santé publiquedossier en 19 dossier juin 1997 la fnors en 1997, et qui propose un premier bilan des...

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Dossier actualité et dossier en santé publique 19 juin 1997 Sommaire II Un bilan contrasté II La santé observée : un premier bilan VI Disparités départementales de la mortalité prématurée X La santé dans le Nord–Pas-de-Calais XII Santé, société, inégalités géographiques en France XVI Les indicateurs de santé en milieux urbains et zones rurales aujourd’hui XVIII Climat et santé XXI De l’observation à la décision XXI La régulation régionale du système de santé XXIII Politiques régionales et systèmes d’information XXVI Les petits hôpitaux et les enjeux de restructuration XXVIII Les inégalités de santé en Grande-Bretagne et en France XXXI Tribune XL Bibliographie Adresses utiles Géographie de la santé L À l’origine, la géographie de la santé s’est dé- veloppée dans deux directions. D’une part la géographie des maladies qui étudie les inéga- lités géographiques de répartition, d’incidence et de prévalence des maladies ainsi que les fac- teurs de risque associés. Cette branche est très proche par ses méthodes de l’épidémiologie et s’est longtemps attachée à l’étude de la morta- lité en raison des données disponibles avec les registres d’état-civil. D’autre part, la géographie des soins médicaux qui est l’étude de la répar- tition dans l’espace des équipements et person- nels médicaux, des inégalités spatiales d’accès aux soins et de consommation médicale. La synthèse de ces deux courants forme la géogra- phie de la santé, qui cherche les spécificités de l’espace en rapprochant les indicateurs de santé, l’utilisation et la disponibilité des soins, le contexte social et économique, l’environnement physique et climatique afin de caractériser ou de comparer des espaces ou zones géographi- ques. De l’observation des inégalités à la décision, telle nées géographiques dans les rapports du Haut Comité de la santé publique, comme la création d’institutions régionales, fournissent un contexte favorable à la publication de ce dossier sur la géographie de la santé. Qu’est ce que la géographie de la santé ? C’est « l’analyse spatiale des disparités de santé des populations, de leurs comportements sanitaires et des facteurs de l’environnement (physique, biologique, social, économique, culturel) qui concourent à expliquer ces inégalités » (H. Picheral 1984). Ainsi exprimée, la géogra- phie de la santé se rattache très clairement à la géographie sociale, car l’un des objectifs est d’évaluer la justice sociale dans son aspect spa- tial : la justice territoriale. La démarche géogra- phique a été bien résumée par Fernand Brau- del « D’abord décrire, voir, faire voir… et dans la mesure du possible, expliquer le divers » (L’identité de la France, Espace et Histoire) a publication du rapport de la Fnors sur « la santé observée dans les régions de France », la large place faite aux don-

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  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page I

    Dossieractualité et

    dossier en

    santé publique

    19juin 1997

    SommaireII Un bilan

    contrastéII La santé observée :

    un premier bilanVI Disparités départementales

    de la mortalité prématuréeX La santé dans

    le Nord–Pas-de-CalaisXII Santé, société,

    inégalités géographiquesen France

    XVI Les indicateurs de santéen milieux urbains et zonesrurales aujourd’hui

    XVIII Climat et santé

    XXI De l’observationà la décision

    XXI La régulation régionale dusystème de santé

    XXIII Politiques régionales etsystèmes d’information

    XXVI Les petits hôpitaux et lesenjeux de restructuration

    XXVIII Les inégalités de santé enGrande-Bretagne et enFrance

    XXXI Tribune

    XL BibliographieAdresses utiles

    Géographie de la santé

    LÀ l’origine, la géographie de la santé s’est dé-veloppée dans deux directions. D’une part lagéographie des maladies qui étudie les inéga-lités géographiques de répartition, d’incidenceet de prévalence des maladies ainsi que les fac-teurs de risque associés. Cette branche est trèsproche par ses méthodes de l’épidémiologie ets’est longtemps attachée à l’étude de la morta-lité en raison des données disponibles avec lesregistres d’état-civil. D’autre part, la géographiedes soins médicaux qui est l’étude de la répar-tition dans l’espace des équipements et person-nels médicaux, des inégalités spatiales d’accèsaux soins et de consommation médicale. Lasynthèse de ces deux courants forme la géogra-phie de la santé, qui cherche les spécificités del’espace en rapprochant les indicateurs desanté, l’utilisation et la disponibilité des soins, lecontexte social et économique, l’environnementphysique et climatique afin de caractériser oude comparer des espaces ou zones géographi-ques.De l’observation des inégalités à la décision, telle

    nées géographiques dans les rapports du HautComité de la santé publique, comme la créationd’institutions régionales, fournissent un contextefavorable à la publication de ce dossier sur lagéographie de la santé.Qu’est ce que la géographie de la santé ? C’est« l’analyse spatiale des disparités de santé despopulations, de leurs comportements sanitaireset des facteurs de l’environnement (physique,biologique, social, économique, culturel) quiconcourent à expliquer ces inégalités »(H. Picheral 1984). Ainsi exprimée, la géogra-phie de la santé se rattache très clairement à lagéographie sociale, car l’un des objectifs estd’évaluer la justice sociale dans son aspect spa-tial : la justice territoriale. La démarche géogra-phique a été bien résumée par Fernand Brau-del « D’abord décrire, voir, faire voir… et dansla mesure du possible, expliquer le divers »(L’identité de la France, Espace et Histoire)

    a publication du rapport de la Fnors sur« la santé observée dans les régions deFrance », la large place faite aux don-

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page II

    Un bilancontrasté

    La santé observée dans

    les régions de France :

    un premier bilan

    Un vaste travail a été mené par les 26 observatoi-res régionaux de la santé (ORS) de France mé-tropolitaine et d’outre-mer, visant à produire danschaque région un tableau de bord sur la santé, quifut partout publié en 1994 ou 1995. Ces docu-ments, élaborés selon une méthode commune, ras-semblent un très grand nombre d’indicateurs desanté, ce qui a tout naturellement conduit les ORSet leur fédération nationale (Fnors) à entrepren-dre des comparaisons entre régions.

    C’est ainsi qu’est née « La santé observéedans les régions de France », synthèse nationaledes 26 tableaux de bord régionaux, publiée parla Fnors en 1997, et qui propose un premierbilan des disparités régionales de santé.

    Cette synthèse traite non seulement de nom-breux aspects de l’état de santé de la popula-tion, mais aussi de certaines caractéristiques du

    Le paysage sanitaire français est très

    contrasté, tant en ce qui concerne l’état

    de santé des populations que le

    dispositif d’offre de soins. La diversité

    de ces situations s’explique par

    l’intervention simultanée de plusieurs

    facteurs : caractéristiques socio-

    démographiques, comportements,

    environnement physique…

    est la ligne directrice qui a guidé ce dossier. Unepremière partie s’attache à dresser un état deslieux et permet de présenter la démarche géo-graphique de façon concrète, avec un zoom surune région (le Nord–Pas-de-Calais) et sur lesinégalités urbain/rural. La question de l’échelled’analyse est en effet centrale et l’observationne peut pas se limiter au traditionnel découpageadministratif des régions et des départements.Le géographe doit changer d’échelle en fonc-tion du problème posé, comme un photographechange d’objectif. Ce premier volet aborde en-fin un aspect de la relation entre santé et envi-ronnement avec une contribution concernant leclimat et la santé.La deuxième partie du présent dossier montrel’implication de la géographie dans les décisionslocales. Planification régionale, schémas régio-naux d’organisation sanitaire et sociale, ferme-ture de petits hôpitaux : le paysage local changedans ce domaine, et doit encore changer avecles réformes en cours. Le rôle de la géographiede la santé, et de la recherche en général estd’apporter sur ces sujets un éclairage objectifqui puisse aider les décisions. Enfin quelquestribunes apportent des réflexions complémen-taires avec les points de vue de géographesétrangers, ce qui permet de sortir d’un cadretrop hexagonal.Beaucoup de domaines sont abordés ici, maisil n’est évidemment pas possible de couvrir l’en-semble des travaux et développements d’unediscipline très riche. Nous n’avons pas voulu nonplus insister sur les méthodes qui se sont per-fectionnées tant sur le plan quantitatif (statisti-que) que cartographique, et qui sont promisesà un bel avenir avec la constitution de bases dedonnées exhaustives par les principales admi-nistrations. On peut simplement avant de con-clure parler des systèmes d’information géogra-phique (SIG) qui devraient bouleverser lestechniques géographiques, comme cela a étéle cas pour l’urbanisme ou même le marketing.La géographie de la santé a une vocation pluri-disciplinaire, et apporte sa contribution aveccelles des économistes, épidémiologistes, so-ciologues pour observer et analyser le systèmede santé, et arriver finalement à connaître la so-ciété par l’espace.

    François Tonnellier

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page III

    rée montrent le même phénomène Nord-Sud,traduisant ainsi que la mortalité élevée dans lapartie nord du pays est en large partie due à desdécès avant 65 ans, dont une partie est évitable,grâce à une modification des comportements ouà une meilleure prise en charge du système desoins (voir l’article sur la mortalité prématuréeet les cartes page VII).

    Le schéma général observé de plus fortemortalité au Nord qu’au Sud résulte de plu-sieurs causes de décès qui suivent ce modèle.Cependant, d’autres causes de décès ou d’autressituations à risque s’éloignent de ce schéma, etdes disparités complètement différentes appa-raissent très nettement.

    Si les maladies cardio-vasculaires, dans leurensemble, suivent le schéma général, des diver-gences s’observent entre les cardiopathiesischémiques (infarctus pour la plupart) et lesmaladies cérébro-vasculaires. Les premièresfont apparaître une opposition Nord-Sud (sur-mortalité de 27 % chez les hommes du Nord–Pas-de-Calais et sous-mortalité de 14 % chezceux de Midi-Pyrénées) ; mais les secondes secaractérisent par un quart sud-ouest du paysplus touché, la surmortalité maximale restant néan-moins toujours le fait du Nord–Pas-de-Calais.

    Les départements d’outre-mer sont beaucoupmoins touchés par les cardiopathies ischémi-ques (ils sont tous en sous-mortalité nette, saufla Réunion) que par les maladies cérébro-vas-culaires pour lesquelles la sur-mortalité dépassetrès largement celle du Nord–Pas-de-Calais.

    contexte démographique et socio-économiqueainsi que des principales caractéristiques del’offre de soins.

    Ici même, l’accent sera davantage mis surquelques exemples concernant les disparités enmatière d’état de santé, pathologies les plus fré-quentes ou facteurs de risque les plus importants,mais un bref rappel sera fait des disparités lesplus marquées en matière d’offre de soins.

    Un schéma général connu pour lamortalité, mais avec des différencespour certaines causes

    Ce sont les données de mortalité qui sont le plussouvent utilisées pour rendre compte des dis-parités régionales de santé, faute de données surla morbidité utilisables actuellement de façonidentique et homogène dans toutes les régions.

    Les résultats présentés ici sont faits en ter-mes d’indices comparatifs de mortalité (ICM).

    Le phénomène le plus connu en matière degéographie de la mortalité, et qui ressort trèsfortement au travers du rapport de la Fnors, estancien mais perdure : surmortalité dans les ré-gions du Nord de la France et sous-mortalitédans le Sud, aussi bien chez les hommes quechez les femmes.

    Ainsi, toutes causes de décès confondues, onobserve par exemple que le Nord–Pas-de-Ca-lais a une mortalité masculine supérieure de25 % à la moyenne nationale de France métro-politaine, alors qu’à l’opposé la région Midi-Pyrénées présente une sous-mortalité de 11 %.Il faut cependant ajouter que deux départementsd’outre-mer, la Guyane et la Réunion, présen-tent une surmortalité supérieure à celle duNord–Pas-de-Calais.

    La mortalité générale est de plus en plus lereflet de la mortalité aux grands âges puisque lamoitié des décès surviennent après 80 ans. C’estpourquoi, on utilise souvent la notion de « mor-talité prématurée », qui ne prend en compte queles décès survenant entre 1 et 64 ans. En effet,hormis les décès avant un an, liés à des causesbien spécifiques, les décès entre 1 et 64 ans peu-vent être considérés comme prématurés puisquel’espérance de vie (à la naissance) atteint 74 anschez les hommes et 82 ans chez les femmes en1995. Les décès prématurés s’élèvent, en France,à environ 120 000 par an pendant la période1988-1990, soit 23 % des décès.

    Les cartes régionales de mortalité prématu-

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    ICM significativementsupérieur à 100

    ICM non significativementdifférent de 100

    ICM significativementinférieur à 100

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    Sous-mortalité Surmortalité

    Mortalité générale

    Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100)

    Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page IV

    Indices comparatifs de mortalité

    Les indices comparatifs de mortalité (ICM) permettentde comparer la situation des régions en éliminant leseffets dus aux différences de la structure par âge despopulations. L’ICM est le rapport, en pourcentage, dunombre de décès observés au nombre de décèsattendus si les taux de mortalité pour chaque tranched’âge avaient été identiques, dans chaque région, auxtaux nationaux. La base est 100 en France pour leshommes et 100 pour les femmes. Un ICM égal à 100correspond à une mortalité globalement équivalente àcelle de la France. Une valeur inférieure traduit unesous-mortalité et une valeur supérieure une surmortalité,sous réserve des tests de significativité. Les ICM deshommes et des femmes ne peuvent pas être comparésles uns aux autres.

    Les tumeurs, toutes localisations confon-dues, suivent également le schéma généralNord-Sud. Ces pathologies, ainsi que les fac-teurs de risque associés (alcool, tabac) sontabordés dans l’article d’Éric Jougla qui étudieles données au niveau départemental.

    D’autres causes de décès ne suivent pas larépartition définie par une surmortalité au Nordet une sous-mortalité au Sud.

    Un exemple frappant en est les décès par ac-cident de la circulation. En effet, les régionsNord–Pas-de-Calais et Île-de-France sont trèsépargnées dans ce domaine, avec une sous-mor-talité de –40 % par rapport à la moyenne na-tionale, suivies des régions Alsace et Lorraine(–10 %). En revanche, le Centre et la Bourgo-gne, ainsi que les régions du Sud sont en sur-mortalité (+ 10 à + 30 %). La densité urbaine,qui ralentit la circulation, explique une grandepart de la sous-mortalité. Une autre hypothèseest avancée pour expliquer la situation duNord–Pas-de-Calais : le contexte national quientraîne un moindre équipement des habitantsen automobiles ou deux-roues et un moindrenombre de kilomètres parcourus par véhiculeet par jour.

    Les départements d’outre-mer présententune surmortalité par accident de la circulation,à l’exception de la Martinique, en nette sous-mortalité.

    Le sida se caractérise également par une ré-partition géographique différente, aussi bien ence qui concerne le nombre de cas diagnostiqués

    qu’en terme de mortalité : deux régions, Île-de-France et Provence–Alpes–Côte-d’Azur, sontde très loin les plus touchées, alors que les ré-gions de la moitié nord sont plus épargnées, etnotamment le Nord–Pas-de-Calais.

    Il faut souligner le cas, parmi les départe-ments d’outre-mer, de la Guyane très touchéepar l’épidémie : le nombre de cas par milliond’habitants est 2,6 fois plus élevé que celuid’Île-de-France. De même, en Guadeloupe etMartinique, le taux atteint celui des régionsmétropolitaine les plus touchées.

    Un bilancontrasté

    Cardiopathies ischémiques (infarctus)

    Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100)

    Maladies cérébro-vasculaires

    Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100)

    Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors

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    Sous-mortalité Surmortalité

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page V

    Pour l’offre de soins : des disparitésdifférentes selon les typesd’équipements

    En matière d’offre de soins, les disparités géo-graphiques observées varient beaucoup selonles types d’équipements, comme l’illustrent lesquelques exemples ci-après.

    Dans le domaine strictement hospitalier, sixrégions (Provence–Alpes–Côte-d’Azur, Corse,Alsace, Lorraine, Île-de-France, Limousin) sontplus équipées que les autres en lits d’hospitali-sation de courte durée (médecine, chirurgie, gy-nécologie-obstétrique). Pour les soins de suite(rééducation, convalescence), ce sont d’autresrégions qui offrent un équipement en lits plusélevé : le quart sud-ouest de la France, la Bre-tagne et la Franche-Comté.

    Pour la médecine libérale, on connaît la ré-partition « centenaire » : fortes densités au Sud,faibles densités au Nord (exception faite del’Île-de-France), aussi bien pour les médecinsgénéralistes que spécialistes. Ainsi, par exem-ple, les écarts vont du simple au triple pour lesspécialistes libéraux : 46 en Picardie contre 136en Provence–Alpes–Côte-d’Azur. Les densitésdans les départements d’outre-mer sont faibles,souvent inférieures aux plus basses densités demétropole.

    Cette situation déséquilibrée se trouve ren-forcée par celle de tous les autres profession-nels de santé libéraux dont la répartition géo-

    graphique va dans le même sens, que ce soit lesinfirmiers, les kinésithérapeutes, les chirur-giens-dentistes, les orthophonistes ou les phar-maciens.

    Dans le domaine social et médico-social,d’autres phénomènes apparaissent. Ainsi, lesstructures d’hébergement collectif pour person-nes âgées sont concentrées dans le Nord-Ouestet en Alsace, alors que tout le Sud-Est est net-tement moins équipé.

    Outre-mer, les taux d’équipement sont beau-coup plus faibles (sauf en Guyane) en raisond’une tradition de solidarité encore très présenteet un maintien à domicile, dans la famille, debeaucoup de personnes âgées.

    La situation est très différente en ce qui con-cerne les structures d’accueil pour personneshandicapés enfants et adultes. Certaines régionsdisposent d’une capacité relativement impor-tante d’équipements spécialisés dans l’accueildes jeunes handicapés (établissement d’éduca-tion spéciale ou services à domicile) : 10 pla-ces ou plus (pour 1 000 jeunes de moins de 20ans) en Midi-Pyrénées et dans le Limousin,contre 5 places dans les régions les moins équi-pées (Île-de-France et Corse).

    La répartition des structures d’accueil pourles adultes handicapés présente une certaineanalogie. La carte des centres d’aide par letravail fait apparaître des taux d’équipementmaximum dans le Limousin et en Haute-Nor-mandie (400 places pour 100 000 personnes de20-59 ans), et des minimums en Île-de-France

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    Hommes Femmes

    ICM significativementsupérieur à 100

    ICM non significativementdifférent de 100

    ICM significativementinférieur à 100

    Sous-mortalité Surmortalité

    Accidents de la circulation

    Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100)

    115

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    104

    107115

    124

    98103

    124

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    117

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    6168

    84

    DOM

    Francemétropoli-taine : 115

    Nombre de médecins pour 100 000 habitants

    130 et plus100 à 129Moins de 100

    Médecins libéraux généralistes

    Au 1er janvier 1995

    216262

    284212

    403

    1301

    846

    299251

    162

    260257

    289 231

    278

    1831

    264

    333319

    654

    711578

    Francemétropoli-taine : 695

    Nombre de cas par million d’habitants

    4798

    10371828

    273

    DOM

    500 et plus265 à 499Moins de 265

    Cas de sida diagnostiqués

    Jusqu'au 31 décembre 1995

    Sources : Inserm, Insee. Exploitation : FnorsSources : RNSP (données 1994 et 1995 redressées), Insee.Exploitation : Fnors

    Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page VI

    et Corse. La situation est semblable pour lesstructures d’accueil destinées aux adultes lour-dement handicapés.

    Vers des analyses infra-régionales ettransversales

    L’hétérogénéité des disparités géographiquesen matière d’état de santé et d’offre de soinsne permet pas de tracer des relations simplesentre les phénomènes observés. De nombreuxfacteurs interviennent dans l’explication decette diversité de situations : histoire locale,environnement physique, comportements tra-ditionnels ou nouveaux, caractéristiques socio-démographiques…

    La poursuite des travaux passe par deux ty-pes de développements : d’une part des analy-ses reposant sur des découpages géographiquesinfra-régionaux permettant d’éviter les décou-pages prédéfinis, arbitraires en termes d’indi-cateurs sanitaires et sociaux comme dansd’autres secteurs, et, d’autre part, des analysestransversales permettant de faire ressortir lesindicateurs les plus discriminants. Ces différen-tes orientations devraient permettre d’affiner laconnaissance de l’état de santé des populationsrégionales pour mieux adapter les politiques desanté aux besoins locaux, à l’heure où la régiondevient l’unité géographique de référence pourles décisions en matière de santé.

    Danièle Fontaine et le réseau des ORS

    Un bilancontrasté

    Disparités

    départementales de la

    mortalité prématurée

    en France (1992-1994)

    Différentes études ont mis en évidence des dis-parités importantes dans la répartition géogra-phique des risques de décès en France. Cesanalyses portent le plus souvent sur les écartsobservés au niveau régional. Pour illustrer surune période récente les caractéristiques de ladistribution des causes de décès en France, nousprésentons dans cet article des cartes de mor-talité départementales concernant un certainnombre de pathologies importantes. Cette étudeest menée en terme de risques de décès « pré-maturés » (taux de décès avant 65 ans), indica-teurs très opérationnels en terme de santé pu-blique. Les comparaisons avec les pays voisinsmettent en évidence un net retard de la Franceen ce qui concerne le niveau général de cettemortalité prématurée. Les disparités géographi-ques sont présentées à sexe séparé car la distri-bution peut varier sensiblement pour un mêmetype de pathologies. Ont été sélectionnées desaffections particulièrement sensibles en termede santé publique (affections évitables soit pardes mesures de prévention, soit par l’amélio-

    • E. Michel, A. Le Toullec,E. Jougla, F. Hatton. Les

    disparités régionales de lamortalité en France en 1990.

    Solidarité santé, 1993 ; 1.• Fnors. La santé observée dans

    les régions de France. 1997.• La santé en France. Haut

    Comité de la santé publique, 1994.

    • La santé en France 96. HautComité de la santé publique,

    1997.

    E. Jougla, A. Le ToullecCauses de la surmortalité

    prématurée enFrance. Comparaison avec la

    situation en Angleterre-Paysde Galles. Actualité et

    dossier en santé publique,1996 ; 17 : 19-24.

    81

    5967

    55

    8162

    6765

    68

    58

    128

    64

    466355

    60

    59

    90

    136106

    100104

    69

    4140

    42

    DOM

    Francemétropoli-taine : 87

    Nombre de médecins pour 100 000 habitants

    100 et plus75 à 99Moins de 75

    185203

    229 147

    186

    12167

    214174

    164

    196

    183

    241 184

    165

    144

    173163

    143

    129161

    147

    164

    7645

    72

    DOM

    Francemétropoli-taine : 167

    Nombre de places pour 1000 personnes de 75 ans ou plus

    187 et plus148 à 186Moins de 148

    Hébergement collectif pour personnes âgées

    Au 31 décembre 1992

    Enfants handicapés en établissements ou

    suivis à domicile (En 1993)

    Médecins libéraux spécialistes

    Au 1er janvier 1995

    Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors

    1,4

    9,80,3

    4,9

    DOM8,4

    9,07,6

    8,37,4 9,9

    7,69,110,0

    9,3

    9,812,9 7,8 6,5

    5,1

    9,67,8

    8,7

    7,7

    7,8

    8,3

    5,3

    Francemétropoli-taine : 7,8

    Nombre de jeunes en établissements ou suivis à domicilepour 1000 jeunes de moins de 20 ans

    8,9 et plus6,8 à 8,8Moins de 6,8

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page VII

    ration du système de soins) : alcoolisme (psy-choses alcooliques et cirrhoses), cancers desvoies aérodigestives supérieures (cancers deslèvres, de la cavité buccale, du pharynx, du la-rynx et de l’oesophage), cancer du poumon,cardiopathies ischémiques, maladies cérébro-vasculaires, accidents de la circulation, sida etsuicide.

    Les données sont basées sur la statistiquenationale des causes de décès élaborée annuel-lement par le SC8 de l’Inserm. Les taux de dé-cès par département (domicile du décédé) ontété calculés sur la base des populations moyen-nes annuelles départementales obtenues parl’Insee. Pour disposer d’effectifs de décès suf-fisants, trois années ont été regroupées (1992,1993, 1994). Pour prendre en compte les diffé-rences de structure d’âge par département,l’analyse est basée sur des taux de décès com-paratifs (taux standardisés selon la structured’âge type de la France entière en 1990). Lesdépartements ont été classés selon cinq grou-pes en fonction de l’écart de leurs taux compa-ratifs avec celui de la moyenne de la Franceentière (taux supérieur de plus de 20 %, supé-rieur de +10 à +20 %, entre +10 % et –10 %,inférieur de –10 à –20 %, inférieur à –20 %).

    L’alcool : un déterminant important

    La carte des disparités de mortalité prématuréetoutes causes indique que les départements de

    forte mortalité se situent dans la moitié nord dupays. Quel que soit le sexe, deux départementsressortent avec des taux particulièrement éle-vés : le Pas-de-Calais et le Nord auxquelss’ajoutent pour les hommes le Finistère et pourles femmes la Corse du Sud.

    Un des déterminants importants des dispa-rités géographiques du niveau général de lamortalité en France est la consommation d’al-cool. Malgré une tendance à la diminution dansle temps, les taux de décès liés directement àl’alcoolisme (psychoses alcooliques et cirrho-ses du foie) restent particulièrement élevés.C’est pour ce type de pathologies que la cou-pure du pays en deux moitiés est la plus nette.Ressortent avec des risques de décès extrême-ment élevés pour les hommes l’ensemble desdépartements du nord de la France et de la Bre-tagne (Pas-de-Calais, Nord, Finistère, Morbi-han en particulier). Chez les femmes, les tauxsont nettement moins élevés mais ce sont ànouveau le Pas-de Calais et le Nord qui ressor-tent (suivis de l’Aisne et des Côtes d’Armor).

    La carte de la répartition géographique descancers des voies aérodigestives supérieuresmet en évidence chez les hommes une forte cor-rélation avec la distribution de l’alcoolisme.Malgré une diminution avec le temps, les tauxrestent très importants chez les hommes. Leszones les plus touchées sont le Nord et la Bre-tagne avec des taux particulièrement élevésdans le Pas-de-Calais et le Nord. Pour les fem-mes, la distribution géographique est sensible-

    > 20 %10 % à 20 %–10 % à 10 %–20 % à –10 %< –20 %

    Hommes Femmes

    Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

    Centres d'aide par le travail pour

    adultes handicapés (au 31 décembre 1993)

    Mortalité prématurée générale

    Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994

    237

    289315

    262262 318

    262322400

    292

    296308 324 198

    160

    398223

    278

    336

    318

    246

    140

    50

    8053

    79

    DOM

    Francemétropoli-taine : 254

    Nombre de présents pour 100 000 personnes de 20-59 ans

    8,9 et plus6,8 à 8,8Moins de 6,8

    Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Inserm

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page VIII

    ment différente : au département du Nord leplus exposé, s’ajoutent la Moselle mais égale-ment certains départements de la région pari-sienne (Seine–Saint-Denis) ainsi que le Terri-toire de Belfort.

    La mortalité prématurée par cancer du pou-mon est également particulièrement élevée enFrance. De plus, l’évolution par rapport àd’autres pays voisins n’est pas favorable et onobserve actuellement une forte augmentation dece type de cancer chez la femme. Pour le sexemasculin, les zones les plus touchées sont l’en-semble des départements du nord (Nord et Pas-de-Calais) et du nord-est (Meurthe-et-Moselle,Vosges, Ardennes, Moselle, Haute-Marne,Marne) auxquelles s’ajoute le Finistère. Pourles femmes la distribution diffère : les dépar-tements les plus atteints sont la Corse du Sud,les Alpes-de-Haute-Provence, Paris et la Meur-the-et-Moselle.

    Les causes de mortalité prématurée concer-nant l’appareil circulatoire (cardiopathiesischémiques, maladies cérébro-vasculaires)ainsi que les accidents de la circulation sontabordés dans l’article de la Fnors sur la santéobservée dans les régions françaises. On peutjuste souligner que pour l’appareil circulatoire,la situation de la France est privilégiée et lesrisques en diminution constante.

    La mortalité par sida particulièrement éle-vée en France a une répartition extrêmementspécifique avec quatre régions essentiellementatteintes : l’Île-de-France, Paca, Rhône-Alpes

    et Aquitaine. Les départements les plus touchéssont, pour les hommes, Paris et les Alpes-Ma-ritimes et pour les femmes, les Alpes-Mariti-mes, la Seine–Saint-Denis et Paris.

    Les disparités géographiques concernant lesuicide doivent être considérées avec prudencedu fait du manque d’information provenant desinstituts médico-légaux dans certaines régions, enparticulier, la région parisienne, l’Alsace et Midi-Pyrénées (c’est pourquoi les cartes ne figurentpas). À partir des données existantes, on peutcependant confirmer certaines tendances : tauxde suicide élevé en France, tendance actuelle àl’augmentation chez les jeunes (après une di-minution à la fin des années quatre-vingt-dix),taux particulièrement élevés dans les régions dunord-ouest. Les départements les plus touchéssont chez les hommes : le Finistère, le Morbi-han, les Côtes d’Armor et chez les femmes lesCôtes d’Armor, les Hautes-Alpes et la Sarthe.

    L’importance du recensement desinformations

    Le but de cet article est essentiellement descrip-tif et permet de mettre à disposition certainesinformations concernant la distribution géogra-phique des risques de décès prématurés pourdes pathologies importantes. La fiabilité descomparaisons géographiques effectuées dépendde l’homogénéité et de la qualité des pratiquesde certification et de codification des causes

    > 20 %10 % à 20 %–10 % à 10 %–20 % à –10 %< –20 %

    Hommes Femmes

    Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

    Un bilancontrasté

    Mortalité prématurée due à l’alcoolisme

    Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994

    Mortalité prématurée due au cancer du poumon

    Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994

    > 20 %10 % à 20 %–10 % à 10 %–20 % à –10 %< –20 %

    Hommes Femmes

    Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

    Sources : Inserm Sources : Inserm

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page IX

    médicales de décès entre zones. L’homogénéitéde la certification est difficile à évaluer préci-sément (expériences de certifications multiplesde cas cliniques types qui restent très « théori-ques »). L’amélioration de la qualité de la cer-tification repose surtout sur les pratiques ré-gulières de demandes de renseignementscomplémentaires en cas de certification problé-matique ainsi que sur les efforts d’informationsmenés auprès des médecins sur l’importance,d’un point de vue épidémiologique, de la qua-lité de leurs déclarations. Notons que le supportde cette certification est uniforme en France(certificat de décès conforme aux recomman-dations internationales). Les biais les plus im-portants résident sans doute dans le niveau deconnaissances des morts violentes dans certai-nes régions en raison du manque de donnéesobtenues des instituts médico-légaux (commenous l’avons indiqué pour le suicide). Les dif-férences géographiques concernant la codifica-tion peuvent être considérées comme négli-geables dans la mesure où le processus decodification est centralisé en France.

    L’analyse des déterminants des disparitésgéographiques n’est pas simple. Une premièreapproche descriptive apporte un certain nom-bre d’informations (par exemple, forte corré-lation entre distribution de l’alcoolisme et mor-talité générale). Mais les déterminants possiblessont nombreux : pratiques de santé (alcoolisme,tabagisme, nutrition, exercice physique…),fonctionnement et modalité de recours au sys-

    > 20 %10 % à 20 %–10 % à 10 %–20 % à –10 %< –20 %

    Hommes Femmes

    Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

    > 20 %10 % à 20 %–10 % à 10 %–20 % à –10 %< –20 %

    Hommes Femmes

    Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

    • E. Jougla, P. Ducimetière,M.-H. Bouvier-Colle,

    F. Hatton. Relation entre leniveau de développement dusystème de soins et le niveaude la mortalité évitable selon

    les départements français.Rev Epidémiol Santé Publ

    1987 ; 35 : 365-377.• J.-P. Mackenbach,M.-H. Bouvier-Colle,E. Jougla. Avoidable

    mortality and health services.A review of aggregate datastudies. J. Epidémiol. Com.Health 1990 ; 44 : 106-111.

    S. Rican. La localisation deproblèmes sanitaires,

    quelques réflexions à partirde l’étude des taux de

    mortalité par tumeurs desvoies respiratoires

    (à paraître)

    tème de soins, caractéristiques socio-démogra-phiques des populations, environnement, géné-tique… Ces déterminants sont eux-mêmes sou-vent autocorrélés et l’évaluation du poidsspécifique d’un facteur particulier est très dif-ficile à établir. Les études multivariées effec-tuées précédemment ont généralement été ba-sées sur des analyses « écologiques » portantsur des données agrégées par zone. Elles con-cluent essentiellement au poids massif explica-tif des caractéristiques socio-économiques deszones géographiques. Cependant ce type d’ana-lyses reste encore très global, en particulier ence qui concerne les variables prises en comptepour caractériser le système de soins (densitésmédicales…). Il est intéressant à cet égard denoter que, même si le poids des variables socio-économiques est prépondérant, la hiérarchie deszones géographiques en fonction du niveau desanté reste stable même après contrôle de cesvariables socio-économiques. Des études plusprécises sont donc nécessaires et les analysesmultivariates devraient pouvoir maintenantprendre en compte des variables plus spécifi-ques disponibles. Les découpages géographi-ques considérés doivent être également discu-tés. A cet égard, il paraît important de distinguerentre le contexte « décisionnel », pour lequel lesanalyses départementales et régionales gardenttout leur intérêt, et l’approche « étiologique »où d’autres types de découpages peuvent êtreenvisagés.

    Éric Jougla, Évelyne Millereau, Alain Le Toullec

    Mortalité prématurée due au sida

    Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994

    Mortalité prématurée due au cancer VADS

    Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994

    Sources : Inserm Sources : Inserm

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page X

    Il pourrait sembler curieux, àpremière vue de traiter, en ter-mes géographiques, de lasanté dans une région telle quele Nord–Pas-de-Calais. Ce ter-ritoire n’est-il pas surtout connudes méridionaux ou des fran-ciliens au travers de ses carac-téristiques sociales, écono-miques et démographiques(forte population ouvrière,vieille tradition industrielle, criseéconomique, familles nom-breuses…) ? L’incompréhen-sion pourrait s’installer plussolidement si on limitait l’ana-lyse à la mise en relation de lagéographie à la notion dedistance. Dans un espaceaussi « plein », où les densitésde population sont de trois foissupérieures à la moyenne na-tionale, l’éloignement spatialdes personnes vis-à-vis deséléments du système de soins,reste minime voire exception-nel. Ici, le raisonnement géo-graphique peut contribuer àdresser un état des lieux ; il esten mesure de développer unesynthèse et d’accompagner lacompréhension d’une régionen pleine crise sanitaire.

    Une région parmid’autres espaces

    Une des particularités du rai-sonnement géographique estde replacer l’espace en ques-tion, ici le Nord–Pas-de-Calais,par rapport à d’autres espa-ces, de mêmes dimensions oude tailles inégales, vis-à-visdesquels certaines relations,nécessaires à une bonnecompréhension de la situationrégionale, peuvent apparaître.Ainsi on comprendra aisémentqu’il n’y a aucune « anormalitérégionale » à ce que les « jeu-nes » représentent encore

    tres d’hygiène alimentaire etd’alcoloogie (CHAA) restetrès en deçà de la moyennenationale, ou encore que lesdensités de pédiatres, gy-nécologues obstétricienssont nettement en deçà desmoyennes françaises.La normalité et l’anormalitésont aussi, pour le géographe,affaires d’échelles (c’est-à-dire de dimensions d’espa-ces pris comme référence).Elles mettent en question lesdifférents échelons de la dé-cision collective.

    Quels espaces dans unerégion ?

    Les difficultés sanitaires querencontre le Nord–Pas-de-Ca-lais sont tout à la fois multipleset bien connus. Toutefois, ceshandicaps ne se localisentpas uniformément dans le ter-ritoire régional. En procédantà une partition simpliste del’espace en quatre grandeszones (métropole, bassinhouiller, littoral, « reste » de larégion), les écarts que l’onconstate mettent en lumièrecertains comportements con-formes aux processus identi-fiés en France (surmortalitépar suicide dans la zone« reste » la plus rurale), maisaussi des localisations

    La santé dans le Nord–Pas-Une approche géographique

    aujourd’hui un grand enjeu desanté publique (38,5 % demoins de 25 ans contre 34 %en moyenne nationale et 28 %dans le Limousin par exem-ple). Il n’y a toujours aucune« anormalité régionale » à ceque la nature de la consom-mation de boissons alcoo-liques soit, probablement,moins exceptionnelle qu’il n’yparaît (30 litres de bière par anet par personne contre 15 li-tres pour un Français) si, aulieu de replacer cet ensembleterritorial parmi les autres ré-gions françaises on s’aperçoit,en regardant une autre carte,que le Nord–Pas-de-Calais re-présente la terminaison occi-dentale de l’Europe du nord-ouest. Dans ce contexte, il estcompréhensible que la nata-lité y soit si élevée et que labière prenne le pas sur le vindans les habitudes alimen-taires de la population.À l’inverse, on saisit l’anoma-lie de la situation régionalelorsque l’on constate que laconsommation d’alcool y esttrès anormalement élevée(alors même que la régionn’en produit quasiment pas),que la mortalité par cirrhosedu foie est presque deux foissupérieure à la moyenne fran-çaise, et que, contrairementaux autres régions du nord dela France, le nombre de cen-

    Toutes causes Cardiopathies Cirrhoses Cancers Suicidesischémiques alcooliques VADS

    Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes

    Métropole 109 117 118 127 217 149 146 169 104 112

    Bassin Houiler 122 135 135 134 285 200 149 187 111 134

    Littoral 114 126 117 127 195 183 158 204 106 117

    « Reste » 118 119 126 129 176 155 119 159 134 139

    Nord–Pas-de-Calais 117 125 126 130 171 225 141 177 115 127

    France 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

    Source : Inserm, service commun n° 8, traitement ORS

    aujourd’hui encore difficile-ment expliquées comme l’ex-trême surmortalité par can-cers des voies aérodigestiveset de l’œsophage constatéedans la zone littorale.Enfin, le « Bassin houiller »apparaît comme l’un des sec-teurs où la crise sanitaire semanifeste avec le plus deforce, tant en intensité (Icmtoutes causes de 122 et 135)qu’au travers d’une remarqua-ble diversité (le tableau pré-senté ici ne rapportant qu’unepartie des causes de décèsdonnant lieu au constat defranches surmortalités locali-sées dans ce périmètre)1. Or,ce secteur minier correspondtrès précisément aux territoi-res les plus fortement affectéspar une déstabilisation socialede grande ampleur et ce,depuis le plus longtemps,c’est-à-dire dès le début desannées soixante et que la sur-mortalité affecte surtout lesadultes en âge de travailler(entre 25 et 64 ans).Cette corrélation territoriale,jointe à une « enquête de ter-rain »2 mettant en œuvre destechniques que le géographeest censé maîtriser, permetd’étayer la thèse d’une crisesanitaire régionale consécu-tive à la profonde déstabilisa-tion sociale collective installéedepuis 35 ans. On comprend

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XI

    ment et plus encore collective-ment, les populations ont puvivre et subir, semble être lavoie d’une meilleure apprécia-tion des phénomènes locaux,quelle que soit l’échelle rete-nue.Pour cela, il convient, en ex-ploitant les possibilités du rai-sonnement géographiqued’analyser les caractéristiquesde l’environnement suscepti-bles d’influencer les compor-tements locaux, de suivre, surle terrain, les évolutions encours et enfin, d’adapter sys-tématiquement méthodes etproblématiques non seule-ment au terrain mais aussi auxattentes des instancesdécisionnaires.L’approche géographique,accompagnée, associée àd’autres méthodologies, peutpermettre d’adapter les ac-tions, la politique de santé, auterrain local et régional.

    Olivier Lacoste

    1 O. Lacoste, L. Spinosi, L’état de lasanté dans le Bassin houiller du Nord -Pas-de-Calais. ORS Nord–Pas-de-Ca-lais, Lille, 1996, 191 p.O. Lacoste, Géopolitique de la santé, lecas du Nord–Pas-de-Calais. Paris, LaDécouverte, 1994, 395 p.2 On appelle « enquête de terrain », tousles procédés d’entretiens directifs, semi-directifs ou ouverts, la consultation demultiples professionnels locaux (pro-fessions médicales, élus, travailleurssociaux, enseignants…) permettant derecueillir sur place diverses pistes quel’on pourra éventuellement valider ouréfuter totalement ou en partie à l’aided’indicateurs ou de la littérature dispo-nibles.3 P. J. Thumerelle. La mortalité dans leNord–Pas-de-Calais : un exemple dela stabilité des modèles régionaux demortalité.In : Espaces, Populations,Sociétés, 1911-1, p. 55-72.4 O. Schwartz. Le monde privé desouvriers, hommes et femmes du Nord,Paris, PUF, 1990, 531 p.

    le poids de cette thèse qui ade plus le mérite de ne paslaisser de place à un fatalismedémotivant, en laissant penserqu’il pourrait être « normal »que l’état de santé soit aussirégionalement dégradé.Ainsi, lorsque l’on observel’évolution de l’espérance devie il apparaît clairement,d’une part, que le Nord–Pas-de-Calais a connu avant 1930des indicateurs bien plus favo-rables, et que, d’autre part, lasurmortalité des âges actifss’est installée depuis 1962,

    c’est-à-dire depuis 35 anssynchroniquement à l’appari-tion du surchômage régional3.Ce surchômage a affecté de-puis lors préférentiellement leBassin houiller.Il semble de plus en plus diffi-cile de rendre compte de l’étatde santé régional en ne pré-sentant exclusivement quequelques caractéristiques ré-gionales statiques. Certes, leNord–Pas-de-Calais reste unespace où les professions etcatégories socioprofession-nelles défavorisées, où les ef-

    fectifs ouvriers demeurentsurreprésentés comme ellesle sont aussi ailleurs, en Picar-die, Haute-Normandie ouFranche-Comté. Mais la pré-sence de cette population nepeut suffire si l’on entend com-prendre les situations locales.Les familles ouvrières sontaujourd’hui très minoritaires,mais il est certain que les com-portements des personnes,issues de milieu ouvrier enportent encore, pour combiende temps (?), la marque4.Retracer ce que, individuelle-

    La mortalité masculine1988/1992

    Indices comparatifsde mortalité(France =100)

    Source : Inserm, Insee

    110125140200

    ICM non-significatifs

    9,7 %11,9 %14,1 %

    Moyennenationale

    Le chômage aumoment durecensement de1990

    Nombre dechômeurspar rapport à la population active

    Source : Insee

    Métropole

    Bassin houiller

    Littoral

    « Reste »

    Métropole

    Bassin houiller

    Littoral

    « Reste »

    -de-Calais

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XII

    Santé, société,

    inégalités

    géographiques en

    France

    Comme l’ont montrées les synthèses précé-dentes, les inégalités géographiques de la mor-talité sont importantes, anciennes et relative-ment stables. À quoi attribuer ces écartsconsidérables ? D’abord à l’inégale répartitiondes causes médicales de décès. La plupart desgrandes causes de décès offrent cependant descontours géographiques proches de la morta-lité globale, notamment pour les principales(ce qui arithmétiquement est assez logique) etil faut donc se demander ce qui pourrait agirlocalement pour expliquer le niveau des étatsde santé au-delà des déterminants strictementmédicaux.

    Depuis une dizaine d’années on a cherchéquelles pouvaient être ces raisons. Il n’est paspossible, sur la base de données d’observationcomme des données géographiques, d’associercorrélation et causalité. Toutefois, un certainnombre de facteurs peuvent être discernés etsuspectés pour leur rôle probable de détermi-nants des états de santé. Ce sont :

    • l’offre de soins qui présente de très gran-

    des inégalités régionales, quelque critère quel’on retienne et à quelque échelle qu’on se si-tue. Ainsi, à l’échelle départementale, les iné-galités sont la règle et sont le plus souvent trèscorrélées : l’agglomération parisienne et leMidi sont « surmédicalisés », le Nord et leNord-Est industriels mais aussi plusieurs dépar-tements ruraux du Centre et de l’Ouest appa-raissent « sous-médicalisés ».

    Il faut souligner que les inégalités départe-mentales sont d’autant plus accusées que laspécialité est rare. Les médecins généralisteslibéraux dont la densité pour 100 000 habitantsvarie pourtant entre 63 et 132 sont les moinsmal répartis. En regard, la densité de spécialis-tes libéraux est comprise entre 50 et 380 mé-decins pour 100 000 habitants. Parmi eux lesplus mal répartis sont les neuro-psychiatres (0à 13), les psychiatres (1,5 à 45), les stomatolo-gues (0 à 14). À l’inverse les moins mal répartissont les ophtalmologistes, les gastro-enté-rologues, les ORL, les gynécologues-obstétri-ciens. Les professions paramédicales suivent lemême schéma. Les dentistes et les masseurs-kinésithérapeutes sont moins concentrés que lessages-femmes, les orthophonistes et les orthop-tistes ou même que les infirmiers et les labora-toires d’analyse.

    En matière d’offre hospitalière on note éga-lement d’importants écarts en dépit d’indicespourtant applicables partout.

    • La consommation médicale qui varie dansune large proportion et qui est peut-être à re-

    25,21%

    [74,07 ; 257,52][55,29 ; 74,07[

    [36,93 ; 55,29[[0 ; 36,93[

    Quartiles

    25,21 %

    [61,54 ; 129,95][49,88 ; 61,54[

    [41,48 ; 49,88[ 41,48[

    Quartiles

    Un bilancontrasté

    Densités de médecins spécialisés libéraux

    Nombre pour 100 000 habitants, zones d’em-ploi, 1990

    Densités de chirurgiens-dentistes libéraux

    Nombre pour 100 000 habitants, zonesd’emploi, 1990

    D. Noin, Y. Chauviré. Lapopulation de la France.Paris : A. Colin, Masson,1996

    Source : Credes, Cnamts Source : Credes, Cnamts

    [107,72 ; 133,52][101,08 ; 107,72[

    [95,37 ; 101,08[ 95,37[

    25,21 %

    Quartiles

    Indice comparatif de mortalité

    Les deux sexes, zones d’emploi, 1990

    Source : Insee, Inserm, Geos/Credes

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XIII

    25,21 %

    [1 145,30 ; 1 702,24][1 017,21 ; 1 145,30[

    [871,23 ; 1 017,21[ 871,23[

    Quartiles

    lier à des différences sociales et culturellesautant qu’avec la morbidité, présente de ma-nière fort originale des contours particuliersselon le type de consommation que l’on ob-serve. La consommation de soins de ville estla plus élevée dans la région parisienne et dansle Midi, les soins de spécialistes apparaissentcomme l’apanage des départements les plusurbanisés. À l’inverse les populations du Nordont plus qu’ailleurs recours aux visites à domi-cile, consomment en moyenne plus de médica-ments et ont plus largement recours à l’hospi-talisation publique. Globalement cependant ilest légitime, en raison de l’ampleur des écartsobservés, d’opposer une France parisienne etméridionale qui consomme beaucoup à uneFrance septentrionale.

    • Parmi les déterminants non médicaux del’état de santé le niveau social et, plus encore,le niveau d’études et de formation initialeapparaîssent comme des facteurs essentiels etinsuffisamment pris en compte par les politi-ques de santé. Les plus favorisés et les plus di-plômés se déplacent plus volontiers chez lemédecin, généraliste et spécialiste, ainsi quechez le dentiste. Les ouvriers appellent plutôtle médecin en visite, consomment davantage desoins infirmiers et vont plutôt à l’hôpital public.Ceci est notamment à relier à l’intensité de laprotection complémentaire d’autant plus élevéeque l’on est en moyenne plus favorisé, ce quiconcerne aussi de plus en plus les personnesâgées. Plus généralement, quoique ceci soit plus

    difficile à mesurer à l’échelle agrégée, le niveaud’études et de formation initiale semble déter-miner une attitude vis-à-vis de sa propre santéd’autant plus bienfaisante qu’il est élevé. Entémoignent, parmi les cadres, des consomma-tions beaucoup plus élevées que la moyenne desoins dentaires et de psychiatrie.

    • Les conditions de vie domestique et fami-liale enfin jouent évidemment dans le mêmesens que les conditions économiques et socia-les à l’échelle des ménages. Mais au-delà, àcatégorie sociale comparable, le milieu et lespaysages géographiques où l’on vit méritentune attention particulière.

    Le rôle de ces différents déterminants peutêtre globalement apprécié au travers des statis-tiques disponibles en provenance des servicesdu ministère de la Santé, des organismes d’as-surance-maladie et de l’Insee qui permettent dedécrire ces domaines à l’aide de plusieurs cen-taines de critères. Mais on peut regretter l’ab-sence de données a priori déterminantescomme les habitudes alimentaires par exemple.

    Les méthodes de l’analyse des données, ana-lyse factorielle et classification automatique,sont bien adaptées à la reconnaissance globalede ces associations. Toutefois il faut soulignerque ces techniques, fondées sur des comparai-sons entre groupes (ici les populations dépar-tementales) ne peuvent déboucher directementsur la reconnaissance de facteurs de risque.Telle n’est pas leur prétention. En revanche,toujours dans une perspective médicale, ces

    25,50 %

    [8,09 ; 26,10 %][6,51 ; 8,09[

    [5,35 ; 6,51[[0 % ; 5,35[

    Quartiles

    Proportion des « bac+2 » dans la population

    de 15 ans ou plus (Zones d’emploi, 1990)

    Dépenses de prescriptions généralistes de

    pharmacie (Francs par habitant et par an, zonesd’emploi, 1990)

    Part des demandeurs d'emploi non qualifiés

    dans les DEFM (Zones d’emploi, 31 décembre1992)

    Source : Credes, Cnamts Source : Insee, Geos/Credes Source : Insee, Geos/Credes

    24,64 %

    [43,2 ; 58,8 %][37,0 ; 43,2[

    [30,1 ; 37,0[ 30,1 %[

    Quartiles

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XIV

    études peuvent susciter des idées ou des hypo-thèses nouvelles : ainsi, l’étiologie des cancersdoit beaucoup, à l’origine, à ce genre d’étudesque ce soit pour le cancer de l’oesophage (avecla consommation moyenne d’alcool par habi-tant) ou pour celui du poumon (avec la consom-mation moyenne de cigarettes par habitant).

    Qui plus est, et cette fois dans une perspec-tive de santé publique, il est utile de distinguerdes zones où se retrouvent associés de mauvaisindicateurs de santé et telles ou telles variablesdu contexte économique et social ; des zonesqui se signalent par des besoins importants entel ou tel domaine de l’offre de soins, des zo-nes où tel problème de santé apparaît plus pres-sant qu’ailleurs : c’est ce que Henri Picheral aappelé des complexes socio-pathogènes. Iln’y a là aucune prétention de découverteétiologique mais plus simplement volonté deservir à l’aménagement sanitaire du territoire.On peut à ce titre estimer que les procéduresrégionalisées d’allocation des ressources de-vront, pour avoir quelque chance de réussir,prendre en compte ces complexes socio-patho-gènes ou profils sanitaires régionaux.

    Dans tous les cas, ces analyses statistiquesd’association de caractères donnent des résul-tats qui n’ont de sens qu’en regard des donnéesdisponibles (or toutes ne le sont pas, loin de là,qui permettraient de couvrir la question), del’échelle d’observation, de la métrique retenuepour mesurer les associations. Plus encore, ilfaut toujours rappeller que les résultats de cesétudes n’ont qu’un caractère probabiliste.Plaide cependant en faveur de ces études un cer-tain nombre de faits : les types régionaux re-connus, formés d’association de caractères for-ment de grand ensembles régionaux contigus,les études réalisées à d’autres échelles — parrégion ou par canton — révèlent des contourscomparables, ce qui est le signe de la soliditédes associations observées, les analyses effec-tuées avec d’autres techniques mathématiquesmontrent des structures comparables, autre si-gne de la réalité des associations observées.Enfin, dans de nombreux cas, le niveau descorrélations traduit bien l’intensité des associa-tions, positives ou négatives.

    Quelles sont donc les associations de critè-res que l’analyse retrouve entre l’état de santé,les indicateurs d’offre et de consommation desoins et les données de contexte socio-écono-mique ? Ces questions ne sont cependant pasnouvelles. Les études réalisées à différentes

    échelles — régions, départements, zones d’em-ploi, cantons — portent sur plus de 200 varia-bles soit 20 000 corrélations estimées. De nom-breuses associations peuvent être soulignéesentre critères et déterminants possibles des étatsde santé.

    Les corrélations d’ensemble

    À l’échelle nationale, l’espérance de vie fémi-nine est d’autant plus élevée que les personnesâgées sont nombreuses, que les densités médi-cales sont fortes, particulièrement en matière desoins spécialisés et paramédicaux, comme no-tamment les soins dentaires, de même que laconsommation de soins hospitaliers est élevée.On note aussi une forte association avec lesproportions d’artisans-commercants et agricul-teurs et de forts niveaux de chômage féminin.On retrouve ces mêmes associations en ce quiconcerne l’espérance de vie masculine, aug-mentées de corrélations significatives avec lesactes de laboratoire et de chirurgie. À l’inversel’espérance de vie est d’autant plus faible queles densités et la consommation médicales etparamédicales sont faibles, à l’exception des vi-sites à domicile et du nombre d’actes généra-listes. Au plan social on retrouve, associés à defaibles niveaux d’espérance de vie, l’impor-tance relative des chômeurs masculins, desinactifs, des ouvriers et des personnes bénéfi-ciaires des aides sociales ou de l’aide médicalegratuite, mais aussi des logements de cinq piè-ces et plus. On voit ainsi qu’il serait trop mani-chéen d’associer uniquement le monde ouvrierà la forte mortalité.

    S’agissant de la mortalité infantile, on notepeu d’associations significatives sinon avec lesvisites médicales à domicile, les actes généra-listes, les prescriptions pharmaceutiques, lesdécès féminins liés à l’alcoolisme et les entréesen moyen séjour.

    Parmi les grandes causes de décès, à partirdes indicateurs retenus, les associations suivan-tes sont, par exemple, retrouvées :

    • maladies liées à l’alcoolisme, chez lesfemmes : femmes et hommes jeunes, taux denatalité élevé, grands logements, revenu desgénéralistes, nombres d’actes, pas de voiture oudeux voitures et plus, ouvriers, logements trèsanciens ou très récents, aide sociale. Chez leshommes, mêmes associations augmentéesd’une distance élevée au pneumologue.

    Un bilancontrasté

    • L. Lebart, S. Sandier, F. Tonnellier. Aspects

    géographiques du systèmede soins médicaux. Analyse

    des donnéesdépartementales.

    Consommation, n° 4,1974• V. Lucas, F. Tonnellier,

    E. Vigneron. Structuressociales, emploi et santé.

    Credes/ GEOS, Univ.Montpellier III, 1997 (à

    paraître)

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XV

    I

    II

    III

    IV

    V

    VI

    VIIa

    VIIb

    ����������

    ����VIII

    type

    • type VI, la France médiane : une popula-tion moins typée, plus jeune en moyenne, pluscomposite, rurale ou ouvrière, avec une espé-rance de vie féminine mais aussi masculine éle-vée mais assez mal desservie médicalement.

    • type VII, la France septentrionale de lasurmortalité, souvent hospitalisée, pour partieurbaine et ouvrière au sein d’un monde rural(sous-type VIIa), pour partie plus rurale et agri-cole assez mal desservie par l’offre médicale(sous-type VIIb)

    • type VIII, plus encore que les deux sous-types précédents cette classe — celle du Nordet du Pas-de-Calais — est d’abord caractériséepar de mauvais niveaux de mortalité mais aussid’inactivité, de chômage et d’aide sociale. Onnote également une forte proportion d’ouvriers.On retrouve là aussi des proportions plus éle-vées qu’ailleurs de grands logements et deménages possédant deux voitures et plus, unepréférence pour les visites à domicile, l’impor-tance des actes de généralistes et des prescrip-tions pharmaceutiques.

    • cancers du sein : natalité, logements loca-tifs petits, PIB par ménage élevé, cadres, den-sité de la population, secteur II, densités de spé-cialistes.

    • cancers de la trachée, des bronches et dupoumon : chez les femmes, employés, petitslogements, cadres, locataires, sans voiture oudeux voitures et plus, densités élevées de spé-cialistes, PIB par ménage élevé. En revanche,les mêmes cancers chez les hommes ne sontsignificativement associés à aucune variable decontexte, signe d’un fléau véritablement natio-nal partagé partout…

    Les types régionaux

    Au plan géographique, les associations de cri-tères sont suffisamment fortes pour révéler desstructures régionales distinctes. La carte ci-con-tre témoigne de ces types originaux — huit autotal qui s’individualisent bien — par ordre deproblèmes croissant :

    • type I, Paris. Dans toutes les classifica-tions réalisées, Paris est toujours à part, signede la spécificité de la capitale par rapport au« désert français » : de très fortes densités mé-dicales et hospitalières, un niveau social élevémais pas de mortalité particulière s’agissant desgrandes causes de décès.

    • type II, le Midi urbanisé : une forte con-sommation médicale et paramédicale, de for-tes densités de spécialistes et de paramédicaux,peu d’ouvriers, peu de ruraux, des logementsrécents, pas de mortalité particulière.

    • type III, le Midi traditionnel et vieillis-sant : une forte consommation médicale et in-firmière, un population âgée, beaucoup de re-traités, beaucoup d’artisans et de chômeursmasculins, pas de mortalité particulière.

    • type IV, la banlieue parisienne, « Bor-deaux », « Lyon-Grenoble », « Avignon » :beaucoup de cadres, de professions intermédiai-res, d’employés, de locataires, un PIB par mé-nage relativement élevé, de fortes densités despécialistes, une mortalité marquée par l’impor-tance des cancers féminins du poumon et dusein.

    • type V, le monde rural des Centre et Sud-Ouest : beaucoup de personnes âgées, un accèsaux soins difficile et des durées moyennes deséjours élevées, plus d’hospitalisation enmoyen et en long séjour mais aussi une espé-rance de vie masculine élevée.

    Types sanitaires et sociaux régionaux

    E. Vigneron. Géographie etstatistique. Paris : Puf,collection Que sais-je ?,n° 3177, 1997

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XVI

    Les indicateurs de

    santé en milieux

    urbains et zones

    rurales aujourd’hui

    Existe-t-il des différences d’état de santé etd’accès aux soins entre milieu urbain et zonesrurales ? Avant de répondre à cette question, ilest nécessaire de préciser quelles définitionsrecouvrent ces formulations.

    Le continuum urbain-rural

    La distinction urbain/rural est une division trèstraditionnelle de la géographie. Elle peut sem-bler naturelle parce qu’elle oppose le vieuxmonde « agricole » à la « jungle » des villes.Cette séparation avait un sens dans une sociétéoù l’activité agricole était importante et où lepérimètre des villes et de leurs banlieues étaitrestreint en raison des moyens de communica-tion. Aujourd’hui la rapidité des transports etle développement des infrastructures ont pro-fondément changé le paysage. En suivant lesmots d’un humoriste, les villes se sont dévelop-pées à la campagne…

    En France, comme dans d’autres pays, unecommune rurale est par définition une com-mune qui compte moins de 2 000 habitants. Au-dessus de ce seuil, une commune appartient àune unité urbaine. En 1990, les unités urbainesreprésentaient 74 % de la population pour 15 %du territoire, et les communes rurales comp-taient 26 % de la population pour 85 % de lasurface du territoire, ce qui donne donc unepremière idée de la concentration urbaine àpartir d’une définition assez simple de « l’ur-bain » . Notons que rural et agricole ne sont passynonymes : la définition donnée plus haut pourles communes rurales ne fait aucune référenceà l’activité : dans les communes rurales, l’acti-vité dominante était, en 1990, l’industrie !

    Un seuil de population (quel qu’il soit) fixeune limite arbitraire entre le milieu urbain etl’espace rural. En réalité, il n’y a pas de rup-ture franche mais un « continuum » avec deszones intermédiaires entre les grandes agglo-mérations urbaines et les communes à basses

    Conclusions

    La typologie obtenue met en évidence des « ré-gions » sanitaires connaissant des problèmesspécifiques. Ces contours géographiques pour-raient constituer la trame d’un découpage in-termédiaire entre le local et le national aux pro-blèmes identiques. Ce découpage dans laperspective affichée de promotion de la santésur tout le territoire national aurait surtout pouravantage de créer des communautés d’intérêtsanitaire où se discuteraient des problèmes ets’échangeraient des expériences plus que nepourraient se définir des politiques. La connais-sance et la prise en compte de ces profils ré-gionaux spécifiques dans le cours del’irremplacable relation médecin-malade seraitégalement bénéfique à tous, dans l’esprit des« topographies médicales » jadis enseignées àla Faculté.

    Il apparaît aussi clairement que les inégali-tés géographiques sont au moins pour une largepart des inégalités sociales : de toute évidencec’est à la résorption de celles-ci qu’il convientde s’attaquer en ciblant auprès des populationsconcernées les actions de promotion et d’édu-cation pour la santé. Il apparaît également quel’intensité de l’offre de soins compte peut-êtremoins que la qualité de l’environnementcomme le montre la situation des régions rura-les du centre-ouest et des Midis.

    Il reste toutefois que les inégalités départe-mentales ici présentées sont probablement par-tielles car envisagées sous l’angle de quelquesunes des seules grandes causes de décès seule-ment. De même, elles recouvrent d’autres iné-galités géographiques plus fines et peut-être en-core plus criantes qu’une allocation régionaledes ressources ne peut négliger au profit d’unedangereuse conception globalisante de l’espacerégional.

    Emmanuel Vigneron

    Un bilancontrasté

    V. Lucas, F. Tonnellier,E. Vigneron. Structuressociales, emploi et santé.Credes/ GEOS, Univ.Montpellier III, 1997 (àparaître)

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XVII

    10 000 h.

    0,37–0,79

    100 000 h. 200 000 h.

    0,80–0,95

    0,96–1,13 1,14–1,36 1,37–4,90

    densités de population : les communes qui pré-cisément s’urbanisent. L’Insee a appelé« rurbanisation » le phénomène qui fait que descommunes anciennement rurales, situées àproximité d’une grande ville, deviennent urbai-nes dans leur composition de population.

    Notons enfin que le terme « la ville » estaussi porteur de valeurs positives (la ville lu-mière, la cité radieuse) ou négatives (la citéd’urgence, le bidonville, la ville dortoir). Jean-Paul Sartre a résumé cette ambivalence : « lescités ouvrières ne seront jamais de vraies vil-les ». Les espaces ruraux ont également unmélange de valeurs positives (écologie, vienaturelle, tranquillité) et négatives (monotonie,manque de modernité et de culture). C’estd’ailleurs en référence à ces valeurs qui con-cernent la qualité de la vie que l’on sollicite lesindicateurs de santé. Ces indicateurs sont de

    Densités de généralistes en 1990Paris et sa banlieue (villes de plus de 10 000 habitants)Nombre de généralistes pour 1 000 habitants

    Sources Credes, Cnamts

    deux ordres, les indicateurs d’accès aux soinset les indicateurs de santé (plus précisément demortalité).

    Dans les zones urbaines : lesgénéralistes sont concentrés aucentre des villes

    Les généralistes sont beaucoup plus nombreuxau centre des villes (proportionnellement à lapopulation) alors qu’ils représentent l’accès depremier recours qui devrait être le plus égali-taire (voir la carte). Ceci contredit une idée re-çue selon laquelle les généralistes seraient équi-tablement répartis dans l’espace. On peutobjecter que cette répartition est fonctionnelle :les généralistes sont installés dans les zones dechalandise (comme beaucoup de services etgrands magasins) où les migrations quotidien-nes sont nombreuses. Mais on constate de plusque l’activité moyenne par généraliste est plusforte en banlieue qu’au centre (relation inverseavec la densité). On observe aussi que la pro-duction est en moyenne plus élevée dans lesbanlieues où il y a une forte proportiond’ouvriers. Le fait que l’activité soit nettementplus élevée dans les banlieues montre qu’il y aun manque de médecins dans la périphérie desgrandes villes, en particulier dans les banlieuesouvrières.

    Tout ceci conduit à la conclusion que lesinégalités urbaines se manifestent aussi dans ledomaine de la santé, pour des indicateurs par-ticulièrement simples. En outre, dans les zonestrès urbanisées, les inégalités sont aussi impor-tantes qu’au niveau national entre le Nord et leSud. On y rencontre les situations les plus fa-vorisées comme les plus défavorisées (ceci estégalement vrai pour les indicateurs de morta-lité).

    Des distances d’accès élevées dansles zones rurales traditionnelles

    L’Insee a défini comme communes rurales« traditionnelles » les communes rurales situéesen dehors de l’attraction de grandes villes. Cescommunes sont caractérisées par de basses den-sités de population, une activité à dominanteagricole, un déclin démographique qui est lesigne de l’exode rural. Pour ces communes, les

    suite page XX

    T. C. Rickets, L. A. Savitz,W. M. Gesler, D. N. Osborne.Geographic methods forHealth services research. Afocus on the Rural-UrbanContinuum. University Pressof America, 1994

    V. Lucas, F. Tonnellier.Géographie de l’offre de

    soins : tendances etinégalités. Données sociales

    1996, Insee

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XVIII

    Les rythmes Depuis Hippocrate, l’hommeattribue au climat une bonnepart de ses ennuis de santé.De telles accusations ont long-temps reposé sur la seule in-tuition, mais de multiples tra-vaux confirment aujourd’huiqu’à travers ses métamorpho-ses de chaque jour, le tempsqu’il fait joue un rôle dans lasurvenue de nombreuses ma-ladies aiguës et dans l’évolu-tion de diverses affectionschroniques.Le phénomène n’a guère be-soin d’être explicité en pré-sence de paroxysmes météo-rologiques de grande ampleur.Un organisme confronté à desconditions très agressives voitses défenses naturelles dé-bordées et il s’ensuit d’inévita-bles manifestations patho-logiques : mort de froid del’explorateur polaire, coup dechaleur du pèlerin à La Mec-que, déshydratation aiguë duméhariste égaré au Sahara,asphyxie de l’alpiniste respi-rant un air raréfié en oxy-gène…Cependant, il s’agit là d’éven-tualités rares, cantonnées auxmarges de l’espace habité.Dans nos régions, la naturedes risques change profondé-ment. Certes, chaque annéeamène quelques décès parhypothermie, qui ne diffèrentguère de ceux observés aupôle, mais ces accidents neconcernent que des effectifsinfimes et frappent des sujetspeu représentatifs de l’ensem-ble de la population (SDF).Pour la France entière, on encompte au plus une centainedurant un hiver rigoureux. Or,toutes causes confondues, lenombre des décès de janvier1985 (mois le plus froid del’actuel demi-siècle) a dé-passé de 6 510 (soit 12,7 %)

    Un aspect de l’environnementClimat et santé

    la moyenne des dix annéesprécédentes. Quantité de per-sonnes ont donc succombé,non pas directement du froid,mais d’une pathologie que lesbasses températures ont favo-risée. La maladie ne revêt plusalors, comme précédemment,un caractère inéluctable : seulest affecté un petit nombred’individus spécialement vul-nérables. En outre, le risquene concerne plus une patho-logie spécifique, car chacunréagit selon son point faible :lorsque le vent d’autan se dé-chaîne sur Toulouse, l’asthma-tique étouffe, le cardiaque faitune crise d’angine de poitrine,le déprimé se suicide.

    Infarctus et météo

    L’infarctus du myocarde cons-titue l’archétype de ces affec-tions météorosensibles. Latentation est grande d’en com-parer la répartition spatiale àcelle du climat, mais la démar-che est vouée à l’échec. S’ils’avère qu’en France, Pro-vence-Côte-d’Azur et Bas-Languedoc souffrent du plusgrand nombre de maladiescoronariennes, il serait ridiculed’incriminer le climat méditer-ranéen : le niveau de vieillisse-ment de la population pèsebeaucoup plus lourd, au pointqu’il suffit de neutraliser l’effetde l’âge pour voir les deux ré-gions citées passer des 1er et2e aux 18e et 20e rangs des 21régions françaises, Corseexclue. Ailleurs jouent l’urba-nisation, les habitudes alimen-taires, l’alcoolisme et le taba-gisme. Bref, la géographiedes maladies cardiaquesobéit au déterminisme del’âge et du mode de vie da-vantage qu’à celui du climat,

    lequel agit moins comme fac-teur causal que comme fac-teur déclenchant.Une conséquence est que lesinfarctus, loin de se distribuerau hasard, surviennent en sé-ries et que leur incidence semaintient rarement au mêmetaux tout au long de l’année :• Le monde polaire connaîtune énorme culmination d’in-farctus en saison froide.• À mesure que l’on descenden latitude, l’écart entre lessaisons tend à se comblermais, si elles se rapprochentde l’horizontale, les courbesn’en conservent pas moins unmaximum unique, centré surl’hiver. Pour la France entière,le pic a une probabilité de95 % de se produire entre le27 janvier et le 17 mars, la datemédiane se situant le 23 fé-vrier.• Sur la rive nord de la Médi-terranée, l’écart entre lessaisons redevient sensible,tandis que les régimes à maxi-mum unique reconnus jusque-là font place à des rythmesdédoublés. Si le pic principalest toujours localisé sur l’hiver,un pic secondaire se dessineen été, de plus en plus accen-tué vers le sud.• Sur l’autre rive de la Méditer-ranée, le dédoublement dumaximum reste la règle, maisla pointe estivale accède aupremier rang.• Le Maghreb assure ainsi latransition avec les désertssubtropicaux, où l’on observeun maximum unique de saisonchaude.• Enfin le domaine équatorial,où les maladies cardiaquesont une incidence réduite dufait de la jeunesse de la popu-lation, réserve des régimespeu contrastés.Ainsi, les rythmes pathologi-

    ques permettent d’identifierdes régions qui, à une datedonnée, exposent à des ris-ques inégaux. Cela se vérifieaussi à échelle fine. Dans leMidi méditerranéen, les écartsd’un jour à l’autre restent mi-nimes sur les riviéras abritéesdes vents de secteur nord, sibien que les accidents car-diaques s’y éparpillent sur delongues périodes et que lacourbe des données quoti-

    Tendances zonales

    janvier juillet décembre

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XIX

    ment des équipes de réani-mation et des moyens detransport sanitaire, diminutiondu délai d’intervention qui con-ditionne la survie des mala-des). À Hong Kong, depuisqu’en pneumologie les ta-bleaux de service du person-nel sont établis en fonctiondu nombre prévu de crisesd’asthme, l’absentéisme desinfirmières a baissé de 16 % :leur effectif étant à tout mo-ment adapté aux besoins, el-les sont moins stressées et ilen résulte une meilleure qua-lité des soins, doublée d’uneéconomie de 12, 5 %. EnFrance, deux expériencesméritent d’être signalées.L’une concerne le risque decoup de chaleur chez les per-sonnes âgées dans la bassevallée du Rhône. L’autreassocie le SAMU de Paris etMétéo-France pour l’infarctusdu myocarde. Un messaged’alerte est lancé chaque foisque l’on prévoit l’un des régi-mes météorologiques recon-nus à risque majeur. Le bilanétabli au terme d’une annéede fonctionnement fait état de76, 4 % de prévisions réussies(calmes détectés ou alertesjustifiées), taux porté à 88 %lorsque l’on prend égalementen compte la pollution atmos-phérique.C’est en effet un trait com-mun à la plupart des risquesmétéoropathologiques qued’être à la croisée de multiplesinfluences : les répercussionsde l’état de l’atmosphère sur lasanté sont potentialisées parl’action humaine, et moduléesà l’infini par la situation écono-mique comme par les prati-ques culturelles.

    Jean-Pierre Besancenot

    diennes y semble déjà lissée.À l’opposé, là où soufflent mis-tral et tramontane, les risquesmajeurs se groupent sur unpetit nombre de jours, ce quise traduit par des courbes endents de scie.À l’origine de ces recrudes-cences pathologiques, la va-riabilité du temps sur la courtepériode et l’origine des mas-ses d’air jouent beaucoup plusque les valeurs absolues de la

    dre pourquoi, à une date don-née, les risques se manifes-tent en tel endroit plutôt qu’entel autre. Mais, se voulant utile,il souhaite aller au-delà et tirerde la prévision météorologi-que classique une prévisiondes risques pathologiques,l’objectif étant bien entendude contribuer à la préventionet d’optimiser la gestion desservices d’urgence (meilleureoccupation des lits, renforce-

    température ou de l’humidité.À Paris, 59 % de tous les in-farctus se concentrent sur les15, 5 % de journées où le ventsouffle de l’Est ou du Sud.

    Prévisionmétéorologique etprévision des risques

    La mission que s’assigne legéographe est de compren-

    de l’infarctus du myocardeCoupe nord–sud de l’Arctique à l’équateur

    Équateur

    0 100 km

    45˚ N

    40-41˚ N

    36-37˚ N

    Variations régionales(Europe méditerranéenne)

    Rôle de l’exposition

    janvier juillet décembre

    janvier juillet décembre

    Riviérasabritées

    Secteursexposés auxvents forts

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XX

    de l’espace entre groupes sociaux posent lesquestions de l’efficacité et de l’évaluation dusystème de soins.

    Espérance de vie et urbanisation,reflet de la composition sociale.

    Il reste la question principale concernant lemilieu urbain/rural : quelle influence sur lasanté ? On ne dispose que d’indicateurs demortalité pour répondre à cette question.

    Depuis longtemps, de nombreux travauxmontrent que la mortalité est, en France, plusélevée en milieu rural qu’en milieu urbain. Plusprécisément, la mortalité épouse la hiérarchieurbaine car elle diminue lorsque la taille desagglomérations augmente. On constate que ledegré d’urbanisation augmente les inégalités demortalité entre classes sociales : les différencesde mortalité entre manœuvres et cadres supé-rieurs sont beaucoup plus marquées dans lesgrandes agglomérations que dans les commu-nes rurales. Globalement, la moindre mortalitéen milieu urbain apparaît en partie comme uneconséquence de la composition sociale plusfavorable des grandes agglomérations. Mais lacomposition sociale n’explique pas tout, deuxvilles au profil identique (Béziers et Cambraipar exemple) ont des taux de mortalité (à âgeégal) élevés pour celle qui est au Nord, et baspour la cité du Midi. Les comportements faceà la santé, les modes de vie, l’alimentation, desdifférences culturelles sont des hypothèses quiexpliquent en partie ces variations. Mais la re-cherche reste ouverte…

    Pour les communes de plus de 20 000 habi-tants, on sait déjà que les écarts d’espérance devie dans la première couronne de l’Île-deFrance sont aussi importants que pour l’ensem-ble de la France. Un autre champ de rechercheest aussi très prometteur : celui des inégalitésinfra urbaines, à l’échelle des quartiers. AuxÉtats-Unis, pays où la ségrégation sociale del’espace est très marquée, les différences d’es-pérance de vie entre quartiers sont considéra-bles. C’est dans cette direction que devraientse développer maintenant les études, en mêmetemps que l’analyse d’un nouveau découpagedu territoire défini par l’Insee : le zonage enaires urbaines. Ce concept apporte une nouvelleapproche de la ville et de son espace périurbainautour de la notion de pôle urbain.

    Véronique Lucas, François Tonnellier

    distances d’accès aux soins (généralistescomme hôpitaux) sont élevées, alors que lapopulation comporte une proportion forte depersonnes âgées. Ceci pose une question clas-sique à l’aménagement du territoire qui doitessayer de combattre ce processus de déserti-fication. Mais pour la santé comme pour lesautres services, les solutions sont loin d’êtresimples.

    Inégalités d’accès et inégalités desanté : disponibilité des soins etrecours aux soins

    Dans l’accès aux soins, il est nécessaire de dis-tinguer entre la disponibilité (présence du ser-vice), l’accès effectif et l’accès efficace (utili-sation de soins appropriés). Tout ce qui précèdeconcerne la disponibilité géographique dessoins — avec l’idée implicite que la distancereprésente un frein ou un obstacle à une utili-sation efficace du système de soins.

    Mais la distance n’a pas le même effet dis-suasif pour tout le monde : la possession d’unvéhicule diminue le temps d’accès. La distanced’accès réellement parcourue varie fortementselon le niveau d’instruction : 33 km pour leshospitalisés ayant un niveau d’instruction su-périeur au bac contre 23 km en moyenne. Cesdifférences existent quel que soit le degré d’ur-banisation, ce qui est particulièrement remar-quable dans les grandes villes où toutes les dis-ciplines sont disponibles et où l’éloignementn’est plus une difficulté.

    Cette différence de comportement peut si-gnifier une recherche de qualité des soins : lescatégories sociales de statut élevé recherche-raient les services les plus spécialisés, les plusadaptés ou les plus renommés sans tenir comptedu déplacement. À l’opposé, les autres catégo-ries sociales utiliseraient les hôpitaux les plusproches (mais peut-être pas la filière la plusefficace).

    Mais ces disparités sont peut-être sans rela-tion avec l’état de santé et la recherche de spé-cialistes de haut niveau, et peuvent résulter sim-plement de pratiques spatiales différentes selonles groupes sociaux. Les cadres sont plus mo-biles, et cette mobilité se retrouve dans le re-cours aux soins ce qui souligne le rôle des mi-grations et de la mobilité dans l’accès auxservices. Les différences de pratique et d’usage

    Un bilancontrasté

    En utilisant le taux comparatifde mortalité, qui est une

    moyenne des taux de mortalité pour chaque

    tranche d’âge.

    suite de la page XVII V. Lucas, F. Tonnellier.Géographie de l’offre desoins : tendances etinégalités. Données sociales1996, Insee

    V. Lucas, F. Tonnellier.ibidem.

    • M.-H. Bouvier-Colle.La mortalité urbaine en

    France. Courrier du CNRS,n° 81, 1994.

    • H. Picheral. Géographiedans l’ouvrage de G. Bruckeret D. Fassin : Santé publique,

    Ellipses 1989

    H. Picheral. ibidem

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXI

    De l’observationà la décision

    La régulation régionale

    du système de santé :

    ni plan, ni marché

    Notre système de santé est fragmenté et infla-tionniste, il n’est donc pas étonnant que lethème de la régulation apparaisse aussi fré-quemment dans le discours des politiquescomme dans celui des professionnels. La rai-son principale n’est pas, contrairement à ce quel’on entend souvent, qu’il n’y a pas de politi-que de santé en France, mais vient de l’absenced’un mécanisme clair de régulation économi-que de l’offre de services de santé.

    Par exemple, la loi de 1970 avait institué unmécanisme centralisé de maîtrise, la carte sani-taire, chargé de faciliter le développement dusecteur public dans un premier temps et de lecontenir dans un second. En revanche, la décen-nie quatre-vingt est riche de développements surles méthodes décentralisées de régulation, le plangérontologique départemental en 1982, leschéma d’organisation en santé mentale en 1987,enfin la loi hospitalière de 1991 qui a instauréun schéma d’organisation sanitaire.

    Ce bref rappel historique confirme une vo-

    Les indicateurs de santé étant fort variables d’une région à l’autre, les politiques

    de santé doivent aboutir à une répartition optimale des ressources selon les

    besoins de chaque région. Elles se traduisent par des démarches de planification

    et de programmation qui nécessitent des besoins spécifiques d’information.

    lonté de développer une nouvelle forme de ré-gulation. Il est significatif que le terme de pla-nification ait été banni du langage administra-tif et politique et remplacé par celui de schéma,alors que dans le langage courant continue d’ap-peler planification ce qui devrait être nomméautrement (schématisation ? régulation ?conventionnement ?).

    L’apport de la théorie de la régulationéconomique dans la compréhensiondes schémas de planification

    Dans le domaine économique, la régulationconsiste à mettre en œuvre les mécanismes quiassurent la compatibilité entre offre et demandedans le respect des normes imposées par la dy-namique globale de croissance définie par lacollectivité. Trois concepts permettent de com-prendre la régulation du point de vue économi-que : le marché et la concurrence, la planifica-tion, les conventions et contrats.

    Dans la régulation par le marché, les acteurssont d’une part des entreprises, d’autre part deshomo economicus. Une entreprise est une orga-nisation dont l’objectif est le profit ou revenumaximum ou la conquête d’une part de marchémaximale sur un produit ou un ensemble de pro-duits identifiables et sécables. Le consommateur

  • actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXII

    exerce sa demande pour ces produits en arbitrantses choix en fonction de ses préférences subjec-tives et d’un classement des utilités ressenties.

    Dans le modèle de planification l’offreur estune institution et non une entreprise. Les carac-téristiques de produit sont les mêmes que pré-cédemment, mais le mobile n’est pas le profitou le revenu. La détermination des demandesprocède de processus de concertation entre lesproducteurs et l’État, aboutissant à la détermi-nation de besoins qualifiés de sociaux. Pour cefaire, il est nécessaire de disposer d’études sta-tistiques et épidémiologiques, censées révélerles « vrais » besoins et pas seulement la mor-bidité diagnostiquée.

    La seconde différence majeure entre cesdeux modes de régulation tient à l’importanceaccordée aux prix dans la coordination des ac-tions entre les agents. La valeur accordée auproduit permet de définir un prix d’équilibre oùles quantités demandées correspondent auxquantités offertes et donc aux quantités échan-gées. Ce prix permet d’atteindre un état où lasatisfaction des acteurs est maximale. Dans lemodèle de la planification, l’ajustement se faitd’abord principalement par le contrôle desquantités physiques (nombre de postes de pra-ticiens hospitaliers, lits d’hospitalisation, scan-ner, etc.), le prix nécessaire pour la gestion etle recouvrement des coûts est déterminé enfonction d’objectifs économiques et sociauxprédéfinis (par exemple favoriser le dévelop-pement d’une hôpital assurant des urgences,rendre les soins de cancérologie accessibles).

    La situation actuelle est caractérisée par lacoexistence de ces modes de régulation, aux-quels viennent se superposer des mécanismes decontractualisation, reposant en amont sur un en-semble de compromis, d’échanges permettant dedéfinir les «