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RÉVOLUTION ou GUERRE #8 Revue du Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC) Semestriel – Septembre 2017 Sommaire Le capitalisme c'est la guerre, seul le prolétariat peut s'y opposer en détruisant le capitalisme Situation internationale Communiqué sur le résultat de l'élection présidentielle française (7 mai 2017) Après les élections législatives en France, quelles implications politiques pour le prolétariat français et international ? (30 juin 2017) Luttes ouvrières dans le monde Correspondance Sur les réels positionnements politiques de classe du mouvement allemand Interventionistiche Linke et plus largement sur la mouvance “ black-block ”... Débat au sein du camp prolétarien Sur le rôle et la structure de l'organisation révolutionnaire (PCint- Battaglia Comunista, 2 e partie, 1978) Réflexion sur les organes intermédiaires entre le parti et la classe ouvrière Projet de thèses sur la période de transition Texte du mouvement ouvrier Lettre de F. Engels à Borgius, sur la méthode du matérialisme historique (25 janvier 1874) E-mail : [email protected], site web : www.igcl.org 4 dollars/3 euros

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RÉVOLUTION ou GUERRE#8

Revue du Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC)

Semestriel – Septembre 2017

Sommaire

Le capitalisme c'est la guerre, seul le prolétariat peut s'y opposer en détruisant le capitalisme

Situation internationaleCommuniqué sur le résultat de l'élection présidentielle française (7 mai 2017)

Après les élections législatives en France, quelles implications politiques pour le prolétariat français et international ? (30 juin 2017)

Luttes ouvrières dans le monde

CorrespondanceSur les réels positionnements politiques de classe du mouvement allemand Interventionistiche Linke et plus largement sur la mouvance “ black-block ”...

Débat au sein du camp prolétarienSur le rôle et la structure de l'organisation révolutionnaire (PCint-Battaglia Comunista, 2e partie, 1978)

Réflexion sur les organes intermédiaires entre le parti et la classe ouvrière

Projet de thèses sur la période de transition

Texte du mouvement ouvrierLettre de F. Engels à Borgius, sur la méthode du matérialisme historique (25 janvier 1874)

E-mail : [email protected], site web : www.igcl.org

4 dollars/3 euros

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Sommaire

Le capitalisme c'est la guerre, seul le prolétariat peut s'y opposer enen détruisant le capitalisme ...........................................................................................................................................1

Situation internationale Communiqué sur le résultat de l'élection présidentielle française (7 mai 2017)........................................2

Après les élections législatives en France, quelles implications politiquespour le prolétariat français et international............................................................................................................6

"Brèves" : luttes ouvrières dans le monde...............................................................................................................11

Correspondance

Sur les positionnements politiques de classe réels du mouvement allemandInterventionistische Linke et plus largement sur la mouvance “ black-block ”........................................13

Débat dans le camp prolétarien

Sur le rôle et la structure de l'organisation révolutionnaire(PCint-Battaglia Comunista, 2e partie, 1978).........................................................................................................18

Réflexions sur les organes intermédiaires entre le parti et la classe ouvrière........................................20

Projet de thèses sur la période de transition.........................................................................................................24

Texte du mouvement ouvrier

Lettre de F. Engels à Borgius, sur la méthode du matérialisme historique (25 janvier 1874)..........28

Appel à souscription

Nous remercions les lecteurs qui comprennent et soutiennent notre activité sous diverses formes :contributions écrites, matérielles ou financières. La publication, l'impression et l'envoi de notre revuereprésentent un effort financier important compte tenu des faibles ressources dont nous disposons.L'évolution de la situation vers des affrontements de classes décisifs, l'ensemble des activités de notreorganisation (intervention dans la classe, travail de regroupement...), tout cela exige, entre autres, uneffort financier important de notre part. Nous appelons tous nos lecteurs intéressés par notre travailet les analyses que nous défendons à nous apporter leur soutien financier sous forme de souscriptionainsi qu'à faire connaître notre revue autour d'eux.

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Le capitalisme c'est la crise et la guerre, seul le prolétariat international peut s'yopposer en détruisant le capitalisme

a succession des événements inédits et desbouleversements en tous genres qui agitent lemonde capitaliste depuis les attentats de

Charlie Hebdo à Paris de janvier 2015 (pour donnerarbitrairement un repère temporel) est l'expression descontradictions du capitalisme et de l'impasse danslaquelle celui-ci entraîne l'humanité entière. Et plusdirectement, elle est le produit de la crise économiquede 2008 et de l'incapacité du capitalisme mondial à ydonner une réponse ne serait-ce que temporaire quipuisse “ sérieusement relancer la machineéconomique ”. Toutes ces contradictions mènentinévitablement à la guerre impérialiste généralisée, sileur procès n'est pas interrompu par la lutterévolutionnaire du prolétariat international. Ellescontraignent chaque jour un peu plus les différentesclasses dominantes à lutter désespérément et, ainsi, avecune rage décuplée, pour défendre leur intérêtséconomiques et impérialistes contre leur rivaux etcontre leur propre prolétariat. Crise et guerre seconjuguent maintenant directement, se nourrissent l'unel'autre, au point qu'aujourd'hui le prolétariatinternational doit payer tout aussi directement, auniveau de ses conditions de vie et de travail, à la foispour la crise capitaliste et pour la préparation de laguerre impérialiste – quand il n'en souffre pas déjàdirectement dans sa chair.

L

Sauf “ accident ”, ce que F. Engels nommaitcontingence et que la théorie révolutionnaire duprolétariat n'oppose pas, loin s'en faut, aux loishistoriques régissant les sociétés de classes, lecapitalisme n'est pas en condition de déclencher uneguerre impérialiste généralisée. Non seulement parceque les polarisations impérialistes ne sont pas encoredéfinies, mais surtout parce que le prolétariatinternational, aussi passif et affaibli soit-il, aussidésorienté aux plans politique et idéologique soit-il,n'adhère pas à ce jour à une ou des idéologies de guerretel l'anti-fascisme dans les années 1930.

Certes, un “ accident ” est toujours possible. Leslancements de missiles et les essais nucléaires de laCorée du nord et les réactions et menaces américaines,tout comme plus largement les “ incidents ” militairesen mer de Chine, sont un réel danger qui exprime bienque le capitalisme c'est la guerre comme disait Lénine.Les risques d'un dérapage militaire entre la Corée duNord et les États-Unis ne sont que la résultante desantagonismes impérialistes dans la région, toutparticulièrement entre la Chine et les USA. La“ paranoïa ” de Kim Jong-un et le “ narcissisme ” deTrump, la contingence, ne sont pas le fait de leursupposée folie mais le produit (et un facteur aggravant)

du niveau atteint par les contradictions du capitalisme.Néanmoins, le dérapage n'est pas le plus probable. Unaffrontement militaire, voire nucléaire, à partir de laCorée, aux conséquences sanglantes et dramatiquesincommensurables, mettrait l'ensemble des classesdominantes dans une situation de faiblesse historiqueface à la classe révolutionnaire, car non “ défaite ”, et lereste de la population mondiale. Il mettrait à nu demanière brutale et soudaine le devenir encore plusbarbare du capital et l'absolue nécessité de le détruire.Or, y compris autour de l' “ imprévisible ” Trump, desfractions de la bourgeoisie “ réfléchissent ” et essaienttant bien que mal d'assurer leur maîtrise sur desévénements dont la dynamique leur échappe.

Pour s'ouvrir la voie à la guerre généralisée “ au mieuxde ses intérêts ”, le capitalisme doit redoubler sesagressions contre le prolétariat, non seulement au planéconomique mais aussi au plan politique, afin depouvoir lui imposer une défaite historique sanglante.Car seul le prolétariat international, en tant que classeexploitée et révolutionnaire à la fois, peut abattre lecapitalisme. En ce sens, le bouleversement de l'appareilpolitique traditionnel de la bourgeoisie française qui estadvenu avec l'élection de Macron signifie en premierlieu la mise en place d'un dispositif directement anti-ouvrier des forces politiques bourgeoises. En effet, lamise en avant d'une nouvelle gauche dite “ radicale ”autour de Mélenchon et de la France Insoumise estl'autre fait marquant de ce bouleversement. Loin de selimiter à une opposition sur le seul terrain démocratiquebourgeois, à l'instar des oppositions anti-Trump et anti-racistes (et autres “ antifa ”) aux États-Unis, Mélenchonse positionne directement sur le terrain social, celui-làmême de la lutte ouvrière, “ contre le coup d'Étatsocial ” mené par le gouvernement. Ce faisant, il essaiede baliser et cadenasser à l'avance le champs desréactions ouvrières sur le terrain bourgeois, pour ladéfense de la “ République sociale ” dit-il ; et ainsi deles saboter “ de l'intérieur ” au côté des syndicats. Nuldoute que le modèle sera repris ailleurs, Die Linke,Podemos, Democratic Socialists for America, etc.

C'est contre ces forces politiques de gauche au langage“ radical ”, sur cette première ligne de front, quel'affrontement politique entre les classes vaprincipalement se jouer dans les confrontationsmassives que la bourgeoisie prépare et va provoquer ;qu'elle provoque déjà. Le combat de classe est avanttout un combat politique à l'avant-garde duquel lesminorités les plus combatives de prolétaires et lesminorités communistes doivent se porter résolument.

Le 5 septembre 2017

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Situation internationale

Suite au Brexit, aux élections de Trump et Macron…Sur les bouleversements politiques au sein des appareils politiques étatiques

bourgeois

e communiqué que nous publions ci-après a été réalisé le jour même du 2e tour des élections présidentiellesfrançaises avant que les résultats soient connus. Néanmoins, la victoire d'Emmanuel Macron face à MarineLe Pen de la droite dite ”extrême ”, ne faisait aucun doute depuis le 1er tour tout comme sa signification

politique essentielle : le bouleversement du dispositif de l'appareil politique traditionnel de la bourgeoisie françaiseau profit d'une nouvelle et “ jeune ” équipe au pouvoir qui ne masquait pas sa volonté d'attaquer frontalement laclasse ouvrière de ce pays – la “ libéralisation du marché du travail ” adoptée par le gouvernement depuis lors –afin de permettre à la France de « redevenir une grande puissance ». Pour le nouveau président, « nous ne pouvonsprétendre jouer ce rôle que si nous nous en donnons les moyens. Sans transformation économique et sociale,oublions la grandeur » (Entretien de E. Macron au journal Le Point, 31 août 2017). C'est clair : le prolétariat enFrance devra faire de nouveaux sacrifices pour que la bourgeoisie française retrouve sa “ grandeur impérialiste ”.

L

Un certain nombre d'observations et de commentaires critiques nous sont parvenus suite à la publication de cecommuniqué. Mentionnons les deux principales critiques :- notre analyse, et en particulier la dénonciation de la montée d'une gauche radicale d'opposition autour de lapersonne de Mélenchon, renverrait à une vision sinon complotiste du moins à celle d'un état-major tout puissantœuvrant dans le secret et manipulant les décisions de la classe dominante et de ses forces politiques 1;- si l'échec de Le Pen a étouffé toute idée d'une crise de la bourgeoisie française, par contre l'élection de Trump toutcomme la surprise du Brexit et les hésitations et contradictions de la bourgeoisie britannique seraient l'expression dela perte de contrôle de ces classes dominantes sur leur appareil politique et leurs décisions, voire même d'une crisede leur système politique, du fait de l'incapacité capitaliste à surmonter réellement les effets de la crise ouverte en2008.C'est à ces deux questions, surtout la seconde, que le texte qui suit le communiqué essaie de répondre.

Communiqué sur le résultat de l’élection présidentielle française (7 mai 2017) : Mélenchon et la gauche radicale se préparent à paralyser les réactions ouvrières face aux

attaques du futur gouvernement.

inalement, et comme annoncé par les sondagesdepuis des mois et par le résultat du 1er tour du 23avril, le “ centriste ” Emmanuel Macron a gagné

l'élection présidentielle française. Marine Le Pen, laF candidate de l'extrême-droite du Front National a été

largement battue. Dès le 1er tour, nous pouvions dégagerla signification politique principale de ces électionspour le prolétariat et les révolutionnaires : l'émergence

1 . Nous attirons l'attention de tous nos lecteurs sur la prise de position du groupe Robin Goodfellow, La situation politique en France aprèsles élections de 2017 (https://defensedumarxisme.files.wordpress.com/2017/07/analyse-france-2017-robin-goodfellow.pdf), publié le 13juillet qui critique notre formulation sur ce point. Mais surtout, l'intérêt de ce texte est qu'il fournit une analyse marxiste argumentée sur lasituation du capitalisme français, son histoire récente et ses particularités qui expliquent la situation actuelle, l'élection de Macron, lesenjeux pour la bourgeoisie française dont il faut prendre connaissance. De plus, la prise de position des camarades se situe du même côté dela barricade qui voit s'opposer ceux, y compris dans le camp prolétarien (sans mentionner l'inérrable CCI et sa théorie de la décompositionselon laquelle c'est la peur de Le Pen et du soit-disant populisme qui aurait contraint la bourgeoisie française à choisir Macron) qui pensentque la bourgeoisie perd le contrôle de la situation du fait de la crise (le Brexit et Trump en étant les expressions les plus criantes selon eux)et ceux, dont nous sommes, qui pensent que la crise oblige les classes dominantes à adapter leur appareil politique (pour faire simple).Principale réserve de notre part avec Robin Goodfellow : les camarades ne soulignent pas le lien entre la perspective de la guerreimpérialiste généralisée, et donc entre les nécessités impérialistes qui s'imposent aussi à la bourgeoisie française, et l'attaque contre leprolétariat dans ce pays. Celle-ci n'est pas simplement le fait de la simple nécessité “économique”, c'est-à-dire rendre le capital françaiscompétitif par rapport à ses concurrents en abaissant la valeur de la force de travail de ce pays, mais aussi de la nécessité de “reprendre sonrang” au plan impérialiste vis-à-vis de ses alliés européens, allemand au premier chef : « La politique étrangère présidentielle [de Macron]cherche à reconstituer la position centrale de la France sur la scène internationale, en restant fermement engagé en Europe. L'efficacité depolitique étrangère de Macron dépendra de sa capacité de provoquer une amélioration économique interne » (Asia Times, 9 juillet 2017,http://www.atimes.com/article/macron-doctrine-frank-ambitious-open-compromise/). Loin de nous l'idée d'opposer l'une, la dimensionéconomique, à l'autre, la guerre impérialiste. Les deux dimensions, en tant que processus déterminés par les contradictions du capitalismeet accélérés par les conséquences de la crise de 2008, se renforcent l'une l'autre contraignant les classes capitalistes à confronter chaque foisplus directement le prolétariat.

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d'une gauche radicale autour de la personne deMélenchon et de son mouvement La France Insoumisedont la fonction sera de saboter de “ l'intérieur ”, auxcôtés des syndicats, les inévitables réactions ouvrièresface aux attaques que le nouveau gouvernement vabrutalement et rapidement porter :

« L’esprit insurrectionnel insufflé par Mélenchon etplanant sur le pays peut perdurer ou mêmes’accentuer : une fraction éduquée mais précarisée dela jeunesse pourrait porter mains fortes au mouvementsyndical lorsqu’Emmanuel Macron, s’il est élu,entamera les réformes annoncées. »2 (le site web Slate).

Le nouveau président a l'intention de reprendre le plustôt possible l'offensive contre les conditions de travaildes salariés initiée au printemps 2016 avec la “ loitravail El Khomri ” : libéralisation du marché du travailavec une réforme plus poussée du code du travail,suppression de 150 000 employés publics, nouvelleréforme des retraites, etc. La guerre de classe sera doncrelancée dès l'été, sinon avant, par la bourgeoisiefrançaise. La brutalité des mesures qu'elle entendimposer, et le discrédit politique de la gauchetraditionnelle, du Parti socialiste (PS) et du particommuniste issu du stalinisme (PCF), lui dictaitd'adapter la configuration de son appareil politiqueétatique pour faire face aux inévitables réactionsouvrières ; surtout après la mobilisation et lesmanifestations massives et violentes de 2016 contre la“ loi travail ” qui restent dans toutes les mémoires. Cetteéchéance électorale lui en fournissait l'occasion3. Lesélections législatives de juin prochain finiront depréciser les contours exacts de cette recomposition del'ensemble des forces politiques bourgeoises allant del'extrême-droite, en passant par les anciens partis dedroite et de gauche traditionnels (Les Républicains et leParti Socialiste), jusqu'à l'extrême-gauche autour deMélenchon.

Dans cette situation, Mélenchon et son mouvementpolitique La France Insoumise ont été le fait marquantde ces élections. Au-delà du succès électoral4, il a été

2 . Slate, 5 mai 2017, Comment Mélenchon a ravi le vote de lajeunesse (http://www.slate.fr/story/145035/melenchon-ravi-le-vote-de-la-jeunesse).

3 . Au 1e tour, Macron a eu 24 % des voix, Le Pen 21 %, Fillon lecandidat de la droite “ classique ” 20 %, Mélenchon 19.6 % etHamon du PS… 6 % ! En ce dimanche 7 mai, jour du secondtour des élections, les premières projections des sondages pourl'élection des députés à l'Assemblée Nationale semblentconfirmer cette reconfiguration politique, en particulier la fin dubipartisme ayant prévalu depuis la fin des années 1970 etl'effondrement du PS.

4 . Alors qu'il était à moins de 10 % en janvier dans les sondages,il a reçu 20 % des voix au 1er tour (le PS s'effondrant à 6%).30 % de ses électeurs ont moins de 30 ans (il a reçu le plus grandnombre de votes par les jeunes, sachant que beaucoup d'entreeux ne votent pas). Il a aussi reçu autour de 20 % des votes dits“ ouvriers ”, c'est-à-dire des “ ouvriers manuels sans

l'acteur principal de cette campagne électorale et il est lapointe avancée de la reconfiguration politique en cours.

Mélenchon : principal artisan du succès du 1er

tour des élections

La radicalité du langage gauchiste de Mélenchon apermis le succès de l'opération politique bourgeoise encours avec ces élections. Il a été le principal artisan dela participation électorale élevée (presque 80%) lors du1er tour alors qu'elle semblait, avant sa montée dans lessondages, devoir être inhabituellement importante – ilscraignaient 70 %, voire moins. Il a donc réussi àramener sur le terrain électoral une partie du prolétariat,celle-là même qui continue à se reconnaître dans la luttecontre la “ loi travail ” de 2016.

Mélenchon : la bourgeoisie occupe le terrain del'abstention

Ensuite, et dans l'attente du 2e tour, Mélenchon a refuséd'appeler à voter Macron dès le soir du 1er tour. Lesmédias et le reste de l'appareil politique ont poussé leshauts cris et ont fait mine de se scandaliser devant larupture du “ Front Républicain ” : “ Mélenchon fait lejeu du FN ”. Ce fut le principal sujet de l'entre-deuxtours. En refusant de se prononcer pour Macron, il s'estpositionné comme le principal opposant au futurgouvernement :

« A mon avis, la France va se débarrasser de MarineLe Pen à cette élection, et nous, dans un mois, nousallons tous ensemble nous débarrasser de la politiquede M. Macron » a-t-il affirmé le 30 avril pour expliquersa position5.

Ainsi, la campagne de l'entre-deux tours s'est articuléeautour du thème de l'abstention que Mélenchon a reprisà son compte. Derrière lui, toute la bourgeoisie s'estemparée ouvertement de cette question afin d'endénaturer tout caractère de classe face à une défiancecroissante et jamais vue à ce jour vis-à-vis de laparticipation électorale ; du moins en France. Ainsi,grâce à Mélenchon, la mystification démocratique

qualification ” (les cols bleus de Trump) réussissant à en“ regagner ” sur Le Pen. Il est arrivé en tête des votes dans desgrandes villes à tradition combative comme Marseille etToulouse et dans de nombreuses villes importantes de labanlieue ouvrière parisienne ; à Lille et Montpellier aussi. 2e àNantes, Strasbourg, Bordeaux. Il a eu la plus grosse partie desvoix des prolétaires “ fonctionnaires ” et “ techniciens ”,employés,, etc. Bref, il a réussi à reproduire un “ vote ouvrier ”de combat en ramassant une grande partie des voix, et pluslargement la sympathie, des fractions les plus combatives de laclasse ouvrières, celles-là mêmes qui se sont mobilisées etradicalisées lors des manifestations de rue du printemps 2016contre la loi travail El Khomri.

5 . http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/30/melenchon-met-en-garde-ses-electeurs-contre-la-terrible-erreur-d-un-vote-fn_5120390_4854003.html#G43zcttOcEUCtlop.99.

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Révolution ou Guerre #8 – Groupe International de la Gauche Communiste (www.igcl.org)

d'aujourd'hui ne s'est pas exprimée dans la faussealternative vote républicain-vote Le Pen, démocratie-extrême droite, mais dans celle, tout aussi fausse car surle terrain bourgeois, de vote-abstention.

Mélenchon et la mystification démocratiqueradicale “ Nuit debout ”

De manière plus générale et à terme, il faut relever – etavertir – que Mélenchon n'appelle pas à constituer unparti, mais un mouvement qui fonctionnerait un peucomme les syndicats dit-il, qui savent commentregrouper des positions différentes en restant unis :l'appel aux adhérents à se prononcer sur le vote Macronou non permettant d'éviter une pratique de “ parti ”donnant des mots d'ordre ou des consignes. Ainsi il amis en avant le sujet mystificateur de la démocratiedirecte, déjà largement défendu au cours de lacampagne par les deux candidats trotskistes appelant à“ pouvoir révoquer les élus ”, comme la Commune deParis disaient-ils. C'est-à-dire qu'outre le terrain del'abstention, Mélenchon et la France Insoumiseoccupent d'ores et déjà leterrain de la démocratie“ directe ” et des assembléesgénérales…, c'est-à-dire leterrain de “ l'auto-organisation ”, afin d'être encapacité le moment venu devider les assemblées ouvrièreset les comités de grève et delutte de leur contenu politiquede classe, à savoirl'organisation de l'extension etde l'unification réelle des luttesouvrières. Exactement ce àquoi l'idéologie démocratiquede Nuit Debout a su si bienparticiper au printemps 2016.

Mélenchon : affirmation d'une gauche radicaleen Europe

Avec France Insoumise et la reconfiguration politiqueen cours à l'issue du 1er tour, la bourgeoisie a trouvé laformule politique correspondant aux pays du centrehistorique du capitalisme, pour faire face à la nouvellesituation dans laquelle celui-ci précipite le monde. S'ilreste encore à voir quel sera précisément le dispositifpolitique final lors des élections législatives de juinprochain, la formule reste la même pour les principalesbourgeoisies européennes, voire au niveau internationalcomme en Amérique du Nord : Mélenchon n'est-il passouvent présenté comme le Bernie Sanders français ?Les prochaines élections européennes, en particulierallemandes, vérifieront le degré de la validitéinternationale de cette formule aujourd'hui qui doitévidemment s'adapter et se définir en relation aux

caractéristiques nationales de chaque pays.

D'ores et déjà, les principales gauches européennes ditesradicales, Die Linke en Allemagne, Podemos enEspagne, Bloco de Esquerda au Portugal, le Red-GreenAlliance du Danemark, le Vansterpartied de Suède, laSinistra Italia et Altra Europa d'Italie, desdémissionnaires de Syriza en Grèce se sont réunies les11 et 12 mars dernier pour « offrir aux peupleseuropéens une alternative (...) : protéger notre peuple,notre démocratie et la nature contre des zones de libre-échange et un marché intérieur servant uniquement leprofit des banques et des multinationales et la richessedes oligarchies. Nous devons nous débarrasser d’uneUnion européenne qui est une machine de guerre contrele travail et au seul service du capital financier.»(Déclaration adoptée à l'issue du sommet du plan B deRome les 11-12 mars 20176). Inutile de souligner ici lecaractère nationaliste et pro-étatique, c'est-à-dire anti-ouvrier et contre-révolutionnaire, de l'alternativeprésentée ici.

Aussi brutale et massivesera-t-elle, la répressionseule ne pourra contenir lesrévoltes dans la rue et lesentreprises que le capital vaprovoquer dans tous lespays. Chaque classedominante a obligation demettre en place et dedévelopper de “ nouvelles ”forces politiques qui puissentsaboter “ de l'intérieur ”, au“ nom du peuple ”, et sinécessaire “ au nom de laclasse ouvrière ”, les luttesinévitables et le processus de

prise de conscience qui peut les accompagner parmi lesprolétaires. Les syndicats n'y suffiront pas. Pourdévoyer et saboter le combat prolétarien, la classedominante doit aussi être capable “ d'offrir ” des pseudoalternatives politiques bourgeoises de “ gaucheradicale ”. Surtout lorsque « la contestation de sa [cellede Macron] politique sociale-libérale (flexibilité dumarché du travail, poursuite des efforts decompétitivité, acceptation des contraintes budgétaireseuropéennes…) dans la rue s’annonce probable »7 (lejournal suisse Le Temps). Voilà le rôle auquel sepréparent Mélenchon et la France Insoumise.

Macron : affirmation des orientationsimpérialistes françaises “ pro-européennes ”

6 . https://www.lepartidegauche.fr/3031/7 . Journal suisse Le Temps, 7 mai 2017,

https://www.letemps.ch/monde/2017/05/07/un-president-transformer-france.

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« Rentrée sociale : Mélenchon appelle le peupleà "déferler" à Paris le 23 septembre »(L'hebdomadaire L'Express le 27/8/2017)

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Certes, les élections françaises ne se sont pas limitées àpréparer les conditions politiques pour l'affrontement declasse que prépare la bourgeoisie française. Il est uneautre dimension du processus électoral à souligner : lacapacité du capital français à mettre au gouvernement leplus “ pro-européen ” des candidats, E. Macron qui,comme il a souligné fortement en maintes occasions, nese positionnera pas face à Merkel mais avec Merkel. Lavictoire de Macron est la première réponse venued'Europe, en terme d'adaptation des appareils politiqueseuropéens, au Brexit et à l'élection de Trump sachantque les deux signifient une polarisation impérialisteanglo-saxonne anti-Union Européenne. L'accession aupouvoir du “pro-européen ” Macron est déjà, en soi, uneréaffirmation du pôle impérialiste européen qui induitun renforcement des alliances politiques, économiqueset militaires qui le fondent autour de l'Allemagne. Etcela dans la perspective des inévitables aggravations desantagonismes impérialistes mondiaux exacerbés par lacrise ouverte en 2008.

Seul le prolétariat mondial peut s'opposer à ladynamique de ces antagonismes impérialistes quimènent vers la guerre généralisée. Outre les impératifsde la crise et des guerres exigeant une exploitationtoujours plus brutale de la force de travail, c'est làl'enjeu principal et premier pour l'ensemble ducapitalisme mondial : non seulement imposer dessacrifices d'ordre économique aux classes ouvrières desdifférents pays, mais encore plus leur infliger desdéfaites politiques et même physiques sanglantes pourpouvoir dégager définitivement, comme dans les années1930, l'obstacle prolétarien de la voie à la guerre

généralisée.

La bourgeoisie française se prépare à affrontermassivement le prolétariat

Face à ces enjeux historiques, à savoir celui deconfrontations massives entre les classes provoquéespar les classes dominantes, la capacité de la bourgeoisiefrançaise pour se préparer à celles-ci, et cela y comprispour les mois à venir, est un exemple pour l'ensembledes classes dominantes, particulièrement européennes.

Voilà pourquoi le fait marquant de ces élections du pointde vue du prolétariat est la confirmation et lapréparation politique accrue d'une gauche capitalisteradicale autour de Mélenchon. Comme ce fut déjà le casau cours des mobilisations du printemps 2016 contre laloi travail, la France Insoumise autour de son leader ettoutes les forces politiques et syndicales tournant, ous'articulant autour, Nuit debout, les groupes trostkistes,staliniens, anarchistes, se préparent à saboter lescombats ouvriers qui viennent en adoptant un langagedes plus radical et en occupant pour les travestir tous leschamps du combat de classe.

Voilà aussi pourquoi les prolétaires les plus conscientsde ces pièges et impasses, et désireux de s'engager pourl'extension et l'unification du combat de classe contre lecapitalisme et son État, doivent chercher à se regrouperet s'organiser pour mener la lutte politique contre cesforces et leur sabotage d'autant plus qu'elles seprésentent déjà, et se présenteront toujours plus, sous unjour radical, ouvrier et anti-capitaliste.

Le GIGC, le 7 mai 2017.

Brochures des CI-Klasbatalo et de la FICCI (commande àintleftcom@gmail)

Lutte étudiante et assemblées de quartier (Communistes Internationalistes - Klasbatalo)La dégénérescence de l'IC : le PCF (1924-1927) (Fraction interne du CCI)Groupe des Travailleurs Marxistes (Mexique, 1938) (Fraction interne du CCI)La question de la guerre (1935) (Fraction interne du CCI)Morale prolétarienne, lutte de classes et révisionnisme (Fraction interne du CCI et GIGC)Les syndicats contre la classe ouvrière (1976) (Fac-similé de la brochure du CCI).

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Révolution ou Guerre #8 – Groupe International de la Gauche Communiste (www.igcl.org)

Après les élections législatives en France, quelle signification et quelles implicationspour le prolétariat français et international

(30 juin 2017)

e deuxième tour des élections législativesfrançaises vient marquer la fin d'une annéeentière de campagne électorale dont peu de

personnes pouvait imaginer l'issue et le degré detransformation, de bouleversement pour dire le vrai, del'appareil politique qui s'est produit. Cette“ révolution ”, titre du livre programme du nouveauprésident français, Emmanuel Macron, est la dernièresurprise électorale en date que les principalespuissances impérialistes aient connu depuis juin 2016avec le référendum britannique pour le Brexit etl'élection de Trump en novembre. Sauf à croire au pur“ hasard ”, ces chocs politiques obligent à une réflexionafin d'en déterminer les causes et le lien qui les relient etd'en tirer les implications pour le prolétariat et soncombat de classe. De toute évidence, la situationhistorique n'est plus la même avec la prolongation deseffets de la crise économique de 2008 et l'aiguisementdes rivalités et guerres impérialistes qui en ont découlé,en Syrie en particulier, et dont les attentats terroristesvenant frapper au cœur de l'Europe, en France et à Parisen premier lieu dès janvier 2015, sont une composanteet un marqueur essentiels.

L

La réflexion que nous soumettons ci-après s'inscrit dansle même cadre d'analyse de la situation que nous avionsdéjà mis en avant dans notre communiqué Électionprésidentielle française : Mélenchon et la gaucheradicale se préparent à paralyser les réactions ouvrièresface aux attaques du futur gouvernement(http://igcl.org/Election-presidentielle-francaise). Onpeut aussi se référer à la prise de position du PCI-Programme communiste, Le Prolétaire #524, aveclaquelle nous partageons le rejet de l'idée selon laquellela bourgeoisie tendrait à perdre le contrôle de son jeupolitique avec les votes soi-disant “ populistes ”d'extrême-droite8. Cette thèse que les médias bourgeoisont asséné durant la campagne électorale française aaussi servie, et continue à servir, pour expliquer leBrexit et l'élection de Trump. Elle est non seulementerronée mais dangereuse du point de vue du prolétariaten laissant croire à un affaiblissement politique de labourgeoisie alors que les changements politiques encours au sein des classes dominantes sont au contraire

8 . « La poussée électorale puis la victoire de Macron ne peuventpas être mises sur le compte des médias, comme s’il s’agissaitd’un effet de mode, d’une sorte d’engouement passager enversun jeune premier. Au-delà des contingences et des péripétiesdiverses, elles s’expliquent par l’usure, la perte d’efficacité, enun mot l’incapacité croissante de la «vieille politique», commedisent les Macronistes, à répondre aux besoins généraux ducapitalisme français » (Bilan des élections présidentielles :recomposition du théâtre politique bourgeois pour mieuxdéfendre le capitalisme, Le Prolétaire #524, www.pcint.org).

des expressions et des moments d'adaptation et derenforcement de son appareil politique étatique enparticulier contre le prolétariat.

Mélenchon : une gauche radicale pour contrôleret saboter les réaction ouvrières à l'attaque massive annoncée par le gouvernement Macron

L'élection de 308 députés pro-Macron et l'éclatement del'opposition en une multitude de groupes parlementairesà l'assemblée nationale française sont venus éteindredéfinitivement le dispositif politique traditionnel de labourgeoisie française qui prévalait depuis… 1958. Cetteorganisation alternait au pouvoir le parti de droiteclassique issu du gaullisme (appelé aujourd'hui LesRépublicains) et le parti socialiste. Mais surtout, c'est-à-dire du point de vue ouvrier de classe, l'important estl'intention du nouveau président et de son gouvernementd'aller encore plus loin dans les attaques contre leprolétariat en France en poursuivant la “ libéralisationdu marché du travail ” que la loi “ El Khomri ” de 2016a déjà entamée. Et cela dès cet été, au plus vite. Pour cefaire, la mise en place d'une majorité parlementaires'accompagne de l'émergence d'une opposition degauche radicale avec l'élection de 17 députés de LaFrance Insoumise (LFI) de Mélenchon – plus dix duPCF – auxquels certains députés du PS risquent fort des'allier. Dans les faits, une machine de guerre politiquele prenant en tenaille se met en place pour attaquerfrontalement encore plus le prolétariat dans sesconditions de vie et travail. D'un côté un gouvernementfrappant fort et vite. Et de l'autre une oppositionpolitique de gauche au langage radical qui vise à relayeret compléter, au niveau politique, l'encadrement et lesabotage syndicaux des inévitables réactions ouvrières.Les tractations entre gouvernement et syndicats ont déjàcommencé. Dès le lendemain, 9 mai, de la victoire deMacron, mais aussi le 19 juin au lendemain du secondtour des législatives, le Front Social nouvellementformé et regroupant principalement des sectionssyndicales radicales CGT, SUD-Solidaires et quelquesautres, appelait déjà à des manifestations de rue. De soncôté, Mélenchon n'a tardé qu'une heure et demi le soirdes élections pour jouer sa partition de 1er opposantpolitique radical au pouvoir en s'appropriant les 61,5%du corps électoral9 qui se sont soit abstenus, soit ontvoté blancs ou nuls, au deuxième tour des élections

9 . On peut relever en passant que la majorité parlementaire deMacron de 308 sièges sur 577, soit 53% des députés, a été élueavec 16,5% du corps électoral, c'est-à-dire sans compter les 10%estimés de “ citoyens ” français pouvant voter mais n'étant pasinscrits sur les listes électorales et, donc, ne faisant pas partie dece “ corps électoral ”.

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législatives, pour “ offrir ” un débouché politique, leréférendum, aux futures mobilisations :

« L'abstention écrasante qui s'est exprimée aujourd'huia une signification politique offensive. Notre peuple estentré dans une forme de grève générale civique danscette élection. Je vois dans cette abstention une énergiedisponible pour peu que nous sachions l'appeler aucombat avec les formes et les mots qui conviendrontaux possibilités de chacun. C'est lui [le groupe de LFI àl'Assemblée, Ndlr] qui appellera le pays le momentvenu à une résistance sociale, et j'informe le nouveaupouvoir que pas un mètre du terrain du droit social nelui sera cédé sans lutte. La majorité boursouflée [duparti d'Emmanuel Macron] n'a pas la légitimité pourperpétrer le coup d'État social qui était en prévision,c'est-à-dire la destruction de tout l'ordre public socialpar l'abrogation du Code du travail. C'est au contrairela résistance la plus totale qui est légitime, et c'est pourça que je dis que, le nouveau pouvoir, s'il juge que c'estvraiment la nécessité pour le pays et que cela estconforme à son intérêt, alors il faut qu'il procède par lavoie la plus démocratique qui est en son pouvoir, c'est-à-dire que le peuple français soit consulté parréférendum pour s'il veut oui ou non de ce que cetteminorité prétend lui imposer. » (Déclaration deMélenchon le soir des élections, La Tribune, 19 juin201710).

S'appropriant le niveau inédit d'abstention et leretournant à son usage en le proclamant comme étantune “ grève civique ”, le mot d'ordre et la revendicationd'un référendum lancés par Mélenchon annoncent déjàla volonté manifeste d'accompagner au plan politique latactique syndicale de journées d'action impuissantes. Ils'agit ainsi de détourner la mobilisation de classe contrel'État et le capitalisme sur le terrain démocratique etétatique, via le mot d'ordre de référendum, véritablepiège et assurance de défaite cuisante si les ouvriers ycédaient. En passant, il convient de relever qu'il réussità reprendre à son compte, pour en dénaturer le sens declasse, les termes de “ grève ” et “ d'abstention ”. Inutilede préciser ici que seule la gauche radicale bourgeoisepeut se permettre un tel détournement de langage alorsque l'extrême-droite en est totalement incapable, ou dumoins ne pourrait être crédible sur ce terrain. Voilà uneautre raison pour laquelle, dans la période présente, ledanger pour le prolétariat ne se situe pas dans le soi-disant “ populisme ” d'extrême-droite (même si uncertain nombre d'ouvriers parmi les moins conscients etles moins combatifs, mais parmi les plus racistes etchauvins, votent en partie pour lui) mais bel et biendans la capacité de l'extrême gauche dite radicale àoccuper le terrain et le langage des mobilisations

10 . http://www.latribune.fr/economie/legislatives-2017/melenchon-elu-pour-la-premiere-fois-a-l-assemblee-se-pose-en-chef-de-la-resistance-sociale-740648.html

ouvrières là où s'expriment les forces vives et lesfractions les plus conscientes du prolétariat – celles-làmême qui entraîneront les autres.

La bourgeoisie abat donc déjà ses cartes, sans attendrela rentrée, afin de baliser et cadenasser au plus vite,encore plus vite que l'adoption des ordonnances sur lecode du travail, le terrain politique de l'affrontement declasse et de la probable future mobilisation ouvrière.Voilà le prolétariat et les révolutionnaires authentiquesprévenus.

Adaptation et maîtrise de son système politique par la bourgeoisie française

Pour nous, les élections législatives sont donc venuesconfirmer et amplifier la signification politique del'élection présidentielle. Le bouleversement de l'appareilpolitique de la bourgeoisie française répond auxnécessités de celle-ci face à un personnel et des partispolitiques qui ne correspondaient plus aux nécessités del'heure. C'est vrai face au prolétariat et à la nécessité derenouer avec une compétitivité et un renouveau del'appareil productif du capital français qui passeessentiellement par une plus grande exploitation et unedévalorisation de la force de travail.

C'est aussi vrai au niveau international. En attendant lesélections allemandes de septembre prochain, l'électiondu plus pro-européen des candidats présidentiels ouvrede fait la possibilité d'une relance de l'alliance franco-allemande11 visant à entraîner l'Union Européenne dansson sillage. L'élection de Macron est donc une despremières réponses politiques de la part d'une desprincipales classes dominantes européennes, dans lafoulée des résultats des dernières élections nationalesaux Pays-Bas et en Autriche, au Brexit britannique etaux déclarations hostiles anti-européennes et anti-allemandes de Trump. L'exacerbation de l'impasseéconomique du capitalisme et de ses contradictionsaiguisent la concurrence économique et commerciale et,

11 . « Sur le Commerce comme sur la Défense, l’Union évolue.C’est aussi bien dû aux incertitudes internationales crées parDonald Trump, le Proche-Orient et Vladimir Poutine qu’à unevolonté des dirigeants nationaux de combler le fossé qui s’estélargi entre les Européens et l’Europe. L’Union est, oui, sur unenouvelle ligne de départ et cela est si net que Mme Merkel vientde se dire ouverte aux idées françaises de renforcement de lazone euro avec instauration d’un ministère des Finances et d’unBudget communs permettant d’envisager ensemble desinvestissements structurels. Elle ne s’est pas montrée plusprécise mais elle devrait l’être après les élections allemandes dumois de septembre. » (Bernard Guetta, radio France Inter,https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-21-juin-2017). Même si cet éditorialiste éminent et reconnu desmédias français, ancien trotskiste de la LCR au demeurant, estdepuis longtemps un des plus fervents partisans de l'Unioneuropéenne, il n'en reste pas moins que ses analyses reflètentassez fidèlement les débats et réflexions au sein de labourgeoisie.

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par conséquent, les rivalités impérialistes : unepolarisation croissante entre les deux rives del'Atlantique appelée à devenir centrale sur la scèneinternationale est en cours. La récente adoption par l'UEd'un Fonds européen de défense doté de 500 millionsd'euros permettant « à l’Union de s’équiper desarmements les plus modernes sans plus avoir àdépendre des États-Unis ou de quiconque. A moyenterme, c’est vers une industrie d’armements commune,sur le modèle d’Airbus, que les Européens marchentainsi et les retombées de cet effort seront multiples »(Bernard Guetta, radio France Inter12), n'en est que ladernière expression pratique.

Face à ces nécessités historiques objectives, labourgeoisie française a réussi son coup faisant preuved'une grande maîtrise politique (ce qui n'est pas toujoursson cas), et a donné ainsi un exemple pour l'ensembledes classes dominantes, tout particulièrementeuropéennes. Voilà ce qui explique l'impactinternational de la venue au pouvoir de Macron. Loindes discours précédant les élections sur le dangerincontrôlé du soi-disant populisme d'extrême-droite –comme si le fait qu'un pourcentage important d'ouvriers“ cols bleus ” vote pour une droite autoritaire étaitquelque chose de nouveau et d'irrationnel13 quiillustrerait une perte de contrôle de la bourgeoisie –, laclasse capitaliste (surtout des pays centraux ducapitalisme) sait très bien s'appuyer sur les expressionsdes contradictions de son système, crise économique enparticulier, pour les utiliser et les retourner contre leprolétariat tant au plan économique que politique.

Il ne s'agit pas pour autant de croire à un état-majorréuni dans les palais gouvernementaux ou appartenant àun ou des “ think-tank ” qui régirait et dicterait savolonté à partir d'un plan machiavélique, voire d'uncomplot. La théorie marxiste, c'est-à-dire la théorierévolutionnaire du prolétariat, la méthode dumatérialisme historique, permet de comprendrecomment les nécessités objectives dues à l'aggravation

12 . https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-21-juin-2017

13 . Dans les années 1960 et les décennies qui les ont suivi, il yavait déjà autour de 30% d'ouvriers qui votaient pour De Gaulleet la droite nationaliste et autoritaire qu'il représentait. Le votedes “ cols bleus ” en faveur de Marine Le Pen est de ce point devue moins important que celui pour De Gaulle dans les années1960… juste avant et après la grève massive de mai 1968. AuxÉtats-Unis, « dans les élections de 1980 et 1984, Reagan avaitrassemblé 61% des votes de la classe ouvrière blanche comparéaux 35% pour ses opposants démocrates, Jimmy Carter andWalter Mondale » (The Decline of the White Working Class andthe Rise of a Mass Upper Middle Class, Ruy Teixeira, BrookingsWorking Paper, April 2008, traduit par nous,https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/06/04_demographics_teixeira.pdf). Riende nouveau donc, ni de qualitativement différent, dans le vote“ blue collar ” pro-Trump contrairement aux campagnesmédiatiques sur le sujet.

des contradictions du capitalisme contraignent chaquecapital national à prendre telle ou telle décision poursurvivre sur la scène impérialiste et imposer auprolétariat révolutionnaire une exploitation du travailchaque fois plus dure. Encore lui faut-il trouver aussi unpersonnel politique qui soit en capacité de mettre enœuvre l'adaptation des politiques et des appareilsétatiques aux nouvelles situations ; c'est-à-dire auxnouvelles contradictions de tout ordre et importance quien découlent. Comme tout processus contradictoire, lechoix des équipes politiques ou des décisions peuts'avérer ne pas être le meilleur possible – on peut endiscuter dans le cas du choix de Trump et de la décisiondu Brexit – mais c'est justement le propre desbourgeoisies les plus expérimentées et les pluspuissantes de “ faire avec ” et de retourner les effets defaiblesse que certains choix peuvent présenter en unenouvelle force14.

Face à Trump, la relance de l'Union Européenne passe par l'affrontement avec le prolétariat en France

Pour défendre sa place comme puissance au niveauinternational, c'est-à-dire impérialiste, la France ne peutle faire qu'en alliance avec l'Allemagne dans le cadre del'Union européenne – voire autour d'un “ noyau dur ” decelle-ci. La gravité de l'impasse économique depuis lacrise de 2008 et les impératifs impérialistes qui endécoulent (Trump, Brexit, etc.) l'y contraignent. Qu'elleen soit totalement consciente ou non ; que des fractionsen son sein en soient conscientes ou non. Les nécessitésdu capital dictent leur loi et s'imposent, directement oubien plus souvent indirectement. Pour pouvoir assumerle développement d'une alliance solide et entreprenanteavec l'Allemagne et l'Europe, la bourgeoisie françaisene peut faire l'économie d'une confrontation et d'une“ mise à niveau ” des conditions d'exploitation de sonprolétariat national à celui requis pour la concurrencecommerciale internationale15. Aussi détériorées sont-

14 . Nous renvoyons le lecteur à la correspondance de F. Engels àBorgius sur la méthode du matérialisme historique que nousrepublions dans ce numéro page 28.

15 . « La France n’aura aucune capacité motrice si elle ne portepas un discours clair et un regard lucide sur le monde. Mais ellene l’aura pas non plus si elle ne renforce pas son économie et sasociété. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernementd’enclencher les réformes fondamentales qui sontindispensables pour la France. Notre crédibilité, notreefficacité, notre force sont en jeu. Mais la force de quelques-unsne peut pas se nourrir longtemps de la faiblesse des autres.L’Allemagne, qui s’est réformée il y a une quinzaine d’années,constate aujourd’hui que cette situation n’est pas viable. Monsouhait est donc que nous puissions construire une forcecommune. Ma méthode pour le couple franco-allemand est celled’une alliance de confiance. (…) Mais l’Allemagne est lucidesur les limites d’une action qui ne soit pas pleinementeuropéenne, notamment en matière d’intervention militaire. Ellesait que notre destin est redevenu tragique. Elle a besoin de la

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elles déjà par rapport au passé, la réduction drastiquedes conditions de vie et de travail des prolétairesfrançais – la soi-disant “ libéralisation du marché dutravail ” –, au niveau du prolétariat européen, allemanden particulier, est aujourd'hui un impératif nonseulement pour faire face à la crise économique maisaussi pour les nécessités impérialistes : c'est-à-dire pourl'émergence d'un pôle impérialiste européen autour del'Allemagne en capacité de rivaliser sur la scèneimpérialiste, en particulier au plan militaire etdiplomatique. De son côté, la bourgeoisie allemande saittrès bien qu'une France affaiblie diminuerait d'autantl'expression de ses intérêts impérialistes,indépendamment du fait que le capital français puissemieux rivaliser avec elle sur le plan commercial, enlimitant l'émergence et le dynamisme d'un pôleeuropéen autour d'elle. Voilà aussi pourquoi elle attachetant d'importance à ce que la classe dominante françaiseaccomplisse “ les réformes structurelles ” de son marchédu travail. C'est le prolétariat européen qui paiera pourles premiers 500 millions d'euros pour le Fondseuropéen de défense et les centaines de millions d'autresqui suivront pour développer l'industrie d'armementprévue. Voilà pourquoi il convient que le prolétariatfrançais paie à hauteur des autres prolétariats européens.

Aujourd'hui, crise économique et guerre impérialiste (entant que perspective et dynamique vers la guerreimpérialiste généralisée) viennent directement impacterles conditions de vie du prolétariat international danstous les pays. La situation politique française issue desélections qui est un succès pour la bourgeoisie n'en estpas moins une illustration concrète, pratique, de lacontradiction de classe historique entre capital et travail,entre bourgeoisie et prolétariat, telle qu'elle s'exprimedans la situation historique actuelle.

Trump et le Brexit n'expriment pas une crisedes bourgeoisies américaine et britannique

S'il est aujourd'hui clair depuis l'élection de Macron quela bourgeoisie française ne passe pas par une crise deson système politique, il en va en apparence autrementpour les cas britannique et américain. Du moins à encroire les médias de tous pays : la bourgeoisie anglaiseserait complètement perdue devant le Brexit etl'américaine ne saurait comment se débarrasser dudangereux clown Trump. Or quel que soit le degré dedivision de la classe dominante américaine face auchoix de Trump, son langage guerrier et provoquantcorrespond sur le fond à la situation d'affaiblissementhistorique des États-Unis aux plans économique et

France pour se protéger, pour protéger l’Europe et assurer notresécurité commune. » (Interview d'Emmanuel Macron à plusieursjournaux européens du 21 juin, nous soulignons,https://www.letemps.ch/monde/2017/06/21/emmanuel-macron-leurope-nest-un-supermarche-leurope-un-destin-commun).

impérialiste et qui les mènent tout droit à être leprincipal acteur de la marche à la guerre impérialistegénéralisée.

« Certes, les personnalités et le background politiquepeuvent jouer un rôle dans le cadre politiquestratégique d'un gouvernement. Ils peuvent prendre desdécisions sur des questions de politique étrangère etéconomique diverses suivant les situations intérieure etextérieure, mais aussi selon les inclinaisonspersonnelles résultant de positionnements politiquesantérieurs. Mais c'est la pression des conditionséconomiques de vie du capital qui dicte les choix defond, les stratégies à suivre, les recettes les plusopportunes pour faire face à ses crises et soutenir à toutprix ses nécessités de valorisation, que ce soit sur lefront intérieur (...) ou bien sur l'international (...). Il esttout aussi certain qu'on peut se tromper en interprétantles nécessités du capital et en mettant en place despolitiques économiques erronées et des stratégiesinternationales contre-productives. Mais il n'en restepas moins que personne, pas même un président ou ungouvernement dignes de ce nom (...) ne peut s'abstrairedes lois de vie et de survie du capital. Et à bien yregarder, la différence entre le mandat d'Obama et lanouvelle administration Trump, au-delà des différencesévidentes de style et de capacité de communication,n'est pas si profonde : dans les deux cas, les deuxadministrations se sont mises au service del'impérialisme américain en fonction des deux phaseshistoriques que, pour simplifier le discours, nousdéfinissons comme “ avant et après la crise dessubprimes ” » (Guerra in Siria e riposizionamentiimperialistici, Prometeo #17, revue theorique du PCint-Battaglia Comunista, le groupe italien de la TendanceCommuniste Internationaliste16, traduit par nous)

La décision du Brexit, sur lequel la bourgeoisiebritannique pourrait facilement, par un nouveauréférendum par exemple, revenir comme la France et lesPays-Bas l'avaient fait après la victoire du “ Non ” auréférendum de 2005 sur le traité de Rome, est aucontraire assumée par les principaux partis politiquesmalgré les difficultés immédiates de tout ordre. Sur le

16 . Nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance de cetarticle, malheureusement seulement en italien à l'heure où nousécrivons, qui rejette l'idée que l'élection du clown Trumpreprésenterait une perte de contrôle, voire une crise, de labourgeoisie américaine, mais correspondrait plutôt à uneadaptation à la situation ouverte “ avant et après la crise ” de2008. Même si cet article n'utilise pas exactement les mêmesarguments que nous, en particulier il met plus d'insistance quenous sur le lien direct entre nécessité d'ordre “ “ économique ” etdécisions politiques, la méthode d'analyse utilisée rejoint la nôtrece qui n'est pas pour nous surprendre, chacun cherchant àappliquer le matérialisme historique pour l'analyse et le suivi dessituations : http://www.leftcom.org/it/articles/2017-05-30/guerra-in-siria-e-riposizamienti-imperialistici. [Depuis, il a été traduiten anglais :http://www.leftcom.org/en/articles/2017-08-14/the-war-in-syria-and-shifting-imperialist-positions.]

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fond, du point de vue des intérêts impérialisteshistoriques du capitalisme britannique, il correspond àson opposition de toujours à une puissance européennecontinentale et à son alliance de toujours depuis la 1er

guerre mondiale, et encore plus depuis la 2e, àl'impérialisme nord-américain. À ce titre, le Brexitexprime l'exacerbation de la contradiction propre à labourgeoisie britannique partagée aujourd'hui entrel'Europe continentale et les États-Unis, et maintenant lechoix du “ grand large ”, du fait même del'exacerbation actuelle de l'antagonisme impérialistehistorique entre l'Europe et l'Amérique du Nord ré-ouvert depuis la disparition de l'URSS. Et, à son tour,processus contradictoire lui-aussi, il vient exacerberencore plus cet antagonisme entre les deux rives del'Atlantique. En dernière analyse, c'est bien sûrl'incapacité du capitalisme à dépasser la crise de 2008 etses conséquences, la “ stagnation ” qui prévaut toujourset l'endettement généralisé sans cesse croissant,expressions immédiates des contradictions économiquesinsurmontables du capitalisme, qui, de manièreindirecte, impose sa loi et exacerbe les contradictions declasse et d'ordre impérialiste.

Loin d'être politiquement affaiblie face au prolétariat,les principales bourgeoisies mondiales se préparenttoutes à affronter encore plus violemment leurs propresprolétaires afin, dans un premier temps, d'assurer leurrang économique, politique et militaire au planinternational, c'est-à-dire au plan des rivalitésimpérialistes ; et dans un second temps d'engager uncombat à mort, massif et frontal, contre le prolétariatafin de lui infliger des défaites sanglantes ce qui luiouvrirait la porte à la guerre impérialiste généralisée.Pour ce faire, elles se dotent, plus ou moins facilementcar cela remet en cause les intérêts particuliers decertaines fractions économiques et politiques, d'outils etdispositifs politiques adaptés au mieux.

Pour le prolétariat et les révolutionnaires, croire que lesbourgeoisies les plus expérimentées et les pluspuissantes au monde seraient en crise politiquereprésenterait un certain danger : s'illusionner sur lespotentialités du prolétariat et la facilité du combat declasse, voire l'inéluctabilité de sa victoire. L'expériencehistorique, en particulier en 1918-1919 en Allemagne,nous enseigne que cette illusion peut vite se transformeren tragédie et catastrophe. Le fil conducteur pour la

compréhension de l'évolution des situations ne se trouvepas dans le suivi immédiat de la crise économique, dansses hauts et ses bas, dans la récession ouverte ou lareprise par exemple, mais dans le processus guidantl'évolution du rapport de forces entre les classes qui, endernière instance (et non pas de manière directe oumécanique), est déterminée par la crise. Croire parexemple que l'incapacité de la bourgeoisie à sortir et àdépasser les effets de la crise de 2008 provoqueraitmécaniquement une crise politique des systèmespolitiques des principales bourgeoisies mondiales, enparticulier avec l'émergence incontrôlée d'une extrêmedroite fascisante, nous semble une voie erronée etdangereuse.

Les enjeux sont clairs, du moins pour les prolétaires lesplus combatifs et conscients et les révolutionnaires. Illeur revient d'assumer ces affrontements inévitables ens'y préparant dès aujourd'hui. Les premiers en seregroupant en comité de lutte ou de mobilisation, enparticulier lors des luttes, pour pouvoir combattre demanière organisée et collective les sabotages syndicauxet les pièges politiques que les gauches radicales, telMélenchon, ne manqueront pas de leur opposer. Lesseconds en cherchant à se regrouper, non pasformellement en soi, mais en assumant les débats et lesconfrontations politiques autour des groupesrévolutionnaires en général, et communistes enparticulier et en participant aux interventions de cesderniers dans les luttes ouvrières, y compris dans lesluttes et le comités de lutte ou de mobilisation. Auxdeux en se retrouvant dans les luttes pour pouvoir serejoindre et unir leur efforts. Sans regroupement etorganisation des différentes minorités – minoritésconstituant de fait une “ avant-garde politique ” – à lafois pour assumer les combats immédiats dans les lutteset à la fois pour assumer les combats politiques et mêmethéoriques en vue de la préparation du parti politique declasse indispensable à la confrontation historique uniecontre les États capitalistes, le prolétariat internationalse laissera entraîner et tromper par les Mélenchon etautres qui vont fleurir un peu partout avec ledéveloppement universel des confrontations massivesentre les classes.

Telle est aussi la signification internationale du résultatdes élections françaises.

Le GIGC, le 30 juin 2017

Montréal : Réunion publique du GIGCDimanche 5 novembre 2017 à 13h30 au 2e étage du Provigo, 2925 rue Rachel Est,Montréal (métro Préfontaine).Le sujet de la réunion sera définie ultérieurement.

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Luttes ouvrières dans le monde

e courant qui réduit le rôle des révolutionnaires à la seule propagande pour l’idée de révolution ne voit pas lelien dialectique entre la dimension spontanée de la lutte de classe et sa dimension politique. Le prolétariatlors d’une grève ou tout autre acte de résistance peut avoir à faire face à l’Etat qui utilisera différentes

branches de son appareil dans une division du travail cohérente. Les ouvriers pourront avoir à faire face à unecombinaison des syndicats, de la propagande et des campagnes de presse et de télévision avec leurs différentesnuances et de celles des différents partis politiques, de la police, des services sociaux, et parfois de l'armée. Parexemple dans une puissance impérialiste comme la France il y a quotidiennement plus 270 grèves impliquant desdizaines de milliers de prolétaires.(Encore plus de grèves, mais plus de dispersion! https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/090717/encore-plus-de-greves-mais-plus-de-dispersion) Ces grèves sont censurés par les médias,isolés par les syndicats et parfois réprimés par les lois et les policiers. C’est le cas de toute les grandes puissancesimpérialistes avec 150 à 300 grèves quotidiennes allant de quelques prolétaires à plusieurs milliers.

L

Canada : Province de Québec 175 000 travailleurs dela construction font grève fin mai durant une semaine.L’état criminalise la grève et la rend illégale. Quant auxsyndicats, ils ont saboté comme d’habitude unemobilisation plus grande et la continuité de la grève enmobilisant des avocats. L’Alliance syndicale a présentéune procédure judiciaire pour négociation de mauvaisefoi contre l’ACQ (Association patronale de laconstruction du Québec) et son négociateur.

USA : Quelques 37 000 travailleurs d'AT&Tdéclenchent une grève de trois jours en mai. C'est lapremière fois que ces travailleurs de la divisiontéléphonie mobile d'AT&T font la grève. Ils sont près de14 % de l'effectif total du deuxième opérateur detéléphonie mobile aux États-Unis. Les travailleurs,membres du syndicat Communications Workers ofAmerica, réclament des hausses de salaires permettantde faire face à une augmentation du coût de l'assurancemaladie et des horaires de travail plus justes. Après cestrois jours de grève, le syndicat la CommunicationsWorkers of America (CWA) a ordonné un retour autravail. Par ailleurs, au moment d’écrire ces lignes, 1800techniciens, des travailleurs d’entrepôt et dudépartement ingénierie de la compagnie de câblesSpectrum à New York et dans le nord du New Jerseyétaient en grève depuis trois mois. Le syndicat International Brotherhood of Electrical Workersmaintient les travailleurs dans un cadre strictement légalen acceptant la nomination d’un médiateur fédéral etdes concessions financières importantes.

Grèce : Le 17 mai, des milliers de travailleurs grecs ontmanifesté et fait grève contre les mesures prévues dugouvernement, particulièrement contre la baisse despensions de retraite et des hausses d'impôts. Rappelonsque Tsipras, le Mélenchon grec, avait promis d’arrêterles mesures d’austérité mais une fois élu, il a fait lecontraire. À ce jour il a accepté de multiples mesuresfiscales, une quatorzième réforme des retraites et unelibéralisation du marché du travail.

Italie : L’accord conclu le 14 Avril entre lesconfédérations syndicales nationales CGIL, CISL etUIL et la compagnie aérienne Alitalia a été rejeté à67%. L'accord exigeait des sacrifices des employés:1700 suppressions d’emploi ainsi qu’une réduction dessalaires de 8 % et la réduction des repos annuels de 120à 108.

France : Guyane voir l’article du Pcint Guyane seulesla rupture de l’alliance interclassiste et l’organisationde classe peuvent permettre aux prolétaires de recueillirles fruits de leur mobilisationhttp://www.pcint.org/01_Positions/01_01_fr/170417_guyane.htm.

Royaume-Uni : Suite aux grèves de janvier 2017(Luttes ouvrières dans le monde du #7 de RoG ) unechasse syndicale aux « fauteur de troubles » a été faite.Les responsables syndicaux ont mis en gardesecrètement des dirigeants de grandes entreprises de nepas employer des travailleurs spécifiques parce qu'ilsétaient considérés comme politiquement gênants. Ils ontainsi aidé à obtenir qu’une partie de leurs propresmembres soit exclus des emplois car ils voulaient éviterdes perturbations sur les sites industriels, décrivantcertains de leurs membres comme « militants », «fauteurs de troubles », ou avec un avertissement d’être «prudent »avec eux. Suite à l’attentat de Manchester etpour la période électorale, les syndicats britanniques ontsupprimé ou suspendu plusieurs grèves chez lescontrôleurs de train, les travailleurs de BMW, lepersonnel de l’Université métropolitaine de Manchester(MMU), le géant informatique Fujitsu et autres lieux.

À Durham, lutte d’assistants enseignants (Tas) contreles boss et les syndicats. Suite au sabotage de leursluttes, les Tas ont formé un comité d’activistes ouvert àtous. Ce comité a pour but d’organiser la lutte et contrerl’influence négative syndicale. Par contre, ils ont unemain attachée dans le dos puisqu’ils autorisent lesyndicat Unison à négocier pour eux. Voirhttp://www.leftcom.org/en/articles/2017-07-28/durham-

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Brésil : Le 28 avril, des millions de grévistes et desdizaines de milliers de manifestants dans plusieursvilles ont protesté contre les mesures d’austérité qui,entre autres, feront reculer l’âge de départ à la retraite,de 60 à 65 ans pour les hommes et de 55 à 62 ans pourles femmes. Des manifestations ont aussi lieu en maidénonçant la corruption des politiciens. Lesmanifestations avaient une telle ampleur que pour lapremière fois depuis 1986, il y a eu une intervention àBrasilia de l’armée aux côtés des forces de policeantiémeute.

Irlande : En mars, grève dans les services ferroviaireset d'autobus. Le boss syndical des transports de SIPTU,Greg Ennis, a déclaré que le syndicat n'a pas organisé etne tolère pas l'action illégale qui a perturbé les servicesferroviaires et d'autobus : Nous regrettons laperturbation qui a gravement affecté ceux quienvisagent d'utiliser les services Iarnrod Eireann etDublin Bus."Cette union ne tolère pas une action nonofficielle de cette nature." Par la suite le syndicat aorganisé un scrutin pour rendre la grève légale et mieuxla contrôler.

Égypte 17 000 travailleurs de la société Misr Spinningand Weaving Compagny sont en grève depuis le 12 aoûtà Mahalla al-Kubra. Ils exigent les primes annuelles quifinissent souvent par disparaître des paies. Après avoirattendu un mois, la grève a commencé, avec une listebeaucoup plus large de demandes, à laquelle s’estajoutée une augmentation de 10% des salaires. Cestravailleurs de MSWC avaient organisé en 2006 et en2008 des grèves massives contre le régime de l’anciendictateur Moubarak et en jouant un rôle déterminantdans les luttes de 2011 qui ont fait chuter Moubarak. Endécembre 2012, ces mêmes travailleurs s’étaientdéclarés « indépendants » de ce qu’ils ont appelé «l’État des Frères musulmans » de Morsi. Voir http://www.leftcom.org/en/news/2017-08-13/17-000-workers-strike-in-the-textile-sector-at-mahalla-al-kubra-nile-delta-egypt

Tunisie : La contestation sociale en Tunisie se poursuitsans arrêt, à tel point que les responsables parlent d’unmois de janvier(Luttes ouvrières dans le monde du #7de RoG) qui n’en finit pas, en référence aux différentsmouvements qui ont marqué depuis des décenniesl’histoire de ce pays. Le président tunisien, Béji CaïdEssebsi, a annoncé, le 10 mai, avoir ordonné ledéploiement de l’armée pour protéger les sites deproduction de phosphate et les installations gazières etpétrolières suite à des manifestations qui ont éclaté,notamment dans le Sud du pays. Ces manifestationsvisaient à perturber la production de certains sites

névralgiques de l’économie tunisienne. Les difficultéséconomiques et la frustration des jeunes à l'origine dela « révolution du Jasmin » en 2011 restent d'une crianteactualité en Tunisie, en particulier dans le centre etl'ouest du pays où le chômage élevé laisse peu deperspectives aux habitants. À Tataouine, depuis dessemaines, des manifestants ont dénoncé le taux dechômage. Fin mai, un manifestant a perdue la vie et plusde 300 personnes ont été blessés lors d’affrontementsavec la police.

Maroc : Depuis huit mois des manifestations ont lieudans la région du Rif. Le 8 juin un appel à la grèvegénérale a été largement suivi. Aux revendications àcaractère social et économiques des habitants de larégion est venue s'ajouter la demande de libération despersonnes arrêtées depuis le début du mouvement. Le21 juillet des affrontements à Al-Hoceïma avec lesforces de l’ordre ont fait 80 blessés de part et d’autre.Voir: Grève générale dans le Rif Le prolétariat et lesmasses rifaines surexploitées donnent une leçon qui doitdépasser les frontières.http://www.pcint.org/01_Positions/01_01_fr/170617_greve-rif.htm

Iran : Le président iranien Hassan Rohani a été pris àpartie le 7 mai par des mineurs en colère, dans une raredémonstration de force contre le plus haut responsableélu au pays, au moment où il quittait la mine privéed’Azad Shahr dans le nord de l’Iran, où 26 mineurs ontété tués dans une explosion survenue le 3 mai.

Myamar : Plus de 12 000 travailleurs en grève danstrente usines de Yangon se sont rassemblés le 9 juinpour protester contre leurs salaires et leurs conditions detravail et réitérer leurs demandes : salaire quotidien debase de 3000 kia t( 1,9 /2,75$cdn), la fin desƐcongédiements sans raison et les heures supplémentairesobligatoires. Ces grèves tout comme les émeutes defévrier sont à mettre en lien avec des mouvements derésistance semblables en Chine, au Vietnam et auCambodge. De plus en plus, les états capitalistes de cespays songent à légaliser des syndicats comme ceuxd’Europe et d’Amérique pour contrôler les luttes et lesmaintenir dans la légalité. C’est déjà le cas au Myamarmais les prolétaires sont très méfiants vis-à-vis cessyndicats.

Serbie : 2000 prolétaires de l’usine Fiat-Chrysler sesont opposés aux salaires de misère et à des conditionsde travail inhumaines. En grève depuis le 27 juin, ils ontaccepté de mettre fin à leur grève et de retourner autravail après plus de deux semaines sous la pressionconjointe du patronat, du gouvernement et dessyndicats.

Le 15 août, Normand

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Correspondance

Sur les réels positionnements politiques de classe du mouvementInterventionistische Linke en Allemagne et sur la mouvance “ black-block ” et

“ antifa ” en général

l y a un peu moins d’un an, un camarade a pris contact avec notre groupe se prononçant en accord avec nospositions programmatiques et désirant participer à nos activités. Outre une rencontre physique, unecorrespondance s’est développée qui a révélé, selon nous, des différences d’approche et de compréhension des

concepts et catégories, des mots et du langage “ marxistes ”, que nous utilisions. En particulier, la confusion estapparue à propos de la mouvance radicale type “ black-block ” ou “ gauche radicale ” et, en particulier, à proposd’un groupe allemand Interventionistiche Linke. Notre camarade pense que la démarche de ce groupe (oumouvement) est compatible avec la Gauche communiste internationale et ses positions.

IAu vu de l’influence croissante que cette mouvance politique dite radicale semble prendre sur une partie non-négligeable de jeunes (et moins jeunes) sincèrement révoltées et cherchant une voie de rupture avec le capitalisme, ilnous semble important de rendre publique notre correspondance avec le camarade et notre propre réflexion.

Lettre du camarade Dusan Samuel

Chers camarades,

(...)

Ma réflexion s'est poursuivie, et a été alimentée par un séjour en Allemagne et des rencontres avec la gaucheallemande. En effet, je suis toujours en accord avec l'orientation et les positions du groupe, et ceci en particulier d'unpoint de vue de l'affiliation historique, et de la constance des positions communistes de gauche au sein dumouvement communiste. Pourtant, sur la base de ces constats, j'en suis arrivé à la conclusion que l'essentiel devaitconsister maintenant à construire une convergence de la gauche radicale dans son ensemble sur une base"extraparlementariste". Il ne faut pas entendre nécessairement ici "antiparlementariste", quoiqu'il est évident quecertaines analyses et positions vont se situer nécessairement en opposition à la pratique politique bourgeoise. Je suisdonc convaincu que le seul instrument viable dont nous devons nous doter est une "plateforme" des différentestendances de gauche radicale qui soit en mesure de pouvoir intervenir efficacement dans l'espace public, être visibleet et se donner les moyens pour disputer l'hégémonie à la classe dominante. Cette réflexion est nourrie par ladémarche faite par la "gauche interventionniste allemande" (Interventionistische Linke) qui a réussi cet exploit depouvoir réunir autour d'événements politiques de lutte différents groupes, qui tous contribuent selon leurs méthodeset leurs forces militantes, à la véritable émergence d'un contre-pouvoir extraparlementaire. Je suis intéressé par lamanière dont vous percevez cette démarche.

Si donc, fondamentalement je me reconnais dans les positions de la gauche communiste, ce que j'appellepompeusement "l'impératif hypothétique de raison stratégique" vient, dans le développement de ma réflexion, deprendre le dessus. Par conséquent, pour répondre aux interrogations quant à la nature de mon engagement auprès devous, il me semble qu'il est possible d'affirmer que j'adhère formellement au groupe par une activité de sympathisantactif, bien que la volonté politique que je viens de formuler peut être comprise comme "une définition politiquedifférente mais restant sur le terrain de classe". Je ne pense pas qu'il y ait là un "désaccord de classe", quoique je nesuis pas certain de ce que recouvre ce terme.

C'est bien dans la perspective que vous décrivez dans votre dernier courrier "Aucune règle organisationnelle “ departi ”, encore moins une quelconque “ discipline de parti ”, ne peuvent répondre à un affaiblissement de laconviction militante sinon la capacité de l'organisation, du corps collectif, cercle, groupe, organisation, parti, campprolétarien comme un tout, pour maintenir une vie politique interne effective." que ma réflexion se situe, de tellesorte que je ne pense pas contradictoire avec les exigences liées à l'affaiblissement de la "conviction militante", laconclusion à laquelle j'aboutis. Encore une fois, votre position sur ce point enrichirait ma réflexion.

(...)

Amicalement,

16 mai 2017, Dusan Samuel

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Notre réponse au camarade DS

Le GIGC au camarade Dusan Samuel,

Cher camarade,

Nous nous sommes aperçus récemment (après lesmanifestations anti-G20 d'Hambourg)qu'Interventionistische Linke (IL),http://www.interventionistische-linke.org, avait traduitquelques textes en anglais, français et même un enitalien. Cela nous permet donc de te donner unepremière appréciation politique sans attendre pluslongtemps une traduction de l'allemand et de te fournir,nous l'espérons, quelques éléments de réflexion critique.Notre réponse se base essentiellement sur les textessuivant : l'appel de juin dernier à la participation auxmanifestations anti-G20 à Hambourg No complacencyin the face of the injustice and irrationality of war17 ; decelui à la manifestation du 1e mai 2016 Berlin, Let Usbegin the Offensive, Get Ready for May day ; d'un texteen français Pour une fin de la tristesse18 qui annonce laconstitution du groupe d'IL à Berlin en septembre 2015 ;et de No Submission. An Answer to Paris Lies inAthens19 après les attentats de Charlie Hebdo à Paris etjuste avant la victoire électorale de Syriza en Grèce.

En premier lieu, l'appréciation politique différente quenous tirons d'IL par rapport à la tienne vient confirmerune des conclusions que nous tirions de notre rencontrede février dernier : « cette première discussion a révélédes compréhensions et des approches différentes despositions et principes politiques » (CR de notrediscussion du 6 février 2017) entre nous. Ce premierconstat nous oblige au débat et à la clarification despositions et concepts politiques que nous utilisons encommun mais qui recouvrent des compréhensions etapproches politiques différentes. Plus généralement, laquestion que tu soulèves à propos de la gauche radicalenous apparaît d'autant plus importante à traiter car nousnous sommes retrouvés confrontés à elle, ou du moins àune de ses variantes lors des manifestations contre la loiEl Khomri et dernièrement dans l'entre-deux tours desélections présidentielles françaises. Les “ têtes decortège ” furent en grande partie animées par des“ jeunes ” (souvent présentés par la presse comme“ black-blocs ”), pas uniquement, privilégiant lesaffrontements violents avec les flics et plus largementune forme de “ radicalité ” politique affichée sur desbanderoles ou criée dans des slogans anti-capitalistes,révolutionnaires, communistes, etc. ; et y compris dans

17 . http://www.interventionistische-linke.org/en/beitrag/no-complacency-face-injustice-and-irrationality-capitalism

18 . http://www.interventionistische-linke.org/en/beitrag/berlin-let-us-begin-offensive-get-ready-may-day et http://www.interventionistische-linke.org/fr/beitrag/pour-une-fin-de-la-tristesse.

19 . http://www.interventionistische-linke.org/en/beitrag/no-submission-answer-paris-lies-athens

l'entre-deux tours des élections présidentiellesfrançaises avec le slogan “ ni Macron, ni Le Pen, nibanquier, ni facho ” semblant rejoindre, du moins àpremière vue, la position politique abstentionnistedéfendue par la Gauche communiste. Cette mouvancereste à ce jour, du moins sur Paris, assez “ fermée ”20 etsurtout assez rétive à tout débat sérieux d'ordre politiqueet théorique étant plutôt encline, pour ce que nous avonspu en voir, à l'activisme de rue soit-disant “ radical ”21.Néanmoins, ce constat immédiat sur ces mouvementsn’enlève rien à notre appréciation politique sur lesmanifestations de rue contre la loi El Khomri (cf.Réflexions et bilan sur la lutte ouvrière en France duprintemps 201622, Révolution ou Guerre #6) qui ontexprimé un moment important du combat de classe dansce pays.

1) Interventionistische Linke et la Gauche communisteQue nous révèlent les textes que nous avons pu lire ? Ladéclaration de constitution du groupe de Berlin Pourune fin de tristesse, défend qu' « il ne suffit pas derendre le Black Block un peu plus coloré. Nous voulonscontribuer à la construction d'une gauche socialeradicale qui aide à amener de réels changementssociaux et qui dans le même temps soit à nouveaucapable de mettre concrètement en question la sociétépost-capitaliste. (…). Nous voulons une gaucheradicale orientée vers la rupture révolutionnaire avec lecapitalisme national et mondial, avec la puissance del'État bourgeois et avec toutes les formes d'oppression,de privation et de discrimination. En bref, nous voulonsune nouvelle gauche sociale radicale, qui se bat contrel'hégémonie politique et s'organise en contre-pouvoir.(…) Afin de jouer notre rôle dans la lutte pourl'hégémonie sociale d'un bloc de gauche, nous nousconcentrons sur ces grandes alliances qui créent desexpériences sociales et des réussites politiques, sanspolitique de dominance et avec honnêteté envers nospartenaire politiques ».

La référence au Black block permet à tout lecteur desituer dans quelle mouvance politique IL entends'inscrire. Par contre, les termes de “ gauche socialeradicale ”, de “ société post-capitaliste ”, de se battre“ contre l'hégémonie politique et [d'organiser un]contre-pouvoir ” sont en apparence beaucoup plusvagues et généraux pour la plupart même si tout lecteura minima sérieux peut comprendre que “ la

20 . Ne serait-ce que pour essayer de se protéger de l'infiltration policière ce qui déjà, en soi, la désarme politiquement et… favorise précisément cette infiltration, mais c'est là une autre question d'ordre secondaire...

21 . Nous n'aborderons pas ici l'appel d'IL à participer auxmanifestations anti-G20 d'Hambourg.

22 . http://igcl.org/Reflexions-et-bilan-sur-la-lutte.

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concentration sur de grandes alliances pour un bloc degauche ” vise à constituer une sorte de… front uni detoutes les organisations ou mouvements de la gauchedite radicale (sans préciser le champs de celle-ci…jusqu'aux staliniens, Die Linke, les trotskistes…?). Onpeut déjà constater que les termes ou catégories utiliséssont très vagues et qu'ils se différencient des catégoriesbeaucoup plus précises utilisées par le mouvementouvrier et plus particulièrement par le mouvementcommuniste qui renvoient toujours à la contradictioncapital-travail ou encore bourgeoisie-prolétariat, c'est-à-dire à la lutte des classes et à l'histoire du mouvementouvrier.

Sur le plan “ programmatique ”, cette déclaration de“ bonnes intentions ” révolutionnaires restefondamentalement, du point de vue prolétarien etcommuniste, dans le cadre du capitalisme (certains laqualifieraient de “ réformiste ”). En effet, elle est dumême ordre que toute déclaration un tant soit peu“ radicale ” de la gauche capitaliste classique. Parexemple, elle est même en-deçà du point de vue de la“ radicalité ” du discours programme de Mitterrand aucongrès de 1971 du Parti socialiste français (réponse de“ gauche radicale ” bourgeoise après la grève massivede mai 1968) qui appelait de manière plus directeencore à la “ rupture avec le capitalisme ” et à “ la prisedu pouvoir ” qu'on peut relire avec intérêt23.

Mais il convient de vérifier l'application concrète de cesdéclarations de “ bonnes intentions révolutionnaires ”sur le terrain même de la lutte des classes, c'est-à-direen terme de positions, d'orientations et d'activitépolitiques réelles. Et là le constat est sans appel :

« Nous exprimerons notre critique radicale du G20 etdu capitalisme global mais spécialement nos liens avecla lutte kurde pour la liberté à Rojava (…) où noscamarades kurdes et internationaux luttent contrel'ISIS » (Appel à la manifestation anti-G20). Sous

23 . « Réforme ou révolution ? J'ai envie de dire - qu'on nem'accuse pas de démagogie, ce serait facile dans ce congrès -oui, révolution. Et je voudrais tout de suite préciser, parce que jene veux pas mentir à ma pensée profonde, que pour moi, sansjouer sur les mots, la lutte de chaque jour pour la réformecatégorique des structures peut être de nature révolutionnaire.Mais ce que je viens de dire pourrait être un alibi si je n'ajoutaispas une deuxième phrase : violente ou pacifique, la révolutionc'est d'abord une rupture. Celui qui n'accepte pas la rupture - laméthode, cela passe ensuite -, celui qui ne consent pas à larupture avec l'ordre établi, politique, cela va de soi, c'estsecondaire..., avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il nepeut pas être adhérent du Parti socialiste. (…) Je voudrais quenous soyons disposés à considérer que la transformation denotre société ne commence pas avec la prise du pouvoir, ellecommence d'abord avec la prise de conscience de nous-mêmeset la prise de conscience des masses. Mais il faut aussi passerpar la conquête du pouvoir. » (Discours de Mitterand au congrèsd'Epinay du Parti socialiste, 1971,http://miroirs.ironie.org/socialisme/www.psinfo.net/entretiens/mitterrand/epinay.html).

couvert de soi-disant critique radicale du G20 et ducapitalisme (pourquoi global?), dans la foulée denombreux trotskistes et anarchistes toujours à larecherche de nouvelles brigades internationales anti-fascistes depuis l'Espagne 1936, IL appelle à appuyerles forces kurdes nationalistes de Rojava qui participentà une guerre impérialiste (qu'elle soit “ locale ” nechange rien à sa qualité “ impérialiste ”) aux côtés…des forces armées américaines et européennes ; c'est-à-dire qu'IL appelle à participer à la guerre impérialiste ets'oppose à l'internationalisme prolétarien.

« Syriza fait des élections du 25 janvier un véritableréférendum. Dans ce sens, Syriza et Podemos sont dessignaux des aspirations sociales qui ont écrit l'histoiredans le mouvement des indignés en Espagne et sur laplace Syntagma au coeur d'Athènes (…). Voter pourSyriza, c'est parier sur le renvoi du pouvoir des partisgrecs de l'ordre et éliminer le fascisme d'Aube Dorée »(No submission..., janvier 2015). Au lieu de voir quel'apparition de Syriza et Podemos sont des expressionspolitiques dont la soi-disant radicalité de gauche ne visequ'à maintenir le mécontentement et les luttes ouvrièressur le terrain bourgeois et de l'État capitaliste et dont lecaractère de classe anti-prolétarien est à dénoncer, IL lessaluent au contraire comme des pas en avant… àl'image des gauchistes trotskistes ou anarchistes“ classiques ” et appelle à voter Syriza (et Podemosaussi sans doute).

« Nous recueillons des signatures en vue deréférendums [et nous] menons un travail antifascistedans les quartiers » (déclaration de constitution dugroupe de Berlin). IL ne rejette aucunement laparticipation électorale et combat sur le terrain del'antifascisme. Ainsi, IL apporte son crédit “ radical ” àla démocratie bourgeoise et se soumet, s'il ne participepas activement, aux tempo (par exemple les périodesélectorales) et thèmes idéologiques (défense de ladémocratie contre les “ populismes ” d'extrême droite)dictés et lancés par la bourgeoisie, son personnelpolitique, ses forces de gauche et ses médias.

Conclusion : Interventionistischte Linke soutient unelutte de libération nationale (kurde) ; appelle à participerà une guerre impérialiste et aux élections ; affiche unfrontisme avec les forces dites de “ gauche ” ; seproclame anti-fasciste ; et pratique un activisme de typegauchiste voulant se substituer au mouvement même duprolétariat24… Or, et contrairement à ce que tu semblescroire, tous ces points sont rejetés et dénoncés par laGauche communiste dans son ensemble, pas seulementpar la Gauche dite “ italienne ”, suite à ses combats

24 . La seule référence et revendication par rapport à l'histoire dumouvement ouvrier que nous ayons trouvée dans les textes d'ILest précisément celle de l'action putschiste catastrophique de1923 à Hambourg lancée par l'Internationale communiste déjàdégénérescente et par le KPD (le parti communiste allemand)…

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contre la dégénérescence de l'Internationalecommuniste, contre le stalinisme, le trotskisme etl'anarchisme dans les années 1920 et 1930 jusqu’à nosjours. C'est dire que, dans la réalité de la lutte desclasses, les positions d'IL se situent dans le campbourgeois et capitaliste et non dans le camp prolétarienet communiste et cela quels que soient la sincérité et ledévouement révolutionnaire des individus adhérant aumouvement.

2) Nécessité de la plus grande rigueur théorique et politiqueDu point de vue communiste et du prolétariatrévolutionnaire, la première “ radicalité ” qui vaille estla rigueur théorique etprogrammatique ; ou plusmodestement et pour dire levrai, du moins pour nous-mêmes, la recherche de laplus grande rigueurthéorique etprogrammatique. Leconfusionnisme etl'éclectisme théoriques etpolitiques, aussi radicauxpuissent-t-il s'afficher, etsurtout s'ils se présententsous un tel jour, présententun grand danger pour lesrévolutionnaires et pour leprolétariat. L'expériencehistorique l'a largementprouvé25. De plus,aujourd'hui, et nous l'avonsaussi vérifié lors de la lutteet des manifestations de 2016 contre la loi El Khomri,l'idéologie bourgeoise a réussi à détourner les parties lesplus combatives du prolétariat, y inclus cellesparticipant à cette mouvance et aux “ têtes de cortège ”,de tout intérêt politique et théorique réel, une variantede “ l'apolitisme ” qui profite tant au camp bourgeois,basé sur l'expérience du mouvement ouvrier et ducommunisme. Et lorsque ce n'est pas le cas, pourd'infimes minorités, elle a réussi à troquer la théorierévolutionnaire du prolétariat, à savoir le matérialismehistorique (le marxisme), et son programme politique, leprogramme communiste, par des théories éclectiques etau langage radical qui mènent à l'impasse théorique (leconfusionnisme et l'idéalisme) et sur le terrain politiquebourgeois (l'assembléisme et le fétichisme démocratiquedu type Indignés d'Espagne ou Nuit debout de France)les militants qui y succombent.

Il ne s'agit pas là, nous l'avons déjà exprimé, d'adhérer àun dogme ou à une loi écrite, mais de se réapproprier de

25 . Tout particulièrement en Allemagne au début des années 1920.

manière critique (par le débat et la confrontation) leprogramme communiste que les organisationscommunistes du passé ont développé et précisé avantnous, à commencer par Marx et la Ligue descommunistes jusqu'à nos jours, et dont il nousappartient de reprendre (modestement et patiemment) leflambeau. Cela ne veut pas dire s'enfermer dans unetour d'ivoire et attendre que les masses prolétariennessoient en grève, dans la rue et en révolte (à partir de leurpropre revendication de classe et non pour bloquer ensoi un G20). Bien au contraire, ce travail deréappropriation et de clarification théorique et politiquene peut se faire qu'en lien étroit avec la réalité de la luttedes classes (quel qu'en soit le niveau et l'intensité) et

donc, aussi, parl'intervention militante,aussi modeste et limitéepuisse-t-elle être, commemoments et moyens devérification de la théorieet des principes. C'estaussi comme cela, queles révolutionnairesregroupés dans lesorganisationscommunistes, cercle,groupe, ou parti, peuventdévelopper leur capacitépour s'orienter dans lefeu même desévénements, et surtout aumilieu de l'ouraganrévolutionnaire lorsquecelui-ci se déclenche etqu'il faut adapter mots

d'ordre et orientations de semaine en semaine, de jouren jour, voire parfois d'heure en heure, et surtout “ nepas se tromper ” comme ce fut le cas, par exemple, avecla défaite sanglante à Berlin en janvier 1919 auxconséquences historiques dramatiques que l'humanitépaie encore aujourd'hui de sa misère, de ses larmes etde son sang.

Or sans théorie révolutionnaire et fermeté des principes(les deux se nourrissant l'un l'autre), les révolutionnaireseux-mêmes, aussi “ radicaux puissent-ils s'afficher ”, nepeuvent que tomber dans tous les pièges que l'idéologieet les forces politiques bourgeoises leur tendront et leurtendent déjà au quotidien.

« Le signe distinctif de l'opportunisme, c'est d'abordl'hostilité à la " théorie ". C'est tout naturel, puisquenotre " théorie " - c'est-à-dire les principes dusocialisme scientifique - pose des limites très fermes àl'action pratique à la fois quant aux objectifs visés,aux moyens de lutte, et enfin au mode de lutte lui-même. Aussi ceux qui ne recherchent que les succès

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Affiche d'Interventionistische Linke

(http://www.interventionistische-linke.org/beitrag/biji-berxwedana-kobane-es-lebe-der-widerstand-von-kobane).

Es lebe die Befreiung von Kobane! Vive la libération deKobane !L'article qui accompagne cette photo se termine par « Vive lasolidarité internationale! Nous saluons les combattantes etcombattants des forces d'autodéfense kurdes! »

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pratiques ont-ils tout naturellement tendance àréclamer la liberté de manœuvre, c'est-à-dire à séparerla pratique de la " théorie ", à s'en rendre indépendants.» (Rosa Luxemburg, Réforme ou révolution ?, noussoulignons).

C'est le propre de l'activisme et de l'aventurismegauchiste que d'ignorer “ notre théorie ” (pour ceux quiveulent se situer sur le terrain de la lutte prolétarienne)et ainsi “ franchir librement les limites très fermes àl'action pratique posées par la théorie révolutionnaire duprolétariat ”.

3) La lutte des classes comme méthode d'analyse et d'interventionLe plus frappant dans les textes d'IL et de cesmouvements à coloration anarchiste ou anarchisanteplus ou moins affiché est l'absence de référence à lalutte des classes réelle. Or la reconnaissance et laréférence constante à lutte des classes et la participationau combat historique du prolétariat, comme classeexploitée et révolutionnaire, sont le fil conducteur detoute activité révolutionnaire contre le capitalisme, labourgeoisie et son État. « L'émancipation destravailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »est un des principaux principes politiques ducommunisme qui définit, comme le dit plus haut RosaLuxemburg, le champ et les moyens du combat declasse. Et qui y “ pose des limites ” dont l'une d'entreelles est le rejet de tout action de substitution de typeactiviste, putschiste ou aventuriste par une minoritéquelle qu'elle soit à l'action même des prolétaires. Maisrevenons à ton propre courrier.

Par exemple, tu parles de “ gauche radicale ”. Nousparlons de gauche communiste. Qu'entends-tu par“ gauche radicale ” ? “ Radical ” ne se réfère à aucunenotion de classe. Gauche communiste se base sur leprolétariat comme classe exploitée et révolutionnaire etsur le combat contre l'opportunisme et ladégénérescence de l'IC, puis contre le stalinisme aucours de la plus profonde des contre-révolutions.

Une plateforme avec les différentes tendances de“ gauche radicale ” ? Sauf si tu inclus les PC stalinienset les trotskistes ce que nous ne croyons pas, la formuleet l'intention politiques sont particulièrement confuses(dans le premier cas, elle est très “ claire ” carouvertement contre-révolutionnaire). Mais peut-êtrepeux-tu nous éclairer afin que nous puissions ladébattre ?

Nous ne comprenons pas bien pourquoi tu évoques une“ base extra-parlementariste ”. Qu'entends-tu dans ceterme ? La position communiste, c'est-à-dire de laGauche communiste, sur la participation électorale estcelle de l'abstention depuis la vague révolutionnaire1917-1923. Sur la base de cette position aujourd'hui deprincipe, “ l'extra-parlementarisme ” ou

l'abstentionnisme comme idéologie ou fétiche sont aumieux facteurs de confusion quand ils ne sont pas despièges (cf. la campagne de caractère bourgeois surl'abstentionnisme durant l'entre-deux tours des électionsprésidentielles françaises).

Un “ contre-pouvoir extraparlementaire ” ? Contre-pouvoir ? De qui ? De quoi ? Selon nous, l'expériencedu mouvement ouvrier sur lequel nous basons nospositions et vérifions (essayons de vérifier) la validitédes principes et de la théorie, enseigne qu'il ne peutexister qu'un seul contre-pouvoir : celui de la classeouvrière dans la période qui prépare l'insurrectionprolétarienne. En cela, l'expérience historique est venueconfirmer la théorie développée par le matérialismehistorique et concentrée en premier dans le ManifesteCommuniste. Et l'expérience russe de 1917 nous aenseigné que le seul contre-pouvoir de classe qui puisseexister face à l'État capitaliste était celui des conseilsouvriers dans l'attente et la préparation de l'acteinsurrectionnel.

Il est d'autres formules que tu utilises qui nous semblentpour le moins manquer de précision (“ disputerl'hégémonie à la classe dominante ”). Nous relevonsaussi que la classe ouvrière, le prolétariat, classeexploitée et révolutionnaire, est absente de ta réflexionsur le “ contre-pouvoir ”, sur “ disputer l'hégémonie ”,etc. Il en est de même dans les textes d'IL qui parlent de“ gens ” et de “ peuple ”. Pour nous, pour la Gauchecommuniste, le prolétariat est au cœur de nos réflexionset de nos combats. Il est le sujet de la révolution : leprincipe cité précédemment sur “ l'émancipation destravailleurs... ” n'est pas qu'une formule abstraite ouéthique, voire “ démocratique ”. Elle est au cœur de laméthode théorique, politique, d'analyse et d'interventiondont le fil conducteur est la lutte des classes, que lescommunistes ne peuvent laisser de côté, ne serait-cequ'un instant, au risque de perdre toute boussole. (…).

Voilà, cher camarade, notre première réaction à tonmail. Nous espérons sincèrement que tu accepteras deréfléchir et de discuter notre critique politique, decontinuer de débattre et de confronter nos positions afinque nous puissions les clarifier et, si c'est possible, lesrendre publiques. Nous sommes convaincus quel'approche politique que tu nous soumets est unequestion d'actualité et l'objet d'un combat politique etthéorique entre les classes à l'orée d'une situationhistorique qui, de toute évidence, annonce de grandesconfrontations entre celles-ci face à la crise et à laguerre dans lesquelles le capital précipite l'humanitétoute entière. À ce titre, et loin de tout immédiatisme,c'est-à-dire de recherche de résultats ou de “ succès ”immédiats, nous sommes convaincus que nos débats enapparence entre quelques militants plus ou moins isolés,sont d'une importance historique cruciale.

Fraternellement, le GIGC, 15 juillet 2017.

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Débat au sein du camp prolétarien

Sur les organes intermédiaires entre le parti et la classe ouvrière

Le rôle et la structure de l'organisation révolutionnaire(PCint-Battaglia Comunista, 1978, 2e partie)

Nous publions ici la dernière partie du texte du PCInt-Battaglia Comunista (Tendance Communiste Internationalewww.leftcom.org) sur Le rôle et la structure de l'organisation révolutionnaire de 1978. Dans le numéro précédent,nous avions accompagné chaque point des deux premières parties du texte avec notre prise de position que nosdiscussions internes nous avaient permis d'adopter de manière homogène. Nous avions ainsi pu nous prononcer enaccord général avec ces points. La partie finale reprise ici traite des organes intermédiaires entre le parti et laclasse ouvrière sur la base de l'expérience historique du PCInt avec les groupes communistes d'usine dans lesannées 1940-50 ou encore les groupes communistes territoriaux mis en place ces dernières décennies. C'est sansdoute sur ce point que le débat que le groupe britannique de la TCI, la CWO, appelait de ces vœux lors de lapublication récente de ce texte en anglais, soulève le plus d'interrogations, de nuances, voire de désaccords au seindu camp prolétarien dans son ensemble et entre notre sein. La TCI elle-même a dû préciser et adapter son approchede la question au fil du temps et des expériences comme le souligne la note que la CWO a ajouté au document. LaTCI a raison de souligner que la question des organes intermédiaires fait partie intégrante de la compréhension durôle des révolutionnaires et, plus précisément, du parti. Qu'il s'agisse d'organes que le parti met en place de sapropre initiative, groupes communistes d'usine ou territoriaux, ou bien encore de comité de lutte ou d'action (quelque soit le nom qu'ils se donnent) qui regroupent des minorités d'ouvriers combatifs et désireux de s'organiser pourles mobilisations de classe. Nul doute que les deux apparaîtront et s'imposeront comme des moyens du combat declasse lors des confrontations massives entre les classes qui viennent. Lors des mobilisations ouvrières françaisesmassives de 2010, par exemple, des organes de ce type avaient ressurgi tel l' “ Assemblée Générale interpro ” qui,de fait, n'était pas une “ assemblée générale unitaire ” de la classe mais un “ comité de lutte ” très large.

Pour notre part, tout en partageant la démarche politique du texte, y inclus de cette partie, nous ne sommes pas encapacité aujourd'hui de prendre collectivement une position sur certains points précis et arguments. Nouscontinuons à nous interroger sur les “ comités de lutte ” (pour labelliser une forme d'organe) qui seraient le produitdirect émanant de minorités de la classe ouvrière et “ groupes communistes d'usine ou territoriaux ” qui seraient àl'initiative du parti ou des groupes communistes. Il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres bien évidemment, maisde saisir dans quelle mesure et dans quel cadre politique les communistes aujourd'hui peuvent (ont la force de…) demettre en place les organes de deuxième type. En attendant, nous publions à la suite de ce texte une contributionindividuelle “ interne ” afin de faire participer le maximum de lecteurs et de militants communistes à notre propreréflexion et au débat avec la TCI.

La classe et le parti (PCInt, 1978)I. 1- Les thèses selon lesquelles le parti se forgeimmédiatement avant la révolution et même durantcelle-ci, déforment complètement le concept de parti. Sien réalité la classe est capable de mener à bien uneoffensive révolutionnaire – qui demande un niveauparticulier d'homogénéité politique dans la classe – sansl'intervention du facteur politique unifiant représenté parle parti, alors le parti lui-même est superflu. Si c'est laclasse qui, à un certain moment du développement de salutte “ s'équipe elle-même ” avec le parti, alors celui-cidevient un instrument opérationnel sans aucun rapportavec le problème de la conscience. Une fois encore, onen revient aux fameuses thèses des conseillistes.

2- C'est pourquoi il faut combattre au sein dumouvement de la Gauche communiste contre la

conception qui, bien que reconnaissant la nécessité duparti pour mener à bien la révolution, repousse laconstitution du parti (ou de l'organisation desrévolutionnaires comme certains camarades préfèrentl'exprimer) à une époque plus “ mûre ”.

3- Nous avons vu qu'une des tâches essentielles du partiest de se doter des instruments opérationnels quipeuvent de la manière la plus concrète possibleretourner à la classe le programme de l'émancipation dela classe ouvrière élaboré par le parti sur la base del'expérience historique et de l'existence du prolétariat.La formule “ le parti agit comme une partie de la classedans la classe elle-même ” ne dit rien car tout ce qu'ellesignifie est que les militants révolutionnaires font partiede la lutte prolétarienne là où il leur arrive d'être

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présents et donc lui apportent les positions critiques etles orientations générales du parti. Cela est nécessairemais pas suffisant si le parti doit remplir son rôlecomme guide, sauf si quelqu'un dit que le parti vaconnaître une croissance numérique telle qu'il aura uneprésence massive partout ce qui contredit l'idée généraleselon laquelle il est une “ minorité ” de la classe.

4- C'est un principe révolutionnaire définitivementacquis que des organes intermédiaires entre le parti et laclasse doivent exister pour toute la période avant etaprès l'offensive révolutionnaire.Ce sont des organes que le partiutilise pour étendre autant quepossible l'influence de saplateforme et de ses orientationsdans toute la classe. La classe semeut et lutte au niveauéconomique ou, on peut dire, desrevendications contractuelles.Seuls les révolutionnaires ontconscience des limites de cesluttes, de leur insuffisance pourl'émancipation de la classe. Lescommunistes se distinguent de lamasse des travailleurs par le faitque même lorsqu'ils combattent aucôté de l'ensemble de la classedans ses luttes défensives, ilsdénoncent les limites de ces lutteset les utilisent pour faire de lapropagande sur la nécessité de larévolution. Il s'agit pour lescommunistes de lier les luttes de laclasse ouvrière à la stratégiepolitique d'ensemble pour l'assautcontre l'État bourgeois. Ils doiventpréparer les instruments que leparti utilisera concrètement pourorienter l'offensive du prolétariatdans sa phase de généralisation et de crise du système.

5- Le parti faillirait à ses tâches fondamentales – voire ilserait incapable de fonctionner comme une organisationde révolutionnaires, comme un parti – s'il néglige detravailler au sein de la classe avec tous les instrumentsnécessaires dans la période menant à la révolution. Celasignifierait que, quand la situation est objectivementfavorable, il serait non préparé et isolé de la classe cequi aurait pour conséquence une classe désarmée etdésorientée.

6- La possibilité concrète d'avancer dans l'armement duparti est naturellement étroitement liée au degré dematuration de la lutte de classe et au rapport réel dans laclasse entre les révolutionnaires et les agents de l'ailegauche de la bourgeoisie. Cela ne veut pas dire que les

types d'outils à utiliser ne peuvent pas être prévus dansle programme du parti. La preuve en est que les“ groupes internationalistes d'usine ” envisagés dansnotre programme, et qui doivent être une partieintégrante de la plateforme du parti international dontnous voulons contribuer à la création, peuvent avoir unevie difficile aujourd'hui, mais en d'autres temps ils onteu une énorme importance (de 1945 à 1948 parexemple). Leur tâche n'est pas simplement “ d'inciter àla lutte au niveau économique ” comme certainscamarades semblent le croire, mais de transmettre à la

classe les principes politiquesgénéraux du parti en solidifiant unecouche sympathisante de la classe eten créant un point de référence pourles luttes révolutionnaires futures.La difficulté de la situationprésente, le bas niveau de laconscience de classe, se reflète dansla difficulté énorme pour renforceret étendre ce réseau ouvrier. Mais sinous oublions ce point dans leprogramme, en le repoussant à destemps meilleurs, nous nousrendrions nous-mêmes incapablesde mener à bien nos tâches aumoment favorable car nousmanquerons du cadre et del'expérience que le parti peutseulement développer au traversd'une présence longue et combativedans la classe ouvrière.

7- Parmi les instruments dont leparti doit se doter avec son travailenvers la classe et envers larévolution, le réseau de groupesd'usine est le plus urgent et le plusimportant. Mais d'autres doiventêtre étudiés et préparés26 même si ils

ne semblent pas être déjà nécessaires en raison de lafaiblesse numérique des révolutionnaires et de lasituation politique défavorable. Par ailleurs, d'autresorganisations comme les “ jeunesses communistes ”doivent être considérées comme des produits d'unephase antérieure à la fois dans la société bourgeoise etdans le mouvement révolutionnaire et sont donc

26 . Cela a été écrit il y a 38 ans et depuis lors la restructuration dela classe ouvrière durant les 30 dernières années a aussi amené àorganiser dans des localités ce que nos camarades italiensappellent “ groupe territoriaux ”. La CWO elle-même adéveloppé des expériences avec des groupes qui combattentautour de thèmes comme “ Non à la guerre, guerre de classe ”[No War but the Class War] durant la guerre d'Irak. Il fautsouligner que cela n'est pas une tentative “ d'organiser la classe ”(comme le CCI le disait en 1978) mais d'organiser lesrévolutionnaires et d'élargir leur impact au sein de la classe [notede la CWO].

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70 ans contre vents et marées, 70 ans d'histoiredu PCI - Battaglia Comunista au travers de sesprincipaux documents programmatiques (enitalien). À commander à la TCI :[email protected]

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maintenant superflues.

8- Nous réaffirmons donc le principe qu'il n'y a pas departi de classe sans les instruments qui lient réellementl'organisation centrale du parti à la classe ; ceux quisous-estiment ou dénient cette affirmation ne travaillentpas pour le parti.

II.

1- Le rapport dialectique entre la classe et son parti nedoit pas disparaître ou passer par des changementsqualitatifs durant la prise du pouvoir et la constructiondu “ semi-État ” prolétarien. Les deux sont possibles àla condition que la classe soit concentrée et unie autourde cet objectif.

2- Le “ semi-État ” prolétarien sera caractérisé par laforme soviet découverte par le prolétariat lui-mêmedurant l'expérience de la révolution russe. La disparitiongraduelle des classes menée à bien par le mouvementrévolutionnaire pratique des masses prolétariennes

s'accompagnera de la production massive de laconscience communiste et, par suite, de la disparitionprogressive du parti.

3- En aucune manière, le parti identifiera sa proprestructure avec la structure de “ l'État des ouvriers ” maisremplira son rôle comme guide politique aussilongtemps que la classe reconnaîtra ses propres intérêtsdans les orientations qu'il défend.

4- La nécessité pour les groupes de la Gauchecommuniste d'approfondir leur compréhension desproblèmes de la période de transition doit commencerpar l'affirmation claire et fondamentale que sans le parti,il ne peut y avoir de révolution et de dictatureprolétarienne tout comme il ne peut y avoir de dictatureprolétarienne et d'État des ouvriers sans les conseilsouvriers.

Internationalist Communist Party (BattagliaComunista), Octobre 1978

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Réflexions sur les groupes intermédiaires entre le parti et l'ensemble de la classeouvrière

Dans le texte Nature et tâche des groupes d'usine et lerôle du parti de classe (1965), O Damen critique avecvigueur un certain point de vue “économiste” populaireà ce moment-là selon lequel la classe ouvrière peutgraduellement atteindre le pouvoir en conquérant lemonde du travail, un lieu de travail après l’autre, évitantsupposément le besoin pour une insurrection future etrendant même le parti redondant. Damen s’appuie surl’expérience de défaites de luttes dirigées par lessyndicats pour argumenter en faveur de la nécessitéd’un leadership politique. Il étend sa critique deslimitations des luttes syndicales aux comités de lutteorganisés durant des luttes qui dépassent le cadresyndical. Ces comités de lutte éphémères peuvent aussiêtre infectés par le corporatisme qui est inhérent àchaque lutte économique.

Il est impossible pour la classe ouvrière de conquérir lepouvoir graduellement. Le rôle de leadership du PartiCommuniste27 est fondamental et ultimement la luttepolitique de la classe ouvrière la mène vers uneconfrontation directe avec l’État bourgeois.

Les deux questions centrales sont quel typed’interaction est nécessaire entre le parti et la classe etquelle est la relation entre les luttes économiques etpolitiques?

« Pour une organisation se définissant elle-même

27 . Nous parlons ici de l'avant-garde politique révolutionnaire duprolétariat mondial. À ne pas confondre avec les formationspolitiques bourgeoises avec le même nom.

comme communiste, considérer l'intervention parmi lestravailleurs comme une activité à mener seulement danscertaines périodes historiques ou dans descirconstances futures de plus grande force numériquen'a aucun sens. L'intervention des communistes parmiles travailleurs doit toujours être partie intégrante del'activité des révolutionnaires » (Tendance CommunisteInternationaliste, The Unions, the Class Struggle andCommunists, traduit de l'anglais par nous)28.

Il est raisonnable d’être en accord avec cette prise deposition et encore de concéder que les travailleurs sontplus ou moins sensibles aux idées révolutionnaires selonqu’ils sont en lutte ou non.

Quel type d’intervention ?

Dans son document29, le PCint nous informe que lesgroupes ouvriers territoriaux et sur les lieux de travailsont une partie intégrale de son programme et une façonconcrète pour le parti d’exercer son influence dans laclasse ouvrière. Ceci lui permet d’adapter sonintervention sur la base du rapport de force entre lesclasses dans des lieux de travail ou dans des quartiersspécifiques au lieu de seulement répéter des principesabstraits. Les groupes d’usine doivent être desorganisations permanentes dont la tâche principale estl’éducation politique par opposition aux luttes baséessur les revendications économiques, même si les

28 . http://www.leftcom.org/en/articles/2011-10-27/the-unions-the-class-struggle-and-communists

29 . cf. le texte précédent dans ce numéro.

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militants du parti doivent participer aux luttes pour desrevendications économiques.

L’insistance sur le besoin de tels organes intermédiairesn’est pas sans précédent. Cela nous ramène à ladiscussion de Kautsky, ensuite reprise par Lénine dansQue Faire?, sur les syndicats versus la consciencecommuniste. En effet, des groupes actuels que nousconsidérons comme faisant partie du milieu prolétarien(les bordiguistes) continuent de faire de l’agitation envue de la formation de syndicats rouges, essentiellementdes syndicats sous la direction du Parti Communiste. Latactique pour conquérir le leadership des syndicats futadoptée par la 3e Internationale et fut poursuivie par lePCInt avant la scission avec Programma Communistaen 1952. Aujourd’hui le cadre organisationnel qui doitagir comme intermédiaire entre la classe et le parti n’estplus le syndicat, mais plutôt des groupes d’usine outerritoriaux internationalistes sous la direction del’organisation révolutionnaire.

Le sabotage flagrant des luttes des travailleurs par lessyndicats mène à la conclusion que c’est justement leurrôle en tant que médiateur dans la négociation du prixde la force de travail pendant une période où lecapitalisme est devenu historiquement obsolète quiprovoque finalement l’intégration des syndicats à l’Étatbourgeois. Selon le PCint, une solution à ce problèmeest précisément l’organisation d’organes politiquespermanents contrôlés par le parti sur les lieux de travailet les quartiers.

La lutte politique, la lutte pour des revendications économiques et le rôle des syndicats comme organes de l’État capitaliste

Ce n’est pas que les syndicats soient un outil inefficacepour mener la lutte économique du prolétariat. C’estplutôt qu’ils sont des appareils de l’État capitaliste dontla fonction est d’imposer la discipline et de sabotersystématiquement la lutte prolétarienne. Il y a eu unchangement de fonction des syndicats en ce qu’ils sontpassés d’authentiques, quoique réformistes,représentants des intérêts des travailleurs dans la phaseascendante du développement capitaliste, dans laquellele capitalisme avait encore un rôle progressiste à jouerpar rapport aux vestiges du féodalisme, à des appareilsidéologiques et répressifs de l’État capitaliste dans laphase décadente du capitalisme. Cette intégration dansl’État se produit inévitablement quand une lutteouvrière économique mène à la formation d’uneorganisation permanente vouée exclusivement auxrevendications de salaires et aux conditions de travail.Ainsi, la formation de syndicats de base n’est pas lasolution.

Donc, ce n’est pas dresser un portrait complet

d’affirmer que le rôle des syndicats en tant quemédiateurs de la vente de la force de travail est la raisonpour laquelle ils sont aujourd’hui au service ducapitalisme. Il y a une différence qualitative entre le rôlejoué par les syndicats dans la période d’ascendance ducapitalisme et aujourd’hui, période d’obsolescence ducapitalisme. Au 19e siècle, il était possible et nécessairepour la classe ouvrière de lutter pour réformer lecapitalisme et favoriser le développement de larépublique bourgeoise face au féodalisme. Ce n’est plusle cas aujourd’hui vu que le capitalisme a dépassé sonstade progressiste. Son existence continue menace deplonger l’humanité dans la barbarie et les actuellesrelations de propriétés sont devenues un obstacle audéveloppement rationnel. Ne pas saisir cette différencehistorique pourrait mener à douter des potentialités desluttes économiques spontanées qui adoptent des modesd’organisation en réponse aux besoins de la lutte.

C’est la tâche des révolutionnaires d’intervenir dans lesluttes de la classe ouvrière peu importe où ellesapparaissent, y inclus dans les luttes menées par destravailleurs syndiqués ou organisées par les syndicatseux-mêmes, particulièrement pour contester leleadership des syndicats sur celles-ci et pour tirer lesimplications politiques qui sont immanentes dans detelles luttes économiques. C’est la position de la classeouvrière dans le système économique qui contraint sesmembres à engager le combat pour l’amélioration deleur condition immédiate. Les luttes économiques et lesluttes politiques sont liées dialectiquement et c’est autravers de l’intervention et du leadership del’organisation révolutionnaire que le programmepolitique de la classe ouvrière est découvert par lestravailleurs en lutte. La solution au paradoxe apparententre le fait que les travailleurs se mettent en lutte àcause de leur position économique en tant qu’esclavessalariés pour la valorisation du capital et les limitationsinhérentes des luttes purement économiques estprécisément l’organisation politique révolutionnaire.

«… la lutte économique présente une continuité, elle estle fil qui relie les différents nœuds politiques ; la luttepolitique est une fécondation périodique préparant lesol aux luttes économiques. La cause et l'effet sesuccèdent et alternent sans cesse, et ainsi le facteuréconomique et le facteur politique, bien loin de sedistinguer complètement ou même de s'exclureréciproquement, comme le prétend le schéma pédant,constituent dans une période de grève de masse deuxaspects complémentaires de la lutte de classeprolétarienne… » (Rosa Luxemburg, Grève de masse,parti et syndicat)30

Le problème de l’interaction entre l’économique et le

30 . https://www.marxists.org/francais/luxembur/gr_p_s/greve4.htm

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politique dans la lutte ouvrière a des implicationspolitiques et organisationnelles importantes. Où etcomment les révolutionnaires devraient centrer leurintervention ?

L’intervention n’apparaît pas comme un éclair dans unciel bleu menée par des prétendus révolutionnairescomplètement séparés des réalités de la classe parcequ’une des tâches du parti est celle de l’éducationpolitique de ses cadres et sympathisants. L’organisationde groupes d’usine et de groupes territoriaux est lafaçon dont le PCint tente de répondre à ce besoin.Néanmoins, il faudrait soulever deux points ici. Si ungroupe est constitué par des membres d’un lieu detravail particulier, n’est-ce pas en soi une concession aucorporatisme ? Pourquoi devraient-ils être isolés deleurs camarades de classe d’autres lieux de travail ? Desgroupes basés sur le territoire sont une amélioration dece point de vue. Des organisations du parti baséesterritorialement, essentiellement des sections, peuventfaire le travail d’éducation politique en tenant desmeetings publics réguliers, des ateliers éducationnels,en participant à des manifestations et lignes depiquetage (piquets de grève), en vendant la littérature,en distribuant du matériel d'agitation et par leurinteraction avec les groupes ouvriers (cercles, noyaux)qui s’organisent spontanément après ou pendant unepériode de haute lutte de classes. L’autre point est unemise en garde contre la sous-estimation du potentiel desluttes commençant sur les lieux de travail comme lutteséconomiques à se politiser et se généraliser dans la rueet par la suite à d’autres secteurs de la production. Pourqu’une telle évolution mène à un résultatrévolutionnaire, il y a nécessité d’avoir une expressionorganisée du programme communiste, une expressionqui est connue des travailleurs en lutte et pris en chargepar eux-mêmes. Ainsi, le parti de demain, les groupescommunistes d’aujourd’hui, devraient tisser des liensavec les cercles, noyaux, comités de travailleurspolitisés qui émergent plus ou moins spontanémentcomme résultat du besoin objectif posé par telle ou tellelutte et ne devraient pas tenter de les créerartificiellement là où les travailleurs ne sont même pasréellement en lutte.

« Les communistes doivent diffuser leur propagande,des orientations, être partie active des organes de lutteauto-organisée : les assemblées ouvrières, les comitésd'action. Ce faisant, ils doivent toujours essayer defournir un cadre politique communiste » (TCI, TheUnions, the Class Struggle and the Communists, traduitpar nous)31.

Le travail permanent d’éducation politique est ce quipermet au parti d’avoir ses racines dans sa classe. Parconséquent, pendant une période de conflits sociaux

31 . http://en.internationalism.org/ir/021_workers_groups.html

explosifs, quand les masses ouvrières tendent à être plussensibles à leur arme politique nouvellement découvertequ'est le programme communiste, l’intervention du partipeut être à son meilleur niveau d’efficacité. Et c’est lerésultat, en termes de rapport de force entre les classes,qui détermine si la confrontation était une victoire(partielle) ou une défaite pour la classe ouvrière. Cela setraduit par un accroissement ou une diminution de laconscience révolutionnaire.

« La lutte de classe en période de décadence se fait parexplosions, par surgissements brusques qui surprennentmême les éléments les plus combatifs d'une lutteprécédente et peuvent les dépasser tout à fait enconscience et en maturité. Le prolétariat ne peuts'organiser réellement au niveau unitaire qu'au sein dela lutte elle-même et au fur et à mesure que la luttedevient permanente il grossit et renforce sesorganisations unitaires » (CCI, Revue Internationale#21)32.

Une intervention que les révolutionnaires devraientfaire, considérant une évaluation des conditions socialesobjectives, serait de pousser à envoyer des délégationsvers d’autres lieux de travail pour étendre la lutte surune base territoriale et ainsi rompre avec les limitessectorielles et locales. C’est ici précisément que la luttede la classe ouvrière a besoin de la formation deconseils ouvriers territoriaux (et non pas des conseilsd’usine comme le préconisait Gramsci) qui sont unmoyen par lequel la classe exerce son pouvoir avec sonorganisation politique révolutionnaire qui assume leleadership dans les conseils. La bataille critique ne seproduit pas au sein des murs de l’usine, bien quesouvent la lutte y commence, mais lorsque la luttecommence à transcender les limites d’un lieu de travail,usine ou secteur particulier. Il serait erroné de penserque les organisations permanentes de médiationéconomique, qui piègent les travailleurs dans le cadrede leur milieu de travail, secteur, entreprise particuliers,peuvent être utilisées comme un raccourci pour politiserla classe ouvrière d'une manière révolutionnaire et iln'est pas possible pour l’avant-garde révolutionnaired’organiser de manière préméditée les explosions de lalutte des classes qui se produisent.

L’interaction entre le parti et la classe n’est pas uni-directionnel, le parti éduquant la classe. Les leçonspolitiques portées par le parti sont le produit des lutteshistoriques de la classe ouvrière, l’histoire étant unprocessus toujours en cours. Néanmoins, une desfonctions de l’organisation politique est de rappeler à laclasse les leçons de ses luttes du passé, y inclus lanature politique de la lutte de classes. Une de ces leçonsest que, dans la période historique de la décadencecapitaliste, les luttes pour des revendications

32 . http://fr.internationalism.org/rinte21/organisation.htm

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économiques sont mieux servies par des instruments quisont adaptés pour des situations particulières et qui sontle résultat d’un besoin concret. En conséquence, ils sontnécessairement un phénomène transitoire. Dans le butque la lutte défende, au moins temporairement, lesconditions de travail et de vie, les comités de grève etles assemblées de quartier sont bien adaptés commel'avaient démontré par exemple la lutte à la Telefonicaen 2015 (cf. Révolution ou Guerre #4, la grève destravailleurs de la Telefonica) et la mobilisation étudiantede Montréal en 2012. En outre, les comités de grève etles assemblées générales qui sont organisées en réponseaux besoins d’une lutte donnée sont d’authentiques« écoles du socialisme », pas les syndicats peu importela forme.

« Les communistes doivent être dans les luttes pourdiffuser leur propagande, leur orientations, être unepartie active des organes de lutte auto-organisée : lesassemblées ouvrières, les comités d'action et de grève etles piquets de grève. Ce faisant, ils doivent toujoursessayer de fournir un cadre politique communiste touten appuyant chaque initiative qui tend audéveloppement de l'auto-activité de ceux qui yparticipent. Il n'y a pas de formule magique dans lesluttes revendicatives de la classe ouvrière qui puisseouvrir la voie à une plus grande conscience de classecomme, par exemple, le proclament les trotskistes. Latâche des communistes n'est pas de fixer desrevendications mais d'appuyer les revendications quiétendent la lutte et de critiquer celles qui ne le fontpas » (TCI, Theses on the Role of the Communists inthe Economic Struggle of the Working Class, traduit parnous, http://www.leftcom.org/en/articles/2016-02-26/theses-on-the-role-of-communists-in-the-economic-struggle-of-the-working-class).

La lutte des travailleurs espagnols des télécoms en 2015n’est pas apparue comme le résultat de l’action politiqueorganisée par le parti révolutionnaire, au travers d'unsyndicat rouge ou n’importe quel autre organeintermédiaire entre le parti et la classe qui serait sous la

direction du parti. Ce qui a motivé la lutte fut lareconnaissance par un groupe de travailleurs de leurposition économique et leur intérêt collectif immédiat.Cela est survenu dans le contexte d’un sabotage flagrantdes syndicats. Des moments comme celui-là sontcritiques parce que les réalités sociales, claires commele jour pour les participants à la lutte, font en sorte deles rendre plus réceptifs et peuvent répondredynamiquement à un programme politique qu’ilsreconnaissent comme le leur. Il y a une rencontre entrela réalité vivante des travailleurs partout autour dumonde et la perspective donnée par les groupesrévolutionnaires.

Dans la période historique actuelle, le capitalismemondial est en pleine crise pour laquelle il n'y a pas desolution sinon la dévaluation massive des actifs et ladestruction physique d'une grande partie du capitalconstant et variable à travers une guerre mondiale. Lamanière dont les classes dirigeantes tentent de résoudrecette crise en attendant, avant que les conditionspolitiques préalables soient en place pour ce carnagemassif mutuel, c'est en augmentant le taux de profit enintensifiant l'exploitation. Comme les impératifséconomiques du système capitaliste s'imposent de plusen plus, la classe dirigeante sera contrainte d'attaquer laclasse ouvrière de manière de plus en plus brutale. Laclasse ouvrière répondra en s'engageant dans des luttesdéfensives, en s'organisant dans des assemblées demasse, des comités de grève, ainsi que dans des cercleset dans des noyaux de militants ouvriers, comme elle lefait déjà. Les noyaux des travailleurs militants quisortent de ces luttes sont les organes intermédiairesentre le parti et la classe. En plus d'avoir une présencepolitique dans les organisations unitaires de la classe,les organisations communistes doivent se connecteravec les groupes de travailleurs militants qui sortirontdes luttes à venir et leur donner une perspectivepolitique révolutionnaire.

Stavros

Lisez nos brochures...

Bilan de la Lutte étudiante et desassemblées de quartier de 2012 auQuébec.

Contre les théories opportunistes duCCI : Morale prolétarienne, lutte desclasses et révisionnisme.

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Débat interne sur la période de transition entre le capitalisme et le communisme

ontre ceux qui attendent « le Grand Soir » et qui conçoivent ainsi la révolution comme un « événement » aulieu de la voir comme un processus politique, la gauche communiste a toujours maintenu, dans le sillon deMarx et Engels, la conception de l’inévitabilité d’une période de transition entre le capitalisme et le

communisme. De même, la gauche communiste a rejeté comme conception contre-révolutionnaire la visionrévisionniste selon laquelle il suffit d’infiltrer l’État bourgeois de l’intérieur pour ainsi inscrire un changement denature progressiste à la société. Inutile d’identifier ces courants politiques qui, de tous temps, ont toujoursreprésenté l’influence de l’idéologie bourgeoise sur le prolétariat, au travers du démocratisme en particulier :l’anarchisme et la social-démocratie.

C

Notre tradition reprend donc à son compte les leçons politiques que les partis et organisations communistes diversmilitants révolutionnaires ontdu passé ont su dégager de l’histoire de la Commune de Paris et de la révolution russeen particulier. Ces leçons peuvent être simplifiées à quelques points d’importance :

- entre la société capitaliste et la société communiste, il y aura une période de transition qui ne sera être autre choseque la dictature du prolétariat.

- le prolétariat révolutionnaire ne se sert pas de l’État bourgeois, mais le détruit de fond en comble pour luisubstituer un État prolétarien, un État-Commune ou encore un semi-État, appelé à s’éteindre avec l’abolition desclasses sociales.

- le destin de la révolution n’est pas lié au développement d’une économie de la période de transition, mais audéveloppement de la révolution mondiale.

Ce sont là des frontières de classes qui sont le patrimoine commun de l’ensemble de la gauche communiste, enparticulier la tradition « italienne », et qui permettent de délimiter les révolutionnaires des différents types degauches capitalistes.

Le but de ces thèses33 sera donc d’aller plus loin que les trois « frontières de classe » décrites plus haut et d’étudierplus à fond la question de la période de transition à partir de notre tradition politique, c’est-à-dire la gauchecommuniste. Nous n’avons pas la prétention de tout savoir, encore moins d’avoir raison sur tout et d’établir ici despositions finales. Mais nous avons lae ferme conviction de nous inscrire dans un débat au sein d’une traditionpolitique qui existe toujours, contre vents et marées, et que ce débat fait partie du processus de formation du particommuniste mondial.

Enfin, ces thèses ne sont qu’un point de départ pour la discussion et le débat dans notre organisation, et nousl’espérons dans la gauche communiste plus largement. De ce fait, le texte tente de poser des bases de discussion. Il ya donc des questions qui ne sont pas nécessairement traitées ici, mais qui le seront assurément, à mesure que ladiscussion avance, dans des contributions futures.

Projet de thèses sur la période de transition

Thèse #1

Le but du mouvement communiste est l’abolition desclasses sociales et de l’État qui est apparu durantl’histoire comme médiateur entre les différentes classesdes modes de productions successifs (antique, asiatique,féodal, capitaliste). La fonction de l’État est doncdouble : il doit en premier lieu s’assurer que le conflitinévitable entre des classes sociales antagoniques n’envienne pas à ce que la société s’entre-déchire, c’est-à-dire qu’il assure l’ordre à l’aide de la violence.Cependant, cet « ordre social » assuré par l’état est unesociété divisée en classes sociales aux intérêtscomplètement contradictoires qui voit une classedominante en exploiter une autre. En d’autres termes,

l’État, peu importe le type qui est apparu dans l’histoire,comme la monarchie de droit divin ou l’Étatdémocratique moderne, est un organisme de maintien del’exploitation et de la domination de classe.

Thèse #2

Comme le prolétariat est complètement dépossédé dansla société capitaliste, sa révolution ne vise pas àinstaurer une nouvelle société d’exploitation basée surde nouvelles formations de classe, mais il vise aucontraire à abolir la société de classes et ses institutions,en particulier l’État. En effet à l’opposé de labourgeoisie naissante au sein de la féodalité, où sonactivité économique lui permit de s’établir lentement

33 . Ayant utilisé le format « thèses », nous avons trouvé plus approprié de ne pas faire de références directes aux textes historiques de lagauche communiste. Ceci dit, cela ne veut pas dire que les thèses ne s’inscrivent pas directement dans cette tradition. Voir la bibliographieà la fin du texte pour la filiation théorique et politique.

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dans le mode de production féodal malgré sesrestrictions et ses entraves et, où la révolutionbourgeoise ne fit qu’entériner et enlever les contraintesà un processus déjà enclenché, le prolétariat ne possèderien, aucun pouvoir et aucun privilège, qui pourrait luipermettre d’asseoir une nouvelle domination de classe.Ainsi, la révolution prolétarienne est l’abolition detoutes les classes.

Thèse #3

Entre la société bourgeoise et le communisme s’étendune période de transition où, encore une fois, à ladifférence de la révolution bourgeoise, le prolétariat doitd’abord et avant-tout conquérir le pouvoir politique. Laconquête du pouvoir politique permet au prolétariatd’assurer sa domination et sa volonté sur la société. Eneffet, la classe dominante actuelle ne laissera pas allerses privilèges sans lutte. Le pouvoir politique rendpossible d’empêcher toute velléité de restaurationbourgeoise et permet au prolétariat de commencer àimprimer à la société les changements d’ordreéconomique et social que l’abolition de la sociétécapitaliste impose. Cette période de transition n’est pasautre chose que la dictature du prolétariat.

Thèse #4

La conquête du pouvoir politique par le prolétariat n’estpas à confondre avec la conquête de la démocratie,d’une majorité parlementaire, bref de la conquête del’État bourgeois. Au sein de l’appareil de l’Étatbourgeois il n’est possible que de moderniser etd’aménager la société capitaliste. Historiquement, cela atoujours été le but ultime de la gauche capitaliste(social-démocratie et stalinisme) et a toujours servi lesintérêts du capital en général contre le prolétariat, en cesens que ces aménagements ne faisaient qu’accentuerles contradictions du capitalisme en repoussantmomentanément sa chute.

Thèse #5

La conquête du pouvoir politique par le prolétariat,donc l’exercice de la dictature du prolétariat, impliqueavant-tout la destruction de l’État bourgeois et desinstitutions qui lui sont reliées (armée permanente,bureaucratie, police, etc.). À sa place, le prolétariatrévolutionnaire instaurera un « État-Commune », unsemi-État, qui à la différence des autres types d’État del’histoire de l’humanité, n’est pas appelé à se perpétuer,mais doit au contraire s’éteindre avec l’abolition desclasses.

Thèse #6

Le prolétariat aura inévitablement recours à la violenceet à l’autorité durant la révolution pour briser lesinstitutions bourgeoises, contrer la contre-révolutionbourgeoise et s’assurer au moins de la neutralité descouches moyennes. Cependant, la violence au sein duprolétariat doit dans la mesure du possible être évitée.

Thèse #7

Du point de vue politique, la dictature du prolétariatinstaurera comme premières mesures la destruction desarmées permanentes et l’armement général duprolétariat (armée rouge). Les libertés traditionnellesdes régimes démocratiques modernes seront aboliespour la bourgeoisie; essentiellement la liberté de presse,le droit de vote, la liberté d’entreprise, etc. Le travailobligatoire sera de vigueur pour les oisifs, c’est-à-direpour la bourgeoisie.

Thèse #8

Les conseils ouvriers sont historiquement l’organe del’insurrection prolétarienne. D’autres formes de luttespeuvent y être associées, par exemple les comités degrève, ou encore d’autres formes de pouvoir politiqueque l’histoire fera apparaître. L’important est que cesformes d’organisation se positionnent en tant quepouvoir prolétarien contre l’État bourgeois. En d’autrestermes, il n’y a pas de formes d’organisation absolues.Celles-ci doivent par contre permettre l’expression duprogramme communiste, sinon elles n’ont plus d’utilitépour le prolétariat et passent du côté de l’État bourgeois.Le meilleur exemple reste les conseils ouvriersallemands durant la révolution de 1919 où, sous leleadership social-démocrate, ceux-ci jetèrent les armesdevant la bourgeoisie et lui redonnèrent le pouvoirpolitique.

Thèse #9

La démocratie, bien qu’abolie pour le reste de la sociétécivile, peut être utilisée dans les conseils ouvriers afinde mettre à jour les inévitables divergences au sein de laclasse à propos du processus révolutionnaire. Il ne fautcependant pas faire de la démocratie un principe. Celle-ci ne peut être un antidote contre la bureaucratie etl’opportunisme. Les fameuses mesures de la Commune(salaire ouvrier pour les fonctionnaires, révocabilité,etc.) sont nécessaires mais non suffisantes. Le seulantidote prolétarien contre le danger de dégénérescenceest la fidélité au programme communiste, dont laresponsabilité revient au parti de classe, et l’extensiontoujours plus grande, du point de vue géographique, dela révolution.

Thèse # 10

Le parti étant à la fois organe politique de la classe etavant-garde militante de celle-ci, il est clair que sesmilitants assumeront des fonctions politiques de premierplan dans les divers organismes que la révolution mettrasur pied. Suivant cette conception, le débat à savoir quiprend le pouvoir entre le parti et la classe devientartificiel. Cependant, le parti ne fait pas la révolution àla place de la classe, il est l’avant-garde de la classe.Donc, il doit quotidiennement travailler à l’extension dela conscience de classe dans le prolétariat, en mêmetemps qu’assumer son rôle de leadership politique dans

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les organes de la révolution comme les conseilsouvriers.

Thèse #11

L’État de la période de transition n’a pas de caractèreprolétarien. Au contraire, il garde comme tous les autrestypes d’État un caractère nettement conservateur. Ceciest dû à la double fonction de l’État. Premièrement ilassure la domination politique du prolétariat sur labourgeoisie, mais deuxièmement, et c’est là qu’il tireson caractère conservateur, il tend à vouloir maintenirl’ordre. Or la période de transition, comme son noml’indique, est transitoire. Il n’y a donc pas d’ordre àmaintenir ou de classes à assurer la médiation dansl’intérêt d’une classe dominante. Au contraire, plus larévolution s’étend, autant géographiquementqu’économiquement et socialement, plus la lutte declasses s’accentue jusqu’à l’abolition des classes.

Thèse #12

Le prolétariat doit donc s’assurer de garder le contrôlepolitique sur « l’État-Commune » et en tout temps seméfier de celui-ci. Cette méfiance s’exprime avant toutdans l’autonomie complète que le parti communiste doitgarder par rapport à l’État. En effet, une fusion parti-État est à proscrire définitivement puisqu’ainsi la« raison d’État » l’emporterait ultimement sur leprogramme communiste en cas de ralentissement dumouvement révolutionnaire. Le parti se verrait vidé deson contenu révolutionnaire comme cela s’est passé enRussie durant les années 1920.

Thèse #13

Les conseils ouvriers et les comités de grèves ne sontdonc pas des organismes étatiques à proprement parler.Ils sont d’abord et avant tout des organismesinsurrectionnels et ensuite, lorsque que le pouvoirpolitique sera conquis, ils deviendront la base desnouvelles institutions communautaires de la sociétécommuniste. De son côté, le « semi-État » s’occuperaseulement de la répression et de la violence et seraadministré selon les principes de la Commune de Paris(salaire ouvrier, révocabilité, etc.) par des« fonctionnaires » choisis par la société. Il ne jouirad’aucune autonomie politique et sera constammentcontrôlé par le prolétariat. La dictature du prolétariat nes’identifie donc pas à l’État de la période de transition,ce dernier étant un aspect de la première dont il fautabsolument limiter ses mauvais côtés.34

Thèse #14

La période de transition n’est pas un mode deproduction. Elle est une société en transition entre lecapitalisme et le communisme. L’avancement de la

34 . « le moins qu’on puisse dire c’est qu’il (l’État) est un fléaudont le prolétariat hérite dans sa lutte pour arriver à sadomination de classe. » Engels, Préface à La Guerre civile enFrance.

révolution ne se mesure pas au degré deperfectionnement de la période de transition ou à lavitesse de la construction du socialisme, mais d’abord etavant tout à l’extension de la révolution au niveauinternational. Toutes les énergies de classe doiventdépasser les premières limites territoriales de larévolution et se concentrer vers l’international.L’extension internationale de la révolution est laprémisse aux changements de nature économique etsociale qui mèneront à l’abolition des classes.

Thèse #15

Dans le but d’accélérer l’extension de la révolution auniveau mondial, la tactique de la guerre révolutionnaireest à éviter en ce qu’elle tend à substituer àl’antagonisme naturel de la société bourgeoise,prolétariat vs. bourgeoisie, l’antagonisme Étatsbourgeois vs. « État prolétarien ». Or comme nousl’avons vu plus haut, les intérêts de la révolution ne sontpas absolument identifiables aux intérêts de l’État de lapériode de transition. L’ennemi principal du prolétariatd’un pays donné n’est pas telle ou telle autre« bourgeoisie impérialiste », mais directement sa proprebourgeoisie « nationale ».

Thèse #16

Le programme de 1848 en Allemagne et de 1917 enRussie proclamant la nécessité du capitalisme d’État(centralisation de l’économie dans les main de l’Étatselon le Manifeste Communiste et État-patron selonl’État et la Révolution)35 était un programme transitoireadapté aux pays peu développés du point de vuecapitaliste en l’attente de révolution mondiale. Il est dès1871 dépassé pour l’Europe occidentale selon Marx,mais était toujours justifiable en Russie en 1917. Eneffet, cette politique était la seule politique possibledans des pays comme la Russie en 1917 où malgré unprolétariat très concentré, le reste de l’économienationale n’était pratiquement qu’aux premiers pas decapitalisme. Le développement d’un capitalisme d’Étatsous contrôle du parti communiste en attendant larévolution mondiale avait pour but de développer etd’industrialiser l’économie.

Thèse # 17

Ainsi le mystère de la nature de l’URSS se résoutsimplement. L’URSS était une société en période detransition où le parti de classe établit un capitalismed’État en attendant l’extension de la révolution àd’autres pays. Il n’y a donc jamais eu de baseséconomiques socialistes (Ex : les nationalisations) ou deconquêtes socialistes à sauvegarder comme le stalinismeet le trotskysme en ont fait leur fond de commerce, leur

35 .« Centralisation du crédit entre les mains de l'État, au moyend'une banque nationale, dont le capital appartiendra à l'État etqui jouira d'un monopole exclusif. Centralisation entre les mainsde l'État de tous les moyens de transport. » Engels et Marx,Manifeste du parti communiste.

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fonction étant ultimement de donner une caution« ouvrière » à un système qui ne l’était plus. Le seulcontenu prolétarien en URSS était donc la dictature duprolétariat, c’est-à-dire les conseils ouvriers avec,agissant en leur sein, un parti ayant une vision claire duprocessus de la révolution mondiale. Ce parti ayantrejeté son principe fondamental en acceptant le principecontre-révolutionnaire du socialisme en un seul pays, ilne restait en URSS qu’un capitalisme d’État dirigé parun parti passé de l’autre côté de la barricade.

Thèse # 18

Aujourd’hui, la plupart des aires géographiques dumonde sont industrialisées et développées. Leprogramme « capitaliste d’État » est complètementobsolète. Cela signifie aussi que l’État de la période detransition n’a pas à assumer de fonction économique. Laterre, les usines, etc. n’ont pas à être nationalisées parun « État prolétarien », mais doivent être directementsocialisées par la communauté. L’État-Commune restecependant indispensable pour réprimer la bourgeoisie etainsi permettre les socialisations.

Thèse # 19

Le risque d’un antagonisme entre le prolétariat et l’État,comme à Kronstadt ou à St-Petersburg pendant lesgrèves de 1921, devient très minime vu que le semi-Étatn’assume pas un rôle de gestion économique, parexemple en étant un État-Patron36 comme Lénine lepréconisait dans l’État et la Révolution.

Thèse # 20

La première mesure économico-sociale que la dictaturedu prolétariat prendra est d’abaisser drastiquement ladurée de la journée de travail. Cette mesure peut seréaliser par la mise au travail des oisifs (la bourgeoisieessentiellement) et par la réorientation des emploisparasitaires associés aux nouvelles classes moyennes(publicité, assurances, management, police, fonctionpublique, etc.). L’abaissement de la durée de la journéede travail pourra permettre au prolétariat de s’adonner àd’autres activités, par exemple le militantisme politique.Dans la période de transition, le principe des bons detravail37 sera momentanément mis de l’avant pourremplacer le salaire et l’argent. En même temps, lasocialisation de la production et de la distribution etl’extension d’institutions communautaires permettront

36 . « Enregistrement et contrôle, tel est l'essentiel, et pour la "miseen route" et pour le fonctionnement régulier de la sociétécommuniste dans sa première phase. Ici, tous les citoyens setransforment en employés salariés de l'État constitué par lesouvriers armés. Tous les citoyens deviennent les employés et lesouvriers d'un seul "cartel" du peuple entier, de l'État. » Lénine,L’État et la Révolution.

37 . Pour approfondir la notion des bons de travail, lire absolumentla Critique du programme de Gotha de Marx, les Principesfondamentaux de production et de répartition communiste parGroupe des Communistes Internationalistes (GIK) et surtout lacritique de ce texte dans la revue Bilan.

l’extension de la gratuité, rendant les bons de travailobsolètes dans la phase supérieure du communisme.

Thèse # 21

Avec l’extension de la révolution mondiale, ledéveloppement des transformations économiques etsociales se vérifie avant tout dans l’extension de lasatisfaction des besoins du prolétariat. En effet, il n’ypas de compétition entre le capitalisme et le premierstade de la société communiste. Le communisme n’apas à être plus démocratique ou plus productif que lecapitalisme. Ce sont là des critères capitalistes que neseront pas en mesure de décrire comment fonctionne lasociété communiste. Le seul critère qui compte est lasatisfaction des besoins du prolétariat.

Thèse # 22

La période de transition et l’État-Commune qui lui estassociée ont joué leur rôle historique quand la sociétéest rendue en mesure de fonctionner selon le principe de« à chacun selon ses besoins, de chacun selon sacapacité » et que « l’administration des hommes »associée à l’État démocratique-bourgeois est remplacépar « l’administration des choses ». Dès lors, l’États’éteint et l’ère de la liberté s’ouvre pour l’humanité.

Robin.

Bibliographie :

- La guerre civile en France, Marx (ainsi que la Préfaced’Engels)

- Critique de programme de Gotha, Marx

- Anti-Durhing, Engels

- L’origine de la famille, de la propriété privé et del’État, Engels

- L’État et la Révolution, Lénine

- Thèses de Rome, Parti communiste d’Italie

- Parti-État-Internationale, Bilan

- Problèmes de la période de transition, Bilan

- Principes fondamentaux de production et derépartition communiste, Groupe des CommunistesInternationaux

- Les internationalistes hollandais sur le programme dela révolution prolétarienne, Bilan

- Thèses sur la nature de l’État et la révolutionprolétarienne, Gauche Communiste de France

- La période de transition du capitalisme au socialisme,Courant Communiste International

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Texte du mouvement ouvrier

ace aux mauvaises interprétations et incompréhensions de nombreux épigones, Friedrich Engels a dûpréciser dans plusieurs correspondances quelle était la méthode du matérialisme historique telle que K.Marx et lui-même l'avaient développée. Aujourd'hui encore, et même plus que jamais, il est hautement utile

de les lire ou relire et d'essayer de faire nôtre cette méthode pour pouvoir appréhender et comprendre lesbouleversements en tous genre que le monde capitaliste connaît depuis 2008. Évidemment, il ne s'agit pas d'en faireun dogme ce qui, de fait, serait déjà l'abandonner et la trahir. Il n'est pas de recette ou de catalogue de critères pourpouvoir la comprendre, l'appliquer et la développer face à chaque situation particulière. Il s'agit au contraired'utiliser « la dialectique matérialiste » qu'Engels définissait comme « notre meilleur instrument de travail et notrearme la plus acérée » (L. Feuerbach et la fin de la philosophie allemande) pour essayer de comprendre le sensprofond des événements et la dynamique qui les sous-tend ; pour saisir la force motrice qui provoque ce qui nous estprésenté comme des “ accidents irrationnels ” comme la victoire du Brexit, l'élection de Trump ou encore lesmenaces de guerre nucléaire à partir de la Corée du Nord…; pour que l'on « ne s'en laisse plus imposer non pluspar les oppositions, irréductibles pour la vieille métaphysique qui a toujours cours, du vrai et du faux, du bien et dumal, de l'identique et du différent, du nécessaire et du contingent » (idem) et du rationnel-irrationnel sommes-noustentés de rajouter...

F

Friedrich Engels, Lettre à Borgius(25 janvier 1894)

Monsieur, voici la réponse à vos questions38.

1. Par les rapports économiques, que nous considéronscomme la base déterminante de l'histoire de la société,nous entendons la façon dont les hommes d'une sociétédonnée produisent leurs moyens d'existence etéchangent entre eux les produits (dans la mesure où il ya division du travail). Il faut donc entendre par làl'ensemble de la technique de la production et desmoyens de transport. Cette technique détermine aussi,d'après nous, le mode de l'échange, partant de larépartition des produits et aussi, après la dissolution dela société fondée sur la gens, la division en classes,partant les rapports de domination et de sujétion, l'Etat,la politique, le droit, etc. De plus, il faut entendre parrapports économiques la base géographique sur laquelleceux-ci se passent et les survivances des stadesantérieurs du développement économique qui se sontmaintenues, souvent uniquement par tradition ou visinertiæ, naturellement aussi le milieu qui entoureentièrement cette forme de société.

Si la technique, comme vous le dites, dépend en grandepartie de l'état de la science, celle-ci dépend plus encorede l'état et des besoins de la technique. La société a-t-elle un besoin technique ? Cela fait plus pour

38 . Cette lettre a paru dans Der sozialistische Akademiker, du 15octobre 1895. Elle répondait aux deux questions suivantes : 1°Dans quelle mesure les rapports économiques sont-ils les causes(cause suffisante, occasion, condition permanente, etc., dudéveloppement), et 2° quel est le rôle que jouent dans laconception historique de Marx et d'Engels la race et lesindividualités historiques. (Note du trad. www.marxist.org).

l'avancement de la science que dix universités. Toutel'hydrostatique (Torricelli, etc.) est née de la nécessitédu besoin de régler les torrents dans l'Italie du XVIe etdu XVIIe siècle. Nous ne savons quelque chose derationnel en électricité que depuis le jour où on adécouvert son emploi technique. Malheureusement ons'est habitué en Allemagne à écrire l'histoire dessciences comme si elles étaient tombées du ciel.

2. Nous considérons les conditions économiquescomme conditionnant en dernière instance ledéveloppement historique. Mais la race est elle-mêmeun facteur économique. Il y a ici deux points qu'il nefaut pas négliger.

a) Le développement politique, juridique,philosophique, religieux, littéraire, artistique,etc., repose sur le développement économique.Ils réagissent tous les uns sur les autres et sur labase économique. Il n'est pas vrai que lasituation économique est la seule cause activeet que tout le reste n'est qu'un effet passif. Maisil y a une action réciproque sur la base de lanécessité économique qui finit toujours parl'emporter en dernière instance. L'État, parexemple, agit par la protection douanière, par lelibre échange, par de bonnes ou de mauvaisesfinances, et même l'épuisement et l'impuissancemortelle des petits bourgeois allemands quiressortait de la situation économique misérablede l'Allemagne de 1648 à 1830, qui se traduisitd'abord par le piétisme, puis par un

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sentimentalisme et par une servilité rampantedevant les princes et la noblesse, ne fut pas sanseffet économique. Ce fut un des plus grandsobstacles au relèvement et il ne fut ébranlé quele jour où les guerres de la Révolution et deNapoléon eurent rendu aiguë la misèrechronique. Il n'y a donc pas, comme on arriveparfois à se le figurer, une action automatiquede la situation économique ; les hommes fonteux-mêmes leur histoire, mais dans un milieudonné qui les conditionne, sur la base derapports réels préexistants, parmi lesquels lesrapports économiques, si influencés qu'ilspuissent être par les autres rapports politiques etidéologiques sont en dernière instance lesrapports décisifs et forment le fil conducteur quipermet seul de la comprendre.

b) Les hommes font eux-mêmes leur histoire, maisjusqu'ici pas avec une volonté générale suivantun plan d'ensemble, même lorsqu'il s'agit d'unesociété donnée et tout à fait isolée. Leurs effortss'entrecroisent et, justement à cause de cela,dans toutes ces sociétés domine la nécessitédont le hasard est le complément et lamanifestation. La nécessité qui se fait jour àtravers tous les hasards, c'est de nouveaufinalement la nécessité économique. Ici il nousfaut parler des soi-disant grands hommes. Quetel grand homme et précisément celui-ciapparaît à tel moment, dans tel pays, cela n'estévidemment que pur hasard. Mais supprimons-le, il y a demande pour son remplacement et ceremplacement se fait tant bien que mal, mais ilse fait à la longue. Que le Corse Napoléon aitété précisément le dictateur militaire dont laRépublique française épuisée par ses guerresavait besoin, ce fut un hasard ; mais qu'en casde manque d'un Napoléon un autre eût pris laplace, cela est prouvé par ce fait que chaquefois l'homme s'est trouvé, dès qu'il étaitnécessaire: César, Auguste, Cromwell, etc. Sic'est Marx qui a découvert la conceptionmatérialiste de l'histoire, Thierry, Mignet,Guizot, tous les historiens anglais jusqu'en

1850, prouvent qu'il y avait tendance à cequ'elle se fasse, et la découverte de cette mêmeconception par Morgan prouve que le tempsétait mûr pour elle, et qu'elle devait êtredécouverte.

Il en est de même pour tous les autres hasards ouprétendus tels de l'histoire. Plus le domaine que nousconsidérons s'éloigne du domaine économique et serapproche du domaine idéologique purement abstrait,plus nous trouvons qu'il y a de hasards dans sondéveloppement, plus sa courbe présente de zigzags.Mais si vous tracez l'axe moyen de la courbe, voustrouverez que plus large est la période considérée et plusvaste le domaine étudié, d'autant plus cet axe tend àdevenir presque parallèle à l'axe du développementéconomique.

Le plus grand obstacle à l'exacte intelligence des chosesprovient en Allemagne de la négligence injustifiable oùest laissée l'histoire économique. Il est si difficile nonseulement de se débarrasser des idées historiques quinous ont été inculquées à l'école, mais plus encore deréunir les matériaux nécessaires. Quel est celui, parexemple, qui a lu le vieux G. von Gulich qui, dans sasèche accumulation de faits, a réuni de si nombreuxmatériaux qui permettent d'expliquer d'innombrablesévénements politiques !

Je crois d'ailleurs que le bel exemple donné par Marxdans le 18 Brumaire sera pour vous une réponsesuffisante, et cela parce qu'il est un exemple pratique. Jecrois, de plus, avoir traité les points les plus importantdans mon Antidühring, livre I, chap. ix et xi ; livre II,chap. ii et iv, et livre III, chap. i et dans l'introduction, etaussi dans la dernière partie de Feuerbach.

Je vous prie enfin de ne pas prendre, dans ce quiprécède, les mots au pied de la lettre, mais de considérerl'ensemble de ma réponse ; je regrette de ne pas avoir letemps de soigner ma réponse comme je devrais le fairepour un écrit destiné à la publicité.

Je vous prie de me rappeler au souvenir de M... et de leremercier en mon nom pour l'envoi des....., qui m'ontfait grand plaisir.

Votre tout dévoué,

F. Engels.

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NOS POSITIONS

• Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme estun système social décadent. Il a plongé à deux reprisesl’humanité dans un cycle barbare de crise, guerre mondiale,reconstruction, nouvelle crise. Il n’y a qu’une seule alternativedevant ce déclin historique irréversible : socialisme oubarbarie.

• La Commune de Paris de 1871 fut la première tentativedu prolétariat pour mener à bien cette révolution, à une époqueoù les conditions n’étaient pas encore mûres. Avec la situationdonnée par l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence,la révolution d’Octobre 1917 en Russie fut le premier pas d’uneauthentique révolution communiste mondiale dans une vaguerévolutionnaire internationale qui mit fin à la guerreimpérialiste et se prolongea plusieurs années. L’échec de cettevague révolutionnaire, en particulier en Allemagne en 1919-23,condamna la révolution en Russie à l’isolement et à une rapidedégénérescence. Le stalinisme ne fut pas le produit de larévolution russe, mais son fossoyeur.

• Les régimes étatisés qui, sous le nom de " socialistes "ou " communistes ", ont vu le jour en URSS, dans les pays de l’estde l’Europe, en Chine, à Cuba, etc., n’ont été que des formesparticulièrement brutales d’une tendance universelle aucapitalisme d’Etat, propre à la période de décadence.

• Depuis le début du 20e siècle, toutes les guerres sont desguerres impérialistes, dans la lutte à mort entre Etats, petits ougrands, pour conquérir ou garder une place dans l’arèneinternationale. Ces guerres n’apportent à l’humanité que la mortet la destruction à une échelle toujours plus vaste. La classeouvrière ne peut y répondre que par sa solidarité internationaleet la lutte contre la bourgeoisie dans tous les pays.

• Toutes les idéologies nationalistes, d’" indépendancenationale ", de " droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ", quelque soit leur prétexte, ethnique, historique, religieux, etc., sontun véritable poison pour les ouvriers. En visant à leur faireprendre parti pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie,elles les mènent à se dresser les uns contre les autres et à s’entre-massacrer derrière les ambitions et les guerres de leursexploiteurs.

• Dans le capitalisme décadent, le parlement et lesélections sont une mascarade. Tout appel à participer au cirqueparlementaire ne fait que renforcer le mensonge présentant cesélections comme un véritable choix pour les exploités. La" démocratie ", forme particulièrement hypocrite de la dominationde la bourgeoisie, ne diffère pas, sur le fond, des autres formesde la dictature capitaliste que sont le stalinisme et le fascisme.

• Toutes les fractions de la bourgeoisie sont égalementréactionnaires. Tous les soi-disant partis " ouvriers "," socialistes ", " communiste " (les ex-" communistes " aujourd’hui),les organisations gauchistes (trotskistes, maoïstes, anarchistes),constituent la gauche de l’appareil politique du capital. Toutes lestactiques de " front populaire ", " front anti-fasciste " ou " frontunique ", mêlant les intérêts du prolétariat à ceux d’une fractionde la bourgeoisie, ne servent qu’à contenir et détourner la luttedu prolétariat.

• Avec la décadence du capitalisme, les syndicats se sontpartout transformés en organes de l’ordre capitaliste au sein duprolétariat. Les formes d’organisation syndicales, " officielles " ou" de base ", ne servent qu’à encadrer la classe ouvrière et àsaboter ses luttes.

• Pour son combat, la classe ouvrière doit unifier sesluttes, en prenant elle-même en charge leur extension et leur

organisation, par les assemblées générales souveraines et lescomités de délégués, élus et révocables à tout instant par cesassemblées.

• Le terrorisme n’est en rien un moyen de lutte de la classeouvrière. Expression des couches sociales sans avenir historiqueet de la décomposition de la petite-bourgeoisie, quand il n’est pasdirectement l’émanation de la guerre que se livrent enpermanence les Etats, il constitue toujours un terrain privilégiéde manipulation de la bourgeoisie. Prônant l’action secrète depetites minorités, il se situe en complète opposition à la violencede classe qui relève de l’action de masse consciente et organisée duprolétariat.

• La classe ouvrière est la seule classe capable de mener àbien la révolution communiste. La lutte révolutionnaire conduitnécessairement la classe ouvrière à une confrontation avec l’Etatcapitaliste. Pour détruire le capitalisme, la classe ouvrière devrarenverser tous les Etats et établir la dictature du prolétariat àl’échelle mondiale : le pouvoir international des conseils ouvriers,regroupant l’ensemble du prolétariat.

• La transformation communiste de la société par lesconseils ouvriers ne signifie ni " autogestion ", ni" nationalisation " de l’économie. Le communisme nécessitel’abolition consciente par la classe ouvrière des rapports sociauxcapitalistes : le travail salarié, la production de marchandises, lesfrontières nationales. Il exige la création d’une communautémondiale dont toute l’activité est orientée vers la pleinesatisfaction des besoins humains.

• L’organisation politique révolutionnaire constitue l’avant-garde du prolétariat, facteur actif du processus de généralisationde la conscience de classe au sein du prolétariat. Son rôle n’est nid’" organiser la classe ouvrière ", ni de " prendre le pouvoir " enson nom, mais de participer activement à l’unification des luttes,à leur prise en charge par les ouvriers eux-mêmes, et de tracerl’orientation politique révolutionnaire du combat du prolétariat.

NOTRE ACTIVITE

• La clarification théorique et politique des buts et desmoyens de la lutte du prolétariat, des conditions historiques etimmédiates de celle-ci.

• L’intervention organisée, unie et centralisée au niveauinternational, pour contribuer au processus qui mène à l’actionrévolutionnaire de la classe ouvrière.

• Le regroupement des révolutionnaires en vue de laconstitution d’un véritable parti communiste mondial,indispensable au prolétariat pour le renversement de ladomination capitaliste et pour sa marche vers la sociétécommuniste.

NOTRE FILIATION

• Les positions des organisations révolutionnaires et leuractivité sont le produit des expériences passées de la classeouvrière et des leçons qu’en ont tirées tout au long de l’histoire sesorganisations politiques. Le GIGC se réclame ainsi des apportssuccessifs de la Ligue des Communistes de Marx et Engels (1847-52), des trois Internationales (l’Association Internationale desTravailleurs, 1864-72, l’Internationale Socialiste, 1889-1914,l’Internationale Communiste, 1919-28), des fractions de gauche quise sont dégagées dans les années 1920-30 de la 3e Internationalelors de sa dégénérescence, en particulier les gauches allemande,hollandaise et italienne, et des groupes de la Gauche communistequi se sont développés en particulier dans les années 1970 et 1980et qui sont issus de ces fractions.