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A. Messin - "Culture générale : la propagande médiatique" 1 REP 3 : « La propagande médiatique ». Propagande : latin verbe propagare (multiplier par boutures / transmettre en élargissant) Marketing politique (Michel Bongrand, Splendeurs et misères de la politique, 1986) : « ensemble de techniques sur mesure ayant pour objectif de favoriser l'adéquation d'un candidat à son électorat potentiel, de le faire connaître par le plus grand nombre d'électeurs et par chacun d'eux, de créer la différence avec les concurrents, et avec un minimum de moyens d'optimiser le nombre de suffrages qu'il importe de gagner au cours de la campagne ». Persuasion politique (Monica Charlot, La persuasion politique, 1970) : « rencontre, en politique, de la publicité et de la psychosociologie ». Prosélytisme : zèle pour convertir ou gagner quelqu'un à une opinion, une foi, un système.

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A. Messin - "Culture générale : la propagande médiatique"

1

REP 3 : « La propagande médiatique ».

Propagande : latin verbe propagare (multiplier par boutures / transmettre en élargissant)

Marketing politique (Michel Bongrand, Splendeurs et misères de la politique, 1986) : « ensemble de techniques sur mesure ayant pour objectif de favoriser l'adéquation d'un candidat à son électorat potentiel, de le faire connaître par le plus grand nombre d'électeurs et par chacun d'eux, de créer la différence avec les concurrents, et avec un minimum de moyens d'optimiser le nombre de suffrages qu'il importe de gagner au cours de la campagne ».

Persuasion politique (Monica Charlot, La persuasion politique, 1970) : « rencontre, en politique, de la publicité et de la psychosociologie ».

Prosélytisme : zèle pour convertir ou gagner quelqu'un à une opinion, une foi, un système.

A. Messin - "Culture générale : la propagande médiatique"

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Essor considérable des moyens de communication de masse au XX° = tournant dans l’utilisation des techniques de persuasion et de manipulation.

Au départ médias = instruments de progrès (meilleure circulation de l’information au sein de la société).

Puis mission détournée pour asseoir une autorité sur le peuple = détournement des supports de communication afin d’obtenir ou de conserver le pouvoir : guerre de 14-18, prise de pouvoir d’Hitler en 1933, etc.

Processus récurrents : gouvernants s’emparent des stations de radio ou de TV, musèlent la presse (et donc la libertéd’expression), contrôlent et filtrent l’information diffusée.

� Médias = vecteurs d’une propagande politique et idéologiqueefficaceIls obéissent à des techniques de manipulation sophistiquées.

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Propagande politique = formes de persuasion dite “dure”.Coexiste avec techniques de persuasion dite “douce”

= méthodes des conseillers en communication politique (sur modèle communication “marketing”) ;

et propagande sociologique = procédés par lesquels une société diffuse style de vie et valeurs (via la publicité, le cinéma et TV : films, feuilletons qui diffusent des normes).

Techniques de persuasion commerciale s’appuient sur médias (recours à des slogans, des images)

� persuasion souvent assimilée à une forme de manipulation.

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Compréhension de persuasion médiatisée (dure ou douce, politique ou commerciale) nécessite une analyse critique des procédés de manipulation mis en œuvre pour convaincre les citoyens de soutenir tel régime ou les consommateurs d’acheter tel produit.

Constat : on tente de convaincre en séduisant, en dramatisant et en fabricant un message conçu pour tromper partiellement ou totalement le récepteur (Hitler, Benetton etc.)

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n Publicité politique ?

Première approche : propagande = promotion de l'idée / publicité = promotion de l'objet / star-system = promotion de la personne. Or aujourd'hui : foire aux images et tout se mélange.

Seconde approche : publicité prescriptive (tolère la concurrence et en vit) s’opposerait à propagande proscriptive (elle exclut la concurrence et elle en meurt). Or opposition ‘propagande hard / publicité soft’ ne tient plus : publicité comparative rend la publicité parfois hard et la politique joue d'avantage sur la séduction que sur la dénonciation et utilise toutes les ressources du langage soft.

Troisième approche : publicité politique serait une des branches de la publicité commerciale (propos du marketing politique des années 60 : on vend un président comme une savonnette). Or échange politique est d'un ordre différent de l'échange commercial.

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n Histoire de la propagande politique :

- Age de l'édification (sens architectural et moral) = pyramides etc.

- Age de la propagation : faire circuler un message pour qu'il touche le maximum de personnes et qu'il les mette en condition (développement des techniques de l'imprimé favorise la propagation).

- Age de la persuasion : appel à l'opinion publique qu'on veut mobiliser ; passage progressif de l'âge de la propagation à l'âge de la persuasion lors de la Révolution Française. Il ne suffit pas de faire connaître l'information au peuple, il faut le persuader qu'il est de son intérêt et de l'intérêt général de voter, de se mobiliser etc. : caricature, affiche, imagerie d'Épinal.

- Age de la grande diffusion (guerre 1914-1918 : propagande devient une industrie).

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n Constantes de la communication politique :

1. Professionnalisation de la communication politique

2. Régression du militantisme politiqueCause = montée du marketing politique, retombée des grandes utopies politiques et crise.

3. Effacement progressif des supports images fixes au profit de la télévision considérée comme le support de référence (théâtralisation de la vie politique + montée des sondages).

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n Marketing politique

Passage du marketing de l'offre (voilà qui je suis) au marketing de la demande (c'est moi qui peux le mieux répondre à vos attentes).

Le candidat ne va pas être élu sur un programme qu'il va appliquer par la suite.

Il se construit une image de marque qui lui garantit son élection et c'est ensuite qu'il va tenter d'appliquer son programme.

� Communication politique se cale de plus en plus sur un modèle d'actionnariat politique fondé sur la gestion du portefeuille de l'opinion publique et sur une éthique de la transaction (J-P. Gourevitch, L’image en politique, 1998).

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1. Le modèle de la « piqûre hypodermique » et ses limites.

Le terme de “propagande” n’a au départ pas de connotation péjorative.

Apparaît au XVII° dans un discours du pape Grégoire XV : le mot désigne l’action de propager une doctrine religieuse.

Plus tard (révolution française) il englobera la diffusion d’idées politiques.

Au XX°il prend une signification plus négative :il décrit l’action consistant à convaincre l’opinion de soutenir un parti politique ou un gouvernement (en utilisant tous les moyensde persuasion disponibles).

� But de propagande = exercer une influence sur les personnes.

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q Penser la propagande

Gustave Lebon (La psychologie des foules, 1895 )

Puissance de la foule anonyme = décadence de la société

La foule a une unité mentale

La foule fonctionne à la suggestibilité (leader)

La foule procède par pulsion, elle est manipulable

C’est la foule et non la presse qui crée l’opinion publique

� montre les mécanismes de la propagande

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Serge Tchakhotine(Le viol des foules par la propagande politique, 1939)

Propagande résulte d’un maniement habile des associations d’idées.

Société atomisée (individus esseulés) = proie facile pour les mass-médias.

Théorie de la propagande selon 4 types de pulsions : - pulsions combatives et alimentaires ; - pulsions sexuelles et parentales.

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Propagande parvient à détourner pulsions (surtout la combative) à son avantage et (grâce à répétition) crée un état de fatigue mentale favorable à l’assujettissement de la volonté.

Symbolisme de la propagande nazie (croix gammée, hymnes etc.) = preuve que l’homme peut être une proie facile.

Ainsi la presse écrite et la radio deviennent outils efficaces de manipulation de l’opinion publique.

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Gabriel Tarde (L’opinion et la foule, 1901)

La foule est aussi imitation

Les journaux favorisent des opinions partagées (le public)

� La presse est un ciment social !

Elle crée l’opinion publique

Les journalistes ont un rôle clé à jouer

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q Le courant empiriste américain

Approche behaviouriste

Les individus sont conditionnés par la propagande médiatique et politique (réflexe conditionné de Pavlov)

Le récepteur des médias est passif (schéma linéaire)

= modèle de la « piqûre hypodermique » (Laswell) :« qui, dit quoi, à qui, par quel

canal, avec quel effet ? »

Émetteur � récepteur

= effet direct des médias sur le récepteur

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- Vision schématique de la communication -

Modèle qui n’a plus de pertinence aujourd’hui (sauf dans le cadre d’un régime totalitaire !)

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Approche empirico-fonctionnaliste

Tradition de recherche anglo-saxonne (1930-1970)

Principaux auteurs : P. Lazarsfeld (The people’s choice. Personnal influence), Berelson, E. Katz, C. Wright

Modèle du two step flow :

Importance des groupes d’influence

Émetteurs

Leaders d'opinion

Récepteurs

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Les médias ne font pas les élections

Communication indirecte en deux temps

Effets indirects et limités des médias sur les individus

La perspective s’inverse :

« que font les gens des médias ? »

Émetteur → Récepteur

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Courant « uses and gratifications »

C.R. WRIGHT (Sociologie de l’information, 1973)

Études quantitatives et qualitatives (que pensent les gens des médias etc.)

Prise en compte des usages et de la satisfaction : dès que le récepteur a des besoins, les médias ont des fonctions.

R. Wright propose une typologie des fonctions remplies par les médias dans la société :

- Fonctions manifestes - Fonctions latentes - Dysfonctions (= perturbations, catégorie fourre-tout)

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Fonctions manifestes :

m Renforcer le contrôle des gouvernants.

m Favoriser les échanges des individus (reliancesociale) : la presse est un ciment social.

m Catharsis afin de combler les frustrations (purger les passions).

Fonctions latentes :

= fonctions invisibles.

m Effet narcotique des médias.

m Phénomène d’évasion rendu possible via les médias (fiction…).

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Critiques de cette typologie :

q Apologie de la société américaine (les dysfonctions sont rares)

q Typologie réductrice : la notion de fonction fait abstraction de l’environnement social, politique et économique (coupée de la réalité).

Apports :

Courant de pensée qui a contribué à faire progresser la réflexion sociologique autour de cette question des médias et de la propagande.

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q L’approche critique des médias : l’École de Francfort

Idée : mettre en place une théorie critique qui renverse l’ordre établi (= théorie engagée et militante).

T. Adorno, W. Benjamin, H. Marcuse : les moyens de communication sont les instruments du conformisme.

L’école de Francfort critique :

q L’industrie culturelle, caractérisée par le profit et la marchandisation des œuvres et des biens culturels.

q La culture de masse qui en découle et qui uniformise les individus. Elle rend le récepteur passif et les auteurs se positionnent contre cette uniformisation de la culture et de la pensée.

Reproche à ce courant de pensée :

Approche un peu simpliste car récepteur passif mais juste par rapport à la culture de masse (TV moderne fonctionne à la rentabilité et à l’audience), sorte de propagande culturelle ?.

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q L’École de Palo Alto

Idée : prône une nouvelle communication. Ce courant met l’accent sur le langage non-verbal.

E. Hall, Bateson et Watzlawick, Birdwhistell, Goffman : la communication n’est pas uniquement un acte conscient. C’est aussi un ensemble de gestes appartenant à des codes culturels.

Observations : chaque culture a un rapport à l’espace très précis (inconsciemment l’individu délimite son territoire).

Très étudiée pour la communication politique.

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q Les études culturalistes (« cultural studies »)

Idée : médias véhiculent une idéologie dominante et favorisent une pensée uniformisante. Ils ont un poids sur les comportements des individus (même si le récepteur dispose d’une marge de manœuvre).

Richard Hoggart (La culture du pauvre, 1957) :- étude sur la classe ouvrière (années 1950) : enquêtes de

contenu et de terrain.- résultats : les ouvriers lisent du ‘bas de gamme’ mais ne sont

pas dupent (distanciation critique).

→ Ce n’est pas parce que les individus consomment qu’ils sont passifs (fossé entre l’offre et la consommation réelle). Idem séries TV, presse people, propagande politique etc.

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2. Le pouvoir des médias ?

q La médiologie

Approche proposée par Régis Debray (1980-90).

Dénonce la médiatisation du débat TV, la séduction du citoyen par l’État, la main mise du pouvoir médiatique sur le débat d’idées.

Définition : étude de tout ce qui désigne les moyens de transmission et de circulation symboliques qui organisent notre vision du monde.

Objectif = analyse des objets techniques (dont les médias traditionnels) et des supports matériels en lien avec le savoir (art, image TV, communication politique etc.).

Le support matériel/technique a une importance dans la compréhension des phénomènes médiatiques.

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Histoire de l’humanité se divise en trois sphères :

- Logosphère : parole, mythe, début de l’écriture,

- Graphosphère : imprimerie, livre, citoyenneté,

- Vidéosphère : règne de l’image, spectacle, starisation.

Pour R. Debray l’image représente un danger car elle joue sur l’instantané et non plus sur le raisonnement.

Or pour lui seul l’écrit est l’instrument de la culture.

Cf. Charles Peirce : théorie sur le signe (Écrits sur le signe, 1978).

3 notions servent à déchiffrer le discours médiatique :

- Indice = traces (signes) sensibles d’un phénomène = communication indicielle (exemple : pâleur visage).

- Icône = représentation d’un phénomène réel (exemple : photo, panneau).

- Symbole = signe arbitraire sans continuité avec la réalité(exemple : colombe = paix).

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→ Pour Régis Debray la communication politique est désormais une communication indicielle (contact affectif = état séducteur) et non plus symbolique (rose, croix de Lorraine) : la démocratie ne peut fonctionner qu’avec des indices.

q Courant de pensée du déterminisme technique.

Idée : le médium (livre, presse, image etc.) conditionne la réception.

Harold INNIS :

- L’histoire sociale de l’humanité se comprend en analysant l’histoire sociale de la transmission des savoirs.

Les médias sont des moyens de pouvoir : celui qui détient les médias détient le pouvoir et le savoir.

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Marshall MCLUHAN : s’inspire de H. Innis.

q Le village global : idée qu’avec les nouveaux moyens de communication on aboutit à un réseau planétaire globalisé (on est tous reliés les uns aux autres).

q Les médias sont les prolongements des 5 sens de l’homme (ils favorisent une participation des individus) :

- médias froids : forte participation

- médias chauds : faible participation

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q Histoire de l’humanité expliquée selon que les médias privilégient l’oral ou l’écrit :

- époque orale/tribale (médias froids = voix pour déchiffrer les mythes, forte participation),

- époque de l’alphabétisation (papyrus = médias chauds et froids),

- époque typographique (médias chauds = imprimerie, livres),

- époque électronique (médias froids = télévision, informatique),

- (époque de retribalisation) ?

Approche intéressante car intérêt au médium mais déterminisme technique = oubli du social.

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q La sociologie de la réception

Le modèle ‘texte-lecteur’ est une tradition de recherche qui englobe tous les courants de pensées (école de Francfort, empirique etc.).= convergence des points de vue.

La réception se fait sur ce modèle : - texte = tout texte diffusé (image, son, écrit etc.)- lecteur = celui qui déchiffre un texte médiatique.

La réception des messages se comprend en prenant en compte à la fois l’émetteur et le récepteur (manière dont le texte est encodé en amont et décodé en aval).

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Postulats :- la signification d’un texte ne fait pas partie intégrante du texte

(multiples lectures et interprétations).- pas de raison qu’un message soit automatiquement décodé

comme il a été encodé (environnement culturel différent).- le récepteur est actif et fortement socialisé (il a des ressources

selon son environnement social et culturel).

La lecture varie selon les individus et les communautés. Tous les chercheurs s’accordent sur ce modèle ‘texte-lecteur’.

Seule distinction au sujet de l’autonomie du récepteur (liberté : courant empirique ; limitée : cultural studies).

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q Les médias : quel pouvoir ?

Quatrième pouvoir

Fin 18°→ Edmond BURKE (Réflexions sur la révolution française, 1790) : la presse est un quatrième pouvoir qui a favorisé la prise de parole du peuple (même importance que les autres pouvoirs, dont le pouvoir politique).

Aussi, terme employé par Balzac en 1840 : journalistes détiennent le quatrième pouvoir.

� Les trois pouvoirs sont le législatif, exécutif, judiciaire. A côté, il y a pour ces auteurs celui de la presse.

L’expression a eu du succès et est encore utilisée. Or les journalistes ne sont pas élus donc abusif de parler de ‘ pouvoir ’.

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Contre-pouvoir

USA : conception du journalisme comme “ adversary journalism ”, s’oppose au pouvoir politique (indépendant) depuis Water Gate.

Mais contre exemple : cf. affaire Monika Levinski (forte médiatisation n’a pas conduit à la démission du président).

France : conception dominante n’est pas celle des anglais (détectives, investigations) : journalistes sont des intermédiaires mais pas un contre pouvoir. Cf Rémy Rieffel (Les Journalistes français à l'aube de l'an 2000. Profils et parcours, 2001).

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Médiacratie

Impact de l’image pris en compte par les politiques (sensibles à leur mode d’intervention sur le petit écran) :

- TV contrôlée par le pouvoir sous le Gal de Gaulle, - 1970, TV = dispositif où neutralité des journalistes, - 1980 : nouvelle manière d’interroger les hommes politique

cf. succès émission L’heure de vérité, 1982 = perçue comme un passage obligé

→ mise en scène théâtralisée de la prestation de l’homme politique.

Cf. Jean-Pierre Esquenazi (TV et démocratie. Le politique à la TV française, 1958-1990, 1999) : “ le politique ne sort pas indemne de ses rencontres avec la TV. La décision politique, le débat politique, le vote même ne sont plus les mêmes aujourd'hui qu’il y a 40 ans ”.

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En 25 ans modifications des procédures d’intervention des hommes politique à la TV : multiples expérimentations des chaînes TV françaises.

Émissions politiques télévisées contraignent gouvernants à :- adopter des stratégies inédites de positionnement, - à intégrer dans leur plan de campagne le média “ TV ”

Invitation sur des plateaux d’émission mêlant information et divertissement : Tout le monde en parle, On ne peut pas plaire àtout monde etc.) = propension à jouer sur la confusion des genres télévisuels.

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Médiocratie

Simplification des discours imposée par : - nécessités de l’audience à la TV - par le système de concurrence

Peu propice aux raisonnements détaillés et aux argumentations : rhétorique médiatique des politique = émotion, direct,

expérience et témoignage + que analyse et raisonnement. Important = contact (cf. Régis Debray, L’État séducteur) dans

vidéopsphère: “ la relation l’emporte sur le contenu et l’énonciation compte plus que l’énoncé ”.

Communication indicielle s’attache à l’image, à la participation et aux affects : cherche à émouvoir et à faire événement.

Rhétorique médiatique = esthétique de la séduction. Campagnes électorales fondées sur :

- éléments visuels et sonores, - gestuelle particulière des candidats (cf. Palo Alto).

Politiques doivent retenir l’attention des citoyen-électeurs et favoriser la culture du sentiment.

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q Le pouvoir des journalistes

Notion d’influence plutôt que de pouvoir : influence ne joue pas sur la contrainte mais sur la persuasion, pouvoir = coercitif.

Le pouvoir de sélection

Pouvoir de définir le champ des questions abordables et recevables au sein d’une société � articulation entre choix objectifs (professionnels) et choix subjectifs.

Le pouvoir de problématisation

Journalistes capables de porter à la connaissance du public les thèmes dont il faut parler (ils pèsent sur l’opinion publique). Cf. fonction d’agenda (porter à l’ordre du jour ce à quoi il faut penser).

Le pouvoir de consécration

Journalistes ont le pouvoir de mettre en valeur certaines personnalités plutôt que d’autres.

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3. Nouvelles techniques de persuasion

n Personnalisation des interventions (forme et fond) :

Car électeur sensible à apparence et aux images retransmises par la TV.

Pour se distinguer de ses concurrents, politique met accent sur : - certains aspects de sa personnalité (jeune, dynamique, entreprenant), - choix de ses costumes, - valorisation de certains de ses centres d’intérêt (la littérature, le sport, la musiq etc.), - se fera photographier en compagnie de son épouse, en train de pratiquer un sport etc.

+ stratégie de “ média planning ” (programmation des interventions et interview : choix du type de journal, de radio ou de chaîne de TV).

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n Théâtralisation de leur comportement

S’inscrivent dans une dramaturgie et une scénographie particulières.

Répertoire figuratif montre qu’ils sont en représentation constante (façade sociale savamment calculée : proposent un spectacle cf. Erving Goffman La mise en scène de la vie quotidienne 1/ présentation de soi, 1973).

Ils apprennent : - à parler sans hésitation devant un micro, - à bien passer à l’écran avec l’aide de spécialistes, souvent journalistes, - à placer la petite phrase qui retiendra l’attention des médias.

“ Média training ” = partie intégrante de l’apprentissage du métier.

Renouvellement de l’apparence et de l’image : participation àcertaines émissions de divertissement, création d’une image-choc etc.

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n Emploi d’une nouvelle rhétorique

Hommes politique = techniciens de la parole, - sont capables de proposer des interventions calibrées en fonction de la demande des journalistes, - d’employer des mots simples, compréhensibles par le plus grand nombre d’auditeurs ou de téléspectateurs.

Études sur élocution et richesse du vocabulaire des candidats àl’élection présidentielles françaises de 1981 :

- élimination des termes compliqués ou jargonnants - contrôle du débit de parole à l’antenne.

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n Interprétation des sondages.

Usage massif et spectaculaire des sondages.

Nécessité de passer à la TV les contraint à tenir compte du verdict des études d’audience : une bonne prestation médiatique pourrait influer sur leur côte de popularité.

Les instituts de sondage et politologues qui commentent les résultats = acteurs de la vie politique.

Cf. Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, 1990 : Propension à publier sondages sur la popularité et la crédibilité des hommes politique entraîne une “ technicisation ” de la politique (de plus en plus tributaire de protocoles d’enquête).

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Tous ces phénomènes se conjuguent pour redéfinir la politique àl’aune de sa médiatisation.

La vie politique se joue de plus en plus sur le terrain de la publicitéet du marketing.

Médias modifient règles traditionnelles du jeu démocratique.

Nécessité de cohérence : adéquation entre l’image montrée et l’image perçue est un impératif absolu car si le public s’aperçoit qu’il y a rupture d’image il se détournera de l’homme politique.

Gestion de image = phénomène essentiel de la médiatisation de la vie politique.

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Cf. Jean-Marie Cotteret, Gouverner c’est paraître, 1991 :

Risque = inégalité de fait entre : - la légitimité élective (qui s’appuie sur le suffrage universel) - la légitimité cathodique (qui repose sur la maîtrise des médias et

sur la communication “ marketing ”).

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q Exemple : l’affiche au service de la propagande de masse :

Lors de la première guerre mondiale, affiches illustrées, dessins, photographies et cinéma se combinent pour porter l’information de masse et donner à la propagande le plus large écho.

Contrôlés par la censure, touchent à tous les thèmes de la mobilisation de masse (rationnement alimentaire, aide aux blessés, aux prisonniers etc.).

Couvrent les murs et les palissades des villes. Images patriotiques et affiches-textes y cohabitent dans une étonnante profusion.

L’affiche de propagande illustrée finit par accompagner le vie quotidienne des français.

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Exemple : portrait officiel du président Mitterrand. Photographie de Gisèle Freund, 1981.

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Contrairement aux personnages de Charles De Gaulle et de GeorgesPompidou, mais comme Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand "nous" regarde.

Cette caractéristique prend son sens par rapport au fait que les deux premiers présidents ont choisi de ne pas regarder le spectateur.

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Le regard droit en opposition au regard porté au loin des deux premiers dit la recherche du contact (fonction phatique), alors que le regard porté au loin exprime la distance et la non-compromission (refus de la fonction phatique) : Charles De Gaulle et Georges Pompidou refusent toute forme d'immédiateté ou d'intimité avec le spectateur.

François Mitterrand est assis devant une bibliothèque bien fournie en livres aux couvertures dorées. Il tient à la main un de ces livres : c'est un lettré. Cette bibliothèque forme un environnement qui valorise le chef de l'État.

Contrairement aux trois présidents Valéry Giscard d'Estaing pose àl'extérieur : cette différence de traitement est fort signifiante (code du décor). Elle connote une certaine liberté vis à vis du protocole, le dépoussiérage des usages ou le refus de l'étiquette, c'est-à-dire la modernité.

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Exemple : l'avènement de la communication politique (1945-65).

Propagande s'adresse au citoyen Elle enjoint de participer au jeu politique.

Le pouvoir se personnalise. De Gaulle occupe tout l'espace, politique et figuratif.

La première élection présidentielle au suffrage universel est marquée par l'apparition du marketing politique (1965).

Le traitement de la photographie, de la mise en page et des couleurs = constitution d'une image de marque,

proche de l'image réelle avec une plus value structurant le message à ‘imposer’.

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Merci de votre attention !