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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen Editorial Par Pascale Charhon, Directrice d’ENAR En 2009, une année importante pour l’avenir de l’Europe, un certain nombre de développements politiques sont prévus et auront un impact sur l’ordre du jour de l’antiracisme. Nous avons décidé de dédier ce numéro d’ENARgy à deux événements majeurs qui ont lieu cette année: la ratification attendue du Traité de Lisbonne et les élections au Parlement européen. Un accomplissement bienvenu et célébré de 2007 a été la signature du Traité de Lisbonne. Un objectif commun à tous les acteurs intéressés est d’achever le processus de réforme et de faire en sorte que 2009 soit le témoin d’un processus de ratification couronné de succès à travers l’Europe. Basé sur les valeurs fondamentales sur lesquelles les leaders européens se sont mis d’accord, le Traité de Lisbonne devrait permettre à l’UE de sortir de la récente impasse sur l’avenir de l’Europe. Un élément essentiel de ce traité est l’incorporation de la Charte européenne des droits fondamentaux, la rendant ainsi juridiquement contraignante. En outre, les principes de démocratie participative promouvant le soutien et l’implication des personnes et de la société civile dans la construction européenne, la protection du droit fondamental à la non-discrimination, les droits des minorités, les libertés religieuses et les droits sociaux sont désormais fermement ancrés comme des valeurs essentielles de l’UE. La première partie de ce bulletin offre une vue d’ensemble des principales dispositions du Traité de Lisbonne, une mise à jour sur le processus de ratification, une brève analyse des implications de la Charte européenne des droits fondamentaux pour l’antiracisme ainsi que l’opinion d’autres ONG sur le Traité de Lisbonne. Un autre évènement important seront les élections européennes qui se dérouleront du 4 au 7 juin 2009 à travers l’Union européenne. D’un domaine de compétence relativement restreint, le Parlement européen s’est mué en un acteur politique majeur et promet de devenir encore plus puissant si, et lorsque le Traité de Lisbonne entrera en vigueur, grâce à un pouvoir de codécision plus étendu notamment dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. En outre, le Parlement européen peut jouer un rôle crucial dans l’avancement de la lutte contre le racisme et les discriminations en Europe et les élections européennes représentent une opportunité majeure de montrer cet engagement. D’un autre côté, et en particulier en temps de crise économique, le danger existe de voir certains politiciens tentés d’utiliser la crise pour promouvoir des messages attisant des attitudes xénophobes et racistes et de voir ainsi, dans ce contexte, l’extrémisme de droite proliférer. Pour toutes ces raisons le fait de voter sera d’autant plus déterminant cette année et les choix qui seront faits auront un impact énorme sur toutes les personnes résidant au sein de l’Union européenne. Les articles de la seconde partie de la revue soulignent les priorités d’ENAR pour le prochain Parlement européen, examinent les résultats de l’Intergroupe Antiracisme et Diversité du Parlement Européen et se penchent sur la menace posée par l’extrême droite lors des prochaines élections européennes. Nous avons également mis les principaux partis politiques «sur la sellette» en leur posant quelques questions au sujet de l’antiracisme et l’antidiscrimination et présentons ce qu’a réalisé le membre néerlandais d’ENAR, un exemple de ce qui peut se faire de mieux en termes d’implication dans la campagne pour les élections européennes. Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen ENAR gy Mai 2009 28 n u m é r o DANS CE NUMÉRO: 1 Editorial 2 Le Traité de Lisbonne: réel progrès ou nettoyage virtuel? 3 Les ONG sociales s’engagent vis-à-vis du Traité de Lisbonne 4 Les implications du Traité de Lisbonne et de la Charte des droits fondamentaux pour la lutte contre le racisme 6 Les priorités d’ENAR pour le nouveau Parlement européen 8 Trois partis politiques européens répondent aux “questions antiracistes” d’ENAR en vue des élections au Parlement européen 11 Une meilleure pratique venue des Pays-Bas: comparer les programmes électoraux 12 L’Intergroupe Antiracisme et Diversité du Parlement européen: qui sommes-nous et quels résultats avons-nous obtenus? 14 L’extrémisme de droite par la porte arrière r é s e a u e u r o p é e n c o n t r e l e r a s c i s m e

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen

Edit

ori

al

Par Pascale Charhon,

Directrice d’ENAR

En 2009, une année importante

pour l’avenir de l’Europe,

un certain nombre de

développements politiques sont

prévus et auront un impact sur

l’ordre du jour de l’antiracisme.

Nous avons décidé de dédier

ce numéro d’ENARgy à deux

événements majeurs qui ont

lieu cette année: la ratification

attendue du Traité de Lisbonne

et les élections au Parlement européen.

Un accomplissement bienvenu et célébré de 2007 a été la signature du

Traité de Lisbonne. Un objectif commun à tous les acteurs intéressés

est d’achever le processus de réforme et de faire en sorte que 2009 soit

le témoin d’un processus de ratification couronné de succès à travers

l’Europe. Basé sur les valeurs fondamentales sur lesquelles les leaders

européens se sont mis d’accord, le Traité de Lisbonne devrait permettre

à l’UE de sortir de la récente impasse sur l’avenir de l’Europe. Un élément

essentiel de ce traité est l’incorporation de la Charte européenne des

droits fondamentaux, la rendant ainsi juridiquement contraignante. En

outre, les principes de démocratie participative promouvant le soutien et

l’implication des personnes et de la société civile dans la construction

européenne, la protection du droit fondamental à la non-discrimination,

les droits des minorités, les libertés religieuses et les droits sociaux sont

désormais fermement ancrés comme des valeurs essentielles de l’UE. La

première partie de ce bulletin offre une vue d’ensemble des principales

dispositions du Traité de Lisbonne, une mise à jour sur le processus de

ratification, une brève analyse des implications de la Charte européenne

des droits fondamentaux pour l’antiracisme ainsi que l’opinion d’autres

ONG sur le Traité de Lisbonne.

Un autre évènement important seront les élections européennes qui

se dérouleront du 4 au 7 juin 2009 à travers l’Union européenne. D’un

domaine de compétence relativement restreint, le Parlement européen

s’est mué en un acteur politique majeur et promet de devenir encore plus

puissant si, et lorsque le Traité de Lisbonne entrera en vigueur, grâce à un

pouvoir de codécision plus étendu notamment dans les domaines de la

justice et des affaires intérieures. En outre, le Parlement européen peut

jouer un rôle crucial dans l’avancement de la lutte contre le racisme et les

discriminations en Europe et les élections européennes représentent une

opportunité majeure de montrer cet engagement. D’un autre côté, et en

particulier en temps de crise économique, le danger existe de voir certains

politiciens tentés d’utiliser la crise pour promouvoir des messages attisant

des attitudes xénophobes et racistes et de voir ainsi, dans ce contexte,

l’extrémisme de droite proliférer. Pour toutes ces raisons le fait de voter

sera d’autant plus déterminant cette année et les choix qui seront faits

auront un impact énorme sur toutes les personnes résidant au sein de

l’Union européenne.

Les articles de la seconde partie de la revue soulignent les priorités

d’ENAR pour le prochain Parlement européen, examinent les résultats

de l’Intergroupe Antiracisme et Diversité du Parlement Européen et se

penchent sur la menace posée par l’extrême droite lors des prochaines

élections européennes. Nous avons également mis les principaux partis

politiques «sur la sellette» en leur posant quelques questions au sujet

de l’antiracisme et l’antidiscrimination et présentons ce qu’a réalisé

le membre néerlandais d’ENAR, un exemple de ce qui peut se faire de

mieux en termes d’implication dans la campagne pour les élections

européennes.

Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen

ENARgyMai 2009

28nu

méro

DANS CE NUMÉRO:

1 Editorial

2 Le Traité de Lisbonne: réel progrès ou nettoyage virtuel?

3 Les ONG sociales s’engagent vis-à-vis du Traité de Lisbonne

4 Les implications du Traité de Lisbonne et de la Charte des droits fondamentaux pour la lutte contre le racisme

6 Les priorités d’ENAR pour le nouveau Parlement européen

8 Trois partis politiques européens répondent aux “questions antiracistes” d’ENAR en vue des élections au Parlement européen

11 Une meilleure pratique venue des Pays-Bas: comparer les programmes électoraux

12 L’Intergroupe Antiracisme et Diversité du Parlement européen: qui sommes-nous et quels résultats avons-nous obtenus?

14 L’extrémisme de droite par la porte arrière

réseau européen cont

re le

ras

cism

e

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(Continue sur la page 16)

Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen2 28

numéro

Le Traité de Lisbonne: réel progrès ou nettoyage virtuel? Laetitia Sédou, Coordonnatrice du Groupe de contact de la société civile1

Cet article a pour intention de donner un rapide aperçu du Traité

de Lisbonne et de répondre aux questions suivantes: Le Traité de

Lisbonne conduit-il à une Union européenne plus démocratique,

plus efficace, plus transparente et plus accessible? Le Traité de

Lisbonne apporte-t-il des progrès tangibles dans certains domai-

nes politiques essentiels au bien-être des personnes?1

Après le rejet du Traité constitutionnel européen

par les électeurs français et néerlandais au

printemps 2005 et au terme d’une période de

deux années de réflexion, un nouveau traité

de réforme a été négocié à huis clos par une

Conférence intergouvernementale et signé en

décembre 2007 à Lisbonne. Il doit maintenant

être ratifié par les 27 Etats membres de l’UE.

Une UE plus démocratique, plus efficace et plus transparente?

En dépit des négociations menées à huis clos, le Traité de Lisbonne

comporte d’importantes dispositions qui améliorent le fonctionnement

démocratique de l’UE, bien qu’il reste beaucoup à faire en cette matière:

- Avec l’extension de la codécision à un grand nombre de secteurs (voir

ci-dessous), le pouvoir du Parlement européen se voit sensiblement

renforcé, notamment au niveau du budget et de la nomination du

président de la Commission européenne (CE)2.

- Le rôle des parlements nationaux se voit également accru3, étant

autorisés désormais à mettre fin à une initiative qui transgresserait le

principe de subsidiarité.

- L’article 11 du TUE ouvre la porte à la démocratie participative en

introduisant l’obligation «d’entretenir un dialogue ouvert, transparent

et régulier avec les associations représentatives et la société civile»

et, pour ce qui concerne la CE, «que celle-ci procède à de larges

consultations des parties concernées en vue d’assurer la cohérence et

la transparence des actions de l’Union»; il introduit aussi une «initiative

des citoyens».

Mais le succès et le véritable impact de la plupart de ces dispositions

dépendront beaucoup de leur mise en œuvre et de leur application pratique:

en particulier, les consultations et le dialogue avec la société civile ne

devraient pas aboutir à un exercice purement formel, un point que le Groupe

de contact de la société civile continuera de suivre de très près.

En ce qui concerne la mise en place d’un processus décisionnel plus

efficace, les améliorations sont beaucoup moins nettes, une fois encore

en raison des incertitudes qui pèsent sur sa mise en œuvre concrète. En

principe, le vote à la majorité qualifiée et la codécision deviennent «la

procédure législative ordinaire» en même temps que le vote à la double

majorité au niveau du Conseil (55% des Etats membres et 65% de la

1 Le Groupe de contact de la société civile rassemble huit grandes plateformes d’ONG européennes dans

les domaines suivants : la culture (Culture Action Europe), le développement (ACCORD), l’environnement

(Green 10), les droits de l’homme (HRDN), l’apprentissage tout au long de la vie (UECIS-LLL), la santé

publique (EPHA), les questions sociales (Plateforme sociale) et les femmes (LEF). Elles œuvrent ensem-

ble à développer le dialogue entre les organisations de la société civile et les institutions de l’UE, y

voyant une part essentielle du renforcement de la démocratie participative.

2 Bien que l’on ne puisse conclure que le PE “élit le président de la Commission”: en effet, le candidat

est toujours désigné par les Etats membres et doit être approuvé par le PE.

3 Protocole relatif à l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

population de l’UE). Ce processus s’étendra plus particulièrement aux

questions relevant de la justice et des affaires intérieures mais également

(partiellement au moins) à d’autres questions telles la culture, l’énergie, le

sport, les fonds structurels ou la santé ainsi que le budget annuel. Seule

l’action externe reste assujettie à des règles spécifiques.

Mais des amendements compliqués réduisent sensiblement ces progrès

apparents. En effet, de nombreuses clauses transitoires et de sauvegarde ont

été introduites: la double majorité entrera en vigueur en 2014 seulement et

un Etat membre aura encore la possibilité d’exiger l’application des règles

actuelles du Traité de Nice sur une question spécifique jusqu’en 2017. Par

ailleurs, un système compliqué autorise la réouverture de discussions sur

une proposition, même sans une minorité de blocage.

Tout cela rend-il l’UE plus transparente et plus accessible aux citoyens

de l’UE? La réponse est malheureusement mitigée car cela dépendra

beaucoup de la volonté politique d’une mise en œuvre efficace. En outre,

ce nouveau traité de réforme ajoute une couche supplémentaire aux textes

de l’UE existants au lieu de les remplacer4 et augmente les possibilités de

désengagements (opt-outs), les protocoles et les déclarations; de plus, des

processus différenciés subsistent pour les questions spécifiques en dépit de

la création d’une entité juridique unique et de la suppression officielle des

piliers. De manière générale, les objectifs revendiqués par le Traité consti-

tutionnel de rapprocher l’UE de ses citoyens et d’établir une légitimité

semblent avoir été abandonnés dans le Traité de Lisbonne.

Une UE plus sociale, plus environnementale et plus soucieuse des

droits de l’homme?

Le nouvel article 3 du TUE définissant les objectifs de l’UE a abandonné

la référence à «une concurrence libre et non faussée» en tant qu’objectif

à atteindre, la considérant désormais comme un outil pour parvenir à la

réalisation d’un marché intérieur libre. En outre, d’autres dispositions

contenant des applications générales («clauses horizontales») définissent

une large série de questions qui doivent être respectées et favorisées au

travers de toutes les politiques de l’UE, en particulier:

- La non-discrimination (y compris pour des motifs autres que la

nationalité) et l’égalité (y compris entre les hommes et les femmes);

- Des objectifs sociaux (l’emploi, la protection sociale et la lutte contre

l’exclusion, un haut degré d’éducation, de formation et de protection

sanitaire);

- La protection de l’environnement et le développement durable;

- Le fonctionnement sans heurt et efficace des Services d’intérêt

économique général5.

4 Le Traité de Lisbonne modifie les deux traités principaux, maintenant appelés Traité de l’Union eu-

ropéenne (TUE) et Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, autrefois Traité instituant

la Communauté européenne - TCE).

5 Soutenus aussi par un Protocole spécifique, le n° 9.

«Le TraiTé de réforme sembLe apporTer queLques éLémenTs posiTifs en faveur d’une europe pLus soucieuse des droiTs sociaux,

environnemenTaux eT fondamenTaux mais Les progrès réeLs dépendronT

essenTieLLemenT de La voLonTé poLiTique eT de Leur mise en Œuvre concrèTe»

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 328nu

méro

Les ONG sociales s’engagent vis-à-vis du Traité de Lisbonne

Le référendum irlandais:

Leçons pour l’Europe

Anna Visser, Directrice, Réseau européen

de lutte contre la pauvreté pour l’Irlande

Le 12 juin 2008, les participants au

référendum sur la ratification du Traité de

Lisbonne se sont prononcés en majorité

pour son rejet. Alors que ce résultat a donné

lieu à un vaste débat sur l’engagement de l’Irlande vis-à-vis de l’Europe,

il a indiqué aussi les défis que pose à l’Union européenne et à ses Etats

membres la mise en relation des Européens avec le projet européen, et

surtout avec la vision d’une Europe sociale débarrassée de la pauvreté et de

l’exclusion. Le Traité de Lisbonne engendre d’importantes conséquences pour

le projet social de l’Europe. Il est dès lors impératif que tous les Européens

aient l’occasion de s’engager dans ce débat et, plus particulièrement, ceux

qui vivent dans la pauvreté.

En conséquence, avant le référendum irlandais sur le Traité, le Réseau

européen de lutte contre la pauvreté (EAPN) pour l’Irlande, une organisation

membre d’ENAR Irlande, a mis en œuvre un projet de sensibilisation aux

aspects sociaux du Traité de Lisbonne et à la façon dont l’Union européenne

influe sur les vies des personnes qui connaissent la pauvreté. Le projet

cherchait aussi à expliquer l’impact de l’Union européenne sur la lutte contre

la pauvreté et l’exclusion sociale jusqu’alors et à examiner les implications

du Traité de Lisbonne sur les modèles sociaux européens et irlandais1.

EAPN Irlande n’a pas cherché à influencer un résultat particulier du

référendum sur le Traité de Lisbonne mais plutôt à fournir des informations

impartiales et accessibles sur les aspects sociaux du Traité à ceux qui

vivent dans la pauvreté et les groupes travaillant avec eux. Ce travail

impliquait l’élaboration d’un journal comprenant des articles rédigés par

des acteurs essentiels du débat ainsi que des perspectives locales et une

série d’événements nationaux, régionaux et locaux ciblant les personnes

qui vivent dans la pauvreté et les organisations qui travaillent avec elles.

Alors que nous ne devrions pas surestimer l’importance du débat sur

l’Europe sociale dans le contexte du référendum (le débat national

irlandais était largement dominé par d’autres questions politiques), nous

osons espérer que ce travail aura contribué à sensibiliser le public et

susciter un débat sur les implications sociales du Traité.

Dès le lendemain du référendum, EAPN Irlande a mené une enquête

auprès de nos membres pour découvrir comment ils ont voté et quelle

était l’importance des aspects sociaux du Traité dans leur décision. Compte

tenu de notre travail, il est juste de dire que les membres qui ont fait partie

de cette enquête étaient bien informés sur le Traité. Parmi les membres

d’EAPN Irlande, 62,5% des répondants ont confié qu’ils avaient voté

en faveur du Traité alors que 37,5% ont déclaré avoir voté contre. Parmi

ces derniers, 70% ont cité le manque de progrès au niveau des objectifs

sociaux positifs comme facteur principal de leur vote alors que 95% d’entre

eux estimaient que l’orientation globale de l’Union européenne posait

problème d’un point de vue social. Sur ceux qui avaient voté pour, 60% ont

estimé que les aspects sociaux du Traité de Lisbonne étaient bénéfiques.

1 L’étude par EAPN Irlande sur les aspects sociaux du Traité de Lisbonne ainsi que le rapport du projet sur

le Traité de Lisbonne sont disponibles sur le site: www.eapn.ie/policy/50.

Au vu de l’évolution radicale du contexte économique actuel, de nombreux

commentateurs politiques prédisent un vote en faveur du Traité lors du

second référendum en automne ; l’Etat irlandais ainsi que ses partenaires

européens ont néanmoins des leçons à tirer de l’expérience du référendum

de juin 2008. Tout d’abord, les Irlandais ont exprimé des inquiétudes

légitimes concernant l’orientation de l’UE qui s’écarte de la création d’une

Europe plus sociale. La conviction que l’UE est dominée par un agenda régi

par les lois du marché a poussé de nombreuses personnes à se prononcer

contre ce Traité, quels que soient les éléments positifs que pouvait

contenir ce Traité. Deuxièmement, il était clair, selon la perspective de

l’engagement d’EAPN Irlande ainsi que d’autres sources, qu’il existait un

manque général de connaissance de l’UE et de la manière dont elle influe

sur l’Irlande et ses politiques. L’Europe doit réengager de toute urgence les

citoyens dans le débat consacré au futur de l’Europe.

Vers l’élaboration de politiques européennes développées en

association avec les personnes qu’elles touchent

Anne Hoel et Mehran Khalili, Plateforme sociale

Il est généralement

admis que l’UE doit

renforcer ses liens

avec ses citoyens.

Pourtant, au cours de la dernière décennie, la Commission européenne n’a

lancé qu’une poignée d’initiatives en ce sens: l’initiative du «Plan D» sur

la communication (2005), les normes minimales de consultation (2002) et

un Livre blanc sur la gouvernance (2001).

Il y a de l’espoir pourtant. L’article 11 du Traité de Lisbonne - qui doit encore

être ratifié par tous les Etats membres - reconnaît pour la première fois

qu’une implication des citoyens au-delà de la démocratie représentative

traditionnelle (c’est-à-dire l’élection des eurodéputés) constitue réellement

un principe fondamental de la démocratie moderne. Il propose des manières

d’organiser le dialogue avec «les associations représentatives et la société

civile» et introduit une initiative qui doit permettre aux citoyens de l’UE

de rassembler un million de signatures pour demander à la Commission

de soumettre une proposition sur toute matière relevant de la compétence

de l’UE. En outre, le Parlement européen a récemment voté à une majorité

significative en faveur de l’intégration du dialogue civil dans toutes les

institutions de l’UE. Cela donnerait aux citoyens voix au chapitre sur les

politiques qui les touchent, à chaque niveau du processus décisionnel.

La Plateforme sociale - la plus grande coalition des ONG sociales au niveau

de l’UE, dont ENAR est membre - mène actuellement une étude de deux

ans pour déterminer comment l’article 11 du Traité de Lisbonne pourrait

être mis le mieux en œuvre. Jusqu’ici, l’étude a esquissé les principes

suivants qui sont requis pour un dialogue civil efficace: responsabilité et

réactivité; volonté politique et ouverture; transparence et clarté; égalité et

inclusivité; durabilité et structures; une reconnaissance du rôle des ONG;

et une mise en œuvre dans toutes les étapes du processus décisionnel.

Les résultats de cette étude seront publiés en juin et seront disponibles sur

le site web de la Plateforme sociale (www.socialplatform.org). On espère

que les décideurs adopteront ces recommandations et veilleront à ce que,

lorsque le Traité de Lisbonne entrera en vigueur, le dialogue civil sera mené

à bien et que le fossé qui sépare l’UE de ses citoyens sera enfin comblé.

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen4 28

numéro

Les implications du Traité de Lisbonne et de la Charte des droits fondamentaux pour la lutte contre le racisme

Cet article se penche sur les implications du Traité de Lisbonne et, en

particulier, de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, pour la lutte

contre le racisme et les discriminations.

Le racisme se manifeste dans un large

éventail de domaines dans toute l’Union

européenne. Il s’agit d’un «phénomène

complexe et à multiples facettes qui a

évolué au cours des dernières décennies

et a pris maintes formes différentes»1.

Cependant, l’Union européenne n’a pas

toujours prévu des mesures d’antiracisme.

Les premières mesures substantielles

de lutte contre le racisme ont été introduites dans l’Union européenne

au milieu des années 90, suite à une prise de conscience croissante

des défis que posait le racisme dans l’ensemble de l’Union européenne,

comme en a témoigné la désignation de l’année 1997 comme Année

européenne contre le racisme. Avant cela, le Traité ainsi que la politique

générale de l’Union n’ont pas fourni d’outil ou de mécanisme efficace

pour combattre le racisme dans l’Union européenne. Ni le traité initial

de la CEE ni le Traité sur l’Union européenne de 1992 ne contenaient de

dispositions de lutte contre le racisme. Un Règlement du Conseil, adopté

en 1997, a marqué le début de cette période de prise de conscience. Il

a porté création de l’Observatoire européen des phénomènes racistes

et xénophobes (EUMC)2. Cet Observatoire a été créé en vue d’étudier

les phénomènes et les manifestations du racisme, de la xénophobie

et de l’antisémitisme dans l’Union européenne afin d’encourager les

meilleures pratiques dans l’ensemble des Etats membres. L’Observatoire

a également établi un Réseau

européen d’information sur le racisme

et la xénophobie (Raxen) en vue

d’impliquer des centres de recherche,

des ONG et des centres spécialisés de

tous les Etats membres dans sa lutte

contre le racisme et la xénophobie.

Cependant, l’essor des mesures

de lutte contre le racisme et la

xénophobie n’était pas évident

avant l’entrée en vigueur du Traité

d’Amsterdam en 1999. Suite à

son entrée en vigueur, la Communauté a adopté une directive portant

création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière

d’emploi et de travail3 ainsi qu’une directive relative à la mise en œuvre

du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction

de race ou d’origine ethnique4, en 2000. Ces directives visaient à assurer

une protection juridique complète contre les discriminations fondées sur

des motifs d’origine raciale ou ethnique, de religion ou de convictions,

de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle. Les textes contiennent

également des définitions précises de la discrimination directe et indirecte

1 ENAR, Le racisme dans l’UE, disponible sur le site www.enar-eu.org/Page.

asp?docid=15886&langue=EN.

2 Règlement du Conseil 1035/97 JO 1997 L151/1.

3 Règlement du Conseil 2000/78/CE, JO 2000 L 303/16.

4 Règlement du Conseil 2000/43/CE, JO 2000 L 180/22.

et du harcèlement. Pour compléter ces directives, une Décision du Conseil5

établissant un programme d’action communautaire de lutte contre les

discriminations pour 2001-2006 a été adopté. Le programme visait à

soutenir toute action entreprise par des Etats membres pour combattre

toutes les formes de discrimination. La coopération active entre les Etats

membres, la Commission européenne et les groupes de la société civile

réside au cœur même du programme. Il a été remplacé en 2007 par le

programme communautaire PROGRESS qui vise à établir des principes

communs pour combattre les discriminations. Enfin, le Conseil a adopté en

2008 une Décision-cadre du Conseil sur la lutte contre certaines formes

et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.

Cependant, l’Union européenne ne dispose toujours pas d’une protection

complète contre le racisme, particulièrement du fait que toutes les

mesures adoptées à ce jour sont disséminées dans des textes divers. Il

reste à voir si le Traité de Lisbonne et sa Charte des droits fondamentaux

peuvent changer cette situation et établir des principes d’égalité et de

non-discrimination comme valeurs centrales de l’Union européenne.

Le Traité de Lisbonne a été signé en décembre 2007 par les dirigeants

de tous les Etats membres de l’UE. Il remplace le Traité constitutionnel

avorté et modifie le Traité sur l’union européenne et le Traité instituant

la communauté européenne actuels. Son but central consiste à «doter

l’Union du cadre juridique et des moyens nécessaires pour faire face aux

enjeux futurs et répondre aux attentes des citoyens»6. Pour atteindre ce

but, le Traité contient un certain nombre de dispositions principales. Tout

d’abord, il renforce le rôle des parlements européens et nationaux afin de

créer une Europe plus démocratique et plus transparente. En second lieu,

il assure une Europe plus efficace en simplifiant les méthodes de travail

des institutions européennes. Troisièmement, il introduit la Charte des

droits fondamentaux de l’UE dans la

législation européenne primaire dans

l’espoir de créer une Europe des droits

et des valeurs. Enfin, il confère à

l’Union européenne une personnalité

juridique l’instituant ainsi en tant

qu’acteur sur la scène mondiale. Cela

pourrait bien avoir des implications

de longue portée dans la mesure

où il ouvre la voie à la signature par

l’Union européenne de la Convention

européenne de sauvegarde des

droits de l’homme si elle souhaite le

faire, ce qui, à son tour, augmenterait le niveau de protection des droits

fondamentaux dans l’Union européenne. En outre, le Traité de Lisbonne

peut avoir un certain nombre d’autres implications pour la lutte contre

le racisme et la xénophobie dans l’Union européenne. Cependant, sa plus

grande contribution réside sans doute dans son introduction de la Charte

des droits fondamentaux dans la législation primaire européenne. Le reste

de cet article se centrera donc sur la Charte.

Le Traité de Lisbonne devait entrer en vigueur en janvier 2009. Cependant,

l’échec du référendum en Irlande a créé une incertitude quant à la

date d’entrée en vigueur du Traité. Au mois de mai 2009, ils étaient 26

5 Règlement du Conseil 2000/750, JO 2000 L 303/23.

6 EUROPA, Le Traité de Lisbonne: le Traité en bref, disponible sur le site http://europa.eu/lisbon_treaty/

glance/index_en.htm.

Rebecca Zahn, Université d’Edimbourg, Royaume-Uni

«conTrairemenT au régime «dispersé» appLicabLe à La non-discriminaTion eT aux droiTs de L’homme avanT L’inTroducTion

du TraiTé de Lisbonne, La charTe prévoiT une proTecTion progressisTe

eT ToTaLemenT incLusive des droiTs des ciToYens dans L’union européenne»

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méro

Etats membres à avoir approuvé le Traité mais tous n’ont pas achevé le

processus de ratification. Le Traité n’entrera donc pas en vigueur avant

un nouveau référendum irlandais réussi, et qui devrait probablement se

tenir en octobre 2009. Les implications de ce retard pour l’application

de la Charte des droits fondamentaux sont peu claires. La Charte a été

proclamée pour la première fois en 2000 à Nice et a ensuite été incorporée

au Traité constitutionnel avorté. Ses dispositions ont été influencées par le

Traité de l’UE, par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés

européennes, par les traditions constitutionnelles des Etats membres et par

la Convention européenne des droits de l’homme. La Charte a été annexée

au Traité de Lisbonne mais reste un instrument de normes non-contrai-

gnantes tant que le Traité de Lisbonne n’entrera pas en vigueur. Le Traité

de Lisbonne conférera à la Charte un effet juridiquement contraignant par

l’insertion d’un article qui aura pour effet de la doter de la même valeur

juridique que les Traités. En dépit de cette absence d’effet juridique à ce

jour, la Cour de justice des Communautés européennes s’est référée aux

dispositions de la Charte dans un nombre toujours croissant de cas7. Le

but de la Charte est énoncé dans son préambule: «Il est nécessaire, en les

rendant plus visibles dans une Charte, de renforcer la protection des droits

fondamentaux à la lumière de l’évolution de la société, du progrès social

et des développements scientifiques et technologiques». Alors que la

Charte n’étend pas les compétences de l’Union européenne, elle comporte

néanmoins d’importantes implications pour la lutte contre le racisme, les

discriminations et les inégalités dans l’Union européenne.

La Charte contient 54 articles qui prévoient un large éventail de droits

regroupés en sept chapitres: dignité, libertés, égalité, solidarité, droits

des citoyens, justice et dispositions générales. Elle s’applique aux

actions des institutions européennes mais également à celles des Etats

membres lorsqu’ils mettent en œuvre la législation de la CE8. Les Etats

membres doivent donc respecter les droits fondamentaux établis dans la

Charte lors de l’application et de la mise en œuvre de la législation de la

Communauté européenne. Les dispositions de la Charte dépassent celles

de la Convention européenne des droits de l’homme en ceci qu’elles

ont une portée plus large et s’étendent au droit d’accès à la loi. Elles

incorporent tous les droits personnels, civiques, politiques, économiques

et sociaux accordés aux citoyens de l’Union européenne. En termes

de non-discrimination, la Charte est progressiste par sa portée et sa

7 Voir, par exemple, Affaire C-540/03 Parlement européen c. Conseil, arrêt du 27 juin 2006.

8 La CJCE a confirmé que les Etats membres doivent respecter les droits fondamentaux (Affaire C-292/97

Karlsson et Autres arrêt du 13 avril 2000). Cependant, le Royaume-Uni et la Pologne ont assuré

l’obtention de ce que l’on appelle un “opt-out” (désengagement) de la Charte, qui prévoit que la Charte

n’étendra les pouvoirs d’aucune juridiction - nationale ou européenne - permettant d’abolir la législa-

tion britannique ou polonaise. En outre, la Charte ne créera aucun nouveau droit justifiable en Po-

logne et au Royaume-Uni. Le protocole établissant les opt-outs est disponible sur le site http://eur-lex.

europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2007:306:0156:0157:EN:PDF. Les implications de cette

mesure n’apparaissent pas clairement pour l’instant.

terminologie, interdisant «toute discrimination fondée notamment sur le

sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéris-

tiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions

politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale,

la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle»9.

L’Union européenne a développé, au fil des années, de nombreuses

politiques d’antidiscrimination. Cependant, comme on l’a déjà mentionné

plus haut, ces politiques ont été dispersées dans les directives, le Traité

et la jurisprudence. Contrairement à ce régime «dispersé» applicable

à la non-discrimination et aux droits de l’homme avant l’introduction

du Traité de Lisbonne, la Charte prévoit une protection progressiste et

totalement inclusive des droits des citoyens dans l’Union européenne.

Ses implications pour la lutte contre le racisme et la xénophobie dans

l’ensemble de l’Union européenne pourraient dès lors jouir d’une large

portée. Cependant, un examen plus détaillé des dispositions est nécessaire

si l’on veut pouvoir déterminer leurs implications précises en matière de

lutte contre le racisme.

ENAR publiera fin septembre une étude intitulée «Le Traité de Lisbonne

et ses implications pour l’antiracisme», qui offrira une analyse détaillée

du Traité de Lisbonne de la perspective des droits fondamentaux et de la

non-discrimination ainsi que de ses implications pour l’antiracisme et les

minorités ethniques dans l’UE. Elle sera disponible sur le site web d’ENAR:

www.enar-eu.org.

9 Article 21 de la Charte des droits fondamentaux.

Les implications du Traité de Lisbonne et de la Charte des droits fondamentaux pour la lutte contre le racisme

«Le TraiTé de Lisbonne conférera à La charTe un effeT juridiquemenT

conTraignanT par L’inserTion d’un arTicLe qui aura pour effeT de La doTer de La

même vaLeur juridique que Les TraiTés»

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen6 28

numéro

Les priorités d’ENAR pour le nouveau Parlement européenRéseau européen contre le racisme

Le Parlement européen a un rôle

important à jouer dans l’avancement de

la lutte contre le racisme et les discri-

minations en Europe et les élections

offrent à ce titre une occasion majeure

de montrer son engagement dans la

lutte contre ces deux fléaux. ENAR

estime que les valeurs de respect de

la dignité, de l’égalité et des droits de l’homme, qui sont celles de l’UE,

doivent s’appliquer durant la campagne électorale du Parlement européen

de 2009. Il est essentiel de veiller à ce que la campagne électorale ne

propage pas de sentiments racistes et hostiles aux immigrés et que

l’antiracisme constitue une priorité dans les programmes des campagnes

électorales. En temps de crise économique plus particulièrement, le risque

existe de voir certains politiciens tentés d’utiliser la crise pour promouvoir

des messages attisant des attitudes racistes et xénophobes. Il existe

aussi un risque de voir l’extrémisme de droite et les groupes d’extrême

droite proliférer dans un tel contexte et gagner de l’importance au sein

du Parlement européen. Au lieu de tomber dans le «piège» facile de la

xénophobie, les politiciens devraient transmettre le message que l’égalité

d’accès à l’emploi, au logement et à la scolarité est cruciale si l’on veut

construire une société prospère, dynamique et cohésive qui puisse tirer

pleinement parti de ses ressources pour trouver des moyens innovateurs

de sortir de la crise.

Les partis politiques présents au Parlement européen disposent

d’une autre manière de montrer leur engagement par rapport à l’anti-

discrimination, qui consiste à s’assurer que les minorités ethniques et

religieuses soient représentées en juste proportion parmi les candidats

aux élections. Actuellement, moins de 2% des eurodéputés sont issus de

minorités ethniques alors que plus de 5% de la population européenne

est d’origine ethnique minoritaire. Le Parlement européen devrait mieux

refléter la diversité croissante des sociétés européennes. La question de la

participation politique des minorités ethniques est liée à ce problème. Les

partis politiques doivent veiller à encourager la participation politique des

minorités ethniques et religieuses autant que possible dans les élections

de 2009. Pour ce faire, il faudrait que leurs programmes traitent aussi des

préoccupations spécifiques et concrètes de cette partie de la population.

Dans l’optique des élections du Parlement européen, ENAR a proposé

quatre priorités-clé sur lesquelles il appelle les nouveaux membres du

Parlement européen à agir au cours des cinq prochaines années:

1. Assurer l’égalité de traitement pour toutes les minorités ethniques

et religieuses

La Commission européenne a franchi d’importantes étapes en

reconnaissant l’existence de lacunes dans le cadre d’antidiscrimi-

nation actuel au niveau européen et la nécessité de traiter ce problème

en soumettant en juillet 2008 une proposition de directive du Conseil

relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre

les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap,

d’âge ou d’orientation sexuelle en dehors du lieu de travail. Jusqu’ici, le

Parlement européen a constamment joué un rôle crucial dans la demande

d’une protection pour tous les motifs de discrimination et ENAR espère

voir le nouveau Parlement européen jouer également un rôle important

dans la promotion de la lutte contre le racisme et les discriminations en

Europe. ENAR appelle dès lors le Parlement européen à poursuivre son

travail visant à garantir une égalité de traitement sans distinction d’origine

ethnique, de genre, de religion ou de convictions, d’orientation sexuelle,

d’âge et de handicap et à promouvoir des mesures législatives visant à

traiter les discriminations multiples, comme il l’a fait dans son rapport

récent sur la proposition de directive de 2008.

Le Parlement européen jouera également un rôle crucial en maintenant

l’accent centré sur les lacunes qui subsistent dans le cadre juridique

global relatif à la discrimination. La directive sur l’égalité raciale offre

un niveau de protection élevé certes mais le manque de couverture de

la discrimination fondée sur la nationalité, l’exclusion de tout traitement

résultant du statut juridique et l’exclusion complète des dispositions

relatives à l’entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers de la

couverture de l’interdiction de la discrimination laissent les ressortissants

de pays tiers sans protection contre de nombreuses discriminations là où

l’UE acquiert un rôle toujours plus important. Le rapport sur la nouvelle

directive proposée adopté par le Parlement européen en 2008 introduit

d’importants changements à cet égard. En outre, le manque de couverture

en matière de justice pénale, de maintien de l’ordre et d’application de

la loi refuse plus largement la protection dans des secteurs essentiels et

réduit la cohérence de la protection juridique contre les discriminations.

Il sera donc nécessaire à l’avenir de dresser un inventaire des différentes

directives d’antidiscrimination et d’examiner quelles dispositions doivent

être réalignées ou consolidées.

2. Renforcer le rôle de la dimension sociale de l’Europe en temps

de crise

ENAR croit fortement qu’une nouvelle vision sociale et l’Agenda social

doivent tenir compte des besoins et des expériences des communautés

qui sont vulnérables au racisme et aux discriminations dans l’ensemble

de l’Europe, parmi lesquelles, les Roms, les Sinti et Gens du voyage; les

migrants, y compris les ressortissants de l’UE et les ressortissants de pays

tiers, en particulier les migrants sans-papiers et les demandeurs d’asile; les

communautés juive et musulmane, les minorités ethniques et minorités

nationales de longue date ainsi que les migrants plus récents.

On observe dans toute l’Europe une tendance générale des gouvernements

à reconnaître effectivement la nécessité d’interventions visant à

permettre aux personnes les plus défavorisées d’échapper à la pauvreté

et à l’exclusion sociale mais sans établir pour autant de liens entre

la discrimination et le désavantage structurel comme facteurs de

maintien de l’exclusion sociale. En conséquence, l’exclusion sociale

vécue par les minorités ethniques n’est pas traitée comme il le faut, les

diverses expériences vécues par les nombreux groupes généralement

mentionnés sous le terme de «groupes défavorisés» ne sont pas prises

en considération, on ne dispose pas de données désagrégées sur cette

question, ce qui signifie que l’exclusion sociale des minorités ethniques

demeure invisible et que les politiques d’inclusion sociale ne s’adressent

donc pas aux personnes les plus défavorisées et les plus exclues d’Europe.

Les minorités ethniques et religieuses sont également les plus susceptibles

d’être affectées par les conséquences de la crise économique actuelle et

d’être encore plus vulnérables à la pauvreté et à l’exclusion sociale. En

temps de crise, les manifestations de racisme et de discrimination risquent

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 728nu

méro

fort d’augmenter et il est donc essentiel que les politiciens amortissent

l’impact de la crise sur les minorités ethniques et religieuses et assurent

la cohésion sociale de l’Europe.

ENAR appelle le Parlement européen à faire preuve de leadership en

mettant les objectifs sociaux en priorité dans ce contexte d’accrois-

sement des inégalités et de persistance des discriminations. Il convient

d’élaborer un cadre politique complet, durable et cohérent qui soit ajusté

aux expériences et aux besoins des minorités ethniques et religieuses en

tenant compte des obstacles qui empêchent les minorités ethniques et

migrantes de bénéficier du «bien-être» et en s’appuyant sur une approche

forte basée sur les droits de l’homme, qui place la non-discrimination,

l’antiracisme et l’inclusion sociale au cœur de l’Agenda social.

3. Vers une politique migratoire progressiste pour l’UE

L’égalité de traitement fait partie intégrante du droit fondamental à la

non-discrimination. Bien qu’en principe toute personne puisse prétendre

à ce droit indépendamment de son statut juridique, l’exercice effectif des

droits peut se voir miné, et l’est du reste, par une différence de traitement

fondée sur le statut de citoyenneté ou d’immigration. Bon nombre des

développements récents observés dans le vaste agenda de la politique

migratoire, parmi lesquels figure la

proposition de directive visant des

normes et procédures communes dans

les Etats membres pour renvoyer les

ressortissants de pays tiers en séjour

illégal et la proposition de directive

européenne prévoyant des sanctions

contre les employeurs de ressortissants

de pays tiers en situation irrégulière,

ont le potentiel de miner les droits

de l’homme fondamentaux des ressortissants de pays tiers. Alors que la

proposition d’une directive établissant une série commune de droits

pour les travailleurs de pays tiers en séjour légal dans un Etat membre

vise à combler ce vide au niveau des droits, des craintes s’expriment de

voir la priorité donnée au contrôle de l’immigration dans la soumission de

propositions portant sur l’immigration régulière et irrégulière dénaturer ce

cadre.

Ces propositions législatives sont autant d’illustrations du discours actuel

qui considère l’immigration comme une solution utilitaire et à court

terme au changement démographique, selon laquelle les migrants sont

bienvenus pour contribuer à l’économie européenne mais sont traités

différemment et se voient limités dans l’exercice des droits de l’homme

fondamentaux, y compris des droits économiques et sociaux. ENAR appelle

instamment le Parlement européen à prêter une attention particulière

aux droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers et à suivre

une approche basée sur les droits de l’homme qui assure l’égalité de

traitement de tous les ressortissants de pays tiers. ENAR invite également

le Parlement européen à sanctionner ses 15 Principes définissant le cadre

d’une approche positive de la migration, qui comprennent l’utilisation

d’une terminologie positive dans le discours politique, la mise en œuvre

des lois du travail existantes dans la nouvelle législation en matière

d’immigration et la garantie d’une participation des migrants dans le

processus d’élaboration politique au niveau de l’UE et au niveau national.

4. Assurer un renforcement mutuel des mesures de lutte contre le

terrorisme et de lutte contre le racisme

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux USA et les attentats

à la bombe de Madrid et de Londres qui les ont suivis, les mesures

de lutte contre le terrorisme ont grimpé aux premières lignes des

agendas internationaux et européens. Pendant un certain temps, des

sentiments d’inquiétude se sont exprimés quant au lien établi entre

racisme et mesures de lutte contre le terrorisme. Une terminologie telle

que «terrorisme islamique» a engendré une perception croissante de

l’existence de quelque lien inhérent entre l’islam et le terrorisme - une

perception contredite par les faits mais qui a conduit directement à une

augmentation de l’islamophobie et à un impact disproportionné des

mesures de lutte contre le terrorisme sur les communautés musulmanes.

Le défi consiste à assurer l’efficacité de la politique antiterroriste en

veillant à ce qu’elle soit menée dans le contexte du cadre international

des droits de l’homme et d’une façon non discriminatoire.

Le racisme et le terrorisme sont tous deux le produit de l’intolérance et

constituent de graves menaces actuelles pour les droits fondamentaux.

Alors qu’il n’existe pas de contradiction inhérente entre la lutte contre

le racisme et la lutte contre le terrorisme, il est clair que cette dernière

a un impact préjudiciable sur les efforts

plus largement déployés pour vaincre

l’intolérance. Les développements juridiques,

politiques et pratiques dans la lutte contre

le terrorisme ont contribué à créer un

environnement dans lequel les formes de

discrimination directes et indirectes sont

de plus en plus tolérées voire exigées.

Les développements et les tendances

récemment observés dans la lutte contre le

terrorisme minent l’intégration et l’inclusion sociale, contribuant à créer

un contexte dans lequel une petite minorité justifie le terrorisme.

ENAR appelle donc le Parlement européen à s’assurer que les politiques

de lutte contre le terrorisme soient élaborées et mises en œuvre dans le

cadre des droits de l’homme et de l’antidiscrimination et que l’antiracisme

soit un élément clé des stratégies de lutte contre le terrorisme. Ces

mesures devraient être conçues, mises en œuvre et évaluées d’une façon

ouverte et transparente, qui tienne compte des perspectives de toutes

les communautés religieuses ou ethniques dans l’UE. Des normes et des

mesures actives devraient être favorisées pour empêcher la «racialisation»

de l’agenda sécuritaire européen, y compris l’adoption de normes

communes en matière de prévention de l’utilisation du profilage racial

et religieux dans la lutte contre le terrorisme et le maintien de l’ordre.

Le Parlement européen devrait également reconnaître le racisme et, en

particulier, l’islamophobie comme sources d’exclusion et promouvoir les

droits de toutes les minorités ethniques comme un élément essentiel de

toute stratégie ayant pour objectif de prévenir la radicalisation.

Les priorités d’ENAR pour le nouveau Parlement européen

«iL esT essenTieL de veiLLer à ce que La campagne éLecToraLe ne

propage pas de senTimenTs racisTes eT hosTiLes aux immigrés eT que

L’anTiracisme consTiTue une prioriTé dans Les programmes des campagnes

éLecToraLes»

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen8 28

numéro

1. Le Parlement européen actuel a voté en faveur d’une nouvelle

Directive qui protège, au-delà du domaine de l’emploi, contre les

discriminations basées sur l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle et

la religion ou les croyances. Votre parti l’a-t-il soutenue ? Quelle est la

position de votre parti sur l’égalité pour tous en Europe? ?

Parti socialiste européen (PSE): Le PSE a toujours été un fervent

opposant aux discriminations en Europe, plaçant la Charte des Droits

Fondamentaux au centre de ses politiques. La conviction que tous les

êtres humains sont égaux est au cœur de notre vision et de nos objectifs

en tant que mouvement. En gardant cela à l’esprit, le PSE a réitéré son

engagement en faveur de l’égalité dans son Manifeste, qui comprend

plusieurs propositions sur ce sujet:

• Proposition 26: Nous nous engageons à

contrôler que toute législation européenne

respecte pleinement les droits des citoyens

consacrés par la Convention Européenne

des Droits de l’Homme et par la Charte

Européenne des Droits Fondamentaux.

Nous renforcerons la législation antidiscri-

mination afin de rendre effective l’égalité

de traitement quelles que soient les

différences de sexe, d’origine ethnique, de

handicap, d’âge, d’orientation sexuelle et

de religion ou croyance.

• Proposition 27: Nous proposons de garantir l’égalité de traitement sans

discrimination pour tous les citoyens européens quand ils se déplacent

dans l’Union, en recherchant la reconnaissance dans tous les Etats des

mariages, des contrats d’union civile et des droits parentaux légalement

reconnus par un autre Etat membre.

• Et un chapitre entier consacré à notre engagement en faveur de

l’égalité des sexes.

En ce qui concerne la proposition de nouvelle Directive antidiscrimination,

le PSE a soumis des amendements visant à défendre les droits de tous,

notamment des femmes, des personnes handicapées ou des homosexuels,

et à prendre en compte les discriminations multiples et la discrimination

par association. Le parti a largement soutenu la proposition finale. Le

PSE a régulièrement fait savoir qu’il ne pouvait accepter une «hiérarchie

des discriminations» dans l’UE, où certaines formes seraient interdites et

d’autres tolérées. Nous continuerons à nous battre pour garantir que les

dispositions sur l’antidiscrimination de l’Article 13 du Traité couvrent la

gamme de motifs la plus large possible.

Parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs (ELDR):

Les eurodéputés appartenant au groupe ADLE du PE, élus via les partis

nationaux membres du parti ELDR, ont soutenu de façon quasi unanime

la nouvelle Directive sur l’égalité en dehors de la sphère de l’emploi.

Le leader du groupe ADLE, Graham Watson, a écrit au Président de la

Commission M. Barroso pour l’inciter à proposer la Directive et demander

qu’elle couvre tous les motifs de discrimination énoncés dans l’Article 13

du Traité instituant la Communauté européenne (TCE), tel que réclamé

également par les Commissaires Libéraux. Le groupe ADLE a lancé

et promu, au sein du Parlement, des initiatives sur le sujet de l’égalité

de tous et la lutte contre les discriminations: résolutions, rapports et

questions parlementaires (sur les Roms, le racisme, les LGBT, etc.).

Parti européen des Verts (Les Verts): Nous avons non seulement

voté en faveur de la directive “horizontale” antidiscrimination, mais il

s’agissait pour nous d’une question si fondamentale que nous nous

sommes également battus et avons finalement obtenu la responsabilité

de la rédaction du rapport (l’eurodéputée rapporteur était Kathalijne

Buitenweg, des Pays Bas). Ce rapport soutient et renforce en même

temps la proposition de la Commission. Nous allons maintenant mettre

la pression sur le Conseil en vue d’une adoption rapide de la Directive

qui tienne compte de l’opinion du Parlement.

Avant même la présentation du projet de Directive par la Commission

européenne, nous avons, avec succès, fait pression pour ajouter

l’orientation sexuelle à la liste des motifs de discrimination, ce qui

n’était pas prévu à l’origine par la Commission.

2. Les minorités ethniques et religieuses sont plus susceptibles d’être

affectées par les conséquences de la crise économique actuelle et

d’être encore plus vulnérables face à la pauvreté et à l’exclusion

sociale. Qu’a prévu votre parti en vue d’atténuer l’impact de la crise

sur les minorités ethniques et religieuses et pour s’attaquer aux

questions spécifiques auxquelles elles doivent faire face en terme

d’exclusion sociale ? Comment comptez-vous répondre à la possible

montée du racisme en conséquence des incertitudes croissantes

ressenties par les populations quant à leur avenir? Et dans ce

contexte, allez-vous défendre et promouvoir les principes de la

Charte des partis politiques européens pour une société non raciste?

PSE: Le PSE a signé la Charte des partis politiques européens pour une

société non raciste. Les statuts comprennent en annexe la déclaration

du PSE «Pour une Europe moderne, pluraliste et tolérante», adoptée par

le 5ème Congrès du parti en mai 2001 à Berlin, où nous réaffirmons

notre soutien à la Charte et nous engageons à défendre ses principes.

Cet engagement est toujours d’actualité, spécialement en ces temps de

crise.

Nous ne voulons pas que la crise serve de prétexte à l’exclusion des

minorités et des groupes vulnérables; nous garderons dès lors un

œil vigilant sur les questions relatives à l’inclusion sociale, car nous

souhaitons offrir à tous les citoyens une vie décente et une réelle

participation dans la société. Le PSE a proposé un nouveau plan de

relance solide et progressif pour s’attaquer à la crise et lance un appel en

faveur de 7 étapes à suivre dans les 100 jours qui suivront les élections

européennes pour lutter contre la récession et assurer la sécurité sociale.

En particulier, notre plan de relance comprend un Pacte pour le Progrès

Social, visant à venir à bout de toutes les conséquences de la crise, et

prévenant une hausse de la pauvreté, l’inégalité et l’exclusion.

Le PSE s’est énergiquement opposé aux eurodéputés conservateurs qui

ont tenté d’utiliser le Parlement européen comme une plateforme pour

promouvoir des causes racistes ou xénophobes et assimiler l’Islam au

terrorisme fondamentaliste. Afin d’aller de l’avant, le PSE estime que

créer des liens au sein d’une société diversifiée peut mener à une société

prospère, bâtie sur la solidarité et où règne la cohésion. Par exemple,

nous devons dissocier l’approche fondée sur la peur et l’extrémisme

vis-à-vis de l’immigration et des communautés musulmanes. Il faut

casser les stéréotypes et promouvoir les droits de l’homme et les droits

Trois partis politiques européens répondent aux “questions antiracistes” d’ENAR en vue des élections au Parlement européen

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 928nu

méro

Trois partis politiques européens répondent aux “questions antiracistes” d’ENAR en vue des élections au Parlement européen

d’égalité. Nous devrions également prévoir un concept actif d’interaction

de communauté/société et mettre en valeur l’interculturalisme.

ELDR: Le groupe ADLE a appelé les institutions et les Etats membres à

lutter contre le racisme et l’exclusion à travers le respect des règles de

loi (et en critiquant les mesures discriminatoires dont celles décrétées par

le gouvernement italien contre les Roms), la criminalisation des crimes

haineux et des crimes racistes, la prévention efficace et la répression, ainsi

que via des mesures tant européennes que nationales visant à soutenir

ceux qui en ont le plus besoin, y compris les minorités.

Les Verts: Il est clair que la crise économique actuelle affecte en

particulier les franges de la société les plus vulnérables et les plus

exclues, parmi lesquelles les minorités ethniques et religieuses. La lutte

contre l’exclusion et la discrimination a toujours été et sera encore l’une

des pierres angulaires de notre engagement politique. Nous sommes

convaincus que la meilleure façon de s’attaquer au racisme est d’éliminer

toute forme de discrimination et de travailler pour une réelle intégration

de toutes les minorités. Ceci a toujours constitué l’une des clefs de voûte

de la politique des Verts et constitue l’une des parties essentielles de

notre Manifeste pour les élections européennes.

3. La gestion des flux d’immigration est l’une des 10 questions clé

au niveau européen et le Parlement tente d’avoir un mot à dire sur le

sujet. Quelle est la position de votre parti sur l’approche de l’UE face

à l’immigration ? Pensez-vous qu’il soit possible de développer une

approche de l’immigration basée sur les droits de l’homme ?

PES: L’immigration est un phénomène mondial qui fait partie du processus

plus large de la mondialisation. Nous devrions, au contraire, en tirer

profit et valoriser sa contribution à nos sociétés. C’est pourquoi le PSE

a dédié un chapitre entier de son Manifeste au sujet «Donner à l’Europe

une politique d’immigration pour le progrès». L’UE fait des efforts pour

gérer l’immigration, mais il faut faire plus et mieux. L’immigration nous a

apporté des avantages indéniables, contribuant à notre richesse et notre

prospérité. Pour que nous puissions continuer à profiter des bénéfices

d’une société plus productive, prospère et diversifiée, nous travaillerons

pour mettre fin à l’immigration illégale à travers nos frontières et

combattre le trafic d’êtres humains.

Les immigrants légaux doivent bénéficier des mêmes droits et devoirs

que les autres travailleurs. L’asile est un droit de l’homme fondamental

pour ceux qui fuient la persécution ; c’est pourquoi nous veillerons à ce

que la protection des personnes vulnérables et exploitées soit assurée

par un système ferme et équitable dont on ne puisse abuser. Nous

devons également permettre aux immigrants de s’intégrer pour leur

propre bénéfice et celui des communautés dans lesquelles ils vivent. Les

conservateurs ont joué sur le facteur de la peur. Nous voulons des réponses

humaines aux défis posés par l’immigration légale et illégale.

Au cours de la précédente législature parlementaire, le PSE a travaillé dur

pour faire en sorte que les textes législatifs garantissent que les droits

fondamentaux et la dignité humaine soient respectés et que les migrants

les plus vulnérables et mineurs soient protégés. Nous sommes convaincus

qu’il est possible de développer une approche de l’immigration basée sur

les droits de l’homme et pensons que cela devrait être une priorité.

ELDR: Le groupe ADLE

estime qu’il faut une

approche cohérente et

intégrée à la question de

l’immigration, approche qui

comprennent des politiques

de développement, de l’aide

humanitaire, une politique

étrangère promouvant

les droits de l’homme,

des législations sur l’immigration légale qui prennent en considération les

capacités d’accueil et les besoins grandissants des sociétés d’accueil, de

même que des politiques de lutte contre l’immigration illégale, y compris le

rapatriement et une gestion efficace des frontières. Les lois en matière d’asile

doivent faire en sorte que les personnes persécutées ou risquant de l’être,

trouvent une protection au sein de l’UE. Ces points sont les éléments d’une

politique d’immigration couronnée de succès. Une approche de l’immigration

basée sur les droits de l’homme est possible: la dimension des droits de

l’homme devrait être prise en considération à chaque étape des politiques

d’immigration, notamment en renforçant les politiques d’asile, en protégeant

la vie et les droits des migrants contre les organisations criminelles et en

mettant en œuvre des politiques d’intégration et d’antidiscrimination. L’ADLE

insiste sur le fait que toutes les mesures pour combattre l’immigration

illégale et augmenter les contrôles aux frontières extérieures, également en

collaboration avec les pays tiers, doivent être compatibles avec les mesures

de protection et les droits fondamentaux tels que définis dans la Charte des

droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment le droit

d’asile et le principe de non-refoulement.

Les Verts: Nous regrettons que les compétences de l’UE concernant

l’immigration soient limitées à l’immigration dite «illégale»». Nous

préférerions utiliser le terme immigration «irrégulière» ou, mieux,

«clandestine» pour la simple raison que personne n’est illégal. Abandonner

son pays pour fuir la répression politique ou la pauvreté extrême est un droit

reconnu par des conventions internationales contraignantes. Il est dès lors de

notre devoir d’accueillir ces personnes dans la dignité humaine et le respect

des droits de l’homme.

Nous sommes convaincus qu’une approche de l’immigration basée sur les

droits de l’homme est non seulement possible, mais également un devoir

moral ainsi qu’une obligation légale en vertu de nombreux instruments

internationaux juridiquement contraignants tels que la CEDH, le Traité CE

lui-même (Art 6), ...

Les Verts se sont battus pour stopper l’adoption de la Directive « Retour ».

Nous avons également travaillé de manière assidue (et avec succès) sur le

Paquet « Asile »: la refonte des directives actuelles, voté par le Parlement

européen le 7 mai. Il s’agit d’un pas important vers une approche plus

humaine de l’asile.

4. Selon vous, que devraient faire les européens pour favoriser

l’intégration des migrants et des minorités ethniques et religieuses

dans la société, et vice versa ? Et quelle est votre évaluation des

principes de base de l’UE sur l’intégration et de l’approche actuelle

européenne vis-à-vis de l’intégration ?

Page 10: s i c s a l e r Mai 2009 n t r e ENARgy - cms.horus.becms.horus.be/files/99935/MediaArchive/pdffr/ENARgy_05_2009_FR... · 2 Le Traité de Lisbonne: ... autorisés désormais à mettre

Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen10 28

numéro

PSE: Le PSE est conscient qu’il existe plus d’un modèle d’intégration. De

plus, l’intégration ne peut être isolée; elle va de pair avec la citoyenneté

inclusive. Il s’agit d’un processus qui engage tous les éléments d’une

société travaillant ensemble pour construire une société meilleure plutôt

que d’être une fin en soi. Il engage à la fois les migrants et les sociétés

d’accueil, et dès lors nécessitent des mesures d’accompagnement pour

éveiller les consciences des citoyens européens.

Nous croyons fermement que l’intégration concerne la création d’une

société inclusive; une société où chacun peut participer (à travers la

langue, l’éducation, le travail, les évènements culturels et les activités

sociales) et contribuer (grâce à la reconnaissance et la valorisation de

leurs compétences et leurs talents). La citoyenneté inclusive va plus loin

que l’identité nationale et reflète l’idée de respect des droits et devoirs

de tous les citoyens, de valeurs communes et de normes, d’une identité

européenne, d’une société inclusive et de justice sociale. D’un côté, les

minorités devraient bénéficier des mêmes opportunités, assurées par le

pays d’accueil, pour être en mesure de réaliser leur potentiel, de l’autre,

les minorités ont une obligation de s‘engager dans la (nouvelle) société.

Le Manifeste du PSE comprend une proposition spécifique sur

l’intégration des migrants visant à établir une Charte européenne pour

l’intégration des immigrés, fondée sur l’égalité de droits et de responsa-

bilités et sur le respect mutuel, qui devrait être coordonnée de manière

étroite avec les politiques sur l’admission des immigrés (Proposition

46). Une attention particulière doit être portée à l’intégration des

femmes, des jeunes et de la population Rom en Europe. Nous proposons

donc de promouvoir des actions à tous les niveaux appropriés (local,

régional, national ou européen), tels que des formations linguistiques

et culturelles, qui facilitent la pleine intégration des migrants dans leur

nouvelle communauté.

ELDR: Le groupe ADLE estime que l’intégration est un processus à double

sens, basé sur une compréhension mutuelle. Aucune discrimination

ne doit être tolérée sur base de motifs ethniques ou religieux, et des

voies de recours juridiques doivent être disponibles. Les Principes de

base communs de l’UE pour l’intégration offrent des lignes directrices

importantes, telles que développer des programmes d’intégration et

des campagnes de prise de conscience, des programmes de langues, de

civisme, l’emploi, la participation à la société et à la vie démocratique.

L’approche actuelle de l’UE vis-à-vis de l’intégration doit renforcer la

promotion des valeurs communes de la démocratie, l’état de droit, les

droits de l’homme et les libertés fondamentales, les libertés civiles,

l’égalité et la non-discrimination, l’inclusion et la tolérance, pour les

citoyens de l’UE ainsi que pour les immigrés et les minorités, et garanties

par l’Etat laïc.

Les Verts: Des droits égaux pour tous constituent notre principe de

base, mais cela ne suffit pas. L’UE et ses Etats membres devraient avoir

une politique proactive pour une intégration complète de toutes les

minorités.

Un eurodéputé vert était rapporteur (en première consultation) sur la

décision-cadre relative à la lutte contre le racisme et nous nous sommes

battus pour une approche plus forte, mais le résultat final est décevant

(la compétence de l’UE dans ce domaine est réellement limitée).

5. Nos sociétés sont de plus en plus diversifiées. Que fait votre

parti pour augmenter la représentation des minorités ethniques et

religieuses au sein des différents organes de l’UE, mais également

sur vos listes électorales?

PSE: En 2007, la Présidence du PSE a mis en place un réseau pour la

diversité et l’intégration afin de se concentrer sur ces questions à travers

l’UE. Certaines des recommandations finales de ce réseau traitent de

la participation démocratique et de la représentation de la diversité à

tous les niveaux de gouvernance comme faisant partie d’une politique

d’intégration réussie. Nous devons faire un meilleur usage des modèles

que nous avons dans la société et au sein de nos partis. Ces modèles

doivent devenir de plus en plus visibles et nous devrions tirer des leçons

de leurs expériences. Il ne faudrait cependant pas que ces modèles soient

réduits au seul rôle de représentant des personnes provenant du même

milieu ethnique ou religieux. Leur représentation signifie également être

à l’écoute des citoyens européens sur toutes sortes de questions. Nous

devrions également reconnaître la nécessité d’investir davantage dans

les compétences des politiciens, des fonctionnaires et d’autres acteurs

clés à tous les niveaux de l’engagement communautaire.

Concernant les organes politiques, tous les partis du PSE adhèrent aux

principes de bonne pratique suivants:

• Renoncer à toute forme d’alliance ou de coopération à tous les niveaux

avec tout parti qui incite ou tente d’attiser des préjugés raciaux ou

ethniques ou d’inciter à la haine raciale.

• Se battre pour une représentation équitable des citoyens sans

distinction à tous les niveaux des partis avec la responsabilité particulière

pour la direction du parti de stimuler et soutenir le recrutement de

candidats pour ces groupes tant pour des fonctions politiques que comme

membres.

• Se battre pour une juste représentation et une implication

démocratique de toutes les minorités ethniques dans la société et ses

institutions. La démocratie n’est pas la propriété de la majorité et notre

conception de la citoyenneté est une conception inclusive.

ELDR: Le groupe ADLE a déjà inclus au cours de cette législature des

personnes appartenant à des minorités ethniques et religieuses...

Les Verts: La Charte des Verts

européens, adoptée en 2006, déclare:

«La diversité humaine a de nombreuses

dimensions: de genre, sociale, culturelle,

spirituelle, philosophique, religieuse,

linguistique, économique, ethnique,

sexuelle, régionale. Celles-ci peuvent

être exprimées par des individus ou par

des groupes sociaux. Nous chérissons

cette diversité. Elle ne devrait toutefois

jamais être utilisée comme prétexte

pour remettre en question les droits universels.» En pratique, cela veut

dire qu’il est essentiel que les gouvernements, les institutions et les

partis politiques reflètent les sociétés dans lesquelles ils agissent et les

personnes qu’ils essayent de représenter dans les assemblées législatives.

Les Verts ont une expérience avérée en la matière en pratique même

si nous reconnaissons qu’il s’agit d’un travail en constante évolution

et que nous pouvons faire beaucoup plus. Du côté positif, le parti des

Verts allemand est le seul parti ayant un président de minorité ethnique

(Cem Özdemir, Co-président des Verts, dont les parents sont turcs). Nous

avons une politique proactive claire visant à inclure des représentants

de minorités ethniques. En ce qui concerne les minorités religieuses,

nous sommes en faveur d’une séparation claire du parti et ses politiques

d’adhésion de toute représentation d’intérêts religieux spécifiques. Bien

que nous nous opposions à toute tentative visant à donner au parti un

caractère confessionnel, nous tenons beaucoup à la promotion de la

liberté religieuse.

A Green New Deal for Europe

Manifesto for the European election campaign 2009

Page 11: s i c s a l e r Mai 2009 n t r e ENARgy - cms.horus.becms.horus.be/files/99935/MediaArchive/pdffr/ENARgy_05_2009_FR... · 2 Le Traité de Lisbonne: ... autorisés désormais à mettre

Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 1128nu

méro

Une meilleure pratique venue des Pays-Bas: comparer les programmes électoraux Dick Houtzager, Art. 1, membre d’ENAR aux Pays-Bas

Cet article présente l’exemple d’une organisation membre d’ENAR

aux Pays-Bas quant à la façon dont elle s’est mobilisée pour

sensibiliser les électeurs aux questions de non-discrimination et

d’égalité avant les élections du Parlement européen.

En avril 2009, Art. 1, un centre d’expertise néerlandais sur les questions

d’antidiscrimination et membre

d’ENAR aux Pays-Bas, a mené une

étude des programmes électoraux

des partis politiques qui participeront

aux élections du Parlement

européen. Art.1 est membre de la

Plateforme Article 13, une coalition

d’ONG travaillant sur la promotion

de l’égalité d’une perspective

européenne aux Pays-Bas. Les

membres de la Plateforme

représentent tous les motifs de

discrimination listés dans l’Article 13

du Traité d’Amsterdam.

Menée en collaboration avec ces ONG, cette étude s’est

penchée sur la position des partis politiques en matière de

non-discrimination, d’égalité de traitement et de diversité.

Elle a pour but de donner au public intéressé et aux médias

une vue des différentes approches de ces questions adoptées

par les partis. Les électeurs pourront ainsi procéder à un

choix plus éclairé.

Le vote néerlandais de rejet du traité constitutionnel de

l’Union européenne en 2005 retentit encore dans tout le

pays et l’on s’attend à une faible participation des électeurs

au scrutin européen du 4 juin. Art. 1 estime pourtant qu’il y

aura encore un soutien considérable aux questions relatives

à l’égalité de traitement et à l’Union européenne. Sa

brochure qui compare les différents programmes électoraux

devrait sensibiliser les électeurs au fait que l’UE joue un rôle

significatif dans le domaine de la non-discrimination.

17 partis politiques prendront part aux élections. Ceux-ci

incluent tant des partis basés aux Pays-Bas que des partis

européens. Une comparaison des programmes électoraux

montre que seuls sept partis ont pris position sur la question

de la non-discrimination. En ce qui concerne la «race» et

l’origine ethnique, la plupart appellent au renforcement de

la position des Roms et des Sinti dans l’Union européenne.

D’autres communautés pouvant être vulnérables au racisme

et aux discriminations ne sont pas mentionnées. Certains

partis appellent l’Union européenne à prendre des mesures

quant aux questions d’orientation sexuelle et de genre et

affirment leur soutien à la proposition d’une vaste directive

sur l’égalité de traitement dans les biens et les services.

Un parti mentionne le rôle que l’UE peut jouer dans la

prévention de la persécution des chrétiens dans d’autres

régions du monde et un autre réclame des mesures spéciales

pour soutenir les personnes âgées et pour empêcher les

restrictions des soins de santé dispensés à ce groupe. Certains plaident

en faveur d’une ratification par l’Union européenne de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme, afin de promouvoir

l’égalité et renforcer la protection juridique pour les citoyens de l’UE.

La brochure sera disponible sur les sites web des organisations

participantes qui travaillent de concert au sein

de la Plateforme Article 13. Elle sera également

distribuée dans les médias et parmi les

organisations intéressées des différents groupes

cibles.

Pour plus d’informations,

on visitera le site: www.art1.nl

JUSTHUMAN

NOTBLACK

NOTWHITE

Art 1, landelijke vereniging ter voorkoming en bestrijding van discriminatie www.art1.nl

«L’éTude sur La posiTion des parTis poLiTiques en maTière de non-discriminaTion, d’égaLiTé de TraiTemenT eT de diversiTé a pour buT de donner au pubLic

inTéressé eT aux médias une vue des différenTes approches de ces

quesTions adopTées par Les parTis»

Page 12: s i c s a l e r Mai 2009 n t r e ENARgy - cms.horus.becms.horus.be/files/99935/MediaArchive/pdffr/ENARgy_05_2009_FR... · 2 Le Traité de Lisbonne: ... autorisés désormais à mettre

Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen12 28

numéro

Claude Moraes, Membre du Parlement européen et Président de l’IntergroupeLe mois prochain, l’attention sera dirigée vers les élections européennes.

Ces élections ont lieu dans un climat de difficulté économique et une

salve de prédictions déprimantes affluent quant aux gains de la droite

«dure» à travers l’Union européenne. A la lumière de ces évènements,

il est bon de prendre un peu de recul et de réfléchir sur le travail positif

réalisé au cours des cinq dernières années au sein du Parlement européen

dans la lutte contre le racisme et l’extrémisme. Une attention particulière

a logiquement été portée sur l’aspect législatif de mesures d’antidiscri-

mination comme la nouvelle Directive sur l’égalité de traitement. Il est

toutefois important de ne pas omettre les voies informelles ayant permis

de faire avancer les préoccupations d’ENAR au sein des institutions

européennes. Au Parlement européen, c’est entre autres par le biais de

l’Intergroupe Antiracisme et Diversité que cet avancement est réalisé.

Cet Intergroupe est un groupe parlementaire réunissant des eurodéputés

de tous partis. Il a été créé sous sa forme actuelle en 2004, pour favoriser

la collaboration entre les eurodéputés, les groupes politiques et d’autres

acteurs intéressés, comme les ONG, les syndicats, les représentants

du monde des affaires et des autres institutions européennes sur des

questions relatives au racisme et à l’égalité. Il s’agit d’une coalition

informelle offrant aux députés une opportunité de se rencontrer au sein du

Parlement européen, de favoriser le soutien mutuel, de créer des alliances

et d’apporter plus de visibilité aux initiatives et actions des uns et des

autres sur ces questions.

Depuis 2004, j’ai présidé l’Intergroupe avec 12 Vice-présidents, tous

eurodéputés: Emine Bozkurt, Harlem Désir, Saïd El Khadraoui, Glyn Ford,

Neena Gill, Lívia Jároka, Sajjad Karim, Magda Kósáne Kovács, Jean Lambert,

Sarah Ludford, Cem Özdemir et Feleknas Uca. La grande diversité de partis

politiques et de nationalités des Vice-présidents a permis à l’Intergroupe

de traiter une large variété de sujets intéressants au cours de son mandat.

Les réunions se sont concentrées sur les discriminations à l’encontre de

groupes spécifiques, comme l’islamophobie ou l’antisémitisme, et sur des

questions transversales comme l’action positive ou les discriminations

multiples.

Depuis 2004, l’Intergroupe a été soutenu par ENAR, qui est en grande

partie responsable de son succès. Notre collaboration a permis à

l’Intergroupe de tenir des réunions substantives auxquelles ont participé de

très nombreux intervenants. Chaque réunion a par ailleurs été étoffée par

des documents conceptuels détaillés destinés à informer les participants.

En plus des grandes réunions ou auditions, l’Intergroupe a organisé de

manière périodique des déjeuners permettant aux Vice-présidents de

rencontrer des figures-clé dans le domaine de l’antidiscrimination. Il a

également lancé au sein du Parlement européen des campagnes en faveur

de déclarations, et tous les Vice-présidents ont été invités à assister et

intervenir à une grande variété d’évènements, tant à Bruxelles que dans

leur pays, en tant que représentants de l’Intergroupe. Un bon exemple de

question horizontale ayant été traitée par l’Intergroupe est celle de l’action

positive. Sur cette question essentielle, l’Intergroupe a pris les devants

pour tenter de favoriser une meilleure connaissance du concept et de

s’éloigner de l’idée que l’action positive équivaut purement et simplement

à de la discrimination positive. Une attention particulière a été portée à

notre propre institution et le manque de diversité tant en ce qui concerne

les représentants élus que le personnel des institutions européennes. Le

progrès est lent mais il va se poursuivre.

Nos victoires

• S’attaquer au racisme dans le monde du football

Une des activités de l’Intergroupe qui a été la plus couronnée

de succès lors du mandat précédent a été le fait de s’attaquer à la

question du racisme dans le football. A cette occasion, l’Intergroupe a

joint ses forces à celles de FARE (Football contre le racisme en Europe)

et à l’UEFA pour mener un certain nombre d’initiatives visant à éveiller

les consciences et faire campagne contre ce phénomène. Nous avons

tenu une audition à Bruxelles, qui a permis à FARE de présenter son

travail et d’informer de nombreux parlementaires et autres acteurs de

la scène bruxelloise des défis et priorités futurs. Parmi les intervenants,

l’on a pu compter des footballeurs professionnels - actifs ou à la

retraite, des représentants de l’UEFA de Genève, de FARE et de la

Commission européenne.

Cette audition a également été l’occasion de lancer une déclaration

écrite visant à s’attaquer au racisme dans le football. Cette résolution

a condamné fermement toutes les formes de racisme lors de matchs,

tant sur le terrain qu’à ses abords. Elle a appelé tous ceux qui sont

impliqués dans le football à faire davantage pour combattre le racisme

dans le jeu et réclamer des sanctions plus strictes concernant les

insultes racistes. Pour l’Intergroupe, la déclaration a été présentée

L’Intergroupe Antiracisme et Diversité du Parlement européen: qui sommes-nous et quels résultats avons-nous obtenus?

Campagne de l’Intergroupe pour une Déclaration écrite sur la lutte contre le racisme dans le football

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 1328nu

méro

par trois eurodéputés, Emine Bozkurt, Cem Özdemir et moi-même.

Au cours de la période de trois mois durant laquelle la déclaration

pouvait être signée, une grande campagne a été menée. L’UEFA

nous a soutenus à l’aide de brochures attractives et tous les bureaux

impliqués se sont mobilisés pour soulever la question dès que

l’occasion se présentait. Le résultat a été la signature, à la fin des trois

mois, de la déclaration par 423 députés européens - à savoir le chiffre

le plus élevé ayant été enregistré à l’époque. Cette déclaration est

ensuite devenue une résolution adoptée par le Parlement européen.

L’importance de ce résultat est démontrée par le fait qu’il s’agit

là de la première déclaration écrite adoptée sur une question de

discrimination raciale ou ethnique.

• Discriminations multiples

L’aspect positif de la campagne contre le racisme dans le football

est qu’elle a réussi à intéresser une audience qui ne s’engage

généralement pas dans des campagnes «antiracisme» et qu’elle a

permis de faire connaître l’Intergroupe à un autre type de personnes

engagées politiquement. D’un autre côté, le travail de l’Intergroupe en

matière de discriminations multiples a canalisé ses forces en misant

sur la collaboration avec d’autres acteurs-clés de la lutte contre les

discriminations pour atteindre d’excellents résultats.

Au cours de l’Année européenne de

l’égalité des chances, en 2007, les

intergroupes parlementaires travaillant

sur les discriminations - l’Intergroupe

sur le Vieillissement, l’Intergroupe sur

les Personnes Handicapées, l’Intergroupe

LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et

transgenres) et l’Intergroupe Antiracisme

et Diversité - ont travaillé ensemble sur

la question des discriminations multiples

et ont organisé une audition sur le sujet. L’intervention fascinante et

dynamique de Radouane Bouhlal, Président du Mouvement contre le

Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (Belgique), ainsi que des

intervenants du Parlement, de la Commission et des ONG, ont fait

de cet évènement l’un des premiers débats productifs et importants

sur cette question au sein du Parlement. Une déclaration commune

de tous les intergroupes est venue conclure cette audition, soulignant

leur engagement à combattre les problèmes auxquels sont confrontées

les personnes de milieux différents appartenant non pas à une mais à

plusieurs minorités.

Au cours des deux années suivantes, les eurodéputés qui ont assisté

et sont intervenus lors de cette réunion ont fait entendre leur voix au

sein des commissions parlementaires, en appelant à une législation

contre les discriminations multiples. Ces appels ont atteint leur point

culminant lors de l’insertion d’un paragraphe sur les discriminations

multiples dans le rapport du Parlement sur la proposition de Directive

relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre

les personnes sans distinction de religion ou croyance, de handicap,

d’âge ou d’orientation sexuelle. De nombreuses personnes travaillant

dans le domaine de la lutte contre les discriminations ont alors

prétendu qu’il serait impossible de les faire voter par les commissions

parlementaires et le Parlement dans son ensemble. Ce fut pourtant le

cas! Tant le Conseil que la Commission ont soutenu qu’il était trop tôt

par rapport à l’examen de cette question pour l’inclure à la Directive,

mais le Parlement a envoyé un message fort aux autres institutions,

indiquant que les discriminations multiples devaient être traitées par

une mesure législative.

• Profilage ethnique

En 2006, l’Intergroupe a organisé un séminaire très apprécié sur le

profilage ethnique. Nous avons, avec le «Open Society Institute»,

rassemblé des fonctionnaires de haut rang du Conseil, de la

Commission et du Parlement, ainsi que des experts dans divers

domaines spécialisés comme Gijs de Vries, coordinateur anti-terro-

riste de l’UE. Il y a eu un débat animé sur des questions relatives aux

droits fondamentaux et aux libertés civiles dans le contexte de la lutte

contre le terrorisme, en ce compris l’utilisation du profilage ethnique.

Deux ans après cette réunion fructueuse, les idées qui ont émergé des

discussions ont été transformées en un rapport de Mme Sarah Ludford,

députée européenne, qui avait organisé le séminaire. Ce rapport traite

d’un grand nombre de questions de discrimination soulevées par le

profilage ethnique. Il a été adopté par le Parlement dans son ensemble

en avril 2009, illustrant l’importance de

l’existence de l’Intergroupe Antiracisme et

Diversité et son potentiel pour guider et

influencer l’ordre du jour européen.

L’avenir

L’avenir de l’Intergroupe repose sur notre

engagement à tous. Personne ne connaît à

l’heure actuelle la composition du prochain

Parlement, mais il ne fait aucun doute que

la lutte contre les discriminations et le racisme restera d’actualité. Si les

membres d’ENAR connaissent des activistes dans ce domaine susceptibles

d’être élus en juin, veillez à nous le faire savoir. Le nombre d’intergroupes

au sein du Parlement est limité et nous devons débuter notre mandat avec

des supporters enthousiastes afin de garantir à cet Intergroupe le soutien

officiel dont il aura besoin pour travailler de manière efficace. Je me réjouis

de travailler cinq années supplémentaires avec des collègues fantastiques,

tant au sein des institutions européennes que provenant du monde des

ONG, afin de combattre vigoureusement le racisme et les discriminations

là où ils se produisent.

«La grande diversiTé de parTis poLiTiques eT de naTionaLiTés

des vice-présidenTs a permis à L’inTergroupe de TraiTer une Large variéTé de sujeTs inTéressanTs au

cours de son mandaT»

Claude Moraes, Membre du Parlement européen et Président de l’Intergroupe

L’Intergroupe Antiracisme et Diversité du Parlement européen: qui sommes-nous et quels résultats avons-nous obtenus?

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen14 28

numéro

Les plans de l’extrême droite pour entrer au Parlement européen

cet été passent par l’appropriation de questions sensibles comme

l’immigration et l’islam. Ayant tiré les leçons de leurs erreurs passées,

les partis d’extrême droite poursuivent leur stratégie visant à se draper

de l’euroscepticisme et de la défense de la liberté de parole pour

s’assurer plus d’influence au sein du Parlement européen...

Les manchettes les plus récentes sur le Parlement européen (PE) et

l’extrême droite ont été dominées par Jean-Marie Le Pen, leader du

Front National, le parti d’extrême droite français. Une nouvelle fois,

pourrait-on dire dans la mesure où il est, ou plutôt fût, la figure de

proue de l’extrémisme de droite en Europe pendant de nombreuses

années en Europe. Si Le Pen venait à être réélu en tant qu’eurodéputé

au mois de juin, il présiderait la session d’ouverture du Parlement

européen. Les règles actuellement en vigueur offrent en effet ce

privilège à l’eurodéputé le plus âgé et il est plus que probable que

Le Pen, âgé de 80 ans, ne laissera pas passer une telle occasion sans

dénigrer l’Holocauste comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises. Nous

ne pouvons qu’espérer que cela soit empêché. Toutefois, Le Pen et son

Front National ont vu passer leur heure de gloire il y a quelque temps

déjà. Le nouveau danger menaçant l’Europe pluraliste et libérale se

présente de manière déguisée. Si Le Pen fait toujours les gros titres, les

plans des populistes de droite ne sont connus que de ceux qui ne se

contentent pas de la une des journaux.

Les valeurs de l’Union européenne et l’idéologie d’extrême droite

s’opposent, mais les partis d’extrême droite et ethnocentristes ont

toutefois tenté de prendre racine au sein du Parlement européen par

le passé. Les raisons sont claires: «combattre l’UE de l’intérieur» ou

pire encore, utiliser les ressources du Parlement européen telles que

le financement et la présidence des commissions parlementaires pour

faire progresser leurs positions au niveau national. En 2007, les partis

d’extrême droite et nationalistes ont réussi pour la première fois à

créer leur propre groupe politique au sein du Parlement européen (un

groupe politique devait à ce moment là réunir au moins 20 eurodéputés

de cinq pays différents). Ce nouveau groupe appelé Identité, Tradition,

Souveraineté (ITS) était un «fourre-tout» de partis nationalistes et

ethnocentriques sans programme politique cohérent. Le plus petit

dénominateur commun était d’être «anti»: anti-immigration, anti-

constitution de l’UE and anti-adhésion de la Turquie à l’UE. Parmi les

membres de l’IST on retrouvait le Front National (France), le Vlaams

Belang (Belgique), le Parti de la Grande Roumanie et le Parti de la

Liberté autrichien (FPÖ). Bien que n’ayant qu’un seul siège au sein du

PE, ce dernier a joué un rôle crucial dans la création de l’IST. Après dix

mois seulement, le groupe a été dissout à la suite de chamailleries

nationalistes entre les membres italiens, roumains et autrichiens.

En 2009 l’histoire semble se répéter. Le FPÖ a une nouvelle fois

l’intention de regrouper les forces d’extrême droite au sein du PE mais

la stratégie a été ajustée afin de s’adapter aux récents développements

1 Dr. Kösemen supervise le projet “Stratégies pour combattre l’extrémisme de droite en Europe”. Les

résultats de ce projet seront publiés en juin 2009.

ayant eu lieu dans les arènes politiques des pays d’Europe de l’Ouest

(en Europe de l’Est la situation est différente). Le visage de la droite

radicale est en train de changer. Les partis franchement discrimina-

toires et ouvertement extrémistes perdent du terrain au profit de ce

qu’il est convenu d’appeler «la droite populiste» qui prend l’apparence

et le ton des partis majoritaires, mais qui en réalité a des revendications

politiques similaires à celles de l’extrême droite telle que nous la

connaissons. Ce qui rend les choses difficiles pour l’électeur de base

c’est l’allégation répétée en boucle par la droite populiste qu’elle ne

doit sous aucun prétexte être confondue avec l’extrême droite. Geert

Wilders - le leader du Parti de la liberté néerlandais connu pour son

film anti-Islam “Fitna” - exclut, par exemple, toute collaboration avec

le Front National ou le Vlaams Belang même si le Parti de la liberté

aurait été parfaitement en ligne avec le programme de l’IST s’il avait

été présent au PE en 2007. En outre, le raisonnement sous-tendant

les déclarations de la droite populiste n’est pas ouvertement

extrémiste. L’argumentaire ethnocentriste-nationaliste classique a

été ostensiblement remplacé par une argumentation libertaire et

pluraliste. Pour simplifier: la droite populiste justifie ses opinions anti-

immigration et anti-Islam non à cause d’une supériorité supposée de la

race blanche mais en alimentant la peur que l’islam et l’immigration

vont venir anéantir la liberté d’expression et l’héritage des Lumières en

Europe. Ce changement d’argumentation peut être observé au sein du

parti autrichien FPÖ comme dans de nombreux autres partis en Europe.

La triste ironie de cette situation est que le principe de la défense

de la liberté de parole est utilisé ici pour faire d’un groupe entier de

personnes et de leur religion un objet de peur.

En outre, la droite populiste relie cette approche à des questions

sociales et à l’euroscepticisme. Même si cela ne les isole pas de

l’extrême droite classique, cela leur donne un attrait pour la classe

ouvrière. La droite populiste n’est pas uniquement en concurrence

électorale avec les partis conservateurs sur des questions de maintien

de l’ordre ou culturelles, mais également avec des partis de gauche sur

les questions relatives à la mondialisation et au travail.

La scission stratégique entre les populistes de droite et les extrémistes

de droite est recherchée par les premiers, conscients qu’une coopération

au grand jour avec les seconds leur bloquerait l’accès à l’électorat

conventionnel. Cette approche s’est révélée jusqu’à présent fructueuse

au niveau national et les partis tels que le FPÖ et le Parti de la liberté

«Les parTis franchemenT discriminaToires eT ouverTemenT exTrémisTes perdenT du Terrain

au profiT de ce qu’iL esT convenu d’appeLer «La droiTe popuLisTe» qui

prend L’apparence eT Le Ton des parTis majoriTaires, mais qui en réaLiTé a des

revendicaTions poLiTiques simiLaires à ceLLes de L’exTrême droiTe TeLLe que

nous La connaissons»

Dr. Orkan Kösemen, Chargé de projet au Bertelsmann Stiftung, Allemagne

L’extrémisme de droite par la porte arrière

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Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 1528nu

méro

espèrent que cela leur

assurera également un

succès à long terme au

niveau européen. Des

enquêtes actuelles prédisent

une augmentation des votes

de droite populiste aux

élections européennes de

juin 2009. Deux scénarios

sont possibles après les

élections: les populistes de

droite tentant de créer leur

propre groupe parlementaire

en laissant les partis tels

que le Front National et le

Vlaams Belang en dehors

ou (à défaut d’un nombre

suffisant d’Etat membres)

en essayant d’accéder à un

groupe parlementaire déjà

établi. Cette seconde option est activement recherchée par le FPÖ et

serait conforme à sa stratégie de se «mêler au courant majoritaire». Le

groupe parlementaire en question est l’Union pour l’Europe des Nations

(UEN). Il comprend des partis de droite nationalistes et eurosceptiques

et abrite déjà un certain nombre de partis d’extrême droite comme le

Parti du Peuple Danois (Danemark) et la Ligue du Nord (Italie). Le FPÖ

et Geert Wilders sont en train de lancer des signaux de coopération au

Parti du Peuple Danois en vue du soutien de ce dernier quant à leur

admission au sein de l’UEN après les élections. L’UEN semble avoir le

potentiel pour attirer toutes sortes de partis de droite «dure» souhaitant

éviter toute affiliation publique avec l’extrême droite ouvertement

raciste et militante.

Ces développements sont dangereux pour l’Europe et les valeurs

européennes. Les populistes de droite ont montré, en adaptant leur

rhétorique et leur argumentaire, qu’ils peuvent contourner ce qui

empêche les partis d’extrême droite d’être influents au sein des

parlements et gouvernements nationaux. L’expérience a montré que si

ces partis se collent à l’arène politique assez longtemps, c’est le débat

public dans son ensemble qui se déplace vers la droite ; les précédentes

idées d’extrême droite deviennent ainsi de plus en plus acceptables.

Les partis populistes de droite déplacent les idées et les personnes

d’extrême droite vers les courants politiques dominants. La percée de

la droite dure au sein du PE cette année apparaît comme imminente.

Indépendamment de leurs gains électoraux, les partis démocratiques

ne doivent pas se leurrer en pensant que les populistes de droite sont

moins dangereux que les extrémistes de droite.

Résolutions-clé du PE pour la lutte contre le racisme en 2004-2009

3 Résolution sur le souvenir de l’Holocauste, l’antisémitisme et le

racisme (2005)

3 Résolution sur la protection des minorités et les politiques de lutte

contre les discriminations dans l’Europe élargie (2005)

3 Résolution sur la promotion et la protection des droits fondamentaux:

le rôle des institutions nationales et européennes, y compris de

l’Agence des droits fondamentaux (2005)

3 Résolution sur la situation des Roms dans l’Union européenne (2005)

3 Résolution sur la situation des femmes roms dans l’Union européenne

(2006)

3 Déclaration sur la lutte contre le racisme dans le football (2006)

3 Résolution sur l’application de la directive 2000/43/CE du Conseil du

29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de

traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine

ethnique (2007)

3 Résolution législative sur la proposition de décision-cadre du Conseil

sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de

xénophobie au moyen du droit pénal (2007)

3 Résolution sur le recensement des Roms en Italie sur la base de leur

appartenance ethnique (2008)

3 Résolution sur une stratégie européenne en faveur des Roms (2008)

3 Résolution sur les progrès réalisés en matière d’égalité des chances

et de non-discrimination dans l’Union européenne (transposition des

directives 2000/43/CE et 2000/78/CE) (2008)

3 Résolution législative sur la proposition de directive du Conseil relative

à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les

personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap,

d’âge ou d’orientation sexuelle (2009)

3 Résolution sur l’éducation des enfants des migrants (2009)

3 Recommandation à l’intention du Conseil sur le problème du profilage,

notamment sur la base de l’origine ethnique ou de la race, dans les

opérations de contre-terrorisme, de maintien de l’ordre, de contrôle de

l’immigration, des services des douanes et de contrôle aux frontières

(2009)

3 Résolution sur la situation sociale des Roms et l’amélioration de leur

accès au marché du travail dans l’UE (2009)

Dr. Orkan Kösemen, Chargé de projet au Bertelsmann Stiftung, Allemagne1

L’extrémisme de droite par la porte arrière

Publication de la Bertelsmann Stiftung sur les

stratégies de lutte contre l’extrémisme de droite

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Annonces(Continue de la page 2)

#200

23 •

ENAR

réseau européen contre le racisme

• ENAR a publié les conclusions de son séminaire sur la politique

d’immigration de l’UE qui s’est tenu en novembre 2008. La

publication intitulée “15 Principes pour définir le cadre d’une

approche positive de la migration” est disponible sur www.

enar-eu.org/Page.asp?docid=15845&langue=FR

• ENAR a publié son Rapport annuel 2008, disponible sur www.

enar-eu.org/Page.asp?DocID=15293&langue=FR

• ENAR a diffusé sa réponse à deux consultations de la

Commission européenne, sur l’inclusion financière et sur

l’action de l’UE pour réduire les inégalités en matière

de santé, disponibles sur www.enar-eu.org/Page.

asp?DocID=15288&langue=EN

• ENAR a diffusé ses commentaires concernant la Conférence

d’examen de Durban, organisée par les Nations Unies du 20 au

24 avril 2009. Ils sont disponibles sur www.enar-eu.org/Page.

asp?DocID=15288&langue=EN

• Le prochain numéro d’ENARgy sera publié en août 2009.

Des informations sur les éditions précédentes sont

disponibles sur www.enar-eu.org/Page_Generale.

asp?DocID=15292&langue=FR

43 rue de la Charité , B-1210 Brussels - Belgium Tel: +32-2-229.35.70 , Fax: +32-2-229.35.75E-mail: [email protected]: www.enar-eu.org

Pour recevoir les nouvelles d’ENAR par e-mail:www.enar-eu.org/Page_Generaleasp?DocID=15276&langue=FR

ENAR est un réseau d’ONG européennes oeuvrant pour lutter contre le racisme dans tous les Etats membres de l’UE. Il représente l’une des grandes réalisations de l’Année européenne contre le racisme de 1997. ENAR a pour objectifs de lutter contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’islamophobie, promouvoir l’égalité de traitement entre citoyens de l’UE et ressortissants de pays tiers et assurer la liaison entre les initiatives locales/régionales/nationales et les initiatives européennes. ENAR a pour vision un monde exempt de racisme.

Ce bulletin a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne, DG Emploi, Affaires Sociales et Egalité des Chances.

Les articles publiés dans ENARgy ne refl ètent pas nécessairement les opinions ou politiques d’ENAR ou de la Commission européenne.

Responsable de publication: Pascale CharhonEditeur: Georgina SiklossyTraduction: Dominique Barbier

Quel avenir pour l’UE? Le Traité de Lisbonne et les élections du Parlement européen 28

numéro

D’autres progrès importants ont été réalisés, notamment la référence à

la Charte des droits fondamentaux de l’UE, en en faisant un instrument

juridiquement contraignant, et l’engagement à adhérer à la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales, qui s’appliquera alors aussi aux lois et entités de l’UE. On

peut déplorer toutefois que le Royaume-Uni et la Pologne aient obtenu des

désengagements (opt-outs) leur permettant d’échapper aux engagements

de la Charte de l’UE.

Ce traité de réforme semble apporter quelques éléments positifs en faveur

d’une Europe plus soucieuse des droits sociaux, environnementaux et

fondamentaux mais les progrès réels dépendront essentiellement de la

volonté politique, de leur mise en œuvre concrète et bien évidemment de

la capacité des organisations de la société civile à utiliser ces nouveaux

leviers comme outils supplémentaires de plaidoyer.

Où en est la ratification du Traité?

A ce jour, on compte 26 Etats membres de l’UE à avoir approuvé le Traité

par vote parlementaire mais quatre d’entre eux doivent encore procéder à

sa ratification complète. En Allemagne, le Tribunal constitutionnel devrait

rendre un jugement sur la compatibilité du Traité avec la loi allemande cet

été. Le Parlement tchèque a finalement signé le Traité mais le Président

tchèque, Václav Klaus, a indiqué précédemment qu’il refuserait de ratifier

le projet de loi afférent. Il en va de même pour la Pologne, où le Président

Lech Kaczyński a déclaré qu’il ne signerait pas le Traité avant qu’il n’ait

été approuvé en Irlande. Et naturellement, l’Irlande doit organiser un

deuxième référendum, probablement en automne. Les récents sondages

indiquent une augmentation des partisans du oui, principalement «grâce»

à la crise économique et financière mais également aux garanties

données quant à la neutralité de l’Irlande, aux questions sociales, éthiques

et d’imposition, ainsi qu’au maintien d’un seul commissaire par Etat

membre6.

6 Actuellement le Traité de Lisbonne prévoit de limiter le nombre de Commissaires à 2/3 du nombre

d’Etats membres à partir de 2014; le nouvel accord conclu avec l’Irlande consiste à maintenir un Com-

missaire par pays.