tempi fa tome 3 - extrait 2

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437 SAN PANCRAZIU 33 31

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Découvrez les extraits du Tome 3 de Tempi Fa par Pierre Jean Luccioni. Editions Albiana

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Page 1: Tempi Fa Tome 3 - Extrait 2

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E puricce

C’est une tradition qui a pratiquement disparu. On désigne sous ce terme l’offrande de lait que les bergers faisaient en l’honneur du saint. Quelques rares bergers se livrent encore à cette pratique la veille de San Pancraziu (fi g. 47).À Aregnu, les Castellani offrent encore la dernière traite avant San Pancraziu à la population. Les gens viennent le soir à l’enclos avec leurs bouteilles (fi g. 48) pour avoir

un peu de lait. La mère des bergers, Fifi na Castelli, 80 ans (fi g. 49), se déplace encore pour accomplir ce rite. C’est elle qui remplit les bouteilles de ceux qui viennent chercher ce latte di San Pancraziu.C’est une offrande pour remercier le saint qui protège le troupeau.Léon Andreani (fi g. 50) se souvient qu’« après l’école, nos parents préparaient les bouteilles. On ne prenait même pas le goûter. On partait en courant vers la chjostra pour aller chercher le lait. C’était une fête, on attendait chacun notre tour que le berger nous remplisse notre bouteille, puis on repartait en courant. Des fois, on tombait et on cassait notre bouteille. On retournait à l’enclos et le berger nous donnait une autre bouteille. Arrivé à la maison, ma mère mettait un peu de gros sel dans un bol et elle versait le lait chaud. Parfois on trempait du pain, ou bien, le soir, elle nous faisait de la bouillie de farine de châtaignes (i brìlluli) arrosée avec ce lait « sacré ».

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Carthaginoise, issue d’une famille noble, Ghjulia était devenue l’esclave d’un noble païen, nommé Eusèbe, qui l’aimait beaucoup et l’amenait partout avec lui. Lors d’une tempête, leur navire fi t naufrage au large de Nonza, dans le Cap Corse. Tous fi rent des offrandes pour remercier les dieux de les avoir sauvés, sauf Ghjulia qui refusa car elle était chrétienne.Le gouverneur Félix, qui avait voulu racheter la belle esclave, l’apprit et l’enjoignit de sacrifi er aux dieux en échange de sa liberté. Elle refusa, elle fut alors martyrisée. Elle fut fl agellée et on lui arracha les cheveux. Elle fut ensuite clouée sur une croix et jetée à la mer. Son âme s’envola sous la forme d’une colombe. La croix dériva jusqu’à l’île de la Gorgone où des moines, avertis par un songe, récupérèrent la croix et l’enterrèrent dans l’île. Au VIIIe siècle, ses reliques furent transportées dans un monastère bénédictin de Brescia.À Nonza, la version privilégiée diffère un peu. Lors de son martyr, on lui coupa les seins, là où ils furent jetés, jaillirent miraculeusement de la pierre deux sources

jumelles. Depuis, elles sont devenues le but d’un pèlerinage (fi g. 3), et les femmes qui venaient d’accoucher s’y rendaient pour avoir du lait. Elle aurait été ensuite attachée à un fi guier jusqu’à ce qu’elle meure. Une colombe s’échappa de sa bouche lorsqu’elle rendit le dernier souffl e, preuve de sa pureté et de sa sainteté.Il s’agirait, en réalité, d’une martyre carthaginoise du IIIe ou IVe siècle (fi g. 4) dont les reliques auraient été transportées en Corse par les chrétiens fuyant l’Afrique à l’arrivée des Vandales au Ve siècle. Il s’agirait de la même sainte que celle vénérée à Carthage. Quoi qu’il en soit, plusieurs églises anciennes lui sont dédiées, notamment une chapelle en ruine à Prupià, et une autre près de Purti Vechju.

Parmi les martyrs associés directement à la Corse, dominent les saintes. De nombreux symboles se réfèrent à un ensemble de croyances qui renvoient aux cultes anciens des déesses mères. Notamment la présence constante de la colombe, symbole de la pureté, mais aussi très vieil emblème des déesses de Méditerranée.

Santa Ghjulia (fi g. 1) est la seule sainte corse citée dans le martyrologe

le plus ancien, rédigé au Ve siècle, et qui situe son martyr à Nonza

(fi g. 2) dans le Cap Corse. Il existe de nombreuses versions de son

martyr qui contiennent de nombreux éléments légendaires.

SantaGhjulia

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Sa « navigation » miraculeuse est un autre des thèmes récurrents. De nombreuses légendes associent la Vierge et la Mer ; les prières (pricàntuli) le mentionnent également. On retrouve ce thème dans une des légendes de découverte de la Corse, où Corsa, bergère ligure, arriva dans l’île dans sa barque, guidée par son plus beau taureau.Les fontaines miraculeuses nées de ses seins coupés renvoient à un autre thème nettement païen, et il s’agit, ici, de toute évidence, de la christianisation d’un lieu de culte antérieur. L’association du sein et de la source miraculeuse est fréquente dans les croyances. Le lait maternel, ou l’eau qui surgit du sein de la terre mère sont fréquemment associés. Les sources sont, dans les croyances, gardées par les Fées, héritières des Déesses oubliées. La Vierge et plusieurs saintes s’y substituent souvent.Mais l’eau est ambivalente, liquide qui apporte la vie, elle est aussi le lieu de prédilection des morts avides de ces forces de vie que l’eau contient et charrie. La Déesse puis les Fées et les Saintes en sont les gardiennes, car ce sont elles qui régissent morts et naissances, qui ouvrent et ferment les Portes de la Vie.

1. Ghjulia est considérée comme l’une des patronnes de la Corse.

2. Santa Ghjulia est aussi représentée crucifi ée. Église de Chjatra.

3. Fontaine à double canon de Santa Ghjulia de Nonza. Deux sources jumelles ont jailli après son sacrifi ce.

4. Martyre carthaginoise, Santa Ghjulia a été atro-cement mutilée.

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On peut remarquer que toutes les chapelles dédiées à santa Ghjulia sont à proximité immédiate de points d’eau. Celle érigée à Prupià se dresse dans le fond d’un vallon encaissé à quelques mètres d’un ruisseau. Celle de Purti Vechju était en bordure d’un marécage. D’autres emplacements à quelques dizaines de mètres seulement auraient représenté un choix plus rationnel, démontrant ainsi que l’eau a été un critère déterminant dans le choix du lieu.

Santa Ghjulia à Nonza

Les habitants de Nonza vouent un véritable culte à santa Ghjulia (fi g. 5). Jadis, la fête religieuse rassemblait non seulement la population du village, mais aussi celle des autres villages du Cap Corse. Des pèlerins faisaient le voyage depuis Bastia à pied pour se rendre à la messe et suivre la procession.Marie Giuliani-Schneider se rappelle « qu’il y avait six prêtres, rien qu’à Nonza, entre les deux guerres. La fête était considérable. Une semaine avant, les femmes assistaient à la neuvaine et les hommes nettoyaient le sentier

qui mène à la chapelle (u caminu di Santa Ghjulia) où se trouve la source. Le jour de la cérémonie, des traculini arrivaient pour vendre leur marchandise, ils s’installaient le long de la route qui traverse le village. »

Dans les temps, explique Françoise Acquaviva, « les cloches commençaient à sonner tôt le matin. On allait à la sortie du village au lieu-dit Mandria pour attendre les habitants du village voisin d’Olmeta di Capi Corsu qui venaient en procession suivre les cérémonies.Tous ensemble on allait à la chapelle pour une messe de communion qui avait lieu à 8 heures. Puis les fi dèles remontaient au village pour assister à deux autres messes, à 9 et 10 heures, avec l’exposition des reliques. À 11 heures, il y avait la grande messe concélébrée par six à huit prêtres. »

Aujourd’hui, il n’y a plus qu’une seule messe suivie de la procession l’après-midi qui fi nissait par une granìtula devant l’église. La procession se déroule toujours l’après-midi. La statue est conservée en permanence dans l’église Santa Ghjulia du

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village (fi g. 6). Un tableau est exposé dans la chapelle.

Les enfants marchent devant en portant la croix du Christ (fi g. 7), des palmes et des petites bannières. Puis, il y a deux grandes bannières, une dédiée à Marie l’autre à santa Ghjulia, il y en avait six dans les temps, portées par des femmes (fi g. 8).

5. Le culte de santa Ghjulia est toujours très présent à Nonza.

6. La statue de santa Ghjulia est conservée dans l’église du village.

7. Les enfants ouvrent la procession.

8. Les bannières sont portées par les femmes.

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Puis, il y a les curés qui portent les reliques

(fi g. 9), les hommes qui portent la statue et

en fi n les confréries.

La procession est très pénible, les hommes

se relayaient en permanence pour porter

la statue jusqu’à la chapelle en empruntant

un sentier très pentu composé de cent

cinquante marches (fi g. 10 et 10a).

Arrivés devant la chapelle (fi g. 11), une

courte messe est célébrée et les fi dèles

remplissent des bouteilles avec l’eau de la

9. Reliques de santa Ghjulia conser-vées à Nonza.

10 et 10a. Procession de Santa Ghjulia.

11. La chapelle Santa Ghjulia abrite la fontaine.

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