travail bi-média : partie écrite

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Le Soir mai 2015 2 REPORTAGE uLe jeu vidéo a pris une place prépondérante dans la vie de la population belge. u Certains psychologues s’en inquiètent et n’hé- sitent pas à parler ouver- tement d’une « addiction ». uL’addiction au jeu vidéo existe-t-elle ou est-elle un leurre ? Une expression créée par les générations de parents inquiets des nouveaux loisirs numé- riques de leurs adolescents ? U ne Lan, acronyme de Local Area Network constitue l’événe ment de référence pour les joueurs de jeu vidéo les plus endur- cis. À Mons, la Haute Ecole en Hainaut en organise l’une des plus importantes de Belgique. Pendant trois jours, 120 joueurs se rassemblent et vont s’affron- ter dans des tournois de jeux vidéo. En l’espace d’un week- end, les ordinateurs des joueurs vont consommer autant d’élec- tricité que celle d’une maison familiale en un an. Des dizaines de mètres de câbles parcourent en long et en large les trois salles qui accueillent l’événe- ment. Jouer jusqu’au bout de la nuit Dans la première salle, des joueurs commencent à instal- ler leur matériel sur les lon- gues tables de cantine mises à leur disposition. Ils placent leur volumineuse tour d’ordi- nateur et leur écran à coté des canettes de boissons énergi- santes et des paquets de bon- bons. Certains ont poussé le zèle jusqu’à prendre leur propre chaise de bureau afin d’être confortablement assis durant les tournois. Il faut s’accrocher pour comprendre le langage des joueurs. Ils parlent de « skins », de « champions », d’ « XP » et d’anecdotes sur des par- ties passées sur LOL. Dépassé par le vocabulaire du milieu, un petit temps est nécessaire pour comprendre que LOL est en fait l’acronyme de League of Legends, un jeu vidéo en ligne qui rassemble à travers le monde plus de 500 millions de joueurs. Une annonce retentit dans les locaux. Elle marque le début du tournoi. Pendant toute la nuit, les joueurs réunis à la Lan party enchainent les parties et vont jouer pendant un peu plus de 12 heures non-stop. Pas de consensus chez les psy- chologues Autre ambiance et autre lieu. Un vent violent souffle sur Leuze- en-Hainaut, une petite ville située à une dizaine kilomètres de Tournai. Près du centre-ville, un imposant bâtiment. Les par- terres de fleurs sont soigneu- sement entretenus. La pelouse coupée au millimètre près, est digne de celle des plus beaux greens de golf. On se croirait dans un centre de vacances. Pourtant les murs et l’épais gril- lage qui entourent le bâtiment trahissent le fait qu’il s’agit d’un hôpital psychiatrique. Première rencontre avec un clinicien spé- cialisé dans les pratiques exces- sives du jeu vidéo : le docteur Pierre Tacquet. Celui-ci donne une conférence sur les addic- tions du jeu vidéo Selon l’étude qu’il a menée, un accro au jeu vidéo développe des compor- tements similaires à un toxi- comane : « Il y a toute une série de traits communs entre les deux pathologies. Le sujet accro au jeu vidéo peut éprou- ver une sensation de manque semblable à celle dont souffre un toxicomane ». Pour le doc- teur Tacquet, le fait de men- tir à son entourage sur sa pra- tique du jeu vidéo, le fait « d’en vouloir toujours plus » dans le jeu ou le sentiment de perte de contrôle du joueur sont autant d’éléments qui rapprochent la pratique pathologique du jeu vidéo à celle d’une addiction sans substances. Pourtant, tous les psycholo- gues n’ont pas la même vision du phénomène. Au Centre de Référence sur la Santé Mentale (CRéSaM) situé à Namur, nous rencontrons le psychologue Pascal Minotte. Il a écrit plusieurs ouvrages sur la problématique de la cyber- dépendance. Pour lui, utiliser le terme d’addiction dans le cas des pratiques excessives du jeu vidéo est précipité au vue de l’état actuel des recherches: « Pour le moment, il n’y a aucune étude scientifique qui prouve que l’on peut comparer un usage excessif du jeu vidéo à une addiction ». Pour Pascal Minotte, parler d’addiction au jeu vidéo est d’autant plus pro- blématique que cet « étiquetage » peut avoir des effets catastro- phiques pour l’individu: « utili- ser le terme addiction est tota- lement inapproprié car il met dans le même sac des joueurs de jeu vidéo et des toxicomanes. Or, il s’agit absolument de deux choses différentes. Cet étique- tage peut avoir un effet néfaste sur les jeunes joueurs chez qui la pratique excessive du jeu vidéo est loin d’être une addiction mais apparait comme un moyen de contester l’ordre familial ou un refuge dans une période de mal-être ». La troisième voie ? De retour à la Lan party orga- nisée à Mons. Le matin vient tout juste de se lever. À peine une petite dizaine de joueurs ont pris le temps de dormir quelques heures dans les locaux mis à disposition au troisième étage. Au rez-de-chaussée, les canettes de boissons énergisantes sont vides et les paquets de bon- bons sont bien entamés. Nous ren- controns Thibaut, étudiant en der- nière année à la polytechnique de Mons. Il a les yeux rouges et des cernes qui laissent entrevoir l’âpreté des parties jouées pendant la nuit. La question de l’addiction arrive inévitablement dans les flots de la conversation aux accents de caféine : « Des jeux vidéo comme League of Legends sont tellement prenants que le temps passe très vite. Il y a toujours moyen de s’améliorer, de déve- lopper de nouvelles stratégies. Dès lors, je comprends que cer- tains individus puissent déve- lopper une sorte de pratique pathologique du jeu vidéo mais je pense que cela reste une partie infime des joueurs ». Alors addiction ou pas ? Le compromis se trouve peut-être dans la troisième voie. Celle qui consiste à dire que l’addiction au jeu vidéo existe bel et bien mais qu’elle ne touche qu’une partie infime des joueurs. Il faut donc bien prendre garde à ne pas stig- matiser ni les individus pour qui le jeu vidéo est une passion, ni les adolescents qui trouvent dans le jeu vidéo un moyen temporaire de contester l’ordre parental mais aussi un refuge face aux vexations de la vie. Rémy Bersipont Addiction: le jeu vidéo entre le marteau et l’enclume Durant la Lan-party, les joueurs font tomber les barrières du numérique et s’affrontent en « réel » dans des tournois de jeu vidéo (©R.BERSIPONT). Un joueur s’accorde une « pause oreiller ». La plupart des joueurs resteront éveillés jusqu’au petit matin (©R.BERSIPONT).

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Dossier réalisé dans le cadre d'un cours de journalisme à l'UCL.

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  • Le Soir mai 20152 reportage

    uLe jeu vido a pris une place prpondrante dans la vie de la population belge.

    uCertains psychologues sen inquitent et nh-sitent pas parler ouver-tement dune addiction .

    uLaddiction au jeu vido existe-t-elle ou est-elle un leurre ? Une expression cre par les gnrations de parents inquiets des nouveaux loisirs num-riques de leurs adolescents ?

    Une Lan, acronyme de Local Area Network constitue lvnement de rfrence pour les joueurs de jeu vido les plus endur-cis. Mons, la Haute Ecole en Hainaut en organise lune des plus importantes de Belgique. Pendant trois jours, 120 joueurs se rassemblent et vont saffron-ter dans des tournois de jeux vido. En lespace dun week-end, les ordinateurs des joueurs vont consommer autant dlec-tricit que celle dune maison familiale en un an. Des dizaines de mtres de cbles parcourent en long et en large les trois

    salles qui accueillent lvne-ment. Jouer jusquau bout de la nuit Dans la premire salle, des joueurs commencent instal-ler leur matriel sur les lon-gues tables de cantine mises leur disposition. Ils placent leur volumineuse tour dordi-nateur et leur cran cot des canettes de boissons nergi-santes et des paquets de bon-bons. Certains ont pouss le zle jusqu prendre leur propre chaise de bureau afin dtre confortablement assis durant les tournois. Il faut saccrocher pour comprendre le langage des joueurs. Ils parlent de skins , de champions , d XP et danecdotes sur des par-ties passes sur LOL. Dpass par le vocabulaire du milieu, un petit temps est ncessaire pour comprendre que LOL est en fait lacronyme de League of Legends, un jeu vido en ligne qui rassemble travers le monde plus de 500 millions de joueurs. Une annonce retentit dans les locaux. Elle marque le dbut du tournoi. Pendant toute la nuit, les joueurs runis la Lan party enchainent les parties et vont jouer pendant un peu plus de 12 heures non-stop. Pas de consensus chez les psy-chologues Autre ambiance et autre lieu. Un vent violent souffle sur Leuze-en-Hainaut, une petite ville situe une dizaine kilomtres de Tournai. Prs du centre-ville, un imposant btiment. Les par-terres de fleurs sont soigneu-sement entretenus. La pelouse coupe au millimtre prs, est digne de celle des plus beaux greens de golf. On se croirait dans un centre de vacances. Pourtant les murs et lpais gril-lage qui entourent le btiment trahissent le fait quil sagit dun hpital psychiatrique. Premire rencontre avec un clinicien sp-

    cialis dans les pratiques exces-sives du jeu vido : le docteur Pierre Tacquet. Celui-ci donne une confrence sur les addic-tions du jeu vido Selon ltude quil a mene, un accro au jeu vido dveloppe des compor-tements similaires un toxi-comane : Il y a toute une srie de traits communs entre les deux pathologies. Le sujet accro au jeu vido peut prou-ver une sensation de manque semblable celle dont souffre un toxicomane . Pour le doc-teur Tacquet, le fait de men-tir son entourage sur sa pra-tique du jeu vido, le fait den vouloir toujours plus dans le jeu ou le sentiment de perte de contrle du joueur sont autant dlments qui rapprochent la pratique pathologique du jeu vido celle dune addiction sans substances. Pourtant, tous les psycholo-gues nont pas la mme vision du phnomne. Au Centre de Rfrence sur la Sant Mentale (CRSaM) situ Namur, nous rencontrons le psychologue Pascal Minotte. Il a crit plusieurs ouvrages sur la problmatique de la cyber-dpendance. Pour lui, utiliser le terme daddiction dans le cas des pratiques excessives du jeu vido est prcipit au vue de ltat actuel des recherches: Pour le moment, il ny a aucune tude scientifique qui prouve que lon peut comparer un usage excessif du jeu vido une addiction . Pour Pascal Minotte, parler daddiction au jeu vido est dautant plus pro-blmatique que cet tiquetage peut avoir des effets catastro-phiques pour lindividu: utili-ser le terme addiction est tota-lement inappropri car il met dans le mme sac des joueurs de jeu vido et des toxicomanes. Or, il sagit absolument de deux choses diffrentes. Cet tique-tage peut avoir un effet nfaste sur les jeunes joueurs chez qui la

    pratique excessive du jeu vido est loin dtre une addiction mais apparait comme un moyen de contester lordre familial ou un refuge dans une priode de mal-tre . La troisime voie ? De retour la Lan party orga-nise Mons. Le matin vient tout juste de se lever. peine une petite dizaine de joueurs ont pris le temps de dormir quelques heures dans les locaux mis disposition au troisime tage. Au rez-de-chausse, les canettes de boissons nergisantes sont vides et les paquets de bon-bons sont bien entams. Nous ren-controns Thibaut, tudiant en der-nire anne la polytechnique de Mons. Il a les yeux rouges et des cernes qui laissent entrevoir lpret des parties joues pendant la nuit. La question de laddiction arrive invitablement dans les flots de la conversation aux accents de cafine : Des jeux vido comme League of Legends sont tellement prenants que le temps passe trs vite. Il y a toujours moyen de samliorer, de dve-lopper de nouvelles stratgies. Ds lors, je comprends que cer-tains individus puissent dve-lopper une sorte de pratique pathologique du jeu vido mais je pense que cela reste une partie infime des joueurs . Alors addiction ou pas ? Le compromis se trouve peut-tre dans la troisime voie. Celle qui consiste dire que laddiction au jeu vido existe bel et bien mais quelle ne touche quune partie infime des joueurs. Il faut donc bien prendre garde ne pas stig-matiser ni les individus pour qui le jeu vido est une passion, ni les adolescents qui trouvent dans le jeu vido un moyen temporaire de contester lordre parental mais aussi un refuge face aux vexations de la vie.

    Rmy Bersipont

    Addiction: le jeu vido entre le marteau et lenclume

    Durant la Lan-party, les joueurs font tomber les barrires du numrique et saffrontent en rel dans des tournois de jeu vido (R.BERSIPONT).

    Un joueur saccorde une pause oreiller . La plupart des joueurs resteront veills jusquau petit matin (R.BERSIPONT).

  • Le Soir mai 2015

    reportage 2

    Aller au-del de certains clichs Le jeu vido, un loisir margi-nal en Belgique ? Totalement faux. Selon la Flemisch Games Association, en 2014 il y a presque cinq millions dindi-vidus en Belgique- cest--dire presque la moiti de la popula-tion- qui se revendique comme joueurs actifs au jeu vido. Autre clich bannir, le jeu vido est loin dtre un loisir exclu-sif la gente masculine. Une tude montre en effet que 47 % des joueurs en Belgique sont des femmes ! Une autre tude publie en 2012 tend aussi prouver que le jeu vido nest pas un loisir monopolis par les adolescents. Si 26 % des gamers se trouvent effectivement dans la catgorie des 16-24 ans, la plus grande concentration de joueurs (46%) se situe chez les jeunes adultes et chez les adultes ; cest--dire la catgorie des 25 et 44 ans. On remarque gale-ment que 28 % des joueurs en Belgique ont plus de 45 ans ! R.B.

    La cl pour reprendre pied dans la ralituQuon parle daddiction ou pas, le jeu vido est une source potentielle de comportements problma-tiques. uDepuis 2009, Lige, lhpital universitaire La Cl dveloppe un service sp-cialis dans la cyberdpen-dance. uLes individus souffrant dusages problmatiques dinternet et du jeu vido peuvent y tre soigns.

    Ariane Lakaye est psy-chologue responsable de la section cyberd-pendance de lhpital. Elle nous reoit dans son cabinet de consultation situ au rez-de-chausse. Lhpital offre deux types de services pour les personnes souffrant dusages problmatiques du jeu vido. Lhospitalisation : ultime recours Des entretiens psycholo-giques sont dabord propo-ss selon le principe de la consultation ambulatoire. Cest--dire que les patients suivent un programme thra-peutique dune ou plusieurs sances selon leurs besoins : Sur la problmatique du jeu vido, nous recevons princi-

    palement des adolescents et des jeunes adultes prcise Ariane Lakaye. Ensuite, si les patients se trouvent dans une situation extrme par rap-port leur pratique du jeu, ils peuvent tre hospitaliss durant une priode allant de deux semaines trois mois. Mais La Cl reste un hpi-tal de jour. L internement ne se fait donc que durant la semaine et uniquement en journe. Les patients qui souffrent d un usage pro-blmat ique du jeu v ido sont donc l ibres de leurs faits et gestes en dbut de soire et durant le weekend. Cette pr iode de l iber t ne constitue-t-el le pas un r isque de voir l ensemble du traitement effectu en jour-ne s effondrer par une pra-tique excessive du jeu vido en soire et durant la nuit ? : C est videmment un r isque admet sans langue de bois Ariane Lakaye : Mais les thrapies que nous prconisons sont bases sur la confiance. A leur entre, les patients signent un contrat thrapeutique dans lequel ils sengagent se fixer des objectifs atteindre durant leur sjour. La confiance et la volont du patient sont au

    centre du processus de guri-son . Ariane Lakaye souligne aussi lintrt de lhospitalisa-tion de jour dans les cas des joueurs qui ont perdu toutes notions relatives aux horaires : Nous accueillons des per-sonnes qui force de jouer nont plus aucune prise sur le quotidien. Lhospitalisation de jour permet aussi ces per-sonnes de retrouver progres-sivement un rythme de vie sain. Ce qui constitue un pre-mier pas indispensable vers une radaptation la vie quo-tidienne . Des infrastructures flambant neuves Au premier tage du btiment se trouve le complexe hospi-talier de jour. C est Valr ie l infirmire boute-en-train qui nous montre les infras-tructures rcemment rno-ves qui accueil lent les acti-vits des patients pendant la semaine. Au bout du cou-loir se trouve l atel ier d er-gothrapie. Un groupe de patients est en pleine sance. Valrie nous incite regar-der par la petite vitre rec-tangulaire de la porte pour avoir un aperu : Vous voyez ? Lergothrapie dveloppe la crativit des patients. Ici, une

    artiste leur montre comment faire des figurines en papier mch . Les infrastructures sont vraiment impression-nantes : salle de relaxation, cantine, salle de confrence. En descendant lescalier au fond du couloir, nous arrivons dans le jardin de lhpital au milieu duquel se trouve. un poulailler et un potager : Le jardin est un lieu trs appr-ci par les patients. Ils peuvent rester lair libre et soccuper des poules et du potager. Nous y organisons aussi les repas de midi en t lorsque la mto le permet . Les joueurs de jeu vido au milieu des fous ? Lhpital a une capacit dac-cueil de trente patients. Mais les places ne sont jamais occu-pes uniquement par des indi-vidus souffrant dun usage problmatique du jeu vido. Lhpital de jour accueille aussi des individus aux patho-logies multiples comme des troubles dpressifs, des troubles de la personnalit ou encore des cas de dpendances lalcool ou la drogue. Pendant la journe, lquipe dune dizaine de personnes compose de psychologues, de mdecins et dinfirmires veille

    ce que tout ce petit monde se ctoie sans problme Cela fait partie de la philosophie de lhpital insiste linfir-mire : Et puis, il ne sagit pas dun asile. Les personnes traites La Cl souffrent de pathologies lgres. Nous pen-sons quil est important pour le patient de discuter de sa patho-logie avec dautres individus qui ressentent les mmes sen-timents et qui peuvent le com-prendre . Signe de la bonne entente entre les patients, des sorties culturelles et divertis-santes sont organises le mer-credi aprs-midi. Les patients vont au thtre, au cinma ou encore au bowling. Ses sor-ties sont extrmement bn-fiques car elles constituent une bonne opportunit pour le patient de reconstruire une vie sociale en dehors du jeu vido . Lhpital de jour propose donc aux joueurs pathologiques une cl pour reprendre progres-sivement le contrle de leur vie. Si la route pour retrouver une vie normale est encore loin pour la plupart dentre eux, les joueurs pathologiques ne sont en tout cas plus seuls pour faire face leur dmon.

    Rmy Bersipont

    Le jeu vido n est souvent que la pointe merge de liceberg Marie van Hemelryck est psychologue dans un centre psycho-mdical social (PMS) de la rgion de Mons. Au cours de sa carrire, elle a rencontr dans les coles de l enseigne-ment officiel de nombreux adolescents en situation pro-blmatique avec le jeu vido. Selon vous, quest-ce qui incite les adolescents pas-ser autant de temps devant un jeu vido ? Au-del du sentiment damu-sement, ladolescent trouve dans le jeu vido une opportu-nit de retrouver une certaine estime de soi mise mal dans la ralit. Dans sa vie virtuelle, le jeune dveloppe une ma-

    trise du jeu qui est une source potentielle de fiert. Ce senti-ment est trs prsent dans les jeux mult i- joueurs en l igne o aprs avoir russ i une qute , l ado lescent reo i t des rcompenses pour am-l iorer son personnage e t des f l ic i tat ions des autres joueurs . I l f au t p rc i se r que dans presque lentiret des cas, la pratique excessive de jeu vido est temporaire et disparait ds que le jeune trouve une autre source doccu-pation. La problmatique du jeu vido est-elle frquente chez les jeunes en difficult sco-laire ? Le jeu vido revient rguli-rement chez les lves qui ont

    des problmes avec lcole mais pas au point de pouvoir parler de relation de cause effet. La plupart du temps, le jeu vido nest que la pointe merge de liceberg. Ladolescence est une priode propice au dveloppe-ment de conflits entre un jeune et les membres de sa famille. Ds lors le jeu vido appa-rait pour le jeune comme une manire de se rfugier dans un espace de libert et/ou de contester lordre familial. Comment rentrez-vous en contact avec les jeunes qui ont une pratique excessive du jeu vido ? La prise de contact se fait par le biais du corps enseignant. Le professeur remarque dabord un changement lattitude de

    llve durant les cours. Il arrive en classe trs fatigu et manque de concentration. Il commence ensuite ngliger son travail journalier. Cette attitude se traduit dans des rsultats scolaires qui se dgradent. Si un professeur estime qu il y a une situation problmatique, il nous en fait part et nous rencontrons le jeune pendant un entretien afin de cerner le problme. ce propos, comment se droule un entretien ? Lobjectif de lentretien est dabord de cerner la person-nalit du jeune et son contexte familial. Ensuite, nous abor-dons la question de la pra-tique du jeu vido. Je suis par-fois trs tonne par certains

    jeunes. Ils sont trs rservs lorsquils parlent deux-mmes. Mais ds que l e j eu v ido a r r i ve dans l a d i s cu s s ion , i l s c h a n g e n t d a t t i t u d e e t me racontent le moindre dtail sur leur jeu prfr. Pour eux, il sagit dun loisir comme dautres peuvent pratiquer une activit sportive.Quelles solutions prconi-sez-vo u s p o u r a i d e r l e s j e u n e s q u i o n t u n r a p -p o r t p r o b l m a t i q u e a v e c l e j e u v i d o ? L a p re m i re c h o s e e s t d e f a i r e p re n d re c on s c i e n c e a u x j e u n e s q u e l e u r s i t u a t i o n e s t p r o b l m a -t i q u e . E n s u i t e , i l f a u t p o u s s e r l e s j e u n e s r i n -ve s t i r l e u r t e m p s d a n s d e s

    a c t i v i t s d e l a v i e r e l l e d a n s l e s q u e l l e s i l s p o u r -r o n t p r e n d r e d u p l a i sir et retrouver une estime de soi en dehors du monde virtuel. Enfin, il faut rgler les conflits familiaux q u i c o n s t i t u e n t s o u v e n t l e d c l e n c h e u r d e l a p r a t i q u e e x c e s s i v e . L o r s q u e c e l a e s t n c e s -s a i r e , n o u s r o r i e n t o n s l e s j e u n e s v e r s d e s s e r -v i c e s e t d e s p s yc h o l o g u e s s pcialiss.

    Propos recueillis par Rmy Bersipont

    ENTRETIEN

    L'hopital La Cl : une entre vers le retour une vie normale (R.BERSIPONT).

    Les infrastructures rnoves permettent un suivi mdical et psychologique aux individus en situation problmatique avec le jeu vido. Ici la cantine. (R.BERSIPONT).