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FEMMES QUAND LES FEMMES PRENNENT LA DIRECTION DES MÉDIAS COMMUNICATION SAUVEGARDER LES LANGUES LOCALES TRANSNATIONALES ENVIRONNEMENT EL NIÑO, LA RÉALITÉ DERRIÈRE LES MYSTÈRES UNESCO N° 122 - avril 2000 ÉDUCATION POUR TOUS DIX ANS APRÈS JOMTIEN

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● FEMMESQUAND LES FEMMESPRENNENT LA DIRECTION DES MÉDIAS

● COMMUNICATIONSAUVEGARDER LES LANGUES LOCALESTRANSNATIONALES

● ENVIRONNEMENT EL NIÑO, LA RÉALITÉ DERRIÈRE LES MYSTÈRES

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ÉDUCATION POUR TOUS

DIX ANSAPRÈS JOMTIEN

Tous les articles peuvent être librementreproduits. L’envoi à la rédaction d’une copiede l’article reproduit et mentionnant lasource, est demandé. Ce mensuel, destiné à l’information, n’est pas un documentofficiel de l’UNESCO. ISSN 1014 5494

SOMMAIRE

UNESCO

est le mensuel d’information del’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et laculture31 rue François-Bonvin, 75732 Paris Cedex 15, FranceTél : (33) 01 45 68 45 37 Fax : (33) 01 45 68 56 54. http://www.unesco.org/sources

Directeur de la publication : René Lefort. Rédactrice en chef: Sue Williams.Secrétaire de rédaction: Monique Perrot-Lanaud. Rédaction: Nadia Khouri-Dagher, Cristina L’Homme, Ann-Louise Martin. Version espagnole: Lluis Garcia (Barcelone), Liliana Sampedro (Paris). Mise en page, illustrations,infographie: Fiona Ryan-Jacqueron, Gisèle Traiano. Impression: Maulde & Renou. Distribution : UNESCO.

Les éditions en anglais et en français sontproduites au Siège ; l’édition en espagnolavec le Centre UNESCO de Catalogne,Mallorca 285, 08037 Barcelone, Espagne ;l’édition en chinois avec l’Agence Xinhua,57 Xuanwumen Xidajie, Beijing, Chine ;l’édition en portugais avec la Commissionnationale pour l’UNESCO, Avenida InfanteSanto N° 42 - 5°, 1300 Lisbonne Portugal.

POUR S’ABONNER : Journalistes, organisationsinternationales et nongouvernementales, associations etautres organismes travaillant dansles domaines de compétence del’UNESCO peuvent s’abonnergratuitement en écrivant à: SOURCES UNESCO, Abonnements, 31 rue François-Bonvin, 75732 Paris cedex 15 , FranceFax : (33) 01 45 68 56 54.

UNESCO

ÉDUCATION

Dix ans après JomtienÀ Dakar se tient fin avril la plus grosseconférence jamais organisée sur l’éducationdans le monde. Entre progrès, stagnation etreculs, le bilan de la décennie écoulée estmitigé..........................................................4

EN BREF : SPÉCIAL FORUM MONDIAL DE L’ÉDUCATIONPanorama des publications de l’UNESCO sur l’éducation et des instituts spécialisés.......................................................16EN BREFDes informations sur l’action de l’UNESCO à travers le monde.......................................................18

TÉMOIGNAGE

Un regard féminin sur l’actualitéL’appel lancé par l’UNESCO a été largemententendu, surtout au Sud : le 8 mars, desmilliers de femmes journalistes ont assumédes responsabilités accrues dans leur média.L’une d’elles, l’Argentine Andrea VeronicaDiaz, témoigne.......................................................20

COMMUNICATION

Parler la langue du voisinLes habitants des zones frontalières partagentsouvent langues et cultures. Le projet Periclesveut renforcer celles-ci auprès des jeunes.

......................................................21

ENVIRONNEMENT

El Niño et les secrets de l’océanUn livre explore le monde des océans et leurrôle dans le climat à travers un de leursphénomènes les plus spectaculaires, El Niño.

......................................................23

Il y a plus d’enfants à l’école,mais la qualité de l’enseignement est en question.

4

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Une nouvelle publication de l’UNESCO dit tout sur El Niño.

Le 8 mars, à la radio ghanéenne :c’est elles qui ont décidé.

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Couverture: © UNICEF/Pirozzi.

● FEMMESQUAND LES FEMMESPRENNENT LA DIRECTION DES MÉDIAS

● COMMUNICATIONSAUVEGARDER LES LANGUES LOCALESTRANSNATIONALES

● ENVIRONNEMENT EL NIÑO, LA RÉALITÉ DERRIÈRE LES MYSTÈRES

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ÉDUCATION POUR TOUS

DIX ANSAPRÈS JOMTIEN

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EDITORIAL

encore suffisamment aux besoins spé-cifiques de certains secteurs de la popu-lation, comme les femmes, les mino-rités ethniques, les paysans, les jeuneset les adultes. Il convient ensuite de redéfinir le sens,les objectifs et les contenus de l’édu-cation. Savoir lire et compter ne suf-fira pas à l’avenir, si l’on veut préser-ver la planète, faire cesser les conflits,stopper l’épidémie de sida et garantir

à tous une existencedécente et digne. Enfin,la révolution des moyensde communication et d’in-formation doit être mise àprofit pour améliorer laqualité et la diffusion del’éducation – pour tous.Par ailleurs, l’évaluationdes progrès accomplisdepuis dix ans a révélé lanécessité de disposer demeilleures données surl’éducation, pour mieuxcomprendre les diffé-rentes forces en jeu et

adapter les stratégies en conséquence.Mais par-dessus tout, le principal espoirest que les participants de Dakar com-prennent combien il est nécessaire demodifier notre conception de l’éduca-tion. Dans un monde où l’importancedu savoir ne cesse de croître, l’ap-prentissage ne peut plus correspondreà une étape de l’existence : il doit deve-nir un mode de vie.

Victor Ordóñez,

Porte-parole à la

Conférence de Dakar.

À la fin du mois, plus de180 États, divers orga-nismes spécialisés ainsique des organisations non

gouvernementales se réuniront à Dakar(Sénégal) pour juger de leurs avan-cées dans le domaine de l’Éducationpour tous.Ils verront que, si la situation s’est amé-liorée depuis la Conférence mondialesur l’Éducation pour tous de Jomtien(Thaïlande, 1990), beau-coup reste à faire. Ilss’apercevront qu’en dépitd’une louable progressiondes taux de scolarisationet d’alphabétisation etmême des acquis de l’ap-prentissage, celle-cimasque bien souvent degraves et croissantes dis-parités. Ils reconnaîtrontque la poursuite del’Éducation pour tousdemandera à l’avenir defaire face à des change-ments de société que l’onne prévoyait pas il y a dix ans, commela mondialisation, le nombre croissantdes conflits et des tensions ethniques,le sida, la dégradation de l’environne-ment, la croissance endémique de lapauvreté, l’évolution de la nature dupouvoir, et les nouvelles technologiesde la communication. Ils comprendront enfin que, pour tenirles objectifs fixés à Jomtien, il ne suf-fira pas de fournir plus d’efforts maisd’élaborer de nouvelles stratégies.Tout d’abord, l’éducation doit sortirdu cadre scolaire. Elle ne répond pas

ÉDITORIAL

LES LEÇONS D’UNE DÉCENNIE

“Le principal

espoir est que les

participants de

Dakar

comprennent

combien il est

nécessaire de

modifier notre

conception de

l’éducation.

3No 122 - avril 2000”

DES CHIFFRES QUI FONT ROUGIR

● 870 millions d’adultessont analphabètes dans lemonde. Deux tiers sont desfemmes.

● Plus de 120 millionsd’enfants ne vont pas àl’école. Plus de 60 % sontdes filles.

● Au Mozambique, unenfant peut espérer aller àl’école pendant deux outrois ans. Un enfanteuropéen ou américain, lui,peut y rester pendant dix-sept ans.

● Les dépensesd’éducation per capita enAmérique latine ont baisséde 30 % entre 1980 et 1995.En Afrique sub-saharienne,les dépenses d’éducationper capita sont tombées (endollars constants) de $ 40 en1980 à $ 25 aujourd’hui.

● On estime que l’éduca-tion primaire pour tous coû-terait 8 milliards de dollarsde plus chaque année. C’estl’équivalent de ce que l’ondépense à des fins mili-taires en quatre jours.

Au Forum mondial de l’éducation à Dakar (Sénégal), du 26 au28 avril, la communauté internationale va dresser le bilan dece qui a été fait, ou pas, depuis le premier grand sommet mon-dial sur l’éducation pour tous, à Jomtien (Thaïlande) en 1990.

La Conférence de Jomtien en 1990avait fait de l’éducation une prioritéinternationale dans l’espoir de stop-per le déclin de l’éducation de basequi s’est manifesté au cours des

années 1980. Beaucoup de gouvernementsavaient été contraints de réduire leurs bud-gets pour l’enseignement en raison du rem-boursement de la dette et d’une baisse desrecettes d’exportation. Cette conférence étaitorganisée par l’UNESCO, le PNUD, l’UNICEFet la Banque mondiale, ensuite rejoints parle FNUAP. Quelque 155 gouvernements, 33institutions intergouvernementales et 125ONG avaient adopté le principe suivant :«Toute personne – enfant, jeune ou adulte –

pourra bénéficier d’un enseignement conçu

pour répondre à ses besoins éducatifs de

base». Selon l’UNICEF, «Jomtien a marqué

l’émergence d’un consensus international

reconnaissant que l’éducation est le facteur

crucial du combat contre la pauvreté, de la

promotion des femmes, des droits de

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DIX ANSAPRÈS JOMTIEN

ÉDUCATION

l’homme et de la démocratie, de la protection

de l’environnement et du contrôle de la crois-

sance démographique».

Après Jomtien, le Forum sur l’Éducationpour tous (EPT) a été mis en place pour effec-tuer une consultation continue sur l’éducationde base à l’échelle internationale. Son secré-tariat est installé au siège de l’UNESCO. Dansla perspective de la Conférence de Dakar,l’UNESCO a joué un grand rôle en coulisse,apportant formation et assistance aux sta-tisticiens pour harmoniser leur méthodologie.Résultat : plus de 180 pays ont participé àl’évaluation de l’éducation de base la plusapprofondie jamais entreprise.

Les progrès sont indéniables. Mais si lestaux de scolarisation en primaire dans lesneuf pays les plus peuplés se sont améliorés,la qualité a souffert des efforts précipités pour«faire du nombre». «Cela signifie, estimeVictor Ordóñez, directeur du bureau del’UNESCO à Bangkok et l’un des porte-parolede la Conférence de Dakar, que l’éducation

traditionnelle ne peut espérer répondre à

tous les besoins de formation et qu’il faut

faire appel à d’autres méthodes d’appren-

tissage sur mesure, non formelles.» Les tauxélevés d’abandon et de redoublement doiventinciter à s’interroger sur le contenu des pro-grammes (voir p. 9). «Personne ne sait mieux

qu’un élève à quel point l’école est dépassée,

commente Victor Ordóñez, mais il n’y pas

assez de monde qui se pose la question.»

Si l’inégalité entre les sexes a diminué, lesprogrès dans ce domaine sont «atrocement

lents», déplore Mary Joy Pigozzi, de l’UNICEF(voir p. 11). L’alphabétisation des adultes a ététrès négligée alors même que le nombre d’illet-trés ne cesse d’augmenter (voir p. 13).

Parce que, comme toujours, les budgetssont très serrés, les gouvernements devraientinvestir beaucoup plus dans l’éveil de la petiteenfance, dont on sait maintenant quantifier lesbénéfices (voir p. 12). De plus en plus, c’estaux parents qu’il revient de financer l’éduca-tion de leurs enfants. Mais, de toutes façons,«si un système est correctement géré, on

peut faire beaucoup de choses avec relati-

vement peu de moyens», remarque Aïcha

avril 2000 - N° 122

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Éthiopie : une école privéedans le bidonville deLideta, à Addis-Abeba.

5N° 122 - avril 2000

Bah Diallo, directrice de la division de l’édu-cation de base à l’UNESCO et ancienneministre de l’Éducation en Guinée.

Pour atteindre les objectifs de Jomtien,il faudrait que beaucoup d’acteurs avancentdans la même direction. «Les pays doivent

s’occuper de l’éducation avec autant d’en-

thousiasme que de leurs équipes sportives

nationales», poursuit Aïcha Bah Diallo. Entout état de cause, le processus de l’EPT apermis une meilleure compréhension desproblèmes, dans un contexte mondial qui aconnu de grands bouleversements : en 1990,Nelson Mandela était toujours en prison,l’Union soviétique essayait encore de rete-nir les pays baltes, l’Afrique des Grands Lacset les Balkans étaient intacts. La propagationdu sida était une «épidémie» et pas encoreune «pandémie». On ne prévoyait pas lescrises financières qui allaient toucher plu-sieurs régions du monde. La mondialisationdes technologies de l’information n’en étaitqu’à ses débuts.

L’éducation a besoin d’un nouveau souffleet de la plus grande énergie pour relever lesnouveaux défis apparus depuis dix ans, car,comme le souligne Victor Ordóñez, «les

objectifs ultimes et le fait que l’éducation

est un des droits de l’homme ne souffrent

pas le moindre compromis». ●

Ann-Louise Martin

• étendre les activités de soins et d’éveil dela petite enfance, en particulier en faveurdes enfants pauvres ;• universaliser l’enseignement primaire d’icià l’an 2000 ;• améliorer l’enseignement en fixant desobjectifs précis (telle proportion de telleclasse d’âge doit atteindre tel niveau) ;• diviser par deux le taux d’analphabétismedes adultes en l’an 2000, en mettantl’accent sur l’alphabétisation des femmes ;• élargir l’éducation de base et la formationdes adolescents et des adultes ;• améliorer la diffusion des connaissanceset compétences nécessaires à uneamélioration des conditions de vie et à undéveloppement durable.

L’éducation de base, ou éducationfondamentale, englobe l’éducation de lapremière enfance et l’enseignementprimaire, l’éducation des jeunes et desadultes par l’alphabétisation oul’enseignement de savoir-faire utiles (etl’éducation secondaire dans certains pays).Elle répond aux besoins éducatifsfondamentaux nécessaires pour survivre,améliorer la qualité de la vie et poursuivrel’apprentissage.

Les six objectifs de Jomtienfixés en 1990

Mondialisation :la nouvelle donne

”“Personne ne

sait mieux

qu’un élève

à quel point

l’école est

dépassée.

Jeunes chômeurs en Russie, où la crise financière de 1998 a frappé de plein fouet les petites et moyennes entreprises. En juillet 1999, le tauxde chômage officiel était de 14,2% (Prime-Tass).

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Ces dix dernières années ont vu une extra-ordinaire accélération de la mondiali-

sation du commerce et du capital, et du déve-

loppement des technologies de la commu-nication. S’il n’était guère prévisible en 1990,ce phénomène de «mondialisation» n’en a pasmoins provoqué des bouleversementssociaux dont les répercussions sont lourdesde conséquences sur l’éducation, comme ladiminution des ressources disponibles ou ladifficulté à fixer des objectifs à long terme.

L’extrême rapidité des flux financiersinternationaux n’est pas de nature à créer unmonde bien ordonné. La finance internatio-nale a prouvé son indépendance vis-à-vis desréglementations nationales, de la producti-vité industrielle et des richesses réelles. Lerecours à de nouveaux outils financiers baséssur la spéculation à court terme et la prisede risque peut avoir des conséquences désas-treuses au plan local, comme l’a récemmentmontré la crise asiatique. Alors que demanière générale, le système internationalfavorise l’investissement à court terme etpénalise le capital à long terme, l’éducation,en tant que processus fondamental de socia-lisation, requiert une vision à long terme etun environnement stable. Au lieu de cela,elle se trouve prise dans un climat

La Déclaration deJomtien était claire :pour atteindrel’objectif del’éducation pour tous,les gouvernementsdevaient luiconsacrer une plusgrosse part du«gâteauéconomique». Maisla taille de ce«gâteau» dépend engrande partie de la

santé de l’économie.Et quand la récessionest là, les progrèspeuvent être retardésde plusieurs années.La crise financièreest-asiatique de1997-1999 l’a bienmontré. Selon unrapport de la Banquemondiale, l’Indonésiea été l’un des paysles plus touchés,avec une baisse duPIB de 14 % en 1998et une forte inflation.Les dépenses del’État en matièred’éducation ont chutéde 12 % pour l’annéescolaire 1997-1998,puis de 30 % en 1998-1999. Le taux descolarisation adécliné et le nombred’abandons aaugmenté (de 1 à 2 %selon la Banque

mondiale, plus seloncertaines ONGcomme Oxfam).Toutefois, certainsgouvernements de larégion ont réussi àrésister. Le budget dela Thaïlande pourl’éducation est restéstable, et la Malaisieest parvenue àaugmenter le sien. Le«système D» a aussifonctionné : certaines

familles sud-coréennes ont ainsiaugmenté leursdépenses éducativespour compenser enpartie les réductionsbudgétaires de l’État.Mais la volonté poli-tique ne suffit pastoujours pour empê-cher la dégradationde l’enseignementsur le terrain. SelonKevin Watkins, del’ONG britanniqueOxfam, en Afriquesubsaharienne, où lacroissance écono-mique est moinsrapide que la crois-sance démogra-phique, les dépenseséducatives par habi-tant ont chuté de20 % en valeurconstante au coursdes dix dernièresannées, alors que la

«part du gâteau» del’éducation restaitassez stable. Le paiement de ladette internationaleest un fardeau sup-plémentaire pour lespays du Sud. Toutretard dans les rem-boursements est aus-sitôt pénalisé entermes de possibilitésd’emprunt ou depaiement des

importations. Le mon-tant annuel des inté-rêts de la dette duspar les seuls 41 Payspauvres très endettés(PPTE) s’élève à envi-ron 15,7 milliards dedollars (selon l’ONGJubilee 2000). Quant aux intérêtsdus par l’ensembledes pays du tiersmonde, ils sechiffrent à descentaines demilliards de dollars.Alors que, selon uneestimation globale, ilen coûterait 8 mil-liards de dollars paran pour envoyer àl’école primaire les110 millions d’enfantsqui n’y ont jamais misles pieds.

Andrew Thompson-

Bush, BBC

6 avril 2000 - N° 122

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Jakarta, Indonésie : la crise financière a chassé quantité d’enfants desécoles en Asie, leurs parents ne pouvant plus payer.

Le poids des crises économiquesd’incertitude et de raisonnement à courtterme caractérisé par le désagréable senti-ment que «l’on ne sait pas de quoi demain

sera fait».Les multinationales multiplient les fusions

et acquisitions pour accroître leur puissance.Quel que soit le pays, l’activité de conglo-mérats industriels étrangers affecte la com-pétitivité des producteurs locaux. Il s’agit,selon les termes de l’économiste canadienKimon Valaskakis, d’«une société où le

gagnant rafle tout», ce qui «aggrave les

inégalités et récompense le monde des

affaires d’un énorme gros lot en ne laissant

quasiment rien aux perdants». Cela ajouteencore à la fragmentation des ressources.

Dans le même temps, nous assistons à undéplacement du capital et de la productionvers une main-d’œuvre toujours plus quali-fiée, ce qui renforce la nécessité d’un ensei-gnement de qualité et de budgets appropriés.La volatilité des marchés exige des popula-tions qu’elles s’adaptent au changement. Cephénomène s’accompagne de migrationssans précédent, qui s’expliquent aussi pardes conflits armés ou de société, des dépla-cements forcés et une dégradation de l’en-vironnement. Dans les régions du monde lesplus riches, la flexibilité d’une main-d’œuvrequalifiée, prête à déménager sans préavis, ad’importantes répercussions sur le mode devie et l’(in)stabilité des familles, et de ce faitsur l’éducation à tous les niveaux.

Mondialisation et démocratie ne vont pasforcément de pair : chaque jour, les diri-geants des multinationales prennent des déci-sions sans avoir de comptes à rendre à ceuxdont la vie s’en trouve bouleversée. Pourcomprendre l’une et défendre l’autre, l’édu-cation doit permettre l’acquisition de connais-sances poussées en gestion, en technologieet en langues étrangères, et développer laflexibilité et la réceptivité au dialogue inter-culturel. Les jeunes doivent recevoir une for-mation politique dès le plus jeune âge. Detelles compétences ne s’acquièrent pas auto-matiquement. Les enfants doivent être pro-gressivement initiés aux pratiques démo-cratiques. Certaines expériences ont ététentées, comme dans le Collège aux pieds nusde Tilonia, en Inde, où des représentantsélus, filles et garçons, âgés de 10 à 14 ans,veillent au bon fonctionnement de leur école.Mais elles restent rares.

Le débat sur la mondialisation doit êtreélargi, car ceux qui élèvent des critiques aunom des pauvres, des vulnérables, des dému-nis et des marginaux dans les forums inter-nationaux doivent en comprendre la com-plexité s’ils veulent être entendus. Latendance est toujours à analyser les pro-blèmes de la planète d’un point de vue exclu-sivement américain ou européen. Cette «arro-gance du pouvoir», comme la nommait déjàle sénateur américain Fulbright en 1966, sedouble d’une arrogance technologique,

Les pays donateurs de l’aide sont souvent critiques vis-à-vis despolitiques qui favorisent les dépenses militaires au détriment desservices de base, alors que ces mêmes pays sont par ailleurs trèsheureux de voir augmenter leurs exportations d’armement. En 1997,l’ensemble des pays industrialisés ont totalisé 97 % des exportationsd’armes conventionnelles, tandis que les pays en développementabsorbaient près de trois quarts des importations. Ces choix pèsent surl’éducation bien au-delà du manque à gagner en termes d’écoles,d’enseignants et d’éducation des adultes : ils retardent ledéveloppement et accroissent les inégalités.• Le budget des dépenses militaires du Pakistan dépasse de 25 % ceux

de l’éducation et de la santé réunis.• Avec le 1,3 milliard supplémentaire de dollars US que l’Inde a

consacré à sa défense en 1998, on aurait pu bâtir 1 million d’écoles et payer 600 000 enseignants de plus.

• Les dépenses militaires du Soudan sont quatre fois plus élevées que celles concernant l’éducation.

• Le Mali, le Niger, la Zambie, le Burkina Faso et le Vietnam consacrent chacun à peu près autant de leur PNB à leur budget militaire qu’à celui de l’éducation.

(D’après Oxfam international).

7N° 122 - avril 2000

Les chiffres montrentqu’environ 63 % du coût del’éducation sont pris encharge par les gouverne-ments, 35 % par différentsacteurs dont les étudiants,les parents, lesemployeurs, les ONG et lesentreprises privées, les2 % restant provenant deprogrammes d’aide ex-térieurs. Dotés d’un meil-leur système fiscal, lespays développés ont plusd’argent à consacrer àl’éducation que les pluspauvres, qui doivent comp-ter sur des partenaires. Legouvernement duCambodge, par exemple,ne fournit que 12 % dufinancement du système

éducatif public. Alors queles frais de scolarité sontconsidérés par certainscomme l’obstacle le plusimportant pour l’accès despauvres à l’éducation, pourd’autres c’est une bonnefaçon de collecter desfonds auprès de ceux qui

peuvent payer. Mark Bray,auteur d’une étude sur lespartenariats dansl’éducation, constate que lacommunauté internationalea évolué dans sa façond’envisager le financementde l’éducation. En 1990beaucoup reconnaissaient

que «l’éducation gratuiteassurée uniquement parl’État est souvent d’unequalité insuffisante pourbénéficier aux enfants et aupays dans son ensemble». LaChine est peut-être unexemple à suivre. Pour lesresponsables de ce pays, ilfaut faire cohabiter, dans leszones rurales, des systèmeséducatifs financés par l’Étatet par la société civile. Mais la grande diversitédes systèmes en vigueurest sûrement la preuvequ’il n’existe pas demodèle unique de finance-ment valable pour tous.

Andrew Thompson-Bush

BBC

QUI PAIE ET QUI DOIT PAYER ?

économique et culturelle. Pourtant, la diver-sité des idées et des tendances culturellespeut permettre d’étendre les capacités mon-diales d’analyse et de résolution des pro-blèmes. Dans ce contexte, la mondialisationde l’apprentissage est une nécessité pour lasécurité et la survie des êtres humains.

Alors que les gouvernements des États-nations sont affaiblis, un effort social collec-tif s’impose, impliquant la population toutentière et ses responsables politiques. La pro-duction et le partage d’un savoir «pour tous»sur la mondialisation pourraient aider à démo-cratiser le flux des connaissances à ce sujet.L’enseignement de ce savoir ne résoudra sansdoute pas les importants conflits de pouvoirqui caractérisent notre monde, mais elle peutrapprocher les différents acteurs.

L’éducation doit se montrer à la hauteurde la situation et s’adapter à ce paysage radi-calement nouveau, car si elle demeure l’agentdu changement en qui tout le monde place sesespoirs, elle est aussi victime de modes de pen-sée et d’organisation dépassés. L’école doitdésormais élargir ses fonctions pour devenirla principale institution sociale capable decontrecarrer les perturbations de la vie fami-liale et d’apprendre aux jeunes à faire face auxmigrations et aux rapides changements deleur environnement socio-culturel. Aucuneffort politique n’a encore été entrepris pourrenverser la situation. Il n’est plus possibled’attendre car la démocratie elle-même pour-rait être en jeu dans cette partie fort risquéequi jusqu’à présent favorise ceux qui la com-prennent et la contrôlent. ●

Christine von Furstenberg

Division des sciences sociales

et humaines, UNESCO

Au Bangladesh, l’ONG Brac gère l’éducation de plus d’unmillion d’enfants, ardoises comprises.

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Le coût réel des dépenses militaires

88 avril 2000 - N° 122

En Côte d’Ivoire, trois enseignants meurentchaque semaine du sida, selon une

enquête récente coordonnée par l’ONUSIDA,l’UNICEF, l’UNESCO et la Banque mondiale.En Zambie, chaque année, le nombre d’en-seignants qui décèdent du sida est supérieurà celui des enseignants fraîchement diplômés(680 décès en 1996, 2000 prévus en 2005,selon un rapport de l’UNICEF). Des étudeseffectuées au Malawi, au Zimbabwe, auBotswana, au Mozambique, en Ouganda et enTanzanie révèlent de même une diminutionalarmante du nombre d’enseignants. En creu-sant le déficit en enseignants du continentafricain, le sida ne fait qu’aggraver la sur-charge de classes déjà pléthoriques. «De

nombreux établissements en Afrique de

l’Est et Australe ont perdu beaucoup de leur

personnel qualifié à cause du sida. Ils ont

dû le remplacer par du personnel peu expé-

rimenté, au détriment du niveau acadé-

mique. Certaines universités ont dû faire

venir des chefs de département de pays non-

africains», explique Sobbie Mulindi, pro-fesseur de médecine à l’Université de Nairobi.En Côte d’Ivoire, rapporte le Professeur mau-ritanien Manian Fassa, où il a dirigé uneétude sur l’impact du sida auprès des ensei-gnants, «ce sont les enseignants les plus

anciens, les mieux formés, qui décèdent

d’abord, ce qui signifie une perte d’expé-

rience, un capital qui s’en va. Beaucoup

d’écoles ont dû fermer, notamment en zones

rurales, où une école n’a parfois qu’un ins-

tituteur».

Politique de l’autrucheLe sida n’épargne ni les enseignants ni les

élèves. Selon ONUSIDA, l’Afrique sub-saha-rienne comptait 23,3 des 33,6 millions de casde VIH/sida dans le monde à la fin 1999, etla majorité des nouvelles infections concer-nent les 15-25 ans, qui sont souvent les élèvesdes écoles, des collèges et des universités.Dans toute l’Afrique sub-saharienne, la mala-die est devenue la principale cause d’aban-don scolaire des enfants, notamment parsuite du décès des parents : le continentcompte 7,8 des 8,2 millions d’enfants orphe-lins du sida dans le monde. «L’une des consé-

quences de l’épidémie de VIH/sida est que

le nombre d’enfants à scolariser diminue»,

relève Debbie Gachuhi, chercheuse kényaneet auteur du rapport de l’UNICEF préparépour l’évaluation de l’Éducation pour tous(EPT) à l’an 2000.

L’épidémie est aussi en train d’élargir lefossé entre les garçons et les filles à l’école.D’une part, en cas de maladie des parents,

c’est d’abord la fille qui est retirée de l’écolepour s’occuper d’eux et de ses frères etsœurs. D’autre part, les filles sont plus tou-chées par le virus que les garçons : une étudeeffectuée par ONUSIDA dans quelques villesdu Kenya en 1997 montrait un taux de pré-valence du VIH de 22 % chez les filles âgéesde 15 à 19 ans, contre 4 % pour les garçons.Cette inégalité se retrouve dans tous les pays.

Les enseignants, les élèves et les gou-vernements sont-ils bien conscients desenjeux ? «Nous avons essayé de convaincre

les enseignants de se faire dépister, car

beaucoup ne connaissent pas leur état séro-

logique», explique Manian Fassa. Mais lamajorité des gens pratiquent la politique del’autruche et refusent de considérer lesrisques. Cette attitude de déni est renforcéepar le fait que les signes de la maladie ne sontpas tout de suite apparents. En fait, ce quirend les enseignants conscients de l’impactde l’épidémie est le nombre croissant d’or-phelins du sida à l’école : dans chaque classeil y a un ou plusieurs enfants dont le ou lesparents sont morts après une «longue mala-

die» – l’euphémisme qui désigne le sida. De même, «de nombreux élèves ne sont

toujours pas convaincus que la maladie est

une réalité, se désole Joy Rugene, professeurdans une école à Kisumu, au Kenya. Ils ont

encore des relations sexuelles non proté-

gées, mettant ainsi en danger leur vie et celle

des autres». Un rapport cité par Linda Kingdans son livre Question d’intimité : repen-

ser l’éducation de la population (Éditions

Prévention par le biaisdu théâtre en Zambie:le club anti-sida jouedevant les élèves del’école primaire deHillside à Lusaka.

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En Afrique, le sida tue l’école

Afrique sub-saharienne84 %

Asie 7 %

Amérique latineCaraïbes

4 %

Autres5 %

Distributiongéographique des morts

attribuées au sida depuisla détection du virus.

(Source : Épidémie de sida,décembre 1999, ONUSIDA

et OMS, Genève).

99N° 122 - avril 2000

UNESCO, 1999) souligne l’attitude fatalistedes jeunes selon laquelle «de la même façon

que, enfant, on peut attraper les oreillons,

on peut, adulte, attraper le sida».

Et pourtant, les experts sont unanimes :c’est dans les écoles que doivent démarrerdes campagnes d’information pour protégerles jeunes générations. Les 230 millions d’en-fants africains représentent 30 % de la popu-lation du continent. À travers l’école, l’in-formation pourra atteindre les parents et lacommunauté, notamment dans les villages,où les adultes sont peu alphabétisés. Lors dela conférence régionale sur l’EPT àJohannesbourg, en décembre dernier, le pèreMike J. Kelly, de l’université de Zambie àLusaka, plaidait : «Il est temps de déclarer

l’état d’urgence pour nos écoles d’Afrique à

cause du sida. Il est temps de mettre le

VIH/sida au cœur des programmes éduca-

tifs nationaux». Mais peu de gouvernementsafricains l’ont déjà fait. Même au Kenya, oùla lutte contre la maladie est une prioriténationale, le sujet ne figure pas encore dansles manuels scolaires. Une information

évoquant la sexualité destinée aux enfants etaux adolescents rencontre encore beaucoupde résistance. «C’est très difficile de parler

du sida, explique Manian Fassa. C’est

quelque chose d’intime. Or en Afrique, par-

ler de la vie sexuelle des gens est tabou.»

Des espoirs se dessinent toutefois, grâceà de puissantes campagnes d’information,comme en Zambie où le taux d’infection dusida parmi les 15-19 ans a chuté de 28 à 15 %entre 1994 et 1999. L’Ouganda, le Zimbabweet le Sénégal ont également mis en placedes programmes d’information dans lesécoles.

Mais le principal obstacle est sans douteailleurs. «Le sida se vend mal, reconnaîtManian Fassa. Les financements se font

attendre. Les pays occidentaux absorbent

90 % du budget de la lutte contre le sida. Le

continent africain risque de basculer de

façon irréversible dans un désastre sans

précédent.» ●

David Aduda à Nairobi (Kenya),

avec Nadia Khouri-Dagher

”“Le sida

se vend mal. Les

financements

se font attendre.

Ces enfants du village de Stok, au Ladakh (Inde), font la classe en pleinair, dans le froid, parce que l’école, trop petite, ne peut pas les accueillir.

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Qu’est-il advenu de la «vision de Jomtien» ?

Il y a dix ans, la communauté internationalene s’engageait pas seulement à assurer une

éducation de base pour tous – enfants, jeuneset adultes–, mais aussi à mettre en œuvre«une vision élargie» et neuve du conceptd’éducation de base (voir tableau p. 10). Celle-ci avait été définie comme une éducation quipermette de répondre aux besoins éducatifsfondamentaux des gens afin qu’ils puissenta) survivre, b) développer leurs propres capa-cités, c) mener une vie et exercer un travaildignes, d) participer pleinement au dévelop-pement local et national, e) améliorer leurqualité de vie, f) prendre des décisions enétant informés, g) continuer à apprendre.

Malheureusement, et c’était peut-être pré-visible, la plupart des actions entreprises parles gouvernements et les agences interna-tionales se sont attachées à conserver ouaméliorer les politiques éducatives plutôtqu’à les rénover et à les transformer. La visionélargie de l’éducation pour tous adoptée àJomtien, qui était l’axe même de la proposi-tion et représentait son aspect le plus inno-vant et potentiellement révolutionnaire, n’apas réussi à s’imposer dans les politiques etles réformes éducatives menées depuis 1990.

De fait, bon nombre d’acteurs – les gou-vernements, les ONG, les syndicats d’ensei-gnants, les universités ou les agences decoopération internationale – n’ont rien vu de

10 avril 2000 - N° 122

nouveau dans les propositions de Jomtien. Ilsles ont perçues comme une tentative de plusde réactualiser d’anciennes promesses édu-catives restées lettre morte.

La course aux résultats qu’ont menée lespays et les agences internationales a conduità privilégier le cours terme au détriment desprocessus et des stratégies de longue haleine.L’accent mis sur les indicateurs quantitatifs aempêché toute refondation de l’idéologie édu-cative conventionnelle, qui fait la distinction

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entre quantité et qualité et associe le déve-loppement éducatif à la croissance écono-mique plutôt qu’à la transformation sociale.Même les agences internationales se sontconverties à cette vision quantitative, exer-çant une pression constante sur les pays pourqu’ils atteignent les objectifs fixés, notam-ment en termes d’effectifs scolaires et en par-ticulier pour les filles.

La course aux chiffres a fait perdre de vuela qualité en réduisant la notion d’universa-lité à celle d’accès, la qualité à l’efficacité, l’ap-prentissage au rendement scolaire et la visionélargie à l’augmentation des années de sco-larisation. Cette course a sacrifié l’impor-tance de la recherche et de l’expérimentationéducatives sur l’autel de l’action à tout prixet de la massification. Elle a fait oublier l’ex-périence acquise par les pays et par les orga-nismes internationaux eux-mêmes dans ledomaine de l’innovation éducative, de saspécificité, des conditions nécessaires à saréussite dans le temps, de son adaptabilitéà d’autres contextes culturels et des obs-tacles à sa rapide généralisation. Malgré l’in-sistance mise par la rhétorique éducative, ycompris au sein de l’EPT, sur la notion de qua-lité, aucun indicateur qualitatif n’a été mis enplace au cours de la décennie écoulée,contrairement à ce qui avait été prévu.

Ainsi, aussi bien les objectifs quantita-tifs que les principes mêmes de l’EPT – savision élargie de l’éducation de base, soninsistance sur les besoins éducatifs fonda-mentaux et la place centrale de l’apprentis-sage –, continuent de représenter un défipour la communauté internationale à l’aubedu nouveau millénaire. Ces principes, insé-parables de l’objectif d’offrir à tous une édu-cation de base de qualité, restent non seule-ment pertinents mais en parfaite adéquationavec le nouveau paradigme qui se profilepour le prochain siècle. ●

Rosa María Torres

Institut international de planification

de l’éducation, UNESCO/Buenos Aires

Vision conventionnelle Vision de JomtienEnfants Enfants, jeunes et adultes

Milieu scolaire Au sein comme à l’extérieurdu milieu scolaire

Un temps donné au cours de la vie La vie durant, et dès les premièresannées

Éducation primaire (ou un nombre Ne se mesure pas au nombre d’années déterminé d’années de scolarisation) ou aux diplômes obtenus mais à ce

qui a véritablement été appris

Enseignement strict des matières Satisfaction des besoins et disciplines scolaires fondamentaux d’apprentissage

Ne reconnaît que le savoir qui a Valorise d’autres savoirs, y comprisété acquis dans un cadre scolaire les savoirs traditionnels

Uniformité et égalité pour tous Différenciation selon les besoins

Statique (les réformes éducatives Dynamique (les réformes éducativesvenant sporadiquement étant un processus permanent)

Centrée sur l’offre éducative Centrée sur la demande éducative(l’institution scolaire, ses personnels (les élèves, leurs familles, laet les moyens dont elle dispose) communauté tout entière)

Basée sur la notion d’enseignement Basée sur la notion d’apprentissage

Relève du ministère de l’Éducation Relève de l’administration dans sonensemble

Responsabilité étatique Responsabilité partagée entre l’Étatet l’ensemble de la société

ÉDUCATION DE BASE

Tunisie: l’éducation estgratuite. Officiellement,98 % des enfants sontscolarisés en primaire, et les filles sont 47 %d’entre eux.

Les progrès de l’éducation des filles ont étéatrocement lents en dépit des engagements

pris à Jomtien. Malgré une hausse de leur tauxglobal de scolarisation, en 1995 le Forum surl’Éducation pour tous d’Amman (Jordanie)constatait que l’écart entre garçons et filless’était en fait aggravé (excepté dans les paysarabes, surtout dans le primaire).

À l’échelle mondiale, les filles sont tou-jours les deux tiers des enfants non scolari-sés (le problème dépasse largement le seulunivers scolaire). Ce que nous avons acquisdepuis Jomtien, c’est une meilleure com-préhension des facteurs qui motivent lesdécisions des familles, notamment pauvres,concernant l’éducation. Elles peuvent êtreconvaincues des mérites de l’éducation desfilles, tout en étant forcées par les circons-tances d’y renoncer. Nous savons que lestâches ménagères et d’autres responsabilitésfreinent la scolarisation et l’apprentissagede beaucoup de fillettes. Mais il suffit parfoisde petits coups de pouce pour améliorer lasituation. Ainsi, au Malawi, le fossé entre lessexes a diminué depuis 1991 : un règlementdispense de frais de scolarité les enfants quine redoublent pas à l’école primaire.

Au-delà des seuls taux de scolarisation, onse préoccupe désormais de ce que les fillettesapprennent à l’école et l’attention s’est égale-ment portée sur les phénomènes d’exclusionà l’intérieur des classes. Les fillettes peuventêtre exclues de l’apprentissage par l’attitude dumaître, parce qu’elles sont harcelées ou ne sesentent pas en sécurité. Les changements depolitique, qui doivent bien sûr s’appuyer sur lesrecherches sur la qualité de l’enseignement, neservent à rien s’ils sont fragmentaires. D’unepart, un bon travail sur le terrain restera anec-dotique si aucune mesure n’est prise pourétendre son application. D’autre part, une poli-tique peut être bonne mais ne mener nulle partsi son application n’a pas été clairement pensée,ni la réalité locale bien comprise.

Par ailleurs, le développement des ana-lyses portant sur les différences entre lessexes a permis de mieux comprendre ce quiarrive aux filles mais aussi ce qui se passepour les garçons. Parfois, surtout dans lesecondaire, le système avantage les filles.Dans certaines régions d’Amérique du Sud,un nombre inquiétant de garçons abandon-nent l’école parce qu’ils sont attirés par laperspective de gagner de l’argent. De tellessituations incitent à avoir une approchebeaucoup plus globale de l’égalité entre lessexes.

Le relatif succès des approches non for-melles a montré que l’éducation traditionnellegagnerait à être plus souple et plus adap-table. Par exemple, cela peut ne pas être unebonne idée de faire classe pendant la saisondes pluies, ou d’exiger que tous les enfantsaient le même calendrier ou emploi du tempsà l’école. Le droit à l’éducation est aussi celuide pouvoir continuer à apprendre. Ce quireste à créer, ce sont des passerelles entrel’éducation non formelle et des systèmeséducatifs élargis, pour que les enfants puis-sent accéder aux grandes classes du pri-maire, puis au secondaire puis à une forma-tion ou une autre. Un accès encore trèsdifficile pour les enfants issus de l’ensei-gnement non formel.

Des progrès dans l’éducation des fillessont devenus visibles à la fin des années 90,grâce à diverses initiatives des gouverne-ments et des ONG. Nous n’avons pas, tou-tefois, donné le même degré d’attention àl’éducation des femmes, dont les taux d’al-phabétisation restent trop bas. Celle-ci a besoin du même genre d’impul-sion qu’il a fallu fournir pour fairedécoller l’éducation des filles. ●

Mary Joy Pigozzi,

Conseillère supérieure à l’éducation,

UNICEF

11N° 122 - avril 2000

L’éducation pour toutes

66,1

54,0

94,3 92,8 91,3 91,997,5 96,4

79,4

67,2

79,871,1

95,3 91,2

Afrique

subsaharienne

Amérique latine/

CaraïbesAsie Centrale

Asie de l’Est/

Pacifique Asie du Sud

et de l’OuestEtats arabes

Afrique du Nord

0

20

40

60

80

100

Pourcentage

Taux nets de scolarisation dans le primaire par sexe et par région, en 1998.(Source: Éducation pour tous, bilan à l’an 2000, Institut de Statistique de l’UNESCO).

garçons

filles

Europe de l’Est

et du Centre

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12 avril 2000 - N° 122

Au début des années 1990,la Guinée-Conakry a fait del’éducation des filles unepriorité nationale, et prisles mesures pour tendrevers cet objectif. Ainsi, lerèglement interdisant lafréquentation de l’écoleaux jeunes filles enceintesa été supprimé, et toutenouvelle école doitobligatoirement être

équipée de toilettes – leurabsence n’est pas pourrien dans l’absentéismedes filles. Des livresscolaires ont été distribuésgratuitement etrégulièrement à tous lesélèves, afin de garantirque les filles y aient accès.Et des efforts ont été faitspour augmenter le nombrede femmes enseignantes,

tout en améliorant laqualité de l’enseignement.À l’appui de ces change-ments, la Guinée a lancéune campagne nationaled’information soulignantles mérites et l’importancede l’éducation féminine. Lepays s’est aussipréoccupé d’améliorer lasanté des élèves, quireçoivent des suppléments

de fer et d’iode, parexemple, et sont soignéscontre les helminthiases(une forme de parasitose).Le résultat ? Au cours deshuit dernières années, letaux de scolarisation dansle primaire a augmentéd’environ 16 % pour lesfilles et 10 % pour lesgarçons chaque année.

Petite enfance : les bonnes bases

L’apprentissage commence dès la nais-

sance. Cela implique que l’on accorde

l’attention voulue aux soins aux jeunes

enfants et à leur éducation initiale, qui

peuvent être dispensés dans le cadre d’ar-

rangements faisant intervenir les familles,

la communauté ou des structures institu-

tionnelles, selon les besoins», affirmait laDéclaration de Jomtien, qui marquait uneétape importante pour la prise en compte destout-petits dans les politiques d’éducation.

Dix ans plus tard, où en est-on ? Hormisquelques cas de croissance spectaculairedans certains pays des Caraïbes, d’Amériquelatine, d’Asie du Sud et de l’Est, le nombred’enfants de moins de six ans qui bénéficientd’une prise en charge a augmenté de façonrégulière, à raison de 2 % l’an, selon un rap-port préparé par le docteur Robert Myers,fondateur du Groupe sur les soins et l’éveilde la petite enfance, organisme consultatif.Ce dernier met cependant en garde contretoute généralisation.

Dans les pays de l’ex-Union soviétique, lasituation s’est gravement détériorée : la tran-sition vers l’économie de marché, la décen-tralisation et les conflits internes ont mis àmal des programmes d’envergure et de

grande qualité en direction de la petiteenfance. Dans beaucoup de pays, un désé-quilibre géographique et économique conti-nue de priver de programmes spécifiques,plus que d’autres, les petits enfants des cam-pagnes, des familles pauvres et des com-munautés indigènes. Par ailleurs, ces pro-grammes sont le plus souvent conçus commeune préparation à l’école traditionnelle,comme le montre l’augmentation des effec-tifs entre quatre et six ans. Il faudrait accor-der plus d’attention à des programmes des-tinés aux moins de trois ans, qui développentconjointement les soins et l’éducation, et quisont pertinents pour les communautés sur leplan socio-culturel.

La petite enfance fait toujours figure deparent pauvre, surtout quand les paysconnaissent des difficultés économiques ouune crise politique. Comme l’indique leDr Myers : «Les rares données suggèrent

que le budget des États pour la petite enfance

est très faible (souvent moins de 2 % du bud-

get total de l’éducation). Dans la plupart des

pays d’Afrique, du Moyen-Orient, des

Caraïbes et dans certains pays d’Asie, c’est

principalement aux familles, à la collecti-

vité et aux ONG qu’incombe la responsa-

bilité des soins et de l’éveil des tout-petits».

Cela en dépit des bienfaits de ces soins,désormais pleinement prouvés grâce à unedécennie riche en recherches dans ce champmultidisciplinaire. Ils influent sur le taux defécondité et constituent une base pour l’ap-prentissage tout au long de la vie ainsi qu’unpoint d’ancrage pour des projets de déve-loppement communautaire.

Selon un rapport de la Banque mondialesur un «Projet intégré d’éveil de la petiteenfance» mené en Bolivie, 40 % des enfantsconcernés présentaient, au départ, un retardde développement psycho-social. Au boutd’un an passé dans les crèches du projet,familiales et informelles, où l’accent est missur la nutrition, la santé et les activités d’éveil,

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Une classe maternelleau Vietnam. Les soinset l’attention portésaux tout-petitsaugmentent leurschances pour l’avenir.

LES FILLES, PRIORITÉ DE LA GUINÉE-CONAKRY

13N° 122 - avril 2000

Illettrisme : une tâche herculéenne

ce taux descend à 20 %, puis à 5 % aprèsdeux ans. Malgré la jeunesse du projet, onconstate que le taux de scolarisation en pri-maire des enfants qui quittent ces centres àsix ans dépasse de 20 % celui des enfants nonbénéficiaires. On peut, en partie, attribuercette augmentation à la sensibilisation accruedes parents aux bienfaits de l’éducation. Etpour ce qui concerne les fillettes, on peut s’at-tendre, à terme, à des conséquences béné-fiques pour ce qui concerne la baisse de lamortalité infantile et du taux de fertilité.

Au niveau budgétaire, la concurrence estplus rude que jamais, mais les soins et l’éveilde la petite enfance doivent être considéréscomme des programmes préventifs durables,

été faits. Même si, partout dans le monde, lesÉtats se sont engagés dans des programmesconsidérables d’alphabétisation et d’ins-truction pour adultes et si, dans certains paysles moins développés, la situation s’est net-tement améliorée, dans l’ensemble la pro-portion d’adultes illettrés reste écrasante.Leur nombre exact fait débat, oscillant entreune estimation optimiste de 872 millions etle chiffre, probablement plus réaliste, de plusd’un milliard. Dans tous les cas, plus desdeux tiers d’entre eux sont des femmes.

L’une des principales explications à lapersistance d’un nombre aussi élevé de per-sonnes illettrées est que leurs rangs sont per-pétuellement grossis par de jeunes adultes quin’ont pas pu aller à l’école ou qui l’ont quit-tée avec des qualifications insuffisantes. Carla triste réalité veut qu’au moment où lenombre d’enfants scolarisés augmente, laqualité de l’enseignement dispensé a ten-dance à baisser (voir p. 9).

Réduire l’illettrisme de 50 % au cours desannées 90, en mettant l’accent sur l’al-

phabétisation des femmes : cet objectif fixéà Jomtien était un idéal, impossible àatteindre sans d’énormes investissementsde la part des gouvernements. Ils n’ont pas

et non comme un objectif qui passe aprèstous les autres.

Les gouvernements doivent traduire leurengagement en faveur de la petite enfanceen prenant les mesures et en dégageant lesressources nécessaires. Il est de leur res-ponsabilité de développer de réelspartenariats aboutissant à un partage effec-tif de la prise en charge des tout-petits avecles familles et la société civile, et non autransfert de nouvelles charges vers ces der-nières. ●

Feny de los Angeles Bautista,

Children’s Television Foundation,

Philippines

Afrique

Amérique

Asie

EuropeOcéanie

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20

30

40

50

60

70

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Pourcentage

19700

1980 1990 2000 Année

Population âgée de 15 ans et plus

Estimation du taux d’analphabétisme par région.(Source: Annuaire statistique 1999 UNESCO).

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Une classe d’alphabétisation à La Paz en Bolivie: l’éducation au niveaucommunautaire «donne aux gens les moyens de protéger leurs droits – à la terre, à la santé, aux écoles et à l’exercice de la citoyenneté» (Oxfam).

14 avril 2000 - N° 122

La qualité même des programmes conçuspour les adultes est un gros problème. Enrègle générale, elle n’est pas à la hauteur dece qu’on pourrait attendre, et pas simple-ment à cause d’un manque de ressourcesou de volonté politique. Nous devons ren-forcer ces programmes, premièrement ensachant mieux ce que les gens y apprennentréellement, ensuite en améliorant les – rares– systèmes d’information dans le milieu del’alphabétisation, afin d’identifier les pro-grammes qui fonctionnent et, enfin, en inves-tissant plus dans la formation profession-nelle des enseignants spécialisés enalphabétisation. Pour le moment, presquetous les fonds affectés à la formation desenseignants sont absorbés par l’enseigne-ment scolaire traditionnel.

Nouveaux critèresUn autre des objectifs majeurs de Jomtien

portait sur l’amélioration de l’enseignementet l’évaluation des besoins éducatifs fonda-mentaux. Un certain nombre de progrès ontété accomplis dans ce domaine : on com-prend mieux ce que les gens apprennentdans les cours d’alphabétisation et on saitmieux mesurer le taux d’illettrisme danschaque pays. Nous savons par exemple qu’ilne touche pas que les pays en développe-ment : il concerne 25 % des adultes dans lespays les plus riches du monde, selon uneétude de l’OCDE menée en 1995.

Devant ces constats, quels devront être,à l’avenir, la référence en matière d’alpha-bétisation et le type de capacités néces-saires ? Peut-on considérer par exemple quesavoir lire et écrire une phrase simple est suf-fisant ? Dans quelle mesure faut-il prendreen compte des aptitudes plus complexescomme la résolution de problèmes, la pen-sée critique ou la maîtrise d’un ordinateur (cequi ne représentait pas un enjeu sérieux en1990) ? En d’autres termes, à partir de quelniveau une personne est-elle déclarée alpha-bétisée ?

En résumé, dans un monde en change-ment rapide, l’alphabétisation reste un objec-tif que n’ont atteint ni les pays pauvres ni lespays riches. De toute évidence, on a besoinnon seulement de ressources supplémen-taires mais aussi d’une vision politique claireet d’un savoir-faire technique, afin que lesgens puissent acquérir les compétences debase pour réussir dans le millénaire à venir.Aucun des objectifs fixés à Jomtien ne resteplus urgent que celui d’un monde qui sacheau moins lire et écrire. ●

Dan Wagner,

Directeur et professeur à l’Institut

international de l’alphabétisation (ILI).

L’ILI, fondé conjointement par l’UNESCO

et l’Université de Pennsylvanie, est

installé à Philadelphie,

États-Unis.

Prostituée enThaïlande, Karn,vingt-cinq ans, estmue par un seulespoir : parvenir àéconomiser autantque possible pourpouvoir sortir deson «métier» avantque ses enfantssoient en âge decomprendre cequ’elle fait pourgagner sa vie. «Jeveux devenirréceptionniste, ou

avoir un emploi debureau, un travailqui fasse de moiune femme commeles autres»,explique cette mèrecélibataire dont lesdeux enfants viventavec leur grand-mère dans unvillage au nord-estde la Thaïlande.Dans le passé, cedésir pour unefemme commeKarn, qui travaille àPatpong, le quartierchaud de Bangkok,était irréalisable.Mais grâce àEmpower, une ONGqui vient en aideaux prostituées dePatpong, elle a pus’inscrire à uncours d’éducationnon formelle.Aujourd’hui, elle

prépare un examende l’enseignementsecondaire. Elle suitaussi un coursd’anglais et en-visage«d’apprendrel’informatique». Ellevise l’université, unniveau déjà atteintpar certaines de sesanciennescollègues. Commele signale fièrementl’une d’elles, «il y adéjà une vingtaine

d’entre nous dansdifférentesuniversités».Selon ChantavipaApisuk, directriced’Empower, plus de600 prostituéess’inscrivent dansleur «école» chaqueannée. Le but d’Em-power, explique-t-elle, est d’abord deleur donner la pos-sibilité de se pro-téger contre l’ex-ploitation. La pros-titution est illégaleen Thaïlande, etaucune loi ne pro-tège les pros-tituées, souventissues de villagesruraux pauvres etcontraintes par lamisère à faire cemétier. «Nousessayons d’amenerle gouvernement à

réfléchir à l’inté-gration de la pro-tection des pros-tituées dans le droitdu travail. En atten-dant, elles doiventse protéger seules.Et l’éducation estleur meilleurearme», souligne-t-elle.Empower fait partiedes organismeshabilités par leministère del’Éducation à gérer

des programmesd’éducation nonformelle, pour quedes populationsdéfavorisées puis-sent avoir accès àl’éducation. «L’en-seignement nonformel a été d’ungrand secours,surtout après lacrise financière dela fin des années1990», souligne le DrRung Gewdang,secrétaire généralde la Commissionnationale de l’édu-cation. Il ajoute quel’objectif est désor-mais de rendrecette filière aussiefficace que lafilière formelle.

Prangtip Daorueng,

à Bangkok

(Thaïlande)

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L’éducation est la «meilleure arme» pour envisager une réinsertion.

Sortir de la prostitution

L’Institut de statistique de l’UNESCO a

réalisé une synthèse statistique pour

l’Évaluation de l’Éducation pour tous à l’an

2000. Sa directrice, Denise Lievesley,

explique comment a été mené le travail.

Quel a été votre point de départ pour

participer au bilan de l’EPT ?

Notre premier pas a été de renvoyer auxpays concernés les informations qu’ils avaientfournies à l’UNESCO au cours des dix der-nières années pour les mettre à jour. L’un desproblèmes a été l’impossibilité pour certainspays de lire les données, soit parce que leursystème informatique avait changé, soit parcequ’aucune archive n’avait été conservée.Nous avons demandé une mise à jour là oùc’était possible. Ainsi, il pouvait y avoir eu unrecensement entre temps, ce qui modifie lesdonnées. Les pays se servent généralementdes données relatives aux naissances, décèset migrations fournies par les recensementspour mettre à jour leur estimation de la popu-lation. C’est un point clé, car rien ne sert desavoir combien d’enfants fréquentent l’écolesi l’on ignore le nombre total d’enfants et leurrépartition par classe d’âge.

Quelles sont vos sources ?

Nous ne devons pas nous limiter auxsources officielles mais envisager d’autresfaçons de collecter l’information, en utili-sant par exemple les enquêtes sur les enfantsnon scolarisés. Je suis en contact avecl’UNICEF à ce sujet. Nous devons aussi col-laborer plus étroitement avec les ONG, quiont parfois accès à des données locales. Maisla collecte des informations sur le terrainpeut coûter très cher, et nous devons veiller

à ne pas trop exiger des systèmesstatistiques nationaux.

La seule façon detrouver de nouveaux

financements pourla collecte de

données est devaloriser

15N° 122 - avril 2000

Le rôle crucial des statistiques

ces dernières en les diffusant sous une formeaccessible et utile. L’Institut a ici un rôle bienprécis à jouer, en aidant les pays à se doterdes capacités nécessaires pour collecter,analyser et utiliser les données. Ce n’est unsecret pour personne dans le milieu de la sta-tistique : ce secteur a été gravement sous-financé, et depuis 1990 la qualité des donnéesa baissé dans plus d’un pays.

Comment pouvez-vous juger de

l’exactitude des chiffres reçus?

Notre équipe a passé de longues nuits àvérifier la plausibilité des données reçues. Encas de doute, nous avons alerté le paysconcerné et les organisateurs régionaux del’EPT. Chaque pays se porte garant des infor-mations publiées dans le Rapport mondial del’Éducation. Si nous pouvons fournir lesinformations manquantes, nous le ferons etle signalerons. Nous nous réservons aussi ledroit de signaler en note les contradictionséventuelles – avec tact ! Nous devons êtrediplomates, car les systèmes statistiquespeuvent soit être un peu anciens, soit, par-fois, relever d’un choix politique quand unpays tient à se montrer sous le meilleur jourpossible. L’Institut a fait mettre au point unprotocole sur les garanties de qualité.

Comment espérez-vous, à Dakar, faire

avancer ce problème de la collecte de

l’information ?

Nous organisons une table ronde afin denous assurer que les objectifs fixés par laConférence sont réalistes et quantifiables.Les décisions prises ne doivent pas être déter-minées par les statistiques mais éclairées parelles. Les objectifs doivent avoir pris encompte la situation présente et pouvoir êtremesurés au fil du temps. Par exemple, si nousaffirmons que l’éducation primaire doit deve-nir une réalité universelle d’ici 2015, nousdevons collecter des informations année aprèsannée, sans attendre 2014 pour nous deman-der : «Y sommes-nous parvenus?»

Nous devons aussi devenir capables demesurer d’autres facteurs qui jouent sur leschances d’atteindre l’objectif. Ce sont desdonnées importantes. Par exemple, ellesnous permettraient de mesurer à quel pointla population enseignante d’Afrique est déci-mée par le sida et de prendre en compte lesproblèmes que cela va poser dans le cadrede l’éducation primaire universelle d’ici2015.

Le suivi doit donc être plus régulier

que par le passé ?

Oui. Le présent bilan n’est pas une fin en soimais, au contraire, le début d’un long pro-

cessus. ●

Propos recueillis

par Ann-Louise Martin

et Cynthia Guttman

AU SEIN DES NATIONS UNIES,L’UNESCOest l’organisationchargée de recueillir lesstatistiques surl’éducation. Afin derenforcer ce secteur,ainsi que son expertisedans d’autres domainesstatistiques de sonressort, l’UNESCO asupprimé sa Division desstatistiques en 1999 etcréé un nouvel Institut destatistique semi-autonome. Il est dirigépar Denise Lievesley, quiétait auparavantdirectrice des DataArchives du Royaume-Uni et présideactuellement laRoyal StatisticalSociety (R.-U.).

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16 avril 2000 - N° 122

SPÉCIAL FORUM MONDIAL DE L’ÉDUCATION SPECIAL FORUM MONDIAL

PUBLICATIONS

POUR LE FORUMMONDIAL DE DAKARDeux documents principaux sontpubliés à l’occasion du Forummondial sur l’éducation qui setient à Dakar du 26 au 28 avril : • le Bilan de l’Éducation pourtous à l’an 2000 : rapport synthé-tique mondial ; • une synthèse globale et docu-ments statistiques (qui comprendun CD-Rom).Par ailleurs, sont égalementpubliés : • 14 études thématiques (la plu-part sont accessibles surwww.education.unesco.org/efa); • une série de six rapports syn-thétiques régionaux ; • plus de 180 rapports nationaux(la plupart accessibles sur le siteinternet) ; • 12 études de cas par pays surl’alphabétisation et le niveauscolaire des jeunes ; • un dossier de presse, qui com-prend une carte mondiale desrésultats obtenus dans le monde,les bilans régionaux et desarticles thématiques sur dessujets importants par rapport àl’éducation, comme les nouvellestechnologies ou le sida, qui peu-vent être librement reproduits.

DONNÉES MONDIALES SUR L’ÉDUCATIONGuide de la structuredes systèmes nationauxd’éducationPréparé par Massimo AmadioUNESCO/Bureau internationalde l’éducation,175 FF, 26,68 €.En s’appuyant sur ses banques dedonnées présentant une visioncomparative des différentssystèmes d’éducation nationaux,le BIE rassemble, dans cevolume, la description de 144 sys-tèmes d’éducation accompagnésde données statistiques sur l’en-seignement primaire. Trois cha-pitres développent la structure,le temps d’enseignement et lesdisciplines dans le primaire oul’éducation fondamentale dansle monde. Une annexe liste quelque 300sites internet qui représententdes sources officielles d’infor-mation sur l’éducation.

Le Rapportmondial sur l’éducation2000Le droit à l’éducation :vers l’éducation pour tous,tout au long de la vieEd. UNESCO, 2000, 150 FF,22,87 €.«Le droit à l’éducation» est lethème du Rapport mondial surl’éducation pour l’an 2000, dontla publication (en anglais) coïn-cide avec la Conférence deDakar. Il complète le Bilan del’Éducation pour tous à l’an 2000entrepris par la communautéinternationale, dix ans après laConférence de Jomtien. Ce rap-port est le cinquième de la sériedes rapports biennaux del’UNESCO sur l’éducation. Le Rapport 2000 donne unevision globale sans précédentdes engagements successifs pourla mise en œuvre du droit àl’éducation, adoptés par la com-munauté internationale au coursdu dernier demi-siècle, sous laforme de traités internationaux,de déclarations, de recomman-dations et de programmes d’ac-tion. Il fournit également unevaste analyse des progrès

Joseph Poth, UNESCO, gratuitÀ destination des profession-nels, des membres d’institutspédagogiques et de centres deformation, le secteur de l’Édu-cation a publié une série deguides pratiques sur l’emploides langues nationales etminoritaires, dans une pers-pective globale de résolutiondes conflits. La série est parti-culièrement axée sur l’Afriquemais offre des possibilités detransferts méthodologiquesdans d’autres régions du monde.Dix titres sont disponibles en

●●● Linguapax, tél. 33 1 45 68 17 [email protected]

●●● BIE, CP 199, 1211 Genève 20,Suisse. www.ibe.unesco.org/ Tél. 41 22 917 78 00. Fax 41 22 917 78 01.

Bureauinternationald’éducationFondé en 1925, le BIE de Genève(Suisse) a rejoint l’UNESCO en1969 en tant qu’institution auto-nome. Il se spécialise sur lesquestions de programmes sco-laires. Le BIE publie Perspec-tives, revue trimestrielle d’édu-cation comparée, en anglais,français, espagnol, arabe, chinoiset russe, depuis maintenant vingt-neuf ans. Cette revue prestigieuseporte sur le champ de l’étude com-parative de l’éducation et publiedes numéros thématiques sous ladirection d’éditeurs invités. Ledernier numéro de Perspectives(décembre 1999) porte sur «Édu-cation, pauvreté et inégalités».Le BIE publie aussi un bulletin tri-mestriel, Innovation et infor-mation pédagogiques.

●●● IIPE, 7-9, rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris, France.www.unesco.org/iiep/ Tél. 33 1 45 03 77 00. Fax : 33 1 40 72 83 66.

INSTITUTINTERNATIONALPOUR LAPLANIFICATION DE L’ÉDUCATIONL’IIPE a été fondé par l’UNESCOen 1963 à Paris. Son but est decontribuer au développement del’éducation dans le monde, endéveloppant à la fois le savoir etle nombre de professionnels spé-cialisés dans la planificationéducative. Plus de 1200 ouvragesont été publiés par l’IIPE. LeBulletin trimestriel de l’IIEP estune source fondamentale d’in-formation sur la planification etla gestion dans le domaine del’éducation. Il paraît en anglais,français, espagnol, russe et por-tugais. Il est disponible gratui-tement et sur internet.

réellement accomplis dans lesens d’une application de cedroit dans les différentes régionsdu monde.

L’aménagement linguistique en contexte éducatif plurilingue

français (des versions anglaiseet portugaise sont en prépara-tion). Ces guides précisent lescritères qui permettent d’ac-corder aux langues minori-taires un statut partiel ou plé-nier de langues d’enseigne-ment. Ils identifient des straté-gies de sensibilisation et deformation des enseignantschargés de la didactique deslangues et de la production dumatériel pédagogique adéquat.

17N° 122 - avril 2000

INSTITUTS

PÉRIODIQUES

SUR LA TOILE

Institut pour l’éducationL’Institut de l’UNESCO pour l’éducation (IUE), basé à Hambourg(Allemagne), est spécialisé dans l’éducation des adultes. Il publiedes dizaines de publications et un bulletin, Connexus. L’IUE est àl’initiative de la Semaine internationale pour l’éducation desadultes qui sera lancée dans plus de 30 pays le 8 septembre 2000.Publications disponibles sur internet.

L’Institut de l’UNESCO pour l’éducation à Hambourg(Allemagne).

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●●● IUE, Feldbrunnenstr. 58, 20148 Hambourg, Allemagne.www.unesco.org/education/uie/ Tél. 49 40 4480410. Fax : 49 40 4107723. E-mail : [email protected]

INSTITUT INTERNATIONAL DE L’ALPHABÉTISATIONL’ILI a été créé en 1994 sous l’égide de l’UNESCO et de la GraduateSchool of Education de l’Université de Pennsylvanie, aux États-Unis. Il a pour mission de conduire la recherche, ledéveloppement et la formation dans le vaste domaine del’alphabétisation, scolaire et extrascolaire, des enfants, desadolescents et des adultes, en particulier dans les pays endéveloppement. Il organise des conférences régionales etinternationales, diffuse son bulletin, Innovations enalphabétisation, disponible en anglais, arabe, chinois, espagnol et français.

●●● ILI, http://ncal.literacy.upenn.edu,Tél. 1 215 898 2100. Fax : 1 215 898 9804. [email protected]

Institut pour l’application des technologies de l’information à l’éducationL’IITE a été fondé à Moscou (Russie) en 1997 par l’UNESCO et legouvernement de la Fédération de Russie. Il a pour mission dedévelopper des stratégies pour l’emploi des technologies del’information dans l’éducation.

●●● IITE, [email protected]. 95 129 29 90. Fax : 95 129 12 25. [email protected]

L’Institut international pourl’en-seignement supérieur enAmérique latine et dans lesCaraïbes. Il est basé à Caracas(Venezuela) et se consacre à laplanification, la gestion et l’éva-luation de l’enseignement supé-rieur.

●●● IESALCwww.iesalc.unesco.org.ve

Le Centre européen pour l’en-seignement supérieur. Créé en1972 à Bucarest (Roumanie), leCEPES contribue au développe-ment de l’éducation au niveausupérieur dans les États-membres de l’UNESCO en Europe.

●●●CEPES, www.cepes.ro

L’Institut international pour lerenforcement des capacités enAfrique. Créé en 1999, l’IICBA seconsacre à la mise en place desinstitutions et à la formation desdirigeants dans le domaine del’éducation.

EFA 2000L’UNESCO publie EFA 2000, lebulletin trimestriel du Forumconsultatif international surl’Éducation pour tous. EFA 2000sort en anglais, arabe, chinois,espagnol et français.

www2.unesco.org/wefVous ne serez pas à Dakar fin avril ? Assistez virtuellement au Forummondial sur l’Éducation qui s’y déroule du 26 au 28 avril ! Grâce ausite internet construit à cette occasion, vous saurez tout sur cetteconférence sans précédent et sur ses enjeux, cruciaux pour notre ave-nir à tous (voir notre dossier pp. 4-15). Le site du Forum mondial sur l’éducation est bâti en quatre grandesrubriques : la Conférence : objectifs, programme, participants etorganisateurs ; le Processus : l’évaluation de l’éducation pour tous àl’an 2000, les rapports nationaux et régionaux, les conférences régio-nales ; Info et visions : les dernières infos, la voix du terrain, la visiondes partenaires ; Salle de presse : accréditations, communiqués depresse, photos… Il comprend également une série d’articles publiéespar International Press Service qui illustrent par des exemplesconcrets les thèmes abordés à la Conférence de Dakar. Bien entendu,après la tenue du Forum ce site sera maintenu sur le site de l’EPT :www.education.unesco.org/efa●●● Contact : Anne Müller, fax 33 1 45 68 56 29, [email protected]

DE L’ÉDUCATION SPECIAL FORUM MONDIAL DE L’ÉDUCATION SPÉCIAL

ET ...

●●●http://members.tripod.com.IICBATél: 251 1 55 75 85/86 Fax: 251 1 55 75 85

COMPTE À REBOURS C’est la publication trimestriel-le du programme de l’UNESCOdans le domaine de l’éducation.Elle a pour objectif de contri-buer à faire de l’éducation pourtous, tout au long de la vie, uneréalité. Publié en anglais et enfrançais.

18 avril 2000 - N° 122

EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF

SUR LA TOILE

Le Thesaurus de l’UNESCO estdésormais sur la Toile. Outil detravail des bibliothécaires etdocumentalistes dans de nom-breux pays, le Thesaurus est uneliste alphabétique de «mots-clés» qui servent à classer (etdonc pour le public à les trou-ver) ouvrages et articles. Il inclutdes dizaines de milliers determes, en anglais, français etespagnol, dans les domaines del’éducation, de la science, de laculture, des sciences sociales, de

l’information de la communica-tion, de l’économie, du droit etdes sciences politiques. Il com-prend également les noms depays et de groupes de pays. Ilpermet notamment de trouverles traductions exactes destermes et expressions et lestermes apparentés, depuis «édu-cation maternelle» à «zoroas-trien» en passant par «rende-ment scolaire» ou «réservesnaturelles».

«LA CARDINALE» AMBASSADRICE DE BONNEVOLONTÉ DE L’UNESCO«Africaine de naissance, italienne de nationalité et française parl’éducation», ainsi s’est définie l’actrice Claudia Cardinale, lors desa nomination comme Ambassadrice de bonne volonté del’UNESCO, le 7 mars dernier. Le Directeur général de l’UNESCO,Koïchiro Matsuura, a salué en Claudia Cardinale l’artiste derenommée mondiale mais aussi «la femme qui a mené un combatinlassable contre la pauvreté, l’intolérance, les violations desdroits de l’homme, et en particulier ceux des femmes et desenfants marginalisés». Il lui a confié la mission de «promouvoirtout ce qui peut participer à l’amélioration de la condition desfemmes et des jeunes filles au XXIe siècle». Au cours de saprestigieuse carrière, l’actrice a notamment reçu la Palme d’or àCannes (1963) et le Lion d’or du Festival de Venise (1994).

NOUS, VOUS, ILS

De droite à gauche : Claudia Cardinale avec le Directeurgénéral de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura et le musicienfrançais Jean-Michel Jarre.

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Pour un tourismequi préserve le patrimoineL’UNESCO, l’Organisation mon-diale du tourisme, le Programmedes Nations Unies pour l’envi-ronnement et l’Organisationmondiale du commerce veulentpromouvoir un «tourismeéthique» respectueux de l’envi-ronnement naturel et culturelen établissant des directivespour les professionnels du tou-risme. Lancée à la Foire inter-nationale du tourisme à Berlin(Allemagne) en mars, cette ini-tiative a déjà été soutenue parquinze des plus grands voya-gistes. En annonçant l’initiative,le Directeur général del’UNESCO, Koïchiro Matsuura,

CULTURE

POUR LE BOLCHOÏDes théâtres, cinémas, sallesde concert et autres lieux cul-turels du monde entier ont prispart, le 28 mars, à la Journéeinternationale de solidarité avecle Théâtre du Bolchoï, en rever-sant une partie de leurs recettesde ce jour au profit de la res-tauration de ce célèbre théâtre.Fondé il y a exactement 224 ans,le bâtiment du Bolchoï a besoind’être rénové et son installationtechnique modernisée afin delui permettre de présenter desproductions de grande enver-gure dont il a toujours été lemaître. L’UNESCO a lancé en mai 1999,une campagne internationalevisant à recueillir des fondsnécessaires pour la restaura-tion du théâtre, qui sont estimésà 200 millions de dollars. Pourplus d’information sur le projetet les modalités de soutien :

a souligné le fait que l’industrietouristique était vue comme unpartenaire-clé dans la préser-vation du patrimoine : «Ce nesont pas seulement les monu-ments de pierre mais aussi leslangues, coutumes, danses,mythes et beaucoup d’autresaspects du patrimoine imma-tériel qui doivent être protégésquand une communautés’ouvre au tourisme de masse»,a-t-il déclaré.

LA PAIX REVIENT À EL VIZCAÍNOLes baleines grises, qui vont sereproduire et hiverner à ElVizcaíno (inscrit sur la Liste dupatrimoine mondial), dans la par-tie centrale de la BasseCalifornie (Mexique), pourrontdormir tranquilles : le projet dela société Exportadora del Sal(ESSA) d’y construire le plusgrand complexe mondial d’ex-traction de sel marin a été aban-donné. Il impliquait une trans-formation à grande échelle dupaysage avec la création de26 500 hectares de bassins deconcentration et de 2 700 hec-tares de bassins de cristallisa-tion, l’installation d’un complexeindustriel, d’un tapis convoyeurlong de 5 km, d’une jetée de2,3 km. L’investissement projetéportait sur 150 millions de dollars,entraînant des travaux d’unedurée de près de 10 ans et lacréation de 216 nouveauxemplois. Une coalition de 58groupes écologiques mexicainset internationaux s’est opposéeà ce projet avec succès. Le pré-sident mexicain, Ernesto Zedilloa déclaré : «La réserve de ElVizcaíno [est] un endroit uniqueau monde tant pour les espècesqui y habitent que pour sa beauténaturelle».

●●● www.bolshoi.ru/eng/unesco.html ou http://www.unesco/

www.ulcc.ac.uk/unesco

Ils

ont

dit

«... L’eau est aussila source de la vie.

Les vrais problèmes quiy sont liés sontgénéralement ceuxdont la réponse –politique, technique ousociale – est inadaptée,ou encore ceuxrésultant d’unedistribution inégale desrichesses et desconnaissances.N’attendons pas unecrise de l’eau pour yapporter les réponsesadéquates. Nouspouvons nous y attelerdès aujourd’hui».

Koïchiro Matsuura,Directeur général de

l’UNESCO, à l’occasion dela Journée mondiale de

l’eau (22 mars).

«... Bien que lavague du

numérique apportel’information à plus degens, il lui reste encoreun long chemin pouratteindre la majorité dela population dumonde.Vingt-trois paysindustrialisés disposentà eux seuls de 62 % delignes téléphoniques,bien qu’ils ne comptentque 15 % de lapopulation mondiale.Par exemple, la Norvègeet la Suède ont plus delignes de téléphone qued’habitants».

L’InstitutWorldwatch

«Combien d’œuvrespoétiques d’une

grande valeur littéraireet artistique ont ététransmises de bouche àoreille dans le mondemais ont fini pardisparaître desmémoires, faute den’avoir pas été écrites,privant ainsi desgénérations entières duplaisir ?»

Sonia Mendieta de Badaroux,

Présidente du Conseilexécutif de l’UNESCO,

dans son message pour lapremière Journée

mondiale de la poésie(21 mars).

19N° 122 - avril 2000 19

EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF

COMMUNICATIONEXPOSITION

L’URUGUAY EXPOSECARMELO DE ARZADUNAu mois de mars, la Délégationuruguayenne auprès del’UNESCO a organisé au siègeune exposition de l’œuvre deCarmelo de Arzadun (1888-1968),formé en Espagne et à Paris,notamment à l’Académie de laGrande Chaumière. C’est le seulpeintre uruguayen qui ait appar-tenu aux deux grands courantsde la peinture uruguayenne, leplanisme au début du siècle puisle constructivisme de TorreGarcia, développé par ce der-nier à partir de 1934 à son retourde Paris. Arzadun est un peintre du pay-sage, marin (dunes aux tamaris,plages), rural ou urbain. S’il abeaucoup peint Montevideo, il aaussi traité les rues et les monu-ments de Paris, qui fut sa pre-mière fascination visuelle.

Portrait de Andrés Percivalepeint en 1915 par Carmelode Arzadun.

Une presse libreLe 17 février, le Président duComité mondial pour la liberté dela presse, James Ottaway Jr., etle Directeur général del’UNESCO, Koïchiro Matsuura,ont signé la «Charte pour unepresse libre», adoptée en 1987 àLondres par le WPFC et les prin-cipaux groupes de défense de laliberté de la presse à travers lemonde. En souscrivant à cetteCharte, a déclaré KoïchiroMatsuura, «l’UNESCO réaffirmeson attachement indéfectible à laliberté de la presse et à la libertéd’expression. L’existence d’unepresse libre est une conditionsine qua non de la démocratie etdu développement économique etsocial».

PRISONNIERET LAURÉATLe prix mondial de la liberté dela presse UNESCO/GuillermoCano 2000 a été attribué au jour-naliste syrien Nizar Nayyoufemprisonné depuis 1992.Nizar Nayyouf est le rédacteuren chef du mensuel Sawt al-Democratiyya (La voix de la

démocratie), publication duComité de défense des libertésdémocratiques en Syrie (CDF), etil collaborait à l’hebdomadaireAl-Hurriya. Il a été condamné àdix ans de travaux forcés pourappartenance à une organisationinterdite, le CDF, et propagationde «fausses» informations.Maintenu en isolement à la pri-son militaire de Mezze à Damaset affaibli par la torture, il setrouve dans un état de santéalarmant. Le prix, d’un montant de 25 000dollars, est présidé par la jour-naliste belge Mia Doornaert, pré-sidente du groupe consultatif del’UNESCO pour la liberté de lapresse et ancienne présidentede la Fédération internationaledes journalistes (FIJ). Il seraremis à Genève, à l’occasion dela célébration, le 3 mai, de laJournée mondiale de la liberté dela presse.

L’UN DES GAGNANTS :LA RADIO PUBLIQUEDE TANZANIELa radio publique Tanzania Dar esSalaam s’est vue attribuer le prixPIDC - UNESCO pour la commu-nication rurale. Cette décision aété annoncée lors de la 20e ses-sion du Conseil intergouverne-mental du Programme interna-tional pour le développement dela communication (PIDC) qui s’esttenue au siège de l’UNESCO du21 au 24 mars. La station a étéchoisie pour son programme enkiswahili Twende Na Wakati(Bougeons avec le temps) quiporte, notamment, sur le plan-ning familial, l’éducation desfilles, la lutte contre la violencedomestique, la discriminationculturelle et le sida. Le Conseil a également décidéd’allouer 2,1 millions de dollarsà 57 projets de médias dans despays en développement. Le PIDCa été créé en 1980 pour identi-fier les besoins de ces pays encommunication et les aider àaccroître leurs ressourceshumaines et techniques.

Le 8 mars, Journée internationale des

femmes, des milliers de femmes journalistes ont tenu

les rênes des médias, comme Andrea Veronica Diaz.

20 avril 2000 - N° 122

UN REGARD FÉMININSUR L’ACTUALITÉ

ÀRío Tercero, dans laprovince de Cordoba,

en Argentine, tous lesmédias de la ville – cinqradios, un journal hebdo-madaire et une télévision –ont répondu à la propositionde l’UNESCO : le 8 mars,donner à des femmes jour-nalistes la responsabilitééditoriale des informations.Je suis l’une de ces femmeset j’ai vécu quelque chosed’unique.

Comme ailleurs, nous,femmes journalistes à RíoTercero, avons déjà soulevéle problème du partage desresponsabilités et de l’égalitédes salaires dans la profes-sion. Un de ses aspects tientà l’impossibilité d’en dé-battre avec les hommes. Ilsne veulent pas en parler.Devant cette indifférence,nous risquons de perdrenotre capacité de lutter. Enplus, nous ne sommesqu’une douzaine et leshommes sont deux fois plusnombreux.

Même si, à première vue,notre action ressemble à du«féminisme invétéré, sur

le pied de guerre», il ne s’agitpas de cela : nous savonstrop bien qu’une positionfanatique enlève toute sa

TÉMOIGNAGE

notre physique, notre voix,notre image.

Aujourd’hui, j’ai voulusortir de cet univers etouvrir davantage mon espriten observant une règle : évi-ter les lieux communs et lesclichés. La semaine der-nière, une journaliste medisait au sujet du 8 mars :«tout ce que nous pourrons

faire ce jour-là sera sym-

bolique». C’est aussi ce queje pense et que je crains.Aujourd’hui, même si je suisconsciente d’avoir enfin eul’opportunité de faire montravail, j’ai aussi l’impres-sion d’être comme un men-diant qui fait l’aumône.Surtout, lorsque mes col-lègues masculins parlent deprendre leur journée pouraller faire un barbecue. Maisfinalement, le jour J, ils ontchoisi de se taire et de ren-voyer à plus tard toute dis-cussion.

Pour éviter que ce typed’attitudes m’empêched’être objective, j’ai optépour d’autres réalités et mesuis dirigée vers cetteétrange «amie» qu’est l’in-ternet [mot féminin en espa-gnol]. Une excellente alter-native pour découvrir desréalités inaccessibles pour

une jeune journalistecomme moi, qui vit dans unepetite ville d’un pays,l’Argentine, encore adoles-cent. Les informations sontarrivées à la pelle.

J’ai donc parlé de l’avor-tement, principale cause demortalité de femmes auChili ; du Nicaragua, où lesfemmes sont surtout consi-dérées comme des objetsde plaisir et où, lorsque lemari meurt, sa veuve est«partagée» comme toutesles «propriétés» du défunt.J’ai parlé des mauvais trai-tements physiques, des loisdiscriminatoires, de la pro-priété, du mariage et dudivorce, mais aussi du prixet de la dot des fiancées, dela violence domestique... J’aidécidé de diffuser ces infor-mations à la radio dans unstyle d’émission qui me res-semblait. Et j’ai pensé qu’àRío Tercero, nous n’étionsfinalement pas si mal.

Symbolique ou pas, ce8 mars n’a pas seulementété un jour de plus. C’était«notre» jour. Nous avonséchangé les fonctions : leshommes ont travaillé «pour

nous». Nous avons dirigél’information et avons dia-logué avec une audience quia manifesté son grand inté-rêt en nous appelant.

Quelles ont été les dif-férences ? Nous avonsremarqué que les informa-tions clé que nous avonspubliées ou diffusées étaientcelles que nos collèguesauraient traitées. Ce qui étaitdifférent, c’était notremanière de les aborder, lasensibilité, la musique, letempo. Nous avons eu lerôle que nous méritons. Etdans la vie quotidienne dema petite ville sans gratte-ciel, j’ai été une battante deplus pour les revendicationsde la femme. ●

Andrea Veronica Diaz,

journaliste de la radio

LV 26 de Río Tercero

(Argentine)

valeur à une idée. Il s’agitd’affronter tous les jourscette tradition patriarcaleque nous continuons quoti-diennement, hommes etfemmes, à alimenter avecdes attitudes inconscientes.

On ne se bat pas contrele collègue de travail avecqui on passe plus de temps,tous les jours, qu’avec sapropre famille. Mais on sebat contre une structureimposée qui crée des sté-réotypes et nous dit que,dans les médias, les femmessont des assistantes. Nousapportons des idées mais cesont les hommes, toujours,qui prennent la décisionfinale et la développent. Euxdevant, nous derrière. Unefemme pourra traiter lethème des spectacles,jamais de la politique.

SENSIBILITÉQui peut imaginer ce que

peut signifier le fait d’occu-per une place dans la pro-grammation seulement«parce qu’on a besoin d’une

tonalité de voix diffé-

rente» ? Devant ce type deréflexions, nous finissonspar nous battre non seule-ment contre «eux» maisaussi contre nous-mêmes,

Andrea Veronica Diaz, 26 ans, journaliste en Argentine.

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●●● Les directeurs des médias des paysindustrialisés ont-ils pensé que ce n’étaitpas nécessaire ? Ont-ils eu peur – du ridiculeou de la concurrence ? Ou bien ont-ils, toutsimplement, ignoré la proposition de lamême façon qu’ils passent sous silencequantité d’informations concernant lesfemmes ? Le fait est là : c’est dans les paysdu Sud que l’initiative lancée par l’UNESCO«Le 8 mars, les femmes font l’info» arencontré le plus large écho, surtout enAmérique latine et dans les pays arabes,ainsi que dans plusieurs pays d’Afrique,d’Europe de l’Est et d’Asie Centrale.Le 31 janvier dernier, le Directeur général del’UNESCO, Koïchiro Matsuura, appelait lesmédias du monde entier à confier leurrédaction en chef à des femmes journalistesle 8 mars, Journée internationale desfemmes, afin de répondre aux objectifsd’égalité des chances dans les médias, fixésà Beijing en 1995. Plus de 180 médias ont joué le jeu dans plusde cinquante pays, la Bolivie remportant lapalme avec la participation de quasimenttous les médias du pays, soit 30 titres depresse, 600 émissions de radio et 80 detélévision. La participation a également étéimportante en Tunisie et en Albanie. EnAfrique, (où l’ensemble des États ont décidéde faire du 25 février la Journée des femmesdans les médias africains), on comptaitL’Essor au Mali, le Soleil de Dakar auSénégal, la radio du Ghana ou TheNamibian. En Asie, la participation du Timesof India a apporté un soutien de poids avecses 1,6 million d’exemplaires dans septéditions. En Europe, les seuls grands médiasparticipants ont été la Radio suisse romande

et le quotidien Le Soir en Belgique, et auxÉtats-Unis la chaîne CBS.Alors, l’initiative de l’UNESCO était-elle ungadget, comme l’ont critiqué certains ?L’éditorial du vénérable The Age, enAustralie, qui pour la première fois en centquarante-six ans a propulsé des femmes à latête de sa rédaction, répond : «C’est un

geste symbolique et ses détracteurs l’onttraité d’alibi. Mais le plafond de verre existedans les médias comme dans d’autresprofessions. Bien que les femmesjournalistes soient de plus en plusnombreuses, les rédactrices en chef sontrares et les directrices quasimentinexistantes dans ce pays». L’opération a donc permis de constater cetterareté des femmes au sommet. Elle a aussidonné l’occasion de réfléchir au contenu del’information. La plupart des médiasparticipants ont choisi de traiter de sujets«féminins» (discriminations, inégalités,violences…) et, du coup, ont fait ressortir ladiscrétion habituelle des informations surces thèmes. Tous n’ont pas fait ce choix.Ainsi Pamela Bone, dans The Age,

expliquait : «[Notre participation] ne veut pasdire que le journal (…) ne contient que desinformations sur les femmes. Tous les sujetssont des sujets de femmes». Exprimant un sentiment largement répandu,Carroll Wilson, le rédacteur en chef habituelde Time Records News, au Texas (États-Unis), déclare : «Cela nous a semblé unebonne façon pour tous et toutes d’apprendrequelque chose – à la fois les uns sur lesautres et sur nos tâches respectives. (…)Demain, je lirai le journal comme n’importequel lecteur. Je me demande s’il y aura desdifférences. Et quelles seront cesdifférences…» Il sera possible de le savoir dans quelquetemps, explique Stella Hughes, initiatrice duprojet à l’UNESCO, mené par et avec lesecteur de la Communication, del’Information et de l’Informatique, car unquestionnaire a été envoyé aux médiasparticipants pour évaluer l’impact de cetteinitiative.Mais, au fond, le pouvoir féminincontinuerait-il de faire peur à certains ? Le9 mars, Clodovaldo Hernandez, réinstallédans son fauteuil de rédacteur en chef à ElUniversal (Venezuela), a ces mots curieux :«Cette journée, si elle avait eu lieu àl’époque de la libération des femmes, dansles années 70, aurait été traumatisante,mais hier fut un jour de bonne humeur et debonne entente», tandis que pour les femmesde sa rédaction, «il n’y a pas vraiment eu dedifférence avec un autre jour, sauf quetoutes les blagues étaient soit machistes,soit féministes».

Monique Perrot-Lanaud

Parce que les langues locales restent des outils essen-

tiels de communication, le projet Pericles veut développer celles que

l’on partage par-dessus les frontières.

COMMUNICATION

21N° 122 - avril 2000

PARLER LA LANGUE DU VOISIN

Près de 6 000 languessont parlées dans le

monde aujourd’hui. Etl’une d’elles «meurt» tousles mois. Pour empêcherce mouvement dramatique,valoriser les langues natio-nales et promouvoir ladiversité linguistique et

culturelle, l’UNESCO adécidé (lors de laConférence générale ennovembre dernier) de fairedu 21 février la Journéeinternationale de la languematernelle.

«Les langues consti-

tuent non seulement un

élément essentiel du patri-

moine culturel de l’huma-

nité, mais l’expression

irréductible de la créativi-

té humaine dans toute sa

diversité», a affirméKoïchiro Matsuura, Direc-teur général de l’UNESCO,lors de la cérémonie qui a

LE 8 MARS, LES FEMMES ONT FAIT L’INFO... SURTOUT AU SUD

marqué cet événement.«Elles révèlent la formi-

dable capacité de l’être

humain à créer les outils

de sa communication, de

sa perception et de sa

réflexion. Elles sont le

miroir de l’âme de la

société dans laquelle elles

Les femmes aux commandes :conférence de rédaction à la radio duGhana (GBC) le 8 mars 2000.

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22 avril 2000 - N° 122

sont nées mais reflètent

aussi l’histoire de leurs

contacts.» D’où l’impor-tance de sauvegarder leslangues. Cet objectif estprécisément celui que visele projet Pericles del’UNESCO, qui consiste àstimuler l’apprentissagedes langues du voisinparce qu’elles favorisentla communication, lacoopération et l’inté-gration.

Pericles est un«Programme expérimen-

tal pour relancer l’intérêt

de la jeunesse en faveur

des cultures et des langues

limitrophes à partir de

l’environnement naturel et

des sites patrimoniaux».Il devrait officiellement êtrelancé à la fin de l’année2000, à la veille de l’année2001 déclarée «Année euro-

péenne des langues».

L’ANGLAIS EN DERNIER

Son initiateur, JosephPoth, directeur de la divisiondes langues, désire «mettre

en valeur les langues de voi-

sinage dans les écoles. Et

changer le concept, qui pré-

vaut actuellement, d’une

langue dominante qui sup-

pose un peuple et une cul-

ture dominants, une idée

très raciste en somme, pour

le concept de ‘langue du voi-

sin’, axé non pas sur la hié-

rarchie linguistique, mais

sur les relations historiques,

économiques, géographi-

ques et culturelles entre les

peuples». Ce changement seconcrétiserait par la publi-cation de livres scolairesécrits dans les langues trans-frontalières et par la créa-tion de jeux d’équipe pourstimuler les enfants à com-muniquer dans les languesde leurs voisins et à s’enga-ger affectivement et physi-quement.

La zone choisie pour lapremière application du pro-jet expérimental de Pericles,qui durera deux ans, est larégion frontalière entre laFrance, la Belgique,l’Allemagne et le Lu-xembourg. L’idée est née à

cause de la pollution de laMoselle, une rivière quipasse en France, auLuxembourg puis enAllemagne : «pour résoudre

le problème, raconte JosephPoth, il fallait que les popu-

lations frontalières coopè-

rent. Les langues locales

permettent le mieux d’agir

sur un milieu, parce

qu’elles se sont forgées à son

contact. Une langue loin-

taine est un outil étranger

et inadéquat».Pericles s’appuie sur une

enquête menée auLuxembourg, qui a montréque sur 115 offres d’emploi,les langues demandéesétaient, dans l’ordre, leluxembourgeois, le françaiset l’allemand. L’anglais n’ap-paraissait, en dernière posi-tion, que lorsque quatrelangues étaient exigées.«Cela prouve que ce sont les

langues limitrophes qui

permettent la mobilité du

travail. Dans les zones fron-

talières, entre le Luxem-

bourg, la France et

l’Allemagne, par exemple,

les langues utilisées sont le

luxembourgeois, le français

et l’allemand. Le bilin-

guisme, luxembourgeois-

français représente 50 %

des emplois ! L’anglais est

nécessaire dans des orga-

nismes internationaux, le

réseau bancaire, dans les

pays de langue anglaise

(...) mais sur le marché

transfrontalier, 98 % de la

communication se fait avec

des commerçants, des

ouvriers, des artisans et des

entrepreneurs qui parlent

les langues locales».Outre Atlantique, la

situation est semblable.Ainsi, en Argentine, on s’in-tègrera plus facilement dansle marché en parlant l’espa-gnol et le portugais qu’uneautre langue internationale.

De même, en Haïti, on parlede préférence créole, fran-çais et espagnol. En Afrique,l’apprentissage des languesnationales a longtemps étérejeté par les parents qui nevoyaient pas l’intérêt pourleurs enfants d’étudier deslangues non sanctionnéespar un diplôme et qui setrouvaient, de ce fait, déva-lorisées. Mais ces «résis-

tances» ont disparu.D’autant qu’il a été démon-tré, selon Joseph Poth, que«lorsqu’on maîtrise bien sa

langue maternelle, on

apprend une langue étran-

gère avec beaucoup de faci-

lité et de sérénité». De plus,il est prouvé que les pre-miers apprentissages se fonten langue maternelle. Et que«si on saute cette étape pour

se lancer dans une langue

non-maternelle trop tôt,

l’enfant aura manqué une

étape. Il deviendra un élève

passif».On rétorquera que la

mondialisation et le déve-loppement des grandes mul-tinationales sont largement

identifiés à la langueanglaise. Certes, assure ledirecteur de la division deslangues, mais «les grandes

sociétés doivent, elles aussi,

apprendre les langues

locales. Si vous fabriquez

des voitures, mieux vaut

parler la langue de ceux qui

les conduisent. Les ven-

deurs doivent parler la

langue des acheteurs».Pour identifier les

langues maternelles qu’ilfaudrait enseigner dans leszones transfrontalières, enAfrique par exemple,l’UNESCO a proposé unesérie de critères tels que lenombre de locuteurs, lesparentés de cette langueavec d’autres langues voi-sines, l’abondance et la vali-dité des recherches linguis-tiques engagées, les facilitésd’enseignement de cettelangue, la qualité des outilsdidactiques existants danscette langue. Ces critères nesont pas obligatoires, car lesgouvernements ne les trou-vent pas toujours pertinentset peuvent en choisird’autres, plus politiques.

IDENTITÉConserver l’identité

d’une population en sauvantson héritage patrimonial lin-guistique, surtout s’il estmenacé, voilà l’un des objec-tifs principaux de Pericles.Après la mise en œuvre enEurope de l’Ouest, l’étapesuivante devrait êtrel’Europe Orientale, avec unprojet réunissant l’Ukraine,la Russie, la Moldavie, laRoumanie et la Pologne.Devraient suivre la Slovénie,l’Espagne, le Portugal. MaisPericles vise plus loin. Àterme, il souhaiterait pou-voir, grâce aux langues, sen-sibiliser les jeunes des zonestransfrontalières – desrégions souvent désertéesqui peuvent abriter des ter-rains réservés aux militaires– à la défense de l’environ-nement, à l’écologie et auxconstructions humaines quifont partie de leur mémoireet de leur histoire. ●

Cristina L’Homme

© S

IDN

EYH

AR

RIS

23N° 122 - avril 2000

EL NIÑO ET LES SECRETS DE L’OCÉANC

haque jour, près de 2 000ballons sondes lâchés

dans l’atmosphère fournis-sent les mesures nécessairespour prévoir le temps. Desinformations complémen-taires sont recueillies parsatellite et des mesureseffectuées lors de chaque

décollage ou atterrissaged’avions de lignes.

Mais ce réseau extraor-dinaire et complexe ne nousdit pas tout. Les océans sontlargement absents de l’équa-tion, ce qui est stupéfiantquand on sait le rôle majeurqu’ils jouent dans le climat.Le phénomène climatique«El Niño» en est un exemplefrappant. El Niño, c’est uneremontée d’eaux chaudesdu Pacifique occidental verscelles généralement plusfroides du Pacifique oriental,qui déclenche sécheresses,inondations et cyclones.

Dans El Niño : réalité et

fiction (Éditions UNESCO,1999), l’océanographe fran-çais Bruno Voituriez et soncompatriote Guy Jacques,écologiste du milieu marin,tentent de démystifier cet«événement océanique»dont le nom a été si étroite-ment associé aux calamités.En termes accessibles, ilsmontrent comment El Niño

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les

océans en général et El Niño en particulier.

n’est qu’une partie d’un phé-nomène climatique globaldont les effets sont divers,locaux et pas toujours néga-tifs. On apprend aussi à quelpoint l’activité humaine peutaggraver les choses : lors dela sécheresse en Indonésieen 1998 «deux millions

d’hectares de forêt n’au-

raient pas brûlé si l’anar-

chie la plus complète

n’avait pas régné dans l’in-

dustrie forestière», écriventles auteurs.

Le livre a été commandépar la Commission océano-graphique intergouverne-mentale de l’UNESCO (COI)pour faire prendreconscience des liens entrel’océan et l’atmosphère. «Si

nous comprenons mieux les

océans, explique PatricioBernal, secrétaire exécutifde la COI, nous pouvons

mieux informer les popu-

lations et les décideurs, qui

à leur tour sont mieux pré-

parés face à l’éventualité de

perturbations clima-

tiques.» Par exemple, lesocéanographes sont main-tenant capables de détecterla naissance d’un Niño.Durant le cycle 1997-1998,le Brésil, alerté à temps, a pus’assurer que les agricul-teurs plantaient dessemences résistant à lasécheresse. Du coup, ceux-ci n’ont perdu que 20 % deleurs récoltes, contre 80 %lors du précédent Niño.

Depuis plus de dix ans,la COI a mis au point, avecses partenaires d’autresagences des Nations Unies,un réseau semblable à celuiqui collecte des informa-tions sur l’atmosphère : leSystème d’observation glo-bale des océans (GOOS).Ainsi, 82 balises fixes derecueil de données ont été

disposées le long de l’Équa-teur. Toutefois, le plus grandespoir réside dans une petitebalise dérivante, baptiséeArgo, dont 600 ont déjà étédéployées sur les 3 000 pré-vues.

«Larguées par avion ou

par bateau, expliquePatricio Bernal, ces balises

sont programmées pour

descendre jusqu’à un maxi-

mum de 2000 mètres de

profondeur et refaire sur-

face régulièrement pour

transmettre, via satellite,

des données sur la tempé-

rature, la pression et la

salinité de l’eau. Leur durée

de vie d’environ deux ans,

qui permet 200 relevés,

devrait bientôt être allongée

à quatre. Au prix de 8 000

dollars chacune (environ

54 000 FF), elles sont plus

rentables à long terme

qu’un ballon sonde qui

coûte 200 dollars pièce

(1 300 FF) mais ne peut

être utilisé qu’une fois.»En dépit des avantages

évidents d’un tel systèmed’observation et de lademande croissante de pré-visions climatiques plus pré-cises, les soutiens politiqueset financiers continuent demanquer, notamment parceque, selon Patricio Bernal, iln’y a pas de «communauté

océanique» : «Pour les con-

tinents, de puissants grou-

pes de pression ont su faire

de la protection de l’envi-

ronnement un véritable

enjeu politique. Il faut faire

la même chose pour les

océans.» El Niño : réalité

et fiction est un petit pasdans cette direction. ●

Sue Williams

ENVIRONNEMENT

La balise Argo, une merveille technologique.

© D

R

calendrier de l’UNESCO

Dans le prochain numéro :

UNE PRESSE LIBRE

GUERRESET PATRIMOINE

Du 22 au 26 mai LES PETITS ENFANTS À L’ÉCOLEAu Siège, le Groupe consultatif sur l’éducation pour la petite enfance réajuste ses objectifs après la Conférence sur l’Éducation pour Tous à Dakar.

Du 26 au 31 mai PATRIMOINE AFRICAINSur le site des ruines du Grand Zimbabwe, une réunion d’experts pour l’Afrique débat des critères d’authenticité et d’intégrité nécessaires pour l’inscription desites au Patrimoine mondial.

Du 26 au 31 mai TOURISME DURABLE SUR LES CÔTESDans la réserve de biosphère de Puerto Galera aux Philippines, le réseau MAB (l’Homme et la biosphère) et l’Unité pour les zones côtières et les petites îles organisent un séminaire sur le tourisme durable sur les côtes d’Asie de l’Est et du Sud.

Du 28 au 31 mai RADIOS ET TÉLÉVISIONS D’AFRIQUEÀ Rabat (Maroc), les pays africains réfléchissent sur leurs systèmes de radiotélévision, lors d’une conférence organisée par le Conseil mondial de la radiotélévision et soutenue par l’UNESCO.

Du 29 au 31 mai BIENS CONFISQUÉSL’UNESCO réunit, au Siège, des experts en vue de préparer une recommandation sur la restitution des biens culturels spoliés pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Du 14 au 16 juin MÉTÉO MARINEAu Siège se réunit la nouvelle commission sur l’océanographie et la météorologie marine, créée par la Commission océanographique intergouvernementale et l’Organisationmétéorologique mondiale.

Corrigendum TRÉSORS DES MERSLa réunion de préparation de la Convention sur le patrimoine subaquatiqueaura lieu du 3 au 7 juillet, et non du 17 au 21 avril, comme annoncé dans notre précédent numéro.