théorie communiste n°17

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    Directeur de publication : AdresseRoland Simon

    B.P. 1784300 Les Vignres

    http://www.geocities.com/paris/opera/3542Lemel: [email protected]

    Imprimerie spciale : Thorie Communiste

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    EDITORIAL

    Lanti-citoyennisme, un dveloppement problmatique de la critique du dmocratisme radical.

    Le dmocratisme radical est dnonc assez largement par des franges qui vont del'anarchisme diverses tendances plus ou moins issues de lultra-gauche, en passant par lesmicros courants critiques du travail . Si la critique du dmocratisme radical est devenue unlment de base de ce courant communisateur que nous avons tent de cerner dans lditorialde TC 16, il faut constater quil est le plus souvent dnomm "citoyennisme" et que sacritique se limite sa dnonciation. Lappellation nest pas sans importance. De lui-mme, leterme de citoyennisme renvoie une idologie venant de lextrieur traduire la lutte declasse dans son langage tatique et dmocratique ; le dmocratisme radical inclut cetteidologie citoyenniste, mais il ne se limite pas une idologie, quelle que soit la ralit de seseffets, il est la mise en forme des limites internes des luttes actuelles, il sarticule avec lecontenu mme de ces luttes, ce nest quainsi que lon peut le critiquer (sur ce clivage, voir,

    dans ce n, le compte rendu dune runion tenue Paris en mars 2001).Des textes circulent, des runions ont lieu, un sentiment durgence s'est empar de ce

    milieu critique du citoyennisme qui se dfinit comme communiste. On peut, en France, entrouver les productions sur le site http://wb.tiscalinet.it/anticitoyennisme . Cette urgenceest provoque par un sentiment de frustration, frustration de voir un nouveau mouvement nonrvolutionnaire succder au stalinisme et la social-dmocratie. La fin historique dusocialisme rel et du mouvement ouvrier dmocratique et/ou stalinien avait pu laiss croireque cette fois-ci serait la bonne et que, lorsque les luttes de classe reprendraient, elles neseraient plus dtournes vers de faux objectifs. Las ! la petite bourgeoisie , remplaant labonne vieille bureaucratie ouvrire, aurait pris le relais et rditerait le coup du rformisme,mais cette fois sans mme les rformes.

    Malgr les critiques que nous pouvons faire de cette simple dnonciation, et quiconstituent lessentiel de ce numro, l'existence de cette raction et les dbats qu'elle suscitesont importants dans la constitution et lexistence du courant communisateur mergeant. Cestdans cette perspective que, mme si nous refusons les problmatiques dans lesquelles lesanalyses anti-citoyennistes se situent elles-mmes (alination, opposition entre la subjectivitrvolutionnaire individuelle et lobjectivit de lconomie, rfrence lhumanit et lacritique du travail ; cf. les textes Pour en finir avec lHomme et Pour en finir avec lacritique du travail ) et les perspectives dactions quelles soutendent (cf., dans ce n, le textesur le Mouvement daction directe ), la critique que nous en faisons intgre que cetteagitation pratique et thorique fait avancer, elle-mme et pas seulement sa critique, la question

    de la rvolution. Nous pouvons simultanment faire une critique, souvent polmique, delidologie anti-citoyenniste et de lactivisme ou mouvement daction directe quilaccompagne souvent et nous considrer comme partie prenante du mme courantcommunisateur. Nous ne critiquons l'idologie anti-citoyenniste et son attitude et contenudnonciatoires que dans la mesure ou la dnonciation elle mme rsulte du fait que le cycle deluttes actuel porte, comme son dpassement immdiat, le communisme. Dans les critiques quenous faisons ce qui est jeu ce sont les comprhensions et les pratiques diverses d'une tellesituation. Ce sont l, tous les alas de lexistence dun courant communisateur. Critiqueidologique dune idologie, lanti-citoyennisme considre les limites des luttes actuelles,telles que le citoyennisme les reprsenterait, comme artificielles et extrieures, le corollaire decette critique est donc un immdiatisme du communisme Faire la critique de cet

    immdiatisme et cependant montrer son lien avec la communisation, tel est le sujet du texte

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    Le dmocratisme radical et ses critiques qui sattache particulirement la brochure Limpasse citoyenniste .

    Lanti-citoyennisme, comme dnonciation du dmocratisme radical, sexprime dediverses faons : "Le dispositif citoyen est avant tout un dispositif de neutralisation (...) n'estrien d'autre que l'instrument actuel de la modernisation du politique; (...) Qui sont aujourd'hui

    "les citoyens du monde" ? si ce n'est ces apprentis "bo-bos" cosmopolites qui circulent enmme temps que les capitaux" (Tiqun, A rebours Anatomie du dispositif citoyen).Ou encore : "Les politiques de restructuration des annes 70/80 ont laiss le proltariat

    aphone. Il en vient mme douter de sa propre existence. (...) Le citoyennisme vient s'inscriredans ce cadre, le deuil de la rvolution ayant t fait plus aucune force ne se sentant en mesured'entreprendre nouveau de transformer le monde, il fallait bien, l'exploitation suivant soncours, que s'exprime une contestation. Ce fut le citoyennisme (...) Les classes moyennes endshrence se reconstituent travers le citoyennisme une identit de classe perdue"(L'impasse citoyenniste). Bien que ces critiques relient l'apparition du dmocratisme radicalau mouvement de 95, elles mettent toujours en avant le caractre petit bourgeois de sa couchedirigeante. Ce faisant ces critiques se mettent en dehors du mouvement qui produit le

    dmocratisme radical et du mme coup en dehors du mouvement qui produit la rvolution etd'ailleurs les produit elles-mmes. Tel est le rle que jouent ici les classes moyennes , ellesviennent exorciser la lutte de classe du pch de dmocratisme radical ( a ne vient pas dechez nous ), ce qui nempche, dans la mme brochure, de prsenter le citoyennisme comme le remplacement progressif du vieux mouvement ouvrier , une contestation delexploitation , le rsultat de lchec des luttes dfensives dans lesquelles sest puiselnergie du proltariat .

    Ces critiques hsitent poser le passage ncessaire entre les limites de la lutte declasse et leur formalisation dans le dmocratisme radical. Les limites de la lutte des classesdans notre priode et de chaque lutte en particulier sont toujours anecdotiques,conjoncturelles, fortuites, contingentes. Ces hsitations, visibles dans la bascule entre ladescription des limites des luttes de classe et la sociologie petite bourgeoise des organisationsdmocrates radicales, interdit de se voir embarqu avec lui. Et c'est parce qu'on ne veut pasvoir a qu'on se cantonne dans la dnonciation. Mais cette dernire nest pas quun faux-fuyant. La disparition de toute transcroissance entre les luttes actuelles et la rvolution ainsique de son corollaire la perspective dune priode de transition, si elles ne sont pas comprisespositivement comme constitutives dune nouvelle priode de la lutte des classes, maisimmdiatement comme la consquence dun vide de rapports sociaux ayant englouti leproltariat lui-mme en mme temps que sa prtention sriger en classe dominante,aboutissent considrer la situation actuelle comme lopposition immdiate entre deux modesde socialisation possibles : le dmocratisme radical et la communaut humaine (alias le

    communisme). La disparition du proltariat devient mme un pralable ncessaire larvolution (cf. la critique de la brochure Limpasse citoyenniste ). La lutte consiste alors dmasquer le dmocratisme radical comme lien social artificiel et promouvoir, dores etdj, comme le fait le mouvement daction directe , le vrai lien social conforme la naturehumaine authentique, mme si ce nest que comme tension et utopie. Les limites des luttesn'ont jamais t aussi lourdes et ncessaires que maintenant o, par del leur diversitconjoncturelle, c'est le fait mme d'agir en tant que classe qui est devenu, pour le proltariat,la limite immdiate de ces luttes mais aussi cette lutte en tant que classe, pour cette raisonmme, est la capacit d'abolir toutes les classes.

    Le fondement de la critique anti-citoyenniste est bien limmdiatet du communisme,comme dpassement produit de ce cycle de luttes, mais, pour lanti-citoyennisme, ce

    dpassement devient un immdiatisme du communisme, il est toujours possible, ce qui lebloque, cest une offensive idologique. Nous disons, quant nous, que la rvolution est

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    mdie par la crise du rapport social existant et que cette crise devra tre une criseconomique. La critique de lobjectivisme nest pas un dni de ralit de lconomie ou sareconnaissance comme ce qui nous fait simplement face, cest bien parce que lon dfinit lemode de production capitaliste comme rapport dexploitation et contradiction entre les classesque la ralit objective de lconomie en est un moment ncessaire. Le capital subsume dans

    son cycle propre la contradiction entre le proltariat et lui-mme, elle est sa propredynamique, mais cette contradiction devient par l mme les multiples contradictions internesdu procs d'accumulation capitaliste. La contradiction entre le proltariat et le capital devientles contradictions du capital et, par l, construit et pose cette crise en mdiation de sarsolution (cf. la critique de lobjectivisme dans TC 15).

    Lanti-citoyennisme rduit le dmocratisme radical une idologie et mme uneidologie par laquelle la petite bourgeoisie cherche contrler la lutte du proltariat. Onne peut comprendre et dconstruire le dmocratisme radical qu'en le critiquant commeappartenant la priode actuelle de la lutte des classes qui est ne dans la restructuration desannes 80 sur la dfaite dfinitive de la priode du programmatisme, celle o la luttervolutionnaire visait laffirmation de la classe lissue de sa monte en puissance dans le

    mode de production capitaliste. Ds le dbut des annes 70, la thorie rvolutionnaire,orpheline du programmatisme et de lidentit ouvrire, soit abandonne toute rfrenceclassiste (Invariance), soit subordonne cette rfrence lopposition entre la faussecommunaut matrielle du capital et la vraie communaut humaine, et mme entre ladmocratie et la vraie communaut ( Thorie Communiste n 1 , Crise Communiste , La Guerre Sociale , La Banquise etc.).

    Llaboration du concept de programmatisme rpond, dans la poursuite de l'analyse ducapital et du mouvement ouvrier, la double ncessit du maintien de l'analyse de classestricte du mode de production capitaliste et, simultanment, de l'acceptation totale de ladisparition du mouvement ouvrier devant nos yeux. Ne pas possder le concept deprogrammatisme, cest--dire ne pas comprendre la priode de la lutte rvolutionnaire commemonte en puissance de la classe, affirmation de celle-ci et priode de transition, comme unepriode particulire de la lutte de classe, ramne toute perspective rvolutionnaire fonde surce que sont strictement les classes dans le mode de production capitaliste ... ce qutait leprogrammatisme. On confond la gnralit avec une priode particulire, et on est contraint,mme si lon continue parler de classes rajouter notre moi authentique , nos dsirs , notre humanit et autres balivernes. Il fallait, bien sr, pour laborer ce concept, vacuertoute problmatique de la rvolution comme rapport entre des conditions et une naturervolutionnaire du proltariat. La critique du programmatisme va de pair avec la dfinitionde cycles de luttes qui scandent l'histoire du mode de production capitaliste et avec lareconnaissance d'un nouveau cycle lors la restructuration des annes 70 / 80. Notre ligne

    gnrale: l'historicisation de la lutte de classe nous a permis de reconnatre la restructurationen 79 (TC3), non sans que notre groupe n'clate et n'existe depuis lors que comme strictementminimal. Il est, par ailleurs, remarquable que le cycle de luttes actuel, parce que lacontradiction entre le capital et le proltariat porte la remise en cause de celui-ci, revivifie lesproblmatiques fondes sur lalination et lhumanit.

    Si la disparition des organisations ouvrires est souvent vue, maintenant, comme unevidence, elle nest exprime que comme disparition du "vieux mouvement ouvrier", voireabruptement "de la classe ouvrire" et la nature de la priode antrieure nest pas comprise,mme si le socialisme est considr comme transition impossible au communisme et vritablecontre rvolution. Ce qui manque c'est l'arc historique du capital et des luttes de classecomprenant le programmatisme et son dpassement. La restructuration a t le dpassement

    du programmatisme et par l une contre-rvolution, la contradiction entre les classes questlexploitation se situe dornavant au niveau de leur reproduction, cest--dire du moment o

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    elles se constituent rciproquement dans leur contradiction. Il en rsulte la dynamique mmede ce cycle, dynamique qui porte son dpassement : la contradiction du proltariat au capitalest sa propre remise en cause et non plus son affirmation. Cela signifie simultanment que leproltariat nest plus un rapport soi face au capital, une identit ouvrire, cette dynamiqueinclut alors une limite intrinsque qui est la reproduction du capital comme lhorizon

    indpassable, pour le proltariat, de son existence de classe (indpassable tant que ce nest passa propre existence comme classe qui devient lenjeu de sa lutte). Le dmocratisme radicalformalise cette limite de la lutte de classe, intrinsque sa dynamique. Il est un lmentspcifique de cette priode de la lutte de classe qui est celle du dpassement duprogrammatisme, et sil lui arrive den recycler quelques bribes ouvrires cest que pour lui,cest son fondement et son programme : le proltariat doit se trouver laise dans lescatgories du capital.

    Face limmdiatisme de lanti-citoyennisme, trs schmatiquement, on peut dire queles clivages s'articulent autour de la nature de la priode actuelle comme nouvelle phase de lasubsomption relle issue de la restructuration capitaliste que nous avons traverse.Reconnatre la restructuration risque fort de faire jeter l'enfant-proltariat avec l'eau du bain

    programmatique, l'inverse maintenir une analyse "classiste" condamne souvent barboterdans l'eau sale du programmatisme. Ainsi, certains de ceux qui constatent l'vidence de la findu mouvement ouvrier nous critiquent comme ne poussant pas assez loin notre propre critiquedu programme en maintenant une analyse de classe.

    Or, sil y a quelques annes la mode tait, dans le discours dominant, d'enterrer lesclasses sociales et en premier lieu la classe ouvrire (ventuellement en versant des larmes decrocodile sur la disparition de la culture ouvrire et la ncessite de "retisser du lien social"),maintenant les sociologues O. Schwartz, S. Beaud, M. Pialoux , nous dclarent sous le titre :"La question ouvrire a t progressivement refoule dans l'opinion" (Le Monde du 6/4/01)que, d'aprs le directeur de Toyota lui-mme, "On avait considrablement surestim larobotisation et que le travail allait rester essentiellement manuel. En fait, s'il y a bienextension des flux tendus, le taylorisme assist par ordinateur augmente et la part des ouvriersposts crot, alors que dans les annes 1980 on croyait leur disparition. Statistiquement, lenombre des emplois ouvriers a augment depuis trois ou quatre ans ( de 5,8 6,3 millions)malgr l'explosion des starts-up et du travail high-tech. On a donn croire que les ouvriersdisparaissaient, comme une grande partie du monde paysan a disparu dans les annes 50 .Plus loin, " ce qui se dgage c'est donc plus qu'une permanence de la condition ouvrire, undurcissement de la pression exerce sur les ouvriers. Presque tout s'organise autour de larecherche d'une plus grande productivit du travail. Mais cette situation est de moins en moinspris en charge politiquement. La gauche depuis les annes 80, s'est d'abord intresse auxexclus, aux banlieues, la lutte contre le racisme, ce sont l de justes causes. Mais en

    redfinissant ainsi les questions sociales, au moment mme o elle cessait de prendre encharge la condition ouvrire, elle ne pouvait pas ne pas susciter chez les ouvriers un immensesentiment d'abandon et de "lchage" au profit des "immigrs". Il y a l, sans doute, une racineimportante de la progression du vote Front National en milieu ouvrier. (...) Pour comprendrecela il faut aussi insister sur des phnomnes d'ordre politiques : l'effondrement dumilitantisme communiste, le quasi-monopole gauche d'un PS coup du monde ouvrier..."

    Ces remarques sont purement descriptives mais elles montrent bien que ce qui s'estpass pendant la restructuration ce n'est pas la liquidation du proltariat mais bien celle duprogramme. Si le travail ouvrier et la classe ouvrire ne sont pas du tout abolis, c'est le rapportau capital qui a chang (la qualification du nouveau taylorisme comme simplement "assistpar ordinateur" n'est qu'une vague indication de la transformation). Par ailleurs, R. Mouriaux

    et J.Faffr dans Le Monde toujours (le 7/3/1) publient cte cte deux articles : "Les conflitsaugmentent nettement dans le priv" et "La combativit se diffuse dans le socit . Le

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    premier se conclut: ainsi : " Nous sommes entrs dans une nouvelle priode de conflictualitplace sous le signe d'un antilibralisme perceptible aussi bien aux Etats Unis, o lesyndicalisme commence se redresser et o des conflits importants clatent (Verizon;Boeing; etc.), en Core dsormais associe aux luttes de Daewo, qu'en Argentine secoue parune grve gnrale en Dcembre 2000. Dans le cas franais, aprs l'attente vaine de la

    rptition de 1995, le mouvement social s'est engag dans une micro phase de stimulation dela gauche plurielle (1997-2000) et entame sans doute une phase de rsistance la refondationsociale du Medef." Le deuxime relve une combativit nouvelle :" Cette combativit toutescatgories confondues modifie en profondeur des luttes sociales ; celles-ci ne sont pluslimites aux couches les plus en difficult ou en bas de l'chelle sociale. (...) Au-del de cesrevendications (salaires - emploi) se dveloppe une vision critique de la modernisation de lasocit - synonyme de plus de pression pour les travailleurs - et des effets de la mondialisation

    Quand les sociologues sont d'accord avec la thorie il est probables qu'ils aient raisonet nous pouvons les utiliser au moins comme illustration de nos analyse sur la restructurationqui n'est en aucune faon disparition de classe, et sur la construction du dmocratisme radical

    sur les limites mmes des luttes de classe.

    La priode actuelle dtermine lexistence du dmocratisme radical, nous sommes embarqus avec lui (cf. TC 14). Le mme mouvement qui produit le dmocratisme radicalporte la critique que nous en faisons et plus fondamentalement la production du dpassementde ce cycle de luttes. Cest pour cela que la dnonciation passe non seulement ct de lacritique du dmocratisme radical, mais, plus grave, ct de la dynamique rvolutionnaire dece cycle de luttes. Epiloguer sur la nature petite bourgeoise des franges dirigeantes dudmocratisme radical refuse ce que lon ne veut pas voir : ltroite parent entre le diable et lebon dieu. La dnomination petite bourgeoise na aucun sens, il ne sagit que de couchessalaries particulires qui jouent leur rle de par leur position dans la division sociale dutravail et non de par une position spcifique par rapport aux moyens de production (dans lalittrature rvolutionnaire, depuis une cinquantaine dannes, le terme petit bourgeois appartient la pense magique).

    De par sa nature mme, le dmocratisme radical ne peut tre que tiraill entre toutessortes de courants et porte sa propre frange critique puisqu'il est trs visiblement mouvementde rforme et de dfense du capitalisme, cette critique intime se dit de rupture et pose lancessit d'une alternative radicale dvelopper l'intrieur du mode de productioncapitaliste. Les anarchistes officiels tout en se gaussant d'Attac et en dnonant la Bovmanialancent l'occasion des lection municipales de 2001 une campagne "Grons la ville nousmme et maintenant et regrettent que : "les libertaires (en tant que force politique cohrente)

    ne parviennent pas peser de leur poids vritable sur le cours des vnements et se retrouventsystmatiquement la remorque d'un confusionnisme pseudo-citoyen (soulign par nous)dont la ralit affiche est d'amnager l'accessoire sans toucher l'essentiel de l'ordrecapitaliste."

    Le dmocratisme radical nest pas une idologie au sens vulgaire d'erreur et detromperie, mais un ensemble dactivits relles dans la lutte des classes formalisant en limitesparticulires, selon le cadre et le droulement spcifiques de chaque lutte, la limite gnralede la dynamique de ce cycle. Se contenter de "dnoncer l'erreur" ne mne rien. Ce quiimporte, c'est de considrer la lutte des classes dans son histoire et non partir d'une normesparant le vrai du faux, d'en considrer tous les moments comme ncessaires et commedes moments de la production de son propre dpassement.

    Dans le dbat au sein des luttes, l'analyse communiste doit tre strictement non-normative c'est--dire ne jamais opposer un vrai au faux, mais chercher saisir le nouveau

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    dans les fondements, dans la dynamique, dans les formes particulires, et dans les limites decelles-ci. Il ne suffit absolument pas de dire que, comme d'habitude, le dmocratisme radicalfait son sale boulot. La critique doit tre radicale, froce, mais elle n'envisage pas detransformer le dmocratisme radical. Il sagit de faire une thorie de ce cycle de luttes commeproduction du communisme, elle inclut ncessairement la critique du dmocratisme radical,

    mais elle ne se produit pas comme anti-dmocratisme radical.Ce qui signifie qu'il faut se battre pour que les luttes l'emportent, en luttant contre ledmocratisme radical qui les enserre. Dans chaque lutte, ce qui importe cest le mouvementde production du dpassement qui est l'heure actuelle la contradiction du proltariat sapropre appartenance de classe. Celle-ci existe dans le fait que laction du proltariat n'est plus,ne peut plus tre, son affirmation, car il se constitue comme classe dans sa contradiction avecle capital.

    Ce qu'il faut privilgier c'est la dtermination de dsobjectivation du capital inhrente la structure actuelle de la lutte des classes en ce que celle-ci ne met pas face face deuxentits pralablement existantes et se confirmant chacune pour elle-mme danslaffrontement, mais deux classes qui nexistent que dans leur reproduction rciproque qui est

    leur contradiction. Cette dtermination de la lutte de classe n'est pas un "plus" qu'amne la"Thorie", cest la lutte de classe qui est thoricienne, et les luttes immdiates sont rellementproductrices de thorie. Lors de luttes comme celle de dcembre 95, celle des chmeurs oucelle des sans-papiers, la participation nest pas antagonique la critique, car la critique esteffectue partir de la nouveaut thorique consubstantielle ces luttes. Le courant que nouspouvons appeler communisateur existe parce que cest la lutte de classe qui est thoricienne etcela non comme une abstraction gnrale qui ne nous avancerait pas grand chose, maiscomme cours des luttes immdiates. Les luttes immdiates sont productrices de thorie si lonse place du point de vue de lidentit de leur dynamique et de leur limite. En consquence, ilest intenable de se situer dans la posture radicale de celui qui est revenu de tout et qui onne la fait pas ou dans la posture contemplative de celui pour qui les choses sont commeelles sont. Dans cette identit, ce qui est luvre cest le processus de son dpassement et lancessit de celui-ci. Il ne sagit pas dopposer une lutte ce quelle nest pas et ce quelledevrait tre, mais dy participer ou de lanalyser sur la base de ce quelle est, cest--dire delidentit de sa limite et de sa dynamique. Ne voir que la dynamique, cest confondre thorieet conscience de soi ; ne voir que les limites fait de la thorie un discours idologique aposteriori, extrieur, qui se veut ensuite normalisateur ; voir les deux, mais pas leur liaison,cest le discours sur la conscience de soi mystifie et la thorie comme dmystificationmaeutique (on va vous dire que lorsque vous tes contre la mondialisation, vous tes enralit contre le capitalisme). Bien sr, au quotidien, cette participation dpend de toutessortes de circonstances.

    Ce cycle de luttes ne nous laisse pas que la possibilit de faire de la thorie au sensgrandiloquent de lexpression. Lanalyse posteriori d'une lutte ou la prsence active ne sontpas lapplication dune thorie prexistante. Dans tous les cas concrets, on est l et on fait uneanalyse thorique neuve, simple, en prise directe dans la lutte en cours, parce que lon peutcritiquer cette lutte en cours sur la base mme de ce quelle est. Que ce soit dans lescoordinations cheminotes de 86, les grves de novembre-dcembre 95, la lutte des sans-papiers ou celle des chmeurs, lorsquon se situe au niveau de lidentit de la dynamique et dela limite, on na aucune extriorit par rapport cette lutte, nous sommes dans son existencemme, son point limite, en tre et la critique sont alors identiques. Cest chaque lutte qui enelle-mme produit du nouveau, remet les pendules lheure et contient quelques noncs qui,dans son droulement, sont produits comme simples, brefs et directs. Ces prises de position,

    ces analyses, sont possibles parce quelles ne sont pas une application, mais la production

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    elle-mme de thorie (cf. dans cette perspective, le bref aperu sur la grve de nov-dc 95, lalutte des sans-papiers et celle des chmeurs, dans le texte Le dmocratisme radical ).

    Il ne sagit jamais dune intervention, celle-ci suppose une extriorit entrel'intervenant et le milieu d'intervention. Cette extriorit nest pas une donne physique, treou non directement et individuellement engag dans lentreprise ou le secteur en lutte, mais

    une construction particulire de lactivit. Intervenir, cest considrer le cours de la socitcomme cours objectif, et lintervention semble, par la validit de son action, confirmer cetteobjectivit par la transformation qu'elle lui apporte. Lintervention est lie au militantisme.Paradoxalement, tout militantisme perd en pratique la conception du cours du mode deproduction capitaliste comme lutte de classes. Ce cours ne le deviendrait que par lactivitmilitante et subjective confirmant a contrario et supposant ce cours comme lois objectives.Lactivit militante est la supposition et la suppression constantes dun manque dans lesoppositions de ce qui nest plus, sans laction subjective, que des catgories de cette socit,afin dlever ces oppositions, ces distinctions, au rang de contradictions. Elle suppose enconsquence, partir de ce manque combl, soit une transcroissance de ces luttes larvolution, soit mme un dpassement qualitatif de celles-ci, mais quen elles-mmes elles ne

    produiraient pas.Lactivit militante faonne la ralit mme de son objet dintervention dans le simple

    fait de le poser comme un objet dintervention. Dans la ralit elle dissocie subjectivit etobjectivit, elle fait de la liaison entre le cours quotidien des luttes et la rvolution unetranscroissance ou un saut qualitatif dpendant dune dtermination externe, elle-mmencessite par le retard de la conscience et la ncessaire dissipation des illusions. Par l,elle considre dun ct le monde objectif, les situations, de lautre lactivit humaine ; elle neconsidre pas lactivit humaine elle-mme en tant quactivit objective, elle dissocie laconcidence du changement des circonstances et de lactivit humaine. Si lactivit militanteconsidre bien que ce sont les hommes qui changent les circonstances, elle ne considre pasles circonstances comme activit pratique concrte des hommes, et par consquent lechangement des circonstances comme auto changement, elle voit donc ce changement commelaction humaine sur les circonstances, action qui nest alors que celle dune activit humainerduite la conscience et ne considre pas lobjet sur lequel sapplique cette consciencecomme lui-mme activit humaine (et conscience).

    Dune part, lactivit militante fait totalement partie de la lutte de classe, elle nest pasune intervention trangre elle, dautre part, toute activit nest pas militante. Une activitn'est pas en soi militante, mais n'importe laquelle peut le devenir : le maintien dunecoordination, une occupation dAssedic, la rdaction d'un texte thorique, le dsir commemode de vie. Inversement une activit peut cesser d'tre militante, sans apparemment(formellement) changer d'allure. Lactivit militante, ou intervention, est celle qui

    retravaille la ralit dont elle est partie intgrante en la divisant par sa simple existence encours objectif du monde et volont consciente. Elle ne considre pas la ralit de la lutte declasse comme auto rfrentielle et comme une dynamique mais comme le lieu dun manque :conscience, organisation, slogans, actions impulser, illusions dissoudre etc... pour qu elledevienne autre. Les circonstances ne sont plus en elles-mmes activits mais objet delactivit. La critique de lintervention et du militantisme doit aller bien au-del de la critiquepsychologisante du militantisme comme stade suprme de lalination telle quelactivisme la reprend son compte. En se contentant dune telle critique, lactivisme refonde,pour son compte, le militantisme dans sa vritable dimension : dun ct la matire delintervention, de lautre le sujet intervenant. Si ce dernier part de lui-mme, de ses propresbesoins et dsirs (pour ne plus tre le militant masochiste tant moqu), son propre point de

    dpart prsuppose que son individualit de sujet est un donn face au monde, il est un vraimilitant (cf. la critique du mouvement daction directe).

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    Si lextriorit qui dfinit lintervention nest pas une donne physique, cette donnephysique de la prsence nest cependant pas sans importance.

    Impliqus personnellement dans une lutte, ceux "qui par ailleurs pensent des choses"(comme on dit), n'oublient pas ce qu'ils pensent, mais ne se retrouvent pas, automatiquement,pour autant dans une situation de militant (ce contre quoi limplication personnelle ne

    prserve absolument pas). A ce moment l, ils ne sont pas dans une situation bien diffrentede celle de leurs compagnons de lutte. Ils se retrouveront certainement parmi les premiers dsigner et se heurter aux limites intrinsques des luttes : le corporatisme dans lescoordinations par exemple, les pratiques syndicales dans les grves de l'hiver 95, la politiquedes organisations et Associations dans la lutte des chmeurs et prcaires, parmi les premiers s'engueuler avec le syndicaliste local ou le bureaucrate auto-organis.

    Si l'on n'est pas personnellement impliqu, c'est de la "bouffonnerie" de dire que l'onest "cheminot", "infirmire", "voyou de banlieue", "licenci de St Nazaire", ou "RMiste".Thoriquement c'est exact (la sacro-sainte unification militante du proltariat), mais c'est bienthoriquement que c'est exact et il ne faut pas l'oublier, c'est dj norme. Cela ne pourraittre exact que dans la mesure o l'infirmire n'est plus infirmire, etc. Mais alors c'est au

    mouvement de dpassement des limites intrinsques des luttes que l'on assisterait. Les limitesessentiellement constitues par la reproduction du capital seraient caduques. Dans cetteseconde situation, la participation tombe ncessairement dans la catgorie de lintervention,car elle suppose les limites de cette lutte particulire qui tiennent aux catgories danslesquelles seffectuent la reproduction du capital (entre autres, la division sociale du travail)comme un manque dans la lutte que cette participation abolit ou tend, de fait, abolir.

    Le problme, cest quil existe une troisime situation. Cest celle de luttes qui, par lesecteur quelles touchent, le rapport de forces quelles imposent au niveau de lEtat, lafocalisation de questions gnrales de la lutte des classes un moment donn, ou pour toutautres raisons, remettent en cause leur particularit. Dans ces cas, lextriorit personnellenest pas synonyme dintervention, pour autant, comme dans le premier cas, que cette activitne scinde pas la ralit entre une situation objective et elle-mme comme destine fairedevenir cette situation autre par la rsorption dun manque.

    Il ne sagit pas de chercher radicaliser les luttes ni faire de la pdagogie pour plustard, ni de lutter pour que les autres reconnaissent des positions "justes". Il s'agit, del'intrieur du mouvement, de saisir ce qui pose la contradiction au capital simultanmentcomme contradiction l'appartenance de classe (cf. nov. 95, la lutte des sans papiers et surtoutcelle des chmeurs). Il ne s'agit donc pas de dnoncer des objectifs comme non-rvolutionnaires ou comme n'tant pas "de rupture", mais de saisir chaque fois de faonparticulire le contenu des limites dune lutte. Toute activit devient inexorablementintervention ds quelle saute par dessus la reproduction du capital et pose une relation de

    transcroissance entre telle lutte et la rvolution, mme si dans les circonstances actuelles dit-elle, elle admet que cela nest pas ralisable. Cette transcroissance nexistant plus,lintervention devient alors un soliloque dlirant.

    La lutte des classes dfinit ses acteurs de faon totalitaire, en cela le terme de participation nest pas satisfaisant et peut ntre quun euphmisme dintervention. Un seuleterme est satisfaisant, cest celui dactivits. Ce terme, au pluriel, dsigne aussi bien ce quelon entend dordinaire, cest--dire ce que font les uns et les autres durant une lutte, maisaussi, la nature de ces actions comme transformation de la situation et de son objectivit, danslaquelle existent ces actions et qui les dterminent, en activits. Une lutte est toujours lerapport entre la dsobjectivation des catgories capitalistes, inhrente la lutte de classe, etleur robjectivation sur les limites du mouvement, parce que, par dfinition, tant mouvement

    de classe celui-ci se dfinit dans le mouvement densemble de la reproduction capitaliste,cest en cela que la lutte de classe est thoricienne. Cela peut tre quelque chose de trs trivial.

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    Un des auteurs de cette revue sest trouv amen, parce quon le lui avait demand, rdigerun texte de revendications du personnel dentretien du collge o il travaille. Il sacquitte desa tche dans les terme qui lui avaient t prescrits, cest--dire en montrant que la grillepersonnels / horaires / nombre dlves ntait plus respecte. Rendant sa copie, il se fait,pauvre garon, gentiment prendre partie sur le thme : mais cette grille, cest eux qui lont

    faite . Cest a la dsobjectivation. Dans ce cycle de luttes, la structuration de lacontradiction entre les classes fait que rien ne va plus de soi. Naturellement, la ngociationsest faite sur la grille existante. Mais cette simple remarque, qui a entran des discussions etdes clivages, allait plus loin que la seule volont de changer la grille.

    La dsobjectivation nest pas la comprhension diffrente dun phnomne donn, cenest pas une rvolution copernicienne, elle est la transformation de son objet qui auparavantexiste, trs rellement, comme objectivit et conomie. Elle se fait dans la lutte contrelexploitation et forcment comme rupture dans la classe, parce que cest elle qui devient uneextriorit lintrieur de la lutte de classe. Cette rupture en est une dtermination essentielle.Il ne sagit jamais de promouvoir le programme juste, la revendication inintgrable, mais deconsidrer les simples revendications immdiates .Les tentatives dlargissement et de

    radicalisation ou, plus manipulateur, de construction dun dbouch politique , sonttoujours la mise en forme, politiquement correcte, de la mort du mouvement. Se fonder sur lesrevendications immdiates signifie noncer ce que la revendication pose comme contradictiondu proltariat au capital, simple dfense de la condition proltarienne et, dans ce cycle,contradiction sa propre appartenance de classe.

    Cest comme activits que le courant protiforme pour la communisation existe. Laraison dtre et laffirmation dfinitoire de ce courant, le communisme sera produitimmdiatement contre le capital, signifie le refus de toute tactique et de toute stratgie. Cestbien parce que le courant communisateur affirme que toutes les mesures communistes serontleur propres buts et n'auront comme avenir que leur rapide extension universelle ou leurcrasement, que ce courant ne postule aucune stratgie dans les luttes actuelles, qu'il ne peutque les saisir pour elles-mmes et quil se trouve conflictuellement embarqu avec ledmocratisme radical. Laffrontement avec celui-ci devenant non par choix, mais de fait, dansle cycle de luttes actuel, le contenu essentiel de ces activits. Ce nest que dans le cours dunelutte et sur la base des enjeux de celle-ci, que nous affrontons le dmocratisme radical, et nonen le poursuivant pour le dnoncer.

    Il faut risquer de se tromper, de se contredire. Il faut accepter que nous sommes embarqus et que ce sera comme a jusqu'au grand soir o les vrais problmescommenceront et o la critique du dmocratisme radical ne risquera pas d'tre une dfensepost-mortem du programmatisme et de son alternative soi-disant radicale : la prise du pouvoirpar le proltariat ou la restructuration capitaliste. Alternative qui n'avait de radicale que la

    contre-rvolution sur laquelle elle dbouchait toujours.La multiplication des lments communisateurs ne se fait pas dans la puret, elle sefait dans cet embarquement avec le dmocratisme radical et la polmique que de nombreuxgroupes mnent contre les aspects les plus vidents de son caractre contre-rvolutionnaire.Certains, ouvertement ou de fait, tentent un rsurrection du programme, d'autres font unepropagande anti-travail lie une apologie d'un mode de vie hors du travail. C'est dans cettesituation que les positions que nous dfendons ont une grande difficult tre reconnues pource qu'elles sont : non des critiques des formes limites des luttes pour des formes et descontenus rvolutionnaires complets , mais un aspect du mouvement dans lequel cettervolution se produit avec son caractre limit et par lui. Cest--dire, fondamentalement,quaucune dynamique de ce cycle ne peut tre abstraite pour devenir sa propre rfrence et

    existence pour elle-mme (cf. le texte sur le Mouvement daction directe ).

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    Nos analyses se heurtent le plus souvent la volont de sauver des "acquis des luttes"en termes de forces et de leons, volont qui est, maintenant, non plus celle de lavant-garde , mais la volont de dj exister comme prfiguration et tension au communisme. Onpeut donc s'attendre la promotion d'un "parti du communisme" vis--vis duquel il faudratoujours rappeler que non seulement le courant communisateur ne peut tre que

    microscopique et clat, ce qui ne le condamne pas la clandestinit et renoncer avoir desmoyens (revues, rseaux, ditions, sites et pourquoi pas locaux) mais en outre quil est pris, des degrs divers, dans l'ambigut d'tre embarqu avec le dmocratisme radical dans lemouvement qui va des luttes actuelles la rvolution.

    Restons-nous dans notre superbe isolement "attentiste" comme nous dcrit ce foudrede guerre de Wajnsztein ("No-luddisme..." dans Courant Alternatif avril 2001) ? Malgr lescritiques que nous faisons, l'anticitoyennisme est l'apparition publique du courantcommunisateur. Peut-tre ne peut-il, actuellement, se dvelopper que de cette faon, cest--dire en se dmarquant de faon unilatrale du dmocratisme radical et plus gnralement deslimites des luttes, en autonomisant la dynamique de ce cycle. Nous sommes prsents dans cecourant, nous voulons que la polmique sur la rvolution se dveloppe, non pour elle-mme,

    mais dans le cours de la lutte des classes, contre le dmocratisme radical et dans la productiondu dpassement communiste de cette socit.

    Notre critique du dmocratisme radical est une confrontation, cette confrontation estproductive pour nous et pour ceux qui, pris dans le dmocratisme radical, le critiquent d'unpoint de vue rupturiste interne et ceux qui le critiquent d'un point de vue communiste normatifexterne.

    Les camarades italiens qui publient "Comidad" ont traduit l'ditorial de TC 16 et voicile commentaire qu'ils en font.

    "L'ditorial essaie de faire une analyse pas trop prvue de la rcente guerre auxBalkans mais essaie aussi de dfinir sa propre position en prenant ses distances d'une faontrs nette par rapport au mouvement contre la globalisation (Seattle, etc..). Celui-ci et d'autresmouvement pseudo-alternatifs entrent selon TC, dans ce vaste procd de canalisation et decontrle (souligns par nous) des luttes anticapitalistes qu'ils appellent dmocratisme radical".

    On voit la difficult qu'il y a exposer nos analyses que nous situons au-del duprogramme, mais qui semblent en mme temps dnoncer, dans le dmocratisme radical, unrenoncement ce mme programme. Le dmocratisme radical ne canalise, ni ne contrle lesluttes de classe, d'une faon gnrale les luttes de classe ne sont jamais canalises nicontrles ; cette conception retombe dans la problmatique des conditions objectives etsubjectives, les luttes sont exactement ce qu'elles paraissent tre et si la contradiction du

    proltariat au capital porte son dpassement communiste c'est dans le mouvement mme deson dveloppement comme accumulation du capital.Dire la fois que le dmocratisme radical est contre rvolutionnaire et qu'il existe sur

    les limites inhrentes ces luttes ne veut pas dire que les luttes sont contre rvolutionnairesmais qu'elles sont bel et bien limites et non-rvolutionnaires. Si le dmocratisme radical seconstitue sur ces limites, il n'est pas plus, mais pas moins, contre-rvolutionnaire que ne le futle mouvement ouvrier durant la grande priode programmatique. Il est infiniment plusinstable et fragile. Il est fragile en ce qu'il ne reprsente en rien une identit ouvrire intgrantle dveloppement mme du capital comme ouvrant son dpassement, son caractre contre-rvolutionnaire est purement son propre vanouissement dans la reconnaissance que le capitalne peut tre que le capital. Il ny a plus de dpassement dans la libration dun lment de ce

    mode de production : celle du travail dbouchant sur le socialisme. Le dmocratisme radical

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    n'est pas un mouvement pseudo-alternatif, il est le seul mouvement alternatif possible, parceque lalternative est impossible.

    L'alternative relle que postule cette dnonciation par Comidad d'une "pseudo-alternative" ne pourrait tre quune restauration du programmatisme. Lidologieprogrammatique a une trs grande plasticit, elle est mme la manire spontane de penser la

    rvolution. Son point limite est lautongation du proltariat, formalisation thorique desmouvements sociaux des annes 70 et de lautonomie, elle suppose un programmatismeradical reprenant de faon clectique le meilleur des luttes de classe passes, en ce que, dansce meilleur, ce qui aurait t prsent cest laffirmation, dans le proltariat, de son humanitcontre sa situation de classe. Ce rappel nest pas destin imputer Comidad une tellethorie, mais permet de rappeler que le programmatisme peut lui aussi parler decommunisation.

    Dans la suite de leur prsentation, les auteurs de Comidad disent des rdacteurs de TCqu' "ils prcisent qu'il existe une aire de rfrence oriente vers une faon de concevoir lapratique communiste qu'ils essayent de dfinir avec le terme de communisation ". Au risquede faire un procs d'intention, il semble permis de penser que la communisation, dont on parle

    ici, est saisie comme la vritable alternative. Or, pour nous, la communisation nest ni unealternative au dmocratisme radical, ni mme au capital, elle est la rvolution qui se fera.Toute alternative postule deux possibilits, elle prsuppose donc une situation de dpartcommune ces deux possibles, commune deux possibles cette situation nest alors quunensemble de conditions. Soumises deux utilisations, ces conditions ne peuvent tre que desconditions objectives, comme telles, le proltariat peut les utiliser, mais le capital aussi, dansce cas on connat la suite.

    Lactivisme ou mouvement daction directe est la tentation pratique de rtablir unevritable alternative Rvolution / Contre-Rvolution, face la fausse alternative dmocrateradicale entre capital et capital humanis.

    Cette question de l'alternative a fait (objectivement) se confronter les points de vues dequelques uns de ceux qui prparent la cration des ditions Senonevero. Cette discussiontourne (subjectivement) autour du thme de l'inluctabilit de la rvolution (voir, l'intrieurdu numro, trois textes sur ce dbat). Lorsque lon dit, propos de mouvementsrvolutionnaires antrieurs, que les conditions de la rvolution n'taient pas runies", ce n'estpas faux mais c'est une tautologie. Un mouvement rvolutionnaire est toujours celui de sesconditions, les conditions non-runies sont dj la dfinition du contenu de ce mouvement, moins de concevoir la rvolution comme une Ide et que cette Ide nait pas dhistoire. Tantque la rvolution se prsente dans une problmatique des conditions, celles-ci ne peuvent

    jamais tre runies. Cette problmatique pose l'alternative entre deux modalits de productiondes conditions du communisme: l'affirmation du travail (la priode de transition) ou la

    restructuration capitaliste "simple". Cette situation voyait le proltariat mettre le capital enposition de l'craser. La mauvaise branche de l'alternative tait la seule possible, mme pourraliser ces fameuses conditions qui taient et ne pouvaient tre que le dveloppement ducapital.

    La rvolution ne saisira pas une branche quelconque d'une alternative car elle ne posepas la question de l'conomie et ne tente pas de faire une conomie socialiste, elle dtruitlconomie et se gnralise comme communaut d'individus directement sociaux. Lecommunisme se produit comme le but d'une lutte dont il est le moyen. Le dilemme entreinluctabilit et non-inluctabilit ne peut que renvoyer une problmatique des conditionsqui spare la lutte de classe comme moyen et le communisme comme but, alors quil en est lecontenu.

    Le communisme ne peut se dvelopper l'intrieur du mode de production capitaliste,c'est cette impossibilit mme qui lui faisait inclure le dveloppement des forces productives

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    (rifications des rapports de production capitaliste) dans son programme de transition aucommunisme. L'arc historique du capital se serait achev dans une phase infrieure ducommunisme. Ctait, de fait, l'crasement de la rvolution. Actuellement la nouvellealternative entre le dmocratisme radical et le communisme a pour elle le mensonge desvidences, elle parat vraie face l'alternative manifestement fausse du dmocratisme radical,

    mais alors elle na plus que la dnonciation comme rapport la ralit.

    Toute la thorie rvolutionnaire tient dans lunit de trois termes : proltariat,rvolution, communisme. Parler de lun dentre eux, sans le relier indissolublement aux deuxautres, fait partie du discours idologique dominant et de la justification de ltat de chosesprsent. Maintenant, chacun de ces termes revient, isolment, comme la propre justificationdu dmocratisme radical. La classe ouvrire, ou le proltariat, cest devenu une vidence,mais le communisme lui-mme revient lordre du jour. Ce communisme qui revient cest ledmocratisme radical, tout simplement. Voici comment Lucien Sve, penseur minent du PC,publiant dans le Monde du 19/ 04/ 01 un article intitul Mort et transfiguration ducommunisme expose le programme dmocrate radical au complet sous le nom de

    communisme."Coucou monstrueux, la finance capitaliste jette par dessus bord nos valeurs concrtes

    d'humanit pour nicher leur place la seule valeur qu'elle connaisse : celle de l'argent,abstraite, rapace, mortifre, absurde. Des gens de tout bord s'en alarment. Surgit ce dilemmeterriblement pressant : dpassement du capitalisme ou dshumanisation peut-tre irrmdiabledu genre humain"

    Ici est pose l'opposition de fond Capital / Humanit. Nulle part dans l'article il n'estquestion de travailleurs, d'exploitation, mme pas de salaris! on a une description strictementa-classiste, on comprend que des gens de tout bord sont convis se reconnatre dans l'appel.

    "La productivit qui rend pour la premire fois pensable le bien-tre de tous (condition que les travailleurs continuent de travailler dans les mmes conditions, note de TC)(...) permet d'avancer vers une appropriation et une matrise vraiment collective des avoirs etpouvoirs humains, une plantarisation des chances comme des risques normes qui en appelle un vrai internationalisme. (...) Mais qu'est-ce donc que tout cela sinon du communisme, dutrs possible communisme? (...) en finir avec le plus terrible archasme, la subordination desaffaires immenses de l'humanit aux intrts borns d'une mince couche sociale.(...) Lecommunisme c'est la dmocratie pousse jusqu'au bout. (...) N'ayant encore jamais servi, lavise communiste en ce sens fort, est aux antipodes de la recette prtablie. Pour donner vie cette refondation du projet communisme, les communistes ne me semble pas les plus malplacs... (comme tout lheure, les anarchistes aux municipales).

    Sve tire toutes les consquences de son opposition de dpart : l'immense majorit

    tant subordonne, pas exploite, une mince couche il faut donc pousser la dmocratie aubout et on aura le communisme. Ce communisme est permis par la productivit, c'est l qu'onretrouve la trace du programmatisme disparu : les conditions tant runies plus besoin de ladictature du proltariat d'ailleurs, le proltariat on n'en parle plus.

    On pourrait logiquement penser que, face ce manifeste dmocrate radical clair et trscomplet, le texte "Des organismes gntiquement modifis et du citoyen - Notes sur ladmence technologique moderne et la mystification citoyenne" serait profondment diffrent.Absolument pas. Il est au contraire tout fait semblable, bien que Sve n'utilise jamais leterme citoyen, sur lequel se concentre la critique de "Des OGM..."

    "Le citoyen apparat aujourd'hui comme la figure la plus mystifiante de l'impuissancepolitique rgnante". Attaquant le citoyen comme mystification, c'est--dire fondamentalement

    comme reprsentation fausse, elle pose la libration d'un individu qui serait dissimuldessous. La critique est donc logiquement une dnonciation, il faut crier que le roi est nu" :

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    Le citoyen vote et croit faire des choix politiques. On est arriv le persuader que dans unEtat de droit tout est amliorable avec un peu de bonne volont". Il faut donc le dtromper.L'individu dont on appelle la libration du mensonge est l'individu actuel.

    La perspective que "Des OGM..." ouvre est exactement la mme que celle de Sve :"En fait la liquidation de l'impuissance politique dans laquelle chacun est tenu demeure lie

    celle, beaucoup plus vaste, du systme institutionnalis par l'Etat et la logique marchandedepuis deux sicles. Elle aura une chance de dbuter quand les individus rejetant la passivitorganise et reconnaissant leurs forces individuelles comme forces sociales rinventerontl'espace public o pourront se tenir des dbats excutoires concernant tous les aspects del'existence . Tout est dit, ces individus n'ont qu' reconnatre que leurs forces sont sociales,c'est--dire qu'ils n'ont strictement pas se crer comme individus sociaux puisqu'ils le sontdj et n'ont qu' rinventer un espace public dont on dit qu'il n'existe plus depuis deuxsicles. Qui dit espace public, dit Etat et politique, ce qui est ouvertement revendiqu. Pourqu'il n'y ait plus de doute le texte conclut : "Dans ce cadre, l'oppos d'une fantasmagoriquefin de l'histoire, les possibilits offertes aux ides et aux principes de se combattrevisiblement, toujours dans la perspective d'appuyer des choix authentiquement dcisionnels,

    constitueront les bases de l'expression d'une dmocratie entire et universelle, par laquellel'ensemble des hommes pourront enfin crer leur propre histoire". Si ce nest pas du"citoyennisme" on n'y comprend plus rien. Ici, le dmocratisme radical se critique lui mmetrs partiellement sous le nom de citoyennisme.

    Ce qui est la base des textes de Sve et "Des OGM..." c'est tout simplement qu'il n'ya pas de proltariat. A aucun moment il n'est question de luttes des classes, le capitalisme atout simplement dpass sa contradiction qu'est l'exploitation, il ne reste que la pollution et lesindividus. Il n'est pas question d'abolition du capital, d'abolition de la valeur, de l'Etat(l'espace public), il n'est question que de dmocratie et de politique. Passe pour Sve, maispour les critiques du citoyennisme on est un peu surpris, au tout premier abord. En fait, ledmocratisme radical "officiel" et "l'anticitoyennisme minimal de base" s'adressent la mmefigure sociale : l'individu. Qu'il soit pos comme citoyen ou pas n'est qu'une nuance, lecitoyen n'aurait qu' mettre en oeuvre sa capacit politique, l'individu doit tout de mmedpasser ce niveau pour se rvler, mais cest justement en cela quil est en lui-mme djrvolutionnaire. Il est la petite brique de base, objet socialement, conomiquement etpolitiquement neutre (et mme dj au del de lexistence des classes) que lon peut relier dediffrentes faons aux autres petites briques. La rvolution devient une sorte de puzzle danslequel on aurait la possibilit dassembler les mmes pices pour former deux imagesdiffrentes. L'individu doit seulement abattre une mystification, le citoyen aussi puisqu'il doittablir la dmocratie participative contre la reprsentative. Ces deux faces de la mdailleantiproltarienne communient dans la dmocratie. Or, la question nest pas de savoir

    comment le politique ou la dmocratie relie des individus, mais de comprendre pourquoi lelien des individus particuliers, dfinis dans un mode de production dtermin, prend la formede la politique en gnral et de la dmocratie en particulier. Le proltariat ne doit pasrenverser une mystification, il doit se nier en communisant les rapports c'est finalement plusfacile qu'une dmystification et c'est d'ailleurs la seule dmystification possible.

    Du dbat sur linluctabilit du communisme la critique de la dnonciation dudmocratisme radical, ce qui importe cest llimination de tous les faux-fuyants que produitla spcificit de la situation actuelle (la contradiction entre les classes est identique leurproduction et leur existence). Tant que, dans la situation actuelle, on cherchera des faux-fuyants (normes de rfrence et dnonciations) cela signifie que lon ny a pas reconnu la fin

    du programmatisme et son dpassement. Dans ce cycle, les limites des luttes leur sonttellement intrinsques quelles apparaissent non pas comme une force ennemie bien palpable

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    et existant pour elle-mme (ce quelles sont), mais comme une enveloppe dchirer, unemystification. Cest la dnonciation et la norme qui se trouvent ainsi confirmes.

    Quil ny ait plus didentit ouvrire promouvoir, dalternatives dvelopper,dindividu librer, dactivit ou dhomme reconnatre dans lalination, amnent nepouvoir se concentrer que sur une seule chose qui limine tous les faux fuyants : la

    contradiction entre le proltariat et la classe capitaliste o chacun de ces lments a un rapportintrieur lautre qui le reproduit, lexclut et le nie.Il sagit daller au cur de ce quest une contradiction, cest--dire la contradiction

    entre le proltariat et le capital, de dtruire toutes les oppositions qui maintiennentlindpendance de leurs termes. Si cette question sera, pour elle-mme, le sujet central duprochain numro de Thorie Communiste , il est dj bien vident que la critique dudmocratisme radical qui en reste la dnonciation ne sait pas ce quest une contradiction,tout comme quand on parle de linluctabilit ou de la possibilit du communisme sansreconnatre que la question nest pas celle dun aboutissement mais celle, prsente, de cequest la lutte des classes, qui est, parce que contradiction, le mouvement de son dpassement.Lorsque lon traite de la critique du travail , de la critique de lhomme , cest de la

    contradiction entre le proltariat et le capital dont on parle et de rien dautre. Lorsque lacritique du dmocratisme radical en reste la dnonciation, lorsque la critique du mode deproduction capitaliste se dfinit comme critique du travail, lorsque lon oppose au capital,lhomme, lactivit humaine ou lindividu, cest toujours ce quest une contradiction que lona aboli.

    La critique du dmocratisme radical ne nous intresse pas pour elle-mme, nousnavons rien dnoncer, ni rien promouvoir. Ce qui nous intresse et nous importe dans ledmocratisme radical, cest pourquoi il existe et la ncessit de laffronter, mais ce pourquoi est identique la dynamique mme de ce cycle de luttes et laffrontement a lieu, dans cettedynamique, comme enjeu de luttes particulires.

    Annexe 1 :Paysage simplifi des organisations dmocrates radicales (en France)

    * Interface avec lEtat : les Verts - le P.C.- La Gauche Socialiste - le MDC (dernirement)

    * Interface avec ces partis : Attac - les Amis du Monde Diplomatique - La FondationCopernic

    * Organisations syndicales trs officielles: F.S.U.- CGT

    * Syndicats officiels critiques : SUD-(G10) - Confdration Paysanne.* Les organisations para syndicales et de luttes : A.C.! - DAL - Ras Le Front - SOSRacisme (en perte de fond de commerce).

    * Les principales organisations politiques de Gauche de Gauche , fluctuant entre le soutiencritique et "l'opposition constructive" au gouvernement : LCR - LO. (la Lcr en particulier est l'articulation entre les syndicats critiques et les associations d'une part et le PC en tant queparti-interface de l'autre).

    * Le courant libertaire officiel : FA - CNT-F.- AL - SCALP - OCL ( la marge).

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    Le courant libertaire officiel cherche aussi s'unifier pour "peser" sur le dmocratismeradical, la CGT Espagnole est la pointe de cette volution relaye en France par AL (alliede longue date la LCR en particulier au sein de Sud).

    * Le courant rupturiste : On trouve dans ce courant des groupes anars locaux et l'OCL qui

    est aussi la marge du courant libertaire officiel. La CNT-AIT aussi fait plutt partie durupturisme, son lien avec la CNT espagnole la rive une conception programmatique qui lafois la protge de drives aclassistes et "politiciennes" et l'empche de saisir la ralit de larestructuration qui a mis fin au "vieux mouvement ouvrier " comme disent en gnral etminimalement les anticitoyennistes (la CNT-AIT compte des anticitoyennistes qui n'hsitentpas placer sans illusion leur propre groupe dans le dmocratisme radical). Le courantrupturiste est aux marges du dmocratisme radical. Les anticitoyennistes divergent sur sacaractrisation, le placer en-dehors du dmocratisme radical semble signifier qu'on seconsidre soi-mme comme rupturiste ou plutt que la rupture est possible, qu'on peut faire sedpasser les luttes actuelles.

    - Face cet ensemble dmocrate radical un courant "anti-citoyenniste "est donc entrain de se constituer. Microscopiques ses composantes sont trs peu cernables, il ne comporteaucune organisation, ce sont quelques revues, des individus, des rseaux constitus dans lesluttes, en particulier celles des chmeurs et des sans papiers.

    Les groupes comme RI et les Bordiguistes sont bien sr opposs au dmocratismeradical, mais sans le comprendre. Le passe-partout de la contre-rvolution dominante suffit lexplication, mais le mouvement anti-citoyenniste ne correspondant pas leur exgseprogrammatique, ils ne semblent pas pouvoir s'investir aux cts de "modernistes" et de"petits bourgeois anarchisants" qui leur rendent la politesse en les traitant avec raison desectaires sclross.

    Annexe 2 : Petit rglement de comptes

    Nous avons dit dans l'ditorial de TC 16 qu'un courant "communisateur" est enformation qu'au travers de divergences trs importantes un courant posant la rvolutioncomme communisation immdiate existe et que cette dfinition de la rvolution estessentielle.

    Or, il se trouve qu'un auteur diffuse ses ouvrages dans ce milieu et ses abords : Tom

    Thomas. La connaissance que T.T. a de Marx lui permet de faire des livres qui ont un intrt,tel son livre sur la capital financier (L'hgmonie du capital financier et sa critique) qui remetles analyses d'ATTAC leur place et montre leur inanit. Cependant ces critiques restenttotalement formelles en ce qu'il ne comprend radicalement pas le pourquoi du dmocratismeradical et se limite une dnonciation strictement au nom d'une orthodoxie extrieure cequ'elle dnonce (souvent trs justement). Ne comprenant pas pourquoi existe ce qu'il dnonce,il ne peut le relier une situation actuelle de la lutte de classe. Il n'y aurait rien de nouveausous le soleil, hors mis l'approfondissement linaire et quantitatif de ce qui a toujours exist(l'inessentialisation du travail, la fictivation du capital). Son attitude purement dnonciatrice et"exgtique" ne peut se fonder que sur le refus de toute histoire rellement productrice (et noncomme accomplissement) car il n'explique pas , partir de maintenant, ce qu'il critique. La

    dnonciation demeure dnonciation et se conforte dans ce refus de lhistoricisation de lacontradiction entre le proltariat et le capital qui prcisment explique le dmocratisme

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    radical, en mme temps qu'elle dfinit la rvolution comme communisation. Tom Thomasexprime la forme accomplie de la critique du dmocratisme radical comme dnonciation. Il asupprim les trous du raisonnement, qui apparaissent dans un texte comme Limpassecitoyenniste , parce qu'il ne raisonne pas, il compare.

    Tom Thomas montre par l'absurde qu'une critique du dmocratisme radical comme

    dnonciation nie la communisation : "C'est sous le prtexte de vouloir immdiatement larvolution totalement victorieuse et conforme au rve d'un communisme thoriquement pur,qui a le seul avantage de parer son auteur d'une image de fermet radicale, dclarer en faittoute rvolution impossible ou dtestable. Dtestables, c'est la critique que les "ultra-gauches"ont adress de tous temps toutes les rvolutions passes. Ils ont tax Marx (qui devintprogressivement un partisan de plus en plus convaincu de la transition comme dictature duproltariat) d'tre contre-rvolutionnaire en dfendant la ncessite d'une transition, parcequ'une telle phase ne pouvait tre selon eux qu'une continuation du capitalisme.... ( TomThomas, Karl Marx et la transition au communisme p. 162).

    Le livre est une dfense acharne de la ncessit dune priode de transition durantlaquelle perdure la lutte des classes, le proltariat a fait la rvolution politique mais le capital

    nest pas totalement chass des rapports sociaux, un moment la Rvolution culturellechinoise devient mme lexemple de ce type de luttes. Il est vident que les textes de Marxsur lesquels sappuyer ne manquent pas. Malgr une haine non masque pour les utopisteUltra-gauche qui veulent le communisme tout de suite, le seul intrt rside dans la gne quiapparat trs souvent reprendre, telles quelles, les mesures transitoires nonces par Marx, lemeilleur exemple cest quand Thomas sattaque la question des bons de travail et est obligde faire rfrence la critique contre Gray dans le Capital. Ces mesures transitoires selimitent chez Thomas une tude de texte, elles ne sont jamais comprises dans le contextepolitique de la lutte des classes du moment, celle-ci de toute faon est intangible pour cetexgte hargneux. De faon gnrale, lhistoire du mode de production capitaliste estinexistante (quelques volutions techniques) et surtout aucune rflexion sur la contradictionentre le proltariat et le capital (structuration et contenu). A poser la question seulement auniveau des conditions objectives runies ou non pour le communisme, il est vident quellesne le sont jamais, sinon, dans cette mme problmatique, il ny aurait dj plus de capital.

    Mais outre les conditions objectives, il y a les conditions subjectives qui compltent lepourquoi de cette transition : Bref toute rvolution trouvera non pas des individus socialisssous "l'enveloppe" de la proprit financire, tout prts s'associer harmonieusement mais desindividus encore profondment spars dans leur divers rapports concrets aux conditions detravail et la rpartitions des produits qui en dcoulent (p. 163). Loin d'tre "trouvs" par larvolution, est-ce que par hasard ces individus n'auraient pas "fait" la rvolution.Lincomprhension de la rvolution qui n'est vue que comme rvolution politique comme

    prise du pouvoir est radicale. Le concept essentiel de la transition comme dictature duproltariat a d'vidence sous-estim l'importance et la complexit que les rvolutionsultrieures en Russie et Chine ont mise en lumire (...) Toute la question est de savoirpourquoi, sous l'effet de quelles forces, intrieures et extrieures, la "voie bourgeoise" l'afinalement emport sur "la voie proltarienne" dans la phase de transition qu'elles avaientglorieusement entames". (p. 180 - 182). Cela parait aberrant mais il y a encore des maostes !

    L o Tom Thomas pousse, c'est quand il tente de faire faire sa publicit par ceux qu'ilinsulte tout en cherchant les rouler. Nous avons reu de sa part le courrier suivant : "Suffit-ilde la volont et de la force d'une rvolution politique abattant l'Etat bourgeois et dcrtant lacollectivisation de la proprit, ou y a t-il des conditions objectives et subjectives runirpour socialiser les rapports sociaux et qu'une rvolution politique ne suffit pas runir, pour y

    parvenir ?... Je souhaite, bien sr, que vous en fassiez paratre un aperu, ou mieux, uncommentaire critique, dans un de vos prochains numros . Voil qui est fait, on ne donnera

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    pas les coordonnes (qu'on trouve dans la presse libertaire jusqu' prsent bonne fille) de cepetit timonier parisien qui nous guidera sur la voie proltarienne. Heureusement pour lui, larvolution ne sera pas prise du pouvoir, il risquerait de se retrouver, vite fait, au Lao Ga, cogiter sur ce qui n'a pas tourn rond cette glorieuse fois encore

    Le dmocratisme radical

    Ce texte est notre contribution un projet de brochure devant runir diversesapproches critiques du dmocratisme radical et / ou du citoyennisme. Ce projet (abandonndepuis par ses initiateurs) avait pris corps lors dune srie de runion dont un des objectifstait la prsence aux manifestations contre la mondialisation et le capitalisme devantaccompagner le sommet de la Banque Mondiale en juin 2001 Barcelone. Bien que noussoyons contre cette prsence, nous avons particip une de ces runions dans la mesure o lesdivers aspects du projet ntait pas lis. Nous avons fait, de cette runion, le compte rendu quisuit ce texte.

    Les thmes du dmocratisme radicalLe dmocratisme radical dfend l'action citoyenne, la dmocratie directe ou

    participative, la matrise de nos conditions d'existence, dfend l'Etat, Etat social et Etat-nationpour certains, simplement "rgulateur" pour d'autres. Il lutte contre le primat et la sauvagerie de l'conomie, la mondialisation librale, la suprmatie de la finance. Il regrettel'poque o le capitalisme tait si beau sous le keynsianisme et le service public. Enfin ilveut construire une alternative au capitalisme quil appelle "libralisme" ou "mondialisation".Il veut un capitalisme "rel", avec des usines o se rencontrent de vrais travailleurs et de vraisinvestisseurs si conscients de leur responsabilit sociale que l'on ne pourrait plus les appeler"capitalistes". Il rve d'entrepreneurs-citoyens dans des entreprises-citoyennes exaltant lelabeur de travailleurs-citoyens sous la tutelle bienveillante et protectrice de l'Etatdmocratique-participatif rgulant la distribution quitable de la plus-value citoyenne. Ilfrquente les couloirs des ministres et les cours des squats. Il propose son expertise auxgrandes organisations internationales et anime les campings anarchistes. Une seule chosel'effraie, que le proltariat abolisse l'Etat, la dmocratie, le capitalisme (productif) donc se nie,car il aime le travailleur en tant que travailleur et la plus-value en tant que surtravail. Il aimel'exploitation car il aime tant la lutte des classes qu'il voudrait qu'elle ne prenne jamais fin,c'est sa raison d'tre, c'est le mouvement perptuel de l'alternative et de la critique sociale. Ilmomifie la classe ouvrire en communaut ouvrire folklorise, et renvoye par l-mme un pass rvolu. Ce folklore rattache le dmocratisme radical une histoire sociale et

    proclame que le bonheur est dans lexistence de la classe ouvrire lintrieur du capital, etcela mme dans linterminable lutte quelle mne contre lui, et justement dans le caractreinterminable de cette lutte. Il ne serait que pathtique et ridicule s'il n'tait en ralit unlment efficace, incontournable, ancr dans le nouveau cycle de luttes du proltariat contre lecapital comme la formalisation de toutes ses limites et n'anticipait pas la prochaine contre-rvolution qui sera son achvement, sa ralisation et sa propre disparition (limination).

    En France, son extension va de la gauche socialiste certains groupes anarchistes,en passant par le P.C.F, S.U.D, les oppositionnels de la C.F.D.T, la F.S.U, la Ligue, toutessortes de petites gauches alternatives, les Verts, la C.N.T (Vignoles) en voiedofficialisation, la "Confdration paysanne" et de nombreuses associations comme ATTAC,"Droits devant", etc, et de plus en plus la CGT. Ses organes officiels sont Le Monde

    Diplomatique, Charlie hebdo, "Marianne", voire Tlrama et, de plus en plus souvent,LHumanit. Il a ses hros : le sous-commandant Marcos, Jos Bov, et maintenant Chavez

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    ; son gourou thorique : Pierre Bourdieu. Il a ses lieux de mmoire: Seattle, Millau, PortoAlegre, la fort Lacandona. Il n'est pas une spcialit franaise mais un mouvement mondial.

    Actualit et ralit du dmocratisme radicalMais une critique simpliste et parfois moralisatrice, opposant la vrit l'erreur, ne

    voit dans tous les thmes numrs que des idologies trompeuses et conforte ses auteursdans leur radicalisme satisfait et impuissant. Il ne s'agit pas d'interprter le dmocratismeradical comme une erreur, il est une force sociale relle, spcifique au cycle de luttes actuel etau mode de production capitaliste tel qu'il est maintenant restructur. La dnonciation n'estqu'une vaine congratulation des "radicaux" entre eux.

    Il est absolument actuel. Aprs la restructuration du mode de production capitaliste, autravers de sa longue phase de crise, lextraction de plus-value relative est devenue un procsde reproduction du face face du capital et du travail qui lui est adquat en ce quil necomporte aucun lment, aucun point de cristallisation, aucune fixation qui puisse tre uneentrave sa fluidit ncessaire et au bouleversement constant quelle ncessite. Contre lecycle de luttes antrieur, la restructuration a aboli toute spcification, statuts, welfare,

    compromis fordien, division du cycle mondial en aires nationales daccumulation, enrapports fixes entre centre et priphrie, en zones daccumulation interne (Est / Ouest).L'extraction de plus-value sous son mode relatif se doit de bouleverser constamment etd'abolir toute entrave en ce qui concerne le procs de production immdiat, la reproduction dela force de travail, le rapport des capitaux entre eux.

    Il nexiste pas de restructuration du mode de production capitaliste sans dfaiteouvrire. Cette dfaite cest celle de lidentit ouvrire, des partis communistes, dusyndicalisme, de lautogestion, de lauto organisation. Cest tout un cycle de luttes qui a tdfait dans les annes 70 et au dbut des annes 80, la restructuration est essentiellementcontre-rvolution.

    Son rsultat essentiel, depuis le dbut des annes 80, est la disparition de toute identitouvrire produite, reproduite et confirme l'intrieur du mode de production capitaliste. Leproltariat ne peut plus produire un mouvement ouvrier organis, de mme ampleur et demme nature que durant la priode qui va jusqu' la fin des annes 60 / dbut des annes 70,o la rvolution pouvait encore se prsenter comme son affirmation. Contrairement auprogramme de monte en puissance et daffirmation du proltariat tel quil fut dominant

    jusque dans les annes 60, le dmocratisme radical ne pose pas le dveloppement du capitalcomme sa mdiation ncessaire ; il est lui-mme la mdiation, il se veut lui-mme en actes leprogramme minimum et maximum, il est le but et le moyen. Il se conoit comme lacontradiction qui se dveloppe et qui dvore la socit capitaliste et son Etat.Organisationnellement il ne peut tre que beaucoup plus rduit et clat que "l'ancien

    mouvement ouvrier". Il comporte une myriade de groupes et de courants qui tous prnent laconstruction lintrieur du mode de production capitaliste dune alternative.Quand le rapport contradictoire entre le proltariat et le capital ne se dfinit plus que

    dans la fluidit de la reproduction capitaliste, le proltariat ne peut sopposer au capital quenremettant en cause le mouvement dans lequel il est lui-mme reproduit comme classe. Leproltariat en contradiction avec le capital est, dans la dynamique de la lutte de classe, encontradiction avec sa propre existence comme classe. Cest maintenant le contenu et l'enjeude la lutte des classes. De ce mouvement densemble provient la capacit pour la lutte en tantque classe du proltariat de dpasser cette limite en posant lappartenance de classe commeune contrainte extrieure impose par le capital. Mais simultanment c'est, pour le proltariat,agir en tant que classe qui est devenu une limite de sa propre lutte en tant que classe. Cette

    limite propre au nouveau cycle de luttes est le fondement et le contenu historiquementspcifiques que le dmocratisme radical formalise, entrine, conforte et prend en charge. Il

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    formalise des pratiques, des objectifs lintrieur de la lutte de classe en gnral, et des luttesquotidiennes. Il est un des aspects des conflits qui se dveloppent lintrieur de ces luttes et,s'il n'est pas en lui-mme la prochaine contre-rvolution, celle-ci sera son achvement.

    La dfinition et lexistence de la classe dans le capital ne comporte plus un rapport elle-mme, c'est--dire la confirmation face au capital dune identit ouvrire : cest la

    caractristique et la radicalit fondamentales de ce cycle de luttes. Mais cest simultanmentsa limite, ce que le dmocratisme radical exprime, de faon unilatrale, comme mise enconformit idale du proltariat avec le capital. Le dmocratisme radical possde la forcenave des vidences : si le proltariat nexiste plus que par et dans la reproduction du capital,il faudrait que celui-ci devienne le travail sous un autre forme, se comporte en bon preaccueillant en son sein le travail. Cest quoi se ramne tout le programme du dmocratismeradical, sous toutes ses formes, des plus rformistes au plus radicales, en passant par lesyndicalisme de base et la convivialit alternative.

    Economiquement, il fait de cette dfinition de la classe dans le capital la ncessit dunprogramme de la classe se voulant, comme travail, lessence du capital.

    Politiquement, la perspective du dmocratisme radical est la communaut des citoyens

    dans lEtat, comme forme concrte, participative, de leur communaut dindividus isols. Lesrapports entre proltariat et capital qui se nouent dans le procs de production, sont amens se faire valoir socialement, de faon directe, au niveau de la socit civile, comme rapportsnon entre des classes, mais entre des individus isols. Ces individus peuvent alors seregrouper selon les forces de polarisation les plus diverses : de lassociation de chmeurs, nimporte quel lobby (A.T.D. Quart-monde ; associations antinuclaires, ou anti-T.G.V.,etc...; associations antiracistes, de quartier ; Act-Up,...). Peuvent tre, de la mme manire,investis dans la socit, tous les nouveaux lieux de dangerosit. Le proltariat, redfini dansson clatement comme classe dangereuse dans certaines de ses fractions, se trouveorganis en associations de dfense qui, en tant que telles, le confirment dans ce statut declasse dangereuse, ngociant sa reprsentation, son contrle et son statut.

    Le dmocratisme radical : limite des luttesLalternative sancre dans les luttes revendicatives en contractant en une pratique

    unique la lutte revendicative et la construction dune nouvelle socit. La construction decette nouvelle socit nest alors quune somme de solutions apportes la socit capitalistetransforme en somme de problmes rsoudre.

    Que la lutte de classe du proltariat contre le capital produise son dpassement et lasocit communiste, cest une affaire ; que ce dpassement rsulte dun dveloppementprogressif partir des catgories du capital, a en est une autre. On voudrait quexistent desvolutions rsultant de ces luttes qui, dans le cadre du salariat, soient une abolition

    progressive du salariat ; on leur propose un sens, une valeur, en tant que mouvementdabolition du salariat dans le salariat. Il sagit par exemple dans le cas de la rduction dutemps de travail de l'orienter vers une transformation positive des rapports sociaux. Leschoses sont encore plus claires en ce qui concerne lallocation universelle : Rclamer unrevenu indpendant dun travail salari permet de dvelopper lide quon peut vivre sanstravailler, et proposer une rpartition des richesses qui ne dpendrait pas dune rmunration,dun salaire, mais des besoins des personnes. On nage en pleine incohrence. Proposer parlintermdiaire dun revenu montaire le passage progressif du travail contraint lactivitbnfique lindividu et la collectivit est tout bonnement une absurdit.

    Le dmocratisme radical est quelque chose de bien rel, empiriquement constatable etefficace parce qu'il est, sur la base de la disparition de l'identit ouvrire et donc sur la base

    immdiate de l'existence de la classe dans le capital, un projet alternatif et la formalisation deslimites des luttes. Jusqu' un certain point, la lutte du proltariat se produit et se dveloppe

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    toujours dans les catgories de la reproduction et de l'auto prsupposition du capital, cest unencessit et une limite, cest l que le proltariat est contradictoire au capital, cest l que lalutte de classe produit son dpassement, mais ce dpassement nest ni une alternative ni unembryon. Ce nest donc ni par un dtournement idologique ni comme une limite extrieureque lanti-libralisme ou lanti-mondialisation peuvent formaliser le cours des luttes dans

    leurs limites.En dcembre 95, le conflit sest dvelopp sur la reproduction densemble de la forcede travail : retraites, scu, partage gnral entre salaire et profit, chmage, prcarit,flexibilit. Mais, la lutte tant demeure au niveau de la redistribution, cest cette dmarcheinacheve qui lui est revenue dessus, vue la gnralit mme du conflit, sous la figure de la"socit dmocratique des salaris" et du citoyen ; cest lui, le citoyen, que lon a vu assisautour de la table du "sommet social", sous les ors de la Rpublique.

    De mme, en 1996-1997 lors de la lutte des sans-papiers (qui se poursuit), on a vu ledmocratisme radical luvre sur les limites de la lutte. Le clandestin est le secret de lagnralisation de la prcarit et de la flexibilit, les secteurs encore "protgs" du salariat nesont pas appels disparatre, mais leur sens n'est plus en eux. Ils ne sont plus eux-mmes

    qu'un segment particulier dans la segmentation gnrale de la force de travail. Mais nayantpu gnraliser leur lutte sur cette base gnrale o ils sont lexpression actuelle du rapportglobal de la force de travail au capital, les clandestins ne sont demeurs ce secret quen tantque clandestins (en tant que particulier).

    Le troisime Collectif ( Des Papiers Pour Tous ) est n de la contradiction internede tout le mouvement des sans-papiers entre lutter contre la clandestinit comme tant unesituation gnrale de la force de travail actuellement et le faire en donnant cette gnralit lecontenu particulier de labsence juridique de papiers. Ce Collectif tenait le contenu gnral dela lutte mais avait mis de ct, ailleurs, sa forme particulire. La limite du mouvement ntaitconue que comme un amnagement personnel pour les intresss et, pour ceux que ce typedaction avait mis en mouvement, cette limite devenait une sorte de programme minimum.Si bien que le Collectif volua entre la solidarit quand il tait question du contenu gnral etle compromis et les compromissions quand il tait question de la situation particulire. Ne pasreconnatre l'intrication dans une lutte de sa dynamique et de sa limite amne toujours unefuite en avant purement idologique dans l'intervention qui s'vanouit rapidement dans sonextriorit. Il s'agissait de renforcer la vraie autonomie de la lutte , sa limite ne pouvaitvenir que de l'extrieur , ou de dnoncer les pesanteurs sur la conscience de l'idologiedominante. Sorganise alors la recherche des soutiens et la problmatique de la jonction, cest--dire de la gnralit comme addition avec son corollaire lautonomie.

    Toutes les limites peuvent alors tre synthtises par le dmocratisme radical commequestions de droit, de nouvelle citoyennet, de rsident, etc. La lutte des immigrs, depuis les

    annes 70, devient ainsi une tlologie du droit de cit. Ceci atteindra, la suite de la lutte dessans-papiers, son apothose pratique et thorique avec le mouvement ptitionnaire du dbut97 (il sagissait de ne pas avoir signaler lhbergement dun tranger). Il ne sagit plus alorsque dopposer la dmocratie lEtat.Durant lhiver 1997-1998, la lutte des chmeurs, dans ce qu'elle pouvait avoir de plusdynamique et radical, tendait dfinir le travail salari partir du chmage, ce qui poseimmdiatement la critique du premier et porte, dans sa lutte contre le capital, pour leproltariat, sa propre remise en cause. A l'inverse, dfinir le chmage l'intrieur du travailsalari, le prsenter comme un "scandale" fut l'uvre du dmocratisme radical au travers detoutes ses actions et de tous ses thmes : sa critique du capitalisme , de la finance, de lamondialisation, ses revendications keynsiennes, sa dfense du rle de l'Etat, d'un revenu

    garanti, etc.

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    Lessentiel est tout btement l : le dmocratisme radical a des solutions pour toutdans la socit actuelle. Travail, loisirs, condition fminine, formation, condition animale,circulation automobile, homosexuels, tiers-monde... ; il nest pas le mouvement qui abolit lesconditions existantes, mais qui en rsoud les problmes . Lalternative est sa formegnrale.

    Alternative et parti de lalternative Les plus radicaux fondent lalternative sur les potentialits que le capital

    dvelopperait contre lui mme , mais il ne sagit l que du dveloppement de lexploitation,cest--dire de quelque chose que le proltariat ne peut pas prendre en charge. Caducit ducapital dun ct, affirmation de la classe ouvrire semparant de ses conditions dexistencede lautre, tels sont les termes de lidologie alternativiste qui la condamnent, contrairementau rformisme classique, la proclamation de projets qui ne peuvent jamais connatre lemoindre commencement de ralisation.

    La caducit de la valeur, cest la caducit capitaliste de la valeur ; la socialisation de lasocit cest la socialisation capitaliste de la socit capitaliste. La dmarche alternative ne

    rside pas directement dans le fait de considrer que laccumulation du capital dveloppe destendances et des potentialits objectives contradictoirement lui, mais dans la faon deconsidrer ces potentialits comme des donnes utilisables par le proltariat contre lecapital et non comme le contenu mme du cours contradictoire de lexploitation et delaccumulation. Ces potentialits se dressent, par leur nature capitaliste (et non par leurusage capitaliste), contre le proltariat et ce nest quainsi, contre le proltariat, quelles seconstituent. Il ny a caducit de la valeur, du salariat, que parce quil y a exploitation et quecomme dveloppement de lexploitation, cest l le cours mme du capital commecontradiction en procs

    Lessentiel cest que, bien que lalternative en tant que construction gnrale dunecontre-socit soit rigoureusement impossible ou ne donne lieu qu des bribes drisoires, laproblmatique alternativiste se constitue en parti de lalternative. Il ne faut pas considrerce parti comme marginal et insignifiant en se focalisant sur les groupes, rseaux, etc., qui senrclament expressment. Malgr les divergences, les mtastases sont innombrables endehors mme de toute organisation, dans la conscience que de nombreuses luttes ont delles-mmes. Cest la forme la plus partage du ras lbol quand il devient vivre autrement.Lexistence, ds maintenant, de ce projet global dune contre-socit, dans laquelle leproltariat, matrisant ses conditions dexistence, nest plus le proltariat, se lgitime dans laconstruction, face au capital, de ses bases militantes : lieux de vie, rseaux, coordinationsdiverses, organisations militantes, regroupement lobbyistes de cyclistes, dhomosexuels oudanti-spcistes, syndicats de base et alternatifs. La contradiction avec le capital, parce quelle

    se situe maintenant au niveau de la reproduction des classes et quelle a pour contenu lacaducit du rapport salarial, devient programme de dsengagement, contre le capital, de lareproduction du proltariat qui par l disparat, cest lexploration dun autre avenir .

    Riches , pauvres , besoins , contrle , exclusivit , conditionspolitiques , tels sont les termes de la critique alternative du mode de productioncapitaliste dans laquelle le capital nest plus quune logique conomique impose lasocit par une volont politique. Prenons la richesse sociale accumule, changeons lavolont politique en ne la subordonnant plus la logique conomique, et le tour serait jou.Toute la question du changement de socit se ramne une question de volont politique etde choix de socit. Il ne peut plus sagir, dans la problmatique alternativiste, descontradictions lintrieur dune socit produisant, de par lactivit dune classe dfinie dans

    ces contradictions, le dpassement de cette socit. Il s'agit dune dcision, dun choix,seffectuant en alternative un autre choix de socit, celui des matres du monde . Pour se

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    fonder et lgitimer sa pratique, lalternative spare la socit et le capital (parasitaire) etconsidre le lien politique comme premier, comme la dfinition essentielle de toute socithumaine. Le capital subordonnerait ce lien la production pour la production (productivismeen langage alternatif), il faudrait lui rendre sa prminence. Cest le lien politique qui dfiniralutilit sociale du travail. Mais l, lalternative se heurte un problme de taille. Incapable

    de penser le capital en termes de rapports sociaux, cest--dire comme particularisation dunetotalit, mais seulement en termes de heurts de sujets indpendants, auto-dfinis, lacontradiction de ces rapports sociaux nen est plus une car les termes, les classes, sontsimplement face face. Il ne sagit plus que de lantagonisme (et mme un marchandage)entre deux types de contrle, entre des choix sur la production et la rpartition. Le capital,cest ce contrle effectu par quelques uns en exclusivit". Le communisme est alors luiaussi ramen une question de contrle, cette fois ci de contrle par tous. Mais surgit alorsdans la tte des planificateurs alternatifs un nouveau problme : que chacun contrle tout estimpossible. On va donc inventer le communisme local et en attendant on dfendra lesidentits locales, rgionales, nationales.

    Critique du travail / critique de lconomieIl existe, parce que ce cycle de luttes porte labolition du capital comme labolition de

    toutes les classes, une forme "limite" du dmocratisme radical et de lalternative : la critiquedu travail et de lconomie. Dans son isolement et cause de ses caractristiques mmes, lemouvement des chmeurs a vu transformer ce qu'il y avait de plus radical en lui (l'expressionde la caducit du rapport salarial) en une nature du mouvement lui-mme, une natureintrinsque ses acteurs. Ainsi la dmarche alternative et son idologie, la critique du travail,se sont fixes comme limites de cette lutte. Ce mouvement devenait en lui-mme la caducitdu rapport salarial. Cette caducit n'tait plus un rapport au capital comme chmeurs etprcaires, mais les chmeurs et prcaires en taient la ralisation immdiate personnifie ; ilstaient en eux-mmes le travail salari caduc. Cela devenait une position sociale, un mode devie.

    Dans la critique du travail, on a l'alination mais pas l'implication rciproque entre leproltariat et le capital. On en reste au niveau de l'individu et de la marchandise, de larvolution comme le proltariat se dsimpliquant. On laisse de ct que le proltariat trouve

    justement en lui-mme comme classe du travail vivant, du travail salari, la capacit produire, contre le capital, le communisme. On p