réponse de c.g. jamin à l’article de f. flory et al

2
conjugale dans un centre de planification permettraient d’évoquer les difficultés de leur vie d’adolescente, leur mal- être et leurs projets futurs. En effet, comment concevoir qu’une jeune fille prenne une pilule contraceptive tous les jours, sans oubli, sans qu’elle se soit interrogée sur son avenir, sur son désir de grossesse ou son désir d’enfant ? 2. L’ENTRETIEN PRÉ-IVG En termes de prévention de la répétition de l’IVG, il nous semble qu’un outil particulièrement adapté existe déjà : l’entretien psychosocial pré-IVG. Rappelons qu’en France, il doit être proposé à toute femme et qu’il est obligatoire pour la jeune fille mineure. Il doit être effectué par une conseillère conjugale et familiale (CCF) [4]. La question du sens est au cœur de cette rencontre avec une professionnelle de l’écoute. En offrant à la jeune fille un espace de parole, il s’agit de lui permettre de mettre des mots sur son ressenti, d’identifier des sentiments, peut-être contradictoires, afin de sortir d’une possible confusion. L’enjeu essentiel pour la femme enceinte est de donner sens à cette grossesse qui est là, bien qu’elle ne l’ait pas souhaitée, de faire des liens avec son histoire personnelle et celle de sa famille. « Bien conduit l’entretien pré-IVG peut comporter une dimension structurante pour la personne : en nommant la réalité, en prenant la parole dans l’espace ouvert par une écoute bienveillante, le sens de la décision peut se construire et s’inscrire dans l’histoire de celle qui s’y trouve confrontée » [5]. Durant l’entretien, le rôle de la CCF est d’écouter. Écouter ce n’est ni encourager, ni dissuader ; écouter c’est permettre à l’autre de progresser dans la compréhension de lui-même. Chez les mineures, la grossesse peut être un appel, le désir d’une autre vie, d’un nouveau statut ; il est essentiel de permettre à la jeune fille d’y voir plus clair, d’élaborer autour d’un désir de grossesse et/ou d’un désir d’enfant. . . Il nous semble que ce travail de meilleure connaissance de soi et des enjeux en présence est un passage obligé ; la prévention de la répétition de l’IVG ne peut faire l’économie de deux questions : qu’est-ce qui se joue dans cette grossesse ? Qu’est-ce qui se joue dans cette IVG ? DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES [1] Circulaire n o 2003-027 du 17/02/2003. L’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées. [2] Circulaire n o 2006-197 du 30/11/2006. Comité d’éducation à la santé et la citoyenneté. [3] Godeau E, et al. Facteurs associés à une initiation sexuelle précoce chez les filles : données françaises de l’enquête internationale HBSC/OMS. Gynecol Obstet Fertil 2008;36:176–82. [4] Toute l’information sur l’interruption volontaire de grossesse. Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr/consultationpsychosociale.html. [5] Mortureux A. La place de la parole dans l’entretien pré-IVG. Laennec 2010;58:6–17. S. de Lambilly, P. Panel * Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay, France *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Panel) Reçu le 10 janvier 2014 Disponible sur Internet le 29 avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.03.003 Re ´ponse de C.G. Jamin a ` l’article de F. Flory et al. C. Jamin in reply to the article by F. Flory et al. Caractéristiques sociodémographiques et médicales des interruptions volontaires de grossesse des mineures en Guadeloupe. Gynecol Obstet Fertil 2014;42:240–5 Le problème des grossesses non désirées, en particulier chez les mineures, fait couler beaucoup d’encre et l’exemple de la Guadeloupe est particulièrement intéressant du fait de la prévalence des IVG dans cette région. Pour ma part je pense qu’il faut aborder cette question par deux voies indépendantes. Tout d’abord le problème de la mise en situation de risque de la femme par elle-même. Comme cela est bien rappelé dans cet article, le nœud de cette question se trouve dans l’éducation si possible précoce en milieu scolaire, comme cela a été réalisé en Finlande et aux Pays-Bas. On pourrait alors espérer voir diminuer le nombre de femmes sans contraception du tout, ayant une vie sexuelle et sans désir de grossesse. En population générale ce taux est faible, 3 %, représentant 30 % des IVG. Il est peu probable que l’on puisse le réduire de manière drastique. En revanche ce taux est beaucoup plus élevé dans certains sous-groupes : 33 % dans le sous-groupe de cet article, ici il existe une importante marge de manœuvre. La seconde façon pour une femme de se mettre en situation de risque est représenté par les troubles de l’adhésion à la contraception. Les troubles de l’adhésion sont soit des problèmes d’observance (prise régulière de la contraception) très certainement importants dans les contraceptions « au coup par coup » (préservatifs, méthodes naturels. . .) l’acte contraceptif est directement lié au rapport sexuel. Proba- DOI de l’article original : 10.1016/j.gyobfe.2013.05.001. Lettres à la rédaction / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 370–373 372

Upload: cg

Post on 12-Jan-2017

212 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Réponse de C.G. Jamin à l’article de F. Flory et al

conjugale dans un centre de planification permettraientd’évoquer les difficultés de leur vie d’adolescente, leur mal-être et leurs projets futurs. En effet, comment concevoir qu’unejeune fille prenne une pilule contraceptive tous les jours, sansoubli, sans qu’elle se soit interrogée sur son avenir, sur sondésir de grossesse ou son désir d’enfant ?

2. L’ENTRETIEN PRÉ-IVG

En termes de prévention de la répétition de l’IVG, il noussemble qu’un outil particulièrement adapté existe déjà :l’entretien psychosocial pré-IVG. Rappelons qu’en France, ildoit être proposé à toute femme et qu’il est obligatoire pour lajeune fille mineure. Il doit être effectué par une conseillèreconjugale et familiale (CCF) [4]. La question du sens est aucœur de cette rencontre avec une professionnelle de l’écoute.En offrant à la jeune fille un espace de parole, il s’agit de luipermettre de mettre des mots sur son ressenti, d’identifier dessentiments, peut-être contradictoires, afin de sortir d’unepossible confusion. L’enjeu essentiel pour la femme enceinte estde donner sens à cette grossesse qui est là, bien qu’elle ne l’aitpas souhaitée, de faire des liens avec son histoire personnelle etcelle de sa famille.

« Bien conduit l’entretien pré-IVG peut comporter unedimension structurante pour la personne : en nommant laréalité, en prenant la parole dans l’espace ouvert par uneécoute bienveillante, le sens de la décision peut se construire ets’inscrire dans l’histoire de celle qui s’y trouve confrontée » [5].

Durant l’entretien, le rôle de la CCF est d’écouter. Écouterce n’est ni encourager, ni dissuader ; écouter c’est permettre àl’autre de progresser dans la compréhension de lui-même.

Chez les mineures, la grossesse peut être un appel, le désir

[5] Mortureux A. La place de la parole dans l’entretien pré-IVG. Laennec2010;58:6–17.

S. de Lambilly, P. Panel*

Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de Versailles,177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay, France

*Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Panel)

Reçu le 10 janvier 2014Disponible sur Internet le 29 avril 2014

http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.03.003

Reponse de C.G. Jamin a l’article deF. Flory et al.C. Jamin in reply to the article byF. Flory et al.

Caractéristiques sociodémographiques et médicales desinterruptions volontaires de grossesse des mineuresen Guadeloupe. Gynecol Obstet Fertil 2014;42:240–5

Le problème des grossesses non désirées, en particulierchez les mineures, fait couler beaucoup d’encre et l’exemple dela Guadeloupe est particulièrement intéressant du fait de laprévalence des IVG dans cette région.

Lettres à la rédaction / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 370–373372

d’une autre vie, d’un nouveau statut ; il est essentiel depermettre à la jeune fille d’y voir plus clair, d’élaborer autourd’un désir de grossesse et/ou d’un désir d’enfant. . . Il noussemble que ce travail de meilleure connaissance de soi et desenjeux en présence est un passage obligé ; la prévention de larépétition de l’IVG ne peut faire l’économie de deux questions :qu’est-ce qui se joue dans cette grossesse ? Qu’est-ce qui sejoue dans cette IVG ?

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

RÉFÉRENCES

[1] Circulaire no 2003-027 du 17/02/2003. L’éducation à la sexualité dans les

écoles, les collèges et les lycées.

[2] Circulaire no 2006-197 du 30/11/2006. Comité d’éducation à la santé et lacitoyenneté.

[3] Godeau E, et al. Facteurs associés à une initiation sexuelle précoce chez lesfilles : données françaises de l’enquête internationale HBSC/OMS. GynecolObstet Fertil 2008;36:176–82.

[4] Toute l’information sur l’interruption volontaire de grossesse. Disponiblesur : http://www.sante.gouv.fr/consultationpsychosociale.html.

Pour ma part je pense qu’il faut aborder cette question pardeux voies indépendantes.

Tout d’abord le problème de la mise en situation de risquede la femme par elle-même. Comme cela est bien rappelé dans

cet article, le nœud de cette question se trouve dansl’éducation si possible précoce en milieu scolaire, comme celaa été réalisé en Finlande et aux Pays-Bas.

On pourrait alors espérer voir diminuer le nombre defemmes sans contraception du tout, ayant une vie sexuelle etsans désir de grossesse. En population générale ce taux estfaible, 3 %, représentant 30 % des IVG. Il est peu probable quel’on puisse le réduire de manière drastique. En revanche ce tauxest beaucoup plus élevé dans certains sous-groupes : 33 % dansle sous-groupe de cet article, ici il existe une importante margede manœuvre.

La seconde façon pour une femme de se mettre en situationde risque est représenté par les troubles de l’adhésion à lacontraception. Les troubles de l’adhésion sont soit des

problèmes d’observance (prise régulière de la contraception)très certainement importants dans les contraceptions « aucoup par coup » (préservatifs, méthodes naturels. . .) où l’actecontraceptif est directement lié au rapport sexuel. Proba-

DOI de l’article original : 10.1016/j.gyobfe.2013.05.001.

Page 2: Réponse de C.G. Jamin à l’article de F. Flory et al

Lettres à la rédaction / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 370–373 373

blement nettement moins à risque sont les oublis de pilule,fréquents, mais semblant induire peu de grossesses. L’autrevolet de l’adhésion est la persistance avec les arrêtsintempestifs (50 % des ados interrompent la pilule dans les6 mois qui suivent la contraception), mais probablement aussitrès délétères sont les périodes de « vacance contraceptive »20 % des femmes restent deux mois par an sans pilule enconservant une activité sexuelle (In press).

Bien que l’éducation puisse influer sur ces problèmesd’adhésion, il ne me semble pas, au moins pour ces périodes devacance, que le résultat à attendre soit spectaculaire.

Si l’on prend acte de ces mises en situation de risque,comment pallier leurs conséquences ?

Tout d’abord en privilégiant les LARC (long acting reversiblecontraception) : DIU et implant pour lesquels il n’y a pas deproblème d’observance et nettement moins de troubles de lapersistance, puisque la vacance contraceptive demande uneintervention médicale. Les DIU ne peuvent que peu être utiliséschez certaines ado, comme cela est bien mis en exergue dansl’article, du fait de l’instabilité relationnelle induisant un fortrisque d’IST.

L’autre façon de lutter contre ces problèmes d’adhésionserait la généralisation de la contraception d’urgence disponible(disponibilité sans prescription déjà en partie réalisée ou

surtout achat d’avance). Cette mesure a fait la preuve de sonefficacité à l’échelon individuel et non à l’échelle d’unepopulation, du fait qu’à ce jour cette disponibilité immédiateest encore trop peu répandue.

En navigant entre ces deux approches on peut probablementespérer une amélioration de cette situation de stagnationdésespérante du nombre des IVG.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Consultant ou membre d’un comité scientifique.Laboratoires Effik, HRA, MSD, Téva.

C.G.JaminService de gynécologie-obstétrique, Gynecole.com, 169,

boulevard Haussmann, 75008 Paris, France

Addresse e-mail [email protected]

Reçu le 7 janvier 2014Disponible sur Internet le 29 avril 2014

http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.03.002