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Guide d’étude Sagesse ancienne, monde moderne Ethique pour le nouveau millénaire par Sa Sainteté le Dalaï Lama Développé et offert par le groupe d’étude de « Los Altos » Mars 2004

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Guide d’étude

Sagesse ancienne, monde moderne

Ethique pour le nouveau millénaire

par Sa Sainteté le Dalaï Lama

Développé et offert par le groupe d’étude de « Los Altos »Mars 2004

Guide d’étude

Sagesse ancienne, monde moderneEthique pour le nouveau millénaire

par Sa Sainteté le Dalaï Lama

Table des matières

Préface 3

Introduction 4

Session de préparation 7

Chapitre 1 – Société moderne et quête du bonheur 10

Chapitre 2 – Pas de magie, pas de mystère 12

Chapitre 3 – Origine dépendante et nature de la réalité 14

Chapitre 4 – Redéfinir le but 16

Chapitre 5 – L’émotion suprême 18

Chapitre 6 – L’éthique de la mesure 20

Chapitre 7 – L’éthique de la vertu 23

Chapitre 8 – L’éthique de la compassion 25

Chapitre 9 – Ethique et souffrance 27

Chapitre 10 – Le besoin de discernement 30

Chapitre 11 – Responsabilité universelle 33

Chapitre 12 – Niveaux d’engagement 35

Chapitre 13 – L’éthique dans la société 37

Chapitre 14 – Paix et désarmement 40

Chapitre 15 – Le rôle de la religion dans la société moderne 43

Chapitre 16 – Un appel 46

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Préface

Ce Guide d’étude a été élaboré par un groupe de six amis associés à la Fondation Dalaï Lama (The Dalaï Lama Foundation), qui s’est réuni régulièrement à partir de novembre 2002 à Los Altos en Californie. Chaque mois ce groupe a étudié un chapitre de l’ouvrage Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire et l’a utilisé comme point de départ pour un examen approfondi de l'éthique dans nos propres vies.

Notre intention est de rendre ce Guide d’étude largement disponible par le biais de la Fondation Dalaï Lama à quiconque souhaiterait mettre en place un groupe d’étude entre amis ou collègues. Nous l’offrons dans un esprit de partage issu d’une expérience que nous avons trouvée riche et utile.

Ce document est disponible en téléchargement à partir du site internet de la Fondation Dalaï Lama : http://www.dalaïlamafoundation.org/studyguide

Notre souhait sincère est que ce Guide d’étude serve de support à de nombreuses personnes dans le monde dans leurs efforts pour développer leur propre pratique de l’éthique et pour construire de solides fondations à leur propre bonheur.

Marsha Clark

Caryl Gopfert

Tony Hoeber

Karen Jacke

Deborah Whitman

Mars 2004

Version française traduite de l’anglais par Nadine San Gérotéo, membre et intervenante de l’association « Atelier Méditation » pour le projet du Cercle d’Etude « Aude, Sud de France » et tous les Cercles d’Etude francophones à venir.http://ateliermeditation.over-blog.com/

Chaleureux remerciements pour la relecture adressés à :- Maggie Lacabanne- Muriel Barraud- Sandrine Mérot

Eté 2013

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Introduction à Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire

L’ouvrage Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire s’adresse à une large audience. Il présente un cadre moral fondé sur des principes universels plutôt que sur des principes religieux. Il repose sur le constat que ceux dont la conduite est éthiquement positive sont plus heureux et plus satisfaits et sur la conviction qu’une bonne part des malheurs que nous, humains, endurons est finalement de notre propre fait. Son but ultime est le bonheur pour tous les individus, sans distinction de croyances religieuses.

Bien que le Dalaï Lama soit lui même un pratiquant bouddhiste, son approche de la vie et le point de vue moral qui le guide peuvent être utiles à chacun et à nous tous - musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes ou athées – dans notre quête d’une vie plus heureuse et plus épanouissante.

D’après le Dalaï Lama, notre survie dépend, et continuera à dépendre, de notre bonté fondamentale en tant qu’être humain. Dans le passé, le respect que les gens éprouvaient pour leur religion a permis le maintien de la pratique de l’éthique parce qu’ils étaient une majorité à suivre telle ou telle obédience. De nos jours, avec l’augmentation de la sécularisation et de la globalisation de la société, nous devons trouver une voie qui transcende la religion afin d’établir un consensus sur ce qui constitue une conduite positive ou négative, sur ce qui est bien ou mal et sur ce qui est approprié ou inapproprié.

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Mettre en place un Cercle d’Etude

Au sujet des Cercles d’EtudeLa Fondation Dalaï Lama défend le modèle du Cercle d’Etude pour soutenir l’éducation à la paix et à l’éthique dans une mise en place qui combine espoir et inspiration avec un sentiment communautaire et une réflexion personnelle.

Nous pensons que si nous voulons construire dans ce XXIème siècle un monde où chaque jour annonce une moindre souffrance, une entente grandissante et une paix plus répandue, nous devons commencer modestement aux niveaux personnel, familial et communautaire. Au fur et à mesure que nous développerons une compréhension et une pratique profondes de l’éthique, nous influencerons tous ceux qui nous entourent, parents, employés, dirigeants, ou politiques.

Le cadre des groupes d’étude a fait ses preuves dans la façon de rendre vivant le processus essentiel de l’étude et de l’éducation continues. Ces groupes offrent un forum fait d’échanges sérieux et respectueux qui nous aide à pratiquer l’éthique et la non violence d’une façon très concrète.

Un Cercle d’Etude est simplement un regroupement d’amis intéressés par un sujet qu’ils souhaitent approfondir et par la manière dont ils peuvent le mettre en pratique. Vous n’avez pas à changer votre vie pas plus que vous n’avez à vous engager à prendre une quelconque décision. Cependant, la plupart des gens reconnaissent que ce travail les amène à une transformation personnelle, intérieure, et les stimule pour entreprendre un certain type d’actions.

Le grand avantage offert par le cadre du Cercle d’Etude, est que vous n’avez pas besoin d’être un expert pour mettre en place ou mener un groupe. Notre souhait est que vous trouviez ce Guide d’étude inspirant et qu’il puisse vous guider à sortir de vos propres sentiers d’exploration avec vos amis et collègues. Ce Guide d’étude reflète les expériences d’un groupe de six amis qui se sont rencontrés pendant un an. Le plaisir vient en créant votre propre culture, en avançant à votre propre rythme, en renforçant vos liens avec vos partenaires d’étude, et en appréciant votre propre manière d’apprendre.

Matériel d’étude Notre premier cours est basé sur l’ouvrage Sagesse ancienne, monde

moderne : Ethique pour le nouveau millénaire par Sa Sainteté le Dalaï Lama Pour accompagner ce livre, nous avons développé un Guide d’étude qui donne

un résumé des concepts clé de chaque chapitre, ainsi que des suggestions de questions à débattre et des exercices pratiques.

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Comment démarrer Réunissez un groupe d’amis motivés pour étudier ensemble. Nous avons

remarqué qu’un groupe de quatre à dix personnes est ce qui convenait le mieux. Trouvez un logement ou un environnement confortable pour la réunion.

Fixez la périodicité des réunions. Nous avons constaté qu’une ou deux fois par mois semblait convenir à la plupart des groupes.

Choisissez une date pour la première rencontre et envoyez l’invitation fixant la Session de préparation (voir plus loin).

Commandez pour tous le livre conseillé : Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire par Sa Sainteté le Dalaï Lama.

Téléchargez le Guide d’étude pour l’ouvrage Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire ou intégrez le lien dans votre courriel d’invitation.

Fixez le rythme de lecture qui convient pour le groupe. Un chapitre par mois était le bon rythme pour le groupe d’étude de Los Altos. Même les chapitres courts suscitent des discussions assez longues et profondes. Votre rythme peut être différent. Pensez à laisser du temps entre les sessions pour la réflexion personnelle et pour mettre en pratique les principes dans votre vie.

Si vous avez besoin d’aide pour démarrer votre Cercle d’Etude, envoyez-nous un courriel à [email protected].

Nous aimerions aussi avoir un retour sur les expériences de votre Cercle et sur notre matériel et nos idées.

Cadre de la réunionIl n’y a pas de bonnes ou mauvaises manières de structurer vos réunions et vous adopterez naturellement le cadre le plus approprié à votre groupe. Voici un exemple de cadre qui a fonctionné pour nous :

Avant la réunion, lisez le chapitre fixé, étudiez le Guide pour ce chapitre, et réfléchissez aux questions à débattre.

Nous aimions apporter des collations et proposer du thé ou café aux personnes qui arrivaient.

Pour préparer la discussion qui va suivre, prenez un moment pour échanger sur la motivation qui vous fait vous réunir. Qu’est-ce qui vous pousse personnellement à examiner un tel sujet ? Que cherchez-vous à apprendre ? à partager ?

Faites en sorte que l’animateur du débat commence par résumer les concepts clé du chapitre.

Allez vers une discussion de groupe basée sur les questions que vous avez sélectionnées.

Avant la fin, faites un tour de table pour partager les dernières remarques individuelles et les engagements de pratiques personnelles, quelles qu’elles soient, ou d’actions basées sur le matériel que vous avez parcouru.

Clôturez avec une personne qui souhaitera, au nom de vous tous, que ce travail collectif puisse être bénéfique pour vous-même, votre famille, votre collectivité, et pour notre monde commun.

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Session de préparation

Nous avons trouvé utile d’avoir une session de préparation avant de commencer à lire et à étudier officiellement Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire. Cela nous a énormément aidés à commencer à nous connaître les uns les autres, à commencer à construire notre propre éthique et à donner le ton et l’intention qui sous-tendront les moments passés ensemble.

Travail en amontAvant la première session, nous avons envoyé un courriel d’invitation précisant la logistique, les objectifs du groupe et l’ordre du jour de ce premier rendez-vous, comme suit :

Objectifs : Approfondir notre compréhension de l’éthique et appliquer cette compréhension

dans notre vie et notre évolution personnelle en utilisant Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire comme texte d’étude.

Commencer à mieux nous connaître les uns les autres et accroître notre sens du lien en tant que membres de notre communauté, de l’humanité et du monde.

Mieux intégrer la conduite éthique positive dans notre vie et, par voie de conséquence, grâce à l’exemple et à l’influence, répandre la révolution éthique dont nous avons besoin pour un monde plus heureux.

Ordre du jour de notre première réunionNotre première réunion sera l’occasion pour nous de faire connaissance et d’amorcer notre discussion sur le sujet de l’éthique. Avant la réunion, veuillez réfléchir sur ce qui suit afin d’arriver prêts pour l’échange :

Comment je m’interroge sur le terme « éthique », que signifie-t-il pour moi et comment ai-je développé et changé mon éthique personnelle dans le temps ?

A ce moment de ma vie, quels sont les problèmes/dilemmes éthiques auxquels je dois personnellement faire face ?

Apportez un journal, un article du web ou de magazine qui aborde un problème éthique collectif/mondial par lequel vous vous sentez concerné.

SessionNous avons ouvert la session par une présentation de chacun d’entre nous et par un partage de nos souhaits et intentions dans le cadre de ce Cercle d’Etude.Nous avons ensuite abordé les questions issues du travail accompli en amont. Néanmoins, avant de nous lancer dans notre propre examen, nous avons jugé utile de regarder quelles définitions les dictionnaires donnent à l’éthique (voir page suivante).Nous avons conclu par une discussion sur les Cercles d’Etude, sur l’animation du débat, et sur la manière dont nous souhaitions travailler en groupe.

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Définitions de l’éthique

1. Larousse.fr

nom féminin (bas latin ethica, morale, du grec êthikon)

i. Partie de la philosophie qui envisage les fondements de la morale.

ii. Ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu'un.

2. fr.wikipedia.org

L’éthique (du grec ηθική [επιστήμη], « la science morale », de ήθος ("ethos"), « lieu de vie ; habitude, mœurs ; caractère, état de l'âme, disposition psychique » et du latin ethicus, la morale) est une discipline philosophique pratique (action) et normative (règles) dans un milieu naturel et humain. Elle se donne pour but d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure.

Il existe différentes formes d’éthique qui se distinguent par leur degré de généralité (l’éthique appliquée par exemple ne possède pas le degré de généralité de l’éthique générale). Elles se distinguent aussi par leur objet (comme la bioéthique, l’éthique de l'environnement, éthique des affaires ou l’éthique de l'informatique), ou par leur fondement culturel (qui peut être l’habitat, la religion, la tradition propre à un pays, à un groupe social ou un système idéologique). Dans tous les cas, l’éthique vise à répondre à la question « Comment agir au mieux ? ».

Définition

Justification L'éthique regroupe un ensemble de règles qui se différencient et complètent les règles juridiques. Parce qu'elles intègrent le motif, le mobile des activités humaines et trouvent leur fondement dans l'intériorité de l'être, les règles éthiques ont un champ d'action différent de celui des règles juridiques : un acte pourra être légal mais non conforme à l'éthique (par exemple l'achat d'un objet fabriqué par un esclave) ; un acte pourra être illégal mais conforme à l'éthique (par exemple l'assistance à un réfugié politique).

L'éthique inspire et précède souvent les règles juridiques : les règles morales sont souvent érigées en loi. Le temps de l'éthique permet la création du consensus social nécessaire à l'établissement de la règle de droit (par exemple, la défense de la cause animale est essentiellement traitée par l'éthique jusqu'au XVIIIème siècle mais tend à devenir juridique avec l'apparition de quelques lois de défense contre les mauvais traitement aux XIXème et XXème siècles ).

Objet de l'éthique L’éthique générale - que nous appellerons simplement éthique dans la suite - établit les critères pour agir librement dans une situation pratique et faire le choix d'un comportement dans le respect de soi-même et d'autrui. La finalité de l'éthique fait donc d’elle-même une activité pratique. Il ne s’agit pas d’acquérir un savoir pour lui-même, mais d'agir avec la conscience d’une action sociétale responsable. Elle est considérée de nos jours, comme la discipline au fondement de l’éthique appliquée, de l’éthique individuelle, de l’éthique sociale et des différentes formes d'éthiques spécialisées qui se confrontent aux problèmes normatifs de leur domaine particulier. L’éthique vient répondre aux problèmes liés aux caractères particuliers des situations.

Différenciation avec d’autres disciplines Les rapports entre morale et éthique sont délicats, car la distinction entre ces deux termes eux-mêmes est différente selon les penseurs. Dans un sens « ordinaire», le terme éthique est synonyme de morale, et désigne une pratique ayant pour objectif de déterminer une manière conforme de vivre dans un habitat en correspondant aux fins ou aux rôles de la vie de l'être humain (ex : recherche du bonheur ou de la vertu).

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Toutefois, si le terme « éthique » est synonyme de morale dans un sens « ordinaire », pourquoi le mot « morale » ne se rencontre-t-il pas une seule fois dans l'Éthique de Spinoza ? La raison en est que la morale consiste en un ensemble de règles « relatives » fictivement érigées en Bien et Mal absolus, comme le confirme sa définition dans le paragraphe suivant, alors que l'éthique est précisément la morale débarrassée de ses croyances superstitieuses absolutisant le relatif et de ses condamnations moralisatrices utilisées comme une arme contre les Autres, dixit Constantin Brunner, philosophe juif allemand (1862-1937), héritier spirituel de Spinoza.

Une distinction courante consiste à entendre par « morale » l’ensemble des normes propres à un individu, à un groupe social ou à un peuple, à un moment précis de son histoire et à appeler éthique la recherche du bien par un raisonnement conscient. Durant l'époque moderne, le terme « éthique » est généralement employé pour qualifier des réflexions théoriques portant sur la valeur des pratiques et sur les conditions de ces pratiques ; l’éthique est aussi un raisonnement critique sur la moralité des actions. Il est, par exemple, question de « comité d’éthique » au sein d’institutions scientifiques ou d’hôpitaux. L’éthique aurait donc ses fondements dans une décision dite rationnelle prise à partir d’un libre dialogue entre des individus conscients des savoirs et de cultures parfois riches de traditions et de codes idéologiques assimilés.

Une autre distinction est proposée par certains philosophes contemporains (Deleuze, Ricœur, Comte-Sponville, Giuliani, Misrahi, etc.) pour définir la morale comme un ensemble de devoirs (impératifs catégoriques qui commandent de faire Le Bien posé comme valeur absolue, par exemple « tu ne tueras pas ») et l’éthique comme la réalisation raisonnable des besoins (tendance naturelle à chercher le bon comme valeur relative - la recherche de son bonheur, qui peut par exemple légitimer certains actes médicaux généralement considérés « immoraux » comme l’euthanasie, l'avortement, le don d'organe, etc.).

La morale est ainsi généralement rattachée à une tradition historique et parfois idéaliste (de type kantienne) qui distingue entre ce qui est et ce qui doit être, selon le dogme. Alors que l’éthique est liée à une tradition contemporaine et parfois matérialiste (de type spinoziste) qui cherche seulement à améliorer la perception de la réalité par une attitude « raisonnable » dans la recherche du bonheur pour tous. Ainsi, le droit se distingue de la morale et de l’éthique, dans le sens qu'il ne définit pas la valeur des actes, le bien/mal, le bon ou le mauvais. Il définit toutefois ce qui est permis et défendu par les pouvoirs d'une culture, dans une société humaine. La déontologie est, pour sa part, l’ensemble des obligations que les professionnels s’engagent à respecter pour garantir une pratique conforme au code d’éthique de la profession.

Différents domaines liés L’éthique est d’abord inséparable de l'histoire et de la philosophie, à tel point qu’il est encore courant de la confondre avec la philosophie morale et la religion. En effet, il est parfois considéré que l’éthique est une des branches principales de la philosophie, et plus particulièrement de la philosophie morale. L'éthique, dans ses applications contemporaines est maintenant indissociable de la science.

L’éthique est en outre intimement liée à la méta-éthique, même si c’est surtout dans le débat contemporain que la distinction est aussi nettement faite. La méta-éthique en effet a pour objet d’analyser la nature des énoncés, des normes et des procédés de l’éthique. Elle constitue la discipline qui permet à l’éthique un retour réflexif sur elle-même.

Un autre grand domaine inséparable est (au moins aux yeux de la tradition philosophique occidentale) la politique ou plus précisément la philosophie politique. Il est traditionnel en philosophie de considérer la gouvernance de la cité comme un cadre naturel et comme un prolongement des commandements éthiques. À une échelle plus vaste, les domaines de l'environnement contribuent au développement de l'éthique sur des bases réelles.

Par ailleurs, dans une moindre mesure, il est traditionnel de lier éthique et philosophie de l'action et ce depuis Aristote, dans la mesure où la théorie de l’action s’intéresse à certains problèmes fondamentaux pour l’éthique comme le jugement de la responsabilité de l’agent, de l’intentionnalité d’une action ou de la définition de ce qui est nommé un agent.

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Chapitre 1 – Société moderne et quête du bonheur

Concepts cléLes problèmes de la société moderne. Les gens, et par conséquent tous les êtres vivants, ont pour aspiration fondamentale d’être heureux et d’éviter la souffrance. Le Dalaï Lama a l’impression que les personnes vivant dans les sociétés urbaines matérialistes modernes sont moins heureuses et font l’expérience d’une plus grande souffrance émotionnelle et psychologique que celles vivant dans les sociétés rurales relativement plus pauvres. Il semble paradoxal que cette souffrance intérieure se rencontre si souvent au milieu des richesses matérielles.

Un examen plus approfondi révèle un lien entre l’importance disproportionnée que l’on prête au progrès extérieur et la tristesse, l’anxiété et le sentiment de frustration propres à la société moderne. Les gens dans les sociétés modernes ont une plus grande dépendance aux machines et aux services, et une indépendance/autonomie plus grande encore vis à vis des autres êtres humains. Cela crée le sentiment que « les autres sont moins importants pour mon bonheur et que leur bonheur n’est pas important pour moi ». Ils ont tendance à amenuiser leurs relations et leurs liens humains de telle sorte que le sentiment d’appartenance à une communauté, qui caractérise les sociétés rurales les moins riches, est remplacé par un fort sentiment de solitude et d’isolement. De plus, notre intérêt pour la croissance et le progrès conduit à la compétitivité, à l’envie et au stress, au fur et à mesure que nous tentons de « suivre le cours du Jones ou celui du CAC 40 ». Notre désir fondamental d’être heureux est sévèrement entravé.

La science telle une religion. Dans ce contexte, les succès extraordinaires de la science et de la technologie ont amené à reléguer la religion au dernier rang des sources du savoir dans l’opinion populaire. Ainsi la science passe-t-elle avant ou remplace-t-elle la religion pour beaucoup de gens. On court au danger d’une élévation aveugle et inappropriée des principes scientifiques vers un statut de vérité absolue, sans une réflexion consciente ni de choix réfléchi sur ce qui est vrai ou faux, bien ou mal, approprié ou inapproprié. La science, les affaires et la technologie nous entourent, et pourtant elles n’abordent pas les questions sur la manière de mener une vie morale et sur la manière d’être heureux – les dimensions intérieures qui déterminent et motivent une conduite éthique et positive.

Les problèmes éthiques. Beaucoup de problèmes de la vie moderne – crimes, relations abusives, addictions, divorces et suicides – sont fondamentalement des problèmes éthiques. Ils diffèrent des souffrances de la maladie, de la vieillesse et de la mort dans le sens où aucune de ces dernières n’est, par nature, inévitables. Les premiers sont de notre propre fait. Dès lors que nous nous efforçons d’obtenir le bonheur et l’épanouissement par le gain matériel, nous nous limitons à la satisfaction des sens. Bien que cela puisse convenir aux animaux, ce n’est pas suffisant pour les êtres humains, seuls doués des facultés cognitives, émotionnelles, imaginatives et critiques. Nous devons nous occuper de notre dimension intérieure si nous voulons « apprécier le même niveau d’harmonie et de tranquillité que celui de la plupart des communautés traditionnelles, tout en bénéficiant pleinement du développement matériel de ce monde. »

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Questions à débattre

1. Le Dalaï Lama prétend que le désir d’être heureux et d’éviter la souffrance est universel. Que recherchez-vous dans votre vie… au plus profond de vous-même ?

2. Citation de la page 18 : « La vie moderne s’organise de telle manière que l’on peut pratiquement se passer des autres.»

Nommez trois situations qui confirment cela pour vous.

Nommez trois situations de dépendance qui existent vraiment dans votre vie.

Réfléchissez sur ce que vous partagez. Que faites-vous de ce constat et comment cette dépendance/indépendance influe-t-elle sur votre vie ?

3. Citation de la page 21 : « Aujourd’hui, beaucoup croient que la science « démontre » la fausseté de la religion. Ils pensent en outre que, rien ne prouvant l’existence d’une quelconque autorité spirituelle, la morale est affaire de choix personnel. »

Qu’est-ce qui vous frappe quand vous lisez cette déclaration ?

Quelles expériences, vécues par vous-même ou par d’autres personnes que vous connaissez, vous viennent à l’esprit quand vous approuvez ou réfutez cela ?

Quelles sont les implications et les conséquences dans notre monde ?

Comment prenez-vous soin de votre dimension intérieure, ou l’ignorez-vous ? Quels liens voyez-vous avec vos problèmes éthiques au sein de votre famille et de votre entourage ?

Exercice pratique

Développez une pratique quotidienne qui prenne soin de votre dimension intérieure… par exemple, en lisant, en méditant, en priant, en réfléchissant chaque jour avec une autre personne, en marchant dans la nature.

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Chapitre 2 – Pas de magie, pas de mystère

Concepts cléDans ce chapitre, le Dalaï Lama s’efforce de relier l’éthique à l’expérience humaine fondamentale du bonheur et de la souffrance dans le but d’éviter les problèmes qui apparaissent quand nous établissons l’éthique dans le cadre religieux :

La majorité des gens aujourd’hui ne sont pas persuadés de la nécessité de la religion et donc venir à l’éthique par la religion est une voie limitée.

Il y a des conduites qui sont acceptables dans une tradition religieuse mais qui ne le sont pas dans une autre.

Religion et spiritualité. Pour encadrer l’examen de l’éthique, le Dalaï Lama fait une distinction entre ces deux notions :

La religion s’occupe de la question de la foi dans la revendication du salut, dont un aspect est l’acceptation de certaines formes de réalité métaphysique et surnaturelle.Liés à cela, nous trouvons les enseignements religieux ou les dogmes, les rituels, les prières etc.

La spiritualité se préoccupe de ces qualités de l’esprit humain que sont l’amour et la compassion, la patience, la tolérance, le pardon, le contentement, un sens de la responsabilité, un sens de l’harmonie, qui apportent le bonheur aussi bien à soi-même qu’aux autres. Ces qualités impliquent une considération implicite pour le bien-être des autres et peuvent être développées à un haut niveau sans recours à aucune religion ou système de croyance métaphysique.

La foi religieuse demande une pratique spirituelle. La pratique spirituelle implique le fait d’exprimer une considération pour le bien-être des autres et de nous transformer de sorte que nous devenions plus facilement disposés à agir ainsi.

Identifier et évaluer les problèmes éthiques. Le Dalaï Lama fait une distinction entre deux types de souffrance – celles qui ont principalement des causes naturelles et celles d’origine humaine. Ce sont les problèmes d’origine humaine dont nous sommes responsables, et, parce que ce sont essentiellement des problèmes éthiques, ils peuvent être dépassés. Cependant, tous les dilemmes éthiques ne peuvent être dépassés par des méthodes extérieures telles que des systèmes légaux ou des règlements, mais seulement par une discipline intérieure et une retenue éthique. La source de l’engagement déterminé et des principes éthiques non dogmatiques vient du constat que nous tous, universellement, désirons le bonheur et souhaitons éviter la souffrance. Ainsi, on évalue l’éthique d’un acte (de courage, de pensées, de mots, de désirs, d’omissions) comme positif ou négatif par la critique faite sur :

l’impact sur l’expérience/les attentes qu’ont les autres du bonheur l’intention la nature de l’acte lui-même la motivation

L’élément clé, c’est la motivation, qui dans la formulation du Dalaï Lama, va au-delà de l’intention consciente en incluant ce qui inspire nos actions – à la fois ce que nous voulons directement et ce qui est du domaine de l’involontaire.

Lorsque la force motrice de nos actions est saine, celles-ci tendent automatiquement à contribuer au bien-être d’autrui. Plus il s’agit là de notre état habituel, moins nous risquons de mal réagir à la provocation.

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Le but de la pratique spirituelle, et par conséquent de la pratique éthique, est de transformer et de parfaire la motivation individuelle, au sens le plus large, et d’accroître ainsi la conduite éthique positive.

Questions à débattre

1. Le Dalaï Lama fait une distinction entre religion et spiritualité. Qu’est-ce qui vous frappe dans ces définitions ? En quoi cette distinction est-elle utile ? Avec quoi êtes-vous d’accord/pas d’accord/ divergez-vous ?

2. Le Dalaï Lama suggère que l’éthique d’un acte (de courage, de pensées, de

mots, de désirs, d’omissions) peut être jugée en analysant l’impact sur l’expérience/les attentes de bonheur des autres, l’intention, la nature de l’acte lui-même et la motivation. Un acte qui nuit délibérément ou commis de fait est potentiellement un acte non éthique si l’on se base sur l’examen de ces deux autres critères. Pouvez-vous penser à certaines de vos actions qui nuisent, délibérément ou commises de fait, au bonheur des autres et que vous considérez comme éthiques ? Non éthiques ? Des actions qui vous ont marqués ?

3. « Lorsque la force motrice de nos actions est saine, celles-ci tendent automatiquement à contribuer au bien-être d’autrui. Plus il s’agit là de notre état habituel, moins nous risquons de mal réagir à la provocation. » Réagissez à cette déclaration et discutez sur ce que vous faites dans votre vie pour que cela devienne un comportement plus habituel.

Exercice pratique

Adoptez une pratique quotidienne qui permette de transformer et de perfectionner votre état d’esprit, votre entraînement à la considération des autres, et votre motivation habituelle.

The Dalaï Lama Foundation 13

Chapitre 3 – Origine dépendante et nature de la réalité

Concepts cléLa manière dont on voit le monde détermine nos réactions et notre comportement. Si nous ne comprenons pas les phénomènes, nous sommes plus probablement enclins à nuire à nous-mêmes et aux autres. La perspective dans ce chapitre est basée sur l’école Madhyamika (Voie du Milieu) de la philosophie bouddhiste. Elle commence par une étude rigoureuse, en utilisant la logique, sur la manière dont les phénomènes, le soi et le monde existent.

La vue du monde par la Voie du Milieu. Le concept central, l’origine dépendante, peut être comprise selon plusieurs niveaux :

les choses résultent de causes et de conditions – un pot de terre ou soi-même. les choses sont composées de parties. Chaque partie elle-même est composée

de parties, et ainsi de suite. Cela s’applique aussi bien au mental qu’aux objets physiques. Dans le cas de l’esprit, chaque moment de conscience a un début, un milieu et une fin.

l’objet existant de manière indépendante ne peut jamais être trouvé. Les choses sont étiquetées sur une base de désignation.

Où veut-on en venir par cette analyse ? Comment cela peut-il nous aider dans notre vie au quotidien ? Il y a des implications profondes, parmi lesquelles :

notre perspective toute entière change, d’un monde constitué d’entités isolées à un monde vu comme un organisme, dans lequel nous pouvons être assimilés à des cellules interconnectées, travaillant en coopération pour soutenir le « tout ». Notre lien avec tous les autres êtres vivants n’est pas une question de sentiment, ou de doctrine religieuse, mais un fait qui repose sur la raison. C’est comme cela qu’est la vie. Chacune de nos actions, tous les actes, les mots et les pensées, touchent les autres, pour leur bien ou pour leur mal. Cela est vrai même pour les pensées, et peu importe si cela semble illogique.

ce type d’analyse va à l’encontre de notre tendance à voir les choses et les événements comme solides, indépendants, comme des entités distinctes, et nous pousse à voir les choses et les événements moins en terme de « noir ou blanc » qu’en terme de liens complexes que sont les relations.

même le « chérissement » de soi ne peut pas être reconnu comme existant d’une manière concrète ; nous sommes amenés à voir que la distinction nette habituelle que nous faisons entre nous et les autres est une exagération. Le précieux « soi » n’est « finalement pas plus substantiel qu’un arc-en-ciel dans un ciel d’été ».

« …c’est possible d’imaginer s’accoutumer à une conception étendue du soi où l’individu place son intérêt dans les limites de ceux des autres. »

« à cause de l’interconnexion fondamentale qui réside au cœur de la réalité, votre intérêt est aussi mon intérêt. »

Pas de nihilisme. Le fait que rien n’existe de manière indépendante ne doit pas laisser supposer que finalement rien n’existe du tout, ou que la réalité est juste une projection de notre esprit. Un tel malentendu ébranlerait le sens de l’éthique. L’implication de l’origine dépendante est tout l’opposé : fournir un soutien ferme à un discours sur l’éthique. La raison est que « …le concept de l’origine dépendante nous contraint à prendre la réalité de cause à effet avec le plus grand sérieux. Par cela, je signifie le fait que des causes particulières mènent à des effets particuliers, et que certaines actions mènent à la souffrance alors que d’autres mènent au bonheur. »

The Dalaï Lama Foundation 14

Questions à débattre

1. Lors d’une récente conférence à Stanford, l’un des invités a dit, « je sais ce que veut dire m’identifier à mon pays, mais je n’ai aucune idée sur ce que veut dire m’identifier à l’humanité telle un tout. ». Quand vous réfléchissez à vous-même, où « tracez-vous la ligne » entre vous-même et le monde ? Pensez-vous à vous comme étant avant tout un individu ? Un membre d’une famille ? Un membre de votre pays ? Un citoyen du monde ?

2. Est-ce que la vie d’un Nigérien à la même valeur que la vie d’un Américain ? Pourquoi, ou pourquoi pas ? Est-ce possible ou souhaitable de ressentir que chaque vie a la même valeur et d’agir en conséquence ?

3. Le mot « karma » est rentré dans le langage courant, en lien avec des phrases telles que « on récolte ce qu’on a semé ». Pensez-vous que la loi de cause à effet s’applique à toute chose dans la vie, ou juste au monde physique ? Selon votre point de vue, les pensées ont-elles des effets ? Quel en serait un exemple ? Comment pourrait-on connaître l’effet que pourrait avoir une pensée précise ?

4. Si tout fonctionne vraiment selon la loi de cause à effet, pourquoi de mauvaises choses arrivent alors à des gens biens, et inversement ?

5. Pensez à quelque chose qui a été une source de contrariétés ces dernières semaines, une souffrance, un tracas, une confusion. Comment, du point de vue de la Voie du Milieu, le regard sur la situation et sur les protagonistes pourrait-il changer votre ressenti et la manière dont vous fermez le champ de possibilités, ou l’ouvrez davantage, pour y faire face ?

6. Le Dalaï Lama déclare : « A cause de l’interconnexion fondamentale qui réside au cœur de la réalité, votre intérêt est aussi mon intérêt. » Comment ceci peut-il se concilier avec le point de vue commun qui veut que certaines situations génèrent des gagnants ou des perdants ? Est-ce une vue idéaliste de la manière dont les choses devraient être, ou est-ce vraiment ainsi qu’elles sont ?

7. Quelle expérience avez-vous vécue au cours de laquelle vous avez profondément et de façon saisissante ressenti que vos intérêts et ceux des autres étaient vraiment identiques ?

8. Dans ce chapitre le Dalaï Lama présente un point de vue explicitement basé sur la philosophie bouddhiste. Cette école de philosophie implique des discussions qui amènent vers des arguments compliqués et très techniques. Dans un livre qui prétend être séculier, et non basé sur la religion, pourquoi pensez-vous que le Dalaï Lama donne une telle place à cette philosophie ?

Exercice pratique

Chaque jour, marquez une pause et pensez aux situations où vous étiez conscients de l’interconnexion avec les autres et de l’impact de vos pensées, mots et actes sur l’organisme vivant qu’est notre monde.

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Chapitre 4 – Redéfinir le but

Concepts cléDans ce chapitre, le Dalaï Lama examine la nature du bonheur, ce qu’est le véritable bonheur, ce qu’est la paix intérieure et comment nous la développons, ainsi que la relation du bonheur et de la paix intérieure avec l’éthique et la spiritualité.

Nature du bonheur. Le bonheur est une qualité relative que nous expérimentons différemment selon nos situations, notre constitution et notre éducation. Nous utilisons le mot « bonheur » pour décrire des états très différents dans notre vie, la plupart d’entre eux étant de courte durée, ne satisfaisant que les sens. En leur cœur se trouve la graine de la souffrance. Beaucoup de souffrances extérieures peuvent être attribuées à notre approche « impulsive » du bonheur, quand nous ne pensons qu’à nous-mêmes et non pas aux autres. Quand nous agissons pour combler nos désirs immédiats sans prendre en compte l’intérêt des autres, nous diminuons la possibilité de bonheur durable.

Le bonheur véritable. D’après les expériences du Dalaï Lama, le principe caractéristique du véritable bonheur, du bonheur durable, est la paix, la paix intérieure. Cette paix est basée sur la considération des autres et implique un haut niveau de sensibilité et de cœur. Si nous développons cette qualité, nous serons capables de maintenir un sentiment profond de bien-être même lorsque nous rencontrerons des difficultés dans la vie.

La paix intérieure. Où la trouvons-nous ? Qu’est-ce qui contribue à son développement ? Il n’y a pas une seule réponse à la question « où trouvons-nous la paix intérieure ? ». Nous devons identifier ses causes et conditions, et alors, avec enthousiasme, les cultiver. Le Dalaï Lama dit que des bienfaits comme la bonne santé, les amis, la liberté d’exprimer nos points de vues personnels et un degré de prospérité (florissant mentalement et émotionnellement) permettent de contribuer à la paix intérieure. D’autres facteurs de la paix intérieure sont :

notre attitude fondamentale – comment nous nous relions aux conditions existantes.

les actions que nous entreprenons dans notre recherche du bonheur – celles qui lui apportent une contribution positive, celles dont l’effet est neutre, celles qui ont un effet négatif sur lui.

Les actes éthiques et spirituels. Le Dalaï Lama fait une distinction entre l’acte éthique et l’acte spirituel. Les actes éthiques sont ceux que nous faisons lorsque nous nous abstenons de nuire aux expériences de bonheur des autres ou à leurs aspirations au bonheur. Les actes spirituels sont ceux qui comportent les qualités d’amour, de compassion, de patience, de pardon, d’humilité, de tolérance, etc. et qui supposent un certain niveau de considération pour le bien-être des autres. C’est ce genre d’actes qui procurent du bonheur à la fois pour soi et pour les autres. La plus grande part de notre bonheur découle de nos relations avec les autres. L’altruisme est un composant essentiel qui mène au bonheur véritable et durable.

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Questions à débattre

1. Pensez à certains moments de votre vie où vous vous êtes dit que vous étiez heureux. Qu’entendez-vous par bonheur ?

2. Quand avez-vous fait l’expérience du bonheur de courte durée, ne satisfaisant que vos sens ? Comment reliez-vous cela à l’affirmation du Dalaï Lama selon laquelle elle peut contenir « la graine de souffrance » ? Est-ce que cela sonne juste dans vos expériences ?

3. Pourquoi peut-on attribuer à la plupart de nos souffrances intérieures notre approche « impulsive » du bonheur ?

4. Le bonheur véritable est-il un état émotionnel ou un état d’endurance au bien-être ?

5. Comment cultivez-vous la paix intérieure ? Pourquoi le discernement est-il nécessaire ?

6. Décrivez un moment de votre vie où vous avez rencontré des difficultés au cours desquelles vous avez réussi à garder un sentiment de paix intérieure ? Qu’est-ce qui vous a aidé à faire cela ? Qu’est-ce qui a été pénible ?

7. Le Dalaï Lama dit que l’altruisme est un composant essentiel de nos actions et que c’est le chemin le plus efficace pour apporter le véritable bonheur qui mène au bonheur durable. Etes-vous d’accord ? Pourquoi ? Sinon pourquoi ne l’êtes-vous pas?

8. Que signifie vraiment être altruiste ? Comment pratiquons-nous cela sans incarner le rôle de martyr ?

9. Décrivez une situation où vous teniez les intérêts des autres au-dessus des vôtres et où vous ressentiez un véritable bonheur et une souffrance amoindrie.

10.Quelle est la relation entre l’éthique et le bonheur ? Entre la spiritualité et le bonheur ?

Exercices pratiques

1. Parlez avec au moins deux personnes dans votre famille, leur demandant leur avis sur ce que signifie être heureux véritablement… même lorsque les circonstances sont terribles.

2. Notez ce qui vous aide à cultiver la paix intérieure chaque jour dans les prochaines semaines. Réfléchissez à ce que vous avez observé et développez une pratique plus intentionnelle qui cultivera la paix intérieure quotidiennement selon vous.

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Chapitre 5 – L’émotion suprême

Concepts cléCe chapitre examine la nature de l’empathie, notre capacité innée à l’empathie et à la bonté, mais également à la rage, à la colère et, à plus grande échelle, la capacité innée à faire du mal au point de tuer. Le Dalaï Lama examine la motivation pour l’empathie et la bonté, l’empathie en tant que source de compassion, composante cognitive de l’amour et de la compassion, et parle des pratiques qui étendent et approfondissent l’expérience de l’empathie et de la compassion.

Nature de l’empathie. L’empathie implique une capacité à résonner avec la peine de l’autre. La définition littérale tibétaine de l’empathie est « l’incapacité à supporter la vue de la souffrance de l’autre ». Bien que certaines personnes ne manifestent pas d’empathie, cela ne prouve pas que l’aptitude à cette qualité ne soit pas présente en elles. Notre appréciation de la bonté telle qu’elle nous apparaît est un reflet de notre capacité à l’empathie.

Les sentiments encouragent l’empathie. La bonté nous permet de répondre avec plus de confiance. La tranquillité favorise même une bonne santé. D’un autre côté, la violence nous intimide. Ceux qui se sentent menacés ne vont probablement pas faire preuve de bienveillance à l’égard de ceux qui les menacent. Par nature, nous préférons la vie plutôt que la mort, le progrès plutôt que le déclin.

Ce qui arrive quand l’empathie est absente. Et qu’en est-il de ceux dont les vies semblent totalement tournées vers la violence – Hitler, Pol Pot, Staline, Mao ? De telles personnes ne viennent pas de nulle part, mais à un moment et dans un lieu particuliers. Leur faculté imaginative joue un tel rôle qu’elle devient le facteur décisif. Une vision des choses soutenue par une motivation correcte peut faire des miracles ; quand elle est dissociée des sentiments humains fondamentaux, son potentiel négatif dépasse toute estimation.

Empathie et éthique. La capacité pour l’empathie est cruciale pour l’éthique. Un acte éthique ne nuit pas. Si nous avons du mal à imaginer l’impact potentiel de nos actions, nous n’avons pas les moyens de distinguer le bien du mal, l’acte nuisible de l’acte non nuisible. Si nous pouvons développer notre capacité à l’empathie, nous deviendrons plus sensibles au comportement nuisible et moins enclins probablement à agir de manière nuisible.

Développer la compassion. La raison joue un rôle important dans l’empathie et la compassion. Quand nous mettons nos facultés mentales au service de l’empathie, nous l’améliorons et la transformons en amour et compassion. La traduction tibétaine pour « compassion » contient les éléments amour, affection, bonté, douceur, générosité de l’esprit, connexion ; cela n’implique pas la pitié.Par une réflexion soutenue sur la compassion et une familiarisation avec ce sentiment acquise par la répétition et la pratique, nous pouvons développer notre aptitude innée à nous lier avec les autres. Plus nous développerons la compassion, plus notre conduite sera éthique. Il n’y a pas de différence substantielle entre nous. Quand nous agissons en considérant les autres, cela crée la paix dans notre cœur et nous apportons ainsi la paix à ceux qui nous entourent. La compassion est la source et le résultat de la patience, de la tolérance et du pardon. C’est essentiel, du début à la fin de la pratique spirituelle.

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Questions à débattre

1. Pensez à vous-même et à ceux qui vous sont proches, donnez des exemples d’empathie dont vous avez fait l’expérience en tant que donneur et/ou receveur.

2. Quels types de situations vous encouragent à ressentir l’empathie ? Qu’est-ce qui stoppe votre capacité à l’empathie ?

3. Qu’est-ce qui vous fait ressentir la menace et quel en est l’impact sur votre empathie ? Quand accédez-vous à l’état d’empathie, même sous la menace ? Qu’est-ce qui vous aide à faire cela ?

4. Pouvez-vous penser à une expérience dans votre propre vie où vous répondez avec empathie et où vous désamorcez une colère ou une situation tendue ?

5. Pouvez-vous penser à des circonstances au cours desquelles vous réagissez avec cruauté et haine ? Quel est l’impact sur vous ? Sur les autres ?

6. Quelles sont les voies qui contribuent aux malheurs du monde, tels que les génocides, les guerres, les embrasements, les trafics humains, la violence envers les autres ?

7. Toute personne a-t-elle la capacité à l’empathie ? De quelle manière cela est-il inné ou acquis ? Comment pouvons-nous améliorer cela en nous-mêmes ? Chez les autres ?

8. Comment voyez-vous les liens entre l’empathie et la conduite éthique positive ?

9. Comment la transformation de l’empathie en amour et compassion se passe-t-elle en vous ?

10.Quelle est la différence entre pitié et compassion ? Quels sont les ressentis pour chacune d’elles ?

11.Quels sont les facteurs qui empêchent la compassion ? Quels sont les facteurs qui permettent de la cultiver ?

Exercices pratiques

1. Pratiquez un acte de bonté, quel qu’il soit. Notez les résultats à la fois chez vous et chez les autres.

2. Quand vous ressentez la colère ou le fait d’être menacé, faites une pause et créez l’espace pour vous ouvrir à l’empathie et imaginez des réponses compatissantes. Puis répondez.

3. Pratiquez la méditation de l’amour bienveillant.

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Chapitre 6 – L’éthique de la mesure

Concepts cléDévelopper la compassion demande deux approches : 1) cultiver les facteurs qui conduisent à la compassion – amour, tolérance, pardon, humilité, etc. – et 2) simultanément, cultiver le contrôle des facteurs qui inhibent la compassion et transformer nos habitudes et tendances pour perfectionner notre état général au niveau du cœur et de l’esprit.

Cultiver une habitude de discipline intérieure ne consiste pas seulement à supprimer ou nier les pensées négatives et les émotions ou à obéir à des lois ou des préceptes. Une vue profonde de la nature destructrice des émotions perturbatrices est nécessaire. La véritable discipline intérieure est basée sur un effort volontaire et délibéré pour nous comprendre nous-mêmes, comprendre nos émotions et leur impact sur les autres, et au-delà de cette compréhension, pour choisir en conscience nos réponses avec discipline et contrôle.

Nature des émotions et de l’esprit/conscience. Comme métaphore de la nature de l’esprit, le Dalaï Lama décrit l’eau d’un lac : « Quand l’eau est agitée par une tempête, la boue du fond du lac la rend trouble, lui donne une apparence opaque. Mais la nature de l’eau n’est pas sale. Quand la tempête passe, la boue se dépose et l’eau redevient claire.» Cette observation sur le fait que les émotions et la conscience ne sont pas la même chose souligne que nous ne devons pas être contrôlés par nos pensées et nos émotions. Avant toute action, il doit y avoir un événement mental et émotionnel auquel nous sommes plus ou moins libres de répondre, mais il semble vrai que, jusqu’à ce que l’on ait appris à discipliner notre esprit, nous aurons des difficultés à nous exercer à cette liberté. L’esprit est comme un président ou un monarque, et les émotions comme les ministres de cabinet, certains d’entre eux donnent de bons conseils, d’autres non. Le travail de la conscience principale – le leader – est de déterminer quel subalterne donne les bons conseils et le sert correctement, et quel autre donne de mauvais conseils et le dessert.

Emotions négatives contre émotions ordinaires. La principale caractéristique qui distingue les émotions ordinaires de celles qui compromettent la paix, se définit par un aspect cognitif négatif. Un moment de chagrin ne doit pas devenir une tristesse paralysante à moins que nous ne le saisissions et y ajoutions des pensées négatives et des fantasmes. Ce sont les histoires que nous nous racontons sur un événement particulier qui cassent notre sérénité fondamentale. Une peur rationnelle pourrait être très utile pour renforcer notre conscience et nous donner l’énergie nécessaire pour fuir ou nous protéger. La peur la plus dangereuse et la plus néfaste est celle que les pensées amplifient de façon déraisonnable et qui peut totalement nous submerger et nous paralyser.

Nature des émotions destructrices. Toutes ces pensées, émotions, évènements mentaux, qui reflètent notre état d’esprit négatif ou non compatissant, compromettent notre expérience de paix intérieure. Ils sont la source de la conduite non éthique et la base de l’anxiété, de la dépression, de la confusion et du stress, caractéristiques de notre société moderne.Les causes des émotions destructrices comprennent l’habitude de penser à nous-mêmes avant de penser aux autres, notre tendance à projeter des caractéristiques « sur » les choses et les événements et même « au-delà » de ce qui en fait se présente, et à projeter des déclenchements apparemment inexplicables de ce qui nous arrive au cours de notre vie.

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Les émotions destructrices nous privent de notre conscience discriminante, diminuant notre capacité de jugement entre ce qui est juste et injuste, et de discernement au sujet des résultats possibles de nos actions.Les émotions destructrices nous dupent, semblant nous offrir des satisfactions, comme la vengeance ou la protection, mais elles ne donnent pas la satisfaction juste et véritable. Le plus souvent la non colère est considérée comme le signe d’une faiblesse plutôt que celui d’une force.Les émotions destructrices ont une dimension irrationnelle quand nos passions sont exaltées à l’extrême. Par exemple, une personne jadis idolâtrée peut sembler aujourd’hui méprisable et odieuse, alors que, bien sûr, il s’agit toujours de la même personne.Les émotions destructrices sont inutiles : plus nous nous abandonnons à elles, moins nous avons de place pour des qualités telles que la bonté et la compassion et moins nous sommes capables de résoudre nos problèmes. Les émotions et pensées négatives compromettent les causes mêmes de paix et de bonheur. Considérez le cas de la colère. Quand nous sommes en colère et pensons à la justesse de notre colère, nous stoppons les états de compassion, d’amour, de générosité, de pardon, de tolérance et de patience, nous privant de toutes ces choses qui nous procurent le bonheur. Et la colère évolue vers la rage, la malveillance, la haine et la méchanceté, chacune d’elles étant la cause directe de l’acte de nuire aux autres. Quand nous nous mettons en colère, nous perdons toute notre paix intérieure et, si cela devient habituel, les autres nous éviteront, tout simplement.

Impact des actions égoïstes et négatives. Les actions négatives génèrent une réputation négative, qui rend les autres craintifs et suspicieux envers nous, et conduit éventuellement à une tendance à la solitude et à un état malheureux. Quand nous agissons sous l’influence des émotions et pensées négatives, nous devenons inconscients de l’impact de nos actions sur les autres. Elles sont ainsi la cause de notre comportement destructif à la fois pour les autres et pour nous-mêmes. Notre incapacité à regarder nos réponses aux émotions destructrices ouvre la porte à la souffrance, à la fois pour soi et pour les autres.

Démarche pour répondre aux émotions et pensées négatives : 1. Tout d’abord, nous devons construire notre capacité à reconnaître les émotions

négatives quand elles nous apparaissent en portant toute notre attention sur les sensations du corps, les pensées et sentiments, les mots et actions.

2. Ensuite, nous devons reconnaître les situations, activités et conditions qui déclenchent ces émotions destructrices et envisager de les laisser à l’écart jusqu’à ce que nous puissions établir nos ressources intérieures et notre aptitude à maîtriser nos pensées et actions.

3. Il est alors important d’acquérir la compréhension profonde de nos propres négativités. C’est un travail à vie, mais, à moins de le prendre en charge, nous serons incapables de voir où opérer les changements nécessaires. Posez-vous continuellement ce type de question : Suis-je plus heureux quand mes pensées et émotions sont négatives et destructrices ou quand elles sont saines ? Qu’est-ce qui a déclenché les émotions destructrices aujourd’hui ? Et les pensées et émotions saines ? Soyez comme un scientifique enquêtant sur la manière dont fonctionne votre esprit, et tirez les conclusions qui conviennent.

4. Enfin, nous devons cultiver une forte habitude à contrôler nos émotions destructrices. Gardez en tête ici que le Dalaï Lama ne suggère pas le déni de ces émotions, mais le contrôle. Le contrôle est une discipline délibérée et volontairement adoptée, basée sur l’appréciation des bénéfices à faire cela. C’est très différent du déni qui réprime les émotions comme la colère avec une

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apparence de self-control ou d’indifférence à ce que les autres pourraient penser. Un tel comportement reviendrait à refermer une plaie qui est encore infectée.

La discipline de l’éthique consiste à mener des actions qui considèrent le bien-être des autres. Quand nous n’arrivons pas à contrôler nos réponses aux émotions destructrices, nos actions deviennent non éthiques et font obstacle à notre bonheur. Le contrôle de l’éthique reconnaît que nos intérêts et notre bonheur à venir sont étroitement connectés aux autres et nous demande d’apprendre à agir en conséquence.

Questions à débattre

1. Le Dalaï Lama propose deux métaphores, le lac avec le fond boueux et le président avec ses ministres de cabinet, pour distinguer l’esprit/la conscience et les émotions. Que retenez-vous de ces métaphores et comment sont-elles utiles dans la compréhension de l’ « éthique de la mesure » ?

2. Le Dalaï Lama semble indiquer que la différence entre les émotions ordinaires et les émotions destructrices vient d’une « composante cognitive négative ». Que pensez-vous de cette affirmation ?

3. Réexaminez le contenu du paragraphe sur la nature des émotions destructrices et partagez ce qui vous a frappé, et/ou les souvenirs qui sont à l’origine de vos expériences émotionnelles.

4. Quel est l’état actuel de votre compréhension dite profonde de vous-mêmes et l’état actuel de votre réflexion personnelle concernant les émotions destructrices ? Quelles situations ont tendance à déclencher vos négativités et comment avez-vous tendance à y répondre – sensations du corps, pensées, mots et actions ?

5. Comment opère votre discipline intérieure vis-à-vis de vos réponses aux pensées et émotions négatives ?

6. Que retenez-vous de la distinction faite par le Dalaï Lama entre le déni des émotions et une éthique de la mesure ? Pourquoi est-ce important ?

Exercices pratiques

1. Faites une liste des situations qui ont tendance à déclencher vos pensées et émotions négatives. Identifiez celles que vous pourriez supprimer de vous-même, construisant ainsi vos ressources intérieures en termes de discipline et de contrôle.

2. Chaque jour, posez-vous les questions issues du résumé ci-dessus afin de vous aider à développer une plus grande compréhension de votre propre expérience au sujet des émotions destructrices.

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Chapitre 7 – L’éthique de la vertu Concepts cléUne éthique de la vertu est nécessaire pour nous permettre de cultiver un véritable bonheur et une paix intérieure. Il y a un dicton au Tibet qui dit que la pratique de la vertu est aussi dure que de conduire un âne en haut d’une montagne, alors que s’engager dans les activités destructrices est aussi facile que de faire rouler des rochers vers le bas d’une montagne. Par une pratique et une familiarisation constantes, l’expérience de la vertu devient spontanée et habituelle.Une éthique de la vertu demande, de manière consciente, active et continue, un développement et un renforcement de nos qualités positives, appelées qualités humaines fondamentales, ou spirituelles. Après la compassion elle-même, le « chef » de ces qualités est désigné en tibétain par le mot so pa.

So pa. Souvent traduit par patience ou indulgence. A un niveau plus profond, il implique le courage, le calme, l’état de non perturbation face à l’adversité. Il semble indiquer une réponse délibérée, raisonnée à des pensées et émotions fortement négatives. So pa nous donne la force de résister à la souffrance et nous protège du risque de perdre la compassion même envers ceux qui pourraient nous nuire. Cela implique une détermination à ne pas rentrer dans les impulsions négatives et à ne pas nuire volontairement. C’est le moyen par lequel nous pratiquons la véritable non-violence.

So pa ne doit pas être confondu avec la simple passivité. Quand des mots durs, des positions ou des contre-mesures fermes sont sollicités, so pa nous empêche de saisir les pensées et émotions négatives. Il protège notre calme intérieur de telle manière que nous pouvons choisir une réponse non-violente appropriée. Nous restons fermes et courageux même si nous sommes dans la peur. Ainsi, notre conduite devient éthiquement saine.

Cultiver so pa. Pour être capable d’accéder à la patience dans les situations difficiles, on doit la pratiquer chaque jour. Une voie puissante pour pratiquer est de réfléchir aux bénéfices de la patience, qui comprennent :

La mise de côté des jugements, le fait de favoriser la compassion et de développer le pardon ;

Une grande réserve de calme et de tranquillité qui entretient les relations ; Le fait d’être plus ancré émotionnellement, ce qui améliore notre santé

physique ; L’antidote le plus puissant aux souffrances liées à la colère (voir les autres

antidotes ci-dessous).

Il peut aussi aider à penser à l’adversité non pas tant comme une menace à notre paix de l’esprit mais plutôt comme un moyen par lequel atteindre la patience. Ceux qui voudraient nous nuire sont nos maîtres de so pa.

Les antidotes aux émotions destructrices. Une éthique de la vertu comprend aussi le fait de cultiver des antidotes aux émotions destructrices avec une maîtrise de notre réponse à ces émotions destructrices. L’antidote à chaque émotion destructrice est tout son contraire :

La patience s’oppose à la colère L’humilité s’oppose à la fierté Le contentement s’oppose à l’avidité

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La persévérance s’oppose à l’indolence La spiritualité, la demande d’aide, s’opposent à la vulnérabilité et au désespoir L’acte de donner s’oppose à l’avarice

Une éthique de la vertu demande à ce que l’on mette la recherche de la vertu au cœur de notre vie au quotidien de façon à ce que nos actions deviennent spontanément éthiques. Nous devons nous habituer à faire face aux émotions destructrices avant même que celles-ci ne s’élèvent. C’est important d’être généreux, d’être humble, de nous réjouir de la bonne fortune des autres, de surmonter nos tendances habituelles à la paresse, et, quand nos actions ne sont pas en accord avec nos idéaux, de maintenir une attitude de regret (non de culpabilité) avec la détermination du repentir.Des pratiques quotidiennes sont efficaces si elles comprennent la mise en place d’une habitude à considérer le bien-être des autres, une courte réflexion le matin sur la valeur de conduire notre vie en suivant une méthode guidée par l’éthique, et/ou une courte réflexion le soir sur la façon dont nous nous sommes conduits pendant la journée.Si nous voulons vraiment être heureux, il n’y a pas d’autre moyen que d’avancer avec celui de la vertu : c’est la méthode par laquelle le bonheur est atteint. Et nous devrions ajouter que la base de la vertu, son terreau, c’est la discipline de l’éthique.

Questions à débattre

1. Pensez à un exemple de so pa au cours de ces six derniers mois. Partagez votre histoire et la manière dont cela se relie à la définition et à la pratique qui ont été soulignées dans ce chapitre.

2. Discutez de vos réactions à propos du fait que la patience doit être une pratique quotidienne pour être efficace spontanément dans les situations difficiles.

3. Qu’est-ce qui vous aide à développer une pratique de la patience ou so pa face à des pensées ou émotions destructrices ?

4. Comment vous êtes-vous activement opposé aux émotions négatives avec leur antidote ? Qu’est-ce qui vous aide à faire cela quotidiennement ou/et vous en empêche ?

5. Quelle différence qualitative voyez-vous entre « donner pour avoir » et « donner sans attachement » ?

6. Dans quelle mesure l’humilité a-t-elle une connotation positive ou négative dans votre vie, votre entourage, votre travail ? Quel en est l’impact sur vous et sur votre éthique ?

Exercices pratiques

1. Chaque jour, faites une pause et réfléchissez aux autres, et sur la manière dont vous pouvez contribuer à leur bien-être.

2. Pratiquez les antidotes quotidiennement. Choisissez-en un par mois et concentrez-vous dessus.

3. Réfléchissez quotidiennement à votre conduite. Dans quel sens était-ce, ou n’était-ce pas, une conduite méthodique guidée par l’éthique ?

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Chapitre 8 – L’éthique de la compassion

Concepts cléLa compassion est basée sur le sens humain inné de l’empathie, et elle peut être développée sans limite. Nous pouvons étendre notre compassion au point de devenir très sensibles même à la plus subtile des souffrances des autres, de telle sorte que nous arrivons à obtenir un sens aigu de la responsabilité envers les autres. Bien que la « grande compassion » soit un idéal qui nous inspire, il n’est pas nécessaire de l’atteindre pour mener une vie saine sur le plan éthique.

L’équanimité. Si nous n’observons une conduite éthique qu’envers ceux dont nous nous sentons proches, le danger est que nous allons négliger notre responsabilité envers ceux qui sont en dehors de ce cercle. Les catégories « ami », « ennemi », et « étranger » sont fluctuantes. La compassion basée sur l’équanimité apporte une base plus solide à notre relation aux autres. Par conséquent, pour développer la compassion, nous devons nous battre contre le sentiment de partialité.L’équanimité n’est pas de l’indifférence avec détachement. Le challenge essentiel, tel que nous l’avons initié en étendant notre compassion envers tous les autres, est la maintenir au même niveau d’intimité que celui que nous avons avec nos proches. C’est le terreau dans lequel on plante la graine qui évoluera vers la grande compassion.

L’intérêt pour soi-même. L’engagement à cet idéal de compassion signifie-t-il que nous devons abandonner nos propres intérêts ? Au contraire, c’est le meilleur chemin pour réaliser notre quête du bonheur, le plus sage parcours pour l’épanouissement de soi. Pourquoi ? Parce que si les qualités telles que l’amour, la patience, la tolérance et le pardon sont ce qui détermine le bonheur, et si la compassion est à la fois source et fruit de ces qualités, alors plus nous serons compatissants et plus nous assurerons notre propre bonheur.Il est commun de penser que la compassion est en fait une entrave au succès dans la vie professionnelle. Mais quand la compassion manque, nos activités peuvent devenir destructrices. L’éthique de la compassion apporte la fondation et la motivation nécessaires pour à la fois maîtriser et cultiver la vertu.

Les barrières à la compassion. Si l’idéal de l’amour et de la compassion semble trop élevé et difficile à atteindre, considérez les autres alternatives pour chercher le bonheur : la violence, l’agressivité ? L’argent ?Les problèmes conduisent à l’épuisement et à faire les choses machinalement. Si cela arrive, le mieux est de prendre un peu de recul, de rassembler ses efforts d’une manière mesurée pour réveiller de nouveau la sensibilité fondamentale envers la souffrance des autres. Désespérer n’est jamais une solution. C’est plutôt la chute ultime. La persévérance est nécessaire.Une remarque répandue est que l’idéal de la compassion demande à ce qu’on rentre dans la souffrance des autres, prenant ainsi la souffrance sur soi-même. Souvenez-vous qu’il y a une distinction qualitative importante entre faire l’expérience de la souffrance propre à quelqu’un et faire l’expérience de la souffrance en soi tout en se reliant à la souffrance des autres. Dernière chose : la compassion et l’amour ne sont pas des « valeurs de luxe ». En tant que source à la fois intérieure et extérieure, ils sont fondamentaux dans la continuité de la survie de notre espèce.

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Questions à débattre

1. Pouvez-vous vous rappeler un moment où vous avez fait l’expérience d’un sens affirmé de compassion ? Qu’est-ce qui vous a tant ému ? A quoi reliez-vous cette forte compassion ? A une forme de souffrance ? de joie ? de responsabilité ? ou à autre chose ?

2. Examinez les limites du champ d’action de votre empathie et de votre compassion. S’étendent-elles à votre famille proche ? A celle plus lointaine ? A vos amis ? A vos connaissances ? A vos collègues ? A votre entreprise ? A votre ville ? A votre Pays ? Aux personnes démunies ?

3. Qui considérez-vous comme en dehors de votre cercle d’empathie et de compassion ? Les étrangers ? Les membres du parti de droite ? de gauche ? Les gens de race différente ? Les gens pro avortement ? Les meurtriers ? Les pédophiles ? Hitler ?

4. Que faites-vous de la déclaration du Dalaï Lama selon laquelle l’équanimité est le terreau fertile sans lequel la graine de la grande compassion ne peut pousser ?

5. En quoi ressentez-vous une opposition entre compassion et intérêts de chacun dans ce monde qui nous entoure ? En quoi les voyez-vous en accord ?

6. La compassion est-elle une faiblesse ?

7. Quelles sont les barrières à la pratique et au développement de la compassion dont vous avez fait l’expérience ? Qu’est-ce qui vous motive ou vous aide à persévérer ?

Exercices pratiques

1. Une fois par semaine, réservez un moment pour étendre le champ de votre compassion. Songez à des gens en particulier ou à des groupes qui sont en dehors de votre cercle de compassion. Prenez le temps de cultiver un sens de l’empathie pour eux et leurs souffrances, et transformez cette empathie en compassion.

2. Quand votre intérêt pour vous-mêmes et votre compassion semblent être en conflit, servez-vous de la presse pour réfléchir sur la manière dont le manque de compassion envers les autres peut être rattaché à des comportements destructeurs qui auront pour vous des conséquences à long terme, si ce n’est à court terme pour vous. Comment le contrôle et l’entraînement à la vertu pourraient-ils être utilisés ?

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Chapitre 9 – Ethique et souffrance

Concepts cléDans ce chapitre, le Dalaï Lama explique les types de souffrances dont nous faisons l’expérience, les aspects positifs et négatifs de la souffrance, et propose des chemins qui nous permettent de la soulager dans nos vies.

Nature de la souffrance. Dans notre quête du bonheur, nous cherchons, naturellement et à juste titre, à éviter la souffrance qui se situe au plus profond de notre existence. C’est un fait naturel de la vie. La souffrance est aussi connectée aux autres et est la base de notre capacité à l’empathie. La souffrance se divise en deux catégories reliées entre elles :

Les formes « évitables » qui se manifestent à travers les conséquences des guerres, la pauvreté, la violence, le crime, l’analphabétisme et les maladies ;

Les formes « inévitables » se manifestant à travers les problèmes liés aux maladies, à la vieillesse, et à la mort. On trouve aussi d’autres formes de « souffrances inévitables » telles que les rencontres indésirables avec des incidents, accidents et malheurs, le manque de contentement, et les phénomènes liés aux expériences agréables elles-mêmes qui tendent à devenir une source de souffrance.

Causes de la souffrance. Selon le bouddhisme et d’autres religions/philosophies indiennes, la souffrance semble être vue comme une conséquence du karma, qui est un mot sanscrit signifiant action. Il désigne une force active par laquelle les événements futurs sont influencés par nos actions. Aucune chose n’est prédéterminée. Nous créons le karma nous-mêmes. En toute chose, nous agissons selon des causes et des effets.

Expérience de la souffrance. Nous pouvons faire beaucoup pour influencer notre expérience de souffrance. La manière dont nous y répondons a un impact. Nous pouvons être sans passion et rationnels ou nous inquiéter de notre malchance. Nous pouvons l’accepter et nous en servir pour développer notre force intérieure ou être amers vis à vis d’elle. Il y a une relation évidente entre l’impact que génère la souffrance sur notre cœur et notre esprit, et notre pratique de discipline intérieure.Le degré auquel la souffrance nous affecte dépend pour une grande part de nous-mêmes. La souffrance est accentuée par l’égocentrisme. Si nous laissons un problème s’emparer de nous, nous souffrons. Si nous regardons notre problème avec distance, nous le verrons en lien avec d’autres choses. Cela peut nous aider pour comparer le problème avec des événements similaires ou pires, concernant les autres ou nous-mêmes. Si nous détournons notre centre d’intérêt de nous-mêmes pour le diriger vers les autres, si nous arrivons à voir notre problème en lien avec la souffrance des autres, nous faisons l’expérience d’un effet libérateur et d’une paix de l’esprit.

Le Dalaï Lama a mentionné qu’il faisait face aux situations difficiles en se rappelant que la prédisposition humaine fondamentale pour l’affection, la liberté, la vérité, la justice doit finalement prévaloir. Le moment du plus grand profit en termes de sagesse et de force intérieure est souvent celui de la plus grande difficulté. Avec une approche juste, telle qu’une attitude positive, l’expérience de souffrance peut ouvrir nos yeux à la réalité. Notre confiance, notre autosuffisance et notre courage peuvent évoluer et être renforcés, comme un résultat de la souffrance.

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En réponse aux problèmes difficiles, nous pouvons : Nous sentir submergés ou partir pour un pique-nique, prendre des vacances,

les ignorer. Ces options apportent un soulagement à court terme mais les problèmes restent. Si nous évitons les questions difficiles, nous ne pouvons pas les résoudre. Le malaise mental et émotionnel nous suivra.

Faire face directement à la situation ; examiner et analyser le problème, déterminer ses causes et chercher la manière de les traiter. Cette approche est à privilégier bien que cela puisse apporter temporairement plus de peine. Si nous désirons affronter la souffrance, nous pouvons nous souvenir que rien de ce qui se trouve dans la sphère de l’expérience ordinaire n’est permanent. Tout ce qui s’élève se fait donc dans un contexte de causes et de conditions innombrables et est sujet au changement. Les causes de la joie et de la peine ne doivent pas être reliées à une seule source.

Conseil de Shantideva sur la souffrance . Le Dalaï Lama trouve le conseil de Shantideva, un saint érudit indien, simple et utile. Quelles que soient les difficultés auxquelles nous devons faire face, nous ne devons pas les laisser nous paralyser. A la place, examinez le problème. Si des solutions sont possibles, il n’y a pas à s’inquiéter. S’il n’y a pas de solutions, il n’y a pas non plus à s’inquiéter. Si rien ne peut changer la situation, l’inquiétude ne fera que l’empirer. La souffrance peut réveiller notre empathie, nous entraîner à nous relier aux autres et permettre d’accroître notre compassion et notre amour. Des événements malheureux sont des sources potentielles de colère et de désespoir, mais aussi des sources d’évolution spirituelle. Le choix nous appartient dans la manière d’y répondre.

Questions à débattre

1. Quelle est votre définition de la souffrance ? Sur quoi se base t-elle ?

2. Comment voyez-vous le karma ? Quelle est votre expérience « des causes menant aux effets » ?

3. Quel est votre moyen habituel pour faire face à un problème ou une situation difficile ?

4. La souffrance ne vous a-t-elle jamais rendu plus fort ? Si oui, de quelles manières ?

5. La souffrance ne vous a-t-elle jamais connecté avec les autres ? Si oui, comment ?

6. Etes-vous quelqu’un d’inquiet ? Quelles expériences avez-vous faites en réponse à cela ?

7. Votre approche de la souffrance va-t-elle changer suite à la lecture de ce chapitre ? Si oui, de quelle manière ?

Exercice pratique

Définissez un problème courrant de votre vie générant pour vous de la souffrance. Examinez-le et identifiez ses causes. Faites-lui face avec une nouvelle approche.

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Citations sur la souffrance

De Sa Sainteté le Quatorzième Dalaï LamaSource : The Path to Tranquility (Le chemin à la tranquillité), compilée et éditée par Renuka Singh

La souffrance augmente votre force intérieure. Aussi, le souhait de souffrir fait disparaître la souffrance.

Rencontrer la souffrance va contribuer sans aucun doute à l’élévation de votre pratique spirituelle, à condition que vous soyez capable de transformer les calamités et les malheurs sur la voie.

Nous apprenons du principe de l’origine dépendante que les choses et les phénomènes ne viennent pas à naître sans causes. La souffrance et les conditions insatisfaisantes sont causées par nos propres illusions et par nos actions contaminées, provoquées par ces dernières.

La vérité de la souffrance est que nous faisons l’expérience de nombreux et différents types de souffrances. Les trois catégories sont : la souffrance de la souffrance – cela se réfère aux choses telles que les maux de tête ; la souffrance du changement – cela se réfère à la sensation de mécontentement après celle de bien être ; et la souffrance « omnipénétrante » qui agit comme base des deux premières catégories et qui est sous le contrôle du karma et de l’esprit perturbé.

En faisant face à ceux qui subissent de grandes souffrances, si vous vous sentez « en burn out », si vous vous sentez démoralisé et épuisé, le mieux, dans l’intérêt de tous, est de vous retirer et de vous rétablir. L’idée est d’avoir une perspective à long terme.

Nous sommes, et continuons à avancer, dans une souffrance sans fin, sans en retirer le moindre bénéfice. Maintenant que nous avons pris l’engagement d’avoir un bon cœur, nous devons essayer de ne pas nous mettre en colère quand les autres nous insultent. Etre patient pourrait ne pas être facile. Cela demande une concentration considérable. Mais les résultats que nous atteindrons en endurant ces difficultés seront fantastiques. Il y a matière à nous réjouir de cela !

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Chapitre 10 – Le besoin de discernement

Concepts cléLa discipline éthique. Le mot « discipline » a une connotation négative pour certains parce qu’ils le comprennent comme quelque chose qui leur est imposé contre leur gré. Cependant, dans certaines situations, nous acceptons tous volontairement l’exercice de la discipline ; par exemple, quand nous prenons conseil auprès d’un docteur pour éviter certains aliments, nous suivons ce conseil même si au début c’est difficile.

La discipline éthique est indispensable parce que c’est le moyen par lequel nous arbitrons entre des revendications rivales qui opposent des personnes défendant leur même droit au bonheur. Si nous ignorons le droit au bonheur des autres pour progresser nous-mêmes, cela apportera de l’anxiété dans notre propre esprit et un sentiment d’inquiétude. Le contrôle est nécessaire dans la quête de notre bonheur pour ainsi ne pas nuire aux autres dans leur progression.

La discipline éthique nécessite non seulement le contrôle dans nos réponses aux émotions négatives, mais aussi l’entraînement à la vertu, comme l’amour, la compassion, la patience, la tolérance, et le pardon. Quand ces qualités sont présentes dans nos vies, toutes nos actions vont contribuer au bien-être de tous, nous-mêmes inclus.

Nous seuls sommes responsables de la conduite éthique en appliquant le principe du « ne pas nuire ». La valeur morale d’une action doit être comprise et non abandonnée aux seuls règles ou préceptes. Nous devons nous servir de notre intelligence pour juger par rapport au temps, au lieu et aux circonstances, et par rapport à l’impact de nos actes à long terme sur l’ensemble de tous les êtres. Une action peut être morale dans une série de circonstances, mais ne pas l’être dans une autre. La conduite éthique ne peut pas se réduire à suivre un ensemble de règles et aucun acte particulier ne peut non plus être jugé comme bon ou mauvais quand il est vu de manière succincte, c’est à dire en dehors de la question fondamentale du bonheur et de la souffrance. L’action éthique dépend de plusieurs facteurs :

Temps et circonstances Liberté ou manque de liberté d’une personne Degré de remords Intention derrière l’action

Si nous sommes motivés par la haine, l’égoïsme ou le désir de tromper les gens, nos actions auront un impact négatif, à la fois sur nous-mêmes et sur les autres.

Discernement. Quand nous faisons face à un dilemme éthique, nous avons à la fois besoin de la force critique et de la force imaginative. Elles nous permettent de distinguer entre les bénéfices à court et long terme, d’évaluer le résultat possible de notre action, et de choisir le plus grand bien plutôt que le moindre. Nous avons besoin de considérer le dilemme éthique en termes d’« union des moyens habiles et de la vue profonde ». Les moyens habiles nous demandent d’examiner si notre action est motivée par la compassion. La vue profonde évalue le dilemme dans le contexte et nous permet de choisir l’action qui cause le moins de souffrance.Le discernement doit être constamment utilisé pour vérifier notre propre motivation et pour nous demander si nous sommes en train d’être égoïstes ou si nous avons l’esprit ouvert, si nous sommes en train de penser sur le court ou le long terme, si nous

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sommes compatissants envers tous ou partiaux parce que tournés vers notre propre famille.Les préceptes éthiques fondamentaux. Parfois il y a peu de temps pour examiner et être dans le discernement, le développement spirituel est donc très important. Nos actions spontanées ont tendance à refléter nos habitudes et nos dispositions. Si elles sont malsaines, nos actions seront destructrices. En de tels temps, il peut être très utile d’avoir des préceptes éthiques fondamentaux pour nous guider dans nos vies au quotidien. Il est plus important de garder l’intérêt des autres dans notre cœur et au premier plan de notre esprit. Peut-être que nous pouvons regarder les principes éthiques fondamentaux acceptés par toutes les religions et les philosophies humanistes, qui incluent : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas avoir de mauvaises conduites sexuelles. Toutes les religions sont d’accord pour éviter la haine, la fierté, l’intention de nuire, la convoitise, l’envie, l’avidité, la luxure, les idéologies nuisibles (telles que le racisme). On pourrait s’interroger sur la mauvaise conduite sexuelle en ces temps de contraception efficace et facilitée, mais les préceptes dans toutes les religions nous rappellent que la mauvaise conduite sexuelle, particulièrement l’infidélité, peut devenir obsessionnelle, ne laissant pas de place pour l’action constructive. C’est violent pour le partenaire et cela peut conduire à d’autres actes nuisibles, tels que le mensonge, la tromperie, même le meurtre dans le cas d’une grossesse non désirée.

Répondre à la conduite des autres. Nous ne connaissons presque jamais toutes les raisons et les circonstances du comportement d’une autre personne. Cependant, il est préférable d’être conscients de nos propres défauts plutôt que de considérer ceux des autres. Nous pouvons seulement corriger notre propre conduite. Si quelqu’un d’autre s’engage dans une conduite non éthique à répétition, nous devrions éviter une telle personne, mais ne pas nous couper complètement d’elle. Nous pourrions tenter d’influer sur sa conduite, à condition que nos propres motivations soient pures et nos méthodes non nuisibles.

Les dilemmes éthiques de la science et de la technologie. La science moderne et la technologie nous ont apporté la possibilité de prolonger la vie. Chaque cas de dilemme doit être considéré à la lumière de la raison et de la compassion, prenant en compte toutes les circonstances. Dans les situations où interviennent la génétique et la biotechnologie, le principe de « non nuire » est très important. L’expérimentation génétique ne doit pas être motivée par la gloire et le profit. Nous devons procéder avec prudence et humilité, être conscients du risque d’abus. La motivation pour un tel travail devrait être la compassion, et non l’utilité. La considération de l’utilité peut facilement conduire à des abus à l’encontre de certains groupes de personnes jugés moins utiles pour la société.

Le clonage, l’expérimentation sur les animaux, et autres faits de ce genre, sont des actions malsaines, comme en témoigne la cruauté des fermes industrielles. Nous avons besoin de lois et de codes internationaux de conduite. Mais surtout, nous avons besoin de personnes conscientes de la souffrance que ces pratiques infligent aux humains et aux animaux. Les scientifiques doivent être motivés par le contrôle éthique et la compassion.

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Questions à débattre

1. Quelle est votre réponse à la proposition du besoin de la discipline éthique ? Comment est-elle présente dans votre vie ? Est-ce un choix venu de l’intérieur ou une exigence imposée par l’extérieur ?

2. Que veut dire le Dalaï Lama par « «sagesse de discernement » ? Comment cela est-il présent dans votre vie ?

3. Comment plaçons-nous notre propre bonheur au-dessus de la souffrance des autres, à la fois individuellement et collectivement ? Donnez quelques exemples.

4. Est-ce que la conduite éthique dans son ensemble est relative ? Comment devons-nous décider de ce qui est éthique dans une situation quelconque donnée ?

5. Avons-nous le choix dans l’accomplissement de nos actions ? Pensez à une action que vous avez entreprise dans votre vie et que vous considérez comme une erreur : aviez-vous le choix à ce moment-là ? Votre action correspondait-elle à un choix réfléchi ?

6. Quels sont, dans les domaines scientifique et technologique, les dilemmes dans lesquels vous vous engagez ? Est-ce que le discernement entre le bien et le mal se fait toujours avec la même distinction claire, ou seulement parfois ? De quelles manières est-ce différent ?

Exercices pratiques

1. Pensez à un dilemme éthique auquel vous faites face, petit ou grand. Evaluez la situation avec l’«union des moyens habiles et de la vue profonde » et laissez cela guider vos actions.

2. Identifiez un dilemme social que vous ressentez fortement, et maintenez une position ferme sur celui-ci. Approfondissez votre expertise pour en déceler les différentes facettes et évaluez l’éthique de chacune d’elles individuellement, en gardant à l’esprit que nous devons utiliser notre intelligence pour juger par rapport au temps, au lieu et aux circonstances, et par rapport à l’impact à long terme de nos actions sur l’ensemble de tous les êtres. Comment le principe du « non nuire » vient-il s’articuler dans le problème que vous avez choisi ?

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Chapitre 11 – Responsabilité universelle

Concepts cléTous nos actes ont une dimension universelle. Ainsi, la discipline éthique, la conduite saine et le discernement avec attention ont un impact non seulement sur notre espace personnel mais aussi, petit à petit, sur l’espace communautaire, dans un monde de plus en plus complexe et interdépendant. Nous ne sommes pas en mesure d’ignorer les intérêts des autres, ni même ceux de la planète.

Responsabilité universelle signifie que lorsque nous voyons une opportunité d’être bénéfiques aux autres, nous la saisissons. Nous évitons les discordes et cultivons le contentement. Nos actions reflètent notre considération pour le bien-être de tous les êtres et de tout ce qui est créé. Nous réorientons nos cœurs de nous-mêmes vers les autres, reconnaissant l’égalité en droit de tous les autres à être heureux et libres de la souffrance.

Mettre en valeur notre unité fondamentale. Mettre l’accent sur les différences superficielles cause la discorde et la souffrance. Nous pouvons mettre en valeur la manière dont nous sommes tous, par essence, semblables. Quand nous comprenons que chacun veut être aimé, être heureux et ne pas souffrir, la considération du bien-être des autres s’élève presque d’elle-même. La plupart des gens comprennent naturellement cela par rapport à leur propre famille et à leurs propres amis. C’est important d’étendre cette compréhension aux autres communautés et pays, qui ne sont plus alors ignorés.

Cultiver le contentement est crucial pour maintenir une coexistence paisible. Le manque de contentement engendre l’avidité et sème l’envie. Cela favorise la compétition agressive et le matérialisme excessif. C’est la source des dommages sur notre environnement. Le contentement n’est pas seulement une question d’éthique, c’est une question de nécessité. Nous devons vivre dans un monde que nous créons. Le Dalaï Lama nous défie sur la question de la culture du progrès économique perpétuel, qui encourage le mécontentement chronique. L’inégalité entre les pays est la source des ennuis pour le monde entier. Même les riches ressentent les symptômes de la pauvreté dans leur propre vie.

Honnêteté et justice. La responsabilité universelle mène à l’engagement de l’honnêteté, ce qui est le cas quand nos actions sont simplement ce qu’elles semblent être. Si nous prétendons être une chose alors que nos actions révèlent autre chose, cela cause de la suspicion et de la peur. Quand nous nous engageons dans l’honnêteté, nous aidons à réduire le niveau de malentendus, de doutes et de peur dans toute la société. La responsabilité universelle et l’honnêteté nous demandent d’agir quand nous percevons l’injustice. Si nous ne parlons pas, est-ce pour nous protéger de la peur de ce que les autres vont penser ? Se taire pourrait ne pas être éthique si nous ignorions les nombreuses implications de notre silence.

Travailler ensemble. En tant qu’individus, communautés, pays, nous avons besoin chacun de résoudre nos problèmes. Nous avons besoin de chercher des solutions non violentes aux conflits et de faire avancer l’évolution de l’acceptation des droits humains et de la diversité. Nous devons nous rappeler que l’ordre imposé par la force s’est avéré, historiquement, de courte durée. Par contre, la responsabilité universelle est basée sur la dynamique et le fonctionnement de notre monde intérieur, de nos conscience et esprit, de notre cœur, de notre tête. Aujourd’hui, en tant qu’individus, communautés et pays, nous devons considérer nos besoins en fonction des autres, et

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évaluer la manière dont nos actions affecteront les autres. C’est la base fondamentale pour une paix et harmonie véritables, et la voie qui nous permettra de dépasser les guerres et la violence pour résoudre les conflits.

Questions à débattre

1. Pensez à certaines actions récentes que vous avez entreprises et réfléchissez à leur dimension universelle – leur impact subtil et direct sur les autres et le monde. En aviez-vous conscience au moment où vous avez entrepris cette action ?

2. Quelle est la dimension universelle de la pauvreté, c’est-à-dire comment ressentez-vous les symptômes de la pauvreté dans votre propre vie ?

3. Qu’est-ce que le contentement et à quoi reconnaissez-vous ses manifestations ? Est-ce qu’être dans le contentement influence la manière dont vous vous sentez dans le monde ? Expliquez.

4. Comment cultivez-vous le contentement ?

5. Quelles sont les forces dans votre vie qui favorisent la discorde, la compétition et le matérialisme excessif ? Quelle est votre réponse face à cela ?

6. Comment pouvons-nous faire pression pour l’égalité et la justice parmi les gens, en tant qu’individus et en tant que communautés et pays ?

7. Comment reconnaissez-vous les moments où vous êtes honnêtes ?

8. Ne vous êtes-vous jamais exprimé par peur de l’opinion d’un groupe ? Qu’est-ce que l’on ressent ? Quel est l’impact sur vous, les autres, la situation ? Vous êtes-vous prononcé contre l’injustice en dépit de l’adversité ? Quel est le sentiment ressenti et l’impact de cela ?

9. Quand pour la dernière fois avez-vous montré de l’affection pour des personnes marginalisées ? Quand pour la dernière fois vous êtes-vous lié avec quelqu’un de marginal et avez-vous senti un lien fondamentalement humain avec lui ?

Exercices pratiques

1. Chaque matin de la semaine, notez quelque chose qui, dans votre vie, vous procure du contentement. Pensez à cela pendant toute la journée.

2. Aidez d’une certaine façon une personne marginalisée dans votre entourage.

3. Choisissez, à l’échelle communautaire ou mondiale, une situation dont vous vous sentez proche, puis, en lien avec cette situation, identifiez et adoptez trois actions simples que vous mènerez et dont vous assumerez la responsabilité.

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Chapitre 12 – Niveaux d’engagement

Concepts cléLe Dalaï Lama remarque que, pour ceux qui partagent son point de vue, la responsabilité universelle est fondamentale à la fois pour le bonheur personnel et pour la construction d’un monde meilleur, il est essentiel de commencer à utiliser la compassion dans leur quotidien et de mettre en pratique ces principes. Mais dans quelle mesure ? Quel est le niveau d’engagement nécessaire pour apporter suffisamment de compassion dans sa vie ?

Commencer là où nous sommes. Le Dalaï Lama ne recommande pas de changer radicalement de situation, ni d’adopter une manière de vivre complètement nouvelle. Nous n’avons pas besoin d’abandonner notre travail actuel pour vivre une vie de paysan comme Gandhi ou pour devenir docteur, enseignant, ou moine si cela n’est pas déjà notre métier. Chacun d’entre nous peut commencer à partir de sa situation actuelle, en apportant plus de compassion dans sa vie de tous les jours. Nous pouvons débuter à notre niveau et faire tout notre possible.

Le Dalaï Lama précise que cela demande de faire son travail avec l’intention d’être bénéfique aux autres et de vivre selon ses principes. Avec cet état esprit, nous pouvons entreprendre de petites actions, comme fermer un robinet qui fuit, aider quelqu’un qui a besoin d’assistance à monter dans le métro. Autrement, nous pouvons employer les grands moyens : si nous réalisons que notre travail peut nuire aux autres alors nous pouvons décider d’en changer, puisqu’il va à l’encontre de nos principes. Dans nos vies, ayons le courage d’être ce responsable, ce politique honnête, cet homme d’affaires qui prend en compte le gaspillage produit par ses infrastructures, cet homme de loi qui se bat pour la justice, ce plombier qui installe des toilettes à chasse d’eau économique, ce Musulman qui respecte les Juifs (et vice-versa !) .

Volonté et modération. Quoi que nous fassions pour les autres, quels que soient les sacrifices que nous faisons, cela devrait être réalisé de manière volontaire et avec une compréhension consciente des bienfaits engendrés par de telles actions. Le Dalaï Lama encourage ceux qui possèdent des richesses à voir leurs ressources comme une formidable opportunité d’aider les autres, en les partageant pour soulager la souffrance. En même temps, tout le monde ne peut pas - et d’ailleurs ce n’est pas souhaitable - se débarrasser de tous ses biens ou s’engager dans la vie monastique. Nous devons plutôt changer avec mesure.

Le Dalaï Lama reconnaît qu’il possède plusieurs objets de grande valeur dont la vente pourrait servir à loger des sans-abri, mais qu’il ne s’est pas encore résolu à le faire. En partageant cette histoire tirée de sa propre vie, le Dalaï Lama montre comment chacun d’entre nous peut partir de là où il est, dans sa vie actuelle, comment il peut entreprendre les changements dont il est capable de faire pour le moment, et comment il peut éprouver de la compassion envers lui-même lorsqu’il reconnaît que ses principes et ses actions sont en contradiction.

Nul besoin d’essayer de devenir infiniment compatissants en un jour, en une semaine ou en un an. Avançons pas à pas, doucement.

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Questions à débattre

1. Que pensez-vous du point de vue du Dalaï Lama selon lequel il est préférable d’envisager pour différentes personnes des niveaux différents d’engagement (chacune commençant là où elle se trouve et faisant son possible avec modération), plutôt que de fixer un niveau absolu d’engagement valable pour tout le monde ?

2. Quand vous pensez au travail que vous accomplissez dans ce monde, voyez-vous comment il pourrait être accompli en servant les autres ? Comment seraient affectés votre travail ou votre attitude au travail si vous y mettiez l’accent sur la notion de service ?

3. Pour beaucoup d’entre nous, l’écart entre la manière dont nous agissons et la manière dont nous voulons agir peut parfois induire des sentiments de culpabilité. Que pensez-vous du point de vue du Dalaï Lama sur les niveaux d’engagement par rapport au concept de culpabilité ?

Exercice pratique

En pensant à votre vie quotidienne actuelle, pouvez-vous imaginer vivre certaines choses avec plus de compassion et de responsabilité universelles ? Quand vous pensez à votre possibilité d’agir à ce moment précis de votre existence, quel contenu lui donnez-vous pour vivre de manière plus compatissante ? Si vous le souhaitez, choisissez une manière bien précise et mettez-la en pratique pour une période donnée.

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Chapitre 13 – L’éthique dans la société

Concepts cléSi nous sommes engagés dans cet idéal qu’est la considération des autres, il s’en-suit que cet engagement doit remettre en question les règles sociales et politiques, sans quoi ces règles, loin de servir l’humanité tout entière, risquent fort au contraire de lui nuire. Le Dalaï Lama propose de traiter six domaines : l’éducation, les médias, notre environnement naturel, la politique et l’économie, la paix et le désarmement, et l’harmonie entre les religions.

Dans ce chapitre et les deux suivants, le Dalaï Lama exprime son point de vue personnel sur ce qui pourrait être fait. Il nous invite à l’utiliser pour faire émerger nos propres idées sur la manière d’accorder nos règles sociales et politiques avec un engagement personnel dans la conduite éthique, la responsabilité universelle et la compassion.

Education. Le système général et celui de l’éducation actuelle en particulier négligent pour une grande part le débat sur la question de l’éthique parce que :a) cette dernière a été développée à un moment où les institutions religieuses

influençaient grandement la société ;b) les valeurs humaines et éthiques continuent généralement à rentrer dans le

champ de la religion. Au fur et à mesure que l’influence de la religion a décliné, l’école n’a pas comblé ce manque. Ainsi, l’éducation de nos enfants a-t-elle pour but la seule acquisition de connaissances au détriment de la sensibilisation à la compassion.

Le Dalaï Lama nous propose de : montrer aux enfants que leurs actions ont une dimension universelle et de tirer

profit de leur propension naturelle à l’empathie pour les aider à acquérir le sentiment de responsabilité envers les autres.

veiller à ce que notre comportement en tant que parents et enseignants suive des principes, soit discipliné et compatissant, jusqu’à ce que les enfants apprennent de l’action et non de la parole.

formuler les problèmes sociaux importants, non comme appartenant à la sphère de la religion, mais comme une question de continuité de notre survie.

éliminer de nos programmes scolaires toute tendance à parler des autres d’une manière négative. Veillons à ce que l’amour du pays, de la religion et de la culture ne se développe pas dans le cadre d’un nationalisme à l’esprit étroit, ou dans celui d’un endoctrinement religieux.

Médias. Les médias ont une influence au-delà de l’échelle individuelle, inimaginable il y a un siècle. Cela donne une grande responsabilité non seulement à tous ceux qui y travaillent, mais aussi à tous ceux qui, en tant que particuliers, les regardent, les lisent ou les écoutent. Les points clé développés par le Dalaï Lama sont les suivants :

Les reportages d’investigation sont d’une grande utilité, à condition que celui qui les réalise agisse selon des motivations correctes, qu’il soit impartial et respectueux des droits des autres.

Le public aime à voir du sexe et de la violence et montre de l’intérêt pour les annonces publicitaires. La préoccupation se situe au niveau des effets : ces sujets sont-ils irréprochables d’un point de vue éthique ou amènent-ils à l’indifférence, à l’insensibilité et au manque d’empathie ? La répétition continuelle de scènes de sexe et de violence a tendance à créer l’impression

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que la nature humaine est essentiellement négative, alors que c’est le contraire qui est vrai. Pour adopter une attitude éthique et responsable, les professionnels des médias se doivent de réfléchir sur ce simple fait.

Bien que la nécessité d’une réglementation au niveau des médias ne fasse aucun doute, la véritable discipline doit venir de l’intérieur. Cela implique une éducation de nos enfants à une plus grande rigueur afin que la compassion les guide dans l’utilisation qu’ils font et feront des médias.

Environnement naturel. Le monde naturel est notre maison et, par conséquent, il est notre bien le plus précieux à protéger. Le Dalaï Lama propose de :

développer des méthodes de fabrication qui ne détruisent pas la nature reconnaître, à l’échelle individuelle, la dimension universelle de nos actions et,

sur cette base, de nous entraîner à les contrôler. Les habitants des pays industriellement développés ont une responsabilité particulière en ce sens qu’ils doivent revoir leur train de vie.

faire en sorte que l’éducation et les médias jouent un rôle dans ce domaine. Le Dalaï Lama donne en exemple la dégradation environnementale dont souffre actuellement le Tibet et note par ailleurs les efforts du gouvernement tibétain en exil pour sensibiliser les enfants à leur responsabilité en tant que « résidents de cette planète fragile ».

Politique et Economie. Le Dalaï Lama considère que s’obstiner à suivre les règles économiques et politiques actuelles aura pour effet que les riches deviendront plus riches et les pauvres plus pauvres. Il suggère ce qui suit :

Les politiques étant les produits de leur société, il nous faut, si nous voulons moins d’hommes politiques corrompus, pratiquer la discipline éthique dans nos propres vies.

La compétition doit être menée avec un esprit de générosité. Plus nous développerons notre nature compatissante, plus nos entreprises

commerciales reflèteront les valeurs humaines fondamentales. Les concepts éthiques sont en train de gagner du terrain dans les relations

internationales. Les mots comme réconciliation, non-violence et compassion deviennent courants chez les politiques. Collectivement, nous sommes en train de donner plus de poids à la justice et à la vérité.

Plus nos relations économiques deviennent interdépendantes, plus doivent aussi le devenir nos relations politiques. Les alliances entre des centaines de millions de personnes dépassent de plus en plus les divisions géographiques, culturelles et ethniques. En même temps, les communautés locales unies par l’échange, les règles sociales, les dispositifs de sécurité, peuvent être constituées d’une multiplicité d’ethnies autonomes, de groupes culturels ou religieux. Le défi du nouveau millénaire est de trouver des voies pour une meilleure coopération intercommunautaire où la diversité humaine est reconnue et tous les droits respectés.

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Questions à débattre

1. Quand vous jetez un regard sur votre communauté et votre pays, quelles sont les règles politiques et sociales qui vous semblent en contradiction avec la compassion et la considération pour les autres ?

2. Réfléchissez à votre expérience dans le système scolaire, en tant que parent ou enfant. Quelles inquiétudes suscite en vous le développement de l’acquisition de connaissances sans approche de la compassion ? Quelles sont les raisons qui vous font espérer ?

3. Comment réagissez-vous aux propositions du Dalaï Lama ? Quelles sont les autres actions que vous pourriez entreprendre ?

4. De quelle manière, en termes de responsabilité personnelle, conciliez-vous vos valeurs de compassion et de conduite éthique avec la consommation que vous faites des médias ?

5. Qu’est-ce qui a aidé la société à faire des progrès dans la gestion de l’environnement ces 30 dernières années ? Quels sont les besoins actuels et comment pouvez-vous contribuer à les satisfaire à travers l’action individuelle ?

6. Que ressentez-vous et à quoi pensez-vous lorsque vous lisez les pensées optimistes du Dalaï Lama sur les orientations nécessaires à suivre en politique et en économie ?

Exercice pratique

Choisissez une de ces questions dans la perspective d’une discipline éthique sérieuse et développez un plan d’action dans votre vie de tous les jours. Quel que soit votre niveau d’engagement, poursuivez le débat jusqu’au mois prochain.

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Chapitre 14 – Paix et désarmement

Concepts clé

Caractéristiques de la violence : La violence signifie souffrance. La violence engendre la violence. Il est impossible de prévoir les conséquences de la violence pas plus que d’être

sûr de son bien-fondé. La guerre peut être comparée au feu dans le cas de la communauté humaine :

son combustible n’est autre que les êtres vivants eux-mêmes.

Nature de la paix. Nous devons faire une distinction entre paix en tant qu’absence de guerre et paix en tant qu’état de tranquillité fondé sur le sentiment profond de sécurité que procure la compréhension mutuelle, basée sur la tolérance par rapport aux points de vue des autres et sur le respect pour les droits d’autrui. La paix dans ce sens là n’a pas existé pendant les 40 ans de guerre froide. Il s’agissait d’un semblant de paix. La paix réelle est quelque chose de plus profond qu’un équilibre fragile basé sur une hostilité réciproque. Cela dépend au final de la résolution du conflit au niveau interne. L’interdépendance des hommes est donc un fait fondamental et la seule manière significative aujourd’hui de parler de la paix est de le faire en termes de paix globale.

La paix commence à l’échelle individuelle. La guerre et la paix n’existent pas indépendamment de nous-mêmes. La paix dans le monde dépend de la paix dans le cœur de chacun. Nous devons discipliner chacune de nos réponses aux pensées et émotions négatives. Nous avons besoin de développer les qualités spirituelles fondamentales. Nous avons besoin de développer la compassion.

C’est souvent difficile, tant nous sommes conditionnés à considérer l’art de la guerre comme excitant, voire séduisant. Mais de nos jours, ceux qui s’engagent dans les conflits sont très éloignés du terrain. C’est comme dans un jeu vidéo où les armes existent uniquement pour détruire des êtres humains sans qu’il soit nécessaire de combattre face à face ni de ressentir l’effet produit par nos actions. Pendant ce temps, l’impact sur les civils ne cesse de s’aggraver. Femmes, enfants, et personnes âgées sont les premières victimes, non seulement pendant la période de guerre, mais également longtemps après la fin des hostilités.

Mais les armes ne peuvent agir d’elles-mêmes. Quelqu’un doit appuyer sur le bouton pour lancer une attaque de missiles, ou sur la gâchette afin de tirer une balle. Nous devons démanteler les établissements militaires que nous avons construits. La paix ne peut être imposée par la force. Nous ne pourrons jouir de la paix véritable tant que nous ne démantèlerons pas l’injustice dans nos propres cœurs d’humains. Une paix durable n’est possible que si chacun d’entre nous fait un effort intérieur. Nous devons apprendre à ne rien faire qui apporterait de la souffrance aux autres.

Désarmement. Forts d’un engagement sans faille, nous pourrons alors établir des objectifs clairs vers un désarmement progressif. Nous devons créer les conditions favorables pour réaliser ces objectifs en tirant parti d’initiatives existantes. Ces initiatives, bien qu’elles n’aient pas démontré leur pleine efficacité, témoignent du souhait fondamental de l’humanité de vivre en paix.

Il y a une prise de conscience croissante de l’hypocrisie autour des armes à destruction massive, dont l’utilité est fortement remise en cause. Elles sont

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chères à produire et à stocker – et nous en stockons déjà - alors qu’il n’est pas pensable de les utiliser ! Comment pouvons-nous à la fois encourager le dialogue et affirmer de plus en plus la légitimité de ces armes qui, quel que soit le contexte, ne servent plus les intérêts de l’humanité ?

Il y a une tendance croissante au regroupement des moyens assurant la sécurité au niveau local et une tendance décroissante à la structure communautaire strictement définie comme telle. Cela peut contribuer à éliminer, dans de nombreux états, les dangers que représentent l’autodéfense et la détention d’armes à destruction massive. Cela peut évoluer vers une force de police globale, capable de préserver la justice et la sécurité communes ainsi que les droits de l’Homme à l’échelle mondiale, et d’assurer une protection contre la prise du pouvoir par des moyens violents. Déjà nous connaissons la force de protection des Nations Unies, une première étape allant dans ce sens.

Nous pouvons tirer parti du travail des Nations Unies et de ses antennes telles que l’UNESCO, UNICEF, etc. La révolution des communications a engendré l’émergence d’une conscience globale. Si nous pouvons développer tout le potentiel de l’ONU, les souhaits de l’humanité pourront être satisfaits. Pour cela, nous devons mettre un terme à la manipulation des pays faibles par les pays les plus forts et donner le droit aux particuliers d’être entendus à l’ONU dans leurs revendications anti-gouvernementales.

Nous devons créer des Zones de Paix, internationalement reconnues comme des zones démilitarisées. Reconnaître des lieux tels que le Tibet comme Zones de Paix libèrerait des pays de la nécessité de se défendre eux-mêmes à partir de leur territoire. L’Allemagne pourrait être reconnue comme Zones de Paix.

Le mouvement collectif d’individus oeuvrant dans des groupes internationaux d’aide aux plus défavorisés (comme Médecins Sans Frontières) est un cadre puissant pour l’épanouissement de l’esprit de compassion et d’ouverture généré par ces liens qui se tissent à l’échelle individuelle.

Des personnes travaillant dans tout domaine encourageant la fabrication, la vente et le transport des armes peuvent aider à en démanteler l’industrie. Elles peuvent commencer par se demander si elles sont vraiment à même de justifier leur implication. Il n’existe pas de client « sain » dans le domaine des armes.

Contrôle de l’éthique. Nous devons apprendre à dialoguer dans un esprit de réconciliation et de compromis. Nous devons fonder un organisme dont la principale tâche serait de contrôler les affaires « humaines » dans une perspective éthique. Ses délibérations devraient être la conscience mondiale.

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Questions à débattre

1. Est-ce qu’un monde sans violence ni guerre est possible selon vous ? Pourquoi ? Pourquoi pas ?

2. Est-il possible, pour des personnes qui vivent sous des gouvernements oppressifs, d’obtenir l’autodétermination et la justice par des méthodes non-violentes ?

3. Le Dalaï Lama parle souvent de « la paix mondiale par la paix intérieure ». Comment reliez-vous cette formule à votre propre vie ?

4. Comment établissez-vous la tranquillité dans votre cœur sur la base d’un profond sentiment de sécurité intérieure ?

5. Quelles sont vos pratiques intérieures ? Sont-elles efficaces ? Comment influencent-elles la violence et la paix dans votre quotidien ? Dans votre entourage ? Dans le monde ?

6. Que pouvez-vous faire pour oeuvrer à quelques suggestions proposées dans ce chapitre en soutien au désarmement et à l’engagement à la paix mondiale ?

7. Comment pouvez-vous amener votre entourage à changer d’attitude sur les questions de la guerre, de la violence et de la paix mondiale ? (Est-il blasé ? Se sent-il impuissant? Est-ce de la désillusion ? Et pour vous ?)

8. Comment des personnes peuvent-elles pousser des gouvernements à travailler plus sérieusement sur la question de la paix mondiale ?

Exercices pratiques

1. Dans votre propre environnement, à la maison, au travail, à l’école, développez une « Zone de Paix », se définissant comme telle, par exemple en décorant un espace, en y utilisant des mots qui reflètent l’attitude la plus paisible face aux situations, en y jouant de la musique.

2. Identifiez des amis et des membres de votre famille avec lesquels vous pouvez établir un dialogue constructif autour de ce sujet et faites-le régulièrement pendant les trois prochains mois.

3. Focalisez votre attention sur un aspect conflictuel de votre vie et efforcez-vous d’approcher les autres avec un esprit de réconciliation, de compromis et de compassion.

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Chapitre 15 – Le rôle de la religion dans la société moderne

Concepts cléLa religion en tant que bien précieux, mais non nécessaire. Il n’est pas certain que la religion soit utile dans le monde moderne. La foi en une religion n’est pas nécessaire, que ce soit dans la conduite éthique ou dans la quête du bonheur. Les valeurs spirituelles de compassion, de paix, de patience et de tolérance le sont en revanche. Le Dalaï Lama souligne que c’est dans le contexte religieux que les qualités spirituelles sont le plus développées. Bien utilisée, la religion est un instrument extrêmement efficace pour atteindre le bonheur. Elle encourage un sentiment de responsabilité envers les autres, fournit un support pour développer la discipline éthique, et se préoccupe de la souffrance humaine de façon fondamentale. Car aujourd’hui on continue de souffrir, peut-être plus mentalement que physiquement…

Harmonie entre religions. La religion a souvent été une source de conflits dans l’histoire humaine. Le conflit religieux est un réel problème dans notre monde actuel interconnecté, au sein duquel se côtoient les personnes aux croyances et pratiques diverses. La clé pour dépasser ce conflit est l’harmonie entre les religions. Comment peut-elle être encouragée ?

La méthode proposée par le Dalaï Lama repose sur le développement de la compréhension, en identifiant les obstacles qui empêchent l’harmonie entre les religions et en développant des moyens pour les dépasser. Un de ces obstacles est le manque de compréhension des autres traditions. La meilleure manière de le franchir est le dialogue, avec à la fois des personnes expertes et des pratiquants ordinaires. Un autre moyen efficace est le rassemblement de personnes de traditions différentes, qui prient ensemble pour le bien commun, ou qui, ensemble, partent en pèlerinage dans des lieux sacrés. Toutes ces pratiques permettent à chacun de voir, qu'indépendamment des différences doctrinales, toutes les religions sont soucieuses de promouvoir le bonheur en cultivant la compassion, l’amour, la patience, la tolérance, l’humilité, etc.

D’une seule « vérité » religieuse au pluralisme religieux . Une autre cause de disharmonie est le détournement de la religion au profit d’un renforcement des attitudes égoïstes. C’est trop facile de se réclamer de telle ou telle tradition avec l’étiquette « différent des autres » ! Cela crée un réel problème, chaque religion revendiquant pour elle-même le monopole de l’authenticité. Comment le résoudre ? Le pratiquant a besoin d’avoir une conviction précise du choix de son chemin, qui repose lui-même sur la conviction profonde de la vérité de ce chemin. En même temps, il lui est nécessaire de concilier sa foi avec cette réalité que les autres pratiquants suivent leur tradition de la même manière. Le pratiquant doit trouver une voie qui, au moins, l’amène à accepter la validité des autres religions, tout en maintenant un engagement sincère envers la sienne propre. Le Dalaï Lama, par exemple, tout en affirmant que sa conviction personnelle est que le bouddhisme représente pour lui la meilleure voie, reconnaît que ce n’est pas le cas pour tout le monde

Pour le Dalaï Lama, la manière de lever cette contradiction se résume à cette formule : « Une religion pour chacun, de nombreuses religions pour l’humanité ». La diversité qui caractérise les différentes traditions est extrêmement riche. Inutile de chercher à prouver des justifications qui amènent à dire que toutes les religions sont identiques sur le plan ultime. Certes, elles insistent toutes sur les qualités spirituelles, mais ce n’est pas la même chose de dire qu’elles forment toutes « une unité ». Au fur

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et à mesure que nous avançons sur le chemin, nous sommes finalement obligés de reconnaître les réelles différences dans les enseignements. Si nous sommes sérieusement engagés dans le principe universel des droits de l’Homme, il est essentiel de développer un véritable sens de pluralisme religieux. Plutôt qu’une religion mondiale, le Dalaï Lama soutient l’idée d’un « parlement mondial des religions », qui proposerait démocratie, respect mutuel, et pluralisme.

Attention à la conversion religieuse. La conversion religieuse seule ne fera pas de quelqu’un une meilleure personne. Bien que cela soit une bonne chose d’apprendre des autres traditions, il est préférable de se focaliser sur le développement d’une seule pratique dans la tradition de son lieu de naissance et de sa culture. Cela évite la confusion entre les différents chemins de vie liés aux différentes traditions religieuses. Si l’on est très attiré par les enseignements fondamentaux d’une autre religion , il est important de se demander encore et encore : « Suis-je attiré par cette religion pour les bonnes raisons, à savoir l’essence des enseignements, ou parce que j’en trouve les coutumes culturelles ou les rituels attirants, ou encore parce que j'imagine qu'elle est moins exigeante ? ». Si, après mûre réflexion, on se convertit à une autre foi, il est important alors de ne pas tomber dans le piège de la critique de sa foi précédente, dans le seul but de justifier sa décision auprès des autres.

Evaluer une religion en la pratiquant. Il n’est pas correct de vanter les mérites de telle ou telle tradition en se basant sur les principes métaphysiques qu’elle développe au sujet de la vérité ; ce qui est important est de savoir si la pratique est efficace dans des cas particuliers. Vous ne pouvez pas juger de l’efficacité d’un traitement médical sans prendre en compte ses effets sur le patient. S’approprier des enseignements religieux n’a pas grande valeur si cette appropriation se limite au niveau de l’intellect sans toucher au cœur. Se reposer seulement sur la foi sans compréhension ou sans mise en application ne présente pas grand intérêt.

Les personnes qui adhèrent à une religion ont aujourd’hui un rôle important à jouer dans le monde, mais ne seront jamais prises au sérieux tant qu’elles ne la mettront pas réellement en pratique. Et cela signifie, entre autres, développer de bonnes relations avec les autres traditions religieuses.

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Questions à débattre

1. Que pensez-vous du rôle et de l’impact de la religion dans le monde d’aujourd’hui ? Est-ce une force positive ? Est-ce une force négative qui principalement divise les gens ? Est-ce pertinent dans notre monde actuel dominé par la science et le commerce à l’échelle globale ?

2. Que signifie pour vous cultiver les qualités spirituelles de la compassion, de la paix, de la patience, de la tolérance ? Comment décririez-vous votre vie spirituelle ? Qu’est-ce qui vous permettrait d'avancer dans le cheminement qui va d'un concept intellectuel à une pratique venant du cœur?

3. Pratiquez-vous de manière active une religion donnée à la naissance, ou avez-vous adopté une autre tradition de votre propre chef ? Si vous êtes converti, avez-vous réfléchi sur ce qui vous a attiré, et continue à le faire, dans cette nouvelle tradition, à savoir l’essence des enseignements, ou les coutumes culturelles et les rituels qui y sont associés ?

4. Si vous êtes converti, quels sont vos liens avec votre religion d’origine ? Des sentiments de douleur ou des critiques lui sont-ils associés ? Si c’est le cas, existe-t-il des remèdes pour apaiser ces ressentis ?

5. Sous quels aspects vous apparaît, dans votre vie et dans votre entourage, la religion en tant que "une seule véritable religion" ? Et la religion en tant que "une religion pour chacun, de nombreuses religions pour l'humanité" ?

6. Existe-t-il des opportunités de développer l’harmonie et la compréhension entre les religions que vous pourriez examiner (moments constructifs partagés entre personnes de traditions différentes sous forme de repas, de discussions informelles ou structurées, de célébrations ou de pratiques) ?

Exercices pratiques

1. Choisissez une qualité spirituelle de cœur, la compassion, la paix, la patience, la tolérance, que vous souhaitez cultiver dans la quête du bonheur et dans le souci de la conduite éthique. En vous appuyant sur votre religion, d’autres traditions ou enseignements spirituels, choisissez et appliquez une pratique qui vous aidera à cultiver cette qualité dans votre vie.

2. Servez-vous de l’exercice précédent pour développer votre compréhension des autres traditions religieuses et l’harmonie entre elles.

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Chapitre 16 – Un appel

Concepts cléDans ce chapitre, le Dalaï Lama nous lance à tous un appel, nous qui sommes confrontés à l’impermanence, pour rendre chaque moment présent qui nous reste à vivre aussi comblé, productif et constructif que possible. Pour approcher la mort sans remords, il faut vivre de manière responsable le moment présent avec compassion envers les autres. Notre bonheur est inextricablement relié au bonheur des autres. Si la société souffre, nous souffrons nous-mêmes.

La compassion est une des principales attitudes qui donne du sens à notre vie. Elle est la source du bonheur et de la joie durables et elle est le fondement du bon cœur. Par des actes de bonté, d’affection, d’honnêteté et de justice, nous n’aidons pas seulement les autres mais récoltons aussi des bénéfices pour nous-mêmes. Par contre, plus notre esprit et notre cœur sont accablés par la rancœur, plus nous devenons malheureux. Nous ne pouvons pas échapper au besoin d’amour et de compassion.

Nous n’avons pas besoin de religions ou de philosophies compliquées, ou encore de dogmes, pour pratiquer la compassion. Notre propre cœur et notre propre esprit sont le véritable temple. Que nous soyons ou non des pratiquants, tant que nous éprouverons de la compassion envers les autres et tant que nous nous conduirons avec discipline, au-delà du sens de la responsabilité, sans aucun doute, nous trouverons le bonheur.

Désintéressons-nous ce qui est mondain et matériel. Nous ne sommes pas toujours heureux, même si cela semble simple. Pourquoi ? Parce que nous nous dérobons face aux pensées et émotions négatives. Nous gaspillons tellement de temps dans des activités sans importance et ressentons une profonde frustration pour des futilités. Nous utilisons trop souvent nos capacités pour duper nos voisins, pour tirer d’eux des avantages et pour améliorer notre situation à leurs dépens. Nous prenons notre plaisir là où nous le pouvons et nous nous dérobons devant la considération du bien-être des autres sous prétexte que nous sommes trop occupés. Inévitablement, en étant inattentifs aux besoins des autres, nous finissons par leur faire du tort. Et quand rien ne va, pleins de suffisance, nous accusons les autres de nos difficultés.

Donner du sens à votre vie. Un contentement durable et un sens affirmé de la vie viennent du fait d’aider les autres et non de l’acquisition d’objets ou de la satisfaction du plaisir des sens. Le Dalaï Lama propose des pistes pour être heureux et pour donner du sens à sa propre vie :

Engagez-vous dans la pratique spirituelle, prenant les autres en considération Renoncez à l’envie et au désir au profit des autres Essayez d’être bénéfiques aux autres Accueillez les autres avec le sourire Soyez francs Traitez tous les autres comme des amis proches Si vous ne pouvez pas aider les autres, au moins, ne leur faites pas de mal Tant que vous jouissez de cette vie ici-bas, aidez ceux qui sont opprimés et qui

ne peuvent pas s’aider eux-mêmes Essayez de ne pas vous détourner de ceux qui, apparemment, sont perturbés,

en souffrance, ou vêtus de loques. Essayez de ne jamais les considérer comme inférieurs à vous-même.

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Questions à débattre

1. « Dans le moment présent, conduisons-nous avec responsabilité et compassion pour les autres » pourrait résumer la simple foi du Dalaï Lama présentée dans ce livre. Comment pour vous cela résume-t-il ce que vous avez appris et intégré au cours de l’étude de l’ouvrage Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire ? Qu’avez-vous appris ou qu’exprimez-vous différemment ?

2. Quelles pratiques vous ont aidé à faire de votre cœur et de votre esprit un véritable temple, une véritable demeure, où la simple foi est celle de la doctrine de la compassion ? Que continuerez-vous à pratiquer une fois ce Cercle d’Etude terminé ?

3. Pourquoi, s’il est si simple d’être heureux, trouvons-nous si difficile d’y parvenir ? Quels sont les comportements qui apportent le désespoir et la tristesse dans votre vie ?

4. Pourquoi le Dalaï Lama dit-il que, quand nous sommes inattentifs aux besoins des autres, nous finissons par leur faire du tort ? Avez-vous déjà fait cette expérience ?

5. Décrivez une circonstance au cours de laquelle, alors que vous pouviez aider quelqu’un, vous ne l’avez pas fait, soit parce que vous étiez trop occupé, soit parce que vous vous sentiez mal à l’aise face à l’apparence de cette personne, ou pour tout autre raison.

6. Décrivez une circonstance au cours de laquelle une personne pouvait vous aider mais ne l’a pas fait parce qu’elle était trop occupée. Qu’avez-vous ressenti ?

7. Le Dalaï Lama offre une courte prière qui l’inspire pour être bénéfique aux autres. Qu’est-ce qui vous a vous-même inspiré ? Comment cette inspiration va t-elle continuer à imprégner votre vie active au cours des mois et des années à venir ?

Exercices pratiques

1. A la fin de chaque jour, rappelez-vous de quelle façon vous avez été amené à aider.

2. Au moins une fois par semaine, récitez la courte prière de cette fin de chapitre ou engagez-vous dans un rituel de votre choix qui vous inspire et constitue un rappel à aider autrui.

Le Dalaï Lama termine par la citation de cette courte prière qui l’inspire dans sa quête d’être bénéfique aux autres :

Puissé-je devenir en tout temps, maintenant et à jamaisUn protecteur pour ceux qui sont sans protectionUn guide pour ceux qui ont perdu leur cheminUne barque pour ceux qui ont des océans à traverserUn pont pour ceux qui ont des rivières à franchirUn asile pour ceux qui sont en dangerUne lampe pour ceux qui n’ont pas de lumièreUn refuge pour les sans-abriEt un serviteur pour tous ceux qui sont dans le besoin

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Idées pour clore les pratiques

1. Faites un tour de table et dites ce que le Cercle d’Etude a représenté pour vous.

2. Reconnaissez chez les autres ce qu’ils ont donné de remarquable et ce qu’ils ont partagé avec vous, donnant ainsi pleinement du sens à ce Cercle.

3. Cette étude de l’éthique vous a-t-elle changé ? Comment ?

4. Partagez vos souhaits et intentions pour le futur, suite à l’étude et à l’enrichissement issus de cette expérience d’ « immersion » dans les concepts de Sagesse ancienne, monde moderne : Ethique pour le nouveau millénaire.

5. D’une manière qui vous mette à l’aise, dédiez l’énergie et la bonne volonté générées par les efforts de chacun pour le bien des autres. Quel cadeau souhaiteriez-vous offrir au monde après cette expérience ?

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The Dalaï Lama Foundation

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Tel +1 650.368.4435www.dalailamafoundation.org

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