théorie communiste - le plancher de verre (2009)

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    Le Plancher de verre

    Les meutes (ou lmeute diffuse et fractionne dans le temps et lespace) qui ont clat enGrce la suite du meurtre du jeune Alexandre dans la soire du 6 dcembre 2008 sonproductrices de thorie. Elles sont pratiquement, cest--dire consciemment, lcomprhension de ce cycle de luttes par lui-mme, de son stade prsent, elles sont unmarqueur thorique et chronologique. Dans toutes ses limites, ce mouvement est lpremire raction proltarienne (bien que non globale) la crise du capital restructur. Entant que production de thorie, ce mouvement peut tre plus ou moins arbitrairemenconsidr sous six caractristiques essentielles :

    la pratique et le discours de ces meutes font de la crise actuelle de la reproduction

    capitaliste, une crise de lavenir de ce mode de production ;

    la caractrisation, dans une topologie de la reproduction des rapports sociau

    capitalistes, du moment de loppression et de la coercition dans lautoprsuppositio

    du capital ;la question du caractre priphrique ou non des meutiers par rapport un

    cur de la classe ouvrire, cest--dire la question de lunit de la classe et de s

    recomposition ;

    le dpassement de ce qui avait t la dynamique contradictoire de la lutte anti-CPE

    en France, ce qui nest pas sans relation avec le deuxime point ;

    le dpassement dans la lutte de lobjectivit du cours du capital et les activits de

    classes en prsence comme choix, dcisions, tactiques, stratgies ;

    le questionnement de la thorie de la valeur et de la crise du mode de production capitalist la lumire dune attaque du capital hors de la production et de lextension des pratiques dblocages.

    [Plusieurs points sont regroups dans un mme chapitre.]

    Lavenir

    On peut bien sr reprendre toutes les analyses qui ont t faites sur la crise permanente dusystme dducation en Grce (et la rcurrence des luttes qui sy droulent) : sa slectivit dplus en plus intolrable, lintensification du travail tudiant , son mensonge permanensur les opportunits quil ouvre, le fait que d ascenseur social , il devient un pur esimple reflet des injustices et des clivages sociaux . Participer aux tudes devienpurement et simplement lacceptation (sans contrepartie) de tous les rapportdexploitation qui donnent leur forme et leur contenu au systme global denseignement. Iest ncessaire de rappeler tout cela et le texte de TPTG, La crise permanente d

    lducation : sur quelques luttes rcentes en Grce , le fait trs bien.1)

    Mais ce nest pasuffisant, il faut aller plus loin. Si, dans de nombreux pays, lducation se trouve tre un

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    secteur particulirement instable et remuant de la socit capitaliste, ce nest pas seulemendu fait des rformes que la reproduction du capital impose ce secteur, mais du fait qucest la reproduction du capital qui est devenue problmatique. Cest en devenanproblmatique, cest--dire en tant en crise comme reproduction, que lautoprsuppositiodu capital dsigne, dans un premier temps, comme le lieu de sa crise, les secteurs de lasocit o sa reproduction prend une forme spcialise par rapport la socit mme. Elltouche dabord les entrants et construit la catgorie sociale de la jeunesse. Cette crise dla reproduction sest concentre dans les lieux spcialiss de la reproduction, dsignant l

    jeunesse prcarise comme son principal acteur (la gnration 600 euros ), dont letudiants sont demeurs tout au long du mouvement les principaux reprsentants. Cest pal que le mouvement tudiant a t ce mouvement gnraldmeutes.

    Certains textes grecs, comme ceux de Blaumachen parlent de lUniversit comme fractiondu capital et considrent les facs comme des lieux de travail et dexploitation enconsquence, le blocage des facults est compris comme une entrave la reproductiondensemble, si ce nest la production tout court, dans la mesure o ltudiant est considrcomme producteur dune marchandise particulire : sa force de travail. Dans une telleapproche, il faut distinguer deux choses : le dit et le non-dit, cest--dire de quoi une tell

    analyse, thoriquement fausse, est le symptme vrai.

    moins dtre des universits prives dans lesquelles sengagent des capitaux particulierrclamant au moins le taux de profit moyen et dans lesquelles ltudiant est le client quachte la marchandise leon, les universits ne sont pas des fractions du capital (mme dance cas, les universits ne seraient pas un secteur productif). Elles sont une fonctioessentielle de la production/reproduction de la force de travail, mais, quelle que soit leuutilit, dans la mesure o, via ltat, cest de largent comme revenu qui y fonctionne, ellene sont pas des entreprises capitalistes, quelle que soit, l encore, la ncessit de lrationalisation de leur fonctionnement (moins ltudiant trane dans ses tudes, moins i

    cote), comme pour nimporte quelfaux-frais de la production. Ltudiant qui tudie (il nsagit pas ici du fait que tre tudiant soit devenu une position sur le march du travaiprcaire : il existe des emplois pour tudiant , que ceux-ci soient tenus ou non par detudiants) nentre dans aucun rapport dachat-vente de la force de travail et ne produiaucune marchandise contenant une plus-value que son employeur (ladministration dluniversit) sapproprierait. Ltudiant doit sinvestir dans la production de sa marchandisforce de travail en tant que force de travail complexe, mais il ne se lachte, ni ne se la vend lui-mme. Tant que cette marchandise reste attache sa personne, pure subjectivit, ellnentre dans aucun rapport productif avec le capital. Mme si nous admettions lide dunfabrication par ltudiant dune marchandise, il ne serait pas un travailleur productif (d

    capital), tout au plus un petit producteur indpendant portant sa marchandise sur lemarch. Il faut remarquer ici que cette ide de gauche de ltudiant producteur dunemarchandise rejoint un thme rcurrent de la droite dite librale selon lequel chacun est lepetit entrepreneur de sa personne.

    Dans lautocomprhension vraie du mouvement comme anti-capitaliste, ce qui en fait unmouvement anti-capitaliste, la crise de la reproduction, produit une comprhension faussde soi : ltudiant est un travailleur productif, lUniversit est un capital. Cette analys fausse est le symptme vrai de la situation qui structure la rvolte tudiante . Lemouvement ne sest pas construit lui-mme comme anti-rpression, anti-gouvernementa

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    ou anti-rforme universitaire (en cela il marque une coupure par rapport la continuit dervoltes tudiantes en Grce). De fait, dans la rvolte lycenne et tudiante, cest bien lreproduction de la socit capitaliste qui est en jeu, qui est lobjet de la contradiction. Maisen tant que telle, cette rvolte est enferme, malgr toutes les manifestations de sympathiet de solidarit de la population , dans les formes institutionnelles de cette reproductioncomme une rupture de contrat , comme faillite dun tat corrompu surveill par le FMet mentant sur son propre fonctionnement la Commission de Bruxelles.

    Le mode de production capitaliste lui-mme est en panne davenir.Ce quoi lon assiste [en Grce] est une espce originale de rvolte, prfigure par lesmeutes de Los Angeles, Londres et Paris, mais qui se dploie partir dunecomprhension plus profonde du fait que lavenir a t de toute faon pill davance.Et en effet, on peut se le demander : quelle gnration dans lhistoire moderne (mis part les fils de lEurope de 1914) a-t-elle t ce point entirement trahie par sespatriarches ? [] Ma gnration, celle du baby-boom lgue ses enfants uneconomie mondiale en ruines, des ingalits sociales extrmes, qui atteignent desniveaux stupfiants, des guerres brutales sur les marges impriales et un climatplantaire devenu incontrlable. (Mike Davis, interview donne un journal grec,

    reproduit et traduit sur le site de Contretemps).Si, dans laire capitaliste occidentale, les pisodes de plus forte conflictualit sociale scentrent sur la jeunesse prcarise (sunifiantdans les meutes en Grce, contrairement cqui stait droul dans la France de 20052006 entre les meutes de banlieues et la lutteanti-CPE), cest que la jeunesse est une construction sociale. Cest l que se situe lpassage du mouvement tudiant celui des meutes, de faon tout fait immdiate, cest lecontrat de travail qui rsume ce passage. La crise construit et frappe (cest un mmmouvement) la catgorie des entrants et cela selon les modalits de leur entre formation, prcarit (et ceux qui sont dans une situation identique immigrs). Lessentie

    ici, cest le contrat de travail qui situe cette force de travail dans son rapport lexploitationcapitaliste au niveau des alas du march, de la mobilit du capital, etc. Cest quelque chosque lon rencontre, avec plus ou moins de violence, partout en Europe et aussi aux tatsUnis. Cest la crise de la reproduction en tant que telle qui annihile lavenir et construit l jeunesse comme sujet de contestation sociale. Lavenir, dans le mode de productiocapitaliste, cest la reproduction, sans cesse renouvele, du rapport social capitalistfondamental entre la force de travail et les moyens de production comme principal rsultade la production capitaliste elle-mme. La crise du capital financiaris nest pas simplemenle dcor, la toile de fond, les circonstances, des meutes en Grce, elle est la formespcifique de la panne davenir du mode de production capitaliste, par dfinition elle situ

    immdiatement la crise au niveau de la reproduction.

    Le passage du mouvement tudiant un mouvement gnralis dmeutes proltarienne visant la reproduction du capital en tant que telle dans ce qui la rendrait possible (nouverrons plus loin que ce fut l la limite de ces meutes), cest--dire les institutions, ltat, lviolence, lidologie, lchange, la marchandise, a produit ses acteurs partir dun matriaexistant. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le dveloppement du capitalisme en Grce at chaotique, dtruisant les anciennes relations sociales plutt que construisant dnouvelles impliquant et dfinissant lensemble de la socit ; exemplaire cet gard, lentrdans lUnion europenne en fut, pour linstant, la dernire tape. La bourgeoisie grecque a

    toujours fait preuve de pusillanimit, la remorque des grandes puissances capitaliste

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    (depuis lindpendance mme) et regardant plutt vers le large que vers son territoirenational. Lindustrie capitaliste grecque, aprs stre dveloppe sous la forme de quelqueenclaves, le plus souvent aux mains de capitaux trangers (comme ltait la famille royale)est maintenant exsangue. Lemploi, cest la marine marchande, le tourisme et le secteur dubtiment qui lui est li, ladministration. La rvolte contre le capitalisme qui ne la jamaifait vivre dcemment est intrinsque la socit grecque.

    Les meutes de dcembre 2008 se situent la conjonction de ce capitalisme prdateur don

    lorgane est ltat, tenu par des mafias clientlistes, et de la cristallisation, dans lemouvement tudiant, de la dfiance sociale, faite de haine et de mpris, quil suscite. Car, enGrce, le mouvement tudiant est un milieu social dbordant largement la situationtudiante ou lycenne. Dans un tel capitalisme, les marges , la gnration 600 euros ont vite fait de reprsenter lensemble du fonctionnement social, surtout lorsquelles sondj organises, comme dans le quartier dExarchia Athnes, dans tout un rseau drsistance et dalternatives (centres sociaux, imprimeries, cafs, locaux associatifs, artisanat bazars, ateliers de coutures), cest--dire quand elles sont massives et traitent capitalisme et ltat comme on considre une arme trangre doccupation. Le mouvemendes meutes nest pas un mouvement tudiant non seulement parce que les tudiants e

    lycens ont t immdiatement rejoints par toute une fraction de la population prcaire eimmigre, parce quil a bnfici de la sympathie et de la participation occasionnelle dunepartie de la population, mais aussi parce que le mouvement tudiant ntait dj pas unmouvement tudiant , la situation dtudiant est une situation sociale etpolitique : cest-dire un rapport conflictuel ltat, la fois lexploiteur venir (ladministration esquasiment le seul dbouch), mais un exploiteur potentiel qui, se refusant, condamne unno mans land social. Dans cette situation, produite par le fonctionnement mme ducapitalisme, la contrainte et lextriorit du rapport social capitaliste apparaissent commun tat, un point de dpart, et non comme une activit (nous avons l simultanment lforce et la faiblesse de ces meutes). La production de lappartenance de classe et du rappor

    social capitaliste comme une contrainte extrieure, qui est une activit de classe lintrieudu rapport lui-mme, apparat ici comme tat dextriorit dont la simple violence est lfondement social. Que lon comprenne bien que lextriorit dont nous parlons esintrinsque une activit de classe qui, contre le capital, inclut pour la classe sa proprremise en cause, il nest absolument pas question ici dextriorit militanteinterventionniste ou activiste. Quelles que soient les limites spcifiques du mouvement donnous parlons ici, il serait absolument faux dy plaquer les schmas de la critique dumilitantisme et de linterventionnisme.

    De faon cohrente les objectifs, les cibles, de ces meutes ont t les institutions o l

    reproduction du mode de production acquiert une forme spare par rapport la socitdont elles sont les institutions de reproduction tant politiques quconomiques eidologiques, ainsi que les formes de la circulation dans lesquelles le capital fait retour luimme. Quand cest lavenir qui est dj pill et que pratiquement et consciemment unmouvement se situe ce niveau de la reproduction, mme si celle-ci demeure perue eattaque comme instances spares de la production, il ne peut y avoir de revendication, cail ny a plus dalternative et mme pas lillusion, comme en Italie au mme moment, quipuisse y en avoir une. Cest dans cette crise de la reproduction des rapports sociaux qusancre, dans lautoprsupposition du capital, le moment coercition et normalit dont lemeutes ont t non seulement la mise jour mais pratiquement la mise en forme.

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    La police et larme sont le dernier mot de lautoprsupposition du capital face larsistance aux dispositions prises par la classe capitaliste dans le domaine du travail, de laprotection sociale (sant, retraite), de lducation. Directement dans le rapport au travailtre prcaire ou travailleur migrant signifie quil faut travailler chaque fois que le patron ena besoin, accepter de faire des heures supplmentaires non rmunres et dtre licenciselon les alas de la conjoncture. Cela signifie galement tre tabass ou vitriole lamoindre revendication ou mme plainte. tre travailleur prcaire ou migrant, cest djvivre sous un rgime de terreur, si lon est un travailleur grec-stable , la terreur du travai

    ce sont les accidents dont la multiplication suit lintensification de lexploitation. Dfaon absurde, le salaire et la reproduction de la force de travail tendent deveniillgitimes pour le capital lui-mme (cf. dans Thorie Communiste 22, le text

    Revendiquer pour le salaire )2)

    . Cest cela la crise de la reproduction, la panne davenirCest cela aussi, dans lobjectivit mme du capital, la reproduction de son appartenance dclasse devenant, pour le proltariat, une contrainte extrieure dans le rapport mmdexploitation qui le reproduit comme classe et le lie indissociablement, en tant que classeavec le capital. Il y a partout dans ces meutes comme un sentiment de rupture dcontrat de la part du capital : Gagnerons-nous assez dargent pour avoir des enfants ?

    Les meutes en Grce signifient la fin de la priode ouverte, dans le cycle de luttes actuelavec la vague de grves de 1995 en France et les concentrations anti-sommets de la fin

    des annes 1990, cest--dire la fin de la priode du dmocratisme radical3)

    commexpression et fixation des limites de la lutte de classe. Il ny a plus dautre avenir possibleparce quil ny a plus davenir : lalternative est morte. Souvenez-vous des manifestationcontre lOMC et la bataille de Seattle en 1999 qui ouvrirent une nouvelle re d

    protestation non-violente et dactivisme local4)

    . La popularit des forums sociaux mondiauxles millions de manifestants contre linvasion de lIrak par Bush et le large soutien auxaccords de Kyoto tout cela vhiculait limmense espoir quun alter monde soit dj en

    train de natre. Dans le mme temps, la guerre na pas pris fin, les missions de gaz effede serre ont mont en flche et le mouvement des forums sociaux a dpri. Cest tout uncycle de protestations qui est arriv son terme le jour o la chaudire du capitalismmondialis a explos Wall Street, laissant dans son sillage la fois des problmes pluradicaux et de nouvelles opportunits pour la radicalit. La rvolte dAthnes rpond unsoif de colre : elle met fin la rcente scheresse en la matire. Il est vrai que ceux qulaniment semblent navoir quune faible tolrance pour les slogans despoir et les solutionoptimistes. Ils se distinguent ainsi des revendications utopiques de 1968 ou de lesprit rveuet volontaire de 1999. Cest bien sr cette absence de demande de rformes (et ainslabsence de toute prise permettant la gestion de la protestation) qui est llment le pluscandaleux et pas les cocktails Molotov ou les vitrines brises. Cela rappelle moins lemouvements tudiants des annes 1960 que les rvoltes intransigeantes de lanarchisme de bas-fonds dans le Montmartre des annes 1890 ou duBarrio Chino Barcelone au dbudes annes 1930. (Mike Davis, op. cit.)

    Labsence davenir, ce nest pas seulement la disparition de la promesse de vivre mieux, maiencore le fait de poser comme enjeu la possibilit de pouvoir survivre et se reproduire entant qutre en chair et en os. Ce que les proltaires ont la facheuse habitude dtre. Ce nespas de leur faute : tre de chair et dos est absolument une contrainte et une constructionsociales, le proltaire est le premier travailleur purement physique, une subjectivit san

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    objet (il na aucune relation objective ou personnelle aucun moyen de production ou dsubsistance). Quand le proltaire est menac dans sa constitution physique, cest sdfinition sociale qui est en jeu.

    Au mme moment, les slogans despoir et les solutions optimistes sont encore dmise en Italie. On peut voir dans cette discordance un simple effet de situationconomiques contrastes entre lItalie et la Grce, o ltat vient de voir sa note rtrogradquant la confiance que les investisseurs peuvent mettre en lui. Mais demain, lItalie peu

    connatre une vague dmeutes semblable la Grce et la Grce un vaste mouvemenrevendicatif avec floraison de collectifs de base. Il faut surtout considrer que la lutte declasse est un processus mondial et global, mais qui nest pas homogne, et dans lequel leluttes ne prennent pas place sur un axe chronologique, o il y aurait des mouvementdavant-garde et des anachronismes . Si la situation o le proltariat agissant en tanque classe est dans un rapport contradictoire tel avec le capital que sa lutte peut tre sapropre abolition, si cette situation est la dynamique de ce cycle de luttes, elle se construit dfaon chaotique. L, au travers de revendications salariales que le mode de productioncapitaliste ne peut et ne veut plus satisfaire ; l, au travers de vastes mouvements de basauto-organiss proposant des alternatives ; l, au travers dmeutes produisan

    lappartenance de classe comme contrainte extrieure et le rapport dexploitation commpure et simple coercition. Personne nest en avance, personne nest en retard, parcquaucun nest indpendant.

    Cependant, dans ce chaos, tous les termes ne sont pas identiques et nentretiennent pas lmme rapport la dynamique de ce cycle considre comme totalit. La dynamique de ccycle de luttes, cest lcartque certaines pratiques actuelles crent lintrieur mme de cqui est la limite gnrale de ce cycle de luttes : agir en tant que classe. Lactivit de classe duproltariat est maintenant de plus en plus dchire de faon interne : elle na, en demeuranaction de classe, que le capital pour horizon (toute libration du travail et affirmation du

    proltariat comme classe dominante ayant disparu), simultanment dans son action contrle capital, cest sa propre existence comme classe quelle rencontre et quelle doit traitecomme quelque chose supprimer. La plupart des luttes actuelles sont amenes vivre cecart, cette dchirure intrieure, les meutes en Grce ny ont pas chapp.

    Agir en tant que classe comporte un cart par rapport soi, dans la mesure o cette actioncomporte la propre remise en cause de la classe par rapport elle-mme : la ngation par leproltariat de son existence comme classe lintrieur de son action en tant que classe (cescela lcart dans laction en tant que classe). Dans les meutes en Grce, le proltariat nerevendique rien et ne se considre contre le capital comme le fondement daucun

    alternative, simplement, il ne veut plus tre ce quil est.

    Au mme moment, malgr son ampleur bien plus grande, sa large mise en mouvement de lclasse ouvrire, l Onda anomale italienne est renvoye, de par la seule simultanit demeutes en Grce, ses impasses, son absence de perspective. Les meutes en Grcsignifient que lOnda na pas de perspectives, nindique pas lavenir de la lutte des classesInversement, la simultanit mme de ces luttes (italiennes et grecques) confre aumeutes en Grce un sens quelles naurait pas en dehors de cette simultanit, celui ddsigner, dans le fait dagir en tant que classe, la nature mme des limites actuelles de llutte de classe lintrieur de celle-ci considre comme un tout.

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    Cette intrication, comme cart, des lments de la lutte de classe a dores et dj un senscelui de la remise en cause par le proltariat de son existence de classe dans sa lutte contrele capital. En Grce, le principal contenu de cette remise en cause a t de montrer et mettren forme la reproduction des rapports sociaux capitalistes comme incluant la coercition.

    Le moment coercition

    Lexploitation nest pas le contenu dun rapport contradictoire entre deux termesymtriques (il ny aurait pas alors de contradiction), elle est une diffrence de relation latotalit qui, vu son contenu, dtermine un terme remettre en cause et dpasser cetttotalit. Ce nest pas lexploitation en soi qui porte son dpassement, cest la situation elactivit spcifique du proltariat, comme ple que le mode de production capitalistcomme totalit implique, qui porte et produit le dpassement de cette totalit.

    Lexploitation, cest la valorisation du capital dans ses trois moments constitutifs : le face face de la force de travail et du capital, la subsomption du travail sous le capital, ltransformation de la plus-value en capital additionnel. Ici, cest ce troisime moment qui

    faut plus particulirement prendre en compte. Une crise de la reproduction se dfinit par lfait que le mouvement de lautoprsupposition du capital, le double moulinet de s

    reproduction5)

    , ne remet pas de lui-mme chacun sa place.

    Cette transformation de la plus-value en capital additionnel nest jamais acquise : de par laconcurrence, bien sr, au niveau le plus superficiel, aussi de par le fait que cetttransformation implique la rencontre du capital marchandise et de largent comme capitaou moyen de circulation (cest la possibilit gnrale des crises), mais surtout parce quellimplique la transformation sous-jacente de la plus-value en profit, donc le rapport de laplus-value au capital total engag et, dans le renouvellement des cycles de productionlaugmentation de la composition organique. La baisse du taux de profit est constamment lcaractrejamais acquis de la transformation de la plus-value en capital additionnel, et dondu renouvellement du procs. Il ne sagit pas ici dun problme qui naffecterait que decapitaux individuels en tant que tels. Si, en effet, le caractre jamais acquis de cetttransformation de la plus-value en capital additionnel apparat au niveau des capitauxindividuels, cest quil y a concurrence ; mais ce nest pas l quil trouve son origine, sil y aconcurrence, cest quil y a baisse du taux de profit. Le caractre jamais acquis de ltransformation de la plus-value en capital additionnel est une caractristique du capitasocial.

    Que ce soit la transformation de la plus-value en capital additionnel qui soit problmatiqupasse tout autant par les transformations du capital, les faillites, les licenciements, ltransformation dune partie de la population en surnumraires, que par laugmentation decadences, la transformation du procs de travail, la fixation du prix de la force de travail. Ltransformation de la plus-value en capital additionnel cest aussi et tout dabord lextractiondune plus-value suffisante pour permettre cette transformation. Les deux formes [dlextorsion de surtravail] ont en commun que le capital est un rapport coercitif (souligndans le texte) visant extorquer du surtravail (Marx, Un chapitre indit du Capital, Ed10/18, p. 195)

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    Cest l que rside la possibilit gnrale de la crise de lexploitation comme pratiquecontradictoires entre des classes, cest l que rside le processus de particularisation determes de la contradiction dans leurs activits de sujets, cest l que rside leuindpendance et leur implication rciproque, cest l que dans lexploitation, rside lcoercition.

    Lautoprsupposition du capital nest pas un mouvement automatique qui, en tant que telse suffirait lui-mme pour remettre chacun sa place. Lautoprsupposition du capita

    nest pas la respiration dun monstre automatique, elle contient, comme fonction dellemme, laction des sujets de la contradiction. Cest l que le rapport dexploitation escoercition, tant comme activit de la classe capitaliste que comme activit du proltariat entant que lutte contre cette remise sa place. Pour la classe capitaliste, cette action sconcentre comme tat.

    Le mode de production capitaliste tel quil est sorti de sa restructuration est une autreorganisation de lespace de la reproduction du capital et une autre organisation de lviolence. Les marges ne sont plus rejetes la priphrie, mais partout intgres toules niveaux dchelles de la reproduction. Si le principal rsultat du procs de production

    cest la reproduction du face face entre le proltariat et le capital, que de ce face facedcoule ipso facto le premier moment de lchange entre le capital et le travail (achat-ventde la force de travail) ne va pas de soi. Partout la disciplinarisation de la force de travail fac un proltaire redevenu, en tant que proltaire, un pauvre, est le contenu de lordre dujour. Les formes dinterventions sont celles de la discipline.

    Le rapport dexploitation contient de faon immanente un rapport de domination directedassujettissement et de contrle social et policier. Mais si on prend le rapport ddomination, dassujettissement, pour lensemble du rapport dexploitation, la partie pour ltout, on perd en route le rapport dexploitation et les classes. Le moment de la coercition

    pris comme point de dpart et pos comme la totalit du rapport de lindividu la socitsombre inluctablement dans le point de vue de lindividu isol et de la critique de la viquotidienne. Cest--dire que lon a perdu la structure qui fait quil y a individu isol, on scontente alors de partir de ce qui nest quun rsultat.

    Dans certaines conditions et configurations de la lutte des classes, peuvent se dveloppedes pratiques qui,pour elles-mmes, se sparent des autres moments de lexploitation. Cesalors fondamentalement lintrieur du rapport dexploitation que le proltariat produipratiquement le capital comme coercition, comme une contrainte extrieure lintrieumme du rapport de classe. En mme temps, lautre ple de la contradiction, l

    reproduction du capital devient corruption, affairisme, npotisme. Dans une crise de lreproduction qui, comme en Grce, place au premier plan comme fondement de la socitles instances institutionnelles et marchandes de sa reproduction, lautoprsupposition ducapital semble tre devenue folle. Ce qui nest que coercition dun ct, apparat comme puaffairisme et corruption de lautre. Le contrat est rompu : Tout cela se droule [lmisre du peuple] alors que des millions deuros atterrissent dans les poches dentreprisereligieuses [rfrence aux scandales fonciers du Mont Athos] et dathltes olympiques dopet pays des sommes extravagantes pour glorifier la patrie. Un argent qui finit dans lepoches des riches et des puissants. Des pots-de-vin sont verss aux copains et dejournalistes corrompus se livrent de sordides marchandages afin de couvrir des scandale

    impliquant le gouvernement. Alors que des dizaines de personnes prissent dans de

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    incendies de forts pour permettre au grand capital de transformer ces zones en sitetouristiques et que des travailleurs crvent dans les chantiers de construction et dans lerues et que leurs dcs sont classs comme de simples accidents du travail. (Tract Plu

    rien ne sera jamais comme avant, traduit sur le site deNi patrie Ni frontires)6)

    .

    En Grce, la crise de la reproduction, la panne davenir, ont dsign les catgoriesociologiques qui en sont les acteurs (tudiants, lycens, immigrs de la seconde gnrationtravailleurs prcaires) et construit la catgorie sociale qui en est la synthse : la jeunesse.

    Cest toute lambivalence de ces meutes : la remise en cause de ce que lon est, nonseulement part de ce que lon est (ce qui va de soi), mais encore fait de ce que lon est lacatgorieparticulire devant exprimer la dissolution gnrale des conditions existantes. Entant que rponse policire, la rponse de ltat nest pas ct de la plaque . La rponsede ltat est au niveau de ce contenu gnral, le quadrillage policier semblable celui dunearme doccupation est un avertissement donn tout le proltariat prcaire et au-del. Lreproduction du face face entre la force de travail et le capital devient une affaire ddiscipline. Ces meutes ont t un mouvement de classe et non une simple agitationdactivistes (ce qui serait galement un mouvement de classe), mais il na pas t une lutt

    dans ce qui est la matrice mme des classes : la production. Cest par l que ces meutes onpu accomplir cette chose capitale de produire et de viser lappartenance de classe commcontrainte, mais elles nont pu le faire et atteindre ce point quen se heurtant, comme leulimite, ce plancher de verre de la production. Et la faon (objectifs, droulement demeutes, composition des meutiers, etc.) dont ce mouvement a produit cette contraintextrieure a t intrinsquement dfinie par cette limite. Ce fut lambivalence de cmouvement. Les meutes en Grce nont pas t que la fin du dmocratisme radical, maiaussi celle des milieux alternatifs qui, partir de leur propres critiques en actes du mode dproduction capitaliste, ont fait apparatre pour eux-mmes, dans leur propre pratique, lsparation entre reproduction et production, sparation qui est devenue leur plancher d

    verre.

    La configuration de la lutte des classes qui se met alors en place fait que ces acteurbalancent sans cesse entre, dune part, le point de vue de lindividu isol et la rduction durapport capitaliste la coercition, et, dautre part, linclusion de ce moment danlexploitation et la reproduction de classe. Mais cette inclusion prend la forme particulirdun appel et dune rfrence la classe ouvrire dans une perspective syndicaliste de baset auto-organisationnelle. Cet appel avec ce contenu prit une forme caricaturale avec lemilitants de lESE (Union syndicaliste libertaire), qui se rclame de lanarcho-syndicalism(oppose la majorit du mouvement anarchiste situe sur des bases dite insurrectionnalistes ) Cest le dilemme dans lequel se situe ce mouvement, cest une dses limites et simultanment l o il dfinit un cart (comme on le verra au chapitrsuivant) dans laction du proltariat en tant que classe. En fait, lESE est un tout petigroupe, ce sont les seuls se rclamer officiellement de lanarcho-syndicalisme. Ils ont uncho trs limit ou mme insignifiant dans le milieu en Grce. Mais il est difficile de dirdautre part quune forte majorit du milieu anarchiste est compose d insurrectionnalistes , mme sil est clair que la manire denvisager lusage de la violencecomme une ncessit concerne la grande majorit de ce milieu. Aprs 2003 et le dclin dumouvement anti-mondialisation, on a assist en Grce une sorte de restructuration du

    milieu anarchiste, beaucoup de jeunes lont rejoint, entranant un largissement et un

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    modification de son rapport la socit . Les tentatives de mettre en place de syndicats de classe , selon un anarcho-syndicalisme pas compltement thoris, sont lproduit de cette modification. Les membres de ces syndicats (en premier lieu le syndicat dtous ceux qui travaillent, comme indpendants, avec leur moto) jourent un rle essentiedans linitiative doccuper le sige de la GSEE. Ce nouvel aspect des rapports lintrieur dumilieu anarchiste fut un des facteurs expliquant, dun ct, la forte interaction entre lgnralisation des meutes et le milieu anarchiste, et, dun autre ct, la scission telle quellsest manifeste lors de loccupation du sige de GSEE et dans quelques autres cas moin

    tranchs. En ce sens, on peut dire, que le milieu lui-mme reproduisait en son seinlambivalence gnrale de ces meutes et, son niveau, lcartqui sy est produit.

    En Grce, cest dans cette configuration et dans lambiguit quelle contenait que, pour leproltaires en lutte, leur appartenance de classe, leur propre dfinition comme classe danleur rapport au capital, a t produite et est apparue comme une contrainte extrieure.Ils ssont, par leur propre pratique, remis en cause comme proltaires dans leur lutte, mais ilne lont fait quen sparant, dans leurs attaques et leurs objectifs, les moments et leinstances de la reproduction sociale. Pour le reste, il sagissait de se rfrer une classouvrire demeurant ce quelle tait et appele seulement sauto-organiser (mme lorsqu

    des tudiants/travailleurs prcaires ont investi deux centres dappel (call centers), le travaina t interrompu que quelques instants). Reproduction et production du capital sondemeures trangres lune lautre. Le rsultat de ce balancement, ce fut le caractrminoritaire du mouvement et finalement, lors de son repli, son auto-enfermement sur lequartiers dExarchia Athnes et dAno Poli Thessalonique.

    La lutte est reste centre sur la reproduction et le troisime moment de lexploitation, lemeutiers grecs ne pouvaient pas faire grve, ils nont pas mis en avant, pour eux, unidentit ouvrire, ils lont uniquement invoque pour les autres. Attaquer le capital commreproduction spare et comme contrainte la reproduction des rapports sociaux, cest non

    seulement ne pas interrompre la production capitaliste, mais cest aussi ne pas pouvoienvisager, mme trs hypothtiquement, lexpropriation du capital, lemparement delments du capital productif et des lments matriels de la reproduction sociale et deflux, pour ses propres buts avec toutes les limites et les ambiguts qui vont avec(autogestion).

    Les Assembles populaires de quartiers nont, en gnral, jamais dur et ont laiss le

    gens du coin indiffrents ou, au mieux, simplement curieux7)

    . Il faut cependant signaler lcas de loccupation de la mairie dun quartier sud dAthnes o les employs municipauxpoursuivent certaines activits en liaison avec lassemble du quartier : Dans AghioDemetrios, lassemble populaire de loccupation a essay de cooprer avec les employmunicipaux pour redmarrer quelques services sans la mdiation des autorits municipalesLobjectif tait de satisfaire les besoins sociaux urgents, tels que le fait dditer des carte vertes pour les immigrants et de payer les salaires et les allocations supplmentaires. Lmaire et le conseil municipal ont intimid les ouvriers en essayant de les empcher dfournir ces services. (TPTG et Blaumachen, op. cit.).

    De faon gnrale, il faut banalement regarder les chiffres relatifs aux diversemanifestations qui excdent rarement 200 ou 300 personnes dans une agglomration(Athnes-Le Pire) qui dpasse les quatre millions dhabitants (cf., dans ce volume

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    Prsentation actualise des vnements rcents Athnes et Thessalonique vus par leyeux de quelques participants proltariens). Dire sur un ton emphatique quil sagit dun rvolte de toute une partie de la population , comme on peut le lire dans un tract diffusen rgion parisienne, relve de la pure fantaisie. Cependant, ce qui chappe aux chiffres cesla diffusion du mouvement. Si lon peut dire que les meutiers ou mme les manifestanttaient minoritaires, il faut ajouter quils taient minoritaires partout. Certains jours Athnes il pouvait y avoir quatre manifs de quartier simultanes en plus dune mancentrale et de la poursuite des occupations. De toute faon, la question dun mouvemen

    de masse ou non ne se ramne pas simplement une question de nombre, le critre cesla liaison entre production et reproduction qui perd alors ses dterminations dinstitution

    de la reproduction et de vie quotidienne8)

    . La limite de lextension de ces meutes ne fut paun phnomne purement quantitatif ou un simple manque ( il aurait fallu que la classouvrire directement engage dans la production et la circulation entre dans la danse ), llimite ne doit pas tre considre comme un extrieur, comme simplement quelque chosqui borde mais comme dfinitoire mme de ce dont elle est la limite, de faon intrieure.

    Dans Comme un hiver dun millier de Dcembre, TPTG et Blaumachen crivent : Les flicsont de faon crue et visible le sommet de liceberg dont la masse est faite de la corruption

    scandaleuse du gouvernement, dun tat de contrle scuritaire renforc aprs les JeuxOlympiques de 2004 qui nhsite pas tuer de sang-froid, de lattaque continuelle desalaires, de la perptuelle augmentation du cot de la vie et du cot pour les ouvriers de leureproduction par la dmolition graduelle de lancien systme de retraite et de sant, dundtrioration des conditions de travail et dune augmentation du travail prcaire et duchmage, dune surcharge de travail insupportable dans les lyces et les universits, dunedestruction effrayante de la nature, dune apparence clinquante constitue dinconsistantobjets du dsir dans les centres commerciaux et les clips tl, accessibles seulement si vouacceptez un lourd surcrot dexploitation et danxit. Le problme cest que tout cela nefut attaqu que comme attaque des flics, attaque de ce sommet de liceberg.

    La lutte contre la coercition, cest la lutte contre la normalit , cest--dire leunormalit, la normalit de lexploitation capitaliste, la misre, la rpression et la mort diun tract du mouvement. Le mouvement, dans sa limite et sa dynamique, exprime, pour lmeilleur et pour le pire, le point de vue de la vie quotidienne. Du point de vue de stransformation, la banalit et linintrt de la vie quotidienne sont renverss en preuve de scentralit. La banalisation et lennui sont poss comme le principe gnral de cette socit le sapin de Nol gant en plastique de la place Syntagma peut alors devenir une ciblhautement stratgique que la police anti-meutes protge et les magasins de la rue Ermououverts le dimanche pour faciliter et acclrer les achats de Nol, sont des objectifs toucomme le mtro et son morne transport de la force de travail : je consomme, donc jesuis , travaille, consomme, meurs proclament les banderoles dployes lors dunpetite manif (150 personnes) et dune intervention qui ont dur une heure dans un centrecommercial. Mais, du point de vue de la critique de la vie quotidienne, le proltariat nesque marchandise-force de travail partir de laquelle se produit la rvolte contre sa situationde marchandise, cette rvolte provient non de la contradiction que recle cette situationdans le mode de production capitaliste lui-mme et pour lui, cest--dire de sa situationmme de marchandise force de travail, des contradictions qui y sont prsente(surtravail/travail ncessaire ; valeur dusage/valeur dchange), mais de ce que cett

    situation nie : la vie, le vcu, etc. Parce que la critique de la vie quotidienne ne dpasse pas

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    celle de la marchandise et de lchange, entre le proltariat et le capital il ne sagit pas de lacontradiction de deux termes formant une totalit et nexistant que lun par lautre, mais ddeux termes qui ne sont pas chacun la raison dtre de lautre et sa ngation ; en fait ce nespas une contradiction.

    Avoir construit dans lexploitation, par sa pratique, le moment coercition comme includans la reproduction du mode de production capitaliste et non comme simple rpressionpolicire, est le principal apport gnral des meutes en Grce. La coercition ne se limit

    pas la rpression, elle inclut tous les processus sociaux et toutes les institutions palesquels le proltariat est constamment mis en situation par le capital de le valoriser. Cmoment est inclus dans lexploitation en tant quautoprsupposition du capital, inclus danle procs qui fait de la production capitaliste une reproduction. Le moment coercition dlautoprsupposition, au-del de la simple intervention policire, na pas t la cause mais lcontenu des meutes. Ces meutes ont montr linclusion de la coercition dans le procs dreproduction des rapports sociaux capitalistes, mais elles ont montr cette inclusion commtant, de faon interne, leur propre manque, dans la mesure o lattaque de ce moment ede toutes les institutions qui le mettent en uvre est demeure spare de la productionCest la situation sociale mme des meutiers qui est apparue dans cette contradiction d

    linclusion et du manque. tudiants sans avenir, jeunes immigrs, travailleurs prcaires, ilsont des proltaires vivant au quotidien la reproduction des rapports sociaux capitalistecomme coercition, coercition incluse dans cette reproduction parce quils sont proltairesmais la vivant quotidiennement comme spare et alatoire (accidentelle et non ncessairepar rapport la production mme. Ils luttent la fois dans ce moment de la coercitioncomme spar et conoivent et vivent cette sparation que comme un manque de leupropre lutte contre ce mode de production.

    Cest par l que ce mouvement a produit lappartenance de classe comme une contraintextrieure, mais ce ne fut quainsi. Cest par l quil se situe au niveau de ce cycle de luttes e

    en constitue un moment historique dterminant. Cest lattaque des institutions et deformes de la reproduction sociale prises pour elles-mmes qui, dun ct, la constitu et afait sa force qui en a simultanment exprim ses limites. Limites dont la manifestationempirique la plus vidente est son impossibilit, par ce qui en a constitu sa force, stendre. Malgr toute la sympathie populaire qui a t la sienne, il na jamais t unmouvement de masse. Ce fut une sympathie de spectateurs intresss, mais de spectateursLe mouvement, par l mme, est demeur la priphrie de ce qui tait ses objectifmmes : les institutions de la reproduction, ne les affectant jamais de faon dterminanteparadoxalement parce que ctait ses objectifs et sa raison dtre spcifiques. Ni lproduction, ni la circulation du capital ne furent aucun moment rellement affectes

    mme le blocage des achats dans les magasins de la rue Ermou (ou dans des centrecommerciaux de la priphrie), le dimanche prcdant Nol, fut finalement un chec pour lsimple raison que les chalands se pressaient pour leurs achats. Tout comme interromprune minute la diffusion dun programme tl pour dire aux spectateurs de descendre dans lrue relve du fantasme pur et simple sils ny sont pas dj.

    Essentiellement, ce mouvement a t celui de lautonomisation de la reproductionglobalement comme vie quotidienne, spcifiquement comme critique des appareilinstitutionnels de la reproduction. Les deux aspects se sont trouvs synthtiss dans lcritique de la dmocratie. Les meutes en Grce semblent tre le premier mouvement d

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    lpoque rcente o la dmocratie est centralement et rellement critique tant commforme politique gouvernementale que comme mode de fonctionnement de la lutte ellemme. Cest un mouvement qui na aucune illusion politique, si ce nest prcisment celle dela critique de la dmocratie.

    Voyant le mouvement de France, les auteurs du tract circulant en rgion parisienne qunous citions prcdemment peuvent justement crire : Les meutiers grecs nous montrenainsi une voie qui avait t cherche lors de la contestation du CPE et ces dernire

    semaines (occupations de lyces et dautres btiments, blocage de voies de communicationet quelques bagnoles crames) ils font mieux et refusent le dialogue truqu avec ltat et sesbires . Cette contestation de la dmocratie gouvernementale et du fonctionnemendmocratique dans la lutte elle-mme ne relve pas dune meilleure mthode de lutte enfintrouve mais de son absence de revendication et de reprsentant. En tant que crise de lreproduction, cest lexistence mme dun rapport avec ltat et quelque institution que csoit qui est conteste : le mouvement ne produit ni revendication, ni reprsentant Disparition de tous ceux qui parlent pour nous : partis, syndicats, experts, journalistesassociations , dit le mme tract.

    En juin 2006, le groupe Blaumachen de Thessalonique avait publi un texte, Loccupationpas la dmocratie !, tirant une exprience critique de la lutte anti-CPE telle quelle staidroule en France et des luttes tudiantes en cours ce moment-l en Grce. Quelquemois plus tard, dans une brve prsentation, le contenu du texte est ainsi dfini : [Il] a tdfini par ce que nous voyions alors comme la principale faiblesse du mouvement, cest-dire ladhsion aux procdures dmocratiques et gnralement lidologie dmocrateaccompagnant labsence de toute critique du travail scolaire et du rle de mdiation demdias . Cette mme prsentation voque un autre texte contemporain (Que leoccupations deviennent des barricades temporelles) introduisant la revendication dunsalaire social . Si tout le texte dfinit bien les entraves la lutte que constitue son cour

    dmocratique, ce qui nest pas compris cest la liaison entre le contenu de la lutte, lexistencemme de revendication(s) (la revendication implique la dmocratie comme autoreconnaissance du groupe et rapport ladversaire), ses acteurs, et la mise en formdmocratique. Le cours dmocratique de la lutte est simplement critiqu comme unmauvaise mthode de luttes. En cela, lidologie dmocratique chasse par la porte revienpar la fentre.

    Quand se constituent des procdures de dlibration (une assemble, une coordination ouun Parlement), la principale question ce ne sont pas les procdures par lesquelles la volontde tous les participants peut sexprimer, mais le rapport entre le processus de dbat e

    laction, une question qui ne peut tre dissocie de la nature de laction elle-mme. Nounavons que faire des procdures par lesquelles lopinion de tout un chacun peut sexprimerNous ne voulons pas dbattre avec tout le monde. (Blaumachen, op. cit.). Malgr lremarque selon laquelle cette question ne peut tre dissocie de laction , la questiondemeure toujours celle de la prise de dcision, cest--dire que le point de dpart estoujours lindividu et le groupe qui va agir comme une somme dindividus ayant dciddagir ensemble. Quelle que soit la procdure mise en uvre pour prendre la dcision, lquestion est toujours celle de lindividu et de la dcision. Dans le cours dune lutte, ldmocratie nest pas une forme de la prise de dcision et du rapport laction que lonpourrait remplacer par une autre. La critique formelle de la dmocratie ne dit pas pourquo

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    celle-ci existe, pourquoi elle simpose en tant que contenu comme forme de cette lutte. Cettcritique dit bien pourquoi cette forme est une entrave mais ne dit pas pourquoi lentravexiste et est choisie par les acteurs de cette lutte. ce moment-l, si la critique elle-mmedemeure dmocratique, cest quelle propose un autre choix, une autre faon de faire. Maisen ralit, dans toute lutte o apparat une critique des procdures dmocratiques, ce qui esen jeu cest le passage un autre contenu de la lutte, ce nest pas alors la procdurancienne qui est lobjet de la critique mais lancien contenu de la lutte . Cest ce passage qula critique des procdures dmocratiques manque dans sa comprhension de la lutte en

    cours et dans la propre comprhension delle-mme.Durant les meutes rcentes en Grce, il semblerait que le mouvement ait spontanmendbut et se soit construit dans laction directement au-del des procdures dmocratiquesreconnues comme entraves, aussi bien dans la lutte elle-mme, quen tant que forme degouvernement (la dmocratie tant immdiatement considre comme la forme actuelle dltat et de sa police que lon hait, ni plus ni moins). Bien sr, il fut question d dmocratie directe et dun meilleur processus de discussion pendant les assemble( plus de gens doivent parler , tout le monde a le droit de parler , nous ne voulonpas que les spcialistes parlent notre place , nous sommes tous gaux ). Mais un

    mouvement qui ne formule aucune revendication face ltat donne sa lutte un contenuqui ne ncessite aucune forme de reprsentation, le mouvement na exister que pour luimme dans ses affrontements et ses contradictions. Les procdures de prises de dcisionsont conflictuelles, mais ne sont pas dmocratiques au sens o ces dcisions nimpliquent nmajorit, ni minorit, ni formation dorganes de reprsentation, ni contrainte gnraldapplication. En fait, ce ne sont pas des procdures de prises de dcision, mais deconfrontations et des changes insrs dans laction.

    Il faut citer longuement le Deuxime communiqu de locupation de la Facult dconomidAthnes pour se rendre compte de lnorme et radicale avance thorique et pratique qu

    furent ces meutes dans leur critique simple et directe de la dmocratie. De lautre ct [lpremier ct tait celui de la rage sociale ], une dmocratie qui scroule dans la criseconomique, illgitime socialement par des petits et grands scandales, avec plein dpauvres et de marginaliss, une dmocratie qui essaye darracher le consentement pourprimer les meutes Des actes thtraux de sensibilit du Premier ministre, deministres, des dputs, des journalistes et autres parasites devant les camras, qudemandent la ncessit de la paix sociale et de la coopration de ltat et de la socit soula promesse de plus de dmocratie. Cependant le fameux mythe de la dmocratie, le contrasocial, devient cendres dans les rues de la mutinerie sociale actuelle. Cest pour cela que lergime essaye de se reconstituer. Cest pour cela quil y a plein de rencontres et de meeting

    du gouvernement. Cest pour cela que les mdias jouent un rle de propagande tatique, dcration de la peur et du mensonge organis. [] Cest pour cela que les coles sont fermedans une tentative de ne pas laisser les coliers se retrouver et se concentrer. Cest pour celque le syndicat central a transform la manifestation de grve en un simple rassemblemen Syntagma. Cest pour cela que les piliers gauchistes du systme comprennent la caus juste de la rage sociale mais condamnent les actions extrmes et posent la question de lchute du gouvernement en transformant la mutinerie en simple manifestation contre lpolitique gouvernementale. Tout simplement, de lautre ct , cest la dmocratie quse dresse ou plutt qui seffondre dans la rupture du contrat , dit le texte cit.

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    Mais une telle critique ne signifie pas pour autant que la dmocratie ne soit pas revenuedans le mouvement sous la forme de sa critique. Ce retour de la dmocratie sous la forme desa critique, cest la lutte contre la coercition, la normalit de la vie quotidienne elinscription des meutes comme lutte contre la reproduction en tant que forme spare.

    Les meutes en Grce ont t, en actes, une certaine conception de la reproduction derapports sociaux et de lidologie. Faute de pouvoir pratiquement attaquer la reproductiondes rapports sociaux capitalistes la racine, cest--dire en tant que production de valeur e

    de plus-value, le mouvement a amalgam production et circulation de la valeur (mme si le blocages de la circulation semblent tre demeurs symboliques) et a rduit, dans pratique, la reproduction des rapports sociaux une attaque contre la normalit de la viquotidienne marchande. Si lon peut parler de dmocratisme de la critique de la dmocratiecest que, ce que lon critique, les rapport sociaux capitalistes, est alors rduit lintriorisation par lindividu de ce qui lui est inculqu par lcole, les mdias, leintellectuels collaborateurs, lexprience sociale. Lidologie est bien vue comme une forcpratique porte par toutes sortes dinstitutions et de comportements, mais la reproductiondes rapports sociaux quelle autorise est rduite une mcaniqudintriorisation/inculcation qui lui confrerait sa force pratique. Le mcanisme d

    lintriorisation des normes dominantes, qui dterminent et contraignent les actes deindividus, lui donnerait sa force matrielle perptuant les rapports sociaux : Tais-toi econsomme. ; Lui travaille, vote, et se tait. ; La conscience nat dans les barricadesRveille-toi. (Quelques pancartes lors dune manifestation devant le centre commerciaThe Mall Athnes).

    ce prix, et cest le prix que les meutes en Grce ont pay pour que leurs limites soienleur dynamique, labsence dimpact et dactions dans la sphre de la production (chosvidente tout au long du mouvement) est devenue, au prix de cette rduction idologique dla reproduction des rapports sociaux capitalistes, une attaque globale contre leu

    reproduction. Le problme, cest que la reproduction des rapports sociaux, y compris lerapports de production, est pose comme assujettie la soumission des individus denormes de comportement dont la consommation et le travail sont les paradigmes, de mmque la production de valeur apparat comme assujettie sa circulation. En fait, toute socitest bien reconnue comme se reproduisant comme production, mais cette production essuspendue lacceptation de la reproduction des rapports sociaux inculqus aux individuqui, par l, acquirent un rle de ciment de la structure sociale. La reproduction derapports sociaux consiste en ce que, pour les individus, les ides sont des actes matrielsinsrs dans des pratiques, norms par des rituels, dfinis par les appareils idologiques eles institutions desquels drivent les ides de ces sujets. Attaquer globalement la socit

    capitaliste devient attaquer les comportements et les peurs enfermant lindividu dans uncarcan idologique, lui dictant inconsciemment sa conduite et ses objectifs, dans un senvidemment favorable la reproduction du systme existant. Chacun de cecomportements, chacune de ces institutions sont alors produites comme autant de terrainde luttes politiques.

    La reproduction conomique, centre sur la production/reproduction du capital, doit trcomplte par la reproduction des rapports de production comme rapport de dominationtant entendu que cette reproduction doit dcouler de lintgration/intriorisation de valeurs et des normes de la socit actuelle ou alors, quand tout cela se dchire, de

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    rpression violente et sans phrases. La vise stratgique consiste alors dfaire cettinculcation et ces habitudes constituant le ciment de la socit, ce par quoi les hommepeuvent vivre ensemble sous la domination des capitalistes et des matres du monde.

    Dfaire cette inculcation, ctait la lutte elle-mme et son contenu, cela na jamais t enGrce une activit militante apportant la conscience de son alination au peuple. Lemeutiers agissaient partir de leur propre situation et contre elle. Si lon peut parler de lalutte contre les rapports sociaux en tant quinculcation et idologie dont dpendrait la

    reproduction gnrale de la socit, il ny a l aucun rapport dclairement ou ddsintoxication, dirig vers une population veiller, de la part dune avant-garde claireLe mouvement a t foncirement anticapitaliste et firement affirmatif de lui-mme, cespar l quil a rejoint une grande partie de la population sans propagande. Ctait unmouvement adquat une crise du rapport entre le capital et le proltariat, dans laquellelinitiative revenait jusque l au ple de la contradiction qui subsume lautre en tanquconomie et ncessit. Ctait la mise-en-lutte-de-classes de la crise du capital, undsobjectivation.

    Mais une dsobjectivation qui faisait lconomie de lobjectivit de lconomie. Comme nou

    lavons dit en introduction, cest en devenant problmatique, cest--dire en tant en criscomme reproduction, que lautoprsupposition du capital dsigne, dans un premier tempscomme le lieu de sa crise, les secteurs de la socit o sa reproduction prend une formspcialise par rapport la socit mme et nous ajoutons : dsigne comme acteurs dcette crise cette fraction du proltariat pour laquelle les alas de la reproduction sont sadfinition mme. Cette crise de la reproduction touche dabord les entrants et construila catgorie sociale de la jeunesse, elle sest concentre dans les lieux spcialiss de lreproduction, dsignant la jeunesse prcarise comme son principal acteur (la gnration600 euros). Cette fraction navait besoin daucune propagande pour toucher le reste de laclasse, mais pour elle la reproduction apparaissait comme une activit et un statu

    particuliers.

    Il en rsulte que chaque comportement ou institution devient le lieu et lenjeu dune luttspcifique contre la domination du capital (mme si elles sont destines sunifier) ; leluttes portent contre le systme de domination coupable de maintenir le sujet dans ssujtion (en gnral, la prison devient la cible paradigmatique de cette vision idologique dumode de production capitaliste). Mais ni lcole, ni la famille, ni la consommation, ni lpolitique, ni la prison ne produisent les classes, ce ne sont pas l la matrice de la divisionsociale, ce que suppose, pris pour lui-mme, le concept de domination et lattaque mm bien relle de celle-ci. La lutte contre la domination prend pour objet la mme fauss

    question qui fonde lidologie dmocratique : comment des individus forment une socitquel est le ciment qui les tient ensemble, pour les uns dans une position dominante, poules autres dans une position domine ? La socit devient un environnement de lindividuLe point de dpart est la forme individu , distincte (oppose ou intgre) de l Socit comme ensemble de relations qui chappent lindividu et lui paraissentrangres, comme environnement, structure objective, contrainte extrieure avec laquelle idoit composer. Lidologie de la dmocratie se fonde sur la question du comment leindividusfontsocit ? ; la proposition inverse comment les individus dfont la socit

    demeure alors une critique dmocratique de la dmocratie. la thorie du contracomme rsultante de la diffusion de lchange marchand, succde la critique de la vi

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    quotidienne et de la normalit comme critique de lintriorisation du ftichisme du capital.

    Sous quelque aspect quon les considre, dans leur puissance mme, ces meutes onconstamment, elles-mmes, dsign un angle mort : la classe ouvrire, la sphre de lproduction.

    Dynamique et limite des meutes en Grce

    Actuellement, la rvolution est suspendue au dpassement dune contradiction constitutivde la lutte de classe : tre une classe est pour le proltariat lobstacle que sa lutte en tant queclasse doit franchir/abolir. Les meutes en Grce ont pos cet obstacle, formalis lcontradiction et elles en sont restes l. Ce fut l leur limite, mais la contradiction esmaintenant pose pratiquement pour ce cycle de luttes dans le capitalisme restructur et sacrise.

    Les meutes, par leurs cibles, leur modalits daction, leur type dorganisation, lattaque dla socit capitaliste en tant que reproduction des rapports sociaux, la production pratiqu

    du moment coercition de lautoprsupposition du capital, ont eu pour contenu principal llutte du proltariat contre sa propre existence comme classe. Cette dtermination essentielldes luttes actuelles ne sest pas autonomise comme elle avait pu le faire dans l mouvement daction directe au dbut des annes 2000, le fait dtre proltaire nest padevenu quelque chose dpasser, comme un pralable la contradiction et la lutte contrle capital. Le mouvement des meutes en Grce ne sest pas satisfait de lui-mmecontrairement au mouvement daction directe, il ne sest pas construit commautorfrentiel. Le mouvement sest toujours voulu et a rellement t un mouvement de lclasse proltarienne. Mais cest prcisment cette volont et cette existence relle de sonaction en tant que classe quil sest heurt, comme sa limite interne. Dun ct, la remis

    en cause par le proltariat de sa propre existence comme classe est demeure minoritaireparce quenferme dans un segment de la force de travail (tudiants, prcaires, immigrsmme si cette minorit tait prsentepartout, la gnralit de la situation de ce segment esdemeure sa particularit et la remise en cause de la reproduction est reste spare de lproduction dans le moment coercition de lautoprsupposition du capital ; de lautrelexistence du mouvement comme activit de classe sest scinde entre cette remise en causet un appel tre rejoint par la classe ouvrire dans la manifestation de son autonomiet de son auto-organisation, ce qui tait dans une contradiction vidente avec la remise encause par le proltariat de sa propre existence comme classe qui tait alors en jeu.

    Cest dans ce dernier aspect des meutes que sest jou lessentiel de la dynamique et delimites du mouvement. Dun ct laction en tant que classe qutait ces meutes, du faimme de ses acteurs, produisait lappartenance de classe comme une contrainte extrieurede lautre elle ne pouvait demeurer action de classe (fuir lautonomisation de son refus de lacondition proltarienne en mode de vie), dans sa sparation minoritaire (on a vu quil nsagit pas que dune question de chiffres), quen se rfrant une classe ouvrire largemendevenue mythique en tant quautonomie et auto-organisation. Cela a pu prendre la formetrange et caricaturale de ce texte qui a beaucoup circul sur le web tant son intitul tai

    accrocheur : Lettre ouverte des travailleurs dAthnes ses tudiants9)

    . On pouvait y lir

    cette phrase pleine de grandiloquence mais dnue de sens : Ne restez pas seuls ; faite

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    appel nous. [] Nayez pas peur de nous appeler pour que nous changions nos vies touensemble .

    Cette jonction, aux dires dun anarcho-syndicaliste grec, a t principalement recherchpar les occupants de lcole dconomie que lon pourrait qualifier danarchistes-lutte declasses (par rapport aux occupants de lcole polytechnique : anarchistes puristes , selonle mme texte relay par le site de la CNT-AIT de Caen). Les Comits de travailleurs organiss lcole dconomie (ASOEE), mentionns par ce mme texte, nont jamais exist

    sans parler de Comits dun secteur particulier, la chose sest limite des interventionsans grande efficacit sur les lieux de travail. Mme si massivement la classe ouvrire npas boug durant toute ces journes, le travail de liaison et de jonction ntait pas un puacte militant et la sympathie gnrale que rencontrait le mouvement au sein de la masse deouvriers une simple compassion. Le lundi 8 dcembre (deux jours aprs lassassinadAlexandre), lors dune manifestation estime 20 000 personnes, nombre dentre ellespeut-tre plus de 1500, marchaient en dehors et en dedans de la manif attaquant le banques et dtruisant les magasins de luxe du centre-ville, il y eut beaucoup de pillagedans les magasins du dbut de lavenue du Pire, les gens marchaient doucement epersonne na vraiment essay darrter ni les attaques, ni le pillage (cf. Prsentatio

    actualise des vnements rcents Athnes et Thessalonique vus par les yeux de quelque participants proltariens, TPTG et Blaumachen). De mme, le jeudi 18 dcembre, lordune autre des rares manifestations un tant soit peu massives, la tte de la manif ralentipour empcher lencerclement par les flics du cortge anarchiste. La connexion existaiobjectivement. Il est vident pour nimporte quel travailleur que la rpression tatique esintrinsquement lie lexploitation conomique, la pauvret, aux licenciements. Danune Europe qui exige 70 heures de travail par semaine pour les travailleurs, la rpressiondevient le dernier argument de la classe capitaliste et des tats.

    Malgr cela, durant toute cette priode, aucune vague de grves napparat ni mme d

    grve locale dune quelconque ampleur, alors que surtout durant les premiers jours suivantle meurtre dAlexandre les manifestations spontanes et violentes se multiplient. Mme leenseignants ne font quune grve de 24 heures le 9 dcembre, veille de la grve gnral

    prvue par la GSEE10)

    bien avant les vnements. Lors de la grve gnrale du 10 dcembr contre le budget 2009 de ltat , la manifestation prvue est remplace par les syndicatpar un simple rassemblement sur la place Syntagma qui ne runit que 7 000 personnesquelques affrontements avec la police ont lieu, mais pour la masse des manifestants renacle mais a marche. Surtout, le lendemain, aucune queue de grve napparat. Si, lemercredi 17 dcembre, les ouvriers en grve du chantier de lAcropole (toujours enconstruction) soutiennent laccrochage par les tudiants de deux banderoles gantes sur lsite, ils arrtent leur grve dans la journe sur la promesse de la satisfaction de leurrevendications. Le lendemain 18 dcembre, le syndicat de base des postiers (qui souhaitreprsenter tous ceux qui utilisent leur moto comme travailleurs indpendants) appelle une grve dune journe, alors que le syndicat des ouvriers des librairies et des maisonddition appelle un arrt de 4 heures (de 13 h 17 h). Le vendredi 19 dcembre pendant la journe, ouvriers permanents et intrimaires, tudiants et chmeurs deoccupations de lASOEE et de la GSEE organisaient des interventions dans deux centredappel : MRB (une compagnie organisant des sondages dopinion publique) et OTE (lacompagnie de tlcommunications nationale de Grce). La premire intervention es

    survenue autour de midi et seulement quelques personnes y ont particip cause de l

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    grande distance entre le site et le centre-ville. Dans la deuxime intervention, environ 60personnes ont particip et ont bloqu le travail pendant quelques minutes. Les ouvrierintrimaires dans le centre dappel ont rpondu laction de faon positive. (TPTG eBlaumachen, op. cit.). De faon positive , mais ils ont continu travailler.

    Thessalonique, le lundi 9 dcembre, jour des obsques dAlexandre, il y eut un dbrayagde tous les travailleurs du secteur public pour laprs-midi. Toujours Thessalonique, lordune manifestation traversant des quartiers populaires : Un grand nombre dhabitants du

    quartier applaudissaient, alors que dautres se joignaient la manif, un fait qui tmoigne dla large sympathie avec linsurrection, mme de la part de proltaires qui ne participaienpas aux meutes ou aux autres actions. (TPTG et Blaumachen, op. cit.). En rsumbeaucoup de sympathie, peu dactions. De faon gnrale, les meutes nont pas eu deffetsignificatifs sur les lieux de travail, dans le sens quil ny eut aucun appel la grve pour lesoutenir. La seule exception fut la grve des enseignants le jour de lenterrement du jeun Alexis et la grande participation la manifestation du jour de grve contre le budget dltat, le 10 dcembre. Cela mis part, la rbellion ne toucha pas les lieux de travail. (TPTG et Blaumachen, Comme un hiver dun millier de Dcembre). Dans CouranAlternatifde janvier 2009, on peut lire : Un mouvement de caractre global, mais peut

    tre pas vritablement gnralis. Et cest sans doute sa principale limite. Il aura sans doutmanqu quelques assembles populaires communales supplmentaires pour faire tchdhuile. Auront sans doute galement fait dfaut des mobilisations dacteurs sociaux (letravailleurs, les salaris notamment), la fois dans linscription de leurs localisationpropres et dans la pleine visibilit de ces places et de leur manire de les occuper que levnements politiques gnraux du soulvement avaient ou auraient pu procurer. . Au-delde la relative obscurit de la fin de la phrase, qualifier, quand on parle de lutte de classd acteurs sociaux les travailleurs et les salaris notamment , relve pour le moins dleuphmisme, et qualifier leur absence de quelque chose qui simplement a fait dfaut relve dune thorie de la lutte de classe que lon a du mal cerner. Au-del de ces critiques

    que ce soit pour TPTG ou Blaumachen autant que pour Courant Alternatif, cette absencsaute aux yeux. Mais relever cela comme simplement un manque par rapport ce qui a eulieu traduit une erreur de mthode et danalyse. La limite fait partie de la dfinition de cedont elle est la limite, la limite nest pas un extrieur de la dfinition.

    On ne peut pas juger de limportance de ce qui sest pass en Grce si lon ne tient pacompte de ces faits. Dans une telle situation, le souhait dun anarcho-syndicaliste greesprant quil sortira de cela un nouveau mouvement avec des structures de travailleurssyndicales, sociales plus populaires plus organises et plus axes sur les luttes balancentre lincantation et lobsolescence.

    Le mouvement a t celui dune attaque, dune remise en cause, dun refus, par deproltaires de leur situation de proltaires, mais il a t le fait dune fraction du proltaria(tudiants, prcaires souvent les mmes travailleurs migrants) qui, bien quexprimant lsituation gnrale de la force de travail, est demeure, tout au long du mouvement, unfraction particulire. Ce qui fut dterminant, cest que cette remise en cause dans la luttdes classes ne sest pas autonomise, elle sest voulue et a t tout du long une manifestationouvrire, elle est demeure action de classe et relations internes la classe ouvrire. Cesclairement et pratiquement que ces meutes ont formalis lenjeu principal de la lutte declasses actuelle : agir en tant que classe dans la lutte contre le capital contient pour l

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    proltariat sa propre remise en cause et pose laction en tant que classe comme sa limite dpasser. Les choses sont apparues et ont t pratiques en tant que telles. On peut comptesur le cours de la crise pour que la gnralit ne demeure plus particulire.

    Quand le rapport contradictoire entre le proltariat et le capital se situe au niveau de lareproduction, la contradiction du proltariat au capital contient la remise en cause dumouvement dans lequel il est lui-mme reproduit comme classe. Cest l maintenant lecontenu et lenjeu de la lutte des classes. Agir en tant que classe, cest actuellement, dun

    part, navoir pour horizon que le capital et les catgories de sa reproduction, dautre partcest, pour la mme raison, tre en contradiction avec sa propre reproduction de classe, laremettre en cause. Dans le cycle de luttes actuel la contradiction entre le proltariat et lcapital se tend un point tel que la dfinition de classe devient une contrainte extrieureune extriorit simplement l parce que le capital est l. Lappartenance de classe esextriorise comme contrainte. Cest l le moment du saut qualitatif dans la lutte de classecest l que lon peut passer dun changement dans le systme un changement du systme

    La dynamique de ce cycle de luttes apparat comme un cart lintrieur de la lutte dclasse, cest--dire comme un cart lintrieur mme de laction en tant que classe.

    Dans ses formes mmes dactions, le mouvement a exprim cet cartconstitutif. On a djinsist sur lattaque de toutes les formes institutionnelles de la reproduction gnrale derapports sociaux capitalistes (essentiellement ltat), sans que cette attaque de lreproduction inclue en elle laproduction. Lattaque de la reproduction sest trouve commen apesanteur au-dessus du plancher de verre la sparant de la production. Il faugalement considrer les blocages et les occupations comme des formes dcoulant de cettsituation. Laissons de ct, pour les considrer en eux-mmes, le fait que les blocages nsemblent pas avoir t dune grande efficacit.

    La stratgie du blocage part dune ide juste : le capital est valeur en procs, cest--direque la valeur ne sy perd jamais en passant de la forme argent la forme marchandise, de lproduction lchange, de lchange la consommation (sil sagit de la consommationproductive dfinissant le capital). Cette stratgie considre que le capital est un flux, uneproduction fonde sur lchange, que circulation et production sont chacun un moment lunde lautre et sincluent rciproquement.

    nonant les conditions fondamentales du rapport du capital (Fondements de la critique dlconomie politique, Ed. Anthropos, t.1, pp. 427428), Marx nous donne : 1 dun ct laforce de travail vivante ; 2 de lautre ct la valeur ou le travail matrialis ; 3 un libr

    rapport dchange en tant que mdiation entre les deux ; 4 Enfin, le ct reprsentant leconditions objectives du travail en tant que valeurs indpendantes et existant pour ellesmmes, doit avoir la forme-valeur et avoir pour but lauto-valorisation de largent, et nonpas la jouissance immdiate ni la cration de valeur dusage . Le 4 nest pas quune glossur le 2, mais dcoule de la relation double de la mdiation (la circulation) aux extrmequelle mdie : prsupposition et rsultat. Il faut alors distinguer deux acceptions dlchange (de la circulation) : dune part, lchange comme moment particulier du procs dreproduction, qui alors alterne avec la phase de production, dautre part, lchange commforme du procs de reproduction, comme par exemple dans des expressions comme laproduction fonde sur lchange . En tant que moments qui se dressent lun en face d

    lautre, circulation et production sont immdiats, devant tre mdiatiss. Pour la circulation

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    simple, cette mdiation est le procs de production qui gnre les marchandises qui doiveny tre de nouveau jetes de lextrieur. Pour le capital, ds lors que lon considre le capitadans son mouvement densemble, la production inclut la circulation tout autant qulinverse. La circulation nest quun moment de la production car cest uniquement pacette dernire que le capital devient capital ; et, de mme, que la production nest quunmoment de la circulation, si nous considrons celle-ci comme la totalit du procs dproduction. (ibid. t.2, p.1011). Ds lors, la diffrence de la circulation simple, lelments que la circulation mdie ne lui sont plus extrieurs, mais sont ses prsupposition

    et son rsultat.Linclusion de la production comme moment de la circulation et vice-versa ne doit pas fairoublier que la totalit se compose de moments distincts que prcisment Marx dtaille aumoment mme o il affirme cette inclusion rciproque. Si nous considrons lensemble dla circulation du capital, nous distinguons quatre moments, tant donn que les deugrands moments du procs de production et de circulation se scindent leur tour en deu(nous pouvons partir soit de la circulation, soit de la production). [] Ces moments sont 1le procs de production proprement dit et sa dure ; 2 la conversion du produit en argentet la dure de cette opration ; 3 la transformation de largent en portions adquates d

    matires premires, moyens ou conditions du travail, bref, en les lments productifs ducapital ; 4 lchange dune portion du capital contre la force de travail vivante ; il fauconsidrer cette transaction comme un moment particulier, puisque le march du travail esrgi par dautres lois que celle du march des denres par exemple. ( ibid) Le procimmdiat npuise pas le cycle de vie du capital, il doit tre complt par le procs dcirculation qui devient la mdiation du procs de production social. Le procs de productionsocial se distingue du procs de production immdiat en tant que ce dernier soppose lcirculation immdiate.

    Si lon en revient la stratgie du blocage, on saperoit que, de son fondement juste en

    thorie, elle glisse vers plusieurs amalgames. Tout dabord lamalgame entre circulation etransports : la circulation na pas le mme sens pour le capital et pour la gendarmerieLamalgame entre la circulation comme moment particulier du procs de reproduction, qualors alterne avec la phase de production, et la circulation comme forme gnrale du procde reproduction. Il nen reste pas moins que les marchandises et la force de travail doivenmatriellement se dplacer dun point un autre (lchange, au sens strictemenconomique, dans le mode de production capitaliste, est tranger cette question) et qucela est indispensable la reproduction du capital. En fait la stratgie du blocage repose suun fondement thorique dans la thorie du capital comme circulation, qui ne correspondpas la pratique effective quelle est. Cela nest pas trs gnant tant que lon parle daction

    cela le devient quand sur ces amalgames se greffent des thories sur la dfinition du travaiproductif et de la valeur. Le blocage de la circulation (sens de la gendarmerie) entrave laproduction de valeur parce quil ne peut pas ne pas rejaillir sur elle, et non parce quil est enlui-mme un blocage de la production de valeur. Il serait mme plus juste de dire quil nsagit pas dun blocage de la circulation, mais de la production au sens o les transports sonun prolongement du procs immdiat de production. La stratgie, dite du blocage de lcirculation , ne ncessite ni ne justifie aucun aggiornamento thorique.

    Pour en revenir la Grce (entre autres car la stratgie du blocage est caractristique dunnombre grandissant de luttes), le blocage est reconnu par ses acteurs mmes comme la

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    forme de lutte de ceux qui nont pas une prise immdiate sur la production. Il ne sagicependant pas dun pis-aller dans la mesure o le blocage peut avoir une efficacitredoutable. Mais il sinscrit, dans le cas de la Grce, comme forme de lutte, dans cettsparation entre, dune part, lattaque de la reproduction des rapports sociaux et, dautrpart, la production, sparation qui a dfini ces meutes. Ici la reproduction cest lmouvement des entrants (input) dans le procs de production, la condition de sa continuit

    Pour les occupations de btiment publics, qui furent une nouvelle forme de luttes venan

    des meutes, elles sinscrivent dans le mouvement gnral dattaque de toutes les formeinstitutionnelles de la reproduction.

    Quand nous parlons de la sparation entre reproduction et production, production ecirculation, est-ce dire que les meutiers grecs ntaient pas des travailleurs productifs oupire ntaient pas des proltaires (ou des proltaires marginaux et priphriques) ? Si lonveut raisonner ainsi, beaucoup de ces meutiers taient des travailleurs productifs au senle plus strict du terme : changeant leur force de travail avec un capital engag dans lsecteur de la production. En outre, une stricte dfinition du travail productif ne signifie paque seuls les travailleurs productifs sont des proltaires. Un travailleur improductif vend s

    force de travail et est exploit pareillement par son capitaliste, pour lequel son degrdexploitation dterminera la part de plus-value quil pourra sapproprier comme profitCest de la dfinition stricte du travail productif que lon peut dduire que le proltariat nese limite pas aux travailleurs productifs. En effet, premirement, il est dans lessence mmde la plus-value dexister comme profit, y compris pour les capitaux productifs eux-mmesdeuximement, pour cette raison mme, cest toute la classe capitaliste qui exploite toute lclasse ouvrire, de mme que le proltaire appartient la classe capitaliste avant mme dse vendre tel ou tel patron. Cependant le travail social global que le capital cre en slappropriant (le travail social ne prexiste pas dans le proltaire ou lensemble de la classeantrieurement son appropriation) nest pas une masse homogne sans distinctions

    mdiations et hirarchie, il nest pas une totalit significative dans laquelle chaque particontient toutes les dterminations de la totalit. Il ne faut pas luder un problme central si chaque proltaire un rapport formellement identique son capital particulier, il na passelon quil est un travailleur productif ou non, le mme rapport au capital social (il ne sagpas de conscience, mais dune situation objective). Sil ny avait pas, au centre de la lutte declasses, la contradiction que reprsente le travail productif, pour le mode de productioncapitaliste et pour le proltariat, nous ne pourrions pas parler de rvolution (elle seraiquelque chose dexogne au mode de production, au mieux une utopie, au pire rien).

    Cest le mode mme selon lequel le travail existe socialement, la valorisation, qui est l

    contradiction entre le proltariat et le capital. Dfini par lexploitation, le proltariat est encontradiction avec lexistence sociale ncessaire de son travail comme capital, cest--direvaleur autonomise et ne le demeurant quen se valorisant : la baisse du taux de profit esune contradiction entre les classes. Le proltariat est constamment en contradiction avec spropre dfinition comme classe : la ncessit de sa reproduction est quelque chose quitrouve face lui reprsente par le capital pour lequel il est constamment ncessaire etoujours de trop. Le proltariat ne trouve jamais sa confirmation dans la reproduction durapport social dont il est pourtant un ple ncessaire. Cest cela la contradiction du travai

    productif11)

    .

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    Les travailleurs productifs ne sont pas pour autant rvolutionnaires par nature et enpermanence. Les classes ne sont pas des collections dindividus, le proltariat et la classcapitaliste sont la polarisation sociale de la contradiction que sont la baisse du taux de profiou le travail productif qui structure lensemble de la socit. Le rapport particulier (parapport tout autre travail exploit) du travail productif au capital social ne se fixe pacomme lessence des travailleurs productifs. Cependant, dans la contradiction du travaiproductif qui structure lensemble de la socit et la polarise en classes contradictoires, letravailleurs productifs ont une situation singulire. En bloquant la production de valeur e

    de plus-value, les hommes qui vivent au cur du conflit du capital comme contradiction enprocs ne font pas que bloquer . Dans leur action singulire, qui nest rien de spcialmais simplement leur engagement dans la lutte, la contradiction qui structure lensemble dla socit comme lutte des classes revient sur elle-mme, sur sa propre condition, cest par lque lappartenance de classe peut se dliter et qu lintrieur de sa lutte le proltariaentame son autotransformation (cela dpend de toutes sortes de circonstances et celnarrive pas chaque fois que des travailleurs productifs sont en grve).

    Si le proltariat ne se limite pas la classe des travailleurs productifs de plus-value, cest lcontradiction quest le travail productif qui le construit. Le travail productif (de plus-value

    cest--dire de capital) est la contradiction vivante et objective de ce mode de production. Inest pas une nature attache des personnes : le mme travailleur peut accomplir detches productives et dautres qui ne le sont pas ; le caractre productif du travail peut tredfini au niveau du travailleur collectif ; le mme travailleur (intrimaire) peut passer, dunesemaine lautre, dun travail productif un autre qui ne lest pas. Mais le rapport dlensemble du proltariat au capital est construit par la situation contradictoire du travaiproductif dans le mode de production capitaliste. La question est de savoir, toujourhistoriquement et conjoncturellement, comment cette contradiction essentiell(constitutive) construit, un moment donn, la lutte des classes, sachant quil est dans lnature mme du mode de production capitaliste que cette contradiction ny apparaisse pa

    en clair, la plus-value devenant par dfinition profit et le capital tant valeur en procs.

    Si la rvolution pourra partir des usines, elle ny restera pas, elle commencera sa tchpropre quand les ouvriers en sortiront pour les abolir, elle se heurtera lauto-organisation lautonomie et tout ce qui pourra se rattacher au conseillisme . Cette rvolution seracelle de lpoque o la contradiction entre les classes se situe au niveau de leur implicationrciproque et de leur reproduction. Et le maillon le plus faible de cette contradictionlexploitation qui relie les classes entre elles, se situe dans les moments de la reproductionsociale de la force de travail, l o justement, loin de saffirmer, la dfinition du proltariacomme classe du travail productif apparat toujours (et de plus en plus dans les forme

    actuelles de la reproduction) comme contingente et alatoire, non seulement pour chaquproltaire en particulier, mais structurellement pour lensemble de la classe. Mais si la luttde classe demeure un mouvement au niveau de la reproduction, elle naura pas intgr enelle-mme sa propre raison dtre, la production. Cest l actuellement la limite rcurrentde toutes les meutes et insurrections , ce qui vnementiellement les fait dfinir comm minoritaires . La rvolution devra investir la production pour labolir en tant qumoment particulier des rapports entre les hommes et abolir par l-mme le travail danlabolition du travail salari. Cest l le rle dterminant du travail productif et de ceux qui un moment donn, sont les porteurs directs de sa contradiction, parce quils la vivent danleur existence pour le capital la fois ncessaire et superflue. Ils possdent objectivementl

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    capacit de faire de cette attaque une contradiction pour le capital lui-mme, de retourner lacontradiction quest lexploitation contre elle-mme. Le chemin de labolition dlexploitation passe par lexploitation elle-mme ; comme le capital, la rvolution est encoreelle aussi, un processus objectif.

    Cest dans ce procs de la rvolution que la propre dfinition du proltariat comme classdes travailleurs productifs apparatra rellement, en actes, comme limite. La dfinition duproltariat nest plus une catgorie socio-conomique, tout comme celle de la class

    capitaliste, mais la polarisation, comme activits, des termes de la contradiction queslexploitation, ce qui est dj pour chaque lutte le critre permettant de juger de soapprofondissement et de la mise jour de ses propres causes.

    En Grce, aucune question ne sest pose en termes de travailleurs productifs ouimproductifs, de cur ou de priphrie du proltariat. Les meutiers (travaillant paexemple dans la restauration rapide) pouvaient tre de stricts travailleurs productifs et leemploys municipaux qui sont demeurs plus ou moins spectateurs de stricts travailleurimproductifs. La sparation entre reproduction et production qui a marqu le mouvemenpour le meilleur et pour ses limites a rsult de la situation particulire de ces travailleur

    au niveau non de leur productivit ou improductivit , mais simplement de la formde leur contrat de travail ou de leur situation dans la panne davenir du mode dproduction capitaliste.

    La crise actuelle innove quant la gestion de lemploi par les entreprises. Dans les criseprcdentes, y compris celle de 1993, pour ajuster la force de travail la baisse de lproduction, les entreprises rduisaient dabord les heures supplmentaires, elles mettaienfin ensuite aux missions dintrim et aux contrats dure dtermine, elles passaienensuite au chmage partiel et enfin enchanaient avec des plans sociaux . Dans la crisactuelle, les emplois prcaires (CDD et intrim) apparaissent comme un amortisseur

    beaucoup plus important, protgeant du coup davantage le noyau dur du salariat (enFrance, par exemple, le nombre dheures supplmentaires est en hausse en septembre eoctobre 2008), ce qui nempche pas le chmage partiel de se dvelopper. Ce type dgestion est le rsultat de la flexibilisation du march du travail acquise durant ldveloppement du mode de production capitaliste restructur. Le nombre de travailleurprcaires est devenu si important que les chiffres du chmage senvolent.

    Dans la contradiction entre le proltariat et le capital, il nexiste plus quelque chose desociologiquement donn a priori comme pouvait ltre louvrier-masse de la grandusine. Le caractre diffus, segment, clat, corporatif des conflits, cest le lot ncessaire

    dune contradiction entre les classes qui se situe au niveau de la reproduction du capital ecela na pas manqu de structurer les luttes en Grce.

    Il ny a pas de fraction de la classe ouvrire plus centrale quune autre, ce qui compte cest ldynamique et la crise des modalits dexploitation de la force de travail globale. Ce que noupou