui débuta à Luxem-bourg grâce à une initiative - qui fut aussi un acte de foi- de celui en la mémoire duquel vous êtes aujourd'huihonoré.

Avant, cependant, d'évoquer vos «années luxem-bourgeoises», je voudrais rappeler que vous êtes origi-naire de Rotterdam, ce grand port trépidant. Dès avantla deuxième guerre mondiale vous avez occupé d'im-portantes fonctions au Ministère néerlandais des Affai-res Economiques, dont vous êtes devenu après laguerre l'animateur en même temps qu'un des artisansde la reconstruction de l'économie néerlandaise après1945. A peine la guerre finie, et les graves dégâts sur-tout à l'infrastructure portuaire et fluviale des Pays-Basréparés, un certain nombre d'hommes lucides et entre-prenants — dont vous-même — ont réussi à restituer auxPays-Bas sa traditionnelle vocation de grande nationcommerçante. Parallèlement l'union des pays du Bene-lux se construisait, banc d'essai de l'intégration d'éco-nomies nationales sur une plus vaste échelle. Faisantmes premiers pas sur le parquet bénéluxien, je vous aivu à l'oeuvre dans les conseils et fonder votre réputa-tion de négociateur habile et coriace.

La double vision du monde, qui est propre aux Hol-landais: d'une part, le grand large sans limite et, d'autrePart, la remontée du Rhin jusqu'à ses sources et au-delà, aurait naturellement conduit le génie propre duPeuple néerlandais à pratiquer — comme il l'a toujoursfait — le cumul des opportunités.

Vous étiez du petit groupe d'inspirateurs d'une poli-tique qui avait tiré la leçon de l'expérience récenteencore de deux guerres qui, pour être mondiales, n'en

avaient pas moins été à leurs origines des conflitseuropéens. Suis-je dans l'erreur si je crois qu'il ne vousa pas toujours été facile de faire prévaloir la thèse de«l'Europe d'abord», laquelle aux Pays-Bas est restéediscutée, au moins jusqu'au moment où la Commu-nauté originaire des Six s'est étendue jusqu'au milieu del'Atlantique par l'adhésion du Royaume-Uni, de l'Ir-lande et d'un au moins de nos voisins Scandinaves.

Les Pays-Bas sont redevables à quelques hommes devotre trempe d'avoir, sans abandonner des ambitionsgéographiques plus vastes - fait un premier pari surl'Europe. Ce ne fut donc pas le hasard de la carrièred'un grand commis de l'Etat qui fit de vous le négocia-teur néerlandais du Traité de Paris, ensuite le premierMembre néerlandais — par après Vice-Président — dela Haute Autorité de la Communauté Européenne duCharbon et de l'Acier.

C'est ainsi que s'ouvrirent les dix années, durant les-quelles vous exerciez vos importantes fonctions ici àLuxembourg, Place de Metz, sous l'inspiration et ladirection de Jean Monnet, et en étroite collégialité avecles autres Membres de ce premier Collège communau-taire, dont notre regretté compatriote AlbertWEHRER.

C'est durant ces années aussi que vous avez eud'étroits rapports avec Joseph BECH, pour qui - nousle savons — vous aviez une profonde amitié et unegrande admiration. Il vous les a d'ailleurs toujours ren-dues. En ces temps là, vous étiez rapidement devenu undes meilleurs connaisseurs de votre pays d'accueil: aupoint que plus tard, quand vous exerciez de nouvellesfonctions à Bruxelles — il vous est arrivé d'expliquer laposition ou les problèmes luxembourgeois avec plus depersuasion que nos propres représentants n'eussent pule faire.

La roue de l'Histoire des Communautés Europé-ennes, à cette époque, a tourné vite. Un premier revers,en 1954, paraissait mettre fin aux ambitions des fonda-teurs: l'échec de la tentative de constituer une Commu-nauté Européenne de Défense. Alors que d'autres cla-maient encore leurs ressentiments, une inspiration desource néerlandaise a providentiellement servi de trem-plin à une relance historique. Peu de gens savent encoreaujourd'hui que vous étiez — sans en faire état dans vospropos publics — un des inspirateurs de l'idée néer-landaise de constituer un Marché Commun. Durantl'épopée qui va de Messine jusqu'au Capitole de Rome,en passant par Val Duchesse, vous êtes resté à l'ombre.Ce qui allait devenir la Communauté Economique Eu-ropéenne, dans votre esprit, devait être le complémentnaturel de la première initiative de Jean Monnet. Il fal-lait donc à tout prix maintenir et vivifier la Commu-nauté de Luxembourg, même face aux nouvelles insti-tutions de Bruxelles parées de l'attrait de la nouveauté.

Et pourtant, votre tempérament en permanenteebullition a voulu qu'en 1964 vous avez quitté la HauteAutorité pour accepter — ce dont beaucoup s'étonna-ient à l'époque — la fonction de Représentant Perma-nent auprès des Communautés Européennes, installé àBruxelles. Après avoir largement imprégné la HauteAutorité du sceau de votre personnalité, vous avezdominé de votre expérience, mais surtout de votre foi.

13

Page 15: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

pendant une dizaine d'années, cet organisme d'ungenre un peu particulier, dont la règle et la traditionsont de ne pas se produire devant les feux de la rampe.

Je me rappelle qu'à Luxembourg, amicalement onvous en a un peu voulu de ce départ, et sans doute ausside vos prises de position en faveur d'une fusion de laHaute Autorité avec les Commissions Marché Com-mun et Euratom à Bruxelles. Vous aviez clairementperçu qu'à moyen et à long terme le compartimentageentre les différents Exécutifs européens se traduiraitpar un déclin de l'influence de la Haute Autorité et qu'ilfallait donc procéder à leur fusion. Votre attituden'avait, à l'époque, pas toujours été comprise: la suitedes événements, cependant, vous a donné raison.

A ce propos les concours de circonstances, mais sur-tout votre attachement jamais démenti à Luxembourg,et votre profonde connaissance des problèmes duGrand-Duché, ont fait qu'en des moments très difficilespour les Autorités publiques luxembourgeoises, vousavez contribué dans une mesure considérable à appor-ter des solutions convenables et équitables au problèmequi naissait pour les Luxembourgeois de la fusion de laHaute Autorité avec les Exécutifs de Bruxelles: je veuxdire le problème du Siège ou des Sièges européens.

Pour avoir eu à l'époque la charge de mener, pour lapartie luxembourgeoise, la négociation des années 64-65 sur le Siège des Institutions communautaires, je medois de rendre un hommage particulier à la manière delaquelle vous avez contribué à l'accord des Gouverne-ments des Etats membres sur le futur rôle de Luxem-bourg en tant que Siège des Institutions européennes.Cette décision a non seulement assuré, une bonne quin-zaine d'années durant, à la capitale grand-ducale la pos-sibilité de s'adapter à être ce qu'elle est aujourd'hui: undes principaux lieux de travail confirmés des Institu-tions communautaires et un des centres les plus actifs del'activité communautaire. Elle a également précisépour l'avenir les titres et la vocation qui définissent lestatut de Luxembourg.

Aux négociateurs luxembourgeois n'a manqué àaucun moment l'appui solidaire et vigilant d'une délé-gation néerlandaise dont vous étiez le principal inspira-teur. Pour l'Histoire, je me plais à retenir qu'un certainarticle de cette Décision — celui qui désigne nommé-ment les Institutions et services implantés de l'autrecôté du pont — a été proposé et soutenu devant la Con-férence des Gouvernements par vous-même, aprèsavoir été élaboré dans le détail avec Emile Noël, pourla Commission Economique Européenne et Jean Don-delinger, pour le Gouvernement luxembourgeois.

Durant les vingt premières années de la constructioncommunautaire, la notion Europe avait paru associéeaux notions prospérité et plein emploi. Il était fatalqu'une modification fondamentale de la situation éco-nomique devait entraîner également une baisse de con-fiance dans le dessein européen.

Et pourtant, la notion d'Union Européenne, termeaux sens multiples, mais qui avait le mérite en 1972, dedoter la Communauté des Dix d'une vision d'avenir, acontinué à susciter études et propositions. Le Ministèredes Affaires Etrangères des Pays-Bas vous a chargé en1975 de la présidence d'une commission consultativechargée d'analyser la notion d'Union Européenne pourle compte du Gouvernement néerlandais. Votre rap-

port du 1er mai 1975 est un document de haute valeurpar son approche globale ainsi que l'étude fouillée etimaginative des exigences d'une construction politiqueévolutive. Incidemment je vous avouerai qu'à unmoment où d'aucuns contestaient l'approche du rap-port sur l'union économique et monétaire de 1970, unephrase tirée de votre étude constituait un baume surmes plaies intellectuelles. Elle disait: «La Commissionestime que les grandes lignes d'une union économiqueet monétaire tracées à l'époque par le rapport WER-NER étaient correctement pensées et gardent encoreleur valeur actuelle.» Il y avait, permettez-moi, de ledire, quand même certaines «Wahlverwandtschaften»entre nous deux.

Le phénomène de la baisse de la disponibilité poli-tique n'est d'ailleurs pas propre à la construction euro-péenne: vous avez, dans vos fonctions ultérieurescomme Représentant Permanent des Pays-Bas auprèsde l'OTAN, connu la même expérience. Là encore,vous vous êtes battu avec le même acharnement quecelui qui avait caractérisé la première partie de votrecarrière. Comme Joseph LUNS - qui est d'ailleurs leseul Néerlandais qui vous précède dans le Palmarès duPrix Joseph BECH — vous avez fait face avec beaucoupde courage et de détermination aux premiers phéno-mènes de défection vis-à-vis de l'engagement atlanti-que.

La construction de l'Europe, tout comme l'affirma-tion et la consolidation de la solidarité atlantique - lesdeux causes que vous avez successivement servies —sont des entreprises qui mûrissent lentement et qui con-naissent inévitablement des déboires. L'Histoire et lesmentalités des peuples européens sont trop riches etlégitimement trop fiers de ce qu'ils représentent pourque les pays et les citoyens européens changent, envingt ou trente ans, fondamentalement de mentalité etde comportement. Pourtant la direction est claire: iln'est pas d'autre voie possible, à moins de choisir cellede l'abandon et du recul.

La Communauté Européenne a été et est encore encrise profonde. A vrai dire, tout au long du dernierquart de siècle le processus d'unification européennen'a jamais été exempt de crise. Vous, comme moi, enavez vécues un certain nombre, et ensemble nous avonsquelque temps plus tard constaté que la période de ten-sion à travers laquelle nous étions passés avait été en finde compte une épreuve salutaire. Cette constatationsemble, en apparence du moins, ne plus convenir pourcaractériser la phase que l'Europe traverse actuelle-ment. Les arguments qui divisent aujourd'hui les Eur-opéens ne sont pas du type de ceux qui peuvent — dansquelques semaines, quelques mois, être surmontés parun de ces nombreux compromis qui ont mis un terme ànos controverses d'antan.

La situation que nous vivons actuellement est diffé-rente. La Communauté n'est pas un édifice à part. Cetouvrage ne peut être développé — ou plus simplementne peut tenir — s'il ne s'insère dans un cadre et un envi-ronnement politique et économique qui favorise sapérennité. Les problèmes de la Communauté Euro-péenne sont les mêmes que connaissent tous les paysqui la composent: une récession économique difficile,et lente à surmonter, 12 millions de chômeurs dans lesdix Etats membres globalement, une adaptation à unchangement de technologie, des modes de production

14

Page 16: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

et des conditions de vie en rapide mutation. Il s'agitaujourd'hui beaucoup moins de savoir sur quoi lesEuropéens peuvent s'entendre que de savoir commentils peuvent s'adapter à ces conditions nouvelles.

La Communauté, comme tous nos pays, ressent à lafois le besoin de se rénover et la préoccupation de sau-vegarder à travers une telle rénovation un certainnombre d'acquis économiques et sociaux. Nous devonsà ceux qui nous font confiance d'atténuer autant quepossible les contraintes et les sacrifices qu'impose lechangement. En même temps, nous devons laisser cechangement s'opérer suffisamment vite pour que ledécalage qui déjà existe entre l'Europe et ses grandspartenaires économiques dans le monde ne s'élargissepas outre mesure.

-Quand on va jusqu'au fond du problème qui reste àrésoudre par les responsables européens, on trouvefinalement celui de la justification de l'existence de laCommunauté. Celle-ci avait été créée précisémentpour permettre le passage d'une société - affaiblie parles guerres, les incompréhensions et les méfiances —vers une société européenne dans laquelle prévaudra-ient l'entente et l'effort commun dans les tentativesd'établir un cadre de vie meilleur et plus équitable,débarrassé des querelles du passé. L'idée qui a inspiréles fondateurs des Communautés Européennes s'estlargement réalisée. On l'oublie trop souvent de nosjours. Mais ce processus est loin d'être achevé.

Et c'est donc avec un nouvel élan qu'une autregénération doit prendre le relais. Cette génération exi-ste, et sa détermination n'est pas moindre que celle dela génération qui l'a précédée. Il nous appartient depréserver le cadre politique et économique dans lequelles Européens de la nouvelle génération peuvent et doi-vent poursuivre l'oeuvre à peine entamée. Si, en effet,nous devions abandonner, ou accepter que l'on aban-donne, les principes fondamentaux sur lesquels repo-sent aujourd'hui l'entente et la coopération entre Eur-opéens, alors la porte serait ouverte à toutes sortesd'aventures, ou plus probablement encore à un déclin ,irrémédiable du potentiel intellectuel, technologique eten dernière analyse culturel dont l'Europe continue à seprévaloir. Il n'est écrit nulle part dans le livre de l'hi-stoire que l'Europe a vocation pour l'éternité d'être unedes parties du monde les plus développées, les plusriches, les mieux instruites. Que les Européens gardentce privilège, ou le perdent, dépend de leur propredétermination à adapter la société qui est la leur à dessituations sur lesquelles ils n'ont plus qu'une partie del'influence que naguère ils exerçaient pour ainsi diresans partage.

C'est là où précisément l'idée de «Communauté»conserve toute sa valeur. Comment serait-il possible —si ce n'est dans le cadre d'une solidarité largement par-tagée, sans discrimination aussi entre grands et petits,de canaliser les forces et les capacités qui existent bel etbien autrement que dans la poursuite d'intérêts pure-ment nationaux, certes légitimes, mais qui s'avèrent endernier ressort relever d'une démarche qui va en direc-tion opposée à celle pourtant clairement inscrite dansl'histoire.

Nos peuples, dans les années 50, percevaient claire-ment comme l'impératif premier la nécessité d'assurersur ce continent la paix, la concorde, et d'intensifier lacoopération. Ce premier objectif a été atteint, et on nesoulignera jamais assez la portée historique de cette

réussite. Mais il a fallu avancer davantage: élargir laCommunauté une première fois, une deuxième fois, etbientôt une troisième. Ceci représente un exerciceextrêmement difficile, cela d'autant plus que ceux quiont rejoint les six Etats fondateurs — ou qui sont sur lepoint de les rejoindre - ne partagent pas la mêmeexpérience historique et n'ont pas tous réalisé le mêmedegré d'inter-pénétration sur le plan culturel et écono-mique.

Un certain nombre des problèmes auxquels doit faireface la Communauté Européenne aujourd'hui sont desproblèmes de croissance, mais aussi des problèmesdécoulant d'une plus grande diversité des situations etdes intérêts, par rapport aux diversités qui caractéri-saient la Communauté des Six. Dans les semaines et lesmois à venir se posera, avec une acuité jamais atteintejusqu'à présent, la question de savoir si le type de Com-munauté conçue par les auteurs des Traités de Paris etde Rome est réalisable à douze. La réponse est sansdoute qu'est réalisable tout ce qui ne met pas en causeles principes fondamentaux, sur lesquels se fondent lesTraités, faute de quoi on retournerait à un stade desimple collaboration entre Etats et une menace perma-nente de remise en cause de l'acquis. La Communautése dissoudrait d'elle-même en une vague associationd'Etats et d'intérêts: elle n'aurait pas la force de con-centration nécessaire de s'imposer ni à l'intérieur, nivers l'extérieur.

Pour préserver l'essentiel — c'est-à-dire l'élémentd'union acquis en dépit des apparences — il faudra sansdoute accélérer le processus. Une de nos grandes satis-factions est de constater que le nombre d'Européensqui réalisent cette nécessité va en croissant. A preuve:les prises de position nombreuses et multiples qui —après de longues années d'indifférence ou de dédain -se mettent subitement à réclamer une efficacité plusgrande des Institutions communautaires, une accéléra-tion dans le processus d'une Union Economique etMonétaire, et même l'extension de la coopération entreEuropéens aux domaines de la sécurité et de la défensecommunes. Voilà le type de prétention qui - pres-qu'une quinzaine d'années durant - avait paru exorbi-tant. Il se trouve que précisément dans les mois et lessemaines qui nous approchent de la réélection du Parle-ment Européen s'imposent un certain nombre de thè-mes que l'on avait tendance à oublier ou à négliger dansla routine et dans la poursuite des objectifs les plusimmédiats. Le Parlement par sa résolution sur un projetd'union a encore ajouté au débat.

Ces symptômes ne constituent en eux-mêmes cer-tainement pas encore ce retournement de situation quebeaucoup espèrent, ou souhaitent. Ils n'en constituentpas moins un encouragement puissant pour ceux quin'ont cessé de croire qu'au-delà des objectifs les plusproches — et certes très importants — un grand desseinreprend forme peu à peu, lentement, à travers mille dif-ficultés, ce dessein, cher Monsieur SPIERENBURG -que voici plus d'un quart de siècle déjà vous avez par-tagé avec Joseph BECH. C'est également l'encourage-ment et la consécration qui découlent de l'octroi de cePrix Joseph BECH dû au mécénat magnanime de Mon-sieur TOEPFER, créateur de la Fondation F.V.S.

C'est ainsi en gage de l'avenir de l'unification euro-péenne autant qu'en reconnaissance des grands méritesque vous avez acquis pour l'Europe, et aussi pour la pa-trie de Joseph BECH, que le jury du Prix a décidé devous faire le lauréat de cette promotion.

15

Page 17: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

La Bourse de Luxembourg en 1983A l'instar des trois exercices précédents, le début de

l'année 1983 reste marqué par une conjoncture écono-mique internationale déprimée. La seconde partie del'année 1983 voit se dessiner un mouvement de reprise.Une relance de l'activité économique se manifeste danspresque tous les pays industrialisés; sensible aux Etats-Unis, au Canada et au Japon, elle est cependant plusfragile en Europe.

La détente, en février 1983, des prix du pétrole endollar US et le déclin continu de l'inflation prolongentla baisse des taux d'intérêts amorcée en 1982 suite auxmesures d'assouplissement de la politique monétaireaux Etats-Unis. Mais la détente est moins spectaculairequ'escomptée. Au terme du premier semestre, les tauxd'intérêt se stabilisent, persistant à des niveaux encoreélevés, tant en termes nominal que réel.

Sur le plan monétaire, le début de l'année 1983 con-naît des fluctuations en Europe. Le 21 mars 1983, leseptième réaménagement des parités du SystèmeMonétaire Européen inaugure une période de calmesur les marchés des changes et de baisse plus substan-tielle des taux d'intérêt européens.

Mais les incertitudes quant à l'évolution des tauxd'intérêt américains vont inverser la tendance à labaisse du dollar US amorcée durant le second semestrede l'exercice 1982. L'équilibre du marché des changesest rompu au profit du dollar. La persistance des ten-sions internationales ne fait qu'accentuer son envolée.A chaque occasion il fait office de monnaie-refuge,supplantant le métal jaune dans son rôle traditionnel.

Fidèle à sa particularité d'être très sollicité en pé-riode d'incertitudes économiques, le marché primaireinternational des capitaux a enregistré une activitérecord. Selon les statistiques de la Kredietbank S.A.Luxembourgeoise, 481 euro-émissions ont été lancéespour un montant équivalent à 44.219,15 millions de dol-lars US, ce qui représente une augmentation de 1,31%par rapport à 1982, année au cours de laquelle 544 euro-émissions avaient été libérées.

Ainsi, les nouvelles admissions en Bourse de Lu-xembourg ont, elles aussi, connu un rythme élevé. 315valeurs à revenu fixe ont été admises (287 en 1982); 36valeurs à revenu variable pour 34 en 1982. Par ailleurs,159 retraits ont été enregistrés alors que l'on en comp-tait 172 l'année précédente, portant ainsi le nombre delignes de cotation à 2070.

Les faits marquants de cette année, 1983 ont étél'accroissement incontesté de l'utilisation de l'unitémonétaire composite qu'est l'ECU, tant par lesemprunteurs que par les investisseurs, le recours, accrusurtout au second semestre, aux emprunts à taux d'in-térêt flottant et la nouvelle popularité des émissionsassorties de warrants.

Le marché nationaldes emprunts obligataires

Au cours de l'année écoulée, 17 emprunts obliga-taires libellés en francs luxembourgeois ont été admis àla cote, représentant un total de 9,8 milliards de francs,soit une augmentation de 13,95% par rapport à l'année1982.

Parallèlement, 5 emprunts ont été retirés de la cote,ayant tous atteint leur échéance finale. Ce double mou-vement porte à 153 le nombre des lignes de cotation desemprunts libellés en francs luxembourgeois au 31décembre 1983.

Le taux d'intérêt moyen des nouvelles émissions s'estétabli à 10,20% prolongeant ainsi la baisse amorcée à lafin du premier semestre 1982, où l'on enregistrait untaux moyen de 12,25%.

Le marché secondaire des emprunts libellés en francsluxembourgeois a achevé l'année 1983 sur des résultatstrès semblables à ceux de 1982.

Le volume des transactions enregistré en Bourse deLuxembourg a accusé une baisse légère de 3,87% encomparaison de l'exercice précédent. La baisse la plussensible se situe dans le secteur public luxembourgeois(-12,23%), alors que seuls les emprunts des organis-mes supranationaux ont donné lieu à des échanges plusimportants (+1,39%). Une même stabilité se rencontreau niveau du nombre de transactions par emprunt coté:près de 58 en 1982; plus de 59 en 1983. Au nombre detransactions, les emprunts en monnaie nationale oc-cupent la deuxième position. La première revient àl'ECU avec plus de 140 transactions par emprunt.

Quant aux taux de rendement à échéance finale desemprunts libellés en francs luxembourgeois, ils re-flètent assez bien les caractéristiques du marché pri-maire. D'une évolution plutôt irrégulière en débutd'année, ils accusent une baisse assez sensible à la fin dumois d'avril, avec un retard cependant pour les fondsd'Etat dont la baisse s'accentue seulement en juin. Lesecond semestre voit s'amorcer une reprise, lente maisrégulière.

Le marché des emprunts internationauxLe volume des emprunts internationaux émis publi-

quement sur l'euro-marché a atteint un sommet de 44,2milliards de dollars US, alors que le montant moyen parémission ne cessait de croître pour s'établir à près de 92millions de dollars US (80 millions en 1982).

Ainsi, la Bourse de Luxembourg a admis à sa cote of-ficielle 298 emprunts internationaux libellés en devi&es.

Parmi ces nouvelles admissions à la cote, il faut cons-tater l'absence, pour la deuxième année consécutive,des émissions en DTS et francs français. Par contre, onassiste à un regain d'intérêt à l'égard des émissions endollars australiens (5 admissions représentant un totalémis de 155 millions de dollars australiens) et livres ster-ling.

Mais l'année 1983 aura surtout été marquée par l'uti-lisation accrue de l'ECU. Avec 45 admissions en 1983,le nombre d'emprunts libellés en cette monnaie compo-site et cotés en Bourse de Luxembourg triple en un seulexercice. En effet, au terme de 1983, on compte 67emprunts en ECU pour 22 fin 1982. Les incertitudes quiont régné tant sur le marché des changes que sur les tauxd'intérêt ont favorisé cette croissance de l'ECU qui, parson caractère de devise-panier, offre une stabilité et unesécurité non négligeables. Le cercle des emprunteursévoluant sur ce marché s'est également considérable-ment accru et diversifié en 1983.

16

Page 18: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

L'année à venir sera une année cruciale pour ce mar-ché euro-obligataire puisqu'en septembre prochain,pour la première fois depuis sa constitution, la composi-tion du panier des monnaies qui constituent l'ECU serarevue.

Quant au dollar US, avec 210 admissions en Boursede Luxembourg, il égale ses performances de 1982 et semaintient comme étant la monnaie d'emprunt préféréedes émetteurs. Le premier semestre 1983 a été marquépar l'admission d'émissions à paiement partiel ou dif-féré et par 5 séries de Bons Hypothécaires «ModifiedPass-Through Mortgage-Backed Securities» émises parla «Government National Mortgage Association(GNMA)», garanties par le gouvernement fédéral desEtats-Unis et, ayant choisi la place financière deLuxembourg pour une première cotation officielle.

L'ensemble de l'année 1983 se caractérise par troisphénomènes:

- le manque d'intérêt à l'égard des «zero couponbonds»;

- la reprise, après le premier semestre, du marché desémissions à taux d'intérêt flottant, favorisée par l'in-certitude sur l'évolution des taux d'intérêt. On y amême enregistré la plus importante émission dumarché obligataire avec l'emprunt à taux d'intérêtflottant de 1,8 milliard de dollars US lancé par laCommunauté Economique Européenne. Ce secteurreste toutefois dominé par les organismes financiers;

- enfin, l'attrait des émissions assorties de warrants,permettant l'acquisition d'autres valeurs: obliga-tions, actions, devises . . . 20 admissions d'em-prunts avec warrants ont été enregistrées à Luxem-bourg (18 en dollars US, 2 en livres sterling). Demême 48 émissions de warrants ont été admises à lacote (35 en dollars US, 8 en deutsche marks, 3 endollars canadiens, 1 en florins et 1 en francs suisses).

Le marché secondaire a, une fois de plus, fait preuvede beaucoup de dynamisme en Bourse de Luxembourgen cette année 1983.

Le volume total des transactions, exprimé en francsluxembourgeois a enregistré une augmentation de41,24% par rapport à 1982. Parmi les devises les plusactives sur notre marché, les meilleurs résultats re-viennent à l'ECU, suivi du yen et du dollar canadien.

Les emprunts en dollars US constituent toujours lamajeure partie des échanges (39,95%). Leur part rela-tive est cependant en assez forte diminution par rapportaux deux exercices précédents (48,31% en 1981;46,168% en 1982). Cette même situation se présenteégalement à l'égard des émissions en francs luxembour-geois, francs français et UC, alors qu'une situationinverse se profile en faveur du yen, du dollar canadien~ dans une moindre mesure cependant - , et surtout del'ECU qui absorbe les pertes enregistrées par les de-vises précitées. Sa part des échanges passe de 3,238%en 1981 à 9,891% en 1982 et 23,589% en 1983.

Les taux de rendement des emprunts internationauxPrésentent une tendance commune, très liée à l'évolu-tion des taux d'intérêt. Une baisse générale, tantôtrégulière, tantôt plus accidentée, se dessine durant lePremier semestre de l'année 1983. Une stabilisationaPparaît mi-1983 avec cependant un retard pour lefranc français, qui ne se stabilise que début septembre.

Une reprise s'amorce alors dès le début du mois d'aoûtpour se prolonger jusqu'en fin d'année, de manière plusmitigée toutefois que la chute du début de l'exercice.

Constatons encore la forte stabilité du yen et de l'UCainsi que la baisse beaucoup plus modérée de l'ECU.

Les valeurs à revenu variableTel en 1982, l'année écoulée a vu se concrétiser l'at-

trait qu'exercent sur les investisseurs les valeurs àrevenu variable. 10 actions de sociétés et 26 parts de-fonds d'investissement, soit un total de 36 valeurs, ontété admises à la cote (34 en 1982).

Le volume des échanges enregistré en Bourse de Lu-xembourg s'est accru de 50,83% par rapport au volumetraité en 1982. L'évolution est cependant fort diver-gente lorsque l'on considère les différentes rubriques devaleurs; on constate une seule baisse et ce, dans lecompartiment des actions luxembourgeoises(—19,60%); la plus forte hausse se manifeste au niveaudes actions étrangères (+140,90%). Malgré une haussesubstantielle des transactions portant sur les fondsluxembourgeois (+64,16%), l'intérêt pour le secteur«étranger» est resté primordial. Actions, certificats etfonds étrangers confondus s'approprient 66,25% dumouvement alors que cette part était de 56,31% en1982.

Les fonds d'investissementL'admission de 16 fonds de droit luxembourgeois et

de 10 fonds de droit étranger a caractérisé l'année 1983.Trois retraits de fonds luxembourgeois ont été enregi-strés, portant ainsi le nombre de fonds à 109 dont 70d'origine nationale.

La hausse par rapport à 1982 du volume des transac-tions portant sur les fonds, se chiffre à 44,92%. Lesfonds luxembourgeois interviennent pour beaucoupdans cet accroissement puisqu'ils enregistrent un gainde 64,16%, les fonds étrangers gagnant 33,55%.

Tout comme pour les actions, les cours des fondsd'investissement sont, pour la plupart, orientés à lahausse; l'évolution y est cependant encore plus pro-bante.

Le marché de l'oren Bourse de Luxembourg

Durant le second semestre de l'année 1982, les coursde l'or ont monté fortement, se confondant avec ladétente des taux d'intérêt. Après une certaine stabilisa-tion fin 1982, une nouvelle reprise se fait jour début1983, portant l'or au-delà de 500 dollars US l'once et de800.000 francs luxembourgeois le lingot. Puis, le 28 fé-vrier 1983, parallèlement à la baisse officielle du prix dupétrole, l'or perd plus de 10% en un jour. Le lingot at-teint son cours-plancher le 31 mars 1983 pour fluctuerensuite tout au long de l'année autour des 700.000francs. Le prix de l'once ne cesse de se dégrader ettombe au minimum de l'année le 21 novembre 1983,extrême encore renouvelé en décembre.

Extrait du rapport d'activité 1983 de la Bourse deLuxembourg.

17

Page 19: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

L'exposition «Turner in Luxembourgand its neighbourhood»

A l'occasion de l'exposition William Turner qui a étéinaugurée le 23 mars 1984 au Musée de l'Etat en pré-sence de Leurs Altesses Royales le Grand-Duc et laGrande-Duchesse et de Leurs Altesses Royales le Ducet la Duchesse de Gloucester, venus spécialementd'Angleterre pour honorer cet important événementculturel, Monsieur Pierre Werner, Président du Gou-vernement, Ministre des Affaires culturelles a pro-noncé un discours pour célébrer le grand peintre anglaiset l'accord culturel qui lie notre pays et la Grande-Bre-tagne, cadre dans lequel avait été organisée cette expo-sition rétrospective. Parmi les personnalités qui ontassisté à cet événement, qui rappelons-le était placésous le haut patronage de Sa Majesté la Reine ElisabethII et de Son Altesse Royale le Duc Philippe d'Edim-bourg et de Leurs Altesses Royales le Grand-Duc et laGrande-Duchesse, on a remarqué entre autres Mon-sieur Léon Bollendorff, Président de la Chambre desDéputés, accompagné de nombreux parlementaires,les représentants du corps diplomatique en poste dansnotre pays, Madame Lydie Würth-Polfer, Député-maire, ainsi que de nombreuses personnalités tantétrangères que luxembourgeoises du monde des arts etdes lettres.

Pour mémoire, rappelons ici, que grâce à l'interven-tion du Fonds culturel national, le Musée d'Etat a enri-chi ses collections par la donation d'une aquarelle deWilliam Turner dont la présentation et la remise ava-ient eu lieu au Palais grand-ducal le 24 janvier 1984.

Nous reproduisons ci-après les différents discoursqui furent prononcés à l'occasion de cette présentationau Palais grand-ducal et lors de l'inauguration de l'ex-position au Musée d'Etat.

Allocution de Son Altesse Royalele Grand-Duc à l'occasion de la remised'une aquarelle de J.M.W. Turnerpar les donateurs

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis ce matin pour un acte impor-tant: la remise par les donateurs d'une aquarelle de Tur-ner aux autorités luxembourgeoises.

Déjà à Vianden, l'année dernière, j'avais eu l'occa-sion de souligner la nécessité de faire face aux aspira-tions culturelles malgré la rigueur des temps. Ainsi unjour, d'autres générations pourront constater que dansles années 1983/1984, les pires d'une crise économiquede longue durée, les Musées de l'Etat acquirent, grâceaux efforts solidaires d'une poignée de donateurs, uneoeuvre de William Turner, l'un des plus grands aquarel-listes du monde.

Ce peintre anglais nous tient à coeur parce que dansses longs voyages à travers l'Europe il parcourut aussiles pays entre Meuse et Moselle, c.-à-d. nos régions.Celles-ci furent donc l'un des champs d'expérimenta-tion qui permit à l'artiste d'étudier le frémissement du

vent et de l'eau, les variations de la lumière, de l'aubeau crépuscule.

Etrange coïncidence que de voir deux Anglais sepencher sur le Luxembourg dès ses débuts. L'un, le Ducde Wellington, pour le créer en 1815 autour de la forte-resse, l'autre, Turner, pour fixer cette même forteressesur de splendides aquarelles.

Je vous prie, Monsieur le Ministre des Affaires Cul-turelles, de bien vouloir prendre possession de ce beautableau et je vous passe la parole.

Allocution de Monsieur Pierre Werner,Président du Gouvernement,Ministre des Affaires culturelles

Monseigneur,

Je prends volontiers possession pour compte du Mu-sée d'Histoire et d'Art de l'aquarelle gouachée réaliséeen 1834 pendant un de ses séjours à Luxembourg par legrand peintre anglais que fut Joseph Mallord WilliamTURNER. Le tableau enrichira singulièrement les col-lections de notre Musée National. Sa grande qualitépicturale, son évocation visionnaire du site et de lamasse fortifiée de notre capitale, que Goethe a décritecomme «ein an- und übereinander gefügtes Kriegsge-bäude», qui confond l'imagination, sont d'une rarebeauté et traduisent éloquemment le meilleur du génielumineux du peintre. L'acquisition en son temps decette aquarelle par le fameux critique et sociologueJohn RUSKIN nous vaut d'ailleurs comme certificationde son insigne valeur.

Monseigneur,

Permettez-moi de remercier dans Votre Augustepersonne à la fois le promoteur de cet exceptionnelinvestissement culturel et un des donateurs généreux,en joignant à l'évocation de Votre Mérite celui deS.A.R. Madame la Grande-Duchesse. L'expression dema profonde gratitude va ensuite aux personnalités etaux sociétés qui, dans une remarquable communion degénérosité, ont rendu possible ce qui, il n'y a pas si long-temps, aurait été considéré comme impossible ou dumoins incompatible avec les moyens mis normalementà la disposition de notre Musée National.

Le Fonds Culturel National, créé par la loi du 4 mars1982, a pu servir d'intermédiaire et de véhicule pour laréalisation de ce don. Je suis particulièrement heureuxde constater que depuis sa création encore récente, ceFonds a déjà rendu des services éminents à notre pro-motion culturelle, artistique et scientifique, qui ont cul-miné dans la présente manifestation d'un mécénatmagnanime.

Sa mise en oeuvre et l'écho que le Fonds a trouvécorrespondent parfaitement aux espoirs que nous yavions mis. Je suis sûr qu'il constituera également aucours des années à venir une pièce maîtresse de notredéploiement culturel.

18

Page 20: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Allocution de Monsieur Pierre Werner,président du Gouvernement,Ministre des Affaires culturelles

Your Royal Highnesses,Your Excellencies, Ladies and Gentlemen,Two months ago I had the great pleasure of handing

over to this National Museum a precious gift that hadjust been made to the «Fonds Culturel National» by ateam of generous donators headed by our SovereignH.R.H. the Grand-Duke. That donation consists of arather small, but extremely fine and well preservedwatercolour, showing a very impressive bird's eye viewof the City and fortress of Luxembourg, the so-called«Gibraltar of the North».

Its author: Joseph Mallord William Turner, «thegreatest landscape painter who has ever lived», as JohnRuskin said!

Exactly 150 years have gone by, since the famousEnglish painter stayed in Luxembourg; at that time, afederal fortress under the command of a Prussian mili-tary governor. According to a letter of John Ruskin(kept also in this National Museum!) Turner was veryfond of the Luxembourg scenery, probably not less thanhis illustrious German predecessor Goethe. He wasobviously impressed by it, otherwise he would not havereturned to the same place, I believe. J. Ruskin reportsto his disciple William Ward about some difficultiesencountered in drawing: «At Luxembourg you can donothing. The sentinels would stop you instantly. Turnercould draw with his hands in his coat-tails, or while thesentinel walked the other way!»

At the time when J. Ruskin wrote those words, i. e.in 1867, Turner would have been free to move and drawat his ease in Luxembourg: as a matter of fact, the con-ference of London had just declared our Grand-Duchya perpetually neutral state, placed under the collectiveguarantee of the great European Powers.

Today we know only too well what happened to ourindependence and our neutrality twice in this century!The sufferings of our population, especially during theSecond World War, taught us that we owe much to theBritish Nation (a symbol of freedom and democracy)and especially to her grand leader, Sir Winston Chur-chill. We Luxembourgers will never forget this!

But let us come back to William Turner, who (as youknow) realized in Luxembourg some dozens of water-colours and sketches. Sensitive and visionary, theyfigure among the most convincing works of art whichever inspired the numerous artists who chose our capi-tal as their favourite motive. Most of these Luxembourgdrawings (as far as they can be identified) came, bymeans of the huge Turner Bequest, to the BritishNation. Nowadays they are kept mainly in the BritishMuseum and the Täte Gallery; but soon they will be

definitively housed in the new Turner Museum, which,if I am well informed, is under construction near theTäte Gallery in London. Everybody here is conscious ofthe fact that after the opening of that National Shrinenear the River Thames, Turner will never leave hishome again.

This was one of the main reasons for me and my colla-borators to make every imaginable effort in order tobring back Turner's Luxembourg views for some weeksto their «native» town. I confess that this bold projectwas an old dream of mine - and concomitantly one ofDirector Thill's — and I am very happy to see it carriedout before the end of my political career. Of course, theenterprise «Turner in Luxembourg» would not havebeen possible without the persevering interventions ofour British friends, especially the Ambassadors JohnROPER, Jeremy THOMAS and Humphrey MAUDand those responsible in the British Museum and theBritish Council. No doubt, the generosity of the Boardsof Trustees of the British Museum and the Täte Gallerywas the «conditio sine qua non» for our success, as wellas the collaboration of the competent curators, namelyMr. John ROWLANDS and Mr. Andrew WILTONwho were most helpful to this Museum's organisationcommittee.

Heart-felt «Thanks» to all of them and to all those Imight have forgotten to mention.

I should like to express my deep gratitude to H.R.H.the Duke of Gloucester, who has agreed to come to thisinauguration in a double capacity: as a Member of theBoard of Trustees of the British Museum and also as therepresentative of the Court of Saint James. When in1976, Queen Elizabeth honoured this Museum withHer gracious visit, I remember that Her guide was gladto be able to show Her some tiny, photographic repro-ductions of Luxembourg-Turners among original pain-tings of Luxembourg artists. Today we are proud toshow to Her Majesty's representative all these beautifuloriginals.

Our gratitude goes as well, of course, to their RR.HH. the Grand-Duke and the Grand-Duchess, who bypatronising this unique cultural event, together withHer Majesty the Queen and H.R.H. the Duke of Edin-burgh, helped once again to make things work so mucheasier.

The numerous and interested audience at tonight'sopening seems to be the surest guarantee for an out-standing success of the exhibition: «Turner in Luxem-bourg and its neighbourhood.»

19

Page 21: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

La Loi sur le régime des langues au Grand-DuchéLe 25 janvier 1984, la Chambre des Députés a adopté par 48 voix contre 3 et 5 abstentionsle texte du projet de loi sur le régime des langues. Le texte de la loi a été publié au Mémo-rial, recueil de législation, A-16 du 27 février 1984, que nous reproduisons ci-après:

Loi du 24 février 1984 sur lerégime des langues

Art. 1er. — Langue nationaleLa langue nationale des Luxembourgeois est le

luxembourgeois.

Art. 2. - Langue de la législationLes actes législatifs et leurs règlements d'exécution

sont rédigés en français. Lorsque les actes législatifs etréglementaires sont accompagnés d'une traduction,seule le texte français fait foi.

Au cas où des règlements non visés à l'alinéa quiprécède sont édictés par un organe de l'Etat, des com-munes ou des établissements publics dans une langueautre que la française, seul le texte dans la langueemployée par cet organe fait foi.

Le présent article ne déroge pas aux dispositions ap-plicables en matière de conventions internationales.

Art. 3. - Langues administratives et judiciairesEn matière administrative, contentieuse ou non con-

tentieuse, et en matière judiciaire, il peut être fait usagedes langues française, allemande ou luxembourgeoise,sans préjudice des dispositions spéciales concernantcertaines matières.

Art. 4. - Requêtes administrativesLorsqu'une requête est rédigée en luxembourgeois,

en français ou en allemand, l'administration doit se ser-vir, dans la mesure du possible, pour sa réponse de lalangue choisie par le requérant.

Art. 5. - AbrogationSont abrogées toutes les dispositions incompatibles

avec la présente loi, notamment les dispositions sui-vantes:

- Arrêté royal grand-ducal du 4 juin 1830 contenantdes modifications aux dispositions existantes ausujet des diverses langues en usage dans le royaume;

- Dépêche du 24 avril 1832 à la commission du Gou-vernement, par le référ. intime, relative à l'emploide la langue allemande dans les relations avec ladiète;

- Arrêté royal grand-ducal du 22 février 1834 concer-nant l'usage des langues allemande et française dansles actes publics.

Rapport de la Commission spéciale

A titre de documentation nous reproduisons ci-aprèsle rapport de la Commission spéciale dans lequel sontretracés la genèse du projet de loi sur le régime deslangues et l'historique de notre langue nationale.

Objet du projet de loiL'objet du projet de loi est de proclamer la langue

maternelle des Luxembourgeois comme langue natio-nale et de réglementer l'usage des langues au Grand-Duché de Luxembourg.

Pour ce faire, le projet de loi va plus loin que ne l'en-visage la Constitution qui, en son article 29, laisse lesoin à la loi de régler l'emploi des langues d'une façonglobale; c'est d'ailleurs la première tentative législativequi va dans ce sens.

Le projet de loi No 2535 a été déposé le 27 octobre1981 à la Chambre des Députés par le Président duGouvernement, Ministre d'Etat, répondant à un voeuexprimé par la Chambre dans une motion adoptée le 17juin 1980. Par la suite, une Commission Spéciale a étéinstaurée pour analyser le projet de loi. Après de longsmois de travail, la Commission a voté le 1. 7. 1983, àl'unanimité de ses membres, le rapport de ses discus-sions. Elle propose un texte de loi amendé au vote de laChambre des Députés.

De la naissance de l'identité nationaledes Luxembourgeois

L'histoire des peuples nous montre que souventl'identité culturelle, commune à un groupe, était lepoint de départ pour la création d'une entité étatique.En ce qui concerne le Luxembourg, le contraire estvrai: le pays actuel et la nation ont été créés artificielle-ment, et l'identité nationale des Luxembourgeois nes'est développée que lentement par la suite.

En 1815, lors de la création de l'Etat luxembourgeois'pour de pures raisons de politique internationale (lapopulation ne jouant aucun rôle dans la genèse du pays)le sentiment national luxembourgeois ne s'est guèremanifesté. Ce n'est que par la suite — et par réactioncontre des décisions parfois maladroites de leurs diri-geants — que les habitants du pays ont peu à peu eu l'im-pression d'être une entité, un tout différant des nationsqui les entouraient. Cette conscience de vouloir êtreune communauté particulière s'est d'abord — au milieudu 19e siècle — dirigée contre la garnison prussienne,qui (avec son «Kadavergehorsam») allait à l'encontrede la mentalité des autochtones. En effet, les Luxem-bourgeois, de descendance paysanne, ne pouvaientsupporter l'état dominateur et la taxation excessive: laprise de conscience des droits de l'individu trouvait unécho parfait dans la presse nationaliste du temps.

Par la suite, les Luxembourgeois allaient être plusd'une fois en désaccord entre eux; dans la population, ily avait (surtout parmi les intellectuels) un profond cli-vage entre germanophiles et francophiles. Mais cestiraillements entre deux cultures avaient aussi du bien:le sentiment national pouvait se développer dans un

20

Page 22: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

certain champ de neutralité entre deux civilisations. LesLuxembourgeois pouvaient tirer un profit maximum del'apport original de la France et de l'Allemagne sansappartenir entièrement à aucune des deux entités.

Il fallait attendre le référendum de 1919 avant que nese manifeste pour la première fois la volonté expressedu peuple de ne pas dépendre d'un grand voisin, maisd'être une nation indépendante. Il est intéressant denoter que, lors du référendum de 1919, était appliquépour la première fois le suffrage universel: ce n'étaientdonc plus une poignée de notables généralement attiréspar des intérêts étrangers qui décidaient du sort dupays, mais bel et bien la «masse silencieuse», gardiennede ki langue et de l'indépendance.

Un deuxième référendum allait consolider définitive- -ment l'identité nationale des Luxembourgeois. C'étaitle 10 octobre 1941, lorsque à la fameuse «Personen-standsaufnahme» les Luxembourgeois suivaient le motd'ordre lancé par les organisations de résistance etrépondaient 3 fois «lëtzebuergesch» aux questions con-cernant la nationalité, la langue maternelle et l'apparte-nance ethnique. Le «Grand Jour»; où un petit peupletenait tête à l'envahisseur nazi, qui avait vaincu la Bel-gique et la France et qui préparait l'invasion de l'URSS,allait être le point de départ d'une résistance à touteépreuve contre un envahisseur des plus abjects. La soli-darité nationale lors du référendum de 1941 était unemanifestation spontanée et significative d'une identiténationale, qui se définissait instinctivement par lalangue luxembourgeoise.

L'identité nationale, le sentiment d'appartenir à uneentité différente de celle des nations qui entouraient leGrand-Duché de Luxembourg, s'est donc développéegraduellement, toujours en réaction contre une attaquevenant de l'extérieur. L'unanimité s'est faite le plussouvent autour de la langue maternelle, base de l'iden-tité nationale et l'un des principaux déterminants de lacohésion du groupe.

En 1957 Pierre FRIEDEN (Ministre d'Etat) écrivait:«Ce dialecte franco-mosellan en dépit de son vocabu-laire en majeure partie germanique, présente une origi-nalité visible dans sa structure, dans ses articulationslogiques, dans sa tournure et plus encore dans sonesprit. Car c'est l'esprit, c'est la sensibilité, c'est l'imagi-nation, c'est le rythme et l'intonation et non la menuemosaïque des mots qui font la langue. Il y a dans notreparler un je ne sais quoi d'inexprimable qui court dansles veines des mots, un reflet de notre àme, et par là celanguage fruste,rude et disgracieux se rapproche du plusélégant, le français. Et c'est peut-être cet accord pro-fond entre l'âme du peuple et sa langue qui a protégé sasensibilité et sa volonté politiques. C'est à son parlerque se reconnaît ce peuple plus qu'à son drapeau quis'identifie presque aux drapeaux français et hollandais.Le patois est le véritable critère de la nationalité luxem-bourgeoise. Et d'où qu'il tienne sa culture, ses lettres,sa science, c'est toujours à son patois que le Luxem-bourgeois retourne. C'est le patois que parle ce peupletrilingue quand il est chez lui et entre lui; et cela danstoutes les couches de la population. Si fier que soit unLuxembourgeois de son trilinguisme qui lui permet deparler et d'écrire l'allemand et le français, il est plus fierencore d'entendre à l'étranger résonner, comme unecho de la patrie et comme une voix amie,"son patoisquotidien.»

La langue luxembourgeoise contient des élémentsdes langues de tous les peuples qui ont exercé leurdomination sur l'actuel Grand-Duché. Les influencesfrancophones et germaniques sur notre parler nationalpeuvent être détectées dès le 10e siècle. Nous possé-dons des documents démontrant clairement que peuaprès la naissance de la Ville de Luxembourg, la créa-tion d'une école était sujette à la condition qu'on yenseigne l'allemand et le français. Et, quoique des des-cendants de la branche de nos comtes aient porté la cou-ronne du St. Empire romain de nation germanique, ilest établi que le français était la langue de leur cour.

Le passage des Bourguignons, Espagnols, Français etAutrichiens a eu un impact certain sur le développe-ment spécifique de notre situation linguistique.

Après 1815 — et pour des raisons purement poli-tiques — le Roi Grand-Duc Guillaume 1er a misé soitsur le français, soit sur le néerlandais, soit sur l'alle-mand. Et il semble bien que par réaction certains citoy-ens aient alors mis en évidence ce qui leur était propre:la langue luxembourgeoise. C'est d'ailleurs à cemoment-là que naît notre littérature nationale. Etl'oeuvre de Antoine MEYER «E' Schreck op de' Letze-burger Parnassus» est le premier livre publié en luxem-bourgeois (1829). Par la suite, c'était la poésie luxem-bourgeoise qui devenait (et qui l'est encore de nosjours!) le plus fidèle miroir du sentiment national:«c'est en elle qu'on sent battre le coeur d'un peuple!»On n'a qu'à lire les poèmes de nos chantres nationauxLENTZ, DICKS et RODANGE pour comprendre laspécificité du caractère national luxembourgeois etpour se rendre compte que notre langue maternelle estun parler riche dans lequel tout sentiment et toute pen-sée peuvent être exprimés. D'ailleurs, jusqu'à nosjours, le luxembourgeois ne cessera d'être le moyend'expression préféré d'un grand nombre de poètes etd'écrivains de grand talent. Aujourd'hui, la création enlangue luxembourgeoise est plus féconde que jamais: àaucune période de notre histoire les poètes et écrivainsse sont autant servi de leur langue maternelle que denos jours. Peut-être parce que les créateurs - plusencore que les autres citoyens — savent profondémentque la formation du coeur et du sentiment est fondéesur la langue maternelle.

Si, au 19e siècle, un grand nombre de poètes avaientchoisi le luxembourgeois pour exprimer leurs senti-ments, il y allait autrement de l'établishment, qui pré-férait s'exprimer dans des langues étrangères. Lesusages linguistiques dans notre parlement sont unexemple éloquent de cet état de fait. Il est vrai qu'en1848, lors de la Constituante à Ettelbruck, les députésANDRE et METZ se sont entretenus en luxembour-geois. Mais il est tout aussi vrai que — lorsque CM.SPOO parla le 10 novembre 1896 à la Chambre enluxembourgeois — les partisans de l'ordre établi n'éta-ient pas prêts à accepter la langue luxembourgeoisedans l'enceinte sacrée du parlement. Et (le mercredi 9décembre 1896) 30 députés rejettent l'utilisation de lalangue luxembourgeoise au parlement: 1 député (C;M.SPOO) vote pour, un autre député (BRINCOÛR)s'abstient: après ce vote clair et désastreux, les députésn'avaient le droit de s'exprimer qu'en français ou enallemand.

21

Page 23: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Il est intéressant de lire les arguments des députés del'époque qui voulaient bannir le luxembourgeois duparlement:

«un idiome, qui, il faut bien le reconnaître, n'est pasfait pour relever nos débats» ;

«si, dans cette enceinte, l'usage du patois luxem-bourgeois devait se généraliser, je crois que nos débatsdégénéraient en des espèces de débats publics qui peu-vent trouver leur place dans une réunion électorale, quipeuvent ne pas dépasser l'enceinte d'un cabaret, maisqui, à mon avis, ne sont pas faits pour être produits dansun parlement»;

«la dignité parlementaire (...) nous prescrit un cer-tain décorum, décorum de mise extérieure. Personnene s'est jamais permis de mettre ici les pieds en blouse.Eh bien, pareillement, il ne doit pas être permis d'em-ployer ici un.patois quelconque du pays»;

«Messieurs, avant tout je vous prierai de réfléchir àce que le patois servira bien plus facilement de marche-pied aux familiarités d'abord, aux nervosités, auxexplosions de mauvaise humeur ensuite, et aux triviali-tés à la fin».

Après la présentation de ces «arguments», le députéC.M. SPOÓ tint en luxembourgeois un très beau dis-cours pour défendre la langue luxembourgeoise (letexte du compte-rendu est en allemand, car les sténo-graphes n'étaient pas capables de reproduire le discoursdans la langue originale), ce qui fit dire au députéBRINCOUR (pour motiver son abstention) . . . «l'ho-norable M. SPOO a prouvé par son discours qu'on peuttrès bien exprimer;, à l'aide du patois luxembourgeois,des idées élevées et des sentiments profonds».

La décision de la Chambre contre la langue luxem-bourgeoise avait scandalisé les émigrés luxembourgeoisaux Etats-Unis. Le 7 janvier 1897, la «LuxemburgerNationalzeitung» de Chicago était bordée de noir ensigne de deuil!

De nos jours (et surtout depuis que le compte-renduanalytique des débats de la Chambre est imprimé enlangues originales) la majeure partie des discours à laChambre des Députés sont tenus en luxembourgeois.L'expérience montre que SPOO et BRINCOURavaient raison et que les détracteurs de notre languematernelle étaient dans le tort: il est possible d'expri-mer en luxembourgeois des idées élevées et des senti-ments profonds . . . et le parlement n'est pas moinssérieux de nos jours qu'il ne l'était à l'époque où seulesles langues française et allemande étaient admises dansson enceinte!

Le passé nous montre que les véritables composantesde notre identité nationale sont formées par l'interac-tion des langues allemande et française d'une part (leLuxembourg était et est un pont entre les cultures fran-çaise et allemande) et l'apport luxembourgeois (qui faitéquilibre entre ces deux fleurons de la culture euro-péenne) d'autre part. «Apatrides» entre deux grandescultures, nous avons dû, pour pouvoir survivre dansl'indépendance affirmer notre caractère particulier.Ceci était vrai dans le passé. Ceci est encore le cas denos jours, puisque «développer le sentiment national etavoir conscience^ de notre identité est absolumentnécessaire pour que le petit Luxembourg réussisse àgarder sa particularité face à ses grands voisins» (PierreWERNER, 22 juin 1978).

Une des particularités des Luxembourgeois est le tri-linguisme. Et cet élément fondamental de notre iden-tité nationale est pleinement mis en évidence par leprésent projet de loi.

Le trilinguisme en tant que basede l'identité nationale

L'histoire du Luxembourg montre que tout au longdes siècles, les langues allemande et française étaientemployées sur notre territoire. Ce fait n'étonne nulle-ment lorsqu'on prend en considération la positiongéographique du pays entre une grande communautégermanophone et une importante communauté franco-phone: pour pouvoir communiquer avec leurs voisins —voire avec le pouvoir étranger sur leur propre territoire— nos ancêtres se devaient de comprendre les deuxgrandes langues de culture. Pendant des siècles, lesLuxembourgeois vivaient entre Gallia et Germania,sans pourtant jamais appartenir pleinement à l'un desgrands voisins. La même situation existe encore de nosjours: l'allemand et le français sont utilisés au Grand-Duché, ces deux langues étant confinées à des usagesspécifiques, tandis que le luxembourgeois sert delangue véhiculaire. Les Luxembourgeois se distinguentdes Français par le fait qu'ils utilisent dans la communi-cation entre eux le luxembourgeois et non pas le fran-çais. Ils se distinguent des Allemands par le fait qu'ilsutilisent dans certains domaines de la vie publique lefrançais et que cette langue sert de réservoir lexique etsémantique pour le luxembourgeois. On peut donc direque le garant de l'identité luxembourgeoise n'est ni l'al-lemand, ni le français, ni le luxembourgeois, mais bel etbien le trilinguisme propre aux Luxembourgeois. Toutetendance qui irait à l'encontre de ce trilinguisme, s'op-poserait à ce qui fait l'originalité de notre identité natio-nale. Il s'agît donc de préserver et de renforcer nos con-naissances des langues étrangères, incomparable atoutculturel et économique des Luxembourgeois. Mais enmême temps il importe de ne pas négliger notre languematernelle, sans laquelle il ne peut y avoir d'identiténationale saine et équilibrée.

De l'importance de la langue maternelle

Tout en sachant que la connaissance adéquate deslangues française et allemande est nécessaire à toutLuxembourgeois, il ne faudrait en aucun cas sousesti-mer l'importance de notre langue maternelle.

Toute langue maternelle, qu'elle soit langue de cul-ture ou d'usage, joue un rôle prépondérant dans ledéveloppement de l'enfant. La langue maternelle estdéterminante pour la naissance de la pensée, qui seforme par «verbalisation intérieure». Neurophysiolo-gues, psychologues et linguistes ont démontré qu'il y aune étroite interdépendance entre le langage et la pen-sée. Si la langue maternelle est pauvre, la pensée, qui secalque sur la grille linguistique, ne peut pas être riche.Selon le Dr Paul CHAUCHARD («Le langage et lapensée») «L'enfant qui n'a pas reçu en temps voulu unéquipement de pensée suffisant ne peut plus l'acquérirpar la suite: le cerveau perd ses possibilités. La penséede l'homme est totalement tributaire du langage qu'il aappris enfant». Sachant que les premières années de lavie d'un être humain sont les plus importantes pour l'ac-quisition du langage, l'importance d'une langue mater-nelle riche devient évidente. Ce sont d'ailleurs ces

22

Page 24: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

acquis de la science moderne qui font dire au Conseild'Etat dans son avis du 12 octobre 1982: «Cette inter-dépendance entre le langage et la pensée oblige de s'oc-cuper activement du développement de la langue, car sicelle-ci est pauvre, grossière, insuffisamment nuancée,manquant de locutions et de mots permettant uneexpression précise, le développement de la pensée ensouffre.»

Notons aussi que des hommes de science japonais ontdécouvert récemment que la langue maternelle est par-faitement localisable dans le cerveau humain, et quecette langue est située à un autre endroit du cerveau quetoutes les autres connaissances linguistiques acquisespar la suite (Courrier de l'Unesco).

Ce n'est donc point un trait de nationalisme extré-miste que de plaider pour une bonne connaissance denotre langue maternelle et pour raffinement de cemoyen d'expression: le développement intellectuel desjeunes Luxembourgeois est à ce prix.

Il y a encore un autre argument qui plaide en fa-veur d'une langue maternelle aussi riche que possible:c'est l'acquisition des langues étrangères qui se fait leplus souvent par analogie avec la langue de base. Si lalangue maternelle, en tant que langue de base, estpauvre, il sera difficile (sinon impossible) de pénétrertoute la richesse des langues étrangères que les enfantsluxembourgeois doivent apprendre au plus tard avecleur entrée à l'école primaire.

D'ailleurs, le fait que nombre de Luxembourgeoiss'expriment parfaitement en français et en allemandmontre clairement que leur langue de base (en l'occur-rence le luxembourgeois) est une langue aux structureset au vocabulaire suffisants. Le luxembourgeois n'estpas une langue pauvre; mais ce sont les connaissanceslinguistiques de certains Luxembourgeois qui ne sontpas riches et suffisamment étoffées.

Pour remédier à une sous-alimentation linguistiqueaux premiers stade de la vie, la langue maternelle,transmise par les parents et par les proches au petitenfant, doit être aussi complète que possible. Il est unfait que le niveau social joue un rôle prépondérant encette matière.

Au lieu de reléguer la langue luxembourgeoise audeuxième plan, il s'agit donc de faire — et ce à tous lesniveaux — les efforts nécessaires pour que notre parlernational s'affine et s'enrichisse. Elever la langue luxem-bourgeoise au rang de langue nationale du pays n'estqu'un acte symbolique, qui restera sans véritable effetaussi longtemps que les Luxembourgeois ne prendrontpas conscience de l'importance de leur langue mater-nelle. Pendant ces dernières années, on est en face d'unvaste mouvement spontané venant de toutes les régionsdu pays et issu de toutes les classes sociales, cette prisede conscience générale laisse prévoir qu'à l'avenir leluxembourgeois aura la place qui lui revient de droit etqu'il faut en outre lui donner par pure nécessité, si ledéveloppement intellectuel des générations futuresnous tient à coeur.

Un argument qu'il ne faut pas négliger dans un plai-doyer pour la revalorisation de la langue maternelle, estcelui de l'importance pour l'être humain des «racines».Or, la langue maternelle est un des éléments majeursqui forme ces racines, par le fait même que la con-science des choses et de l'environnement passe néces-

sairement par le premier langage véhiculaire. Ne pasdonner la possibilité de bien s'exprimer revient souventà appauvrir le développement culturel de l'être. Plustard, lorsque cette personne sera mise en contact avecd'autres cultures (p. ex. par le biais de l'apprentissagedes langues allemande et française), elle ne sera pascapable d'assumer psychologiquement la richesse deces cultures . . . et risque de ce fait de vivre en pleineschizophrénie culturelle. Tandis qu'une personne, quia des bases culturelles sérieuses, sera capable d'assimi-ler d'autres cultures (qui seront alors un apport positifet non pas destructif) sans pour cela se défaire de son-identité propre.

Pourquoi cette loi?Lorsque, en 1980, la «Deutsche National-Zeitung»

écrivit dans une parfaite tradition nazie: «3.000 Luxem-burger sind als Soldaten für Deutschland gefallen. DieHeimkehrer aber waren nach dem Sieg schwersten Ver-folgungen ausgesetzt. Der deutsche Dialekt wurde alsluxemburgische Sprache deklariert. Die Bevölkerungaber redet deutsch und liest deutsch. Die luxemburgi-schen Kinder werden in Deutsch unterrichtet, müssenaber schon ab dem zweiten Schuljahr Französisch büf-feln, damit sie als Untertanen die Amtssprache derObrigkeit verstehen . . .» il y eut une levée de bou-cliers au Grand-Duché. Ce fut là une réaction bien com-préhensible, quand on pense à la fameuse «Personen-standsaufnahme» du 10 octobre 1941, et quand on a àl'esprit le combat que menaient sous l'occupation nazieles compatriotes luxembourgeois pour préserver notreidentité propre et notre parler national.

La Chambre des Députés se fit le porte-parole de lapopulation, et après une discussion animée, pendantlaquelle des orateurs de tous les partis exprimaient leurindignation en séance plénière, la motion suivante futadoptée le 17 juin 1980 à l'unanimité:'

«D'Chamber

protestéiert geint déi Schmod, déi eiser Hémecht aneiser Sprooch periodesch vun daitscher Sait emmererem ugedoe get,

bedauert, dass am Ausland platzeweis d'Identitéitvun eisern Land total falsch dohinnergestallt get, an dathistoresch a patriotesch Tatsachen verdréint gin,

erënnert drun, datt den 10. Oktober 1941 d'Letze-burger, opgemontert durch d'Resistenz, sech geschlos-sen zum Letzeburgeschen als Heemechtsproochbekannt hun,

invitéiert d'Regierung fir am Kader vun der nationa-ler Instruktioun an um kulturelle Plang alles ze enner-huelen, fir eis spezifesch letzeburgesch Identiteit hei amLand an iwert d'Grenzen eraus ze weisen an ze staipen,

weist drop hin, datt ouni eng sproochlech Adapta-tioun, d'Integratioun vun 90.000 Auslänner problema-tesch bleiwt, a wenscht dof ir, datt der Actioun Letze-burgesch an ähnlechen Organisatiounen déi néidegStaip zougesot get an hirer Initiativ, Coursen am Letze-burgeschen ze organiséieren,

verlangt, datt der wirklecher Sproochesituatioun aneisern Land Rechnung gedroe get, an datt esou séierwéi méiglech d'Letzburgescht och durch Gesetz alsNationalsprooch proklaméiert get,

23

Page 25: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

bied d'Regierung, gemäss dem Artikel 29 vun derConstitutioun e Gesetzpro jet ze préparéieren den deStatus an de Gebrauch vun den offizielle Sproochenregelt.»

(s.) Reding, Gremling, Hamilius, Schmitet Weirich.

Par la suite, le Gouvernement mit en route lamachine législative pour répondre au voeu exprimé parla Chambre. Le projet de loi sous rubrique est le résul-tat de longs travaux préparatoires aussi bien dans lesinstances gouvernementales, qu'au Conseil d'Etat etdans la commission spéciale instaurée par la Chambredes Députés.

1) Pourquoi maintenant seulement?

Une des premières questions qui vient à l'esprit lors-qu'on analyse le présent projet de loi est:

Pourquoi ce projet de loi a-t-il été élaboré mainte-nant seulement, et non pas en 1919 ou juste après ladeuxième guerre mondiale?

Un projet de loi, tel que celui que la Chambre se pro-pose de voter sous peu, aurait été la suite logique duréférendum de 1919. Or, à l'époque, nul n'a pensé àrédiger un tel texte. On peut regretter ce fait — car quisait quelle aurait été la réaction de l'occupant nazi si unetelle loi avait existé. Peut-être (mais ceci reste dans ledomaine de la pure spéculation) le sort des Luxembour-geois aurait-il été un peu moins difficile?

Si l'on peut regretter que le projet de loi sous ru-brique n'ait pas déjà été élaboré en 1919, il faut, au con-traire, se réjouir qu'une telle initiative n'ait pas été prisejuste après la deuxième guerre mondiale. Car, à cemoment, le danger aurait été grand qu'une loi sur lerégime des langues serait peut-être devenue — par réac-tion contre l'occupation nazie — une loi «revancharde»,faisant fi de la langue allemande. Or, une telle initiativen'aurait alors pas pris en considération la véritablesituation linguistique de notre pays, où la langue deGoethe fait aussi bien partie de l'identité trilingue desLuxembourgeois que le français et le luxembourgeois.

Après la deuxième guerre mondiale, la langue lu-xembourgeoise a — dans une lente et patiente évolution— pris de plus en plus la place qui lui revient. Non seule-ment le luxembourgeois est devenu (même dans desdomaines qui lui étaient fermés jusque-là) la languevéhiculaire par excellence, mais encore a-t-on vu naîtreune riche littérature luxembourgeoise d'un niveauexcellent. Ce sont surtout nos poètes et écrivains quiont démontré qu'on peut tout dire dans notre parlernational — et le dire admirablement bien!

2) Prise de conscience à l'étranger aussi

II n'est donc point étonnant que dans ce vaste mou-vement de revalorisation de notre langue, les étrangersaient pris, eux aussi, une part non négligeable. Certainsfaits intéressants sont à relever:

a) Pendant ces sept dernières années, cinq mille étran-gers ont suivi avec succès des cours de langue luxem-bourgeoise!

b) Lors de sa visite d'Etat au Luxembourg en 1972, leprésident Georges POMPIDOU, parfait écrivain etlinguiste, a répondu aux questions d'un journalistede RTL invoquant le bilinguisme des Luxembour-geois, que selon ses connaissances les Luxembour-geois n'étaient pas bilingues, mais trilingues.

c) L'actuel ambassadeur de la République Fédérale al-lemande au Luxembourg a passé le 7 mai 1982 unexamen linguistique à l'«Auswärtiges Amt» de laB.R.D.A la suite de cet examen, les connaissances enlangue luxembourgeoise de l'Ambassadeur ont étéjugées excellentes. Cette épreuve a été soldée parune prime pour «connaissance de langue étrangèresupplémentaire»: le Gouvernement allemand adonc reconnu officiellement la langue luxembour-geoise avant qu'elle ne devienne langue nationalepar le biais du présent projet de loi.

d) Lors de la bénédiction «Urbi et Orbi» (Pâques 1983)Sa Sainteté le pape Jean-Paul II a reconnu notrelangue en souhaitant «Frou a geseent Ouschteren».

La prise de conscience ne vient donc pas seulementde la part de nos compatriotes. Notre langue commenceaussi à être reconnue par les étrangers. Voilà pourquoion peut dire — sans exagération aucune — que le tempsest mûr pour la reconnaissance officielle de la langueluxembourgeoise en tant que langue nationale'.

Le fait que l'initiative législative soit venue à la suited'une réaction contre une attaque venant de l'étranger,est parfaitement compréhensible pour tdus ceux qui sesont penchés sur notre histoire. En effet, tout au longde leur histoire, les Luxembourgeois ont pris des déci-sions positives par réaction contre des actions négativesvenant de l'étranger. Le projet de loi sur le régime deslangues entre parfaitement dans cette tradition.

3) Nationale ou officielle?

Une autre question qui est parfois soulevée en rap-port avec le présent projet de loi concerne le fait que laloi parle de «langue nationale» et non pas de «langueofficielle».

D'abord, il s'agit de définir ce que c'est qu'une languenationale. C'est le parler utilisé sur un territoire natio-nal en tous lieux, en toutes occasions, et par les citoyensde toutes les classes sociales. Tel est le cas pour lalangue luxembourgeoise.

Volontairement, le législateur n'a pas employé leterme de «langue officielle», car il aurait pu prêter àconfusion. Par «langue officielle» on comprend le plussouvent la langue administrative. Or, au Luxembourgla langue administrative n'est généralement pas lalangue nationale parlée quotidiennement par tout unchacun.

4) Langue ou dialecte?

Nos concitoyens, qui ont une approche critique en-vers le présent projet de loi, avancent souvent l'argu-ment qu'il n'est point utile d'élever un dialecte auniveau de langue nationale.

Sans vouloir prendre part à une querelle linguistiqueentre experts, la commission voudrait rendre attentif aufait que le luxembourgeois fait partie d'une branche delangues dite germanique, dont font partie aussi e. a. ledanois, le néerlandais et le flamand. Or, il ne viendraità l'esprit de personne de qualifier ces langues de «dia-lectes»!

D'autre part, la situation du luxembourgeois n'estnullement dialectale: nous n'avons pas de langue autreque le luxembourgeois qui serait commune à tous lesautochtones.

24

Page 26: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

Un dialecte, par contre, est le parler d'une régiondans une entité politique — qui, elle, emploie une seulelangue qui prime tous les autres parlers régionaux oulocaux.

A la rigueur on pourrait affirmer, que nos coloritslocaux ou régionaux (p. ex Eechternoocher, Veiener,Weelzer, Kliärrwer, Miseler, Areler . . .) sont des«dialectes» du luxembourgeois. On pourrait mêmealler à l'extrême et démontrer que le français est un«dialecte» du latin et l'anglais un dialecte germanique.D'ailleurs, l'arbre généalogique des langues de notrerégion européenne montre parfaitement que les Eur-opéens parlent des «dialectes» de l'indo-aryen!

Mais, à quoi bon ces discussions qui ne font riend'autre que prôner l'art pour l'art? Mieux vaut s'entenir au fait que le luxembourgeois, en tant que parlerd'une nation, n'a nullement une situation dialectale etpeut — sans mauvaise conscience — être érigé en languenationale.5) Langue minoritaire?

Régulièrement nous parviennent de l'étranger despublications où le luxembourgeois est rangé parmi leslangues minoritaires(*). Cette opinion on ne peut plusfausse semble aussi avoir cours à la Commission des CEet au Conseil de l'Europe . . . du moins à en juger parcertains documents officiels.

Une langue minoritaire étant une langue parlée parune minorité, on ne peut décemment pas classer notreparler national parmi les langues minoritaires. En effet,les Luxembourgeois ne sont pas (encore!) minoritairesau Grand-Duché. Le fait que le luxembourgeois ne soitparlé que par un nombre relativement restreint de per-sonnes (tandis que l'occitan, qui est une langue minori-taire en France, est parlé par un nombre supérieur depersonnes) ne doit pas induire en erreur: des langues«minoritaires» au Luxembourg seraient plutôt des par-lers comme le portugais ou l'italien! En Belgique, parcontre, le luxembourgeois, parlé par les gens de l'Are-ler Land, peut être classé parmi les langues minoritai-res. <

Comment se fait-il que les étrangers (et même ceuxd'institutions comme la Commission des CE et le Con-seil de l'Europe) ne connaissent pas notre véritablesituation linguistique? Notre trilinguisme serait-il si dif-ficile à comprendre? Ou les institutions auraient-ellesreçu de fausses données par des concitoyens ne sachantpas «vendre» notre situation linguistique réelle?

Face à ces vues exprimées par l'étranger, le présentprojet de loi s'avère être d'une importance primordiale.Une fois que la loi aura été votée, notre situation lin-guistique sera clairement établie pour l'étranger.

6) L'écueil de l'orthographe

L'orthographe de la langue luxembourgeoise a été,depuis toujours, un des problèmes majeurs pour la pro-pagation adéquate de notre langue. La plupart des pre-miers écrivains en langue luxembourgeoise ont crééleur propre orthographe. En 1914, Nik. Welter etRené Engelmann élaborent une orthographe qui estassez bien acceptée par le grand public. Mais — vu quecette orthographe était plutôt «allemande» - après ladeuxième guerre mondiale elle est remplacée par uneautre orthographe, logique mais peu pratique. La suiteest bien connue: on va de nouvelle orthographe en nou-

velle orthographe pour en arriver finalement à nos rè-gles d'aujourd'hui. Nul ne peut affirmer que l'orthogra-phe actuelle fixée par arrêté ministériel du 10 octobre1975 portant réforme du système officiel d'orthographeluxembourgeoise soit un idéal. Mais qu'à cela netienne: ce qui importe, c'est que cette manière d'écriresoit reconnue et acceptée par tous.

Il serait faux de penser que notre orthographe estmoins logique et plus artificielle que celle d'autreslangues. En effet la plupart des orthographes deslangues du monde ont été créées artificiellement. Lesorthographes des grandes langues culturelles sont an-crées dans les us et coutumes non pas parce qu'ellesseraient «meilleures» que l'orthographe de notre parlernational — mais tout simplement parce qu'elles ont étépropagées par les livres et les journaux — une propaga-tion qui (jusque assez récemment) faisait défaut auluxembourgeois.

7) Nous rendons-nous ridicules à l'étranger?

Est-ce à cause de la dimension très réduite de notrepays que certains Luxembourgeois développent uncomplexe d'infériorité? Quelle que soit la raison de cesentiment de frustration, il est un fait que nombre decompatriotes sont hypnotisés par l'étranger et poursui-vis par une étrange peur que les étrangers puissent nepas les prendre au sérieux.

Par réaction contre ce sentiment d'infériorité, cescompatriotes (pour montrer leur bonne volonté etdémontrer qu'ils ne sont nullement «inférieurs») s'ap-pliquent à être plus francophones que le plus chauvindes Français, plus allemands que le plus nationaliste desAllemands. Le luxembourgeois, en tant que parlerpopulaire, est mis, par ces compatriotes, au niveau d'unfolklore désuet et un peu ridicule: on n'en parle pas àl'étranger, sinon pour l'abaisser au niveau de dialecteun peu grossier et somme toute provincial.

Faut-il s'étonner dès lors que nombre d'étrangers -à qui on a donné une fausse image de notre languenationale — aient de notre situation linguistique uneopinion qui ne corresponde pas à la réalité? Pour ceux-là l'article premier du présent projet de loi peut bien-sûrparaître ridicule: ils jugent la langue luxembourgeoisepar l'image qu'en ont brossée ceux qui ont honte de leurlangue maternelle . . .

Quant aux étrangers qui en savent un peu plus longsur la véritable situation linguistique du Luxembourg,ils nous envient, car nos connaissances linguistiquessont à leurs yeux exceptionnelles. Il est vrai que peu depeuples peuvent se vanter d'être capables de lireGoethe dans l'original, de comprendre une pièce dethéâtre jouée dans la langue de Molière et de posséderen plus une troisième langue véhiculaire, qui elle aussia sa grammaire et sa littérature. Cette situation lingu-istique hors du commun nous vaut plus de louanges quede sourires compatissants.

Au lieu donc d'avoir honte de leur situation linguis-tique, les Luxembourgeois devraient en être fiers!8) Risques pour les connaissances du français?

D'aucuns font part de leur crainte, que le projet deloi sous rubrique risque d'avoir une influence négativesur les connaissances de la langue française des enfantsluxembourgeois. Cette crainte est sans fondement sil'on prend en considération que:

25

Page 27: Bulletin de Grand-Duché de Luxembourg documentation

le projet de loi (tout en stipulant que la langue natio- mais de la popularité de la presse et des médias d'ex-nale est le luxembourgeois) règle les usages linguis- pression allemande!tiques fondés sur le trilinguisme; la langue française Extrak du Document parlementaire No 2535 dugardera la place qu'elle a en ce moment dans notre 29 9 1983société;le danger pour les connaissances de français des Lu-xembourgeois ne vient pas d 'un article de loi . . . (*) cf. p . ex. Stephens Meic: Minderheiten in Europa.

26