théorie communiste n°16

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    EDITORIAL

    Depuis le dernier T.C. les choses sont alles leur train ; nous avons eu de nouvellesguerres, une srie de massacres et des wagons de prises de positions et de dclarations tousazimuts mais toujours au nom des droits de l'homme, de la paix, des liberts (des individus,

    des peuples, des mdias), du dveloppement, de l'esprit civique, citoyen et humanitaire.C'est--dire au nom du capital.

    Pour le Kosovo donc (pour Timor l'vidence est telle que a ne ncessite aucuneanalyse) nous pensons que le mobile immdiat principal tait le contrle des Albanaisd'Albanie, du Kosovo et de Macdoine. Le paradoxe est que les Kosovars, victimes l'aidedesquelles on accourrait, taient les plus dangereux et il fallait les mettre sous protectorat.

    Il fallait poser un corset blind sur l'Albanie o l'Etat avait tout simplement disparuau profit de pouvoirs claniques/mafieux. Il fallait sauver l'Etat Macdonien dont le tiersd'Albanais aurait explos plaant la Grce en premire ligne ( remarquons quel'irrdentisme sur le nom hellnique de Macdoine a disparu comme par enchantement

    quand il s'est agit des intrts vritables de l'Etat grec). Il fallait dmanteler le cordon decamps de rfugis tout autour du Kosovo au pouvoir de l'UCK d'o viendraient un flot derfugis incontrlables vers l'Europe, en mme temps que la drogue, la prostitution massiveet organise, de nouvelles mafias, voire des "terroristes". Le protectorat vise cantonner,sur un territoire ferm, une population globalement surnumraire, tout en prservant unavenir o sa situation au coeur de l'Europe balkanique peut en faire un rservoir d'o, parrotation, des vagues successives de main d'oeuvre peuvent tre retires dont les capitauxutilisateurs n'auraient pas supporter la reproduction d'ensemble long terme : sur lemodle de l'Allemagne, en gnral, avec l'organisation de la "clandestinit" de la main-d'oeuvre polonaise, ou plus particulirement de la Bavire avec les ouvriers tchques.Comme en Asie, cette structure peut se reproduire l'infini tous les niveaux de la

    hirarchie capitaliste : les Hongrois ou les Tchques agissant ainsi avec les Kosovars,comme le capitalisme en Grce le fait dj avec la main-d'oeuvre albanaise. Cette situationrduit nant toute vellit de type fordiste ( comme la crise de 97 l'a rendu vident,ailleurs, pour la classe ouvrire corenne) dans les "pays en mutation" de la zone. Il est denotorit publique que la classe capitaliste des pays les plus dvelopps se proccupe deplus en plus de ses besoins de main-d'oeuvre immigre dans un futur proche."L'immigration statut permanent ne correspond plus aux besoins actuels de la valorisationdu capital (...) aujourd'hui la prcarisation de la condition d'immigr est la forme la pluslibre que prend la circulation des hommes en tant que marchandises" (Charles Reeves,"L'immigr et la loi de la population dans le capitalisme moderne", in "L'oiseau-tempte",

    automne 97). Dj propos de la rbellion albanaise, des camarades grecs crivaient dansun numro spcial de leur revue ("Ta Pedia Tis Galarias", "Les enfants de la galerie" :TPTG, P.O. Box 76149, Nea Smirni 17110, Athens, Greece) : "Nous affirmons avoiraffaire une rbellion moderne. En premier lieu, parce que son sujet, "l'immigrant-mobile-proltarien" constitue la figure centrale de la classe ouvrire aujourd'hui. Plus quequiconque dans les Balkans, c'est l'immigrant albanais qui reprsente non seulement lapauvret mais aussi l'utilit et la disponibilit pour le capital." Voir cela comme un checde l'extension des rapports sociaux capitalistes, c'est ne pas arriver se dfaire de sesoeillres fordistes, ou croire que le capital a pour but le bonheur de l'humanit.

    Le capital intgre l'ex-Yougoslavie, ce n'est pas pour autant qu'elle deviendra unegrande Suisse ou un joli petit capital autocentr, l'intgration c'est le dpeage, c'estl'ingal dveloppement. L'installation, par exemple, depuis 1992, d'Alcatel, Procter etGamble, Gnral Motors, Salomon, Coca Cola, Continental, dans la rgion de Timisoara,en Roumanie, ne change pas grand chose la croissance gnrale de l'conomie roumaine

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    ; au contraire la rgion se verrait bien autonome lorgnant vers la Hongrie ou Belgrade(distante de 200 km) et le Danube. L'poque du capital bouclant son accumulation sur uneaire nationale est rvolue, et cela doublement : dans le capitalisme occidental et pour celamme, dans ce qui tait le modle paroxystique du capitalisme autocentr, les pays de l'Est.Il n'y a pas l de "rgression historique" comme le soutient Dauv dans sa brochure "Sur laguerre de l'Otan contre la Serbie" (ARHEDIS, BP 20306, 60203 Compigne Cedex). S'il y

    a un domaine o le capital est sorti du fordisme c'est bien (entre autres) dans les formes desa mondialisation et dans celles de la gestion de la population surnumraire. Ce n'est quedans une restructuration du capitalisme mondial initie par le capitalisme occidental que lespays de l'Est peuvent enfin accder leur pleine citoyennet capitaliste, c'est--dire enfinachever (terminer et supprimer) leur existence de contre-rvolution qui a t ladtermination originelle de la spcificit de leur dveloppement capitaliste.

    Il fallait dtruire, si ce n'est immdiatement tout au moins relativement courtterme, une Serbie gnant les relations entre l'Europe et la Grce, la Turquie et plus loin leCaucase d'o doit venir bientt "le ptrole". Plus gravement, elle constituait un dernierancrage russe. Russie qui ne russit pas sa "mutation" et redevient sinon dangereuse du

    moins hargneuse et n'accepte justement pas d'tre limine du Caucase. Si la classedominante serbe gnait, c'tait de ne pas parvenir se transformer de "bureaucratie" enclasse capitaliste simplement bourgeoise, par l elle restait un obstacle l'intgration del'Europe centrale l' OTAN et l'UE. Cet pisode de la canonnire est, entre autres, unmoment de la mutation et de l'intgration une accumulation mondialise des pays jusquel domins par un capitalisme extensif et autarcique (le mal-nomm "capitalisme d'Etat").Sous la gopolitique, c'est directement la dfinition des classes sociales en prsence dans lecapitalisme mondialement restructur qui est en jeu : cration et gestion de la force detravail surnumraire ; achvement de la longue marche de la "bureaucratie" (nous n'avonspas de meilleur terme pour dfinir la spcificit de cette fraction de la classe capitalistemondiale depuis 1917) vers sa transformation en classe bourgeoise non seulement

    "ordinaire", mais "ordinaire" d'un capitalisme priphrique ; "libration", si ncessaire parla force, de la classe ouvrire du consensus bureaucratique (le "bol de riz en fer") auquelelle se raccroche, avec toutes ses raisons, jusque et y compris dans son opposition violenteaux directives du FMI et consquemment dans le nationalisme.

    Les prises de position des dmocrates radicaux ont t coinces dans une tenailledifficile desserrer. Cela les a amens se diviser en deux courants franchementantagoniques.

    D'une part, une exigence d'antifascisme-rouge (opportunment appel rouge-brunou national-communisme, tant se contenter de "socialisme" est gnant pour beaucoup d'ex-staliniens) impliquant de s'opposer Milosevic, antifascisme allant de pair avec un soutien

    a priori tout mouvement se dfinissant comme de libration nationale, imposant donc desoutenir l'UCK.D'autre part, l'opposition aux oprations guerrires de "l'imprialisme US" et d'une

    "rsurgence de l'expansionnisme allemand dans la Mitteleuropa" coaliss dans une OTANqu'on se plat prsenter la fois comme le carcan US sur l'Europe occidentale et commele champs clos d'un antagonisme germano-amricain. Si les Amricains en ont "profit"pour accentuer leur tutelle sur l'Europe, il faut reconnatre que celle-ci est bien accepte etmme sollicite. Cette prise en tenaille faisait dire en substance Cohn-Bendit rpondantaux anti-guerre : "D'accord avec vous pour dire que la guerre est une catastrophe et que lesKosovars doivent avoir le droit l'autodtermination mais je doute qu'il suffise d'en faire lademande Milosevic". On a donc eu sparation entre pro. et anti. OTAN avec du ct des

    pro, les Verts et la moiti des non-P.C. de la liste "Hue-Bouge l'Europe!", de l'autre le PC,les nationaux-rpublicains les archo-gaullistes et les trotskistes tiraills entre Arlette plus"classiste"(position restant plus fidle au programme lniniste d'Etat ouvrier) et Alain plus

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    "droit des peuples"(volution ancienne vers un tiers mondisme toujours la recherche d'unmodle de rechange). D'o des positions que Cohn -Bendit a pu si bien renvoyer leurirnisme. Pour se formaliser et accder une existence sociale reconnue, le dmocratismeradical doit se dbarrasser de son hritage gauchiste et "socialiste rel" : anti-imprialisme,lutte de libration nationale...

    Face cette guerre du Kosovo et la situation actuelle, les expressions

    rvolutionnaires ne peuvent consister vituprerer un capitalisme intemporel, invoquerun internationalisme proltarien mythique, se dsoler sur" l'actuelle extrme faiblesse denos forces" et appeler une prise de conscience urgente avant des catastrophesrenouveles. Le fait que cela ne serve rien n'est pas le plus grave ; le plus grave c'est quecela gne, voire empche, de comprendre, d'lucider les causes actuelles de cette guerre ,la structure du capital tant mondial que local, et les ncessits conomiques, politiques etstratgiques qui s'imposent aux classes en luttes. Ncessits qui font chouer les luttesouvrires construites dans l'clatement des Etats multinationaux et provoquent la formationde fronts interclassistes nationalistes. Il n'y a pas de dtournements des belles et bonnesluttes de classes en luttes ethniques, par les stratgies machiavliques des bourgeoisies, ni

    en Serbie, ni ailleurs. A notre connaissance, dans les textes qui ont circul (publis ou non),la brochure de Dauv, dj cite, est la seule poser l un problme et ne pas se contenterdu "dtournement nationaliste". Cependant, l'analyse s'arrte la simple juxtaposition dedeux situations : "le non dpassement des luttes dures dfensives" ; "les actions contre la"privatisation" sont alors intgres une perspective nationale (...) Des groupesnationalistes prennent le contrle, voire l'initiative de cortges ouvriers." (p 25). C'estprcisment ce passage qu'il faut produire : le nationalisme est dj constamment prsentdans les "luttes dfensives dures". Il faut articuler les phases entre elles, et non se contenterde passer la seconde simplement par l'chec de la premire. C'est alors toute uneconception thorique fondamentale de l'implication rciproque entre proltariat et capital etde la nature de leur contradiction qui est en jeu.

    Dans une configuration sociale totalement diffrente, la rvolte des Indiens enEquateur en janvier 2000 ayant abouti la trs phmre prise du pouvoir que l'on sait,n'est pas non plus "dtourne" par le nationalisme indien et quatorien des dirigeants de laCONAIE (Confdration des Nationalits Indignes de l'Equateur), ni par la trahison desmilitaires. La rvolte, qui s'enracine dans la dpossession multisculaire des Indiens et plusimdiatement dans les lois de ces cinq dernires annes introduisant la proprit prive etdes rgulations marchandes de l'usage de l'eau dans les communauts indiennes, prendforme comme rvolte "nationale" et "culturelle". Cette culture, depuis quinze ans, estlargement une recration des "lites" issues des populations indiennes et du clerg (leshabituels "entrepreneurs en nationalisme"), via la fondation de bibliothques, d'un rseau

    d'coles parallles, le foisonnement de radios locales, la rsurrection des ftes populaires.Cette "rsurrection" culturelle nationale devenant le foyer, l'ancrage, le symbole mmed'une alliance nationaliste plus large contre la dollarisation, englobant les classesmoyennes. L'alliance de cette "renaissance nationale" avec certains secteurs de l'arme(selon l'expression consacre) n'est pas absolument contre nature, dans la mesure o celle-ci est bien souvent la seule force sociale organise qui, dans le cadre de son activit decontrle et de rpression, assure un minimum d'infrastructures et de prsence des servicesde l'Etat dans les rgions les plus recules (que l'on se souvienne de la grande alliancenationaliste de l'arme et des Indiens dans le Prou du gnral Velasco Alvarado au dbutdes annes 70). La rvolte paysanne ne peut, sans se dtruire elle-mme, voir son avenirdans les bidonvilles de Quito ou Guayaquil, le nationalisme ne la dtourne pas mais la

    construit. Cependant, par l elle s'interdit la propre satisfaction de ses revendications :"nous ne sommes pas contre la proprit prive", nous sommes pour un "capitalismealternatif", proclame Vargas, le leader de la CONAIE.

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    Tant que le mode de production capitaliste se reproduit, le proltariat estncessairement soumis ses formes d'existence car le capital est le sujet constammentrenouvel de la reproduction du rapport, et la contradiction du proltariat avec le capitaltrouve tout aussi ncessairement ses limites, qui peuvent aller jusqu'au nationalisme et auracisme, dans les formes de l'autoprsupposition du capital. Si nous avons vu enYougoslavie se constituer des unions sacres c'est dire des front nationalistes pour et dans

    la guerre immdiate, nous avons aussi eu sous le nez, dans la "douce France", et en "tempsrel", la formation d'une unit nationale anti-amricaine allant de la CNT Mgret. Cefront s'est constitu la vitesse-lumire contre la "MacDomination" de la "mondialisationultra-librale"

    Jos Bov saint et martyr gardez nous des droits de douane sur le roquefort et lefoie gras! Certes le caractre farce porte ricaner btement mais c'est tout de mmevraiment une union nationale que nous avons eue. Quand la critique du rapport deproduction qu'est le capital devient la critique, mme gnrale, des multinationales "quinous dpossdent de la matrise de notre vie, de notre espace, de notre conomie", elledbouche sur l'union interclassiste. Elle se ralise contre "la dictature des multinationales

    amricaines". Nos propres multinationales devenant une cinquime colonne. Cette unionse fait pour la dfense face une agression extrieure : agression de forces gigantesques etfondamentalement immorales qui mprisent les peuples et les travailleurs. Les argumentspeuvent se conjuguer l'infini et peu importe la cohrence de leur coexistence : contre lamal-bouffe, contre la sduction des enfants et "l'esclavagisme" de Macdo, contre lesespces transgniques, pour la dfense des petits paysans et de l'agriculture franaise, ladfense des terroirs, bref tout est bon : arguments conservateurs et Keynsiens, moraux etconomiques, romantiques et financiers, nostalgiques (gardarem...) et modernistes, pourune agriculture bio non polluante, environnementaliste. La cerise "radicale" sur le gteauc'est la dfense des salaris hyper-flexibles et interdits de syndicat de Macdo, ils deviennentdans l'opration de pauvres victimes secourues par les rudes bergers du causse. Bien sr,

    cela ne nous enverra pas sur le Chemin des dames, mais on voit comment des luttes ( etmmes des luttes ouvrires rappelons nous du "produisons franais" du PC, au dbut desannes 80, auquel le Front National avait logiquement rajout "avec des Franais") qui seconstruisent ncessairement dans la reproduction du capital peuvent dboucher sur l'unionnationale. Jos Bov tait l'invit-vedette de la fte de l'Huma et du meeting des anti-O.M.C (CCOMC : Coordination pour le contrle citoyen de l'OMC) la bourse du travailde Paris ; ATTAC, SUD, DAL, FSU, CGT-finance et maintenant bien-sr la ConfdrationPaysanne forment la classique brochette laquelle le dput Vert Yves Cochet affirme "les Verts sont avec vous depuis le dbut", ce qui doit aller droit au coeur de laConfdration Paysanne puisque celle-ci s'apprte avoir, dans le cadre de la rforme de

    la PAC, une bonne part de la cogestion des budgets agricoles jusqu'ici monopoliss par laFNSEA pour les producteurs de "ptrole vert" du quart Nord-Ouest de la France. Pourconfirmer tout cela Le Monde du 17/11/99 publie une interview de Bov et Abitbol (leconcepteur de la campagne de Chirac et maintenant du "souverainisme" de Pasqua) quitombent d'accord sur la dfense de l'agriculture franaise contre l'OMC.

    Pendant quelques courtes annes, on a pu se demander si le dmocratisme radicaln'tait pas une construction franco-franaise, l'opposition au rcent sommet de l'OMC Seattle a t la confirmation de ce mouvement comme un mouvement mondial ayant sesbases dans les volutions les plus rcentes du capitalisme et appel tre un acteurdterminant des luttes de classes venir. Une organisation aussi traditionnelle que l'AFL-CIO ne s'y est pas trompe en fournissant l'norme couverture logistique, tant matrielle

    que sur l'internet, ncessaire un tel rassemblement. Les thmes que jusqu'ici on nepouvait relever que dans des mouvements "marginaux" (mais socialement dterminants) etdes publications plus ou moins restreintes ont acquis une rsonnance mondiale. Le

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    dmocratisme radical est devenu l'opposition interne au capital restructur et ses thmessont reconnus comme ceux dans lesquels doit maintenant s'exprimer la "critique" ducapitalisme. A propos de "l'chec de la confrence de Seattle", le trs officiel "Bilan duMonde, anne 2000" crit : "Parions qu' moyen terme ces "nouveaux acteurs" d'un jeuconomique global ne seront plus cantonns l'extrieur des grandes enceintesinternationales, mais finiront par obtenir voix consultative et tre intgrs dans un

    processus de prparation plus long et plus large." (p 12). Le "moyen terme" tant de plus enplus court, Jos Bov a dj reu sa carte d'accrditation pour le sommet des "dcideursglobaux" de Davos. Invitation refuse aux motifs qu'il s'agit d'un "pige", qu'il faut "refusertoute collusion avec cette faon d'organiser le dbat" ("Libration 29 / 1 / 00). Les"multinationales ne comprennent que les rapports de forces". Il faut imposer un "contrlecitoyen" aux puissances conomiques qui prtendent tout rgenter, et lutter pour changerl'action des Etats qui "ne sont plus que des cautions du systme". Ainsi, propos de la luttecontre l'OMC ("construction politique cre par des gouvernements, a priori lgitime, quidevient autonome et ne fonctionne plus que pour et sur elle-mme"), Bov et sescamarades, exprimant les aspirations de la majorit du dmocratisme radical mondial, se

    montrent tre des opposants constructifs. Ils proposent d' "instituer une Cour internationaledu commerce, avec des juges indpendants" : "Le droit comme rempart du march avec uncontre-pouvoir juridique". ("Tlrama", 9 / 2 / 00, pour toutes les citations).

    La mobilisation autour (contre) la 10 session de la CNUCED (fevrier 2000), Bangkok, a confirm elle aussi l'existence mondiale du dmocratisme radical. Beaucoupdes ONG (appellation maintenant donne toute association non politique ou syndicaleayant des objectifs d'intervention sociale) mobilises pour une meilleure prise en compte etun autre dvelopement, humain et durable, des pays "en voie de dveloppement" ontexprim des critiques et des revendications participant largement de la mouvance, la plusmodre, dmocrate radicale. Cette mobilisation a aussi montr, mieux qu' Seattle,l'importance du dmocratisme radical dans le "Tiers-monde" et son travail de formalisation

    des limites des luttes de classes en luttes sociales "locales confrontes la mondialisation",ainsi que son articulation avec celui des "pays dvelopps" (ex : Via Campesina, 250 000membres dans 60 pays - dont la Confdration paysanne en France - ne dans le sillage dumouvement brsilien des "Sans Terre"). Comme partout aileurs, ce dmocratisme radicalexprime les limites des luttes et l'impossibilit actuelle formaliser partir d'elles undpassement du capitalisme qui ne soit pas l'amnagement du capitalisme. Plus aucuneclasse ne peut produire partir de ce qu'elle est immdiatement dans le mode de productioncapitaliste un dpassement du capitalisme. En l'occurence, ces luttes deviennent alors, dansleur mise en forme par le dmocratisme radical, des luttes nationales : " "Notre position surla rforme agraire, le gouvernement la connat depuis longtemps. Aujourd'hui, il nous

    incombe, ne serait-ce que pour prserver le gagne-pain de nos agriculteurs, d'laborer dansl'urgence un projet conomique alternatif pour combattre la subordination du pays auxintrts du capital international", martle Joao Pedro Stedile, l'un des leaders nationaux duMST (Mouvement des Sans Terre), dans ses dernires dclarations la presse." ("LeMonde", 9 / 10 / 99). Dans un ouvrage rcent (Jacky Picard, "Amazonie brsilienne : lesmarchands de rves. / Occupations de terres, rapports sociaux et dvelopement", EdL'Harmattan, 1999), c'est la relation sociale mme entre les reprsentants des ONG et lespaysans qui, d'aprs le compte rendu qui en est fait dans "Le Monde Diplomatique" dedcembre 99, parat devenir conflictuelle : "La question agraire constitue toujours l'un desprincipaux dfis de l'Amrique latine et les occupations collectives de terres au Brsilsuscitent, juste titre, un immense espoir. Pourtant, loin de concider avec les "discours

    apologtiques" des forces progressistes brsiliennes ou avec les propos des occupants,l'tude sur le terrain relve la formation d'une domination qui "reproduit les modlesanciens" dans ses grandes lignes. Mene de 1991 1994 dans la rgion de Maraba (Etat du

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    gestion directe et dans le choix stratgique des entreprises", ce qui permettrait "un peu plus,un peu mieux au monde du travail de remplir sa vocation critique et citoyenne au sein de lasocit" et "d'tendre le champ de vision et de crativit de l'entreprise, pour mieux garantirson dveloppement et son futur". ("Le Monde", 18 / 2 / 00). Avec le 30me congrs du PC(Martigues), on assiste la formation d'une organisation regroupant deux branches, d'unepart, une association de dfense des lus locaux afin de prserver une base lectorale

    ncessaire toute participation gouvernementale et, d'autre part, une constellation destructures ouvertes tentant de raliser le fameux dbouch politique cet "anarcho" de"mouvement social".

    Quand Bernard Thibault, secrtaire gnral de la CGT issu des grves de novembre95, dans un article-manifeste intitul "Pour une conception neuve de la reprsentationsyndicale ("Le Monde", 10 septembre 1999), trace la ligne gnrale pour la priode post-chute-du-mur/restructuration, celle du "mouvement social" et de la gauche plurielle, ilcarte toute allusion une exploitation qui servait nagure fonder le programmed'tatisation de l'conomie, au profit de la "domination" et de "l'iniquit". L'action de laCGT se situent dans : "le cadre d'un rapport social fondamentalement ingalitaire

    totalement dcal par rapport ce que chacun dehors place communment sous le conceptde dmocratie." Vis--vis de cette situation il pose logiquement : "tre syndiqu c'est aussiet d'abord tre citoyen.". Il dnonce le licenciement de 13 521 reprsentants du personnelen 1997 pour montrer que l'entreprise est hors de la dmocratie : "lorsqu'on passe la portedu bureau ou de l'atelier on s'en remet des institutions o on se soumet des forces surlesquelles on n'a pas de vritable prise.", et les stratgies mondiales du capital sont bien srau premier plan. Les salaris n'ont toujours pas des droits et des moyens pour quel'orientation des politiques conomiques prenne vritablement en compte leurs intrts. ".B. Thibault exprime donc trs clairement une revendication d'entreprise citoyenne, petiterpublique dans laquelle les salaris seraient des citoyens pesant sur les conditions detravail et les orientations conomiques. Toutefois il ne se hasarde pas sur le terrain de

    l'autogestion, vieille lune post 68, car son but est en fait un repositionnement proprementsyndical , l'avnement d'un syndicalisme citoyen.

    Une contre-rvolution chasse l'autre, l'identit ouvrire nationale cde la place aucitoyen. Aprs avoir abandonn la rfrence l'autonomie de la classe ouvrire (congrs de95) pour la condamnation des "matres du monde", il s'agit de se doter d'un nouveau corpsde doctrines face aux "enclumes" archo staliniennes qui forment une bonne part descadres intermdiaires de l'organisation : " la rafale d'oprations de concentrationsindustrielles et financires laquelle nous assistons vient une fois de plus tmoigner decette ralit avec un cynisme clatant.". La survie de la CGT passe par l et elle l'amne se prsenter comme une sorte de parti syndical dans l'entreprise - rpublique. Cette

    orientation est aussi la concrtisation d'objectifs encore plus terre terre que celle de lamarginalisation des cadres dpasss, il s'agit du partage du gteau de la reprsentativitavec la CFDT mettant l'cart FO et la CGC et trouvant des accommodements locaux avecSUD et l'UNSA. "Tout le monde s'est mis croire que l'efficacit syndicale pouvaits'alimenter au mythe de l'avant-garde claire", la CGT se met ainsi volontairement aupremier rang des fautifs pour mieux enfoncer le clou : " Il n'est pas impossible quecertaines attitudes de la CGT aient contribu son corps dfendant renforcer ce que nousvoulions viter : la dlgation de pouvoir a favoris des pratiques manoeuvrires ausommet.". Pour parvenir ce but (reformuler la notion de reprsentativit et parvenir unsyndicalisme de concertation) la dmocratie trouve l son utilit, elle en est le meilleurmoyen et la CGT n'en a pas peur, il faut que "La mise en dbat permette chacun de se

    forger une opinion et de la faire connatre et que ce soient les organisations syndicales etelles seules qui en aient les responsabilits et les moyens (...) cela fonde sans ambigut laplace que doit tenir chaque organisation syndicale, cela fournit une base la lgitimit."

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    L'abandon de toute rfrence un changement de l'organisation du capital vers un"capitalisme d'Etat" entrane la ncessite d'terniser ouvertement le capital, puisque l'autreversion tait cense en tre l'abolition, abandon qui implique de s'orienter vers ladnonciation de ses excs, le libralisme et la domination non dmocratique. C'est lediscours justificateur de l'tablissement d'un condominium de longue dure sur lareprsentation salariale prenant la relve de la tripartition des Trente glorieuses et de la

    phase de crise, fonde sur une reconnaissance "idologique" des traditions ouvrires,communiste, socialiste et chrtienne. Ce qui est entrin par l, c'est la disparition del'identit ouvrire ; disparition reconnue en tant que telle dans un remarquable article, "Desouvriers sans classe" ("Le Monde Diplomatique" janvier 2000), par Stphane Beaud etMichel Pialoux, auteurs de "Retour sur la condition ouvrire, Enqute aux usines Peugeotde Sochaux-Montbliard" (Fayard, 1999).

    Ce condominium permettra de fructueuses ngociations sans surenchres en mmetemps qu'une ouverture aux militants du dmocratisme radical grce la reprise de sesthmes les plus digestes. Ces thmes sont la dclinaison de la dmocratie, l'indpendancedes luttes d'avec la "politique politicienne" mais pas "du politique", le dbat permanent, la

    dlgation sous contrle, le devenir social des luttes sectorielles comme "rvolutionpermanente", c'est--dire procs d'humanisation du capital.Le refus de la CGT d'appeler la manifestation du PCF du 16 octobre 1999 est dans

    cette logique, en laissant ses syndiqus ( commencer par B.Thibault) se dterminer "entant que citoyens". Tout est trs cohrent, elle doit apparatre aux salaris-citoyens commela plus reprsentative (elle est prte le prouver dans les urnes, regrettant que les seuleslections sous contrle public soient celles pour les prud'hommes) et comme indpendantedu gouvernement et de tout parti de gouvernement pour pouvoir tre partenaire partentire de ce mme gouvernement.

    La CGT tente de tenir les deux bouts de l'omelette : la critique dmocratique-radicale de l'hgmonie sur la reprsentation et le partage tranquille de cette hgmonie

    grce sa mise au vote sous son contrle. Les pauvres trotskistes ont bonne mine servirde caution de gauche au PC quand la CGT s'y refuse! En Espagne galement les syndicats,y compris les Commissions Ouvrires, s'loignent d'une alliance avec les partis de gauche,il faut exister dans de bonnes relations avec le patronat, c'est la seule existence de la classeouvrire qui puisse tre reconnue et reproduite (cf."Le Monde - supl conomie -" , 7/3/00).

    La manifestation "pour l'emploi" organise le 16 octobre 1999 par le PC n'a pas tl'chec que beaucoup pronostiquaient, elle a russi, selon ses organisateurs, runir plus detravailleurs que celle du Mdef avait runi de patrons. Nous savons maintenant qu'il y a enFrance plus de salaris que de patrons. Blague part, la russite de cette mobilisationmontre comment le dmocratisme radical, sans les dtourner, roule sur les limites des

    luttes. Une manifestation pour l'emploi c'est toujours une manifestation pourla conditionouvrire, mais elle peut de faon proclamatoire opposer celle-ci au capitalisme, ce n'estplus le cas. De son ct, la ptition "Pour l'autonomie du mouvement social" concocte parl'anarcho-syndicalisme qui dsole Bertho, la CNT, l'EE. la CGT-correcteurs, les militantsd'"Alternative libertaire" de SUD, du DAL et de Droit Devant, n'a pas russi. Mais cettemanif laquelle AC participait moiti (mi chausse-mi trottoir) a tellement eu pour sensd'autoriser le vote des 35 heures par le PC que la ptition (signe par Bourdieu), malgr sonchec initial, a quelques possibilits d'alimenter la dnonciation d'un dtournementpoliticien pro-gouvernental. Dnonciation pouvant esprer un bon accueil auprs debeaucoup de manifestants flous. La critique au sein du dmocratisme radical de la frangela plus ouvertement contre-rvolutionnaire par la frange qui se proclame la plus radicale a

    de l'avenir, mme si elle ne peut pas capitaliser son cho.Frustr parl'impossibilit pour le dmocratisme radical d'avoir un dbouch

    politique, l'un de ses chantres officiels, Ignacio Ramonet, ditorialiste du Monde

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    Diplomatique , s'est trouv un nouvel hros : Chavez! ("Monde Diplomatique", oct 99). Ilpasse ainsi du masque de Marcos ( qui avait quand mme plus de gueule ) la poitrinemdaille d'un caudillo populiste dans la ligne de Peron. Le petit monde du Diplo etd'ATTAC a trouv son nouveauLider Maximo. Il faut se souvenir que ce soldat du peuplea lu "L'horreur conomique" et que son auteur, Vivianne Forrester, tait une confrencede presse de cet initiateur d'une "Rvolution dmocratique" et "anti-librale" qui veut :

    "rechercher le point d'quilibre entre le march, l'Etat et la socit".

    La lutte que nous menons depuis 1977 est une lutte thorique ( cf. Editorial du n14) mais, si nous nous sommes bien fait comprendre, la thorie rvolutionnaire n'est pas undiscours ct de la pratique, elle est un lment rel, elle n'est pas une conscience du rel,elle est une activit dans les luttes de classe, mme si elle n'est plus un programmed'affirmation de la classe ouvrire. Lorsque, par exemple, nous revenons dans cet ditorial(entre autres choses) sur le dmocratisme radical, c'est parce que des vnement rcentspermettent d'en affiner l'analyse et de lui apporter de nouvelles dterminations et parce quede faon gnrale, pour connatre la rvolution elle-mme, il est ncessaire de cerner les

    formes de la contre-rvolution qui lui est lie. Ce qui a t essentiel dans notre productionthorique a t, partir de la critique du programmatisme et plus rcemment de celle del'alternativisme dmocrate-radical, l'affirmation de la restructuration du rapport entreproltariat et capital, l'affirmation d'un nouveau cycle de luttes et, par l, la recherche de larponse ces deux questions fondamentales de toute thorie rvolutionnaire : comment uneclasse agissant strictement en tant que classe peut-elle abolir les classes? et, son corollaire :la liaison entre le cours quotidiens des luttes et la rvolution. Il s'agissait finalement deproduire un dpassement positif dans la priode actuelle des impasses du programmatisme,c'est--dire une thorie de la rvolution maintenant.

    Malgr cela, nous sommes toujours situs et dsigns comme ultra-gauches. Cen'est pas une insulte, et sans-doute cela tait-il invitable bien qu'il y ait maintenant

    longtemps que pour nous ce qui est central est la production immdiate du communisme, etqu'il ne soit en consquence plus question depuis longtmps d'aucune forme d'affirmation dela classe. En effet nous sommes issus de l'ultra-gauche mais il ne semble plus possible dene rien dire pour que ce terme ne nous soit plus attribu. Au mieux (?) on nous rattacheplus ou moins l'I.S. et aux Autonomes des annes 70 qui avanaient l'autongation duproltariat et l'abolition du travail. Ce dernier thme ayant fait retour tant du ct desdfenseurs du capital ( Mda et Rifkin) que de celui des rvolutionnaires (Assemble deJussieu et certains collectif de chmeurs) notre dsignation comme tant des "anti- travail"semble tre trs logique. Le problme est que nous critiquons vivement ces positions, en cequ'elles font l'impasse sur le fait que l'abolition du travail c'est l'abolition du travail salari,

    et que celle-ci est la rvolution communiste : le proltariat abolissant les classes, et pasl'action d'une humanit se librant de la condamnation d'Adam (lui donner une allure derapport social ne change pas grand chose cette condamnation qui doit toujours se rfrer La Nature), mme si cette "humanit" se trouve parmi les "exclus" ou au mieux lesproltaires.

    Il existe une notion que nous utilisons et que l'on trouve dans d'autres textes depersonnes issues de l'ultra-gauche ou de l'anarchisme, notion qui cherche nommer le plus

    justement possible, partir de l'analyse critique des luttes et contradictions actuelles,l'action du proltariat dans la rvolution : la communisation. Toutes les mesuresrvolutionnaires seront des mesures de communisation des rapports. En-de, comme le ditGilles Dauv en conclusion de sa brochure sur "La guerre de l'OTAN contre la Serbie", "il

    n'y a que la socit actuelle".L'expropriation de tous les moyens de production, de transport, de

    communication, de consommation, ne sont pas des mesures de "socialisation" ou de

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    "collectivisation" ni mme de "rapropriation", il s'agit d'emble de communisation nonpas des biens mais des rapports. En cela les biens sont uniquementexpropris, ils sontabolis comme proprit, ils ne sont plus que des lments des rapports des individuscommunistes c'est--dire immdiatement sociaux, en dehors de toute socit. Dans larvolution, la socit leur fait encore face comme leur ennemi, le capital qu'ils abolissent,ils sont des communisateurs. L'activit critique rvolutionnaire de ces dernires annes a

    dgag le contenu positif de la rvolution, la communisation. Elle est pose pour ce qu'elleest directement et non par l'intermdiaire de l'affirmation du proltariat sous quelque formeque ce soit: conseils ouvriers, autogestion, ou mme l'autongation, point limite del'autonomie ouvrire. Mme si avoir une "tiquette" peut n'tre utile qu' un"positionnement politique" de notre "discours", elle peut aussi aider l'analyse. Cettenotion est critique de toute logique alternativiste, elle s'oppose frontalement au capitalcomme action rvolutionnaire et non comme "autre" dveloppement possible formant unefourche de divergence du virtuel et du rel. Notons au passage que l'alternativisme, s'il aabandonn nombre de thmes du programmatisme comme la libration des forcesproductives et le progrs en gnral, conserve un lment essentiel qui est la transition, le

    passage progressif d'une socit l'autre, le passage d'un mode de gestion l'autre et plusfondamentalement encore, le passage d'un mode de production l'autre.La communisation est donc l'objectif de groupes ou d'individus qui ont dgag

    positivement ce qu'est la rvolution :Hic Salta,Aufheben, G. Dauv ("Quand meurent lesinsurections"), Franois (Catastrophe & rvolution), Etcetera (mais en abandonnant de plusen plus l'ide d'une classe rvolutionnaire, cf. leur brochure sur le "150me anniversaire du

    Ma nifeste Communiste"),Echanges (parfois), "Le lundi au soleil" (au travers des limites del'abolition du travail), et mme Perspectives internationalistes ou Le Bulletin Ouvrier /

    Mouvement Communiste (qui tranent la priode de transition comme un boulet par rapport leur problmatique gnrale). Si un courant thorique "communisateur" merge, il ne peut,sous peine de se contredire, que demeurer le fait de tout petits groupes. Petits groupes qui ne

    se veulent pas des organisations permanentes appeles grandir et se comprenant elles-mmes comme une mdiation de la "situation rvolutionnaire". Toute organisation ne peutplus maintenant que se fonder sur les limites des luttes et ne pourra que lutter d'abord sur leplan des ides, puis autrement peut-tre, contre la communisation au nom d'un ralisme quenous connaissons bien. C'est pour cela que ne peuvent tre maintenant dsigns commecommunistes que ceux qui luttent pour la communisation. Comme diteur des analyses pourla communisation, l'association d'dition Snonvro, laquelle nous participons, devraittrouver l sa dfinition.

    Pour nous, aprs la crise et une restructuration contre rvolutionnaire de 25 ans, ils'agit de consacrer notre nergie ce que dans la lutte de classe soit affirm ce qui est la

    nouveaut et l'acquis de cette priode : le proltariat dans sa contradiction au capital est encontradiction avec son appartenance de classe et c'est de l que s'enclenchera lacommunisation. La communisation est une action rvolutionnaire produisant immdiatementde nouveaux rapports comme lutte contre le capital, elle n'est en aucune faon un tat social.Elle ne peut crer d'enclaves, elle ne peut que l'emporter mondialement ou disparatretotalement. Il n'y a pas de diffrence entre l'action rvolutionnaire et son but, les mesures decommunisation sont des mesures de lutte, chaque mesure ne s'effectue que commeanticipation de la mesure suivante, elles n'existent que comme dynamique, cours acclr dela rvolution se rpandant. La victoire ou la dfaite de la rvolution sera rapide, mais desclatements se produiront rptition en divers points du monde jusqu' ce qu'un clatementou sans doute plusieurs clatements simultans ne l'emportent, mais il n'y aura pas de

    rvolution partielle, il n'y aura pas d'acquis dfendre. Ceux qui doutent d'une rvolutionmondiale devraient douter de l'existence de deux guerres mondiales. Les clatementsrvolutionnaires sont inluctables mais la victoire devra tre remporte .

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    Si nous pensons qu'isoler ce concept de communisation peut aider la clart, il estaussi ncessaire de poser, au-del des diffrences de formulation, ce qui distingue cesexpressions thoriques entre elles. C'est l l'essentiel de ce numro de Thorie Communiste.Souvent la communisation n'est produite que comme leprogramme disparu (l'affirmation duproltariat devenue impossible) plus la crise ou comme une norme vers laquelle, depuis sesorigines, aurait tendu le mouvement proltarien. La fin du programme d'affirmation du

    proltariat et la restructuration (ou rorganisation) feraient place nette et feraient apparatreune opposition (ou contradiction) pure qui ne pourrait se rsoudre qu'en communisme. Laquestion de la gense de la crise (limites de la plus-value relative pourHic Salta ou mise encrise par le proltariat pour Catastrophe et Rvolution) devient secondaire. C'est l'originalitde la restructuration et du nouveau cycle de luttes qui n'est pas srieusement prise en compte,ainsi que la relation entre les luttes quotidiennes et la rvolution comme un dpassement decelles-ci, mais un dpassement produit sur la base de la possible production del'appartenance de classe comme une contrainte extrieure dans la lutte mme contre lecapital. En cela, il nous semble impossible de parler de communisation sans parler derestructuration et de nouveau cycle de luttes.

    Le procs de communisation doit tre pos comme dpassement des limites actuellesdans et par la crise du rapport d'exploitation tel qu'il est maintenant redfini. Autant nousaffirmons que les luttes actuelles sont intrinsquement limites et que l'alternative ne peutpas se dpasser n'ayant pas de dynamique propre, qu'il ne peut y avoir transcroissance,autant nous disons que des luttes actuelles la rvolution la crise n'est pas le deus exmachina, car la crise est celle de ce rapport contradictoire qu'est le cycle de luttes actuel danssa structure et son contenu : contradiction entre les classes au niveau de la reproduction ;dfinition par le proltariat de son existence de classe contre le capital non pour lui-mmemais dans le capital.

    Nous sommes embarqus dans la lutte des classes du mode de production

    capitaliste, celle-ci nest pas le fait de muets ou de dcrbrs, elle produit de la conscience,

    de la thorie, et par l-mme engage cette thorie dans toutes les formes de sa production etde sa socialisation. Ce que nous faisons est un lment de cette conscience, de cette thorie.Elment engag la fois conflictuellement et complmentairement avec les autres, cest uneinscription dans la lutte de classes : lutte contre le capitalisme, lutte lintrieur de la classeelle-mme qui ne se rduit pas une somme de moelles pinires. En cela, elle fait sonchemin et dfinit sa propre utilit, elle est un lment rel de la lutte de classe. Parce que lathorie du communisme est constamment en production et non un corpus prdfini, unprogramme, elle comporte un doute constant sur elle-mme et sa production est tout aussiconstamment problmatique. C'est que nous soulignons en publiant galement une srie decritiques de "Thorie Communiste". Les divergences peuvent tre productives si elles ne

    tournent pas (trop) la polmique. En tout cas ce courant de la communisation existe et ilpeut dbattre en son propre sein, cela peut signifier qu'un dpart est donn, que son existencene sera plus clandestine.

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    Suite 1

    Ce texte, que nous avons traduit de l'Anglais, tait inclus dans une brochure contre la

    guerre publie Athnes, en juin 99, par le groupe "L'ennemi intrieur balkanique". Les

    auteurs peuvent tre contacts "Ta pedia tis galarias" ("Les enfants de la galerie"). P.O

    Box 76149, Nea Smirni 17110, Athens, Greece.

    Guerre, paix et crise de la reproduction du capital humain dans l'ancienne

    Yougoslavie.

    Si on laisse de ct les patriotes de gauche (le Parti Communiste, diversesorganisations marxistes-lninistes) qui ont utilis les manifestations contre la guerre qu'ilsavaient organises et conduites dans un but lectoral, tous les protestataires anti-guerre

    "bien intentionns" qui se sont trains aux manifestations de printemps en Grce, ontcompltement chou. Ils ont chou, non pas parce qu'ils n'ont pas russi arrter laguerre - c'tait impossible, et de toute faon ce ne pouvait tre que l'oeuvre du proltariatserbe et albanais qui, dans le meilleur des cas, aurait reu l'aide des proltaires des paysd'ou venaient les mercenaires de l'Otan. Ils ont chou, et c'est le plus important, poserles questions fondamentales propos de cette guerre, qui, il ne faut pas se voiler la face,dure en Yougoslavie depuis 10 ans.

    Des questions comme :- Quel est le rle de la guerre dans la poursuite des objectifs plus tendus d'une

    conomie globalise?- Quel rle joue-t-elle dans la maintenance / restructuration du mode dominant de

    production et de la consommation d'idologies?- Dans quel sens la guerre est-elle un moyen pour la production et la reproduction

    de la force de travail (c'est--dire son organisation et son contrle)?- Comment pouvons-nous, en tant que classe et sans confusion, ragir de faon

    crer une communaut de luttes?Pour poser ces questions, il faut avoir ressenti partir de ses expriences

    quotidiennes au travail, dans la consommation, dans "la cuisine", que la relation socialecentrale est le rapport du capital (exploitation et hirarchie), et que l'organisation entirede cette socit tourne autour de la reproduction du capital humain, c'est--dire lareproduction du travailleur / consommateur / parent / tudiant disciplin.

    Nanmoins, combien de ceux qui ont particip, dans les annes prcdentes, auxluttes sociales contre les licenciements, les baisses de salaire, la "loi 2525", les expulsionsdes immigrs, etc., ont essay de rflchir srieusement sur leurs propres activits et sur laconnexion interne des diffrentes tactiques qui constituent la stratgie gnrale du pouvoircapitaliste? Combien ont pens, ne serait-ce qu'une fois, que les licenciements, la crationde nouvelles fractions de chmeurs par l'abolition du "droit d'anciennet" des enseignantset par leurs nouvelles modalits de contrle, ou l'chec programm chez les tudiants travers des examens constants sont, par exemple, des formes "douces" de "nettoyer" unsurplus, une population exigeante, et que les formes "dures" de "nettoyer" que Milosevic etl'Otan ont utilises peuvent tre simplement l'autre ct sanglant de la mme pice?Combien se sont demands si la dvaluation de la force de travail par tous les moyens "en

    temps de paix", rpond une dvaluation sauvage, c'est--dire par les bombes et lemassacre ethnique, et mme la destruction du capital humain, "en temps de guerre"?

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    Depuis des annes maintenant, les groupes politiques anti-capitalistes et anti-autoritaires "bien intentionns" continuent sparer les problmes auxquels nous sommesconfronts en problmes personnels et problmes politiques, en questions directes etquestions de solidarit, en problmes qui les concernent et ceux qui concernent des gensqui sont "diffrents" d'eux : les imigrs, les rfugis, les enseignants sans postes, lestudiants, avec lesquels ils peuvent, "de l'extrieur", dans le meilleur des cas, avoir la

    relation " d'un soutien actif leur juste cause". Dans le pire des cas, ils choisissent un"sujet social" dont la souffrance va le mieux avec leur idologie. De cette faon, desmilliers de proltaires en Europe et en Grce sont devenus les victimes d'une idologieanti-imprialiste (lisez anti-amricaine) ou d'un anti-nationalisme slectif, soit en serassemblant sous les drapeaux nationaux de la gauche et en hurlant des poncifs et desslogans ennuyeux comme : "vous-les-Amricains-assassins-des-peuples", soit en se livrant une condamnation qui ne cote rien des "Serbes fascistes" qui arrange bien l'Otan etl'humanitarisme des OGN. Les gagnants de cette histoire anti-guerre / pacifistes /humanitarienne / sont les Etats-nations, c'est--dire la nationalisation des luttes sociales.Et tout ce qui reste pour ceux qui ont choisi leur camp dans cette guerre en trouvant des

    prtextes pour soutenir soit Milosevic, soit Simitis (premier ministre grec, ndt) et les paysleaders de l'Otan, soit l'UCK, c'est le got amer de la dsillusion. Chacun, suivant seshobbies idologiques, a cherch trouver la "plus grande victime" dans cette histoire etchacun tait, bien sr, antifasciste et dmocratique.

    Pendant ce temps, le "nettoyage" continue : hier c'tait le tour des enseignants sansposte et des tudiants, aujourd'hui c'est celui des proltaires serbes, demain ce sera celuides Albanais encore une fois, et la guerre du capital contre nous tous se porte plutt bien.

    Pour mettre les choses au clair propos de cette guerre, tout en gardant l'esprit lesquestions que nous avons poses au dbut et en cherchant dfinir ce qu'tait le problmeau Kosovo du point de vue du capital, nous pouvons partir des dclarations du nationalistemodr albanais Veton Surroi, le directeur du "Koha Ditore" Pristina (le "Koha Ditore" -

    "Le Temps Quotidien"- cr en 90 comme hebdomadaire - "Koha" -, devient quotidien en97, il est alors l'unique quotidien kosovar indpendant jusqu' l'intervention de l'Otan, ilrefuse la voie pacifiste de Rugova et la voie terroriste de l'UCK, Veton Surroi encourageles grandes grves de mineurs et les manifestations populaires de masse, il participe en tantque "personnalit indpendante" aux ngociations de Rambouillet ; aprs l'intervention,son soutien l'UCK dcline jusqu' la condamnation des reprsailles anti-serbes ;actuellement, admirateur de Clinton et de Toni Blair, aid par la Fondation Soros, iltravaille la formation d'un parti de centre-droit, faisant de Rugova sa principale cible ilmaintient un soutien trs quivoque et conflictuel vis--vis de l'UCK - note du traducteurpartir d'une double page du "Monde - 20 / 4 / 00 - consacre Veton Surroi). En 1990,

    Veton Surroi dclarait : "Ici le problme rside en ce que les campagnes kosovars sontarchaques et improductives. Parce qu'elles pratiquent une conomie de subsistance, ellesn'ont pas de conscience distincte de leur propre intrt spcifique et ne sont pas porteusesd'un nouveau dveloppement agraire. Les orientations majeures de l'migration vers lesvilles et l'tranger sont galement un obstacle ce dveloppement. Le paysan lui-mme nesait pas (sic) que faire avec sa terre et il ne peut suivre de modle existant ailleurs enYougoslavie (...). Le paysan kosovar ne produit pas pour le march (...). Le Kosovo dans satotalit est surpeupl. La densit de population est en fait la plus grande de tout le pays eten ce moment mme nous attendons de nouveau arrivants." (Branka Magas, entretien avecVeton Surroi, inLa destruction de la Yougoslavie, Londres 1993, p 251).

    Si nous nous rfrons la faon dont le problme a t pos par les intellectuels

    bourgeois serbes ou par les rdacteurs du trait de Rambouillet qui exigeaient que"l'conomie du Kosovo fonctionne selon les principes du march libre", nous ne noterionspas de srieuses diffrences avec les politiciens albanais qui militent pour le

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    dveloppement de "la socit civile". Ce qui diffre c'est la faon dont chaque fractioncapitaliste nationale ou internationale a essay de rsoudre le problme pour son proprebnfice.

    Le ct serbe qui a t le premier tre diabolis par les occidentaux a essay dansles annes 80 de stabiliser le problme dans le contexte du traitement de la crise gnralede la reproduction capitaliste en Yougoslavie, laquelle, cause des luttes de classe

    continuelles, avait atteint un tournant. Pour traiter les problmes du taux de natalit levdes Albanais, de la rsistance de la famille paysanne patriarcale, de la basse productivitdans les entreprises, le pouvoir serbe a mis en place une srie de mesures (qui initialementavait l'approbation du gouvernement fdral) :

    - Il a limin la direction albanaise du parti "communiste" qui avait dvelopp desliens politico-clientlistes avec la population locale, de faon promouvoir avec plus defacilit les licenciements et la "restauration du secteur public de la sant".

    - Il a dress un plan long terme pour installer des milliers de rfugis serbes dansla rgion, de faon remplacer la famile albanaise patriarcale par des mnagesd'agriculteurs petits et mobiles dans certaines zones qui constitueraient la base d'une future

    modernisation de la production agricole.- Il a aggrav la rpression militaire et policire dans toute la rgion de faon rduire la population en forant de plus en plus de gens migrer.

    Ce plan qui apparemment n'obit pas la logique capitaliste "normale", a t appel"nettoyage ethnique" par les mdia occidentaux et la version la plus moderne de la croisadeantifasciste s'est cre en se donnant pour but d'radiquer "ce monstre". Les bourgeoisieshumanistes d'Europe et d'Amrique ont, dans leurs popes glorieuses et sanglantes, unpass d'ethnocides et de liquidation de ces peuples inutiles et incontrolables depuis lesexpditions de Christophe Colomb jusqu' maintenant. De nouveau, c'est le rle mme del'idologie antifasciste-antiraciste de masquer la ralit sanglante de l'expansioncapitaliste, en rejetant la responsabilit de la souffrance que cause cette expansion sur des

    "hommes diaboliques".Tout ce processus qui a dur 15 ans s'est acclr dans les annes rcentes cause

    du blocage de la restructuration de la main d'oeuvre et des relations politico-hirarchiqueen Serbie mme dans les annes 90. La guerre en Bosnie, les sanctions imposes par lecapital international et la crainte d'une nouvelle explosion des luttes de classe (qui pouvaittre contenue temporairement par l'idlogie nationaliste, les restes de l'Etat-providence etles possibilits de travailler au noir) ont transform le gang gouvernemental de Milosevicde rformiste no-libral en direction politique d'une conomie de "guerre" protectionniste.En ayant de plus en plus recours la barbarie, le rgime serbe a cr lui-mme les termespolitiques de l'chec de sa politique de restructuration du Kosovo par le "nettoyage

    ethnique". En effet, allie la famille patriarcale, la bourgeoisie albanaise qui avait masqules conflits sociaux avec son langage nationaliste depuis le soulvement de 1981, a purenforcer sa rsistance en promouvant son propre projet : l'internationalisation du supposconflit ethnique et l'intervention politique et militaire du capital international de faon luipermettre de mettre la main sur le processus d'occidentalisation de la socit kosovar. Defaon accomplir la nationalisation dfinitive de la question sociale et gagner le soutiendes organisations internationales capitalistes, qui avaient montr depuis le tout dbut de latragdie balkanique qu'elles taient pour la cration d'Etats ethniquement "purs" dansl'ancienne Yougoslavie, une fraction de la bourgeoisie albanaise a mis sur pied, avecl'UCK, un gang de libration nationale. Ces matamores ont commenc leur campagne en96 avec des attaques la bombe sur des camps de rfugis serbes de Krajina, ils ont petit

    petit fait monter la tension entre les deux communauts et aprs les oprations militairessauvages des Serbes durant l't 98, ils ont russi accomplir leur mission en rattachant au

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    nationalisme la population albanaise apeure et perscute qui tait maintenant force unefois pour toute de choisir son camp pour survivre.

    Au dbut 98, l'Otan tait toujours plus proche de la "solution" de Milosevic ettraitait l'UCK d' "organisation terroriste", mais aprs la rencontre d'Holbrooke avec lecommandement des gurillas de l'UCK Yunik en juin 98, les choses ont graduellementcommenc changer et d'anciens hauts officiers du dpartement d'Etat se sont retrouvs

    ct des gurillas dans les camps et pendant les ngociations au chteau de Rambouillet.Bien sr, l'Otan n'est pas tomb amoureuse du nationalisme albanais en un jour. Elle agraduellement ralis que Milosevic tait un flic inadquat, qu'il ne pouvait pas crer lesprconditions pour la restructuration capitaliste dans sa rgion ou rsoudre la pseudo"question kosovar" et empcher la chute de son rgime en une force dstabilisante. Leurdcision tait d'intervenir sous le voile de l'idologie humanitariste de faon faire d'unepierre plusieurs coups :

    - Ils ont acclr la diminution de la population kosovar en dtruisant lescommunauts agricoles traditionnelles et en produisant une arme de rserve de maind'oeuvre bon march (pour ne pas mentionner la disciplinarisation des paysans et

    travailleurs albanais qui s'est faite par leur ralliement autour de leurs chefs nationaux).- ils ont terroris le proltariat serbe et dtruit les infrastructures productives deSerbie, crant par l-mme des milliers de travailleurs renvoys du jour au lendemain et unrgime hautement dpendant de l'aide financire occidentale, et donc facilitant la transition une conomie de march.

    - Ils ont supervis militairement la force de travail albanaise qui a fait preuve d'unetrs mauvaise conduite il y a deux ans.

    - Ils ont cr les prconditions d'une "zone d'changes libres" balkaniques endbloquant le processus de drgulation.

    Dans cette campagne de grande ampleur - dont le succs sera toujours remis enquestion puisque de nouvelle expressions d'antagonisme social rapparatront toujours -

    l'Etat grec a particip politiquement et militairement chaque mouvement de l'Otancomme l'un des 19 cowboys dont elle est constitue. Parce qu'il esprait une plus grossepart du gteau de la reconstruction de la Serbie et du Kosovo, il a mis de ct ses couillespro-serbes qui ne sont plus de mise aujourd'hui. Au mme moment, il a montr une grandetolrance envers les manifestations anti-amricaine controlables des patriotes de gauche.De cette faon il a prserv, l'intrieur de la Grce, un profil pacifiste neutre quirecherche "seulement une solution diplomatique", comme si les guerres cres par lecapital taient supposes durer ternellement et une "solution diplomatique" n'tait pas LA"solution" qui permet la continuation de l'exploitation du proltariat par des "moyenspacifiques". La part de la Grce dans le festin est remise en question en ce moment - juin

    99 - (l'Etat grec a russi ce que Thessalonique soit dsign comme le centre du ServiceEuropen de la Reconstruction du Kosovo), mais jusqu' maintenant les ngociationsprivilgies des capitalistes grecs - avec la mdiation de l'Etat grec - avec la nomenklaturaserbe semblent tre bloques puisque cette dernire est confronte sa chute probable, ou,dans tous les cas, sa transformation radicale.

    Depuis le dbut de cette guerre, notre petit groupe s'est maintenu sur la seuleposition qui convient ceux qui souhaitent croire qu'ils sont contre le capital et l'Etat :nous sommes rests loin des manifestations nationalistes de la gauche, nous avons refusde jouer le jeu de l'anti-nationalisme slectif (qui se tourne soit contre les "serbes-fascistes", soit contre les "fantches albanais de l'Otan"), nous avons essay avec nosforces minimes de promouvoir la rponse proltaire internationaliste la guerre. Dans ce

    but, nous avons organis, de concert avec un petit nombre de camarades, quelques actionsautonomes et nous nous sommes d'abord adresss aux immigrs albanais, pas pour blmerles proltaires ou les patrons serbes particulirement (comme l'ont fait les autonomes

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    antifascistes), mais pour parler la langue de la solidarit proltarienne internationalisteavec eux. C'est un fait que nous sommes isols puisque nous ne suivons pas soit lesactivits sclrates (mais aussi sans avenir) de la dominante pro-serbe, soit les harassantesexhortations pro-albanaises et pro-libration nationale (toutes deux clairement tablies oudissimules sous le manteau de la "lutte pour la dignit"). C'tait de toute faon unisolement consciencieusement choisi qui, pour le moins, nous a protg du ridicule d'avoir

    suivi la cruaut cynique du nationalisme pro-serbe ou pro-albanais.

    Suite 2

    La "Rvolution des Ponchos" en Equateur (janvier 2000).

    Ceux qui ces vnements auraient chapp dans la lecture de leurs quotidienshabituels pourront pour l'historique des faits se reporter directement au dernier texte de la

    srie qui suit cette prsentation.Les vnements de janvier 2000 en Equateur mettent fin toute lecture exotique dela lutte des classes dans les "priphries". Du ct des classes dominantes ce sont lesmmes politiques que dans les pays du centre, politiques lies la restructuration mondialedu mode de production capitaliste que l'on retrouve : drglementation, privatisation,domination du capital financier, attaque de la valeur de la force de travail, mise en valeurdans le capital de toutes les disparits rgionales produites ou reproduites, limination despolitiques de compromis avec les organisations ouvrires (l'Equateur n'est pas qu'un champde pommes de terre geles dans la Cordillre des Andes) etc.

    Du ct du proltariat : soulvement indigne avec blocage des axes routiers,occupations des glises et des proprits en juin 9O ; nouveau soulvement en 94 ; grve

    gnrale de 48 heures en fvrier 97 ; nouvelle grve gnrale, manifestations et marchesparalysant le pays en aot 97 ; nouvelle grve gnrale en octobre 98, trois morts ; mars 99,nouvelle grve gnrale contre les mesures d'austrit, la grve reprend en juillet, le paysest paralys pendant 15 jours, 17 blesss par balles ; durant ces dix annes, kyrielle degrves dans les viles industrielles et portuaires de la cte dont Guayaquil, la capitaleconomique du pays, et sur les sites ptroliers amazoniens ; 6 janvier 2000, dbut desmanifestations, marches, blocages des routes et grves menant la "prise de Quito" le 21

    janvier.Cela ne nous gne pas d'appeler mouvement du proltariat cette srie de luttes

    incluant celles du "mouvement indien" essentiellement paysan. Non seulement ces

    dernires s'inscrivent dans des luttes urbaines et industrielles rcurrentes et ne prennentleur ampleur que dans ce contexte. Mais encore nous appelons proltariat la polarisationsociale de la contradiction quest la baisse tendancielle du taux de profit en activitscontradictoires. La contradiction qui rsulte, dans le mode de production capitaliste, durapport entre l'extraction de plus-value et la croissance de la composition organique ducapital se dveloppe comme prquation du taux de profit sur l'ensemble des activitsproductives et structure comme rapport contradictoire entre des classes l'ensemble de lasocit. Le degr selon lequel cette contradiction fondamentale polarise lensemble descontradictions sociales est un critre permettant de juger le niveau dune lutte, en ce quedans cette polarisation ce sont les catgories et les classes sociales de la socit du capitalqui se dissolvent contre le capital et la classe capitaliste. Si nous pouvons identifier le

    proltariat la classe ouvrire cest que, dans la situation de celle-ci, la contradictioncentrale du mode de production capitaliste devient la condition de son dpassement commeactivit particulire. En cela, cette identification dpasse la classe ouvrire au moment o

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    ce sont toutes les contradictions de la socit quelle polarise, et o le petit paysan andin nepeut plus agir en tant que tel (ce qua contrario nous montre, en loccurrence, la prgnancedu dmocratisme radical). Cette identit, pour la clase ouvrire elle-mme, nest pas undonn mais un mouvement. Les classes sont gntiquement donnes en mme temps queleur contradiction, ne lui prexistent pas et c'est pour cela qu'une classe, le proltariat, peuts'abolir en tant que classe, parce qu'il ne prexiste pas , ni ne rsulte de ce mouvement,

    mais en est la seule ralit concrte sans laquelle la baisse du taux de profit est uneabstraction et l'abolition du mode de production capitaliste un projet dterministe. Toutesles vaches ne sont pas grises, mais le noir et le blanc ne sont pas des substances prexistantaux vaches.

    Si la nuit du 21 au 22 janvier Quito fut la nuit des dupes, c'est que si le proltariatne prexiste pas sa contradiction avec le capital et donc avec la classe capitaliste (lerapport social rflchi en lui-mme), ce qui est la dynamique de sa propre remise en cause,cela signifie simultanment que dans ses luttes, dans la mesure o elles demeurentlimites, son existence entrine toutes les catgories de sa reproduction et peut mmeconduire opposer ces catgories, son existence prsente, au mouvement de reproduction

    largie du capital. Comme le montre l'action et les textes (voir ci-dessous) de la CONAIE(Confederacion de Nacionalidades Indigenas del Ecuador), il n'y a plus de place pour lesGuvara en Amrique du Sud, c'est le dmocratisme radical, tel que nous le connaissons iciet Seattle qui est devenu la forme d'opposition au capital l'intrieur de sa reproductionet n'envisageant que celle-ci.Les formes d'opposition au capital, entrinant et formalisantles limites des luttes, se sont mondialises et uniformises comme dmocratisme radical.C'est en cela qu'essentiellement, comme nous le disions en ouverture de cette prsentation,la lecture exotique des luttes de classes est dfinitivement caduque. La diversit relle dessituations, si elles demeurent indniables, ne peut plus apparatre que comme moments deleur unit et cette diversit ne peut plus s'exprimer concrtement et tre comprise qu'partir de celle-ci.

    Il ne s'agit plus, dans le dmocratisme radical, de stratgie de "capital autocentr"malgr le patriotisme conomique. Ces stratgies, dfendues par des couchesintellectuelles ou militaires frustres recherchant l'appui d'une hypothtique bourgeoisienationale, n'ont jamais connu de mises en pratique durables, elles ne pouvaient en outrequ'apparatre une poque antrieure la mondialisation de la reproduction du capital,n'tant qu'une caricature du "fordisme", elles pouvaient cependant, tre par l-mme, danscette priode, des stratgies bourgeoises "ralistes" dans une priode o le cycle mondialdu capital tait avant tout juxtaposition de capitaux bouclant leur accumulation sur desaires nationales. Les projets du dmocratisme radical, dans les pays priphriques, sontactuellement partie prenante d'un niveau unifi des luttes de classes, ils s'enracinent dans

    une mondialisation ralise, ils ne promeuvent un dveloppement national du capital quedans la mesure o celui-ci n'a plus aucune consistance en tant que tel, c'est--dire en tantque projet possible d'une bourgeoisie. Ce dveloppement n'est plus que l'expression deslimites de la lutte de classe du proltariat qui, en tant que classe de ce mode de production,trouve dans celui-ci les formes mmes de son action dont le cadre national tel qu'il estactuellement reproduit comme moment d'un cycle global. Fini l'exotisme, fini les SamirAmin autocentr, les Guevara et les "focos" prparant le "capitalisme d'Etat", les Lnine etle dveloppement du capital sous direction proltarienne, les Vera Zassoulitch et le sautcommunautaire par dessus les horreurs capitalistes.

    D'autres vnements avaient dj mis fin la lecture exotique, mais pour lapremire fois, Quito, le dmocratisme radical a t un lment dterminant d'un

    mouvement social allant jusqu' une phmre prise du pouvoir dont il fut l'lmentmoteur. Il n'a pas t manipul, parce que par nature il ne pouvait que l'tre : la lutte contrele capital, devient la lutte contre le capital tranger et / ou financier, la lutte contre l'Etat

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    devient la lutte pour la dmocratie vraie contre la corruption etc... (cf. ses objectifs et sastratgie dans les textes ci-dessous). Si certains secteurs de la bourgeoisie et de l'arme,sans vouloir (surtout sans pouvoir) changer de politique voulaient se dbarrasser deMahuad (dollarisation trop sauvage de l'conomie ; exclusion des autres clans de labourgeoisie ; corruption trop visible ; rduction du budget de l'arme ; volont d'accomplirun auto-golpe la Fujimori ; facteur d'instabilit du point de vue des Etat-Unis qui

    cherchent s'appuyer sur l'arme quatorienne pour leurs interventions en Colombie...) et"utilisrent" la "rvolution des ponchos", c'taient parce que dans leurs objectifs, dans leslimites des luttes que ceux-ci exprimaient, la Conaie et les diverses organisations allies elle avaient elles-mmes chercher s'allier ces secteurs au cours de rencontres etrunions diverses. " Les gnraux Mendoza et Sandoval, au cours de plusieurs runionspralables de travail avec le mouvment indigne et les mouvements sociaux, ont dfini lesstratgies pour le renversement de Mahuad et un modle alternatif de dveloppement. Touta t concert tant avec les deux gnraux qu'avec les commandants intermdiaires desforces armes." (Antonio Vargas, prsident de la Conaie,Nuevo Herald, Miami, 24 janvier2000, in Poker menteur en Equateur, dossier duMonde Diplomatique sur Internet).

    Il ne s'agit pas de trahison, le dmocratisme radical fait son travail, et pour lapremire fois nous l'avons vu l'oeuvre en grandeur relle.

    Thorie Communiste

    Les textes qui suivent, que nous avons traduits de l'Espagnol, se trouvent galement en

    Anglais et en Quechua sur le site internet de la CONAIE

    (http://conaie.nativeweb.org/ecu20.htm).

    Texte de prsentation de la CONAIE (non dat)

    La voix indigne dans le monde moderne.

    La CONAIE a t constitue en 1986, comme rsultat d'un processus organisatif qui a son originedans les communauts de toutes les nationalits indignes de l'Equateur. Elle agit comme leur reprsentantprincipal, elle est la voix et la pens des peuples indignes, elle lutte pour la vie des hommes et de la naturevers un futur de justice, de paix, d'galit, de respect, de libert et de solidarit. " Ce n'est pas un hasard si laplus grande partie des dernires ressources naturelles se trouve en territoire indigne. Aprs avoir dtruit leurenvironnement, les blancs viennent prendre les derniers territoires qui nous restent, ceux que nous avonsprotgs." (Luis Macas, prsident de la Conaie - remplac depuis par Antonio Vargas, ndt.- ).

    Ecologie.

    Peuples indignes, nous nous considrons comme partie de l'environnement. Notre culture nouspermet de vivre en harmonie avec la nature, mais aujourd'hui, nos territoires et nos villages sont en danger.

    Sur la cte, dans la montagne et en Amazonie se dveloppent des activits minires et forestiresdont les entreprises nationales et trangres tirent pour elles seules le bnfice conomique et o ellesappliquent des technologies polluantes qui contaminent et dtruisent des centaines de formes de vie uniquessur la plante. L'exploitation ptrolire a dj caus l'extinction des nations Tetete et Zaparo, et menace lesautres peuples indignes.

    La Conaie a formul des propositions alternatives de dveloppement o notre sagesse millnaire etles connaissances occidentales se conjuguent pour la construction de l'harmonie dans la socit quatorienne.

    Qu'est-ce que la Conaie?

    La Conaie est une organisation autonome, elle ne dpend d'aucun parti politique, ni d'institutionsetatiques, trangres ou religieuses.

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    La Conaie rpond la ncessit historique d lutter pour les droits des peuples indignes construireun Etat plurinational.

    Nations indignes, nous sommes des peuples qui avons une mme origine, une histoire commune,des langues propres, et qui sommes rgis par des lois spcifiques.

    La Conaie appuie les luttes particulires des communauts indignes come celles pour obtenir l'eaupotable et combat les politiques gouvernementales qui agressent les peuples indignes.

    Nous sommes des milliers d'indignes nous tre soulevs pacifiquement et avec dignit pour faire

    entendre notre voix.

    Territoires indignes.

    La montagne est la base matrielle de la reproduction de notre peuple et de notre culture. Nousdisons qu'un peuple sans montagne est un peuple sans vie. De la montagne, nous recevons la nourriture, lesmdicaments, les ressouces pour nos crmonies, les vtements, les outils et tout ce que nous fabriquons. Lamontagne est notre survie.

    A cause de la pression dmographique, de l'expansion de l'agro-industrie exportatrice dans lamontagne et de la colonisation de l'Amazonie, chaque anne les communauts indignes possdent de moinsen moins de territoires o produire.

    Un objectif central de la Conaie est la lutte pour la prservation du territoire de nos peuples. Celasignifie de compter sur nos propres quipes juridiques et sur des mcanismes divers pour lgaliser notreoccupation des territoires et l'accs la montagne-mre.

    La Conaie promeut des formes propres d'organisation collective comme les communes (le texten'emploie pas le mme mot que pour comunauts : "Comunidades / Comunas", ndt) et avec elles les formesancestrales d'usages et de vie dans la montagne comme l'agriculture organique, les terrasses, l'entraide. Cesformes sont intrinsquement une manifestation spirituelle.

    Culture et Education indigne.

    La richesse de la diversit culturelle quatorienne est en train de disparatre cause de la pressionsociale exerce par l'acculturation. La Conaie promeut la survie et la rsistance des cultures et languesindignes.

    En 1989, la Conaie a sign un accord avec le Ministre de l'Education, tablissant un programmenational d'ducation bilingue interculturel, programme tabli et conduit par la Conaie et ses organisationsmembres.

    Grce l'ducation bilingue et interculturelle, les nouvelles gnrations apprennent tre fires deleur identit et utiliser leur propre langue.

    La Conaie et ses organisations promeuvent les pratiques sacres comme les rituels de la fte duSoleil (Inti Raymi). La Conaie valorise et promeut galement le dveloppement de la mdecine indigne.

    International

    La Conaie est membre du Front de l'Internationale rouge indigne. La Conaie travaille au niveauinternational au profit des peuples indignes. Nous sommes en liaison avec : The Lettelier-Moffit HumanRights Award, The Goldman Environmental Justice Award, The Inter-American Foundation Fellowship.

    Savez-vous que?

    * 45% des Equatoriens sont indignes, mais nous n'avons aucun dput indigne.* 80% de la population rurale vit dans la pauvret absolue.* Les paysans produisent 75% des produits de base avec seulement 35% des terres utiles de la

    montagne.* L'Equateur prsente le pourcentage le plus lev de dforestation en Amrique. Dans 40 ans, toute

    la fort primaire aura disparu si la tendance actuelle se poursuit.

    La CONAIE trace la perspective d'autonomie des nationalits indignes (19 novembre1999)

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    Ce vendredi 19 novembre, la Conaie termine son sixime congrs national. Bien que nous nefixerons pas la date d'un probable soulvement contre la situation conomique et sociale du pays, nousdcidons que tous les militants se tiennent en alerte.

    Les nationalits indignes ont rlu prsident Antonio Vargas, considr comme le leader de la lignemodre. Ricardo Ulcuango, considr comme le plus intransigeant, est arriv en seconde position avec 279voix contre 323 Vargas.

    Aprs avoir analys son activit politique dans le pays, la Conaie a critiqu les agissements des

    dputs du Mouvement Plurinational Pachakutik (pour tous les textes suivants nous avons respect l'emploiparfois peu cohrent des majuscules, ndt) pour avoir t trs complaisants avec le gouvernement dudmocrate-chrtien Jamil Mahuad.

    Les Peuples indignes Equatoriens sont parvenus aux positions et rsolutions suivantes.* Demander au prsident de la Rpublique la convocation d'une consultation populaire pour

    dterminer le contenu des autonomies prenant en compte les particularits des rgions et des NationalitsIndignes.

    * Adhrer la campagne du "Jubile 2000" afin de promouvoir l'annulation de la dette extrieure.* Exiger la nomination d'un Dfenseur du peuple pour les nationalits et les peuples.* Signer une convention avec le gouvernement national sur le programme de gestion des parcs

    nationaux, des rserves de faunes, des sites archologiques, des muses, entre autres, qui se trouvent enterritoires indignes, afin que ce soit les nationalits et les peuples qui les administrent et les grent.

    * Exiger du gouvernement national et des entreprises ptrolires la propret absolue et la

    dcontamination de l'envirronement, des bassins hydrographiques, des dchets solides qui manent desindustries et des grandes villes du pays ; de mme l'indemnisation pour les prjudices causs l'envirronement, aux Nationalits et aux Peuples.

    * Que la Conaie aide, dans les procdures occasionnes par le procs contre la compagnie Texaco,les camarades Cofanes, Secoyas, Sionas, Huaoranis, kichwas, et les paysans des zones affectes, qu'elleagisse ainsi dans toutes les actions contre les compagnies multinationales qui oprent dans les territoiresindignes.

    * Promouvoir la fixation lgale des territoires globaux et la dlimitation interne des communautsindignes;

    * Demander au niveau national et international la non-pntration des compagnies ptrolires,forestires, pharmaceutiques, minires et agro-industrielles dans les territoires indignes pour attenter l'intgrit sociale, culturelle et environnementale des nationalits et des peuples.

    * Soutenir la rforme de l'article 84 de la constitution afin d'obtenir la proprit (usage et usufruit)du sous-sol de nos territoires.

    * Mettre en forme les projets de lois suivants qui seront achevs dans un dlai de trente jours par descommissions.a) projet de loi organique des Nationalits.b) projet de loi organique des circonscriptions.c) Projet d'assembles paroissiales.d) Projet de loi des eaux.e) Projet de lois des Communauts.

    * Exiger le respect de la disposition constitutionnelle exigeant que 30% du budget national soientdestins l'ducation.

    * Demander les ressources et les dcisions politiques ncessaires pour que soit respecter notre droitconstitutionnel avoir une ducation interculturelle bilingue de qualit.

    * Raliser une valuation technique, pdagogique et administrative du systme d'EducationInterculturel Bilingue.* Demander que les Forces Armes retirent leur participation l'Education Bilingue.* Promouvoir des actions destines dvelopper une ducation qui satisfasse l'affirmation de

    l'identit culturelle des Nationalits et des Peuples.* Assumer la direction politique du CODENPE et du PRODEPINE afin de mettre en oeuvre des

    politiques de renforcement des Nationalits et des Peuples.* Promouvoir la restructuration du CODENPE.* Demander la dmission du secrtaire excutif du CODENPE pour qu'il assume sa nouvelle

    responsabilit de prsident du Fond Indigne pour l'Amrique Latine et les Carabes.* Promouvoir la participation quitable de la femme l'intrieur des Nationalits, des Peuples et de

    la socit en gnral.* Constituer le Conseil des Nationalits et des Peuples comme instance de dfinition du programme,

    d'valuation et de suivi du Conseil de direction de la Conaie, en conformit avec les rsolutions du Congrs.Il sera constitu par un (e) dlgu(e) de chaque nationalit et peuple.

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    CONAIE : Bulletin pour la presse internationale (Quito le 16 janvier 2000)

    Le Parlement National des Peuples de l'Equateur, constitu dmocratiquement avec la participationde 21 Parlements Provinciaux et d'innombrables parlements communaux, de cantons et de quartiers a assumdirectement l'exercice de la souverainet nationale pour sauver la Rpublique d'Equateur de sa disparition

    nationale qui avait commenc avec la dcision de Jamil Mahuad de renoncer la souverainet montaire enannonant la substitution du Dollar notre signe montaire historique, le Sucre.

    La dcision de dollariser l'conomie est l'ultime attaque contre l'conomie du peuple et l'appareilproductif du pays xcute par Mahuad, avec la sinistre intention de protger une bancocratie corrompue eten faillite, et de transformer l'Equateur en une enclave de la spculation financire et du blanchiment desnarcodollars.

    La dollarisation implique la destruction de l'appareil productif, la faillite de l'industrie et la perte decentaines de milliers d'emplois, l'expropriation progressive des indignes et des paysans du pays de leurspetites parcelles de terre.

    Ce schma colonial est inapplicable car les entres de devises reprsente peine 15% du PIB, enconsquence l'obsession de Mahuad signifie l'asphyxie de l'appareil productif.

    Aprs une suite de soulvements indignes, de barrages de paysans et de grves gnrales destravailleurs, aucune de leurs revendication lgitimes n'a t entendue ni satisfaite. Au contraire, lesprogrammes de privatisation de l'industrie ptrolire, de la scurit sociale, du tlphone et de l'lectricit ontt acclrs ainsi que la suppression des droits des indignes, des paysans et des travailleurs. Les dpts enbanque ont et gels et leur restitution dans 10 ans a t propose, ce sont des milliers de millions de dollarsqui taient destins la piraterie financire des banquiers.

    Dans cette situation, le Parlement National des Peuples d'Equateur a appel un rassemblementnational pour la Dfense de la Souverainet, pour destituer Mahuad et les pouvoirs lgislatifs et judiciaires etpour installer le peuple dans son exercice souverain du pouvoir, afin de fonder un Etat Plurinational quilimine dfinitivement l'oppression sculaire de la population indigne majoritaire.

    Le Parlement National des Peuples de l'Equateur appellent toutes les organisations des peuples dumonde, tout citoyen du monde, se solidariser et dfendre activement le droit lgitime des peuplesd'Equateur exercer directement sa souverainet, en demandant la force publique de l'Equateur qu'ellerespecte cet exercice de la souverainet par le peuple, qu'elle ne rprime pas les mobilisations pacifiques de

    millions d'Equatoriens et qu'elle se soumette la souverainet lgitime qui vient du peuple. Nous lesexhortons galement reconnatre la pleine lgitimit du Parlement National des Peuples de l'Equateur et demander aux gouvernements de leur pays sa reconnaissance immdiate.

    Antonio Vargas,Prsident du Parlement National des Peuples de l'Equateur

    Autre information de la Conaie.Le soulvement populaire crot malgr la rpression et les mensonges gouvernementaux.

    La Conaie avertit tout le monde que le gouvernement est en train de mener une campagne dedsinformation au travers des moyens de communication pour diviser et empcher le progrs du soulvementindigne-populaire.

    Il est faux qu'Antonio Vargas a annonc la suspension du soulvement. Le soulvement se poursuit

    inexorablement jusqu' la satisfaction de l'objectif avanc par les peuples de l'Equateur.Outre les actions que le peuple mtis est en train de mener sur la cte quatorienne et dans la

    montagne, toutes les provinces, sans exception, signalent l'unit dans les actions : les marchs commencent ne plus fonctionner, le blocage du ptrole commence ainsi que le barrage des routes sur le littoral et dans lamontagne. Nous avons men bien les actions, comme cela tait prvu, partir du samedi 0 h, avecd'importantes mobilisations Canar, Azuay, Napo, Morona Santiago et Bolivar.

    CONAIE : "L'Equateur, un volcan plein de cratres" (20 janvier 2000)

    Le soulvement du peuple commenc ce samedi 15 est en train de devenir un grand volcan avec demultiples cratres o brle le mcontentement indigne et populaire.

    Par les routes de cantons ou de provinces affluent des milliers d'indignes bloquant les routes, ilssuivent les traces de nos anctres pour renforcer la Prise de Quito. Trente cinq mille membres des forcespubliques avec leur violence et leur racisme n'ont pu nous retenir.

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    Le Dr Mahuad qui s'est senti accul par les grands groupes de pouvoir conomique est maintenantaccul et cern par ses propres troupes, ses propres barbels, ses propres chars d'assaut, ses propres cordonsde policiers et de soldats, et par dessus tout par des dizaines de milliers de mcontents.

    Ses fonctionnaires avaient dit que nous n'avions pas de capacits de rassemblement, que nousn'avions pas l'appui de la base, que la lutte se terminerait par notre puisement et que nous rentrerions sansrien obtenir. Ceci est l'arrogance, la suffisance et la servilit leurs matres du grand capital, qui caractrisentces tyrans qui, avec leurs politiques conomiques, ont appliqu le terrorisme d'Etat le plus criminel de notre

    histoire. Le Dr Mahuad, ses fonctionnaires et ses politiciens ont la bouche pleine du mot de dmocratie,pourtant chaque jour leur soutien populaire se rapproche un peu plus de zro. S'ils taient rellement desdmocrates, ils obiraient la voix du peuple et abandonneraient leurs projets ; mais ils ne le sont pas, cen'est pas cette ide qu'ils dfende mais leurs affaires et celles de leurs amis qui, avec des milliers de dollars,financrent leur campagne lectorale.

    C'est en foule que les secteurs sociaux urbains ont particip directement l'action. Il manquait desrues pour accueillir les imposants fleuves d'hommes, de femmes et de dignes anctres qui aspirent construire un Etat et une socit pluraliste, juste, quitable et souveraine.

    Nous commenons recevoir un soutien international notre Soulvement des Peuples, en mmetemps que le Dr Mahuad reoit des avis de condamnation pour son attitude rpresive et antidmocratique.

    L'heure de nos Peuples est en train d'arriver pour le bien de tous les Equatoriens.Parce que nous sommes sincres, nous sommes une seule voix et un seul discours, une seule pense,

    un seul coeur et un seul poing.

    * Loja : les routes Cuenca et Zamora sont bloques. Manifestations en ville de la part des diffrents secteursde la socit.* Azuay : routes bloques. Grandes manifestations Cuenca.* Canar : blocus total. Les runions des parlements cantonaux continuent. Les marchs ne sont plusaliments.* Chimborazo : blocus des routes. A San Andres, l'arme rprime avec des grenades et des balles. Alausi :runions et blocus total, avec la participation de centaines de camarades. Aucun vhicule ne circule. A lasortie de Chambo, rpression brutale des militaires contre les frres indignes. Les Eglises vangliquesrejoignent le Soulvement en dsaprouvant l'attitude des dirigeants nationaux qui se sont vendus augouvernement. Dans la rgion de Riobamba, plus de 15 000 indignes marchent vers la ville.*Tunguragua : nous avons obtenu la restitution des vhicules rquisitionns pour transporter les camaradesvers la prise de Quito. Le gouverneur s'est engag ne pas rprimer les manifestations et les blocus. Lemarch principal est ferm.

    (suit la description d'vnements semblables dans 13 autres villes ou rgions, ndt)

    CONAIE : Equateur, euphorie chez les peuples indignes, les paysans et les jeunes

    militaires dans la prise des pouvoirs publics. Le gouvernement de Mahuad chancelle.

    (21 janvier 2000)

    Le gouvernement de Jamil Mahuad chancelle. Le mouvement indigne et paysan de l'Equateur, alli

    aux fractions urbaines organises et avec le soutien total du commandement intermdiaire et de la troupe destrois armes des Forces armes, ont constitu (le verbe est au pluriel, ndt) un pouvoir parallle dans ce pays.Le fait s'est produit quand la grande masse des indignes et des paysans rassembls Quito

    rompirent le cercle de protection autour du sige du Parlement National et s'en emparrent.Au dbut, il y eut une rsistance des soldats, mais soudain arrivrent des centaines de militaires

    bord de vhicules blinds venant de l 'Ecole Militaire et ils appuyrent l'occupation.Immdiatement, s'installa l'intrieur du parlement une Junte provisoire de gouvernement avec les

    dirigeants indignes et la Coordination des Mouvements Sociaux. A 11h du matin, arriva le colonel LucioGutirrez et divers officiers subalternes des units de l'arme cantonnes autour de Quito. Le colonel annonale soutien de plusieurs units militaires de l'arme de terre, de la marine et de l'arme de l'air. La joie l'intrieur du Parlement tait irrprssible. Les indignes criaient leurs slogans et demandaient la prison pourJamil Mahuad et tout son gouvernement.

    Dans les rues de Quito, les citoyens ont appuy l'installation de la Junte Civique-Militaire de Salut

    National. Dans certains quartiers on procda au pavoisement des maisons. Les travailleurs ont occup lesrues pour montrer leur joie.

    Jusqu' 13h, le Prsident Jamil Mahuad ne s'est pas prononc sur ce soulvement populaire et cetteinsurrection militaire. Les ministres seulement taient sortis face la presse et ils ignoraient la Junte de Salut

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    National. En mme temps ils disaient que le reste de l'arme soutenait Mahuad. Cela fut dmenti par diversesunits de l'arme.

    CONAIE : Equateur, les indignes s'estiment trahis par les militaires. Ils poursuivent le

    Soulvement National. (22 janvier 2000)

    Les indignes et les paysans quatoriens sont indigns par ce qu'on appellera la trahison du gnralCarlos Mendoza (membre militaire de la Junte, ndt) qui a dissout la Junte civique et militaire de SalutNational et a remis le pouvoir au vice-prsident Gustavo Noboa Bejerano. La grande majorit des indignesse concentrrent, Quito, dans le parc d'El Arbolito, deux carrefours du Parlement National, bien qu'ilsn'eurent pas abandonn la prise de ce lieu. Leur but tait de protger leur leader Antonio Vargas etd'organiser une nouvelle tentative de prise du Palais du Gouvernement.

    Romelio Gualan, dirigeant indigne et paysan, dit que le peuple indien ne craint pas la mort, car lacampagne ils sont mourrant de faim et abandonns, ils prfrent mourrir sur les routes, dans les rues desvilles, cependant ils cherchent un changement pour tout le peuple quatorien.

    On put savoir que les chelons intermdiaires des Forces Armes taient extrmement fach